INDU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie
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TÉMOIGNAGES
Le lundi 10 décembre 2018
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour à tous.
Ressentez-vous la fébrilité dans l'air? Je ne parle pas de Noël. Nous devrions tous être fébriles en ce moment. C'est l'avant-dernier groupe de témoins sur le droit d'auteur...
Bienvenue à tous à la 143e séance du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, tandis que nous poursuivons notre examen quinquennal prévu par la loi sur le droit d'auteur.
Aujourd'hui, nous recevons Casey Chisick, associé au sein de Cassels Brock & Blackwell LLP; Michael Geist, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique, faculté de droit, Université d'Ottawa; Ysolde Gendreau, professeure titulaire, faculté de droit, Université de Montréal; puis Bob Tarantino, président, Comité de la politique du droit d'auteur et Catherine Lovrics, vice-présidente, Comité de la politique du droit d'auteur, de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada.
Vous aurez chacun jusqu'à sept minutes pour présenter votre exposé, et je vais vous interrompre après sept minutes, parce que je suis comme ça. Nous passerons ensuite aux questions, car, j'en suis sûr, nous aurons beaucoup de questions à vous poser.
Commençons par M. Chisick.
J'aimerais vous remercier. Vous êtes déjà venu ici une fois et n'avez pas eu la chance de faire ce que vous vouliez faire, donc merci d'être venu de Toronto encore une fois pour nous voir.
Je suis heureux d'être ici. Merci de m'avoir invité de nouveau.
Je m'appelle Casey Chisick et je suis associé au sein de Cassels Brock, à Toronto. Je détiens une certification de spécialiste de la Loi sur le droit d'auteur, et je pratique et j'enseigne dans ce domaine depuis près de 20 ans. J'ai notamment comparu à maintes reprises devant la Commission du droit d'auteur et dans des contrôles judiciaires de décisions de la Commission, dont cinq appels devant la Cour suprême du Canada.
Dans ma pratique, j'agis pour un grand éventail de clients, y compris des artistes, des sociétés de gestion des droits d'auteur, des éditeurs de musique, des universités, des producteurs de films et de télévision, des développeurs de jeux vidéo, des radiodiffuseurs, des services par contournement et bien d'autres clients, mais les points de vue que j'exprime ici aujourd'hui ne sont que les miens.
Tout d'abord, j'aimerais remercier et féliciter le Comité de son dévouement à l'égard de cette tâche importante. Vous avez entendu un bon nombre d'intervenants différents au cours de nombreux mois, et je souscris à une bonne partie de leurs points de vue. Lorsque j'ai été invité à comparaître pour la première fois le mois dernier, j'avais prévu de me concentrer sur la réforme de la Commission du droit d'auteur, mais le train a déjà quitté la gare dans le cadre du projet de loi C-86, donc aujourd'hui, je m'intéresserai un peu plus largement à d'autres aspects de la loi. Je reviendrai toutefois à la Commission vers la fin de ma déclaration.
Pour ce qui est des questions de fond, j'aimerais aborder cinq enjeux particuliers.
Premièrement, je suis d'avis que le Parlement devrait clarifier certaines des nombreuses exceptions, nouvelles et élargies, touchant la violation du droit d'auteur qui ont été introduites dans les amendements de 2012. Certaines de ces exceptions ont causé de la confusion et ont entraîné des litiges inutiles et des conséquences imprévues.
Par exemple, une décision de 2016 de la Commission du droit d'auteur a révélé que des copies de sauvegarde de musique faites par des stations de radio commerciales ont représenté plus de 22 % de la valeur commerciale de toutes les copies faites par les stations de radio. À la suite de l'élargissement de l'exception sur les copies de sauvegarde, la Commission du droit d'auteur a ensuite procédé à la réduction des paiements de redevances des stations d'un pourcentage équivalant à plus de 22 %. Elle a retiré cet argent directement des poches des créateurs et des titulaires de droits, même si, dans ce cas, on avait constaté que les copies avaient une très grande valeur économique.
À mon avis, ce n'est pas le genre d'équilibre que visait le Parlement quand il a présenté l'exception en 2012.
Deuxièmement, la loi devrait être modifiée de manière à ce que les règles d'exonération prévues par la loi pour les intermédiaires Internet fonctionnent comme prévu. Elles doivent n'être à la disposition que des entités réellement passives, et pas à celles de sites ou de services qui jouent des rôles actifs pour faciliter l'accès à du contenu qui viole le droit d'auteur. Je suis d'accord pour dire que les intermédiaires qui ne font rien d'autre que d'offrir les moyens de communication ou le stockage ne devraient pas être responsables de la violation du droit d'auteur, mais trop de services qui ne sont pas passifs, y compris certains services nuagiques et agrégateurs de contenu, s'opposent aux paiements, affirmant qu'ils sont visés par les mêmes exceptions. Dans la mesure où c'est une échappatoire dans la loi, celle-ci devrait être éliminée.
Troisièmement, il importe de clarifier la propriété du droit d'auteur dans des films et des émissions de télévision, surtout parce que la durée du droit d'auteur dans ces oeuvres est très incertaine dans le cadre de l'approche actuelle, mais je n'approuve pas la suggestion selon laquelle les scénaristes ou les réalisateurs devraient être reconnus au même titre que les auteurs. Je n'ai entendu aucune explication convaincante de leurs représentants quant à la raison pour laquelle ce devrait être le cas, ou fait plus important encore, quant à ce qu'ils feraient avec les droits qu'ils cherchent à obtenir si ceux-ci leur étaient accordés.
À mon avis, compte tenu des réalités commerciales de l'industrie, qui s'occupe de cette question depuis des années dans le cadre des conventions collectives, une meilleure solution serait de considérer le producteur comme l'auteur, ou, à tout le moins, le premier détenteur du droit d'auteur, et de traiter en conséquence la durée du droit d'auteur.
Quatrièmement, le Parlement devrait réexaminer les dispositions de réversion de la Loi sur le droit d'auteur. En ce moment, les cessions de droits et les licences exclusives prennent fin automatiquement 25 ans après le décès d'un auteur, et le droit d'auteur revient ensuite à la succession de l'auteur. Jadis, c'était la norme dans de nombreux pays, mais c'est maintenant plus ou moins unique au Canada, et cela peut être très dérangeant dans la pratique.
Imaginez que vous dépensiez des millions de dollars pour transformer un livre en film ou pour fonder une entreprise à partir d'un logo commandé à un graphiste avant de vous réveiller un jour et de découvrir que vous n'avez plus le droit d'utiliser ce matériel sous-jacent au Canada. Il y a des moyens meilleurs, et plus efficaces, de protéger les intérêts des créateurs, dont je représente un grand nombre, sans chambouler du jour au lendemain des entreprises légitimes.
Cinquièmement, la loi devrait fournir une avenue claire et efficace concernant les ordonnances de blocage de sites et de désindexation de sites Web sans égard à la responsabilité des intermédiaires Internet et en surveillant de façon appropriée l'équilibre entre les intérêts concurrentiels des divers intervenants. Même si la Cour suprême a exprimé clairement que ces injonctions peuvent être disponibles en vertu des principes d'équité, l'avenue pour les obtenir est, à mon avis, bien trop longue et coûteuse pour être utile à la plupart des détenteurs de droits. Le Canada devrait suivre l'exemple de bon nombre de ses partenaires commerciaux principaux, y compris le Royaume-Uni et l'Australie, en adoptant un processus plus rationalisé — qui surveille attentivement l'équilibre des intérêts concurrentiels entre les divers intervenants.
Durant le temps qu'il me reste, j'aimerais aborder les initiatives récentes visant à réformer les activités de la Commission du droit d'auteur.
La Commission est essentielle à l'économie créatrice. Les détenteurs de droits, les utilisateurs et le public général comptent tous sur elle pour établir des tarifs justes et équitables aux fins de l'utilisation de matériel protégé. Pour que le marché créatif canadien puisse fonctionner efficacement, la Commission doit faire son travail et rendre ses décisions de façon opportune, efficace et prévisible.
J'ai été heureux de voir les réformes exhaustives apportées dans le projet de loi C-86. Je garde aussi à l'esprit que le projet de loi est bien en voie de devenir une loi, donc ce que je dis ici aujourd'hui n'aura peut-être pas beaucoup d'effets immédiats. Pour cette raison, et faute de temps, je vais juste vous renvoyer au témoignage que j'ai présenté le 21 novembre devant le comité sénatorial des banques. J'aborderai ensuite deux questions particulières.
D'abord, l'introduction de critères obligatoires concernant l'établissement des tarifs, y compris tant l'intérêt public que ce qu'un acheteur consentant paierait à un vendeur consentant, est une très bonne chose. Des critères clairs et explicites devraient déboucher sur un processus tarifaire plus opportun, efficace et prévisible. C'est important, parce que les tarifs imprévisibles peuvent grandement perturber le marché, particulièrement les nouveaux marchés, comme la musique en ligne.
Je m'inquiète du fait que les avantages de la disposition figurant dans le projet de loi C-86 seront minés par son libellé, qui habilite aussi la Commission à examiner « tout autre critère » qu'elle estime approprié. Une telle approche d'ouverture fera en sorte que les parties devront respecter des critères de façon beaucoup plus obligatoire, en plus de choses comme la neutralité et l'équilibre technologiques, que la Cour suprême a introduits en 2015, mais cela ne va pas garantir que la Commission ne rejettera pas simplement les témoignages des parties au profit d'autres facteurs totalement imprévisibles. Cela pourrait augmenter le coût des instances de la Commission, sans qu'il y ait une augmentation correspondante sur les plans de l'efficacité ou de la prévisibilité.
S'il est trop tard pour retirer cette disposition du projet de loi C-86, je suggère que le gouvernement fournisse rapidement une orientation réglementaire quant à la façon dont les critères devraient être appliqués, y compris ce qu'on doit rechercher dans l'analyse des acheteurs et des vendeurs consentants.
Enfin, très brièvement, je crois savoir que certains témoins du Comité ont suggéré que, plutôt que de le faire de façon volontaire, comme la loi le prévoit actuellement, les sociétés de gestion collective devraient être tenues de déposer leurs contrats de licence auprès de la Commission du droit d'auteur. Je suis d'accord pour dire que le fait d'avoir accès à des contrats pertinents pourrait aider la Commission à brosser un tableau plus complet des marchés qu'elle réglemente. C'est un objectif louable.
Toutefois, il y a aussi un contrepoids important à prendre en considération: les utilisateurs pourraient être réticents à conclure des contrats avec des sociétés de gestion collective s'ils savent que ceux-ci seront déposés auprès de la Commission du droit d'auteur et qu'ils finiront donc par appartenir au domaine public. Bien sûr, on s'inquiéterait du fait que les services sur le marché fonctionnent dans un environnement très compétitif. La dernière chose que nous voulons, c'est communiquer à tous les modalités de leurs contrats confidentiels, y compris à leurs compétiteurs. Je peux en dire davantage à ce sujet durant la période de questions et de réponses qui suivra.
Merci de votre attention. J'ai hâte de répondre à vos questions.
Bonjour. Je m'appelle Michael Geist et je suis professeur en droit à l'Université d'Ottawa, où je détiens la Chaire de recherche du Canada en droit d'Internet et du commerce électronique et où je suis membre du Centre de recherche en droit, technologie, et société. Je comparais aujourd'hui à titre personnel comme chercheur indépendant, représentant uniquement mes propres points de vue.
J'ai suivi de très près le travail du Comité et j'ai beaucoup de choses à dire au sujet de la réforme du droit d'auteur au Canada. Compte tenu du temps limité, j'aimerais toutefois souligner rapidement cinq enjeux: la reproduction à des fins éducatives, le blocage de sites, le prétendu écart de valeur, les effets des dispositions sur le droit d'auteur dans l'Accord Canada-États-Unis-Mexique, ou l'ACEUM, et les réformes possibles à l'appui de la Stratégie d'innovation du Canada. Mon mémoire à l'intention du Comité renferme des liens vers des dizaines d'articles que j'ai écrits sur ces enjeux.
Premièrement, par rapport à la reproduction à des fins éducatives, nonobstant l'affirmation souvent entendue selon laquelle les réformes de 2012 sont à blâmer pour les pratiques éducatives actuelles, la réalité, c'est que la situation actuelle a peu à voir avec l'inclusion de l'éducation comme fin d'utilisation équitable. Vous n'avez pas besoin de me prendre au mot. Access Copyright a été invité par la Commission du droit d'auteur en 2016 à décrire les répercussions du changement juridique. L'organisation a dit à la Commission que la réforme juridique n'avait pas changé l'effet de la loi. Elle a plutôt affirmé qu'elle n'avait que codifié la loi existante telle qu'elle est interprétée par la Cour suprême.
En outre, la prétention de 600 millions de copies non rémunérées qui repose au coeur des allégations de reproductions déloyales est le résultat d'estimations dépassées qui utilisent des données vieilles de dizaines d'années et des hypothèses profondément suspectes. La majorité des 600 millions ou 380 millions, concerne des enfants de la maternelle à la 12e année qui copient des données remontant à 2005. Il y a quelques années, la Commission du droit d'auteur a fait une mise en garde selon laquelle les données des études étaient tellement vieilles qu'elles pourraient ne pas être représentatives. Les 220 millions qui restent proviennent d'une étude de l'Université York, et une bonne partie est aussi vieille que les données des enfants de la maternelle à la 12e année. Peu importe l'âge des données, toutefois, l'extrapolation de quelques vieilles données de reproduction d'une seule université au pays entier ne fournit pas une estimation crédible.
En fait, le Comité a reçu des données abondantes sur l'état de la reproduction à des fins éducatives, et je ferais valoir que c'est sans équivoque. Les jours des notes de cours imprimées ont grandement disparu au profit de l'accès numérique. À mesure que les universités et les collèges adoptent des systèmes de gestion des cours numériques, le contenu utilisé change également. Une étude d'Access Copyright dans des collèges canadiens a révélé que les livres ne formaient que 35 % des documents. De plus, le nombre de reproductions qui sont faites au sein de ces systèmes de gestion des cours est de beaucoup inférieur à ce qui est imprimé.
Ce qui est sans doute plus important encore, c'est que le système de gestion de cours permet l'intégration des livres électroniques autorisés, de documents en libre accès et d'hyperliens vers d'autres contenus. À l'Université d'Ottawa, on retrouve maintenant 1,4 million de livres électroniques autorisés, dont bon nombre supposent des licences perpétuelles, qui n'exigent aucun autre paiement et qui peuvent être utilisés pour les cours. De plus, les gouvernements ont investi des dizaines de millions de dollars dans des ressources pédagogiques en libre accès et les établissements d'enseignement continuent de dépenser chaque année des millions de dollars pour des licences transactionnelles de paiement à l'utilisation, même quand ces écoles détiennent une licence collective.
Ce que cela veut dire, c'est que l'abandon de la licence d'Access Copyright ne repose pas sur l'utilisation équitable. Il reflète plutôt l'adoption de licences qui fournissent des droits d'accès et de reproduction. Ces licences donnent aux universités l'accès au contenu et la capacité de l'utiliser dans leurs cours. La licence d'Access Copyright offre bien moins de choses, n'accordant seulement que des droits de reproduction pour des documents déjà acquis. Par conséquent, les efforts visant à forcer la licence d'Access Copyright dans les établissements d'enseignement, en limitant l'utilisation équitable ou en mettant en oeuvre une réforme sur les dommages-intérêts préétablis, devraient être abandonnés. La perspective de limiter l'utilisation équitable représenterait un pas en arrière au chapitre de l'innovation et de l'éducation et irait à l'encontre de l'expérience acquise, au cours des six dernières années, en matière d'accroissement des licences, de l'innovation et des choix pour les auteurs et les utilisateurs à des fins éducatives.
En ce qui concerne les dommages-intérêts préétablis, les défenseurs font valoir qu'une escalade massive du coût des dommages-intérêts possibles est nécessaire pour avoir un effet dissuasif et promouvoir des négociations de règlement, mais il n'y a personne à dissuader. Les établissements d'enseignement investissent dans des licences à des niveaux record. La promotion de négociations de règlement ne représente rien de plus que l'augmentation des risques juridiques pour les étudiants et les établissements d'enseignement.
Deuxièmement, par rapport au blocage de sites, le Comité a entendu plusieurs témoins qui ont demandé l'inclusion d'une disposition explicite sur le blocage de sites dans la Loi sur le droit d'auteur. Je crois que ce serait une erreur. D'abord, l'instance du CRTC sur le blocage de sites plus tôt cette année a entraîné des milliers de mémoires révélant de graves problèmes dans la pratique, y compris du Rapporteur spécial des Nations unies pour la liberté d'expression, qui a soulevé des préoccupations en matière de liberté d'expression, et de groupes techniques qui ont cité des risques de blocage excessif et de violation de la neutralité du Net. Ensuite, même si on appuie le blocage de sites, la réalité, c'est qu'il existe déjà en vertu de la Loi, comme nous l'avons vu dans l'arrêt Google c. Equustek de la Cour suprême.
Troisièmement, par rapport à l'écart de valeur, deux enjeux ne sont pas contestés ici. D'abord, l'industrie de la musique attire des revenus record en raison de la diffusion en continu sur Internet. Ensuite, les services d'abonnement à la diffusion en continu paient davantage les créateurs que ceux qui reposent sur les publicités. En ce qui concerne l'examen du droit d'auteur, on se demande si la Loi sur le droit d'auteur du Canada a quoi que ce soit à voir avec cela. La réponse est non.
La notion d'un écart de valeur est fondée sur certaines plateformes ou certains services qui profitent de la Loi pour négocier des tarifs plus bas. Ces règles, comme le régime d'avis et de retrait, n'existent pas en vertu des lois sur le droit d'auteur du Canada. Le Comité en a parlé au cours de la dernière réunion. Cela aide à expliquer pourquoi l'industrie demande au Comité de miser plutôt sur l'argent des contribuables, comme les nouvelles taxes sur les iPhones. Je crois que ces demandes devraient être rejetées.
Quatrièmement, ce sont les répercussions de l'ACEUM. Les dispositions sur le droit d'auteur dans ce nouvel accord commercial modifient de façon importante l'équilibre du droit d'auteur en prolongeant de 20 ans la durée du droit d'auteur, une réforme à laquelle le Canada s'est, avec raison, opposé. Ainsi, l'Accord représente d'importantes retombées qui pourraient engendrer des centaines de millions de dollars pour les titulaires de droit et créer le besoin de recalibrer la Loi sur le droit d'auteur du Canada afin de rétablir l'équilibre.
Enfin, des réformes importantes contribueraient à faire avancer la Stratégie d'innovation du Canada, par exemple une plus grande flexibilité en ce qui a trait à l'utilisation équitable. La soi-disant approche qui consiste à donner l'exemple ferait en sorte que la liste actuelle des fins de l'utilisation équitable serait illustrative, plutôt qu'exhaustive, et mettrait les innovateurs canadiens sur un même pied d'égalité que les pays qui font une utilisation efficace, comme les États-Unis. Cette réforme maintiendrait tout de même l'analyse complète de l'équité, ainsi que la jurisprudence existante, afin de réduire au minimum l'incertitude. À titre subsidiaire, une exception concernant l'analyse de l'information ou l'extraction de textes et de données est désespérément requise par le secteur de l'intelligence artificielle.
Le Canada devrait aussi établir de nouvelles exceptions pour nos règles sur les verrous numériques, qui sont parmi les plus restrictives au monde. Les entreprises canadiennes sont désavantagées par rapport aux États-Unis, y compris le secteur agricole, où les agriculteurs canadiens ne jouissent pas des mêmes droits que ceux des États-Unis.
De plus, étant donné le soutien du présent gouvernement à un gouvernement ouvert — y compris son récent financement de nouvelles locales visées par des licences Creative Commons et son soutien d'un logiciel ouvert — je crois que le Comité devrait recommander l'examen des restrictions imposées au droit d'auteur par un gouvernement ouvert en éliminant la disposition sur le droit d'auteur de la Couronne de la Loi sur le droit d'auteur.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Merci beaucoup. Vous êtes tout à fait dans les temps.
[Français]
Madame Gendreau, vous avez sept minutes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie d'avoir accepté de m'entendre.
Je m'appelle Ysolde Gendreau et je suis professeure titulaire à la Faculté de droit de l'Université de Montréal.
Depuis mes études de maîtrise, je me suis spécialisée en droit d'auteur — je suis la première au Canada à avoir fait un doctorat en la matière. À de rares exceptions près, mes publications ont toujours porté sur ce domaine de droit. Je comparais ici à titre purement personnel.
Permettez-moi de vous lire un extrait des discussions de la Conférence de révision de la Convention de Berne, tenue à Rome, en 1928, qui ont porté sur le droit de radiodiffusion reconnu par l'article 11bis.
Les commentaires sur ce texte disaient:
Dans le premier alinéa, l'article [...] confirme énergiquement le droit de l'auteur; dans le second, il laisse aux lois nationales la faculté de régler les conditions d'exercice du droit en question, tout en admettant qu'en considération de l'intérêt public général de l'État, des limitations au droit d'auteur peuvent être établies; mais il est entendu qu'un Pays ne doit faire usage de la possibilité d'introduire de telles limitations que dans le cas où leur nécessité a été constatée par l'expérience de ce Pays-même; ces limitations ne peuvent en tout cas pas amoindrir le droit moral de l'auteur; elles ne peuvent non plus porter atteinte à son droit à une rémunération équitable qui serait établie soit à l'amiable, soit, faute d'accord, par les autorités compétentes.
Le principe de cet article de 1928 demeure aujourd'hui.
Les acteurs économiques qui bénéficiaient de la radiodiffusion des oeuvres, c'est-à-dire les radiodiffuseurs, et qui se voyaient imposer une responsabilité à cette époque en étaient-ils heureux? Bien sûr que non. Aujourd'hui, les acteurs économiques qui bénéficient de la diffusion des oeuvres sur Internet continuent de résister à l'imposition d'une responsabilité liée au droit d'auteur.
Il n'est pas nécessaire d'attendre 90 ans pour en arriver au consensus qui a cours dans le monde de la radiodiffusion. Même 20 ans plus tard, en 1948, on ne sourcillait plus à voir les radiodiffuseurs payer pour les oeuvres qu'ils utilisaient. Dans l'avenir, la résistance de l'industrie numérique des communications d'aujourd'hui sera jugée tout aussi insensée que celle des radiodiffuseurs il y a 90 ans, si on agit.
[Traduction]
J'aimerais maintenant attirer votre attention sur des questions liées à l'application en ce qui concerne l'Internet. Puisqu'il est associé au droit de communiquer, le droit de mise à disposition fait désormais partie du régime général qui régit ce droit de communiquer. Toutefois, des dispositions supplémentaires ont généré des antinomies qui inhibent le nouveau droit des conséquences réelles de sa reconnaissance. Voici des exemples, que je ne m'attends pas à ce que vous lisiez à mesure que je les nomme, mais je vous les montre maintenant, parce que j'y ferai référence de façon générale plus tard.
En fonction de la responsabilité générale des fournisseurs de services Internet, pour qu'un fournisseur de services soit tenu responsable, il doit y avoir une réelle violation d'une oeuvre. Cette condition est renforcée par une disposition sur les dommages-intérêts. La disposition sur l'hébergement prévoit également une violation réelle d'une oeuvre, cette fois-ci reconnue par une décision du tribunal afin d'engager la responsabilité d'un fournisseur de solutions d'hébergement. Notre exception CGU, condition générale d'utilisation, qui est bien connue, repose fortement sur l'utilisation d'une seule oeuvre ou de très peu d'oeuvres par une seule personne à qui le titulaire de droit d'auteur va affirmer que l'exception ne s'applique pas. Dans le cadre des dispositions sur les dommages-intérêts, plusieurs paragraphes limitent grandement l'intérêt d'un titulaire de droit d'auteur de se prévaloir de ce mécanisme. Une de ces dispositions se répercute même sur d'autres titulaires de droit d'auteur qui bénéficieraient de droits de recours semblables. Bien sûr, nos dispositions relatives au régime d'avis et avis reposent encore une fois sur la délivrance d'un avis à un contrevenant unique par un titulaire de droit d'auteur.
Les objectifs fonctionnels de ces dispositions sont tout à fait contraires à l'environnement actuel dans lequel ils sont censés fonctionner. Confrontée à des utilisations massives des oeuvres, la gestion collective a démarré au XIXe siècle précisément parce que le fait d'avoir gain de cause contre un utilisateur unique était perçu comme un coup d'épée dans l'eau. L'Internet correspond à un phénomène beaucoup plus vaste de l'utilisation de masse, et pourtant, notre Loi sur le droit d'auteur s'est repliée sur le modèle de l'application individuelle. Cette approche prévue par la loi est tout à fait illogique et mine grandement la crédibilité de toute politique du droit d'auteur axée sur le phénomène Internet.
Comme vous l'avez peut-être vu, les textes auxquels je fais allusion sont très volumineux, et bon nombre d'entre eux reposent sur des conditions qui défavorisent les titulaires de droit d'auteur. Imaginez seulement combien de temps il faut attendre pour obtenir un jugement avant d'utiliser l'article 31.1 ou à quel point il est difficile pour un titulaire de droit d'auteur d'affirmer que la diffusion d'une nouvelle oeuvre a, en réalité, « un effet négatif important, pécuniaire ou autre, sur l'exploitation — actuelle ou éventuelle — » de l'oeuvre. Ces dispositions s'appuient sur des conditions irréalistes qui ne peuvent entraîner que des abus par leurs bénéficiaires.
La direction qu'a empruntée notre Loi sur le droit d'auteur en 2012 va à l'encontre de l'objet même qu'elle était censée exploiter. La réponse à l'utilisation de masse ne peut être que la gestion de masse — c'est-à-dire la gestion collective — d'une façon qui doit correspondre à l'ampleur du phénomène. La disparition du régime de copie privée dans les amendements de 2012, par la décision délibérée de ne pas le moderniser, allait dans le sens de cette approche malavisée de l'application individuelle du droit d'auteur sur Internet.
[Français]
Dans le temps qui m'est imparti, il m'est impossible de soulever des points qui devraient logiquement accompagner ces commentaires, mais vous voudrez peut-être profiter de la période de questions pour obtenir plus de détails. Il me fera plaisir de vous les fournir.
Je vous remercie de votre attention.
Merci beaucoup.
[Traduction]
Enfin, passons à l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada.
Monsieur Tarantino.
Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Bob Tarantino et je suis accompagné de Catherine Lovrics. Nous sommes ici en notre capacité d'ancien président et de présidente actuelle, respectivement, du Comité de la politique du droit d'auteur de l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. C'est en cette qualité que nous prenons la parole aujourd'hui, et non au nom des cabinets d'avocats auxquels nous sommes associés ni au nom de l'un de nos clients.
Nous vous remercions d'avoir invité l'IPIC à présenter les recommandations de notre comité en ce qui concerne l'examen obligatoire de la Loi sur le droit d'auteur.
L'IPIC est l'association professionnelle canadienne des agents de brevets, des agents de marques de commerce et des avocats en droit de propriété intellectuelle. L'IPIC représente le point de vue des professionnels canadiens de la PI, et, dans les mémoires que nous avons transmis au Comité, nous nous sommes efforcés de représenter, de la façon la plus équilibrée possible, la diversité des points de vue qui existe parmi les juristes spécialisés dans le droit d'auteur.
Vous avez reçu les mémoires de notre comité, de sorte que dans cette présentation, je mettrai l'accent uniquement sur quelques recommandations qu'ils contiennent. Cela dit, j'aimerais fournir un cadre pour nos commentaires qu'il me semble important de garder à l'esprit pendant les délibérations du Comité, à savoir la nécessité d'élaborer des politiques fondées sur des données probantes. Le préambule de la Loi sur la modernisation du droit d'auteur de 2012 décrivait comme suit l'un des buts de sa modification: « favorise[r] la culture ainsi que l'innovation, la concurrence et l'investissement dans l'économie canadienne ».
Il reste cependant à déterminer dans quelle mesure les buts visés — quels qu'ils soient — ont été atteints grâce aux changements apportés à la Loi en 2012. Il y a peu de données empiriques accessibles au public sur les effets de la réforme du droit d'auteur, voire aucune. Nous recommandons que ce travail commence maintenant, en prévision du projet d'examen obligatoire de la Loi, de façon à nous assurer que la réforme du droit d'auteur se base sur des données rigoureuses, transparentes et valides sur les résultats que la réforme a déjà permis d'obtenir, le cas échéant. Le Parlement doit définir ce qui constituerait une réussite de la réforme, imposer un financement aux fins de la collecte de données qui satisfont aux critères de la réussite et veiller à ce que les données soient accessibles au public.
Comme nous l'avons indiqué dans notre mémoire, nous pensons que certaines retouches faciles et précises peuvent être apportées à la Loi, lesquelles faciliteront les transactions de droit d'auteur, notamment le fait de permettre la cession de droit d'auteur sur les oeuvre futures et la clarification des droits des cotitulaires. Dans le reste de mes observations, je soulignerai les recommandations d'ordre plus général, dont chacune devrait être mise en oeuvre de façon à respecter les droits et les intérêts des auteurs et des titulaires du droit d'auteur, des intermédiaires, des utilisateurs et du grand public.
En ce qui concerne les données et les bases de données, il est maintenant banal de dire qu'une valeur commerciale croissante est attribuée aux données et aux bases de données. Toutefois, le fondement juridique actuel pour leur accorder la protection du droit d'auteur demeure incertain. Il faut envisager des modifications qui établissent un équilibre entre les investissements importants consacrés à la création des bases de données, tout en évitant de créer involontairement des monopoles sur les faits particuliers qu'elles contiennent ou de fausser la concurrence sur des marchés basés sur des faits. Une manière d'aborder cette question sur laquelle nous attirons votre attention est la forme de protection sui generis prévue par l'Union européenne pour les bases de données.
En ce qui concerne l'intelligence artificielle et l'exploration de données, poursuivant sur le thème de l'incertitude, nous dirons que le rapport entre droit d'auteur et intelligence artificielle (IA) demeure obscur. Le développement de l'apprentissage machine et du traitement du langage naturel repose souvent sur les grandes quantités de données requises pour former les systèmes d'IA, un processus que l'on appelle « exploration de données ». En général, ces techniques nécessitent la copie d'oeuvres protégées par le droit d'auteur et elles peuvent nécessiter l'accès à de vastes ensembles de données qui peuvent également être protégés par le droit d'auteur.
Nous recommandons que le Comité étudie les exigences en matière d'exploration de textes et de données dans le contexte de l'IA. Nous vous invitons en particulier à lire les modifications adoptées au Royaume-Uni qui permettent la copie aux fins de l'analyse informatique.
Corollairement, il n'est pas évident de décider d'octroyer la protection au titre du droit d'auteur à des oeuvres créées à l'aide de l'IA compte tenu de l'exigence d'originalité et de la nécessité de rattachement de l'oeuvre à une personne humaine. Une solution possible consisterait à accorder une protection au titre du droit d'auteur aux oeuvres créées sans auteur humain dans certaines circonstances, et là encore, nous vous renvoyons vers les dispositions continues dans la loi sur le droit d'auteur mise en oeuvre au Royaume-Uni et vers l'approche adoptée par la Loi pour les créateurs en ce qui concerne les enregistrements sonores.
Pour ce qui est de l'exemption tarifaire de 1,25 million de dollars pour les radiodiffuseurs, la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus publicitaires gagnés par les radiodiffuseurs commerciaux est exemptée des tarifs approuvés par la Commission du droit d'auteur à l'égard des prestations et des enregistrements sonores des artistes-interprètes, sauf un paiement nominal de 100 $. Autrement dit, sur la première tranche de 1,25 million de dollars de revenus publicitaires gagnés par un radiodiffuseur commercial, seulement 100 $ sont versés aux interprètes et aux propriétaires d'enregistrements sonores. En revanche, les auteurs-compositeurs et les éditeurs de musique perçoivent des paiements pour chaque dollar gagné par le radiodiffuseur. L'exemption est une subvention inutile aux radiodiffuseurs aux dépens des artistes-interprètes et des propriétaires d'enregistrements sonores, et elle devrait être supprimée.
Par rapport aux mesures injonctives contre les intermédiaires, les intermédiaires de l'Internet qui facilitent l'accès aux documents contrefaits sont les mieux placés pour réduire les dommages causés par la distribution en ligne non autorisée d'oeuvres protégées par le droit d'auteur. Ce principe, qui figure dans la directive européenne sur le droit d'auteur, a permis aux titulaires de droit d'auteur d'obtenir une injonction contre les intermédiaires dont les services sont utilisés pour violer le droit d'auteur.
La Loi devrait être modifiée pour permettre expressément aux titulaires de droit d'auteur d'obtenir des injonctions telles que des ordonnances de blocage et de désindexation de sites contre des intermédiaires. Cette recommandation est soutenue par un large éventail d'intervenants canadiens, y compris les FSI. En outre, plus d'une décennie d'expériences dans plus de 40 pays démontre que le blocage de sites est un outil important, éprouvé et efficace pour aider à réduire l'accès aux contenus en ligne portant atteinte au droit d'auteur.
Je tiens à vous remercier une fois de plus d'avoir invité l'IPIC à vous présenter ces observations aujourd'hui.
Nous serons ravis de répondre à vos questions au sujet de notre mémoire.
Merci beaucoup.
Nous allons passer directement aux questions, en commençant par M. David Graham.
Vous avez sept minutes, monsieur.
J'ai assez de questions pour faire le tour. Ça ressemblera peut-être un peu au jeu de la taupe.
Nous avons un peu parlé de la nécessité d'adopter essentiellement l'application collective, plutôt que l'application individuelle du droit d'auteur, parce que ce n'est plus gérable. Comment l'application collective du droit d'auteur peut-elle fonctionner sans juste donner les moyens aux grands utilisateurs et aux détenteurs de piétiner les utilisateurs et les petits producteurs?
La difficulté que sous-tend votre question, c'est que les gens ont tendance à voir l'administration collective du droit d'auteur comme une affaire de grandes sociétés. Ils ont tendance à oublier que derrière les organisations de gestion collective, ou les sociétés collectives, se trouvent des personnes réelles. La gestion collective des droits pour ces personnes n'est en fait que la seule solution pour qu'elles puissent s'assurer de recevoir une certaine forme de rémunération dans ce type d'environnement de masse, et elles ont en fait besoin de se réunir pour se défendre contre les GAFA. C'est la question dont personne ne parle. Nous savons qu'énormément d'argent est détourné du pays, parce qu'il n'y a pas assez de gens participant aux activités qui consistent à rendre toutes ces oeuvres accessibles au public et payant leur juste part de ce type de matériel.
Ce type de gestion est possible. La Loi comporte assez de mesures de protection, tout comme la Loi sur la concurrence, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas d'abus.
Parlant d'abus, nous le voyons certainement. Des représentants de Google et de Facebook étaient ici il y a quelques semaines et ils ont avoué n'avoir examiné que les grands détenteurs de droit d'auteurs lorsqu'ils ont créé leur système d'application de la loi. Ils avouent ne pas se soucier des exemptions canadiennes dans le cadre de l'utilisation équitable. L'abus est déjà présent.
Je ne vois pas comment l'élimination des mesures de protection pour les personnes va permettre d'améliorer cette situation.
Je ne dis pas que nous devrions éliminer les mesures de protection des personnes. Je dis juste que, quand on regarde tout cela à l'échelle mondiale, tout le monde devrait payer sa juste part de l'utilisation des oeuvres. J'ai du mal à imaginer que des gens qui sont prêts à payer 500 $ et plus pour un iPhone trouveraient nuisible de payer en plus... Je ne veux certainement pas être liée par le chiffre que nous pourrions imaginer, quel qu'il soit. Nous dirions que cela va les empêcher de s'exprimer librement ou d'accéder à l'oeuvre. Même si on n'ajoutait aucune somme au prix d'un iPhone ou d'un autre équipement, étant donné la marge bénéficiaire sur ces produits, c'est quelque chose qui ne mènera certainement pas ces entreprises à la faillite.
Je vois l'avènement d'un meilleur fonctionnement du système de gestion collective comme quelque chose qui pourrait en fait protéger les personnes.
Je n'ai pas beaucoup de temps, donc je vais passer à autre chose.
Monsieur Geist, j'ai mentionné le témoignage de Facebook et de Google il y a une minute, quand ces sociétés ont souligné qu'elles ne font pas d'efforts pour faire appliquer l'utilisation équitable. Vous connaissez bien cette situation. Avez-vous des commentaires ou des opinions à ce sujet issus de votre expérience?
Oui, c'est une source de frustration importante. En fait, j'ai vécu une expérience personnelle avec ma fille, qui a créé une vidéo après avoir participé à un programme qui s'appelle la Marche des vivants, dans le cadre duquel elle est allée dans des camps de concentration en Europe, puis en Israël. Puisqu'elle fait partie de la collectivité d'Ottawa, elle a interrogé tous les divers participants qui l'accompagnaient et a créé une vidéo qui allait être présentée ici à 500 personnes. Une musique de fond accompagnait les entrevues. La vidéo a été mise en ligne sur YouTube, et le jour où elle devait être présentée, le son a été entièrement mis en sourdine, parce que le contenu du système d'identification avait repéré cette bande sonore particulière.
On a été en mesure de régler le problème, mais si ce n'est pas un exemple classique de ce que le contenu non commercial généré par les utilisateurs est censé protéger, je ne sais pas ce que c'est. Le fait que Google n'ait pas essayé de veiller à ce que la disposition sur le CGU que Mme Gendreau a mentionnée, qui, comme cet exemple l'illustre, offre une énorme possibilité de liberté d'expression pour beaucoup de Canadiens, est pour moi non seulement décevant, mais c'est aussi un réel problème.
Monsieur Chisick, j'ai aussi une question pour vous.
Vous avez mentionné la proportion de 22 % de la valeur des copies de sauvegarde pour les radiodiffuseurs. Si ce sont de réelles copies de sauvegarde, quel est le problème?
Le problème est le suivant. La Commission du droit d'auteur a effectué une évaluation globale de toutes les copies utilisées par les radiodiffuseurs. Elle a déterminé que si elle était forcée d'attribuer une valeur aux différents types de copies, une certaine valeur serait attribuée aux copies de sauvegarde, une certaine valeur serait accordée aux principales copies du système d'automatisation, et ainsi de suite, jusqu'à ce que vous obteniez 100 %.
La Commission du droit d'auteur a conclu que 22 % de cette valeur était attribuée aux copies de sauvegarde. Autrement dit, les stations de radio tirent une valeur commerciale des copies qu'elles produisent, et 22 % de cette valeur est attribuée aux copies de sauvegarde. Par conséquent, ces copies de sauvegarde ont une grande valeur commerciale; pourtant, la Commission du droit d'auteur s'est sentie obligée, en vertu de l'exception élargie touchant les copies de sauvegarde, de retirer cette valeur des redevances versées aux titulaires de droit d'auteur.
Maintenant, si c'était une interprétation correcte de l'exception sur les copies de sauvegarde, la Commission du droit d'auteur pourrait n'avoir aucun autre choix que de faire ce qu'elle a fait. Mon argument, c'est simplement que l'intention de ces exceptions ne doit pas être d'exempter les grands intérêts commerciaux de payer des redevances pour des copies dont ils tirent eux-mêmes une valeur commerciale importante. C'est pour moi un exemple d'un système d'exemptions qui est détraqué dans le grand système d'équilibre entre les intérêts des titulaires de droit d'auteur, les utilisateurs et l'intérêt public.
Il me reste seulement 30 secondes, mais j'essaie de comprendre ce dont on parle, parce que vous avez soulevé un point important au sujet de l'argent qui n'est pas dépensé sur... Si on n'utilise pas la copie principale ou la copie de sauvegarde pour diffuser quelque chose, quelle est la différence?
Nous avons toujours eu le droit de modifier le format. Si j'achète quelque chose que je convertis pour mon ordinateur pour ensuite le diffuser, c'est une copie de sauvegarde, et si on ajoute une valeur pécuniaire... Je ne réussis pas vraiment à comprendre tous les rouages.
Je comprends la question.
Il faudrait réaliser un examen des tarifs de radiodiffusion de la Commission du droit d'auteur sur les 20 dernières années, ce que, évidemment, nous n'avons pas le temps de faire ici, mais ce qui est important, c'est que, jusqu'en 2016, les radiodiffuseurs payaient un certain montant pour toutes les copies qui étaient faites. C'est seulement en 2016, après l'entrée en vigueur des modifications de 2012, que la Commission du droit d'auteur a décidé qu'elle devait examiner de près ces copies afin de déterminer la valeur de chacune. C'est à ce moment-là que l'exception des 22 % a été mise en place.
Votre point est valide, parce que rien n'a changé. L'approche des stations de radio en matière de copie de la musique n'a pas changé. La valeur qu'elles tirent des copies n'a pas changé. La seule chose qui a changé, c'est l'introduction d'une exception, qui, selon la Commission du droit d'auteur, devait mener inexorablement à une réduction des redevances.
C'est ce à quoi je réagis, et ma suggestion au Comité, c'est qu'il faudrait revoir ça.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins de leur témoignage aujourd'hui.
Au cours des dernières semaines, nous avons rencontré divers témoins favorables à une modification de notre approche en matière de droit d'auteur, de façon à adopter un modèle plus américain, un système d'usage équitable. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Quels sont les avantages liés au fait de se tourner vers le modèle américain d'usage équitable? Que devrait-on retenir et à quoi devrait-on faire très attention?
Ma question est destinée à n'importe quel témoin.
Je vais commencer par répéter les raisons pour lesquelles je crois que c'est une bonne idée, même si, selon moi, il faut non pas tout simplement adopter la disposition américaine en matière d'usage équitable, mais plutôt utiliser, comme je l'ai mentionné, une approche misant sur l'expression « tels que » et faire des fins d'utilisation équitable actuelles une liste à des fins d'illustration plutôt qu'une liste exhaustive.
Selon moi, on aurait ici l'avantage de pouvoir s'appuyer sur notre propre jurisprudence — puisqu'elle tient compte de la façon dont on s'est rendu à la situation actuelle — plutôt que d'avoir à tout recommencer à zéro, tout en constituant une approche beaucoup plus neutre sur le plan technologique. Plutôt que de prévoir un processus quinquennal en vertu duquel les gens se présenteraient pour dire qu'il faut tenir compte de l'intelligence artificielle ou d'un autre nouvel enjeu, ce genre de dispositions a la capacité de s'adapter au fil du temps. Nous constatons que beaucoup de pays procèdent de cette façon.
Pour terminer, j'aimerais souligner que, ce qui est important, ici, qu'on parle d'utilisation équitable ou d'usage équitable, c'est le caractère équitable. L'analyse qui permet de déterminer si une utilisation est équitable ou non ne change pas, qu'on mise sur une liste à titre d'illustration ou une liste exhaustive. C'est ça, l'important: examiner ce qui est copié et évaluer si c'est équitable. Les fins visées ne sont qu'un petit aspect du tout, mais, en limitant la liste, on se fige dans le temps, à un moment précis, et on ne peut pas s'adapter aussi facilement aux changements technologiques.
Si vous me permettez, je suis d'accord avec M. Geist: l'aspect le plus important de l'analyse de l'utilisation équitable, c'est de loin la détermination du caractère équitable, mais il y a une raison pour laquelle le Canada et la vaste majorité des pays à l'échelle internationale maintiennent un système fondé sur l'utilisation équitable. Il y a seulement — la dernière fois que j'ai vérifié — trois ou quatre administrations dans le monde — les États-Unis, évidemment, Israël et les Philippines — qui misent plutôt sur un système d'usage équitable.
La plupart des administrations à l'échelle internationale ont adopté la notion d'utilisation équitable, et ce n'est pas pour rien. C'est parce que les gouvernements veulent se réserver le droit, de temps en temps, d'évaluer le genre de choses qui, lorsqu'on regarde la situation dans son ensemble, peuvent constituer des exceptions accordées dans les cas d'utilisation équitable. Si on ouvre tout simplement les catégories à un peu tout et n'importe quoi, la prévisibilité d'un tel système est grandement réduite, et il devient beaucoup plus difficile pour les intervenants et les responsables du système de droit d'auteur de gérer tout ça. Il devient plus difficile de savoir ce qui sera considéré comme une utilisation équitable et ce qui sera jugé admissible à cet égard et de prévoir en conséquence.
De façon générale, le Canada a fait preuve d'une bonne sensibilité à l'égard de ces enjeux. Les catégories liées à l'utilisation équitable, évidemment, ont été élargies en 2012 et elles le seront peut-être à nouveau à l'avenir lorsque le gouvernement le jugera bon, mais je crois que le fait de les élargir pour inclure à peu près toutes les utilisations potentielles risque d'aller trop loin.
Je suis contre l'idée d'adopter une exception dans les cas d'usage équitable, et ce, pour diverses raisons.
Premièrement, je crois que, en réalité, ce qu'on a à l'heure actuelle se rapproche déjà beaucoup du système américain. Nous avons des fins qui sont extrêmement similaires aux fins d'usage équitable. Nous avons des critères qui paraphrasent les critères liés à l'usage équitable, et je ne crois pas qu'il y a une grande différence du point de vue des résultats. Ce qui se produit, cependant, c'est que, pour ce qui est des exemples que nous avons, ils ne sont pas assortis de la mention « tels que ». Je vois là une pente très glissante. « Tels que » ne signifie pas que tout est équitable et devrait vouloir dire qu'il faut s'en tenir aux choses énumérées en tant qu'utilisations possibles, et c'est déjà ce que propose notre système grâce à l'exception pour l'utilisation équitable.
Deuxièmement, bon nombre des exceptions pour usage équitable aux États-Unis ont mené à des résultats qui sont extrêmement difficiles à concilier avec un tel système d'usage équitable. Il y a beaucoup de critiques, et, pour terminer, pour qu'un système d'usage équitable fonctionne à la hauteur de ce que les gens envisagent, il faudrait avoir une société très portée sur les litiges. Nous représentons environ le dixième de la population américaine. Nous n'avons pas le même genre d'attitude procédurière qu'aux États-Unis, et je crois que c'est un facteur important dont il faut tenir compte afin de ne pas créer d'incertitude.
Merci.
Monsieur le président, j'aimerais donner le temps qu'il me reste à M. Lloyd, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.
Merci, monsieur le président.
Merci aux témoins aujourd'hui.
J'ai deux ou trois questions rapides pour M. Chisick. J'aurais aimé que vous participiez tous plus tôt à l'étude. Vous nous auriez aidés à circonscrire le débat de façon un peu plus précise.
L'un des points que vous avez soulevés concernait l'élimination de l'échappatoire liée aux intermédiaires. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet et nous fournir des exemples concrets pour illustrer ce que vous voulez dire?
Évidemment, en tant qu'avocat en pratique privée, je dois faire attention lorsque je fournis des exemples, parce que bon nombre d'entre eux viennent des situations réelles vécues par mes clients et les entreprises avec lesquelles ils interagissent au quotidien.
Ce que je peux vous dire, c'est que, à la lumière de mon expérience, certains services — et j'ai donné quelques exemples déjà, tant des services d'infonuagique qui offrent un petit quelque chose de plus et qui aident leurs utilisateurs à organiser leur contenu en ligne de façon à ce qu'ils aient plus facilement accès aux divers types de contenu et, possiblement, de façon à ce qu'ils puissent permettre à d'autres personnes d'y avoir aussi accès, que des services qui, essentiellement, sont des agrégateurs de contenu, mais qui utilisent un nom différent — n'hésitent pas à essayer de s'appuyer sur l'exception concernant l'hébergement ou l'exception visant les FSI, l'exception liée aux communications, telle qu'elle est libellée actuellement, pour dire: « Bien sûr, quelqu'un d'autre devra peut-être payer des redevances, mais pas nous, parce que notre utilisation est exemptée. Et donc, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous n'en paierons pas ».
Effectivement. C'est vrai. C'est ce qu'ils font, et c'est la raison pour laquelle je crois que l'exception doit être rajustée, pas éliminée, mais rajustée, pour que ce soit très clair que tout service qui joue un rôle actif dans la communication d'oeuvres ou d'autres contenus que les gens stockent de façon numérique ne sont pas admissibles à l'exception.
Je voulais poser rapidement une question à M. Geist.
Je n'ai plus de temps? D'accord. Laissez faire.
Je suis désolé, mais je suis heureux de voir que vous connaissiez les termes que vous utilisiez.
Nous allons maintenant passer à M. Masse.
Vous avez sept minutes.
Merci.
L'AEUMC a changé la donne relativement à deux ou trois paramètres. En quoi a-t-il modifié ce que vous nous avez présenté ici?
Je reviens tout juste de Washington, et il n'y a pas de voie claire pour que ce soit adopté. Nous pourrions être de retour à l'ALENA original, et, si cet accord aussi est éliminé, à l'accord initial sur le libre-échange, mais Trump devrait alors mettre en branle un processus de sortie et d'avis de six mois, et il y a un débat quant à savoir si c'est quelque chose qui relève du président ou du Congrès. En outre, tout ça ferait intervenir des avocats et ainsi de suite. À l'heure actuelle, nous avons un accord potentiel en place. Vegas a ouvert les paris sur son adoption ou son échec.
Nous pourrions peut-être faire un tour de table, afin que vous nous disiez de quelle façon, selon vous, tout ça influe sur ce que vous avez présenté, ici, et notre examen. Nous allons devoir produire un rapport alors que, essentiellement, c'est... Et beaucoup croient que le Congrès n'acceptera pas, parce qu'il n'y a pas eu assez de concessions canadiennes.
Je pose la question, parce que c'est quelque chose qui a changé dans le cadre de nos discussions depuis le début de l'étude comparativement au point où nous en sommes à l'heure actuelle, et, encore une fois, nous allons devoir prodiguer des conseils au ministre.
Nous pouvons commencer du côté gauche, là, puis aller vers la droite.
Au sein de notre comité, il n'y a pas de consensus en ce qui concerne la prolongation de la durée, alors ce n'est pas quelque chose que nous avons abordé dans le cadre de notre mémoire.
Cependant, puisqu'il est évident que la prolongation de la durée est un thème abordé dans l'AEUMC, nous avons abordé la question du droit réversif, parce que je crois que si la durée du droit d'auteur est prolongée, il revient au gouvernement d'aussi tenir compte des droits réversifs dans un tel contexte. C'est parce que, actuellement, on ajoute effectivement ces 20 ans si le premier détenteur du droit d'auteur est l'auteur et qu'il a cédé ses droits, et les droits réversifs en vertu du régime actuel pour tout, sauf les oeuvres collectives... eh bien, on prolongerait la durée des droits d'auteur de ceux qui ont l'intérêt réversif et pas des détenteurs actuels des droits. C'est de cette façon que le mémoire de l'IPIC a été touché.
Les avis sont assez partagés au sein de votre organisation, quant aux avantages et aux détracteurs de...
En ce qui concerne la prolongation de la durée, je crois que c'est un enjeu très litigieux et qu'il n'y a pas eu de consensus au sein de notre comité.
Aurais-je cependant raison de dire que cela a d'importantes conséquences quant aux avis des deux parties? Ce n'est pas quelque chose de mineur. C'est important.
Tout à fait. Selon moi, il y a de très bons défenseurs de la prolongation de la durée des droits pour qui les droits internationaux sont une justification d'une telle prolongation, mais je crois qu'il y a ceux qui considèrent que la prolongation limite de façon inappropriée ce qui relève du domaine public au Canada. Encore une fois, il n'y a pas de consensus.
Puisque l'AEUMC le propose, il faudrait se pencher sur la question des droits réversifs.
Je suis d'accord. J'ai mentionné les droits réversifs dans mon exposé, et je ne veux pas que vous pensiez que, selon moi, la façon de composer avec les droits réversifs, c'est nécessairement d'éliminer complètement cette notion du système du droit d'auteur. C'est une des solutions, et elle est peut-être bonne, mais il y a aussi d'autres solutions, et, assurément lorsqu'on parle de la prolongation de la durée des droits d'auteur — ce qui selon moi, est une bonne idée, et je le dis publiquement depuis un certain temps —, la façon dont on composera avec les droits d'auteur durant cette plus longue période est de toute évidence un enjeu qu'il faut aborder.
Mon point principal, et ce, que la durée soit la vie de l'auteur plus 50 ans ou la vie de l'auteur plus 70 ans, c'est que, lorsqu'il est question des droits réversifs, il faut aborder cette question de la façon la moins perturbatrice pour l'exploitation commerciale des droits d'auteur. Selon moi, ce point reste valide dans les deux cas.
Le fait qu'on ne procède pas à la prolongation changerait-il votre position sur d'autres enjeux ou est-ce que tout ça concerne essentiellement l'enjeu des 50 ans ou des 70 ans?
Je ne crois pas — pas en ce moment en tout cas, je penserai peut-être à quelque chose de plus intelligent à dire quand ce sera fini — qu'il y ait quoi que ce soit qui tienne particulièrement à la question de savoir si la durée est de 50 ans ou de 70 ans.
Si je ne m'abuse, il y avait trois types de règles différents dans l'accord lié au droit d'auteur. Il y a les dispositions relativement auxquelles, franchement, nous avons déjà cédé sous les pressions américaines en 2012...
... et donc, nos dispositions anticontournement sont conformes à l'AEUMC, mais on l'a fait seulement en raison de l'énorme pression américaine avant les réformes de 2012 et, en fait, notre système est maintenant plus restrictif que celui des États-Unis, ce qui nous désavantage.
Puis, il y a un domaine — les règles d'avis et avis — que le gouvernement a clairement jugé prioritaire et qu'il a défendu pour permettre le maintien des règles canadiennes.
La prolongation de la durée a une incidence énorme, et, franchement, il est évident que le gouvernement le reconnaît. Ce n'est pas une coïncidence si, lorsque nous sommes passés du PTP au PTPGP, l'une des dispositions clés qui ont été suspendues, c'était la prolongation de la durée. De nombreux économistes ont très bien montré clairement que cela n'entraînait pas une augmentation de la créativité. Personne ne s'est réveillé avec l'intention d'écrire un grand roman canadien pour ensuite décider de se rendormir, parce que ses descendants bénéficieront d'une protection des droits durant 50 ans plutôt que 70 ans.
Pour toutes les autres oeuvres déjà créées, ce cadeau de 20 années supplémentaires — qui verrouillera littéralement le domaine public au Canada pour 20 ans de plus — se fera à un coût énorme, particulièrement à une époque où l'on passe de plus en plus au numérique. La capacité d'utiliser ces oeuvres de façon numérique à des fins de communication ou d'éducation ou pour permettre de nouveaux types de créativité sera littéralement retirée à toute une génération.
Si le Comité doit formuler une recommandation, ce doit être, dans un premier temps, de reconnaître qu'il s'agit là d'un changement majeur. Lorsque des groupes viennent et disent: « Voici toutes les choses que nous voulons en tant que détenteurs de droits », avec l'AEUMC, ils viennent de gagner à la loterie. C'est un changement majeur dans l'équilibre des forces.
Ensuite, le Comité devrait recommander la détermination de la meilleure façon d'appliquer tout ça pour limiter les dommages. Ce n'est pas quelque chose que nous voulions; ça nous a été imposé. Y a-t-il une certaine souplesse quant à la façon dont, au bout du compte, on mettra tout ça en oeuvre afin d'atténuer une partie des préjudices?
La question de savoir si la durée sera de 50 ou de 70 ans m'indiffère, et ce, pour deux raisons.
Je viens de terminer le mois passé la lecture d'un livre sur la vie sociale en France au XIXe siècle. Il y avait, à l'époque, des salons où les gens se rendaient, et les artistes et les politiciens se côtoyaient. Le livre contenait des listes des artistes et des écrivains qui se rendaient dans ces salons, et je ne connaissais par le nom des trois quarts d'entre eux.
Lorsqu'on parle de protection du droit d'auteur, je crois que très peu d'oeuvres sont encore pertinentes 50 ans — et encore moins — 70 ans après le décès de l'auteur. Je ne sais pas pourquoi nous faisons tout un plat d'un enjeu qui sera important seulement pour une minorité d'auteurs. Voilà pour la première raison.
Ensuite, si nous sommes préoccupés par la durée de la protection du droit d'auteur, alors, selon moi, nous devrions peut-être nous en inquiéter parce que le droit d'auteur couvre les programmes informatiques. Vous rendez-vous compte que, de par leur nature, les programmes de droit d'auteur ne seront jamais du domaine public, en raison de leur cycle de vie? Il s'agit d'une industrie où jamais rien ne relèvera du domaine public.
Pour terminer, je tiens à souligner qu'il est possible pour des oeuvres de continuer d'avoir une vie commerciale après le décès de l'auteur. Je pense que c'est juste. Quant à savoir si ce devrait être 50 ou 70 ans, comme je l'ai dit, ça m'est indifférent. Je ne participerais jamais à une manifestation ou une marche à ce sujet, ni pour une position ni pour l'autre, mais 70 ans est la durée choisie par nos principaux partenaires du G7. Par conséquent, être membre du G7 a un prix, et les 20 années supplémentaires constituent un enjeu de peu d'importance.
Merci.
C'est intéressant, cependant. Cette question nous permet de voir l'enjeu dans son ensemble.
Merci beaucoup aux témoins.
Merci, monsieur le président.
Je vais céder deux ou trois minutes à M. Lametti.
J'aimerais commencer par l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada. Pour commencer, je vous remercie de nous aider dans le cadre de l'étude que nous avons réalisée sur la propriété intellectuelle. C'était bien de voir certaines des idées dont nous avons discuté être mises en oeuvre.
Je pense à l'interaction entre l'Institut de la propriété intellectuelle et la Commission du droit d'auteur ou des sociétés de gestion collective connexes. Dans quelle mesure participez-vous pour encadrer les artistes afin qu'ils protègent leurs oeuvres, qu'ils trouvent le bon chemin à suivre?
Je sais que vous le faites d'autres façons en ce qui a trait à la propriété intellectuelle, mais qu'en est-il de...?
Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à cette question du point de vue du travail institutionnel réalisé par l'Institut de la propriété intellectuelle du Canada, l'IPIC, même s'il maintient des relations, évidemment, avec ces organismes.
En tant que conseillers pour les particuliers, c'est là une composante importante de nos activités quotidiennes, soit de conseiller nos clients sur la meilleure façon de tirer profit des oeuvres qu'ils ont créées et de les exploiter au sein du marché.
L'une des limites que nous avons constatées dans notre étude précédente concernait la transparence, pas le fait que ce n'était pas transparent, mais simplement le fait que les gens ne savaient pas où se tourner pour obtenir des solutions ou se protéger.
Oui. Je crois que l'une des choses avec lesquelles nous devons composer en tant que conseillers, tout comme vous, en tant que législateurs, c'est que le système de droit d'auteur est extrêmement complexe. C'est extrêmement opaque pour le commun des mortels. Je crois qu'un principe directeur que tout le monde devrait se rappeler, c'est qu'il faudrait rendre la Loi sur le droit d'auteur — et le système, aussi, de façon plus générale — un peu plus convivial.
Il y a un certain nombre de choses qu'on a abordées dans le cadre de la discussion, déjà, comme l'intérêt réversif, qui rendent l'application de la loi encore plus complexe et qui, selon moi, devraient faire l'objet d'un examen afin qu'on puisse en faire un processus dans le cadre duquel on n'a pas nécessairement à retenir les services d'un avocat ou payer telle ou telle personne des centaines de dollars l'heure pour s'y retrouver.
En fait, l'un des représentants de Google a dit qu'il s'agissait d'un « système très complexe et opaque de licences conventionnelles de musique ». C'est ce à quoi les gens sont confrontés.
Et là, on parle seulement de principes directeurs. L'étude est déjà très avancée. Lorsque nous avons travaillé en vue de l'élaboration d'un programme de développement économique pour la Ville de Guelph, nous nous sommes tournés vers des principes directeurs. Lorsque nous avons examiné notre Initiative d'énergie communautaire, nous nous sommes appuyés sur des principes directeurs.
En ce qui concerne la loi et notre étude, de quelle façon pouvons-nous définir certains de ces principes directeurs d'entrée de jeu, dans notre étude? Avez-vous d'autres principes directeurs que nous devrions avoir en tête?
Selon moi, de façon générale, vous pouvez cerner un ensemble de principes directeurs, tirés de diverses approches théoriques, pour justifier pourquoi le droit d'auteur existe. Parmi ces principes, il y a le fait d'inciter la création et la communication d'oeuvres en s'assurant que les auteurs sont récompensés. Cependant, je crois qu'il est absolument crucial d'affirmer ou de ne pas oublier que ce principe doit être contrebalancé par un intérêt communautaire et culturel plus global pour permettre la libre circulation des idées et des activités d'expression culturelle.
Le défi auquel vous êtes confronté, bien sûr, c'est de trouver une façon de trouver un juste équilibre entre les divers intérêts et les divers mécanismes que vous mettez en place, ici, pour réaliser ces fonctions très distinctes. Il y a une tension, ici. C'est une tension permanente.
Je ne crois pas nécessairement qu'il y a une façon de régler ça, mais je crois qu'on peut mettre en place un système, puis l'évaluer de façon continue pour cerner ses limites, là où il va trop loin et là où l'indemnisation est déficiente.
Merci.
Dans la minute qu'il me reste... Madame Gendreau, vous avez mentionné les sociétés de gestion collective. J'aimerais vraiment savoir de quelle façon ces sociétés sont gérées, et savoir dans quelle mesure elles sont transparentes. Aviez-vous l'intention d'en discuter? Dans l'affirmative, ce serait peut-être le temps de nous le dire.
Oui. Je serai heureuse d'en parler.
Je comprends que les gens peuvent être préoccupés par la façon dont les sociétés sont gérées. Je crois que le fait que certaines sociétés ne seront plus obligées de se présenter devant la Commission suscitera peut-être encore plus de préoccupations.
Cependant, je sais qu'il y a des règles, par exemple, au sein de l'Union européenne, qui concernent la gestion interne de ces sociétés. Selon moi, de telles règles, même si les sociétés les trouvent probablement embêtantes, devraient être bien vues, précisément parce qu'elles donneraient à ces sociétés plus de légitimité dans le cadre de leur travail. Je vois de telles règles comme des façons d'améliorer la légitimité, plutôt que comme des obstacles au travail.
Merci.
Je pense que mon principal problème, c'est plus d'appeler les gens par leur nom de famille alors que je les connais depuis 20 ans.
Monsieur Tarantino, vous avez suggéré que les copies aux fins d'analyse computationnelle pourraient faire l'objet d'une exception liée à l'intelligence artificielle, l'IA, et à l'exploration de données. Vous croyez qu'une telle mesure nous permettrait d'atteindre nos objectifs? Faut-il y aller avec des « tels que » ou — comme quelqu'un d'autre l'a suggéré il y a deux ou trois semaines — faut-il prévoir une exception dans le cas des copies accessoires utilisées pour réaliser des analyses d'information? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je dois m'en remettre aux vues de notre comité. Ce n'est pas un point que nous avons abordé précisément auprès des membres, à part ce qui figure dans notre mémoire, soit que l'approche britannique pourrait être envisagée. Ce que je suggérerais, c'est d'en revenir à notre dispositif d'encadrement structurel. Regardons quel a été le résultat de la mise en place d'une exception pour l'analyse computationnelle au Royaume-Uni.
Si ce à quoi vous faites référence concerne les reproductions temporaires pour les processus technologiques, l'exception 30.71, c'est un bon exemple d'une exception qui est décrite de façon vraiment générale, ce qui la rend vulnérable aux malentendus ou à l'abus.
Mentionnons par exemple la situation des diffuseurs qui affirment que tout le domaine de la diffusion, de l'intégration du contenu jusqu'à la prestation en public de l'oeuvre, mise sur des processus technologiques et que, par conséquent, il convient d'exempter toutes les copies. Il est possible que, si elle est bien définie, une telle exception pourrait être un mécanisme approprié pour composer avec les enjeux de l'exploration de données et de l'intelligence artificielle, mais il faut faire très attention à la façon dont on définit ces exceptions, de façon à vraiment cibler les fins escomptées et de façon, aussi, à ce qu'il ne soit pas possible de les exploiter à d'autres fins.
Comme je l'ai mentionné, ma préférence serait une approche globale qui s'appuie sur l'expression « tels que ». Je crois vraiment qu'il faut quelque chose. Même si c'est prévu, les choses visées par l'expression « tels que » devraient inclure l'analyse informationnelle.
J'ai vu le premier ministre parler vendredi de l'importance de l'IA. Franchement, je ne crois pas que la disposition britannique va assez loin. Presque toutes les données que nous obtenons nous parviennent en raison de contrats. La capacité de conclure des contrats pour bénéficier de l'exception touchant l'analyse informationnelle représente un problème important. Il faut s'assurer que, lorsqu'on acquiert ces oeuvres, on a la capacité... On ne parle pas de republier ou de commercialiser de telles oeuvres: on parle de les utiliser à des fins d'analyse informationnelle. On ne devrait pas avoir à négocier ce droit dans le cadre de contrats. Il devrait s'agir d'une politique clairement définie dans la loi.
Ça change tout.
Monsieur Geist, il semble y avoir beaucoup de problèmes liés au modèle de gestion collective. Si un tel modèle n'existait pas, j'ai l'impression qu'on en aurait besoin d'un, parce que les coûts de transaction pour un artiste ou un écrivain sont tellement élevés qu'un regroupement est nécessaire. Y a-t-il une solution de rechange au modèle de gestion collective mentionnée dans vos recherches, une idée que vous pourriez proposer?
Actuellement, le marché offre une solution de rechange. J'ai mentionné les 1,4 million de livres électroniques que possède sous licence l'Université d'Ottawa. Ces livres ont été acquis par l'intermédiaire non pas d'une société de gestion collective, mais d'un certain nombre d'éditeurs et d'autres agrégateurs. En fait, dans bon nombre de cas, on offre sous différentes licences un même livre — parfois à perpétuité — parce que le détenteur du droit d'auteur offre le livre en question dans plusieurs ensembles de livres, différents forfaits. En fait, c'est quelque chose que les auteurs ou les éditeurs font tout le temps de nos jours.
Ça semble vraiment très intéressant. J'aime cette idée d'une mouvance vers le libre-marché, en quelque sorte, mais, d'après ce que nous ont dit les auteurs à qui nous avons parlé, ça ne semble pas... Je reviendrai à vous.
Monsieur Chisick, pouvez-vous formuler un commentaire à ce sujet? Est-ce que la possibilité pour les auteurs d'accorder des licences pour des livres numériques est une solution de remplacement appropriée aux sociétés de gestion collective?
De ce que j'ai vu des auteurs qui ont de la difficulté à suivre ce qui se passe au sein du marché, ce n'était pas une solution complète. Il ne fait aucun doute que les licences transactionnelles — particulièrement dans le domaine de l'édition des livres — ont fait de grands pas au cours de la dernière décennie, environ. Cependant, ce modèle ne semble pas tenir compte de la pleine valeur de toutes les oeuvres qui sont utilisées. On pourrait dire que c'est quelque chose qui doit exister parallèlement à un modèle de licences collectives pouvant ramasser les restes.
Dans d'autres domaines où des licences sont accordées, les solutions axées sur le marché n'ont pas été efficaces du tout, comme, par exemple, dans le domaine de la musique, où la viabilité en tant que telle de la carrière d'un auteur ou d'un artiste dépend de sa capacité de recueillir des millions et des millions de micropaiements, des fractions de sous.
Qu'en est-il des auteurs qui défendent leurs oeuvres contre la violation du droit d'auteur? Les auteurs moyens ont-ils les ressources financières pour intenter des poursuites sans modèle de licence collective? Pourraient-ils le faire?
Non, ils ne pourraient pas. C'est quasiment impossible pour la grande majorité d'entre eux, sauf pour les artistes qui ont le plus de succès ou, franchement, les détenteurs de droits d'auteur qui ont plus de succès, et je parle ici des éditeurs et des autres intervenants — le 1 % ou très près de ça — qui peuvent demander réparation en cas de violation du droit d'auteur. Ironiquement, dans le cadre de la ronde précédente de réforme du droit d'auteur, en 1997, c'était l'une des raisons pour lesquelles on avait tenté, par l'intermédiaire de politiques, d'encourager les artistes et les auteurs à miser sur la gestion collective.
Je veux permettre à M. Geist d'avoir la possibilité de répliquer. Selon moi, ça ne serait que juste.
Je vous en suis reconnaissant. Merci.
Je ne dis pas qu'il ne devrait y avoir aucune société de gestion collective; je crois qu'elles ont un rôle à jouer. Ce que je dis, c'est que nous avons vu, surtout dans le marché de la publication universitaire, qu'elles ont été remplacées, dans les faits, par des solutions de rechange. C'est le libre-marché à l'oeuvre. Avec certains étudiants, j'ai réalisé des études sur les principaux éditeurs canadiens, y compris un certain nombre de ceux qui ont comparu devant le Comité, et quasiment tout ce qu'ils ont rendu accessible sous licence est ce pour quoi nos universités ont obtenu des licences.
Lorsque certains auteurs demandent: « Pourquoi est-ce que j'obtiens moins d'Access Copyright? » il faut reconnaître qu'une partie des revenus d'Accès Copyright sortent du pays. Il y a aussi une part destinée à l'administration, puis il y en a une grosse partie destinée à ce que les responsables appellent le système de remboursement, pour un répertoire. Ça n'a absolument rien à voir avec l'utilisation. C'est tout simplement lié au répertoire. Le répertoire exclut toutes les oeuvres qui ont plus de 20 ans et toutes les oeuvres numériques.
Et que dites-vous de la défense des gens, comme M. Chisick en a parlé? Au total, 99 % des auteurs ne peuvent pas se défendre eux-mêmes en cas de violation du droit d'auteur de leurs oeuvres. De quelle façon remplacez-vous ça? Quelle est la solution de rechange?
Dans de nombreux cas, lorsque ces oeuvres sont octroyées par licence, les éditeurs ont les ressources nécessaires pour passer à l'action, le cas échéant. Cependant, la notion que, pour une raison quelconque, nous ayons surtout besoin de sociétés de gestion collective pour intenter des poursuites contre des établissements d'enseignement me semble un peu erronée.
Avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que quiconque propose de façon crédible que les établissements d'enseignement essaient de violer les droits d'auteur. En fait, nous voyons certains établissements d'enseignement — même au Québec — qui se dotent de licences de gestion collective auprès de Copibec et qui obtiennent, en plus, des licences transactionnelles supplémentaires parce qu'ils doivent le faire et les payer. Les méchants, ici, ce ne sont pas les établissements d'enseignement.
Pour que ce soit clair, le point que j'ai formulé au sujet du fait que les licences et la gestion collective pourraient exister parallèlement ne consistait pas à dire que c'était principalement à des fins d'application de la loi. Je suis d'accord avec M. Geist: l'objectif, c'est de rendre inutile la prise de mesures d'application de la loi en s'assurant que toutes les utilisations pour lesquelles on peut accorder des licences et relativement auxquelles des licences sont appropriées font l'objet de licences dans la pratique.
Puis-je ajouter qu'un des aspects qu'on ne mentionne pas souvent, selon moi, c'est que, avec toutes les nouvelles licences que les éditeurs fournissent aux universités, eh bien, peut-être qu'une des sources de mécontentement tient au fait que je ne suis pas sûre que l'argent se rende jusqu'aux auteurs qui ont signé un contrat avec les éditeurs. Il y a des licences entre des éditeurs et des universités ou n'importe quel autre genre de groupe et, oui, on regarde les modalités. Encore une fois, le fait d'accorder une licence pour qu'un de nos livres se retrouve dans une bibliothèque est différent du fait d'accorder une licence pour qu'un livre soit utilisé dans une salle de classe, mais oublions cette différence pour l'instant. Je ne suis pas sûr que la situation actuelle soit vraiment bénéfique pour les auteurs, qui ne reçoivent peut-être pas nécessairement d'argent malgré toutes ces licences octroyées.
Merci beaucoup. C'est bien de voir toutes les têtes qui se lèvent et qui se baissent en même temps.
Madame Ceasar-Chavannes, vous avez cinq minutes.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Je tiens à remercier tous les témoins. J'ai cinq minutes, alors je vais essayer de poser le plus de questions possible.
Monsieur Chisick, au début de votre déclaration, vous avez dit être d'accord avec les points de vue de nombreux témoins qui ont comparu ici avant vous. Selon vous, quelles sont les choses avec lesquelles vous n'étiez pas d'accord tandis que nous évaluons certaines des recommandations que nous allons formuler?
C'est une excellente question. Il est évident que je suis préoccupé. Je suis en désaccord avec le point de vue que M. Geist a exprimé au sujet de la prolongation de la durée, par exemple. L'exemple qu'il a donné de l'auteur qui se réveille et décide de ne pas écrire de livre en raison de la durée du droit d'auteur de 50 ans après son décès, plutôt que de 70 ans est peut-être approprié, mais la durée du droit d'auteur est extrêmement pertinente à la décision des éditeurs d'investir ou non, et à quel niveau, dans la publication et la promotion de l'oeuvre.
C'est peut-être pertinent ou non pour la personne qui écrit — même si je suis sûr que des écrivains se réveillent le matin en se demandant s'ils vont devoir se trouver un autre emploi —, mais du point de vue commercial, c'est quelque chose qui devient de plus en plus difficile chaque jour, lorsqu'on regarde le niveau d'investissement dans la communication de la créativité, qui est aussi une composante cruciale du système de droit d'auteur. Selon moi, la prolongation de la durée de la vie plus 50 ans à la durée de la vie plus 70 ans est quelque chose qu'on attend depuis longtemps.
Certains témoins devant le Comité ont laissé entendre que le droit d'auteur lié à une oeuvre audiovisuelle devrait revenir à l'écrivain ou au directeur ou aux deux. Je suis en désaccord là aussi pour des raisons similaires. Tout est lié au fonctionnement pratique du système de droit d'auteur et à la façon dont ces idées peuvent être appliquées en pratique. En tant qu'avocat d'un cabinet privé qui interagit avec toutes sortes d'intervenants différents du milieu du droit d'auteur, ma principale préoccupation est de ne pas mettre en place des composantes du système qui nuiront ou constitueront les obstacles perpétuels à l'exploitation couronnée de succès des oeuvres commerciales. Il est très important, maintenant, à l'ère numérique, de s'assurer qu'il y a moins de friction, pas plus.
Merci beaucoup.
Monsieur Geist, vous avez parlé de la manne associée au fait qu'on prolonge la protection à la durée à la durée de vie plus 70 ans. De quelle façon réévalueriez-vous la « manne » qui découlerait de l'adoption de l'AEUMC. Plus précisément, de quelle façon tout ça pourrait-il être recalibré dans les limites de la loi?
C'est une excellente question. Il y a vraiment, en fait, deux aspects.
Premièrement, y a-t-il une application qui respecterait les exigences prévues dans la loi tout en permettant de réduire un peu les préjudices? Lorsque M. Chisick dit que, ce dont il est question ici, c'est une entreprise qui prend une décision d'investir ou non dans un livre, c'est peut-être très bien pour tous les livres qui commenceront à être écrits une fois la durée définie, à partir d'aujourd'hui, mais la durée s'appliquera à toutes sortes d'oeuvres qui ne relèvent pas encore du domaine public. Les maisons d'édition bénéficieront maintenant de 20 années de plus puisqu'une décision avait déjà été prise et auront droit à des revenus supplémentaires.
Il faudrait envisager la mise en place d'un genre d'exigence d'enregistrement pour ces 20 années supplémentaires. Comme Mme Gendreau l'a souligné, il y a un petit nombre d'oeuvres qui peuvent avoir une valeur économique. Les propriétaires des droits décideront d'inscrire ces oeuvres pour les 20 années de plus, parce qu'ils peuvent en tirer quelque chose, mais la vaste majorité des autres oeuvres pourraient relever du domaine public.
De plus, lorsqu'on envisage des réformes plus générales et qu'on parle du besoin de trouver un juste équilibre, il ne faut pas oublier que la balance penche déjà d'un côté. Je crois que cette situation doit avoir une incidence sur le genre de recommandations et, au bout du compte, de réforme pour lesquelles nous opterons, si l'une des principales réformes nous a déjà été imposée.
Si vous aviez chacun de vous une recommandation à formuler, par rapport à ce que nous devrions étudier dans le cadre de notre examen, qu'est-ce que ce serait?
Allez-y.
Je vous recommanderais de veiller à ce que les entreprises numériques — au Canada ou à l'étranger — qui prennent activement des décisions d'affaires où il est question d'oeuvres protégées par le droit d'auteur aient une responsabilité et paient quelque chose. D'accord, si elles sont entièrement passives, alors elles sont entièrement passives, mais, d'après ce que nous savons aujourd'hui, il semble que la plupart des entités qui se déclarent passives ne le sont pas vraiment; elles essaient seulement de se soustraire à leur responsabilité. C'est ma plus grande préoccupation.
D'accord, je vais me lancer.
Je dirais qu'il faut s'assurer que la Loi sur le droit d'auteur puisse continuer à s'adapter à l'évolution de la technologie. La meilleure façon de le faire, c'est de s'assurer que l'utilisation équitable offre une certaine souplesse — ce qui revient à donner l'exemple — et que l'utilisation équitable s'applique autant au monde numérique qu'au monde analogique. Cela supposerait de prévoir une exception aux règles interdisant le contournement des mesures de protection technologiques lorsqu'il s'agit d'utilisation équitable.
Je crois qu'il serait crucial d'ajouter dans la Loi sur le droit d'auteur une disposition concernant les injonctions de blocage de sites et de désindexation. Je dis cela parce que énormément de gens se tournent vers des sites à l'étranger pour échapper à la surveillance des tribunaux canadiens, alors que ce qu'ils font est potentiellement légitime. Je ne comprends pas comment quiconque pourrait affirmer que c'est une bonne chose. Selon moi, il faudrait intégrer un système équilibré à la Loi sur le droit d'auteur de façon à régler les problèmes soulignés par M. Geist relativement au blocage excessif, à la liberté d'expression, etc., tout en faisant en sorte que les Canadiens ne puissent pas faire indirectement ce qui leur est interdit de faire directement. Je crois que ce serait une modification de la loi dans le bon sens.
La recommandation que nous voulons faire concerne surtout les professionnels. Il y a des détails techniques dans la loi qui, une fois réglés, permettraient d'augmenter de beaucoup la certitude, mais ce n'est probablement pas le genre de détails qui ont été communiqués au Comité jusqu'ici.
Premièrement, il faut des éclaircissements en ce qui concerne les droits des auteurs sur les oeuvres créées en collaboration et les droits des copropriétaires en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. Présentement, sous le régime de la loi, qui peut dire quels sont les droits des copropriéaires d'une oeuvre protégée s'il n'y a pas d'entente? Peuvent-ils exploiter l'oeuvre? Un copropriétaire a-t-il besoin de la permission de l'autre? Pour nous, à titre de professionnels, c'est un problème très évident, mais ce ne l'est pas nécessairement pour nos clients.
Deuxièmement, il y a les droits d'une oeuvre commandée ou d'une oeuvre future. En ce qui concerne les oeuvres futures, je crois que la plupart du temps, les ententes couvrent la cession à venir. Néanmoins, sur le plan technique, le débat n'est pas réglé quant à la question de savoir si cela est valide sous le régime de la loi. Voilà les recommandations que je fais au nom de l'IPIC.
Merci.
Je tiens à présenter mes excuses aux autres témoins. Je sais que je ne m'adresse pas assez à vous, mais j'ai encore une question à poser à M. Chisick.
Je m'interroge à propos du droit réversif. Un artiste canadien a témoigné devant le comité du patrimoine à propos du droit réversif. Il avait des préoccupations à ce sujet, et je me demandais si vous pouviez nous parler d'une solution de rechange et des répercussions.
... et de sa proposition d'adopter un modèle de résiliation de certains droits, similaire à celui des Américains.
C'est effectivement une approche possible. L'un des avantages du modèle américain sur le modèle canadien de résiliation des droits, c'est qu'il exige au moins que l'artiste se manifeste pour réclamer ses droits. Il y a une période définie durant laquelle les droits peuvent être réclamés. Il faut qu'un avis soit présenté, ce qui permet aux gens de mettre leurs affaires en ordre en conséquence. Je crois que la proposition de M. Adams n'arrive pas au bon moment. Je crois qu'il serait malavisé de permettre la résiliation des droits après une période de 35 ans, comme cela se fait aux États-Unis. Selon moi, c'est trop rapide, et ce, pour toutes sortes de raisons. Par exemple, il y a les incitatifs à l'investissement. Malgré tout, c'est une approche que l'on pourrait prendre en considération.
Une autre approche qu'il faudrait étudier et qui a été adoptée pratiquement partout dans le monde serait d'éliminer entièrement le droit réversif et de laisser au marché le soin des intérêts à long terme en matière de droits d'auteur. Je doute que ce soit par coïncidence que, dans littéralement tous les pays du monde où il y a déjà eu un droit réversif — y compris au Royaume-Uni, où ce droit a été inventé —, il a été abrogé ou modifié de façon à être géré par contrat pendant la vie de l'auteur. D'après ce que j'en sais, il n'y a qu'au Canada où ce n'est plus le cas. Cela aussi en dit long.
Monsieur Geist, peut-être pourriez-vous faire un commentaire rapide: vous avez parlé d'abroger ou de modifier les dispositions relatives au droit d'auteur de la Couronne. Je me demandais si vous pouviez fournir plus de détails sur l'application du droit d'auteur de la Couronne. Le sujet a déjà été abordé ici au Comité, mais jamais en profondeur. Ensuite, pourriez-vous parler des avantages que l'on pourrait obtenir si on l'éliminait?
Bien sûr. Je vais parler du droit d'auteur de la Couronne dans un instant.
Avant, je voulais faire un commentaire sur le droit réversif. J'ai l'impression qu'il y a eu énormément d'investissements dans ce secteur aux États-Unis, sans qu'on se préoccupe de la façon dont le système fonctionne, pour redonner leurs droits aux auteurs.
Vous avez demandé plus tôt comment chaque créateur s'y prenait pour faire appliquer le droit d'auteur. Selon moi, le concept d'une approche qui reviendrait à dire: « Vous devez vous occuper de tout. Vous devriez être en mesure de négocier l'ensemble des droits avec les grandes maisons de disque et les grands éditeurs », désavantage clairement les créateurs.
Mme Gendreau a mentionné que les ententes entre les auteurs et les éditeurs dans un monde de plus en plus numérique faisaient partie du problème, et vous avez posé une question sur ce que fait Bryan Adams. Cela m'amène à dire que nous n'avons pas choisi la bonne cible. Le gros du problème, entre les créateurs et les intermédiaires qui aident à faciliter la création et qui acheminent les produits jusqu'au marché — les éditeurs, les maisons de disque, etc. —, c'est que le déséquilibre des forces est important. C'est ce qu'on veut corriger avec ces solutions.
En ce qui concerne le droit d'auteur de la Couronne, j'ai siégé pendant de nombreuses années au conseil de CanLII, l'Institut canadien d'information juridique, et nous avons constaté qu'il est extrêmement difficile d'utiliser des documents juridiques comme des décisions du tribunal ou d'autres documents gouvernementaux. D'ailleurs, il y a eu des discussions sur Twitter à ce sujet aujourd'hui: il était question précisément des problèmes auxquels font face les agrégateurs financés par les avocats du pays lorsqu'ils essaient de s'assurer que le public a un accès libre et gratuit aux documents juridiques. C'est un problème très important. C'est un exemple typique du modèle de droit d'auteur de la Couronne où le gouvernement est le propriétaire par défaut, ce qui fait qu'une autorisation d'utilisation est requise. Vous ne pouvez même pas essayer de regrouper à des fins commerciales certains des documents publiés par le gouvernement.
Y a-t-il des raisons légitimes d'avoir un droit d'auteur de la Couronne? Il me semble qu'il y a de bonnes raisons pour lesquelles on devrait le conserver.
Ma collègue, Mme Elizabeth Judge, a écrit un excellent article qui aborde l'histoire du droit d'auteur de la Couronne.
Au départ, je crois qu'on voulait s'assurer que les documents du gouvernement étaient fiables et crédibles et qu'ils fassent autorité. De nos jours, je crois que cet enjeu est beaucoup moins important.
J'imagine aussi que toutes les façons que nous avons aujourd'hui d'utiliser les documents gouvernementaux n'existaient pas, lorsque cela a été adopté. Il suffit de penser à l'évolution des systèmes GPS et à d'autres types de services s'appuyant sur le gouvernement ouvert ou les données ouvertes du gouvernement. L'idée de conserver une disposition sur le droit d'auteur qui restreint cela me semble aux antipodes de la conception d'une loi adaptée au contexte technologique actuel.
Disons que le gouvernement crée une chose qui a de la valeur pour lui, mais qui perdrait cette valeur si elle devait être libre en vertu de la loi. Croyez-vous que le droit d'auteur de la Couronne est légitime dans ce genre de cas?
Nous sommes le gouvernement. C'est nous qui finançons ce genre de choses. J'étais ravi d'apprendre que le Conseil du Trésor — je crois — a annoncé il y a quelques jours qu'il allait changer sa position sur les logiciels ouverts: lorsque c'est possible, il priorisera l'utilisation des logiciels ouverts. Je crois que cette approche tient compte du fait qu'il s'agit de l'argent des contribuables, et que c'est la chose à faire lorsque c'est possible. Un autre exemple serait l'octroi de licences aux journaux locaux par Creative Commons.
Dans certains domaines, on peut se demander pourquoi le gouvernement ne pourrait pas réaliser un profit, mais le droit d'auteur n'est pas un de ces domaines. La Loi sur le droit d'auteur ne devrait pas être utilisée pour empêcher cela.
Merci à tous de votre témoignage. Nous en arrivons à la fin de notre étude, alors c'est une bonne chose que vous soyez ici. Nous pouvons vous poser des questions sur ce que nous avons entendu. Le Comité a parcouru le pays d'une côte à l'autre, et nous avons entendu le témoignage de toutes sortes de personnes qui avaient de très bonnes idées.
Les représentants de la Fédération nationale des communications, la FNC, ont proposé de créer une nouvelle catégorie d'oeuvres assujetties au droit d'auteur: les oeuvres journalistiques, qui seraient gérées collectivement. Ainsi, les Google et les Facebook de ce monde devraient rémunérer les journalistes pour les articles publiés sur Internet, sur leurs sites. Avez-vous des commentaires à ce sujet? J'aimerais aussi surtout savoir comment cela se distingue de l'article 11 de la proposition de Directive sur le droit d'auteur dans le marché unique numérique de l'Union européenne.
Michael, vous pouvez commencer.
Je crois que l'article 11 est un problème. Je crois que cette approche a déjà été tentée dans d'autres pays, et elle ne fonctionne pas. Il y a deux ou trois pays en Europe où cela a été tenté. Les agrégateurs assujettis à cette disposition ont simplement arrêté de partager les liens, et les éditeurs ont conclu, au bout du compte, que cela créait plus de problèmes que cela n'en réglait.
Je crois que nous devons prendre conscience du fait que les journalistes ont besoin du droit d'auteur et des dispositions sur l'utilisation équitable, tout autant que nombre d'autres acteurs. La mise en place des restrictions qui favorisent les journalistes entraîne des risques considérables, surtout vu l'importance de la presse.
Je me suis aussi intéressé aux groupes qui sont venus témoigner à ce sujet, et je crois qu'il faut souligner que certains d'entre eux ont octroyé des licences à titre perpétuel pour leurs oeuvres à des établissements d'enseignement. J'ai un exemple parfait à vous donner. Je sais que l'éditeur du Winnipeg Free Press a beaucoup parlé de cet enjeu. L'Université de l'Alberta a un excellent site Web où toutes ses oeuvres sous licence sont accessibles au public. Des licences ont été octroyées à titre perpétuel pour tous les numéros, littéralement, du Winnipeg Free Press pour plus d'une centaine d'années. Les éditeurs ont effectivement vendu les droits pour utilisation dans les salles de classe à des fins d'études ou pour une foule d'utilisations, et de façon permanente.
Respectueusement, je trouve un peu inconvenant qu'une personne, d'un côté, vende des droits grâce à un système de licence et demande, d'autre part, pourquoi elle ne serait pas rémunérée pour ces nouvelles utilisations et pourquoi on ne modifierait pas le régime du droit d'auteur en conséquence.
Il est clair que nous sommes en train d'assister à la disparition des médias traditionnels devant les médias en ligne.
Certains affirment que, aux dernières élections provinciales au Québec, 70 ou même 80 % du budget publicitaire des partis politiques est allé à des fournisseurs de services de l'étranger.
Il y a des journaux qui ferment, et les médias ont de la difficulté à nous tenir au courant des dernières nouvelles. À présent que les médias sont en difficulté et qu'il y a des fermetures, certains avancent l'idée que le gouvernement devrait les subventionner. D'un côté, il y a des gens qui n'achètent pas de journaux ou qui ne peuvent même pas accéder aux médias traditionnels, et de l'autre, les recettes publicitaires vont à des entreprises étrangères qui ne paient pas d'impôt ici. Le gouvernement perd une part de l'assiette fiscale à cause de cela, et, en plus, on lui demande de subventionner les journaux et les médias parce qu'ils ont besoin d'aide pour survivre. Devinez qui s'en met plein les poches.
Je crois que la solution à ce genre de problème est d'offrir une rémunération adéquate aux journalistes lorsque leurs articles sont utilisés. Ce n'est peut-être pas, d'un point de vue technique, la meilleure façon de procéder — j'en suis consciente —, mais je crois qu'il y a moyen de veiller à ce que les médias, qui doivent payer leurs journalistes et qui veulent que des enquêtes journalistiques soient menées au Canada, pour le bien du pays, puissent récupérer leur argent et s'assurer que leur secteur est dynamique et utile. Ils ne veulent pas disparaître et que les gens ne reçoivent plus que les gros titres sur leur téléphone.
Ce vous dites est très intéressant.
Nous avons beaucoup parlé de la protection du savoir et de la culture autochtones par le droit d'auteur. Nous avons eu beaucoup de témoignages à ce sujet. J'allais en lire quelques-uns, mais peut-être que l'un d'entre vous aurait des recommandations à formuler à propos du droit d'auteur autochtone.
Peut-être voudriez-vous poursuivre.
C'est une question très délicate, ainsi qu'une question de portée internationale. C'est très difficile de prendre des mesures concrètes par rapport aux droits d'auteur autochtones, étant donné qu'ils diffèrent fondamentalement à de nombreux égards des droits d'auteur habituels. Malgré tout, nous pouvons prendre exemple sur d'autres pays qui nous ressemblent. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont essayé de mettre en place des systèmes pour aider les Aborigènes à défendre leurs oeuvres.
J'ai tout de même une préoccupation: il ne faut pas oublier qu'il y a aussi des auteurs autochtones contemporains. Je voudrais éviter que tous les auteurs autochtones aient l'impression d'être exclus de la Loi sur le droit d'auteur actuelle, au profit d'un autre type de régime. Je crois qu'il y a différents enjeux stratégiques ici.
Je vais revenir au sujet du droit d'auteur de la Couronne.
Aux États-Unis, cela n'existe pas, essentiellement. Je crois que les gens tiennent surtout compte de l'aspect théorique, mais j'aimerais aussi savoir quelle incidence cela aura ici sur les projets cinématographiques dans le secteur privé?
Peut-être pourriez-vous répondre rapidement. Je sais que j'ai seulement deux minutes. Il y a des considérations d'ordre économique plus grandes qu'on le croit.
Dans certains secteurs, par exemple de celui des documentaristes, il peut être extrêmement ardu — même avec les conseils d'un expert juridique — de déterminer si une oeuvre appartient aux Archives nationales ou s'il existe un type de licence donnée pour une oeuvre en particulier.
Le manque d'uniformité dans le processus d'octroi de licence vient compliquer encore plus la tâche. Pour obtenir la licence de certaines oeuvres, vous devez d'abord déterminer à quel ministère de quelle province vous devez présenter votre demande, et vous n'êtes même pas certain d'obtenir une réponse. Cela rend les choses extrêmement compliquées, et je crois que cela tient au fait qu'on confie la gestion du droit d'auteur à des organisations qui n'en voient pas vraiment l'intérêt.
En outre, la Cour suprême du Canada entendra en février l'affaire Keatley Surveying Inc. c. Teranet Inc. Pour être parfaitement transparent, je dois dire que j'ai fourni des services à l'une des parties en cause. L'affaire concerne les dossiers de registres fonciers de l'Ontario. Dans les faits, les gouvernements avancent que le simple fait que des documents d'arpentage ont été présentés au gouvernement dans le cadre du processus fait que ces documents sont assujettis aux droits d'auteur de la Couronne.
On s'éloigne donc d'une application moins restrictive du droit d'auteur de la Couronne. En outre, des gouvernements soutiennent devant les tribunaux que des créations du secteur privé sont assujetties aux droits d'auteur de la Couronne lorsqu'elles ont été présentées sous le régime de la loi.
Je crois aussi qu'il existe déjà dans le système canadien un mécanisme d'octroi de licence qui autorise la reproduction de lois avec l'autorisation générale du gouvernement, sans autorisation particulière. Ce n'est cependant qu'une toute petite partie du droit d'auteur de la Couronne.
Il y a beaucoup de pays qui vivent très bien sans droit d'auteur de la Couronne. D'un autre côté, nous avons repris le régime du droit d'auteur de la Couronne britannique et l'avons renforcé, mais je ne crois pas que nous devrions continuer sur cette voie. Je crois que cela tombe sous le sens que les documents gouvernementaux devraient être publics, étant donné que le gouvernement représente le public. Ce que je veux dire, c'est que le public est théoriquement l'auteur des oeuvres. Je crois que cela cause des problèmes non seulement pour les lois, mais également pour les documents et les décisions juridiques. Un fait intéressant, il arrive que des juges reproduisent les notes de leurs avocats. Il y a eu une affaire là-dessus, et c'était très intéressant.
Malgré tout, je doute que nous perdions beaucoup en abrogeant la plupart des dispositions relatives au droit de la Couronne.
Merci.
Il nous reste encore du temps, alors nous allons faire un autre tour. J'interviens rarement, mais il y a une question que j'aimerais poser aux témoins.
Nous avons entendu des opinions divergentes à propos de l'examen quinquennal prévu par la loi. Très rapidement, pourriez-vous nous donner votre opinion là-dessus? Devrait-il y avoir un examen quinquennal prévu par la loi ou devrait-il y avoir autre chose?
Évidemment, le Parlement peut faire ce qu'il veut et décider de ne pas entreprendre d'examen quinquennal la prochaine fois.
J'ai réfléchi à la question, et je crois que, dans ce cas-ci, l'examen quinquennal est important. À mon sens, nous avons tellement tardé à accorder des droits que le régime des droits d'auteur canadien est maintenant rempli de lacunes. Si c'était un fromage suisse, il aurait plus de trous que de fromage.
Un exemple a déjà été effleuré: si on n'utilise pas l'exception de copie pour usage privé, alors peut-être qu'on pourrait utiliser l'exception pour la reproduction accessoire. Essentiellement, si l'une ne fonctionne pas, alors essayons l'autre.
Je crois que dans ce contexte, un examen serait maintenant nécessaire.
Avons-nous besoin d'un examen tous les cinq ans? Selon moi, peut-être pas.
Nous devons aussi laisser aux tribunaux le temps de trancher les affaires et tout le reste.
Je crois que c'est important maintenant, si nous voulons éviter de demeurer ancrés dans ce qu'il y a dans la loi présentement.
L'examen s'est avéré très intéressant. J'ajouterais aussi qu'il est peut-être un peu tôt.
Revenons en arrière. Les grandes modifications de la loi ont été faites vers la fin des années 1980, puis vers la fin des années 1990, puis à nouveau, bien sûr, en 2012. Il s'écoule habituellement de 10 à 15 ans entre chaque modification importante.
À mon avis, cinq ans, c'est habituellement trop peu pour que le marché et le public intègrent pleinement les modifications, et ça ne nous donne pas le temps de procéder à des analyses fondées sur des données probantes pour savoir s'il faut de nouvelles réformes.
Je suis d'accord sur le fond avec ce que Mme Gendreau a dit, soit qu'un examen quinquennal était approprié, vu ce qui s'est passé en 2012. Cependant, en principe, je crois que le Parlement devrait avoir une certaine marge de manoeuvre pour décider du moment où examiner la loi, comme c'est le cas pour d'autres lois.
Nous n'avons pas soumis la question à notre comité, alors prenez ce que je dis comme une sorte de commentaire préliminaire: je crois, personnellement, qu'un examen quinquennal est tout à fait approprié dans ces circonstances.
Un exemple très simple serait l'intelligence artificielle. En 2012, cela n'avait pas été pris en considération, alors c'est surtout pour ce genre de choses. Il faudrait penser à des examens plus courts, qui portent seulement sur les technologies émergentes ou sur l'évolution du droit pendant la période.
Merci.
J'aimerais revenir au droit d'auteur de la Couronne, mais avant, j'ai un commentaire rapide à faire. Si la Convention de Berne avait été rédigée sous le régime de la loi en vigueur, je crois que son droit d'auteur serait sur le point de s'éteindre. C'était juste pour vous faire réfléchir.
Disons que le Comité voulait attirer l'attention sur le droit d'auteur de la Couronne, quelle devrait être la licence de publication de notre rapport? Quelqu'un le sait-il?
Je crois que le gouvernement a montré l'exemple jusqu'ici avec ses nouvelles locales et Creative Commons. Pour être parfaitement honnête, je ne sais pas pourquoi tout ce que le gouvernement produit n'est pas publié en vertu d'une licence Creative Commons.
Le gouvernement utilise effectivement une licence ouverte. Cependant, pour avoir une meilleure visibilité et aux fins de l'uniformisation et de la prise en charge informatique, je crois qu'il faudrait utiliser une licence Creative Commons très ouverte.
Personnellement, je soutiens la proposition de M. Geist. Je recommanderais soit une licence CC0, soit une licence CC BY.
Je n'ai pas vraiment de préférence pour un type de licence ou un autre, mais je suis d'accord pour dire que la majeure partie des documents gouvernementaux devraient être diffusés en plus grande quantité et plus largement. C'est pour le mieux.
J'aime quand cela va vite. Merci.
Il y a un sujet que nous n'avons pas abordé du tout au cours de l'étude, et je le regrette. Je parle des brevets de logiciel. J'imagine que vous avez tous une opinion sur le sujet.
Pour commencer, très rapidement, quelle est votre position quant aux brevets de logiciel? Est-ce une bonne chose ou une mauvaise chose? Quelqu'un voudrait-il en parler?
Eh bien, on ne parle pas ici de droit d'auteur au sens propre, mais je crois que, si nous nous fions à ce qui s'est fait dans d'autres pays, le brevetage à l'excès qu'on voit souvent finit par créer un enchevêtrement de brevets qui fait obstacle à l'innovation. Ce n'est pas une bonne chose.
Je dirais que les brevets informatiques sont la face cachée des programmes informatiques. Au départ, les programmes informatiques n'étaient pas censés être brevetés, alors c'est pourquoi on a commencé à utiliser le droit d'auteur. Le droit d'auteur était une solution simple, rapide et à long terme. Je crois que cela a empêché d'examiner la question et de trouver quelque chose de beaucoup plus approprié pour ce genre d'activité créatrice qui, généralement, a une durée de vie plutôt courte et qui évolue par paliers.
Je ne crois pas que c'est quelque chose que nous pourrions faire au Canada, mais, à l'échelle internationale, c'est une question que l'on devrait étudier, parce qu'elle offre des possibilités très intéressantes. Il y a une foule de problèmes qui tiennent uniquement aux ordinateurs. Ce serait intéressant de chercher à régler ces problèmes à l'aide de mesures de protection adaptées spécifiquement aux logiciels, au lieu de tout assujettir aux droits d'auteur.
Dans une certaine mesure, depuis que les logiciels sont assujettis à la Loi sur le droit d'auteur, la situation est difficile.
Je comprends. Je n'ai pas suffisamment de temps pour de longues réponses, mais je vous suis reconnaissant de vos commentaires.
Monsieur Tarantino?
L'Institut de la propriété intellectuelle du Canada a un comité qui collabore actuellement avec l'Office de la propriété intellectuelle du Canada sur cette même question.
Il se peut que des conseils viennent conjointement de l'OPIC et du travail de ce comité.
Je ne faisais que jeter un coup d'oeil rapide. Si les logiciels étaient toujours conçus en vertu de la loi actuelle sur le droit d'auteur, je pense que ce qui est élaboré pour n'importe quelle loi ne s'appliquerait pas au droit d'auteur. C'est une manière inquiétante de voir les choses. C'est un peu dépassé.
Notre régime de droit d'auteur n'est-il pas assez solide en soi pour protéger les logiciels?
Je dois admettre que je ne pense pas que nous... Étant donné la prolifération des logiciels qui s'appliquent à presque tous les aspects de notre vie, des appareils dans nos maisons aux voitures que nous conduisons en passant par une myriade de choses différentes, il semble que les gens ne manquent pas de motivation pour créer et que les risques à cet égard ne sont pas importants.
Cela met en évidence la raison pour laquelle le fait de toujours chercher à renforcer les règles de propriété intellectuelle, qu'il s'agisse de brevets ou de droits d'auteur, en tant que mécanisme de stimulation du marché, ne tient pas compte de ce qui se passe sur les marchés. Très souvent, ce ne sont pas du tout les lois sur la PI qui sont essentiellement importantes. Ce qui devient important, c'est le fait d'être le premier à mettre son produit sur le marché, la façon de le faire et le cycle continuel d'innovation. La protection de la PI est vraiment secondaire.
Il y a beaucoup de problèmes, dont nous avons abordé certains aujourd'hui, et les brevets de logiciel en sont un, et si nous sommes pour les examiner sérieusement, nous devons le faire ainsi. Nous devons prendre du recul et examiner le genre de comportement que nous essayons de promouvoir, les types de lois qui favorisent ce comportement et la meilleure façon d'atteindre cet équilibre au Canada, tout en tenant compte de nos obligations internationales en vertu de divers traités.
Les brevets de logiciel sont un problème. Le droit d'auteur de la Couronne en est un autre. Je pense que, si nous voulons déterminer si le droit d'auteur de la Couronne est nécessaire ou s'il atteint ses objectifs, nous devons comprendre ce qu'il est censé faire avant de pouvoir déterminer si nous le faisons. La réversibilité en est un troisième.
La raison pour laquelle je pose des questions au sujet de tout cela, c'est pour établir un lien avec un mouvement émergent, surtout aux États-Unis, appelé le droit de réparer. Je suis certain que vous connaissez cela également. Vous êtes au courant de l'affaire John Deere. Y a-t-il des commentaires à ce sujet et sur la façon dont nous pouvons lier cela au droit d'auteur, afin que l'on puisse s'assurer que, lorsqu'on achète un produit comme un BlackBerry...? Si je veux en faire l'entretien, je devrais avoir le droit de le faire.
En effet. Les réformes de 2012 sur les règles anti-contournement ont établi certaines des règles de verrouillage numérique les plus restrictives au monde. Même les États-Unis, qui ont fait pression sur nous pour que nous adoptions ces règles, ont reconnu de façon soutenue que de nouvelles exceptions doivent s'y appliquer.
Selon moi, ce point figure tout en haut de la liste. Nous venons de voir les États-Unis créer une exception précise concernant le droit de réparer. Le secteur agricole est très préoccupé par sa capacité de réparer certains des appareils et équipements qu'il achète. Nos agriculteurs n'ont pas ce droit. Les restrictions sévères que nous avons présentent un problème important, et je recommande fortement au Comité de déterminer où se trouvent certaines des zones les plus restrictives dans ces verrous numériques. Nous continuerons de respecter nos obligations internationales en renforçant la flexibilité à cet égard.
J'ai une ou deux questions qui reviennent sur ce dont nous discutions au début, c'est moins stimulant.
C'est suffisant.
Monsieur Chisick, vous avez mentionné au tout début que vous êtes autorisé à pratiquer le droit en matière de droits d'auteur, en particulier. Juste par curiosité, qui autorise les avocats à pratiquer le droit en matière de droits d'auteur?
Je n'ai pas dit que j'étais autorisé à pratiquer le droit en matière de droits d'auteur. Ce que j'ai dit, c'est que je suis accrédité en tant que spécialiste en droits d'auteur. C'est un titre qui m'a été donné par le Barreau de l'Ontario.
D'accord. C'est ce qui m'intriguait.
Avons-nous 10 secondes pour aborder...? Non, nous n'avons pas 10 secondes.
Je vous remercie.
Je vous remercie, monsieur le président.
C'est toujours une course folle pour faire le plus d'interventions possible.
J'adresserai cette question à l'Institut de la propriété intellectuelle. Vous êtes en faveur de la modification des dispositions d'exonération, mais une grande entreprise technologique nous a dit qu'elle ne pourrait tout simplement pas fonctionner sans exonération. Pensez-vous qu'un cadre juridique qui empêche les consommateurs canadiens d'avoir accès aux services est acceptable?
Je vous remercie de la question.
Je pense que nous avons recommandé d'évaluer si les dispositions d'exonération devraient s'appliquer sans tenir compte des autres mécanismes prévus dans la loi, comme le régime d'avis et avis.
Je pense que la réponse à la question que vous avez posée au sujet des consommateurs est probablement non.
Nous ne voulons pas que les consommateurs soient désavantagés de cette façon.
Je pense que c'est une question ouverte: comment peut-on s'assurer que les entités et les particuliers ne s'abritent pas sous les auspices de ces dispositions d'exonération d'une manière qui ne reflète pas les mesures qu'ils prennent ou les politiques qu'ils mettent en place sur leurs plateformes en ce qui concerne la surveillance de la violation du droit d'auteur?
Hier, sur Twitter — je n'en ai pas eu l'occasion, et ça ne relève pas de vous, parce que je ne pense pas que vous parliez au nom de l'Institut de la propriété intellectuelle —, j'ai publié un article de CBC qui décrivait le cas d'une personne qui poursuivait l'entreprise qui a créé Fortnite pour avoir prétendument utilisé une danse qu'il aurait inventée.
J'en ai parlé, et nous avons entendu l'Assemblée canadienne de la danse. Ses représentants voulaient que des chorégraphies de mouvements particuliers réalisées par un artiste individuel puissent être protégées par le droit d'auteur. Vous semblez dire que cela se ferait en vertu d'une disposition particulière. Pourriez-vous éclaircir un peu cette question, afin que cela fasse partie du témoignage?
Je suis heureux de le faire.
Que cela serve de leçon à ceux qui, bon gré mal gré, communiquent sur Twitter avec des députés.
Oui. Les oeuvres chorégraphiques sont protégées si elles sont originales. Elles sont protégées en tant qu'oeuvres en vertu de la Loi sur le droit d'auteur. Je signale également que les prestations d'artistes-interprètes sont protégées en vertu de la Loi sur le droit d'auteur sans qu'elles aient besoin d'être originales. Je ne suis pas certain qu'il y ait actuellement une lacune dans le régime législatif, ce qui voudrait dire que les mouvements de danse ne sont pas protégés.
Je pense que ce que l'Assemblée canadienne de la danse soulignait, c'est que, si quelqu'un fait une chorégraphie d'une danse particulière et la publie sur YouTube et qu'ensuite quelqu'un d'autre utilise ces mouvements dans une prestation quelconque, la personne à l'origine de la chorégraphie devrait se voir accorder un certain mérite ou un genre de droit d'auteur.
Je pense qu'il serait vraiment très difficile de dire qui a créé une chorégraphie ou une danse en particulier. J'ai même donné l'exemple des arts martiaux.
J'ai demandé aux groupes autochtones si cela pouvait causer de très gros problèmes à une collectivité en particulier si quelqu'un revendiquait soudainement le droit d'auteur pour une danse très traditionnelle. On s'est demandé si le droit d'auteur s'appliquerait même aux connaissances autochtones.
Je pense qu'il faut séparer la question analytique de savoir si quelque chose serait admissible à la protection en vertu de la loi de la réalité pratique de l'application des droits qui pourraient être accordés en vertu de la loi. Je pense que ce sont deux questions très différentes.
J'aimerais travailler un peu pour moi-même et revenir sur ce que vous avez dit. Je pense que c'est lié à certaines des autres questions qui ont été soulevées ici aujourd'hui.
Personnellement, je pense que la communauté du droit d'auteur a tendance à n'aller que dans une seule direction et à faire en sorte que les droits s'élargissent continuellement. Je pense que nous devons être conscients du fait que nous — en tant que particuliers, consommateurs, créateurs ou entités qui diffusent ou exploitent autrement le droit d'auteur — jouons tous de multiples rôles simultanés dans l'écosystème du droit d'auteur. Nous bénéficions et — j'hésite à dire que nous sommes les victimes — portons à la fois le fardeau de ces droits élargis.
Il n'est pas toujours vrai que le droit d'auteur est le mécanisme approprié pour reconnaître ce qui constitue par ailleurs des revendications tout à fait justifiables.
Je souscris certainement à cette idée.
Madame Gendreau, dans votre exposé, vous soutenez que les plateformes en ligne devraient être responsables des oeuvres contrefaites publiées sur leurs plateformes au même titre que les radiodiffuseurs traditionnels.
Ne reconnaissez-vous pas qu'une station de télévision pour laquelle un producteur détermine tout ce qui passe à l'antenne est différente d'une plateforme sur laquelle les utilisateurs téléchargent leur contenu?
Elles sont différentes en ce sens qu'elles mènent des activités différentes. Elles ne font pas de programmation comme le font les radiodiffuseurs.
Ce à quoi nous faisons face, c'est précisément quelque chose de différent, parce que nous avons, encore une fois, une industrie qui existe parce qu'il y a des oeuvres à mettre en valeur ou à exposer et à diffuser par l'intermédiaire de ses services. Elle fait de l'argent et elle aura la possibilité de faire des affaires grâce à ces oeuvres, et elle ne paie peut-être pas pour ces matières premières.
C'est comme les redevances minières. Les sociétés minières doivent payer des redevances parce qu'elles exploitent des ressources primaires. Je pense que nous devons réaliser que nos industries créatives, nos oeuvres créatives, sont nos nouvelles ressources primaires dans une économie du savoir, et que ceux qui en bénéficient doivent payer pour cela.
Madame Gendreau, vous ne pouvez pas considérer comme équivalents un bien matériel qui, une fois extrait, est exclusivement envoyé ailleurs et une idée ou une oeuvre qui peuvent être transmises sans que quelqu'un soit laissé pour compte. On nous a dit que, si un tel système était en place, les plateformes en ligne n'auraient pas d'autres choix que de restreindre sérieusement ce que les utilisateurs peuvent télécharger.
Pensez-vous que le fait de restreindre de façon importante l'innovation est une solution raisonnable dans ce cas?
Non, je ne pense pas que cela limiterait l'innovation ou la diffusion. Je pense que, au contraire, cela garantirait la rémunération des auteurs créatifs, et, parce que ceux-ci recevraient des paiements pour l'utilisation de leurs oeuvres, ils n'intenteraient pas de poursuites pour des utilisations négligeables ou stupides qui ont donné une très mauvaise réputation à l'application du droit d'auteur.
Si les titulaires de droits d'auteur savaient qu'ils seraient rémunérés lorsque leurs oeuvres seraient utilisées, et si, ensuite, ils voyaient une grand-mère faire une vidéo dans laquelle ses petits-enfants dansent sur une certaine musique et qu'ils recevaient néanmoins un paiement quelconque, ils ne poursuivraient pas cette grand-mère et ne se rendraient pas ridicules.
Je vous remercie.
Monsieur Geist, vous avez fortement plaidé contre l'octroi de dommage-intérêts à Access Copyright. Si la pire pénalité qu'il est autorisé à demander est le montant du tarif initial, les établissements d'enseignement ne vont-ils pas seulement faire fi de ce tarif parce que la seule pénalité qu'ils doivent payer est celle qu'ils auraient à payer au départ?
Non. Tout d'abord, les établissements d'enseignement ne cherchent pas à enfreindre quoi que ce soit, comme je l'ai dit. Ils ont plus de licences maintenant qu'ils n'en ont jamais eu auparavant. Dans l'ensemble, les dommages-intérêts sont l'exception plutôt que la règle. La façon dont le droit fonctionne généralement, c'est que l'on préserve l'intégrité de la personne. On ne lui donne pas plus que ce qu'elle a perdu.
Lorsque nous avons des dommages-intérêts préétablis dans le cadre du système des sociétés collectives de gestion, cela fait partie d'une contrepartie. On l'utilise pour des groupes comme la SOCAN, parce que des responsables n'ont pas d'autre choix que d'adhérer à ce système et parce que c'est obligatoire pour des raisons liées à la concurrence, ils ont la capacité de le faire.
Access Copyright peut se servir du marché et, comme nous en avons parlé, il s'agit maintenant de l'une des nombreuses licences qui existent. Comme nous l'avons appris au cours de ces derniers mois, la situation est devenue vraiment critique en ce qui concerne les différentes façons dont les groupes d'éducation accordent des licences. L'idée que la société aurait spécifiquement droit à des dommages-intérêts massifs me semble être une intervention incroyable et injustifiée sur le marché.
Merci, monsieur le président.
C'est une bonne chose que nous parlions du droit d'auteur. J'estime qu'il y a eu atteinte à mon droit qu'un projet de loi de réparation soit adopté. Il y a plutôt eu un accord volontaire. Le projet de loi C-273 modifiait la Loi canadienne sur la concurrence et la Loi sur la protection de l'environnement pour qu'un service de marché secondaire soit offert pour les véhicules, les techniciens et les technologies de l'information. Il s'agit d'une question environnementale, mais qui porte également sur la concurrence et ainsi de suite. C'est tout à fait pertinent aujourd'hui, puisque même les États-Unis permettaient l'obtention de ces renseignements sous le régime de leurs lois. Je pouvais faire réparer un véhicule aux États-Unis dans un garage offrant un service de marché secondaire, mais je ne pouvais pas le faire à Windsor. Nous avons passé plusieurs années à tenter d'obtenir cet amendement, mais je remarque que cela a évolué vers quelque chose de plus large, c'est-à-dire la possibilité de modifier et de changer les appareils.
J'aimerais parler un peu de la Commission du droit d'auteur. Je sais qu'une partie des témoignages d'aujourd'hui se sont quelque peu éloignés de ce point, mais ce qui était intéressant avec la comparution des représentants de la Commission du droit d'auteur est qu'ils ont demandé trois modifications importantes qui ne faisaient pas partie du projet de loi C-86. L'une des modifications — et je serais curieux d'entendre votre avis à ce sujet —, c'est qu'ils souhaitaient voir une refonte de la Loi, puisque la dernière refonte date de 1985.
Y a-t-il un commentaire sur l'exposé des représentants de la Commission du droit d'auteur et sur le fait qu'ils ne pensent pas que le projet de loi C-86 réussira à régler tous les problèmes auxquels ils font face? Ils ont présenté trois points importants. L'un d'entre eux portait là-dessus. Également, ils ont abordé la protection de leur capacité de rendre des décisions intérimaires qui ne peuvent être renversées. Je ne sais pas s'il y a des observations à ce sujet, mais c'est l'une des choses que j'estimais intéressantes dans l'exposé qu'ils ont présenté.
Quelqu'un... Si personne n'a quoi que ce soit à dire et que vous êtes satisfaits de la façon dont vont les choses, alors nous nous en tiendrons à cela. C'est très bien.
J'ai exprimé, dans un autre forum, certaines de mes préoccupations concernant le projet de loi C-86, lesquelles ne sont pas nécessairement les mêmes que celles qui ont été soulevées par la Commission. Je ne pense pas que le projet de loi C-86 corrige parfaitement les problèmes soulevés par la Commission du droit d'auteur, mais j'estime qu'il s'agit d'un bon départ. C'est le genre de mesure législative qui devrait certainement faire l'objet d'un examen très rapide — une période de cinq ans serait probablement adéquate — afin que l'on puisse s'assurer qu'elle a l'effet escompté.
Peut-être aurais-je dû étudier la transcription des témoignages d'un peu plus près. Est-ce que j'ai bien compris que la proposition était que l'on fasse une refonte de la Loi et que l'on reparte à zéro?
C'est leur proposition. Il s'agit d'examiner la Loi et de la rendre cohérente. Je crois que leur préoccupation est...
... que des modifications y soient apportées une fois de plus. Leur exposé à ce sujet était intéressant, car, selon eux, il ne s'agit pas d'une approche globale, et cela donnerait lieu à des incohérences.
Je sais que cela vous en fait beaucoup à absorber si vous n'aviez pas pu y jeter un coup d'oeil. Ils ont mentionné la transparence, l'accès et l'efficacité comme étant des aspects à être corrigés. Certains d'entre eux figurent dans le projet de loi C-86, mais n'ont toujours pas fait l'objet d'un examen.
Chaque fois qu'il y a une série de modifications progressives apportées à une loi, j'estime qu'il y a forcément des conséquences imprévues lorsqu'on jette un regard rétrospectif sur cette approche. S'il y avait une volonté d'effectuer un examen très approfondi, ou une refonte, comme vous l'avez mentionné, de la Loi sur le droit d'auteur, il s'agirait d'une idée intéressante pour cette seule raison: se pencher sur les conséquences imprévues ou sur les incohérences qui en ont découlé. Je ne sais pas si c'est là où la Commission voulait en venir, mais il s'agit d'une idée intéressante, selon moi.
Je n'ai pas de réponse particulière à la question que vous avez posée. Je veux simplement vous recommander les observations que l'IPIC a faites en ce qui a trait au projet de loi C-86 et également les observations qui ont été faites en 2017 sur le remaniement de la Commission du droit d'auteur.
Monsieur le président, j'aimerais préciser que, selon moi, cela met en lumière — pour en revenir à la question du président à propos d'un examen quinquennal — pourquoi les examens quinquennaux sont en quelque sorte problématiques. Premièrement, le fait que nous soyons en mesure de nous pencher sur des choses telles que la Commission du droit d'auteur ou le traité de Marrakech entre 2012 et maintenant montre que, lorsqu'il y a des problèmes importants, le gouvernement a la possibilité d'agir.
Deuxièmement, puisqu'il s'agirait, de loin, des plus gros changements que la Commission a vus depuis des décennies, avec de nouveaux fonds et une Commission presque entièrement nouvelle, cela va prendre du temps. Nous savons que ce type de choses prend encore du temps, donc il me semble insensé que nous revenions dans trois ou quatre ans — ou même cinq ans — afin de juger ce qui est en place, et encore moins que nous effectuions une refonte de la Loi. Nous avons besoin de temps pour voir comment vont les choses. Si la Commission dit avoir besoin d'une refonte pour trouver un sens à tout cela, j'estime alors qu'il y a un problème.
C'est en quelque sorte la trajectoire. Ce qui me préoccupe actuellement avec le projet de loi C-86, c'est ce que nous avons effectué et également l'AEUMC. Trois points importants ont été soulevés en même temps. Ils finiront par se concrétiser, et nous devrons nous en occuper à ce moment-là.
Je n'ai pas d'autres questions. J'ai terminé.
Je remercie les témoins.
Merci, monsieur le président.
Je vais revenir sur le droit de réparer. Je fais également partie du comité de l'agriculture. J'ai travaillé également dans le domaine de l'innovation en agriculture. La norme J1939 est la norme en matière de véhicule. Il y a une norme ISO pour les composantes des véhicules, comme la direction, soit la norme ISO 11898, et puis pour la remorque, c'est-à-dire les distributeurs d'engrais, les épandeurs et les pulvérisateurs, c'est la norme ISO 11992 qui s'applique. À quel point devons-nous être précis pour faire en sorte que les innovateurs puissent monter à bord des tracteurs et faire leur travail?
Nous pourrions travailler sur tout sauf John Deere, bien que je connaisse une personne à Regina qui sait comment contourner les protocoles de John Deere également. Les gens doivent contourner les protocoles et puis, de façon presque illégale, vous donner accès à l'équipement. Quel degré de précision la loi devrait-elle atteindre au chapitre de la technologie?
Tout d'abord, les gens ne devraient pas avoir à travailler de façon presque illégale sur leur propre équipement. En fait, la Loi sur le droit d'auteur ne devrait pas s'appliquer à ce type de questions. L'un des premiers cas d'intersection entre des serrures numériques et des appareils concernait une entreprise située à Burlington, en Ontario, du nom de Skylink, qui avait conçu une télécommande universelle qui permettait d'ouvrir les portes de garage. Il ne s'agit pas d'une technologie exceptionnelle, mais l'entreprise a passé bon nombre d'années devant les tribunaux, après avoir été poursuivie par une autre entreprise d'ouvre-porte de garage, Chamberlain, laquelle affirmait que l'entreprise en question contournait sa serrure numérique afin que cette télécommande universelle puisse fonctionner.
Le problème vient du fait que l'on applique le droit d'auteur à des appareils de cette façon. Cela tire son origine des réformes de 2012 sur les serrures numériques. La solution est de nous assurer que nous avons en place les bonnes exceptions, afin que la loi ne s'applique pas dans les secteurs où elle ne devrait pas être appliquée.
Non, il faut l'aborder spécifiquement en vertu des dispositions anticontournement. Il me semble que c'est à l'article 41.25. Idéalement, il s'agirait d'intégrer l'exception relative à l'utilisation équitable et de l'appliquer également aux dispositions anticontournement. En d'autres mots, je ne devrais pas avoir le droit de faire une utilisation équitable si quelque chose est sur papier, mais perdre ce droit lorsque c'est électronique ou numérique ou s'il s'agit d'un code sur un tracteur.
En ce qui a trait à notre programme en matière d'innovation, il nous faudrait examiner attentivement l'article 41.25.
Nous avons mis en place une série d'exceptions limitées. En fait, elles étaient si limitées que nous avons dû revenir les modifier lorsque nous avons signé le traité de Marrakech visant à faciliter l'accès aux personnes ayant des déficiences visuelles. Les États-Unis ont, pendant ce temps, établi une série d'exceptions supplémentaires. D'autres pays sont allés bien plus loin que les États-Unis. Nous sommes maintenant aux prises avec des dispositions parmi les plus restrictives au monde.
Cependant, nous avons les agriculteurs les plus innovateurs. Ils peuvent s'adapter à ce genre de choses.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup.
Avant que nous levions la séance, j'aimerais juste vous rappeler que, mercredi, dans la pièce 415, nous entendrons des témoins pendant la première heure, et pour la deuxième heure, nous recevrons des instructions de rédaction.
Également, pour ceux qui suivent les séances partout au Canada, je vous rappelle qu'aujourd'hui est le dernier jour pour les mémoires présentés en ligne, au plus tard à minuit, heure normale de l'Est. Je pense que le mot s'est donné, car aujourd'hui, nous en avons déjà reçu 97.
Veuillez noter que nos analystes viennent de dire: « Oh, non. »
Des voix: Ha, ha!
Le président: Je tiens à remercier les témoins de leur présence ici aujourd'hui. C'était une excellente session et une bonne récapitulation du travail effectué au cours de la dernière année. Merci à tous.
La séance est levée.
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