FOPO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent des pêches et des océans
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 5 octobre 2016
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Mesdames et messieurs, merci de vous joindre à nous. Nous allons continuer maintenant.
Voilà comment nous allons faire les choses. Comme nous avons eu 15 minutes de retard, nous allons raccourcir tous les segments. Nous avons un autre invité. Nous parlerons à M. Parsons au sujet du saumon. Nous avons aussi des directives de rédaction, et j'espère donc que vous avez vos recommandations concernant l'étude sur le saumon.
Tout d'abord, j'aimerais présenter mes excuses à nos invités. Nous avons dû rester en Chambre pour voter, ce qui nous a un peu retardés. Pour commencer, nous accueillons par vidéoconférence Susanna Fuller qui est coordonnatrice principale de la conservation marine au Ecology Action Centre, et elle nous parle de Halifax, en Nouvelle-Écosse. Nous avons aussi Andrew Bouzan, le président de la Newfoundland and Labrador Wildlife Federation, qui vient nous parler de la morue. Lui aussi nous parle par vidéoconférence à partir de la ville que nous venons de quitter, St. John's. Je suis désolé, monsieur Bouzan, que nous n'ayons pas eu la possibilité de vous parler là-bas, mais nous sommes convaincus que votre apport sera valide et nous vous remercions de vous joindre à nous aujourd'hui.
Ceci étant dit, nous vous consacrons généralement 10 minutes chacun pour votre déclaration préliminaire. Si vous pouvez vous limiter à 10 minutes ou moins, nous l'apprécierions grandement.
Madame Fuller, vous avez la parole.
Tout d'abord, merci de m'avoir invitée à vous parler aujourd'hui, et je suis désolée de ne pas être là en personne. Je n'ai pas pu avoir un vol pour Ottawa aujourd'hui, mais je crois que dans l'optique de l'annonce récente au sujet de la taxe sur le carbone, c'est probablement une bonne idée de moins voyager par avion.
Je sais que nous vous avons parlé dans le cadre de votre étude sur le saumon atlantique, mais je vais quand même vous présenter l'Ecology Action Centre. C'est la plus vieille organisation environnementale du Canada atlantique, créée en 1971, et la plus grande, avec un personnel de 35 membres et 4 700 membres.
Nous sommes installés à Halifax dans un des immeubles à bureaux les plus verts au Canada, et nos activités sont d'une envergure qui permet d'apporter des changements positifs à l'environnement halieutique et à la conservation des ressources marines. Cela signifie que nous travaillons à l'échelle régionale, à l'échelle nationale et à l'échelle internationale.
Nous nous penchons sur les questions de pêche depuis le début des années 1990. Nous sommes présentement la seule organisation de société civile du Canada qui assiste aux réunions internationales sur les pêches, comme celles de l'OPANO et du CICTA, ainsi qu'aux réunions des Nations Unies dans ce domaine. Cela nous permet d'avoir une perspective unique de la façon dont le Canada gère ses ressources halieutiques chez lui.
Nous avons commencé nos activités maritimes tout de suite après le moratoire sur le poisson de fond, quand nous avons pris conscience du fait que les pêches du Canada atlantique devaient avoir une voix sur le plan environnemental. Nous aurions peut-être dû commencer 20 ans plus tôt, mais comme on dit, avec le recul tout est clair.
Nos activités portent sur les politiques, la recherche et la sensibilisation dans le domaine des pêches. Nous collaborons avec les pêcheurs pour augmenter la valeur de leurs prises, promouvoir les types d'engins de pêche à faible impact et faire en sorte que ces pêches soient récompensées sur le marché. Nous avons pour vision un océan sain et des collectivités côtières pleines de vitalité. Nous avons publié de nombreux rapports au cours des dernières années; par exemple, des rapports sur la façon de régler la crise de la pêche du poisson de fond, une étude nationale de l'impact des engins de pêche, et des conseils sur la création d'une chaîne de valeur des produits de mer.
L'an dernier, nous avons publié un article dans le Journal canadien des sciences halieutiques et aquatiques, de concert avec des scientifiques de l'Université de Victoria, intitulé « Missing the Safety Net ». Dans cet article, nous avons décrit le peu de protection relative qu'offre la Loi sur les pêches pour les poissons de mer en péril au Canada qui soit font partie de la liste au titre de la Loi sur les espèces en péril, soit n'ont pas fait l'objet d'une décision quant à leur protection. La morue fait partie de ces espèces.
Sur le plan personnel — et je crois que cela est pertinent —, je travaille à l'Ecology Action Centre à plein temps depuis 2006, et j'y ai travaillé ponctuellement avant cela depuis 1995. J'ai obtenu mon doctorat avec feu Ransom Myers dont certains d'entre vous peuvent se souvenir. Il est décédé il y a environ neuf ans. Il avait quitté le MPO après l'effondrement de la population de morue, en partie découragé par le fait que la science n'était pas suivie, et principalement parce qu'il avait violé la consigne du silence que lui avait imposée le ministère des Pêches et Océans qui ne l'autorisait pas à parler en public à titre de scientifique. Heureusement, nous ne muselons plus nos scientifiques.
J'ai récemment été coauteure avec ma collègue Julia Baum d'un rapport, intitulé « Canada's Marine Fisheries: Status, Recovery Potential and Pathways to Success », dont vous avez entendu parler, je crois, plus tôt cette semaine dans le cadre d'un exposé d'Oceana Canada.
Enfin, je suis née à Terre-Neuve. Mon père a pêché les deux dernières années de la flottille blanche portugaise au début des années 1970. C'étaient les derniers voiliers qui ont pêché la morue dans les Grands Bancs.
J'aimerais souligner quelques lacunes au niveau de la conservation de la morue du Nord. Quand il s'agit d'une ressource naturelle que nous avons si mal gérée, il est rare qu'on ait l'occasion de nous reprendre.
Nous en avons l'occasion avec la morue du Nord, mais cela exigera qu'on reconnaisse les erreurs commises par le passé et qu'on s'engage à ne pas les répéter. En particulier, le rétablissement de la morue — et je suis sûre que vous en avez entendu parler à Terre-Neuve — est embrouillé dans les difficultés d'une pêche d'invertébrés marins bien plus précieuse depuis les trois dernières décennies, ainsi que dans le dilemme écosystémique que représente le fait que nous ne pouvons rétablir en même temps la crevette et la morue.
Bien que les outils scientifiques et la gestion des pêches au Canada se soient indéniablement améliorés considérablement depuis l'épuisement de la morue, la diffusion hier du rapport du vérificateur général sur la préservation des ressources halieutiques du Canada établit clairement que nous sommes loin de disposer d'un savoir scientifique et d'outils modernes de gestion halieutique.
Le Canada a contribué à l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons dont les dispositions portent, entre autres, sur l'obligation de compatibilité des mesures de gestion de la pêche dans les eaux d'un État. Nous n'atteignons pas présentement les niveaux visés par cet accord international. J'aimerais vous donner quelques exemples, dont vous avez peut-être déjà entendu parler dans certains cas, mais il n'y a toujours pas de plan de rétablissement des stocks de morue du Nord, 25 ans après leur effondrement.
Tout d'abord, en dépit de l'élaboration d'un cadre de gestion durable des pêches et de politiques portant sur l'application de l'approche préventive, sur les plans de rétablissement, sur les captures accessoires et sur la protection des zones benthiques sensibles, pour n'en citer que quelques-unes, nous n'avons toujours pas rétabli les stocks de morue. De fait, il a fallu les efforts d'un groupe environnemental, le WWF-Canada, pour que des projets d'amélioration des pêches de morue 3Ps et de morue 2J3KL soient entrepris.
Deuxièmement, nous ne disposons pas d'un jeu complet de points de référence. Bien que des efforts aient été accomplis en vue d'établir des points de référence fondés sur la science, il n'y a aucun point de référence supérieur pour le stock et, de plus en plus, le point de référence limite est vu comme étant la cible. Bien que les stocks augmentent graduellement vers le point de référence limite, ceux-ci sont loin de ce qu'ils devraient être pour permettre la pêche de ce poisson. Il n'y a aucune règle de contrôle des prises. Tout ceci continue d'être un exemple des références glissantes.
Le stock de morue du Nord a diminué de 99 %. Son rétablissement à, par exemple, 10 % de sa biomasse antérieure ne correspond pas à une cible de gestion sensée. Selon la dernière évaluation, dont je suis sûre que vous êtes tous au courant, la morue du Nord n'est qu'à 35 % de son point de référence limite. On considère qu'elle est dans la zone critique du cadre d'approche préventive du Canada.
Troisièmement, à titre d'exemple, en 2011, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC, qui se compose de scientifiques nommés par le gouvernement, dont un grand nombre sont membres du sous-comité de spécialistes sur les poissons de mer ou sont des spécialistes anciens ou actuels du MPO, a déclaré que la morue du Nord était une espèce menacée. Si la morue était ajoutée à la liste au titre de la Loi sur les espèces en péril, sa pêche en serait interdite dans l'état actuel de ses stocks. Pourtant, nous décidons rarement d'inclure des pêches commerciales dans les listes au titre de la Loi sur les espèces en péril pour des raisons socio-économiques. On peut avoir une certaine compassion à cet égard, mais la décision de ne pas inscrire une espèce sur la liste est devenue un prétexte à l'inaction.
La morue du Nord s'est effondrée il y a 25 ans, et je trouve aberrant que ce soit la première fois que des députés mènent une étude exhaustive à son sujet. Je vous encourage à faire votre possible dans le cadre de ce processus pour veiller à ce que les Canadiens puissent être fiers du rétablissement des stocks de morue du Nord dans les années à venir, plutôt que d'avoir honte de notre échec systémique.
De plus, je crois comprendre que vous entreprenez votre étude sur la Loi des pêches à la fin du mois, et j'ai hâte d'avoir l'occasion de parler avec vous à ce moment-là, mais je vous encourage à élargir la portée de cet examen et de penser aux façons dont il pourrait s'appliquer à la morue du Nord. Nos ressources halieutiques méritent d'être mieux protégées qu'elles ne le sont au titre de la loi actuelle.
Passons maintenant aux avantages économiques du rétablissement de la pêche à la morue; vous n'êtes pas sans savoir que l'effondrement de la pêche à la morue du Nord a été dévastateur pour Terre-Neuve et ses collectivités côtières. Il a fallu que le gouvernement fédéral investisse d'énormes montants dans le programme LSPA, l'aide sociale et le recyclage. Si nous avions bien géré la pêche à la morue, cet argent aurait pu être consacré à autre chose. Il est aussi très difficile de commercialiser une espèce menacée, et c'est ce qu'est devenue la morue du Nord. Il faut rectifier cela pour optimiser les avantages socio-économiques pour les collectivités côtières.
Il faut aussi faire en sorte que les engins de pêche à petite échelle et à faible impact soient utilisés, et il faut les commercialiser ainsi. Les produits de mer dont le lieu d'origine est traçable sont de plus en plus en demande, et la morue du Nord pourrait éventuellement bénéficier de cet aspect si elle est bien gérée. Si la morue est en cours de rétablissement, faisons en sorte que le public canadien et les collectivités à proximité des lieux de pêche en bénéficient pleinement.
Je vais conclure de façon très pratique avec quelques recommandations qui, je l'espère, influenceront non seulement votre processus, mais le rétablissement en bout de ligne de la morue du Nord, ainsi que des 15 autres poissons de mer que le vérificateur général a déclarés faire partie de la zone critique, et dont 12 ne bénéficient d'aucun plan de rétablissement.
Nos recommandations, dans l'ordre de priorité temporelle, sont les suivantes: tout d'abord, il faut produire un plan de rétablissement. Le gouvernement devrait accorder la priorité à la production d'un plan de rétablissement robuste, examiné par des pairs, pour la morue du Nord. Il y a lieu de privilégier les types d'engins de pêche qui ont le plus faible impact. Nous savons ce que les chaluts de fond à haut rendement font à la population de poissons la plus abondante de la terre.
Deuxièmement, il faut demander une réévaluation au COSEPAC. Ce comité devrait être chargé de réévaluer la morue du Nord pour que nous n'augmentions pas les quotas, la commercialisation, etc. d'une espèce menacée. Cela cause au sein même du MPO un conflit d'intérêts direct, ce qui est le cas présentement pour la morue 3Ps qui est désignée comme étant menacée, mais qui est aussi certifiée par le Marine Stewardship Council.
Troisièmement, il faut moderniser la Loi sur les pêches. Notre loi sur les pêches doit être actualisée de sorte qu'elle comporte, au moins, les concepts suivants:
Premièrement, les principes clés de gestion des pêches moderne, y compris l'approche préventive et l'approche écosystémique, qui sont cruciales pour ce qui est de protéger les espèces importantes et les écosystèmes dont elles dépendent, y compris les espèces étrangères. Je suis sûre que vous avez entendu beaucoup parler du capelan à Terre-Neuve.
Deuxièmement, il y a l'obligation légale de rétablir les populations de poisson décimées avec des cibles et des échéances. La Magnuson-Stevens Fishery Conservation and Management Act des États-Unis réussit à bien faire cela, et on pourrait s'en servir comme modèle. Troisièmement, il y a l'obligation légale de présenter un rapport sur l'état de notre population de poisson au Parlement et au public canadien. Vous trouverez peut-être étrange que le seul rapport public sur la durabilité de nos stocks de poisson est celui produit par Environnement et Changement climatique Canada et non pas par le MPO.
Quatrièmement, il faut faire une gestion adéquate des ressources halieutiques dans une optique plus axée sur la durabilité à long terme et moins axée sur les gains économiques à court terme. Cinquièmement, il faut prodiguer soutien et orientation aux braves gens du ministère qui travaillent au rétablissement des populations de poisson. Avec des ressources adéquates, le prochain rapport du vérificateur général serait bien plus prometteur pour ce qui est de la façon dont le MPO s'acquitte son mandat.
Enfin, nous devons regagner la confiance publique. L'effondrement de la morue, le récent rapport du vérificateur général, l'impression générale que le MPO ne fait pas son travail et le manque de transparence dans la disponibilité des données servant aux décisions et les plans de gestion sont toutes des choses qui ont entraîné une érosion considérable de la confiance du public. Nos pêches sont une ressource publique au Canada. Elles contribuent à la biodiversité, au fonctionnement de l'écosystème, à l'économie et à nos cultures. Un engagement à bien faire les choses pour la morue du Nord contribuerait grandement à rétablir la confiance des Canadiens à l'endroit du ministère des Pêches et des Océans, et du gouvernement du Canada en général.
Merci.
Non, nous aimerions que vous nous présentiez un bref exposé, si vous voulez bien. Dites-nous qui vous êtes et parlez-nous de ce qui vous intéresse pendant un petit bout de temps. Ensuite, nous passerons aux questions.
Je m'appelle Andrew Bouzan. Je suis le président de la Newfoundland and Labrador Wildlife Federation, le groupe de conservation le plus grand et le plus ancien à Terre-Neuve-et-Labrador, créé en 1962. Nous comptons parmi nous un vaste ensemble de groupes et d'organismes affiliés, non seulement dans cette province, mais à travers le pays également.
J'aimerais vous parler de certains points clés aujourd'hui, dont un certain nombre viennent d'être mentionnés. Loin de moi l'idée de m'avancer trop dans une leçon d'histoire, mais nous savons tous ce qui est arrivé avec le moratoire de 1992 sur la morue et ses effets dévastateurs sur la province — le plus grand nombre de mises à pied dans l'histoire du Canada — en raison d'une gestion et d'une gouvernance clairement mal menées de cette ressource.
Tout d'abord, j'aimerais remercier le Comité d'organiser ceci ici et de m'avoir invité à parler au nom de la Wildlife Federation.
J'aimerais souligner surtout le problème de la pêche de subsistance de la morue dans la province, pêche que bien des gens d'ici et d'ailleurs considèrent ne pas être juste ni égale à n'importe quelle autre pêche des autres provinces du pays. On nous alloue moins de temps sur l'eau que n'importe quelle autre province. On nous autorise moins de prises que n'importe qui d'autre dans une autre province, d'un bout à l'autre du pays.
Cette année, nous avons eu jusqu'à présent exactement 46 jours sur l'eau, soit deux semaines entières de moins qu'auparavant. Heureusement, le nouveau gouvernement fédéral semble donner quelques signes de bonne foi pour nous accorder un peu plus de temps sur l'eau. À la première rencontre que j'ai eue avec le nouveau gouvernement, avec Hunter Tootoo en janvier, j'ai eu l'impression qu'il y aurait peut-être une meilleure relation entre cette province et le gouvernement fédéral, en particulier avec le ministère des Pêches et des Océans.
La question de la sécurité alimentaire et de la souveraineté alimentaire à Terre-Neuve-et-Labrador est la première question importante que je veux souligner ici aujourd'hui.
Tout d'abord, la grande majorité des aliments que nous avons dans cette province, soit plus de 90 %, arrive soit par avion soit par bateau, puis est transportée par camion à travers la province. Sur cette île, qui est la 15e plus grande île au monde, nous avons moins de 5 % de terres agricoles viables. Il est parfois très difficile d'arriver à accéder à de la nourriture ou à des fruits et légumes, et même, à certains moments de l'année, il y a des collectivités dont l'accès par bateau peut être entièrement coupé, et les livraisons dans certaines collectivités rurales peuvent être impossibles.
Deuxièmement, j'aimerais parler de la sécurité, la sécurité sur l'eau dans l'océan Atlantique Nord. Malheureusement, même cette année, nous avons perdu des vies en mer. Durant les périodes limitées qui nous sont accordées pour la pêche, nous pouvons faire face à des vents violents ou à des marées très hautes. L'océan Atlantique Nord-Ouest est sans pitié. Nous en sommes tous conscients ici pour avoir vécu des années d'incidents tragiques.
Cependant, l'enjeu principal que j'ai mentionné plus tôt, c'est l'égalité. Nous sommes le plus jeune membre de la famille canadienne, et nous méritons d'être traités au moins de la même façon, avec équité et compréhension, pour ce qui est des problèmes auxquels cette province est confrontée.
Et maintenant, d'après ce que j'ai lu sur le MPO et entendu lors de la dernière rencontre que j'ai eue en juin, le ministère des Pêches et des Océans envisage de mettre en oeuvre un système d'étiquetage et un système de permis pour la pêche de subsistance à la morue. C'est une initiative qui est fortement contestée à travers la province. Vous êtes peut-être conscients de notre situation économique actuelle; nous avons un déficit de plus de deux milliards de dollars, et les taxes ne cessent d'augmenter sur à peu près tout ici. Il n'y a rien dans cette province dont le prix baisse, laissez-moi vous dire.
Cette activité remonte à 500 ans, et elle était pratiquée par nos ancêtres ici. Elle fait partie de notre culture, c'est une activité traditionnelle, et l'aspect le plus important que je veux souligner est bien le fait que c'est une tradition. Il y a aujourd'hui des gens qui ont grandi dans cette province et qui ne sont jamais montés à bord d'un bateau, qui n'ont jamais tenu dans leurs mains une canne à pêche, parce que ce qui est arrivé au début des années 1990 les a découragés d'entreprendre cette activité. À notre avis, la gestion de nos pêches, même aujourd'hui, est injuste pour la majorité des gens dans la province.
Les gens veulent aller pêcher pour mettre de la nourriture sur la table. Ils ne cherchent pas à aller pêcher pour accrocher au mur une photo d'eux tenant un poisson. Ici, dans cette province, le poisson est un aliment, et c'est l'essentiel. C'était ce que je voulais dire ici aujourd'hui.
Merci.
Merci, monsieur Bouzan. Je l'apprécie.
Chers collègues, compte tenu du manque de temps, nous pourrions probablement avoir trois questions de sept minutes ce tour-ci. Si des éclaircissements s'imposent à la fin, je pourrai ajouter une courte question, si tout le monde est d'accord avec ça.
Ceci dit, vous pourriez peut-être partager votre temps, mais peut-être pas avec Fin. Non, je ne devrais pas dire cela, parce que vous pourriez peut-être vouloir le partager avec Fin.
Commençons avec M. McDonald, pendant sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Tout d'abord, merci aux deux témoins pour leur présence aujourd'hui. Cela s'ajoute certainement à tout ce que nous avons entendu au cours des derniers jours, lors de nos rencontres avec des témoins et des groupes participant à la pêche à la morue du Nord, ou à la pêche en général.
Une ou deux questions pour M. Bouzan.
Vous avez mentionné que le temps alloué à la pêche de subsistance ou la pêche récréative, quelle que soit la façon dont vous voulez l'appeler, n'est pas assez long cette année. Quelle devrait être, d'après vous, la durée de la saison de la pêche de subsistance à Terre-Neuve?
Estimez-vous qu'il est raisonnable aussi de maintenir la limite de cinq poissons par jour pour chaque membre d'un groupe de trois personnes sur un bateau? À 72 jours, cinq poissons par jour représentent environ 360 poissons.
Si cette province obtenait ce temps supplémentaire, les gens que je représente et moi-même serions tout à fait disposés à maintenir à 15 la limite qu'impose actuellement le MPO sur le nombre de poissons par personne par bateau.
Cela revient à cinq par personne.
Vous avez mentionné aussi la possibilité d'un système d'étiquetage et de permis, parce qu'il en a été question. Tout ce que je peux vous dire, c'est que d'après ce que j'entends, il est présentement impossible de déterminer exactement combien de poissons sortent de l'eau dans le cadre de la pêche de subsistance ou récréative. Il y a d'un côté des gens qui disent que nous n'avons pas été jusqu'à la pêche commerciale, et pourtant, nous ne contrôlons pas le nombre de poissons capturés par notre pêche soi-disant de subsistance. Le système d'étiquetage et de permis permettrait probablement de mieux estimer le nombre de poissons capturés.
Pourquoi un groupe de conservation serait-il contre ce type de système?
Nous sommes contre ce type de système pour deux raisons.
Tout d'abord, il y a une raison économique. Notre province vit des temps plutôt durs. Je suis sûr que tout le monde ici et ailleurs en est conscient. Le prix des aliments et de n'importe quoi d'autre ici... Les gens veulent pouvoir mettre de la nourriture sur table, comme je l'ai mentionné plus tôt.
De plus, il y a le fait que de moins en moins de gens font de la pêche de subsistance tous les ans. Le dernier rapport que j'ai lu, un rapport de 2010 du ministère des Pêches et des Océans sur la pêche récréative, mentionnait un déclin de presque 50 %. Si je me souviens bien, en 2005, il y avait environ 130 000 pêcheurs récréatifs sur les eaux, et en 2010, ce nombre se chiffrait à quelque 70 000.
La population de cette province vieillit. L'âge moyen d'un chasseur ou d'un pêcheur à la ligne dans cette province est d'environ 50 ans. Il y en a même qui ont plus de 60 ou 70 ans. Attirer des gens plus jeunes à cette activité est une priorité pour nous. Si nous perdons cet aspect de notre tradition, nous ne la retrouverons plus. C'est un élément crucial ici.
Si le MPO prévoit instituer des permis de pêche à la morue et des étiquettes de morue, je recommanderais fortement qu'il ne les impose pas aux habitants de cette province. Je ne dis pas que nous soyons contre l'imposition d'une allocation de poissons par le truchement d'un système d'étiquetage et de permis aux non-résidents. C'est compréhensible.
En ce qui concerne le coût, si le MPO souhaitait continuer à imposer un droit ou des frais, l'argent perçu pourrait aller à des activités de conservation tout à fait non gouvernementales dans cette province, le gouvernement demeurant neutre.
Je vous entends parler de tradition, monsieur Bouzan, et je me souviens d'avoir grandi près de l'eau à une époque où on pouvait sortir en bateau pêcher un poisson n'importe quel soir. Il n'y avait pas de règlements, rien du tout. Conserver nos traditions est-il plus important que faire en sorte que les stocks atteignent un stade de durabilité? Devrions-nous permettre que ce soit une pêche de subsistance et récréative plus ouverte, à plus grande échelle, ou devrions-nous d'abord veiller à ce que les stocks aient atteint un point où ils peuvent supporter une pêche beaucoup plus ouverte?
Que pensez-vous de cela?
Si vous voulez assurer l'avenir des pêches dans cette province, dans n'importe laquelle des zones de l'OPANO dans n'importe laquelle de leurs régions et dans toutes leurs sections, je suggère que vous mettiez fin au chalutage hauturier qui a presque détruit la côte atlantique entière avec 50 ans de chalutage industriel. Les petits navires côtiers, les pêcheurs commerciaux que nous avons ici subviennent aux besoins de collectivités entières dans certaines circonstances. Mais je ne crois pas que vous puissiez attribuer un prix à la tradition, monsieur.
C'est essentiellement ma réponse.
Madame Fuller, en ce qui concerne la Loi sur les pêches et l'étude qui se déroule présentement sur les stocks de morue du Nord, pour quelles raisons dites-vous que la partie portant sur la Loi sur les pêches devrait probablement être traitée avant que nous ne présentions des recommandations concrètes découlant de l'étude même sur la morue du Nord?
Pouvez-vous me donner vos raisons, s'il vous plaît?
Je ne dis pas que c'est ce que nous devrions faire en premier, mais les deux me semblent aller de pair. Je comprends fort bien le sentiment qu'éprouve le secteur de la pêche, même celui de la pêche de subsistance. Mais si le poisson que vous prenez appartient à une espèce en voie de disparition et qu'on ne l'inscrit pas sur la liste des espèces en péril, on se cantonne dans l'inaction. Une Loi sur les pêches plus musclée, qui exigerait la reconstitution des stocks, nous donnerait les moyens juridiques d'y parvenir. Il va falloir un certain temps avant que les stocks de morue se rétablissent. Il va sans doute aussi falloir un certain temps avant que l'on apporte à la Loi sur les pêches les modifications voulues. La situation de la morue reste délicate et, rappelons-le, il y a, dans la zone critique, 15 espèces différentes. Or, étant donné que la Loi ne nous y oblige pas, nous n'avons aucun plan de reconstitution des stocks. Le ministère se retrouve dans une situation difficile car, juridiquement, le seul moyen qu'il ait d'oeuvrer au rétablissement de certaines espèces marines est de les inscrire au titre de la Loi sur les espèces en péril. On l'a fait pour le loup de mer, bien qu'on ait tout de même accordé 9 600 permis de pêche en invoquant le concept de dommages admissibles. Je ne pense pas que nous souhaitions faire cela pour la morue et plusieurs autres espèces.
Je vous demande de réfléchir aux moyens qu'offre la Loi sur les pêches de résoudre le problème de la morue du Nord. Demandons-nous pourquoi, 25 ans après l'effondrement des stocks, nous n'avons toujours pas de plan de rétablissement. Réfléchissons aux mesures juridiques qui pourraient être prises pour assurer que cela ne se reproduit pas.
Je sais que la Loi sur les pêches ne vous laisse guère de latitude, mais je ne pense pas que l'on puisse rétablir la situation de la morue du Nord et des autres espèces de la zone critique sans réexaminer sérieusement la Loi sur les pêches, et axer l'application de l'accord des Nations Unies sur les stocks de poisson, sur une approche écosystémique conforme au principe de précaution. Nous devons nous attacher à reconstituer les stocks et à rendre régulièrement compte des résultats obtenus. Je vous invite aussi à vous inspirer de l'obligation qu'a le gouvernement américain de tenir le Congrès au courant des progrès accomplis. On pourrait s'en inspirer. Il est en effet essentiel que chacun rende compte de ce qu'il fait et des résultats obtenus. Comment se peut-il qu'après tant de temps nous n'ayons toujours pas de plan de reconstitution des stocks? À qui incombe cette tâche? La Loi sur les pêches n'est pas suffisamment ferme à cet égard. Elle n'exige pas l'adoption d'un plan et, par conséquent, rien ne se fait.
Merci, madame Fuller.
Je vous remercie de vos observations.
Nous passons maintenant la parole à M. Sopuck.
Si j'ai bien compris, vous entendez partager votre temps de parole.
Je vous ferai signe au bout de trois minutes et demie.
Monsieur Bouzan, je conviens que la délivrance de permis de pêche récréative ou de pêche de subsistance serait inhabituelle.
Au Manitoba, d'où je viens, l'espèce la plus répandue est le doré jaune. Les gens peuvent en prendre jusqu'à six par jour, et cela en toute saison. Il y a des moyens indirects d'évaluer la santé d'un stock de poisson, en se basant notamment sur la pyramide des âges et le taux de croissance.
Le MPO a-t-il déjà effectué, auprès des pêcheurs de subsistance, une enquête par interrogation?
À ma connaissance, il ne s'est pas fait grand-chose en matière de pêche de subsistance. Il faut savoir qu'aux époques où les gens vont pêcher, quand la pêche est ouverte, nous avons en même temps d'autres choses à faire et nous n'allons pas pêcher tous les jours. On a son travail, sa famille, et le temps que nous pouvons consacrer à la pêche est somme toute limité.
Je peux vous dire, cependant, en me fondant sur les statistiques établies par le MPO, que moins en moins de personnes vont à la pêche. La population de la province vieillit et les gens avec qui j'ai grandi, les amis de la famille vivant dans les diverses régions de la province, sont, en raison de leur âge, de plus en plus nombreux à ne plus pêcher.
Je voudrais savoir, par exemple, si des agents du MPO se rendent au quai pour accueillir à leur retour les pêcheurs de subsistance, afin de peser, de mesurer le poisson qui est pris, de vérifier son âge. Fait-on cela?
Des agents du MPO sont postés en divers endroits.
Dans quelle mesure...? Il est clair qu'il n'y en a pas dans chaque port ou sur chaque quai de la province.
Non, de cela je suis certain.
Quelles tendances avez-vous constatées, vous et les autres pêcheurs de subsistance, notamment pour ce qui est des stocks de morue, de la taille des poissons, du taux de capture? Qu'avez-vous constaté ces dernières années?
On a vu prendre cette année, des morues d'une taille qu'on n'avait pas vue depuis l'instauration du moratoire. La morue peut atteindre l'âge de 25 ans. Sachons que la mer se réchauffe et que la morue se déplace de plus en plus vers le Nord, même à l'extérieur de la zone naturelle.
D'après ce qu'on me dit depuis quelques années, les prises ont sensiblement augmenté.
Très bien, je vous remercie.
Pourriez-vous, madame Fuller, répondre en quelques mots à la question suivante?
Êtes-vous favorable à la pêche de subsistance?
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous les deux d'avoir pris le temps de participer à cette vidéoconférence.
J'aurais, très rapidement, une question à poser à M. Bouzan, avant de céder la parole à M. Doherty qui, sans doute, a lui aussi des questions à poser.
Pourriez-vous nous donner une idée de l'importance économique de la pêche de subsistance? Des représentants de la pêche commerciale nous ont dit, plus tôt, que les seules informations qu'ils avaient à cet égard touchaient la valeur monétaire des prises. Connaît-on le montant des dépenses en matière d'équipement, de bateaux et de véhicules? La pêche de subsistance a-t-elle d'importantes retombées économiques? Ces retombées sont-elles ressenties dans les petites localités, ou plutôt dans les agglomérations?
Les dépenses attribuables à la pêche de subsistance sont très importantes.
Il y a le coût des attirails de pêche... La principale dépense est l'achat d'un bateau — des bateaux en fibre de verre bien sûr, —. Il y a en outre les cannes à pêche et les moulinets achetés dans les commerces locaux, dans les divers coins de la province. Et puis il y a les petites localités, les ports, les quais où s'exerce cette activité. Les restaurants jouent également un rôle.
Quant à la valeur des aliments ainsi procurés... C'est, monsieur Arnold, une activité née de la nécessité. Il est essentiel que les dépenses liées à cette activité circulent au sein de l'économie locale. Ce que je dis là vaut non seulement pour la province, mais pour le pays dans son ensemble. La pêche de subsistance injecte dans l'économie du pays des milliards de dollars.
Bon, je vous remercie.
Madame Fuller, vous parliez tout à l'heure du taux de reconstitution des stocks.
Vous avez dit, si je ne m'abuse, que, d'après vous, les stocks ne sont pas encore pleinement reconstitués. Quelles sont, selon vous, les mesures scientifiques qu'il faudrait adopter? Où devons-nous en arriver, avant d'être en mesure de rouvrir la pêche?
Il serait utile, je pense, de commencer par fixer pour les stocks un point de référence supérieur.
L'objectif a jusqu'ici été d'atteindre le point de référence limite, c'est-à-dire, normalement, le point de référence inférieur. Nous en sommes actuellement à environ 35 %. Or nous devrions d'après moi en être au moins au double du point de référence limite, soit à mi-chemin du point de référence supérieure. Avant de pouvoir rouvrir complètement la pêche commerciale, il nous faut donc avoir une idée de la trajectoire de rétablissement.
Vous recommandez donc que l'on fixe un pourcentage cible.
Je suis un peu au courant de ce qui se fait en Colombie-Britannique en matière de gestion de la faune. Je crois qu'ils pêchent peut-être par excès de prudence, ce qui peut entraîner un déséquilibre des populations et faire perdre un certain nombre d'occasions.
Conviendrait-il donc, d'après vous, de fixer un pourcentage cible plutôt que d'établir une limite minimum ou maximum?
En effet.
C'est ce qu'on obtient avec l'approche de précaution. Cela donne un pourcentage cible et permet de suivre les progrès du rétablissement au fur et à mesure que l'on passe d'une zone critique à une zone de prudence, puis, enfin, à une zone saine. D'après moi, il nous faut au moins atteindre la zone de prudence. C'est cela la cible. C'est ce qu'indique une approche fondée sur le risque. Il s'agit de pêche en l'occurrence, et ce n'est pas la même chose que la gestion de la faune.
Nous avons ici l'occasion d'intervenir à bon escient. Les conditions de réouverture de la pêche commerciale sont d'une grande importance. Qui va-t-on autoriser à s'y livrer? Avec quel type d'engins de pêche? Quelle sera la taille des bateaux? Il est également important de prévoir des moyens de surveillance. Il faut en outre réfléchir aux interactions proies-prédateurs probables, et à comment on entend gérer la pêche des espèces fourragères. On vous a sans doute exposé assez longuement les préoccupations qu'inspirent les stocks de capelan dont dépend la reconstitution des stocks de morue.
La pêche pose de nombreux problèmes. Nous avons déjà établi un pourcentage cible. C'est le point de départ de l'approche de précaution.
J'aurais une question à poser à Mme Fuller.
On a, lors de nos séances, recueilli des témoignages passionnés au sujet des gens qui gagnent leur vie en pêchant. On a beaucoup parlé d'eux. Ils comptent sur la pêche pour nourrir leurs familles, et faire vivre leurs communautés. Or on nous a dit hier que la décision de rouvrir ou non la pêche devrait être prise uniquement en fonction de données scientifiques.
Devrait-on, selon vous, adopter une approche mixte et prendre en compte , dans nos décisions, à la fois l'avis des scientifiques et le point de vue des pêcheurs?
Je le pense effectivement. L'effondrement des stocks de morue est en partie dû, justement, au fait que nous n'avons pas pris en compte l'intérêt des pêcheurs. C'est une question de gestion adaptée. Il est clair que les données scientifiques interviennent pour beaucoup. Mais il nous faut également tenir compte des considérations socioéconomiques. La manière dont nous avons jusqu'ici pris en compte de telles considérations n'est pas nécessairement conforme à l'intérêt des communautés concernées. Nous n'avons notamment pas pris en compte les avantages que procure la pêche de subsistance. Nous avons pris en considération le revenu net de cette activité, mais pas son aspect de subsistance. Nous avons eu tort d'autoriser, de financer même, des chalutiers géants qui, opérant au large de Terre-Neuve, ont détruit la pêcherie.
C'est une erreur que nous ne devons pas refaire. Ce point est d'une extrême importance. Il nous faudra savoir qui pêche, comment il pêche, et, aussi, le volume des prises. Tout cela doit entrer en ligne de compte.
Je vous remercie, madame Fuller, de vos observations. Je dois maintenant passer la parole à quelqu'un d'autre.
Monsieur Donnelly, vous avez sept minutes.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos deux témoins d'avoir pris le temps de nous entretenir de ce sujet important.
Monsieur Bouzan, puis-je vous adresser une première question? Votre organisation verrait-elle d'un bon oeil une disposition législative décrétant l'adoption d'un plan de reconstitution des stocks de morue du Nord?
Nous voudrions, bien sûr, en connaître d'abord les détails. Nous voudrions savoir ce que prévoit une telle disposition, tant au plan juridique qu'au plan technique. Je sais que les juristes parmi vous savent qu'une disposition peut être interprétée de diverses manières. Il faudra donc que le texte soit à la fois concis et précis afin d'éviter tout malentendu. Nous serions parfaitement disposés à envisager une telle mesure, mais...
D'après vous, l'état actuel des stocks de morue justifie-t-il la réouverture de la pêche commerciale?
Pour la pêche commerciale, c'est difficile à dire. Personne n'a de contrôle sur l'océan, monsieur Donnelly. Nous sommes tous conscients de cela. Au large de nos côtes, comme dans le reste du monde, les mers se sont vidées de 95 % des stocks de gros poissons. Partout, les stocks halieutiques sont en baisse.
C'est pourquoi je ne pense pas que la pêche commerciale à grande échelle puisse être rétablie avant longtemps. Il y a bien sûr, dans la province, une pêche commerciale, mais à petite échelle et je ne pense pas que le conseil d'administration de ma fédération se prononce en faveur d'une augmentation sensible de la pêche. Nous représentons la population de la province et, en particulier, les pêcheurs de subsistance. Pour nous, la pêche n'est pas une occupation lucrative, mais une activité alimentaire.
C'est essentiellement ce secteur-là de la population que nous représentons, et je viens de vous exposer notre position pour ce qui est de la pêche alimentaire à la morue.
Lundi, on nous a présenté un exposé qui contenait, lui aussi, des recommandations. Le Comité va pouvoir se servir des recommandations qui lui sont soumises par écrit dans le cadre de ces témoignages, les étudier et les prendre en compte dans la rédaction de son rapport.
Vous avez évoqué la possibilité d'augmenter la chaîne de valeur des produits de la mer. Pourriez-vous nous expliquer un peu comment on pourrait s'y prendre pour ce qui est de la morue du Nord?
Prenons l'exemple des pêcheurs de l'île Fogo. Leur but est essentiellement de prendre des quantités modestes de poisson au moyen de casiers, une technique de pêche durable. Ils arrivent à commercialiser dans de bonnes conditions le produit de leur pêche. Leur poisson est très prisé, car la plupart des marchands de poisson d'Amérique du Nord se sont engagés à ne vendre que le produit d'une pêche durable. Les pêcheurs, en fait, ont du mal à répondre à la demande. Les techniques qu'ils emploient sont appelées à se répandre. Dans la commercialisation de leurs prises, ils mettent l'accent sur un produit d'origine et je peux dire qu'à Terre-Neuve les pêcheurs de l'île Fogo tiennent, si je puis dire, le haut du pavé.
La situation demeure compliquée car la morue reste une espèce menacée, et la situation va devoir à cet égard être clarifiée. Il va falloir renvoyer le dossier au COSEPAC afin que la commercialisation des produits de la pêche artisanale ne soit pas accusée d'exploiter une espèce en péril. Le public peut, effectivement, avoir du mal à comprendre comment l'on peut commercialiser du poisson appartenant à une espèce en voie de disparition, mais les sympathiques acteurs de cette filière se comportent correctement et s'attachent à obtenir pour leurs prises le meilleur prix possible. Le MPO va donc devoir démêler la situation afin que nous puissions continuer.
Une des difficultés provient du fait qu'à l'heure actuelle la morue n'est pas vraiment prisée. La crevette, en effet attire davantage le consommateur et nous allons devoir améliorer la rentabilité de cette pêche dans l'intérêt des communautés, et tout au long de la chaîne de valeur.
Vous avez parlé du COSEPAC et d'une nouvelle évaluation des stocks. D'après ce que l'on a dit au Comité, cette nouvelle évaluation devrait avoir lieu en 2018.
C'est en effet ce qui est prévu. Il y a, je dirais, urgence car cette nouvelle évaluation est un élément essentiel du plan de rétablissement actuellement en chantier.
Prenons, à cet égard, l'exemple du thon. Le COSEPAC a recommandé que le thon rouge de la côte Atlantique ne soit pas inscrit sur la liste des espèces en péril. Si nous renvoyons le dossier au COSEPAC en lui demandant de réexaminer sa décision, nous risquons de porter atteinte à l'autorité des organismes gouvernementaux, ce qui serait regrettable. Or, plus le COSEPAC est considéré comme un rouage important du processus réglementaire, plus nous parviendrons à résoudre les difficultés que soulèvent la Loi sur les pêches, la Loi sur les espèces en péril, et le rétablissement des stocks halieutiques.
Bon, je vous remercie.
Vous avez également cité le rapport de la commissaire à l'environnement. Selon vous, le Comité devrait-il se pencher sur son rapport et ses recommandations?
Oui, certainement.
Ce rapport fait état de choses que nous avions constatées, et nous sommes heureux d'en recevoir confirmation dans le rapport. Le MPO est d'accord avec toutes les recommandations formulées, et le ministère devrait se voir accorder les moyens de mettre ces recommandations en oeuvre. Cela serait bon pour la morue du Nord et pour d'autres espèces aussi.
Le Comité n'a pas encore eu le temps de prendre connaissance de ces recommandations, et d'en discuter. Elles ne nous ont été communiquées qu'hier. Je me demande donc, si, d'après vous, le Comité devrait se pencher sur les conclusions de ce rapport.
Oui, et il serait bon aussi que la commissaire à l'environnement vienne en discuter devant le Comité.
Bon, je vous remercie.
Enfin, car il ne nous reste qu'une minute, vous avez cité une loi américaine, le Magnuson-Stevens Fishery Conservation and Management Act. Pourriez-vous nous expliquer en quoi cette loi pourrait aider notre ministère des Pêches et Océans à dresser un plan de rétablissement des stocks?
Je ne prétends pas que les dispositions de cette loi résoudraient tous nos problèmes, et je suis heureuse qu'au Canada nous n'ayons pas l'esprit aussi procédurier qu'aux États-Unis, mais ce texte comprend des formules dont j'ai déjà fait état lors des consultations sur la Loi sur les pêches. Je peux, si vous le voulez, les reprendre ici.
En quelques mots, lorsqu'un stock est surexploité, ou qu'il se trouve dans une zone critique, un plan de rétablissement doit être formulé dans un délai de deux ans. Après cela, la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) doit tous les ans rendre compte au Congrès des mesures prises pour enrayer la surpêche et rétablir les stocks. Il s'agit d'une procédure très simple, ouverte au public et l'organisme en cause fait un excellent travail.
La formule employée est toute simple, et il serait bon, d'après moi, d'inscrire une disposition analogue dans la Loi sur les pêches.
Bon, très bien.
On demande une rapide mise au point.
Monsieur Arnold, puis-je vous demander d'être bref car nous avons pris du retard. Allez-y, je vous prie, mais très brièvement.
Je vous remercie, monsieur le président, de m'accorder un peu de latitude.
La chose me paraît importante car, selon certains de nos témoins de la semaine dernière, les stocks de morue se sont rétablis et la morue commence à affecter d'autres espèces.
Madame Fuller, que répondriez-vous à ceux qui affirment que les stocks de morue se sont rétablis et que la morue commence à nuire à certaines espèces telles que la crevette et le crabe?
Eh bien, avant l'effondrement des stocks de morue, on ne pêchait pas, à Terre-Neuve, la crevette ou le crabe. Il serait intéressant de se pencher sur ce qui se passe dans la zone OPANO 3M, où les stocks de morue se sont rétablis et où il n'y a effectivement plus de crevettes.
La situation est délicate car la pêche aux fruits de mer rapporte beaucoup plus que la morue. Ça devient, à vrai dire, une question monétaire. Entendons-nous rétablir la morue dont les stocks se sont effondrés, ou entendons-nous conserver une pêche aux invertébrés qui n'existait pas autrefois?
Du point de vue de la biodiversité et de la gestion de l'écosystème, c'est une question délicate. Il est difficile de trancher, mais il est clair qu'on ne peut pas en même temps mettre en oeuvre un plan de rétablissement des stocks de crevette et un plan de rétablissement de la morue.
Merci, madame Fuller. Merci, monsieur Arnold.
Mesdames et messieurs, nous allons devoir nous en tenir là car nous devons accueillir un autre invité.
Je tiens à remercier M. Bouzan. Je vous remercie, vous et madame Fuller, d'avoir pris part à nos travaux. Nous vous sommes reconnaissants des témoignages que vous nous avez livrés. Je vous remercie.
Nous allons faire une pause de quelques minutes avant d'aborder la question du saumon.
Je suis, mesdames et messieurs, heureux de vous retrouver.
Nous avons un quart de retard, mais nous n'avons plus qu'un seul témoin à auditionner.
Je voudrais vous donner une petite explication à titre d'information. M. Parsons, le témoin que nous allons accueillir dans le cadre de notre étude sur le saumon, représente la Environment Resource Management Association, l'ERMA. Il est directeur général de cette association, chargé en particulier de la pêche au saumon en rivière, essentiellement la rivière Exploits.
Si nous l'avons invité à prendre la parole, c'est qu'au cours de notre déplacement, de notre étude sur le terrain, nous avons recueilli le témoignage entre autres de représentants de la rivière Miramichi et de la rivière Restigouche. Or, on nous a dit qu'à Terre-Neuve-et-Labrador les bassins fluviaux sont gérés de manière différente. Nous avons pensé, à notre retour, qu'il serait bon d'inviter M. Parsons, de Terre-Neuve-et-Labrador, à nous entretenir de la gestion des rivières à saumon dans sa province. J'espère qu'il nous pardonnera, lui et certains autres, de ne pas avoir fait cela plus tôt.
Monsieur Parsons, vous disposez de 10 minutes pour nous expliquer un peu ce que vous faites et ce qu'il en est de tout cela. Nous passerons ensuite aux questions. Une question vous sera posée par un député de la majorité, une par un député de l'opposition, et une par M. Donnelly, député NPD. Il va donc y avoir trois questions, sept minutes étant allouées à chacune.
Monsieur Parsons, vous avez la parole.
Je vous remercie, messieurs, de l'occasion qui m'est ainsi donnée de prendre la parole devant un auditoire aussi distingué. Pardonnez-moi d'avoir passé sous silence la présence d'une dame. Encore une fois, je vous remercie.
Vous avez effectué plusieurs déplacements, et on vous a beaucoup parlé de la gestion du saumon, des résultats obtenus, et de ce qu'il en est à Terre-Neuve-et-Labrador par rapport aux autres régions. Une des choses qui nous singularise c'est que Terre-Neuve-et-Labrador héberge 50 % des stocks de saumon de l'Atlantique d'Amérique du Nord. On vous a, j'en suis certain, parlé des conséquences que cela a sur nos stocks. Je suis certain aussi que vous êtes au courant des préoccupations que nous inspire l'aquaculture et son interaction avec certaines espèces de poisson sauvage. On a dû également vous parler des inquiétudes que nous avons au sujet de l'application de la réglementation environnementale. On déplore, ces dernières années, l'insuffisance des travaux scientifiques sur le saumon. Et puis, bien sûr, il y a aussi le problème des pêcheurs étrangers, de la surpêche et de ce phénomène dont on parle tellement et qui m'inquiète particulièrement, les changements climatiques.
M. Simms a dit que nous faisons porter le gros de nos efforts sur la rivière Exploits. Je précise qu'à l'origine nous nous trouvions un peu au milieu de nulle part. Pendant une centaine d'années, la ville a vécu essentiellement de la pâte à papier. Or, au début des années 1980, quelqu'un a dit « Savez-vous qu'il y a eu des licenciements à l'usine. Qu'arriverait-il si l'usine fermait? » Eh bien, effectivement, l'usine a fermé.
À l'époque, un certain nombre de messieurs de la ville ont dit « Nous sommes sur le principal fleuve de Terre-Neuve. C'est le plus grand bassin hydrologique mais le saumon n'a accès qu'aux 15 premiers miles. Comment tirer parti de cette rivière? Nous pourrions en faire la principale rivière à saumon de l'Atlantique du monde et, en même temps, développer l'économie de la région ». La rivière a environ 150 milles de longueur. Ces messieurs ne se sont pas laissé décourager. Je me rappelle que vers la fin des années 1970, la rivière abritait environ 1 700 saumons de l'Atlantique adultes. Je suis heureux de pouvoir dire que nous avons il y a quelques années atteint le chiffre de 50 000 saumons de l'Atlantique remontant la rivière. Cela n'a pas été facile et il a fallu y mettre le prix. Dans le cadre d'un partenariat entre le MPO et notre association, nous nous sommes entendus sur un plan prévoyant la construction de passes migratoires permettant de franchir les obstacles naturels tels que les chutes de Grand Falls et les chutes Bishop's, et de construire d'autres passes migratoires permettant de contourner les barrages hydroélectriques.
Il y a en effet, dans notre système fluvial, six centrales hydroélectriques. Nous avons lancé un grand programme d'ensemencement qui nous a permis d'incuber 50 millions d'alevins qui ont ensuite été répartis dans les divers coins du bassin hydrologique. Tous ces poissons proviennent d'une rivière qui n'avait avant cela servi qu'à produire de l'électricité et du papier. Beaucoup de gens pensent qu'on ne peut pas avoir à la fois du poisson et de l'électricité. Peut-être nous sommes-nous entêtés, mais nous avons fini par créer cette ressource qui peuple maintenant toute la vallée de l'Exploits.
Je voudrais vous parler aujourd'hui de l'importance que la pêche récréative du saumon de l'Atlantique revêt pour l'ensemble des provinces atlantiques du Canada. Je voudrais en particulier vous parler de la rivière Exploits. La dernière étude sur l'impact économique remonte à quelques années, mais d'après mes calculs, la pêche dans la rivière Exploits rapporte à elle seule de 8 à 10 millions de dollars par an, argent que se partagent les quatre ou cinq villes de la région.
Le saumon de l’Atlantique ne se balade généralement pas dans les grandes villes. C’est plus un poisson des régions rurales du Canada atlantique. À Terre-Neuve, nous avons plus de 200 lacs et rivières. Dans certains cas, c’est un moteur économique, pour les pourvoyeurs, les hôtels, les terrains de camping et pratiquement tout le secteur des services. C’est beaucoup, si on considère que c’est de l’argent dépensé en zone rurale. Une partie vient de l’extérieur de la province, de l’étranger, mais même dans notre propre province, il y a des gens qui vont passer leurs deux ou trois semaines de vacances au bord de bon nombre de ces rivières.
Si vous prenez Terre-Neuve, on n’y donne pas beaucoup d’opéras, on n’y voit pas beaucoup de grands événements sportifs, encore que certains sont restés debout un peu tard la nuit dernière pour suivre ce qui se passait à Toronto. Ce dont on parle maintenant, c’est de la qualité de vie et de ce qui incitera les gens à rester ici. Venir pour un emploi, c’est une chose, mais retenir les gens ici avec des activités possibles, nous nous en préoccupons certainement.
Si la ressource a un gros atout, s’agissant du saumon de l’Atlantique, c’est qu’elle a probablement plus d’amis que toute autre espèce. Il y a tellement de groupes de conservation à Terre-Neuve-et-Labrador, et dans tout le Canada atlantique, que non seulement ils exercent des pressions en faveur de la ressource, mais qu’en plus, ils sont disposés à aider. On a vu de nombreux partenariats au fil des ans entre des organisations à but non lucratif, des groupes de conservation et le MPO pour faire augmenter le nombre de saumons que la question n’est pas de dire au gouvernement que c’est ce qu’on veut qu’il fasse. En gros, ce que nous disons, c’est qu’il y a des inquiétudes, que nous avons certains problèmes, mais que la situation nous concerne tous et que nous sommes prêts à aider autant que nous demandons au gouvernement d’aider.
Je vais faire une petite pause pour voir s’il y a des questions à ce propos. J’aimerais parler de quelques problèmes au sujet de l’habitat, mais je vais attendre un peu.
Monsieur Parsons, nous allons passer aux questions. Si vous pensez à quelque chose, vous pouvez le mentionner.
Là encore, nous allons donner la parole aux députés. M. Finnigan, député de Miramichi, a des questions à vous poser.
Il dispose de sept minutes. Je lui cède donc la parole.
Allez-y, monsieur Finnigan.
Je vous remercie, monsieur Parsons, d’avoir pris le temps de venir nous parler cet après-midi.
J’habite tout près de la rivière Miramichi. Je sais que ce n’est pas la seule rivière à saumon, mais c’est un moteur important de l’économie locale. Vous avez mentionné 10 millions de dollars. Je pense que le chiffre pour notre rivière est plus proche de 20 millions. La Miramichi est donc indéniablement très importante.
Vous avez mentionné qu’au bord de certaines de vos rivières, ou d’une au moins, il y avait une usine. Je ne sais pas si elle existe toujours. Fait intéressant, beaucoup d’usines et de scieries installées le long de la rivière ont disparu.
Nous avons rencontré le Comité de gestion du bassin hydrographique de la Miramichi la semaine dernière à Miramichi. Il surveille depuis longtemps la rivière, en particulier les produits chimiques, tout ce qui peut influer sur la qualité de l’eau. Cela fait plus de 10 ans que ces usines ont fermé, et il a été très surpris que la population, au lieu de... À l’époque, bien des gens rendaient l’activité de ces industries responsable de la diminution de la population, or depuis, cette population a considérablement diminué.
J’aimerais savoir ce que vous en pensez, si à votre avis, il y a d’autres facteurs, et si l’activité humaine ou industrielle le long de la rivière a, selon vous, une incidence sur la population dans votre région.
L’usine a fermé il y a environ six ans et, en ce moment même, elle est toujours là dans le paysage. On la démolit graduellement et on enlève tout.
Il y a 30 ans, une grande partie des effluents de l’usine allaient directement dans la rivière. Comme c’était une usine de pâtes et papiers, beaucoup de fibre se retrouvait au fond de la rivière et étouffait les frayères et ainsi de suite. Avec le barrage, on ne se préoccupait pas vraiment en ce temps-là de l’exclusion, pour empêcher le poisson de finir dans les génératrices, par exemple. Il y a des années, le plus facile et ce qui se faisait le plus couramment pour acheminer la fibre, les billes, jusqu’à l’usine, c’était de les balancer à la rivière et de les laisser flotter vers l’aval.
Il y a 15 ou 20 ans, nous avons vu beaucoup de ces choses changer. Comme il n’y a plus de production, plus rien ne rentre, mais à l’époque, une fois que le poisson était dans l’eau, il y avait une responsabilité, en quelque sorte, un peu d’esprit communautaire, qui faisait qu’on s’attendait à ce que les entreprises du coin fassent leur part du nettoyage. Des usines de traitement des effluents massives ont été installées. Avec des systèmes uniques au monde. Nous venons de recevoir 15 scientifiques, des biologistes suédois, parce que nos systèmes uniques empêchent les jeunes poissons d’entrer dans les génératrices. Je dirai que c’est un système de diversion.
Toutes ces choses ici avec l’industrie ont certainement aidé. Nous constatons à présent que la rivière devient beaucoup plus propre. Les fibres qui se déposaient au fond et qui étouffaient les frayères, par exemple, ont disparu.
Nos chiffres sont en constante augmentation. L’usine est fermée depuis six ans. Les chiffres ne sont pas énormes, et je ne pense pas que les centrales, la papeterie elle-même aient fait beaucoup de dégâts ces dernières années. Aujourd’hui, en tout cas, il serait très difficile de dire que ce qui arrive maintenant est de la faute de ce qui s’est passé il y a des années.
Je vous remercie, monsieur Parsons.
Des scientifiques nous ont également expliqué qu’une des principales raisons en est que le réchauffement des eaux, des océans, a une forte incidence qui n’est peut-être pas d’éliminer des espèces, mais de les pousser vers des eaux plus froides. Si nous regardons au sud de notre région, dans beaucoup de rivières, il n’y a plus de saumon, et on nous dit que c’est peut-être en partie la raison pour laquelle les niveaux baissent dans la Miramichi. L’eau sera probablement un peu plus froide à Terre-Neuve. Diriez-vous que ce pourrait être une des raisons pour lesquelles l’espèce est encore relativement abondante au Labrador et à Terre-Neuve, alors que nous la perdons dans les eaux du sud? Qu’en pensez-vous?
Je suis tout à fait d’accord. Je mentionnais dans mon introduction que ce qui me préoccupe beaucoup aujourd’hui, entre autres, ce sont les changements climatiques. Certains jours, à Terre-Neuve, on a du mal à s’imaginer que nous sommes dans une situation de réchauffement. Évidemment, il ne se passe pas des choses que dans l’océan. Une de mes plus grandes craintes, c’est l’effet des changements climatiques sur l’eau douce.
Cette année, dans toute l’île de Terre-Neuve, dans la plupart des endroits, les stocks avaient diminué de 25 à 35 % par rapport à l’an dernier. On ne s’y attendait pas du tout parce qu’en 2013 et 2014, nous avons probablement connu deux des étés les plus chauds jamais enregistrés à Terre-Neuve — pas seulement chauds, mais très, très secs. Tous les deux ou trois jours, on appelait mon bureau pour parler de jeunes poissons, de juvéniles, qui se trouvaient au fond d’une fosse dans les cours d’eau où ils allaient passer leurs trois premières années, et ils étaient morts. Bien sûr, on a d’abord pensé à des produits chimiques ou à quelque chose comme cela, mais la vérité, c’est qu’il n’y avait pas assez d’eau et qu’elle était trop chaude. À une certaine température, l’eau devient mortelle pour le poisson.
Je me rappelle très bien avoir dit à l’époque que nous allons payer cela plus tard parce que, quand on perd ses juvéniles — des jeunes d’un, deux ou trois ans — dans son eau douce, on ne s’attend certainement pas à ce qu’ils reviennent à l’âge adulte. C’est très inquiétant et ce n’est évidemment pas un problème qu’on peut régler juste en faisant quelque chose demain. On parle du long terme. Avec les changements climatiques, est-ce que l’aire du saumon de l’Atlantique se déplace peu à peu vers le nord?
D’accord, je vous remercie, monsieur Parsons.
Je dois passer au député suivant. La parole est à M. Sopuck, qui est de Dauphin-Swan River-Neepawa au Manitoba.
Oui, mais il se trouve que je pêchais au Labrador cet été. Je suis venu plusieurs fois dans votre belle province.
Monsieur Parsons, quelles seraient les prises dans la rivière Exploits? Je parle des poissons pêchés et tués par opposition à ceux qui sont pris et relâchés. De combien parle-t-on?
C’est difficile à savoir. Juste à titre de petit préambule, je devrais vous dire qu’à Terre-Neuve, il n’y a pas d’eaux privées, mais que des eaux publiques, ce qui fait qu’il est un peu plus difficile de réunir des statistiques. Je penserais que cette année, on a pêché environ 4 000 poissons.
Quatre mille poissons, c’est tout à fait remarquable. Je posais la question parce que pour 8 à 10 millions de dollars de retombées économiques, c’est relativement peu de poissons pris sur une population de 50 000, avez-vous dit. En dollars dépensés par poisson pêché, la pêche au saumon de l’Atlantique est ce qui se fait de mieux en matière de durabilité.
Vous avez parlé de force de classe d’âge chez le saumon de l’Atlantique. Qu’est-ce qui détermine principalement la force de la classe d’âge chez ce poisson?
Cette rivière en particulier a tendance à être plus une rivière à madeleineaux du point de vue de la classe d’âge. Je suppose que si nous n’avons pas de saumons de 20 et 30 livres cette année, c’est parce que nous avons constitué cette rivière en utilisant le patrimoine génétique de poissons plus petits. Quand je dis plus petits, je parle d’une moyenne de quatre, cinq à six livres. Les gens ne viennent pas ici pour pêcher des poissons de 30 livres comme vous en avez probablement vu au Labrador.
C’est un sport de plein air que les gens apprécient. Aujourd’hui, de plus en plus de gens pratiquent la pêche avec remise à l’eau. La culture à Terre-Neuve veut que si on prend quelque chose, il faut l’utiliser entièrement. Si on attrape un poisson, on ne le met pas au congélateur et on ne le jette pas. On doit l’utiliser. C’est la mentalité locale. Cela est en train de changer. Il y a des gens maintenant qui ne vont pas nécessairement jusqu’à remettre le poisson à l’eau, mais ils disent qu’ils prendront un poisson pour le rapporter à la maison et pour se vanter de nourrir leur famille. Il y en a qui en prendront deux ou trois, mais les gens commencent à comprendre aujourd’hui que c’est le pur plaisir du sport, et ils le regardent autrement.
Je suis entièrement d’accord avec vous. L’éthique de la pêche avec remise à l’eau a gagné tout le pays.
Selon vous, les programmes de recherche et de gestion du MPO tiennent-ils compte de l’importance du saumon de l’Atlantique en tant que ressource?
Je dirais que non à l’heure actuelle.
J’ai l’immense privilège de travailler avec ce groupe de conservation depuis 31 ans et pratiquement depuis le premier jour en ce qui concerne cette rivière. En 31 ans, j’ai vu beaucoup de changements et j’ai pour ainsi dire vu la science pas mal baisser.
Je dirai qu’il y a deux types de science. Il y a celle qui étudie les espèces et essaie de mieux les comprendre. Mais il y a aussi... Je ramène cela probablement à plus de recherche sur les différents réseaux hydrographiques. D’après moi, c’est la chose la plus importante que nous avons perdue probablement dans les 10 ou 15 dernières années.
Il faut aller observer sur le terrain les réseaux hydrographiques qui présentent des problèmes pour mieux les comprendre. Cela ne retire rien aux études scientifiques sur les espèces elles-mêmes, mais nous devons avoir des gens sur le terrain, à prélever des échantillons. Voilà, selon moi, ce qui a certainement diminué ces dernières années.
Je vous remercie, monsieur Sopuck.
Monsieur Parsons, au fond, vous empoissonnez cette rivière avec du poisson d’écloserie, si je comprends bien. J’aimerais juste savoir où vous vous le procurez. Comment faites-vous pour qu’il n’y ait pas d’incidence génétique... s’il reste du poisson sauvage dans la rivière ou dans les rivières voisines où il peut se produire une migration?
Je vais faire une mise au point. Je ne veux pas que vous restiez sur l’impression que nous pratiquons dans cette rivière la pêche et le repeuplement.
En 1985, le poisson étant rare dans la rivière, nous avons commencé à l’empoissonner. Nous avons arrêté en 1992 et depuis, la rivière est complètement naturelle. Il n’y a pas d’empoissonnement. Nous avons ensemencé la rivière — c’est le terme que nous employons —, mais ça s’est arrêté là. Après 1992, on n’a plus mis de poisson d’écloserie dans le réseau. Nous avons procédé à un empoissonnement massif et après, nous avons laissé la rivière tranquille.
En fait, nous voulions en faire une rivière sauvage par opposition à une rivière alimentée par des écloseries.
Y a-t-il eu, dans le passé, de plus gros poissons dans cette rivière? Vous avez dit qu’il n’y en a plus maintenant. Est-ce qu’il y en a déjà eu?
Pas en grand nombre, non. Il n’y a pas beaucoup de rivières à Terre-Neuve. En comparaison même du Labrador, à Terre-Neuve, on a généralement plus de madeleineaux, qui est une plus petite souche de poisson, que de poisson pluribermarin.
Dans certains endroits, comme la Humber, on trouve de grands poissons, et dans la Gander. Mais autrement, dans la plupart des rivières, c’est surtout la pêche au madeleineaux.
Je vous remercie, monsieur Arnold.
Monsieur Donnelly, qui vient de Port Moody-Coquitlam, dispose de sept minutes.
Allez-y.
Je vous remercie, monsieur le président.
En effet, je viens de l’autre côte, de la Colombie-Britannique qu’arrosent des fleuves comme le Fraser et le Skeena. On trouve beaucoup de rivières aussi ailleurs dans la province, comme la Nechako. Il y a l’île de Vancouver, à l’est. Nous aimons notre saumon sur la côte Ouest. C’est un énorme moteur économique sur le plan commercial, pour les loisirs et, certainement, sur le plan culturel pour les Premières Nations.
Monsieur Parsons, bravo de vouloir faire de la rivière Exploits une rivière à saumon de tout premier ordre. Vous nous avez donné un aperçu. Vous avez parlé de la valeur et des retours. Vous avez mentionné le passage des poissons et du programme de mise en valeur des salmonidés réalisé, je suppose, dans le passé. Vous avez exposé quelques renseignements ou faits historiques, et vous avez parlé de la situation actuelle et de votre but.
Ma première question concerne l’aide du gouvernement fédéral et de ce comité. Quel rôle voyez-vous le gouvernement fédéral jouer dans vos efforts pour faire progresser ce dossier?
Spontanément, je dirai que le gouvernement doit s’impliquer, mais à nos côtés. Nous n’en sommes pas à un stade où on dit au gouvernement de remettre tout le poisson, mais il faut revenir à... Nous avions un programme dans les années 1990, le CASEC. Il était bien financé et il permettait aux groupes de conservation de travailler conjointement avec le gouvernement à l’amélioration des stocks, au nettoyage des rivières et à d’autres choses encore. J’ai mentionné il y a un moment que la restauration et la protection de l’habitat figurent parmi mes plus grandes préoccupations à l’heure actuelle. Je considère que c’est une grande priorité. Vous savez, j’ai fait mes années et je vais probablement bientôt prendre ma retraite, mais je doute fort que je cesse un jour de m’intéresser au saumon de l’Atlantique.
Je mentionnais tout à l’heure la drave dans notre région et des choses comme cela. Il y a toutes sortes de vieux barrages construits pour qu’il y ait un peu plus d’eau et qu’on puisse acheminer les billes jusqu’à l’usine au printemps. Il en reste encore beaucoup qui sont en train de pourrir et qui entravent ni plus ni moins la migration des poissons, qu’il s’agisse de jeunes poissons qui descendent la rivière ou d’adultes qui la remontent. Pour moi, c’est un domaine....
Je sais qu’il y a quelques années, tous les bureaux de l’habitat — vous le savez probablement — dans tous les bureaux régionaux de protection de l’habitat ont été fermés, et maintenant, tout ce qui concerne l’habitat est traité uniquement depuis St. John's. On avait des gens sur le terrain, des gens proches du terrain, des gens qui connaissaient les exploitants, qui savaient qui faisait du bon ou du mauvais travail, qui surveiller, et ainsi de suite. Cela nous manque et je pense que c’est ce dont nous avons vraiment besoin.
Je crois beaucoup à ce qui marche et je serais certainement un hypocrite si j’étais autrement. Si nous avons pu prendre une rivière comme l’Exploits à zéro et en faire une rivière de tout premier ordre... En quelques années, nous sommes devenus le plus gros producteur de saumon de l’Atlantique d’Amérique du Nord et nous sommes partis de rien si ce n’est une rivière industrialisée. Si nous pouvons obtenir ce résultat dans un réseau comme celui-ci, c’est que nous sommes capables, selon moi, d’être très créatifs. Ce qui marche pour un réseau hydrographique ne répondra peut-être pas aux besoins d’un autre, mais je suis convaincu que si nous prenons le temps d’examiner ce qui marche, de faire la recherche sur les différentes rivières et les différents réseaux, nous pouvons encore redresser la barre pour le saumon de l’Atlantique.
Je vous remercie.
Je mentionnais que je viens de la côte Ouest, et en Colombie-Britannique, nous avons un véritable problème avec le saumon sauvage et d’élevage. Ce n’est pas inhabituel. D’autres pays comme la Norvège, le Chili et l’Écosse ont ces problèmes. Vous mentionniez dans vos remarques préliminaires des inquiétudes au sujet de l’aquaculture, et je me demande si vous pouvez nous dire un peu plus en détail si ce problème y est pour quelque chose. Je sais qu’il y a des propositions à Terre-Neuve concernant l’aquaculture. Est-ce que cela vous inquiète? Pourrait-il y avoir un conflit? Quelle pourrait être, selon vous, l’incidence sur le saumon sauvage?
La question arrive à point nommé. Il existe un rapport du MPO qui n’est pas encore publié. En fait, à Terre-Neuve, toute l’aquaculture se trouve le long de la côte sud, probablement parce que ses eaux sont libres. On serait fou de tenter l’aquaculture ailleurs dans l’île avec la charge de glace qu’on a printemps.
On a étudié 18 rivières de la côté sud et dans 17 d’entre elles, on a relevé des preuves — et je parle d’ADN — que des poissons sauvages frayaient avec des poissons d’aquaculture. Dans 17 rivières sur 18 étudiées, et 30 % du stock de ces rivières était issu d’une reproduction mixte.
Le plus dur, c’est que les chiffres ne cessent de baisser dans toutes ces rivières au fil des ans. Ces croisements donnent un poisson inférieur à l’espèce sauvage, probablement incapable de gagner l’océan et de se retrouver. En fait, ce que nous sommes en train de faire, c’est affaiblir ce patrimoine génétique, et c’est déjà visible parce qu’on dénombre beaucoup moins de saumons sauvages le long de la côte sud de Terre-Neuve. On en est presque au point d’une espèce menacée, donc, l’effet est direct. Il y a aussi le problème des poux de mer.
Tout ce que je peux dire, c’est que nous ne sommes pas opposés à l’aquaculture, alors que beaucoup dans le public en général pensent que nous sommes contre. Eh bien, non, nous ne sommes pas contre. En fait, ce sont les enclos ouverts qui nous posent un problème. Les déchets alimentaires vont au fond. Toutes sortes de déchets finissent au fond, et il y a la transmission des poux de mer. C’est très difficile quand un thon rouge de 1 500 livres nage à proximité du filet à la recherche de nourriture. Ce poisson puissant peut drôlement abîmer un filet et, tout à coup, on a de grandes évasions.
Je vous remercie, monsieur Parsons.
Voilà qui conclut cette série de questions. Je vous remercie beaucoup, mais avant que vous partiez, dans l’intérêt de politiques fondées sur des faits, monsieur Parsons a déclaré que le patrimoine génétique de la rivière Exploits produit une plus petite espèce. Je précise que je suis né, que j’ai grandi et que je vis encore près de la rivière Exploits, donc... Je sais, je me suis dit que quelqu’un le mentionnerait, alors, autant le dire moi-même. C’est quelque chose qui a à voir avec l’eau, n’est-ce pas?
Voulez-vous dire quelques mots, monsieur Parsons?
Je l’espère bien.
En tout cas, monsieur Parsons, merci infiniment de votre temps. Nous vous en sommes reconnaissants.
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