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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 071 
l
2e SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 26 février 2015

[Enregistrement électronique]

  (1140)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte. Nous accueillons aujourd'hui M. Dufresne.
    Bienvenue. Je suis heureux que vous soyez parmi nous. Je pense que le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre pourrait, en quelque sorte, devenir votre second chez-vous. Si vous regardez en arrière, vous constaterez que notre légiste nous rend souvent visite. Nous sommes heureux de vous accueillir pour la première fois. Je crois comprendre que vous avez des remarques liminaires à prononcer. Nos membres vous poseront ensuite des questions. Nous essaierons de ne pas être trop durs envers vous.
    Nous vous écoutons.

[Français]

     Merci, monsieur le président, madame et monsieur les vice-présidents et membres du comité.
     C'est un grand honneur et un privilège pour moi que de comparaître devant vous aujourd'hui afin de discuter des qualifications et des compétences qui me serviront à exercer les fonctions importantes de légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes.
    Permettez-moi d'abord de me présenter. Je suis né et j'ai grandi à Montréal, au Québec. J'y ai étudié, d'abord au Collège Jean-de-Brébeuf, puis à l'Université McGill, où j'ai obtenu des diplômes en droit civil et en common law avant de devenir membre du Barreau du Québec et de celui du Massachusetts. Après mon stage au sein du cabinet McCarthy Tétrault, je me suis joint à l'équipe juridique de la Commission canadienne des droits de la personne, en 2000, afin de travailler à des dossiers traitant de parité salariale, de harcèlement et de discrimination mettant en cause diverses organisations de compétence fédérale.
     Au cours de ma carrière juridique, j'ai acquis une expertise en droits de la personne, en droit public et en droit constitutionnel, notamment en matière de privilèges parlementaires.

[Traduction]

    J'ai représenté la commission devant la Cour suprême du Canada dans l'arrêt de principe Chambre des communes c. Vaid, qui a clarifié la portée et l'application du privilège. J'ai également eu la chance de plaider devant la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Pankiw c. Commission canadienne des droits de la personne, qui portait sur l'application du privilège parlementaire à l'envoi de bulletins parlementaires par les députés. Enfin, j'ai représenté la commission dans une affaire soulevant des questions sur le privilège et les droits de la personne relativement au sous-titrage des débats de la Chambre des communes.
    En plus de l'affaire Vaid, j'ai plaidé devant la Cour suprême du Canada à 14 occasions distinctes, dans des affaires portant sur des questions telles que le partage des compétences, l'impartialité des tribunaux, les mesures d'accommodement pour les personnes ayant des déficiences, la liberté d'expression, le droit de l'emploi et, plus récemment, l'équilibre entre la sécurité nationale et les droits de la personne.
    Au fil des ans, mes responsabilités sur les plans juridique et administratif à la commission n'ont cessé de croître, jusqu'au dernier poste que j'ai occupé, soit avocat général principal et directeur général responsable de toutes les activités juridiques et opérationnelles de la commission en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, la Loi sur l'équité en matière d'emploi ainsi que la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels.
    À ce titre, j'ai fait partie de la haute gestion de la commission et j'ai été à la tête d'une direction générale dotée d'un budget de neuf millions de dollars et comptant 91 employés, notamment des avocats, des médiateurs, des enquêteurs, des vérificateurs et du personnel de soutien. En ma qualité d'avocat principal de la commission, j'ai comparu devant des comités parlementaires afin de présenter la position de la commission sur différentes questions de droits de la personne.
    J'ai toujours accordé une grande valeur au service public et trouvé qu'il était important de donner en retour à la collectivité et à ma profession. Ainsi, j'ai occupé diverses fonctions au sein de l'Association du Barreau canadien au cours des 10 dernières années, notamment à titre de président de la section de droit constitutionnel de la division du Québec et membre du comité de rédaction de la revue de l'Association canadienne des conseillers et conseillères juridiques d'entreprise et du Forum des juristes du secteur public. J'ai également siégé au conseil d'administration des Grands Frères et Grandes Soeurs d'Ottawa.
    Je crois en l'importance de l'enseignement et du mentorat, c'est pourquoi j'ai enseigné à temps partiel dans plusieurs facultés de droit, et je juge encore chaque année des concours de plaidoirie destinés aux étudiants de droit de tout le pays.
    Comme ce fut le cas pour beaucoup d'entre vous, mon intérêt pour la démocratie parlementaire s'est manifesté tôt et a imprégné ma vie professionnelle et personnelle d'une manière subtile, mais non moins extraordinaire. En tant qu'étudiant, j'ai participé à des programmes comme le Forum pour jeunes Canadiens, en tant que jeune adulte, j'ai rencontré mon épouse Natalie alors que nous étions tous les deux guides au Parlement, et en tant que juriste, j'ai plaidé dans certaines des affaires les plus déterminantes en matière de privilège parlementaire.

[Français]

    J'ai un grand respect pour la Chambre des communes et je suis très fier de pouvoir dire à mes deux jeunes enfants, Béatrice et Léo-Hadrien, que je travaille avec un merveilleux groupe de collègues dévoués pour appuyer cette institution fondamentale de notre pays. J'estime que mon expérience dans les domaines du droit, de la haute gestion et du secteur bénévole m'ont permis d'acquérir les qualifications et compétences nécessaires pour remplir les fonctions de légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes.

[Traduction]

    Tout au long de ma carrière, j'ai été animé par les valeurs que sont l'équilibre, l'impartialité, l'équité, l'excellence et le respect de la démocratie et du processus législatif. Je compte véhiculer ces valeurs dans l'exercice de mes fonctions de légiste et conseiller parlementaire.

[Français]

    En terminant, j'aimerais remercier mes collègues du Bureau du légiste, en particulier le légiste adjoint Richard Denis, pour leur accueil chaleureux et le soutien qu'ils m'ont offert depuis mon arrivée, le 9 février dernier.

[Traduction]

    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Si je peux me permettre quelques commentaires au pied levé, vous avez raison: M. Denis a offert un excellent appui au présent comité et à un autre auquel j'ai siégé. Nous le remercions aussi.
    En outre, j'étais présent hier soir au Forum pour jeunes Canadiens. C'est toujours agréable de voir les dirigeants de demain. Vous pouvez voir où se rendront certains des membres de notre forum, n'est-ce pas?
    Nous allons passer à la période de questions.
    Monsieur Lukiwski, la parole est à vous pendant sept minutes.
    Bienvenue, monsieur Dufresne. Merci beaucoup d'être venu.
    Je dois dire dès le départ que je remarque avec un certain plaisir votre enthousiasme juvénile et votre attitude agréable. J'espère que votre interaction avec des parlementaires au cours des prochaines années ne vous les fera pas perdre.
    Des voix: Oh, oh!
    Nous sommes en public aujourd'hui, monsieur Lukiwski.
    J'ai choisi mes mots avec soin. Si nous avions été à huis clos, cela aurait peut-être été différent.
    Vous avez un curriculum vitae, un parcours, impressionnant, et je le dis bien sincèrement. En fait, il y a deux ou trois points dans votre C.V., du moins ses points forts, que je connais bien, en particulier l'affaire Pankiw concernant le privilège et les bulletins parlementaires. Bien entendu, Jim Pankiw est un ancien parlementaire de Saskatoon, en Saskatchewan. Je connais parfaitement l'affaire. J'ai trouvé intéressant de vous entendre dire que vous y aviez activement participé.
    J'ai une question à vous poser surtout par curiosité. Je suis toujours intéressé de connaître les motivations d'une personne qui se joint à un organisme, en particulier un comme celui-ci. Est-on venu vers vous ou avez-vous activement cherché à obtenir ce poste?
    J'avais vu l'affiche du poste. Je connaissais le bureau du légiste, car j'avais fait affaire avec lui à l'occasion d'actions en justice. J'ai toujours été impressionné par le conseiller juridique et toujours trouvé que les questions juridiques concernant la Chambre de communes étaient fascinantes. Alors c'est en partie grâce à l'affiche et en partie grâce à des collègues qui m'ont parlé du poste que j'ai fini par être consulté et participer au concours.

  (1145)  

    Je présume aussi que lorsque vous avez envisagé de vous présenter au concours, vous aviez fait des recherches exhaustives. Manifestement, vous avez fait de nombreuses présentations devant le Parlement, alors vous étiez en terrain de connaissance. Cependant, avez-vous eu des occasions de vous entretenir, par exemple, avec certains des légistes précédents pour connaître leurs points de vue sur le poste même?
    Je n'ai pas eu cette occasion, alors je m'en suis tenu à ce que je connaissais du poste, ce que j'avais vu le bureau faire au plan juridique. Au fil du processus, j'ai été en mesure de parler à des gens du gouvernement pour avoir une idée des responsabilités du bureau et des enjeux futurs. J'ai estimé que cela me donnait suffisamment d'information. Je n'étais pas certain des questions de confidentialité et autres à ce sujet. J'ai donc décidé d'attendre la fin du processus.
    Vous occupez le poste depuis le 9 février.
    En effet.
    Pouvez-vous nous parlez de votre approche à l'égard de ce poste? Vos perspectives diffèrent-elles radicalement ou même légèrement de celles de certains de vos prédécesseurs?
    À ce stade, je ne suis pas placé pour comparer mon approche à celle de mes prédécesseurs. Tout ce que je peux dire, c'est ce que j'ai mentionné dans mes remarques. L'approche que je proposerai de privilégier à l'égard du poste est semblable à celle que j'ai adoptée à la commission: une approche équilibrée et impartiale, qui respecte le mandat de l'institution et le rôle de ses membres. À la commission, il nous est arrivé de participer à des affaires, des questions, médiatisées — l'affaire Pankiw en est un exemple, ainsi que l'affaire Vaid. J'ai toujours choisi de privilégier les besoins au plan juridique, mais aussi l'intérêt du public: comment nous assurer que nos démarches soient solides au plan juridique, mais qu'elles soient aussi sensées pour les Canadiens ainsi que la mission et le mandat de l'institution concernée?
    Je vous en remercie.
    Franchement, monsieur le président et monsieur Dufresne, je n'ai pas vraiment grand-chose d'autre à ajouter à part que je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes certainement un atout pour le Parlement. Je me réjouis à la perspective de travailler avec vous au cours des prochains mois et, je l'espère, des prochaines années. Si vous avez d'autres commentaires à formuler à la fin de la période de questions, je serais ravi de les entendre. À part cela, je crois que vous êtes parfaitement qualifié et que votre motivation pour avoir accepté ce poste — votre grand intérêt pour la fonction publique — est louable. Alors je vous en remercie. Merci du service que vous rendez au Canada.
    Je vais céder le reste de mon temps de parole. J'ignore si l'un de mes collègues a des questions. Dans la négative, je céderai probablement la parole à M. Scott.
    Alors c'est la direction que je vais prendre.
    Monsieur Scott, vous avez sept minutes.
    Bienvenue dans votre nouveau poste, monsieur Dufresne.
    Je suis entièrement d'accord avec ce que Tom a dit concernant votre carrière: elle est très impressionnante. Vous avez aussi travaillé dans un domaine qui m'intéresse grandement compte tenu de mon expérience comme professeur de droit ayant oeuvré dans le domaine très vaste des droits de la personne. C'est d'autant plus agréable de voir que vous avez une expérience directe et intensive des questions de privilège parlementaire. À mon sens, c'est encore mieux de savoir que vous avez eu à examiner ces questions dans le contexte des lois générales du pays, surtout la législation en matière de droits de la personne.
    Alors bienvenue. Franchement, je crois que nous sommes tous ravis que vous ayez été nommé à ce poste.
    Je vous ai dit tout à l'heure que j'allais vous poser une question générale. Contrairement à ce que mes commentaires pourraient laisser entendre, elle n'a rien à voir avec votre nomination. Il n'est pas rare que les nominations d'agents des affaires parlementaires soient faites par décret. La vôtre n'y fait pas exception; il s'agit donc, dans les faits, d'une nomination de la branche exécutive, alors que vous êtes légiste à l'Unité législative.
    Croyez-vous que les modalités de la procédure de nomination influeront sur la façon dont vous assumez vos fonctions ou la perception qu'on a de votre travail? C'est la question simple.
    Je crois que certains agents des affaires parlementaires et même certains juges sont nommés par la branche exécutive du gouvernement. Tout ce qui me préoccupe, c'est de m'acquitter des obligations qui m'incombent et de servir la Chambre et ses intérêts... Je dirais que tel est mon mandat et que c'est ce qui guidera mes décisions. De façon similaire, un juge est nommé par la branche exécutive, mais il fait ensuite partie de la branche judiciaire et honore ses obligations en conséquence.
    Il est clair que, pour moi, mon rôle de légiste consiste à être au service de la Chambre des communes et des membres tant pour formuler des avis juridiques et législatifs que pour représenter l'institution dans le cadre d'actions en justice. Dans certaines des affaires auxquelles j'ai participé, il arrivait que le bureau du légiste et le procureur général ne soient pas d'accord. À mon sens, cela continuera. Compte tenu de la séparation des pouvoirs, c'est comme cela que je vois le mandat.

  (1150)  

    Génial. Merci.
    Je pense que vous avez fait une bonne analogie lorsque vous avez parlé de la nomination des juges dans notre système. Merci d'avoir répondu de façon à tout mettre en contexte.
    S'agissant de l'affaire Vaid, pourriez-vous brièvement décrire la question en litige et l'issue? Je pense que Tom et quelques autres les connaissent peut-être, mais c'est une affaire très importante. En gros, sur quoi portait-elle et quelle en a été l'issue?
    L’affaire Vaid a été très importante en ce qui concerne la législation en matière de privilège parlementaire et aussi en matière de droits de la personne. Elle a soulevé un certain nombre de questions, la principale étant que le chauffeur du président de l’époque a déposé une plainte selon laquelle il avait été victime de discrimination dans le contexte de son travail.
    La Chambre des communes et son président ont fait valoir que, indépendamment de la recevabilité de la plainte — qui, selon eux, n’était pas fondée —, la vraie question était de savoir si le privilège parlementaire signifie que des poursuites de cette nature relatives à l’emploi ne devraient pas être soumises à la Commission canadienne des droits de la personne ou aux tribunaux, car elles entrent dans les affaires internes de la Chambre. Tel était le principal argument juridique relatif à la question du privilège.
    À la Commission canadienne des droits de la personne, nous avons fait valoir que le privilège ne s’appliquait pas à la gestion de chaque employé, argument que la Cour suprême a accepté au bout du compte. Il peut s’appliquer à certains postes essentiels au processus législatif, mais pas au chauffeur du président. Les tribunaux ont défini le critère relatif au privilège: ils ont déterminé que, au titre de la Loi sur le Parlement du Canada, il devait avoir existé au Royaume-Uni en 1867 ou avoir été prouvé par le truchement du critère de la nécessité, c’est-à-dire qu'il avait fallu démontrer qu'il était nécessaire à la conduite des affaires parlementaires.
    Si l'on acceptait que la Loi canadienne sur les droits de la personne s’appliquait, il fallait déterminer quel organe serait tenu de traiter les plaintes: la commission ou, comme le prévoit la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Commission des relations de travail dans la fonction publique? Cette loi contient un article qui stipule qu’aucune autre loi n’est applicable.
    Au bout du compte, la Cour suprême du Canada a affirmé, non pas en fonction du privilège parlementaire, mais bien du libellé de la Loi sur les relations de travail au Parlement, que ces plaintes doivent être soumises à la Commission des relations de travail dans la fonction publique et non à la Commission canadienne des droits de la personne. Au bout du compte, je crois que c’est l’une de ces décisions qui ont fait l’unanimité auprès de toutes les parties. Je pense que la Chambre a apprécié que l’on reconnaisse le privilège et sa nature constitutionnelle, et aussi que pareilles affaires soient confiées à la Commission des relations de travail dans la fonction publique, comme elle l'avait demandé. La Commission canadienne des droits de la personne a été convaincue que les principes relatifs aux droits de la personne seraient pris en compte.
    C’était une affaire très importante, car elle a réitéré et clarifié le critère relatif au privilège applicable dans tous les cas.
    En effet, et l’un de ses principes plus généraux a été, littéralement, d’énoncer que les organes législatifs créés par la Loi constitutionnelle de 1867 — l’Acte de l’Amérique du Nord britannique pour nombre d’entre nous —, ne sont pas exempts de l’application de la loi ordinaire du pays. Il faut suivre d’autres étapes avant que le privilège ne s’applique, et le critère de nécessité que vous avez mentionné est primordial pour assurer la dignité et l’efficacité de l’assemblée ou de ses membres… Alors, c’est l’argument que je voulais soulever.
    Je voulais simplement vous poser cette question. L’affaire Vaid ne l’a pas nécessairement soulevée. Un élément qui a causé ce que j’appellerais une légère tension au fil des ans quant aux rôles du légiste a été la responsabilité légèrement divisée de ce dernier entre l’assemblée — la Chambre dans son ensemble —, y compris des liens directs avec le président, et chaque député pour lequel il doit jouer le rôle de légiste.
    Alors j’aimerais savoir si vous y avez songé et si vous avez une quelconque position ou approche générale à l’égard de la question du lien entre le privilège de la Chambre et celui des députés, ou à l'égard de votre relation avec la Chambre dans son ensemble et les députés et les cas dans lesquels ils pourraient être contradictoires.

  (1155)  

    Oui.
    C'est une chose à laquelle j'ai réfléchi, tout comme mes collègues du bureau du légiste. Nous considérons qu'il y a encore matière à réflexion parce que le bureau du légiste a effectivement la responsabilité de prodiguer des conseils et d'assurer une représentation juridique à l'institution que constitue la Chambre, mais également aux députés.
    Je pense que cette situation peut être difficile d'un point de vue strictement juridique. Quand un avocat fait affaire avec un client et qu'il y a des tensions entre lui et un autre client, il peut généralement décider de dire non à un client et oui à l'autre.
    Je crois que le concept du privilège parlementaire existe parce que l'institution elle-même doit avoir certains privilèges, mais que les députés eux-mêmes ont aussi des privilèges et qu'ils doivent même jouir d'une certaine autonomie parfois par rapport à l'institution. C'est une question que nous allons analyser et encore une fois, je vais miser sur l'équilibre et la réconciliation.
    De même, dans le contexte des droits de la personne, il peut souvent y avoir des conflits entre les droits de la personne et la sécurité nationale. J'ai toujours eu pour mot d'ordre de ne pas choisir entre les deux, parce que nous tenons aux deux, donc je pense que j'aurais la même approche dans ce cas-ci.
    J'ai une dernière question à poser.
    Allez-y. Je suis très bon aujourd'hui.
    Vous pouvez avoir le temps qu'il me reste.
    Très bien, merci.
    Cette dernière question en est une de philosophie juridique générale. C'est le genre de question que les comités sénatoriaux posent souvent aux juges aux États-Unis. Avez-vous une philosophie particulière à l'égard de votre rôle de conseiller juridique dans ce contexte où, soyons francs, vous devez respecter la loi, mais vous allez travailler dans un contexte très nouveau pour vous et les enjeux peuvent prendre une dimension très politique quand la loi établie n'est pas très claire?
    Depuis que je suis ici, le Président semble toujours devoir tenir compte de ce qui ressemble à des précédents, mais savoir déterminer quand ils cessent de s'appliquer. Avez-vous une idée de la façon d'interpréter la loi et de prodiguer des conseils à la lumière des précédents, lorsque la loi ne précise pas nécessairement noir sur blanc ce qu'il faut faire? Où aller chercher le reste de la solution lorsque vous devez prodiguer des conseils? Comment nous expliqueriez-vous votre rôle?
    Eh bien, pendant ma carrière, j'ai pu constater que bien souvent, les questions juridiques les plus difficiles, celles qui ont tendance à se rendre jusqu'en Cour suprême, là où je plaidais le plus souvent, sont des questions auxquelles il n'y a pas de réponse claire en droit. Il n'y a peut-être pas toujours une seule réponse juridique. En effet, en droit administratif, un autre domaine dans lequel j'ai travaillé, on le reconnaît et on recommande souvent d'évaluer le caractère raisonnable de la chose, parce qu'on accepte qu'il y a plus d'une réponse possible. Il faut donc se demander qui aura le dernier mot.
    Je pense que si j'étais confronté à ce genre d'incertitude, j'examinerais d'abord l'intention du Parlement. Quand on examine une loi, il faut se demander quelle en était l'intention d'origine. Quel était l'objectif des législateurs? Quel est le but de la loi?
    Si certaines choses sont claires, il faut analyser le but de la démarche et quelles interprétations on va privilégier entre toutes celles possibles? Laquelle permet de réaliser le but et la mission, laquelle sert le mieux l'institution, dans ce cas-ci la Chambre des communes, les députés et le concept du privilège?
    Il va y avoir des cas où la réponse sera qu'il n'y a pas de loi qui s'applique, qu'il n'existe pas de réponse en droit, auquel cas cela deviendra une question politique. Je pense que dans certains cas, il est approprié de dire que la loi reste ouverte et qu'il revient aux décideurs de choisir entre les options qui s'offrent à eux. La loi n'offrira pas toujours une seule réponse.
    Merci, monsieur Scott.
    Monsieur Lamoureux, s'il vous plaît, vous avez à peu près sept minutes, à ce qu'il semble.
    Merci. Je ne sais même pas si je vais prendre ces sept minutes au complet, monsieur le président, mais j'apprécie le geste.
    Tout d'abord, monsieur Dufresne, c'est vraiment l'unanimité, je vous félicite de votre nomination à ce rôle très important et fondamental au sein de cette institution importante. Je suis content de vous voir parmi nous ce matin, même si je sais bien que vous avez commencé à vous atteler à la tâche il y a déjà quelques semaines. Vous en êtes à votre troisième semaine. Je suis certain que vous allez exceller.
    J'ai lu votre biographie. Elle est assez impressionnante.
    J'ai remarqué que vous avez affirmé côtoyer le droit constitutionnel depuis le début de votre carrière. J'ai souvent l'occasion de m'exprimer sur des projets de loi soumis à la Chambre des communes, où il y a toujours un peu de contradiction. De temps en temps, un ministre présente un projet de loi et affirme qu'avant même son dépôt, il a fait l'objet d'une évaluation juridique et il semble respecter la Constitution. On entend ensuite d'autres personnes dire qu'il ne peut pas être jugé conforme à la Constitution et que la cour va en annuler la validité. Quand on ne s'y connaît pas beaucoup, et cela me concerne dans une certaine mesure, le message peut porter à confusion.
    J'aimerais savoir ce que vous avez à dire sur la législation, la constitutionnalité, le processus législatif, etc.

  (1200)  

    J'ai eu le privilège de travailler à des affaires dans lesquelles la constitutionnalité de la loi était remise en question, notamment la Loi canadienne sur les droits de la personne, dans le contexte de la liberté d'expression et de la séparation des pouvoirs. En effet, dans l'affaire Pankiw, on s'est interrogé sur la liberté d'expression et l'on s'est demandé si l'application de la Loi canadienne sur les droits de la personne à l'envoi d'une lettre aux ménages contrevenait à la liberté d'expression.
    Le dilemme que vous décrivez se pose quand les législateurs ou l'exécutif expriment le point de vue selon lequel un projet de loi serait constitutionnel, puis que d'autres contestent cette affirmation et peuvent même aller jusqu'à déposer une contestation juridique. Je pense que c'est une réalité dans notre système. Nous avons la Charte et la Loi constitutionnelle en général, qui dictent que toute loi ne respectant pas ces principes fondamentaux peut être contestée et annulée par les tribunaux, selon le cas.
    Le cas échéant, tant que le tribunal n'aura pas rendu sa décision, il arrivera souvent qu'on ne sache pas précisément comment il va trancher. Lors de contestations fondées sur la constitutionnalité et le respect de la Charte, le résultat dépend effectivement en grande partie de la justification de l'atteinte présumée. Il revient donc à la Couronne de prouver au juge qu'il y a un objectif important à atteindre, que cette mesure y est liée et que tout compte fait, c'est la façon la moins intrusive de l'atteindre.
    Il est difficile de prévoir à 100 % comment le tribunal va évaluer la preuve et quelle décision il va rendre. Je crois donc que vous décrivez une conséquence de notre système, selon lequel on peut poser ce genre de questions et les soumettre aux tribunaux après l'adoption d'une loi.
    Vous allez fournir des rapports et tout et tout, et les députés vont vous consulter. Prenons une situation hypothétique, ne vous sentez pas obligés d'y répondre. Supposons qu'une question vous soit soumise, que vous fassiez votre analyse et que vous vous disiez après mûre réflexion... Il y a toujours différentes façons de voir la constitutionnalité d'une chose. C'est toujours discutable.
    Il y a une immense zone grise, cela ne fait aucun doute, mais si la réponse vous semble plutôt claire, comment l'exprimerez-vous? À part de dire « non, c'est une mauvaise loi », parce que vous voulez garder votre neutralité, comment vous imaginez-vous répondre à la question quand votre propre évaluation vous convainc qu'elle ne respecte pas la Constitution?
    Je pense qu'une grande partie du mandat du légiste consiste à aider les députés à rédiger leurs projets de loi d'initiative parlementaire. Il y a des rédacteurs législatifs de très grand talent à mon bureau.
    Je pense que ce genre de chose serait abordé en discussion avec le député qui souhaite présenter un projet de loi d'initiative parlementaire; on parlerait de la forme du projet de loi et de la façon de réaliser l'objectif visé. Je pense que s'il y a des problèmes juridiques à signaler, la discussion aurait lieu dans ce contexte, et j'espère qu'elle contribuerait positivement au processus de rédaction.

  (1205)  

    Je suis un parlementaire depuis longtemps, mais je ne suis député ici que depuis quatre ans. Il y a une chose que j'ai apprise sur le privilège, encore plus ici qu'à l'Assemblée législative du Manitoba. J'ai toujours cru que le plus grand privilège d'un élu était de pouvoir communiquer, dire ce qu'il veut vraiment à la Chambre, mais pas en dehors de la Chambre. On peut toujours se risquer à dire des choses en dehors de la Chambre, mais on est protégé par le privilège à la Chambre. Quand on arrive à Ottawa, on constate que les députés ont toutes sortes d'autres privilèges.
    J'aimerais que vous me disiez quels seraient d'après vous les privilèges les plus importants dont jouissent les députés.
    J'hésiterais à en dresser la hiérarchie. Je pense que les privilèges revêtent tous une importance fondamentale. Selon la situation, l'un peut sembler plus nécessaire que l'autre. Parfois, le mot « privilège » ne semble peut-être pas à propos, parce qu'on dirait que la personne obtient quelque chose qui la favorise. Dans le fond, il s'agit de permettre aux députés et à l'institution de faire leur travail et de s'acquitter de leur rôle essentiel dans notre démocratie parlementaire. La liberté d'expression à la Chambre revêt assurément une importance fondamentale, parce qu'elle permet le débat et l'expression de points de vue personnels, tout comme le respect de la procédure et l'accès aux membres, entre autres.
    Encore, une fois, j'hésiterais à dire que l'un vient avant l'autre, parce qu'ils existent tous depuis longtemps, par nécessité. Je les considère donc tous importants par définition.
    Encore une fois, je vous félicite de votre nomination et je vous souhaite de très belles années à ce poste.
    Merci, monsieur le président.
    Merci.
    Je vais donner la parole à M. Lukiwski.
    Je vous remercie encore une fois. Je vais essayer d'être bref.
    Je ne voudrais pas vous placer dans une position injuste ou inconfortable. Vous savez sûrement qu'il y a eu des allégations de harcèlement au cours des derniers mois au Parlement, parfois entre députés, parfois entre des députés et le personnel. Nous nous trouvons dans une situation unique, évidemment, et je ne pense pas avoir besoin de vous expliquer exactement en quoi votre rôle est unique. D'abord, cela ne me semblerait pas approprié, puis je ne vous placerai pas en situation délicate en vous demandant votre opinion sur ce dont vous avez entendu parler, à moins que vous ne le souhaitiez.
    Je vous demande cependant si vous croyez que votre travail sur les questions de harcèlement en général vous donne une perspective qui pourrait nous aider à régler ce genre d'enjeu au Parlement. Par exemple, M. Preston préside un sous-comité qui a été établi pour se pencher sur toutes les allégations de harcèlement en milieu de travail. Je sais que c'est un sous-comité difficile. Je n'y siège pas, mais j'ai beaucoup d'empathie pour les gens qui y siègent.
    J'aimerais, monsieur, que vous nous parliez un peu de la perspective que vous avez acquise au fil du temps dans votre travail sur le harcèlement et de ce qui pourrait nous aider à gérer la question du harcèlement ici, au Parlement.
    Je sais que le bureau du légiste travaille déjà en soutien aux travaux qui se font sur cet enjeu important, et mon collègue, M. Denis, a mis jusqu'ici sa compétence et celle du bureau à profit, et cela va continuer. J'ai effectivement de l'expérience en droit de la personne, ce qui comprend les questions de harcèlement, donc dans la mesure où je suis sollicité pour analyser ces questions, cela va aider. D'après ce que j'ai pu voir jusqu'à maintenant, je suis persuadé que vous recevez de l'aide de qualité à cet égard. C'est une situation délicate et un milieu de travail unique. Je pense que le défi consiste à comprendre comment intégrer les principes d'un milieu de travail et d'un environnement sans harcèlement au contexte parlementaire, de façon réaliste, compte tenu du contexte particulier qui prévaut ici. Je peux vous assurer que nous allons continuer d'appuyer ce comité et le sous-comité dans ce travail important, de toutes les façons possibles.
    Je vous remercie de vos efforts.
    Monsieur Christopherson.
    Il y a une question que j'aimerais aborder.
    Vous êtes un agent du Parlement, n'est-ce pas?

  (1210)  

    Oui.
    Bien sûr, il y a une séparation entre l'exécutif et le Parlement. Je suis tout sauf un avocat chevronné, croyez-moi, donc mes questions se fondent beaucoup sur ma propre expérience.
    Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous êtes un agent du Parlement et pourquoi il est important que vous soyez perçu comme tel, plutôt que comme un prolongement de l'exécutif et de la bureaucratie, dont la responsabilité relève de l'exécutif selon la Constitution?
    Cela me semble important pour diverses raisons, particulièrement dans le contexte de la séparation des pouvoirs. En fait, la séparation des pouvoirs n'est pas parfaite. L'exécutif siège au sein de l'organe législatif. Comme on l'a déjà expliqué, c'est l'exécutif qui nomme les membres de l'organe judiciaire. Si l'on étudie chaque organe du gouvernement, chacun doit jouir de l'autonomie nécessaire pour fonctionner, c'est primordial.
    Évidemment, pour bien jouer son rôle, un agent du Parlement doit savoir très clairement à qui il doit loyauté et en quoi consiste son mandat. C'est particulièrement vrai pour un légiste, qui est aussi un avocat qui prodigue des conseils juridiques.
    C'est important. Vous pouvez recevoir des conseils juridiques d'un avocat du gouvernement, mais le bureau du légiste est là pour conseiller l'institution et ses membres, soit les députés.
    Pour cette raison, il est important que nous soyons séparés et distincts de l'exécutif et que nous soyons perçus comme tels. De fait, c'est le cas.
    Cela signifie que votre rapport avec moi, qui suis un député de l'opposition, serait exactement le même que celui avec les députés du parti au pouvoir. Le fait qu'ils fassent partie du caucus du gouvernement n'a pas d'incidence pour vous. Tout député qui siège à la Chambre est égal à tout autre député qui siège à la Chambre, pour ce qui est de votre travail, de vos conseils et des clients que vous représentez. Est-ce exact?
    Je pense que c'est exact. Nous prodiguons des conseils juridiques à l'institution et à ses membres. Nous fournissons des conseils juridiques dans le contexte des projets de loi d'initiative parlementaire. Ces projets de loi sont souvent présentés par des députés de l'opposition. Notre rôle consiste alors à les conseiller de la même façon qu'ils fassent partie du parti au pouvoir ou d'un parti de l'opposition. Nous avons pour rôle de fournir les meilleurs conseils possibles de manière à appuyer l'institution, les privilèges et les députés.
    C'est bon.
    Puis-je vous demander quelle a été la place accordée à l'opposition dans le processus que vous venez de traverser? Quel genre d'interaction avez-vous eu avec les partis d'opposition ou quel rôle ont-ils joué, à votre connaissance, dans l'embauche de la personne qui se trouve à être l'avocat de tous?
    Je ne peux pas me prononcer sur tout ce qui s'est passé sans ma présence. À ma connaissance, je n'ai pas rencontré de députés des autres partis pendant le processus de nomination. Je ne peux toutefois pas vous parler des consultations qui ont pu avoir lieu.
    Je peux vous dire qu'il n'y en a eu aucune et que c'est un immense problème.
    Je vais m'arrêter là, monsieur le président. C'est toujours le même problème. Ce n'est pas la première fois qu'il se présente. La même chose est arrivée avec le vérificateur général. La mise à contribution des députés de l'opposition est minuscule, voire nulle, ce qui est absolument inadmissible, à mon avis.
    Je veux simplement dire pour le compte rendu qu'il va devoir y avoir d'énormes changements. Je peux comprendre que ce soit le gouvernement qui dirige le processus. C'est lui qui a accès à l'argent pour embaucher des chasseurs de têtes et faciliter le processus. Cependant, c'est tout le contraire si l'on écarte totalement les députés de l'opposition du processus. Tous les partis devraient être mis également à contribution. C'est ainsi que nous avons embauché le sergent d'armes à Queen's Park, et cela s'est très bien passé. Ce sergent d'armes est considéré comme le sergent d'armes de tous.
    Pour le compte rendu, je crois que les règles de la démocratie ne sont pas respectées pour l'embauche des agents du Parlement, qui doivent pourtant nous rendre des comptes à tous. En ce moment, l'embauche est du domaine exclusif du gouvernement. Le seul rôle que joue le reste du Parlement consiste à voter par « oui » ou « non », et à dire « nous sommes d'accord avec tout le processus qui a été contrôlé du début à la fin par le gouvernement ». Ce n'est que l'une des choses qui me dérangent.
    Je vais conclure comme la plupart de mes collègues ont commencé, c'est-à-dire en vous disant que je suis ravi de votre nomination. Je n'imagine personne chausser les souliers de Rob Walsh, mais je pense que vous êtes la personne la mieux placée que j'ai vue pour assumer ce rôle. Je vous souhaite beaucoup de succès et j'espère que vous saurez respecter la même norme que M. Walsh, c'est-à-dire la norme d'excellence, selon moi, à l'égard de ce qu'on attend d'un légiste parlementaire.
    Merci.
    Merci, monsieur le président.

  (1215)  

    Il n'y a personne d'autre sur ma liste.
    Monsieur Dufresne, je vous remercie infiniment de vous être joint à nous aujourd'hui. Nous sommes très heureux d'avoir eu la chance d'apprendre à vous connaître un peu mieux. J'ai bien l'impression que nous allons avoir la chance de vous connaître encore plus bientôt compte tenu des sujets qui nous occupent.
    Merci. Je me réjouis à cette idée.
    Je vous remercie d'être venu et d'avoir partagé votre point de vue avec nous.
    Nous allons nous arrêter quelques minutes, le temps de libérer notre témoin, après quoi nous reprendrons la séance pour organiser rapidement les travaux du comité.
    [Les délibérations se poursuivent à huis clos.]
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