CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 6 mars 2012
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour. Le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration tient sa 25e séance en ce mardi 6 mars 2012.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'étude intitulée « Protéger nos foyers et nos droits: garantir la sécurité du système canadien d'immigration ».
Nous aurons deux témoins au cours de la première heure. Un d’eux nous parle à partir de Toronto. Je vais essayer de prononcer votre nom correctement.
Mme Renuka Rajaratnam. L’ai-je assez bien prononcé?
J’ai fait de mon mieux.
Et nous avons John Amble, de Londres, en Angleterre.
M’entendez-vous, monsieur?
M. Amble est candidat au doctorat au King's College London, où il étudie les groupes islamistes régionaux qui sont violents, et il est directeur général de Global Torchlight LLC, une firme de consultants en politique et risques de sécurité. Il a aussi été officier du renseignement à la Defense Intelligence Agency, dans le cadre du groupe de travail militaire spécial sur le renseignement antiterroriste de l’armée américaine. Sa formation militaire poussée comprend aussi des cours d’internat professionnel au U.S. Army Intelligence Centre et au JFK Special Warfare Center. Dans ses recherches antérieures, M. Amble a examiné les tendances sur le plan de la radicalisation et du terrorisme d’origine intérieure en Amérique du Nord et en Europe.
Je vous remercie tous deux de témoigner devant notre comité de l’immigration. Nous allons vous demander de présenter chacun un exposé d’une durée maximale de 10 minutes.
Monsieur Amble, nous commencerons par vous. Vous avez la parole, monsieur.
Merci.
Monsieur le président, honorables membres du comité, vous parler aujourd’hui est un honneur, et je vous remercie de m’avoir invité à participer à ces importantes audiences.
Examiner le système et les lois du Canada en matière d’immigration dans le contexte de la sécurité nationale est une démarche de grande valeur. Je concentrerai mes observations sur un seul élément de ce processus: la radicalisation et la menace terroriste. C’est un élément important, et j’espère pouvoir contribuer à vos efforts. Le sujet du terrorisme d’origine intérieure est vaste, et je m’efforcerai de limiter mes observations aux aspects qui se rapportent directement aux travaux du comité.
Mon témoignage se fonde sur des recherches que j’ai menées sur ce qu’ont récemment vécu trois pays d’Europe, soit le Royaume-Uni, l’Allemagne et le Danemark, sur le plan du terrorisme d'origine intérieure. J’ai déterminé quelques-uns des facteurs dominants de la situation dans chaque pays et je les ai appliqués à une étude des conditions aux États-Unis pour évaluer de quelle façon ce genre de menace est susceptible d’évoluer dans ce pays.
Bien que je n’aie pas examiné directement le Canada, je crois que les modalités d’immigration semblables, et surtout, peut-être, les profondes similitudes culturelles des États-Unis et du Canada rendront les résultats de ma recherche utiles pour le comité. Et j’ai aussi trouvé plusieurs facteurs instructifs pour tout pays s’employant à élaborer des politiques qui minimisent les risques de radicalisation au sein des collectivités immigrantes et, en fin de compte, les risques de terrorisme qu’elle engendre.
Trois conclusions clés se dégagent de mes travaux sur le Royaume-Uni. Premièrement, l’élaboration inefficace et l’application relâchée de certaines politiques d’immigration et de contrôle frontalier ont eu un impact direct sur la menace de terrorisme d’origine intérieure. Deuxièmement, les tendances de radicalisation des immigrants et les activités terroristes au Royaume-Uni sont caractérisées par un élément géographique apparent, c’est-à-dire une surreprésentation statistique de liens avec certains pays pour les deux catégories. Et troisièmement, c’est la dynamique de groupe qui est le principal moteur de la radicalisation au Royaume-Uni.
En Allemagne, la radicalisation semble s’articuler autour d'un certain nombre de grandes mosquées bien connues, et les djihadistes ont établi des liens solides avec un groupe particulier, l’Union du Djihad islamique, qui est actif au Pakistan, qui l’est depuis longtemps en Asie centrale et qui a aussi été associé à des complots d’attaques en Allemagne.
Au Danemark, des « mosquées de sous-sol » sont devenues des incubateurs de radicalisation, particulièrement au sein de certains groupes d’immigrants, et l’échec marqué pour ce qui est de faciliter l’intégration des immigrants dans la société danoise a largement contribué à la propagation de l’idéologie djihadiste.
Alors, quelles sont les leçons pertinentes pour le Canada? Au chapitre de l’application des lois d’immigration et des contrôles frontaliers dans le but de renforcer la sûreté nationale, la situation au Royaume-Uni est particulièrement digne de mention. Selon un expert en sécurité de l’université Harvard, le Royaume-Uni « est réputé pour l’attitude extrêmement indulgente qu’il a envers les terroristes islamistes actifs sur son territoire; de fait, à l’occasion, ce degré de tolérance frise le masochisme ».
Au cœur de ces critiques se trouve le pseudo-pacte de sécurité — un accord supposément tacite au titre duquel les autorités britanniques accorderaient aux islamistes radicaux un très grand degré de tolérance à condition que la communauté musulmane fasse une autosurveillance qui assure à l’État britannique et à son peuple une certaine protection contre les actes de violence djihadistes. Comme l’ont démontré les dernières années, cette démarche n’a pas réussi à protéger la sûreté du territoire du Royaume-Uni.
En plus de cette grande liberté qui leur est accordée, d’importants personnages du milieu djihadiste au Royaume-Uni ont profité de la non-application des lois régissant l’immigration et le statut de réfugié. Par exemple, un homme condamné relativement à un complot d’empoisonnement dans le métro de Londres en 2003 résidait illégalement dans le pays. Immigrant algérien à qui on avait refusé l’asile, cet homme était quand même resté dans le pays.
Une enquête a révélé qu’un Algérien sur dix à qui l’asile avait été refusé avait effectivement quitté le pays. Reconnaissant les conséquences dangereuses de cet état de fait, un ancien directeur général au MI5 a déclaré en 2007 « Nous nous sommes rendu compte que la liberté de mouvement est une idée noble, mais si vous êtes en présence de gens qui ont l’intention de vous tuer, il devrait y avoir beaucoup plus de contrôles. Il est triste que les idéaux formulés à la fin de la guerre froide se soient révélés impossibles. »
Même quand les politiques d’immigration et l’application sont appropriées, une autre difficulté se manifeste quand les groupes d’immigrants ne sont pas intégrés dans les sociétés hôtes — problème auquel le Danemark a été confronté. Selon un chercheur à qui j’ai parlé, la non-intégration dans la société danoise a fait des immigrants d’appartenance ethnique particulière l’un des groupes minoritaires les plus stigmatisés au Danemark. Cette stigmatisation, les échecs d’intégration qui l’engendrent et l’aggravent, et l’isolement social qui en résulte sont tous des aspects cruciaux pour la compréhension du phénomène récent de la radicalisation émanant de collectivités particulières d’immigrants au Danemark.
Tout débat dans lequel la menace de la radicalisation et du terrorisme d’origine intérieure semble associée à un groupe ethnique particulier d’immigrants devient forcément sujet à controverse. De fait, je n’ai aucunement l’intention de prétendre que des groupes d’ethnies ou de nationalités particulières sont inévitablement plus vulnérables à la radicalisation que d’autres. En revanche, on peut se poser des questions importantes qui peuvent servir à déterminer si des politiques d’immigration efficaces peuvent, oui ou non, faciliter l’intégration des immigrants.
Par exemple, pourquoi les membres du plus gros segment de la population musulmane minoritaire au Royaume-Uni, la collectivité asiatique du Sud, sont-ils statistiquement surreprésentés dans les cas de terrorisme d’origine intérieure, alors qu’à Hambourg, ville au centre de l’environnement djihadiste en Allemagne, seulement 5 p. 100 des personnes soupçonnées de terrorisme sont des Turques d’origine, la plus importante population musulmane dans ce pays?
Dans le contexte de ce débat, la façon dont les collectivités d’immigrants s’organisent une fois arrivées dans un nouveau pays hôte est un facteur important. Tant les États-Unis que le Canada ont un sens du civisme beaucoup plus fort que la plupart des pays européens, et cela contribue beaucoup à minimiser les tendances à la radicalisation. Mais lorsque les immigrants entrant en Amérique du Nord s’installent directement dans des endroits caractérisés par leur isolement ethnique, cette influence importante d’une solide société civile est affaiblie. Encore une leçon instructive du Royaume-Uni.
Selon un rapport publié en 2005 par la Royal Geographical Society, il y a augmentation du niveau d’isolement d’immigrants venant de certaines régions de l’Asie du Sud dans des enclaves polarisées du Royaume-Uni. Ces enclaves peuvent devenir des incubateurs d’idéologies radicales et dangereuses. En Amérique du Nord, on a constaté que la diaspora somalienne est une communauté qui s’organise de façon semblable, s’établissant principalement dans quelques villes avec, par exemple, à peu près 25 000 personnes d’origine somalienne vivant à Minneapolis seulement, au Minnesota.
Et c’est justement de Minneapolis qu’au moins 20 jeunes Somaliens qui avaient passé la majeure partie, voire la totalité de leur vie aux États-Unis, ont choisi de quitter leur pays d’adoption et de se rendre en Somalie pour se joindre à Al-Shabaab, mouvement associé à Al-Qaïda. On retrouve des centres de population somalienne semblables un peu partout en Amérique du Nord, y compris à Toronto, où réside la majeure partie de la population somalienne au Canada.
En outre, les conditions uniques qui prévalent dans chacun des pays que j’ai examinés ont mené à l’émergence de noyaux précis de radicalisation et d’activités radicales, surtout dans les collectivités d’immigrants. Au Royaume-Uni et en Allemagne, les grandes mosquées sont devenues de tels noyaux, ce qui est une indication du nombre même de djihadistes dans ces pays. Cependant, l’univers relativement restreint des djihadistes en Amérique du Nord, et le fait qu’on ne trouve nulle part de ce côté de l’Atlantique l’équivalent de la silhouette de Hambourg truffée de 60 à 70 profils de mosquées, signifient que cette émergence de grandes mosquées importantes en tant que bastions de l’idéologie djihadiste est peu probable ici. En effet, il est plus probable que la situation au Canada et aux États-Unis évolue comme au Danemark, où l’on constate un autre facteur déterminant de la radicalisation: l’émergence de ce qui a été appelé « les mosquées de sous-sol ».
Ces groupes d’étude et de prière, qui se réunissent en privé, écartent les djihadistes éventuels de la société musulmane ordinaire qui fréquente les mosquées, et les attirent vers des environnements où des idéologues peuvent influencer la pensée des fidèles au moyen de textes religieux minutieusement choisis, d’une perspective déformée des événements dans le monde, et de récits d’aventure, de piété et d’héroïsme djihadiste aux champs de bataille partout dans le monde. De telles installations peuvent être particulièrement attrayantes pour les nouveaux immigrants, tant légitimes que clandestins, qui recherchent le confort d’un tel entourage dans un pays nouveau et inconnu.
L’existence de ces mosquées de sous-sol dans la communauté somalienne inquiète de plus en plus les autorités danoises. Les observateurs font remarquer que dans une collectivité ethnique déjà isolée, ces lieux de rencontre clandestins n’admettent peut-être même pas d’autres Somaliens. En Amérique du Nord, il ne sera peut-être même pas nécessaire que ces mosquées de sous-sol isolées soient créées pour que la même dynamique prenne pied, car plusieurs des mosquées existantes, y compris celles qui s’adressent principalement à des collectivités d’immigrants particulières, sont déjà étonnamment quelconques d’aspect. Le centre islamique Abubakar as-Saddique à Minneapolis, par exemple, où plusieurs jeunes de l’endroit auraient été radicalisés, est un édifice de brique ordinaire, presque impossible à distinguer des immeubles d’habitation qui l’entourent.
À la lumière de toutes ces leçons que nous enseigne l’Europe, je vous suggérerais trois grandes priorités à prendre en compte dans l’élaboration de vos politiques, de sorte que les mécanismes d’immigration et de contrôle frontalier du Canada appuient les objectifs fondamentaux de sécurité nationale du pays.
Premièrement, des lois efficaces appliquées de façon appropriée devraient faire en sorte que les personnes interdites de territoire quittent effectivement le pays, particulièrement si les motifs d’une telle interdiction sont reliés à la sécurité nationale.
Deuxièmement, ces lois devraient permettre un degré maximal de connaissance de qui entre au pays, et, ce qui est crucial, de qui voyage entre le Canada et les régions du monde auxquelles les dangers du terrorisme sont le plus étroitement associés.
En dernier lieu, le terrorisme est possiblement le meilleur exemple d’un problème de sécurité qui est alimenté par l’existence de barrières entre diverses agences chargées de mandats très différents. Et le risque de radicalisation chez les groupes d’immigrants fait clairement ressortir ce fait. Ainsi donc, les politiques d’immigration et de contrôle frontalier devraient s’engrener avec les activités des organismes d’exécution de la loi à tous les niveaux, dans le cadre d’une relation de soutien mutuel, pour maximiser le degré de sécurité assuré contre les menaces de terrorisme d’origine intérieure.
Il est malheureusement impossible de tout prévoir en matière de radicalisation et de menace de terrorisme d’origine intérieure, mais chercher à les comprendre est important, et peut servir à appuyer la tâche cruciale qu’est l’élaboration de politiques qui protègent tant le peuple canadien que les valeurs fondamentales sur lesquelles reposent les sociétés libres. Ce faisant, nous devrions mettre à profit l’expérience des autres pays, y compris celle dont je viens de vous parler brièvement.
C’est là, monsieur le président, que je termine mon exposé. Une fois de plus, merci de m’avoir accordé le privilège de témoigner devant ce comité. Je serai heureux de répondre aux questions.
Monsieur Amble, merci de votre exposé et de vos recommandations. Je suis sûr que les membres auront quelques questions.
Mais nous entendrons d’abord notre second témoin, Mme Rajaratnam, de Toronto.
À vous la parole, madame Rajaratnam.
Merci.
Je m’appelle Renuka Rajaratnam. Tout d’abord, j’aimerais vous remercier de m’avoir donné cette occasion de me faire entendre.
Je suis une fière Canadienne qui vit au Canada depuis 25 ans. L’an dernier, en 2011, j’ai célébré mon 25e anniversaire de mariage, le 17 septembre. Je croyais que c’était un événement que je célébrerais ici avec les autres membres de ma famille de Toronto et du Sri Lanka. Nous sommes huit enfants, cinq vivant ici à Toronto et les trois autres au Sri Lanka. Ce sont mes deux plus vieux frères et ma plus jeune soeur qui vivent au Sri Lanka. Mon époux et moi avons parrainé la demande de visas de visiteur de mes frères et de ma sœur par l’entremise de mon avocat. Les trois ont fait leur demande en même temps, avec tous les papiers pertinents.
Mes deux frères ont obtenu leur visa leur permettant de venir participer à la célébration au Canada, mais pas ma soeur. J’ai été très déçue de la décision du haut-commissariat au Sri Lanka, et je ne peux tout simplement pas comprendre pourquoi deux membres d’une famille reçoivent l’autorisation de venir, alors qu’un autre membre de la même famille est forcé de rester là-bas. C’est une réunion que j’attends depuis 34 ans, elle a été anéantie en raison d’une décision du haut-commissariat au Sri Lanka et, jusqu’à présent, je n’en connais pas la raison. Ils ne m’ont pas donné la raison pour laquelle ils ont refusé ma sœur.
Pourtant, elle a présenté tous les documents pertinents, elle avait un billet de retour, et je me suis personnellement portée garante, par l’entremise de mon avocat, de la date de son départ. Elle laissait derrière son époux, deux jeunes filles, et son emploi dans un cabinet d’avocats de renom au Sri Lanka. En dépit de toutes ces raisons, elle a été refusée.
Je veux simplement dire ici que j’ai déjà envoyé des invitations à des résidents permanents ainsi qu’à des visiteurs pour des visas dans le cas de nombreux amis et membres de ma famille. Aucun d’entre eux n’a enfreint jusqu’à présent n’importe laquelle des stipulations du gouvernement. Ce refus a été très décevant, et a grandement ébranlé notre famille. Je veux simplement savoir pourquoi le haut-commissariat au Sri Lanka nous a fait cela. Le stress émotionnel a été plus grave encore que ce que cela nous a coûté. J’ai soumis tous les documents relatifs aux dépenses.
Je veux juste connaître les détails, trouver la raison pour l’avenir, si le comité peut découvrir la raison pour laquelle elle a été refusée. Ma jeune soeur est une personne qui voyage beaucoup. Pourquoi lui interdit-on de venir au Canada alors que les autres membres de sa famille vivent ici? Il s’agit seulement d’un visa de visiteur. Si je pouvais avoir une seule bonne raison, je l’accepterais. Cela permettrait vraiment de tourner la page sur toute cette affaire. Je n’aurais pas besoin de poursuivre mes démarches et de vivre tout ce traumatisme émotionnel. J’ai hâte de recevoir la réponse de la commission, de voir si vous allez me donner les raisons et me permettre de mettre fin à cette affaire.
C’est tout ce que j’avais à dire. Merci beaucoup encore de m’avoir accordé l’occasion de présenter ma version des choses.
Merci.
Merci de votre présentation, madame Rajaratnam. Les membres du comité auront des questions.
J’aimerais attirer l’attention de tout le monde sur le fait que l’horloge ici n’est pas juste. Nous utiliserons l’horloge du président. Celle-ci indique 15 h 48.
Commençons par M. Opitz.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Amble, je vous remercie beaucoup de votre exposé. Il était très détaillé. J’ai lu votre biographie; vous êtes manifestement très compétent compte tenu de tous vos antécédents: l’armée américaine, le service du renseignement et votre formation militaire.
Alors, monsieur, ma première question porte sur la conscience de la situation, en ce qui concerne la sécurité et qui entre au pays. Tout d’abord, en termes généraux, comment recommanderiez-vous que le Canada améliore sa conscience de la situation au sujet des personnes qui entrent dans le pays et qui en sortent?
Merci de vos remarques.
Je commencerai par qualifier ma réponse en précisant que je ne suis pas un expert des lois canadiennes d’immigration et de contrôle frontalier. Toutefois, mes recherches concernant les trois pays européens ont mené à la conclusion très claire — et cela concerne le Royaume-Uni — que les lois d’immigration étaient non seulement mal rédigées, mais aussi, surtout, mal appliquées. Il y avait de trop nombreuses failles permettant aux gens d’entrer dans le pays, et aussi de rester dans le pays. De plus, cet aspect est, en partie, une question d’échelle.
Au Royaume-Uni, la grande majorité des cas de terrorisme d’origine intérieure ont des liens avec le Pakistan. Dans plus des trois quarts des cas, des personnes concernées avaient été formées au Pakistan, ce qui est considérable, et propre au Royaume-Uni.
Quatre cent mille voyages au Pakistan sont faits tous les ans par des résidents du Royaume-Uni. La durée moyenne de ces voyages est de 41 jours, assez de temps, franchement, pour recevoir un entraînement dangereux dans un camp d’entraînement. Pourtant, cette durée ne permet pas, en elle-même, de déterminer les véritables raisons pour lesquelles les personnes vont au Pakistan.
Il est essentiel, je crois, que soit créé un processus détaillé de grande portée selon lequel il serait possible de suivre les mouvements des gens et de savoir quand ils quittent, quand ils reviennent, combien de temps ils seront partis et quels sont leurs agissements. Le Royaume-Uni doit éliminer certaines des failles actuelles.
Sur ce plan, nous sommes en train de mettre au point un système électronique d’autorisation de voyage et des dispositions d’entrée et de sortie dans le cadre de l’entente sur le périmètre de sécurité, pour empêcher les criminels étrangers d’abuser de notre système d’immigration, que nous considérons généreux.
Comme vous le savez peut-être, un système électronique d’autorisation de voyage permettra au gouvernement de savoir chaque fois quand quelqu’un entre au Canada et aux États-Unis ou en sort, même aux frontières terrestres. À votre avis, cela permettra-t-il au gouvernement de combattre de façon décisive la fraude en matière de résidence et d’empêcher les gens qui veulent le statut de citoyen canadien sans vivre ici ni contribuer financièrement à notre système?
Oui, absolument. Je le crois.
Un des problèmes que tous les pays européens ont sur le plan du terrorisme — et c’est à cela que se limitait ma recherche — est celui de l’accord de Schengen, soit la traversée libre des frontières entre les pays européens, ce qui signifie qu’une fois entrée en Europe par n’importe lequel des pays participant à l’accord de Schengen, une personne peut traverser les frontières sans être pistée de quelque façon significative que ce soit.
Je l’ai fait moi-même, traversé de nombreuses frontières, et entre le moment où j’ai quitté Londres et le moment où j’y suis revenu, j’aurais pu visiter cinq, six ou sept pays sans que personne ne le sache.
Selon moi, un tel mécanisme électronique serait assurément utile.
Que pensez-vous de la possibilité d’y ajouter la biométrie? Pensez-vous qu’ajouter cette dimension en ferait un outil efficace de prévention de la fraude et de protection du pays contre les menaces en matière de sécurité?
Certainement. En dehors de ma recherche, comme l’a mentionné le président, j’ai été membre de l’armée américaine. J’ai servi en Irak et en Afghanistan. Nous utilisions la biométrie dans ces endroits, avec grand succès en ce qui concerne le pistage des personnes que nous devions surveiller. Je sais que le Royaume-Uni a incorporé quelque chose de semblable, un mécanisme biométrique, dans la procédure d’entrée dans le pays.
Cependant, je sais aussi qu’il y a eu de graves problèmes. J’ignore exactement lesquels, mais je sais qu’ils ont eu de la difficulté à mettre le système en service et à déterminer, parmi les personnes qui entrent dans le pays, qui soumettre à la lecture biométrique et qui faire encore rencontrer un agent des douanes en personne.
Je comprends que la mise en oeuvre d’une nouvelle technologie s’accompagne souvent de problèmes, surtout au début, lorsqu’il faut régler tous les petits accrocs. Mais existe-t-il présentement des données qui démontrent l’efficacité de la biométrie?
Je n’en ai pas vu au Royaume-Uni. Je crois que le processus n’est pas assez avancé pour qu’ils puissent produire des données significatives. Je sais qu’il a été controversé quelque peu car il a occasionné d’assez longues queues à l’aéroport d’Heathrow, qui est bien connu pour ses longues files d’attente de toute manière. Je sais cependant que le gouvernement a l’intention de poursuivre la mise en oeuvre du système, confiant qu’en fin de compte tous les petits accrocs seront réglés et qu’il ajoutera l’élément de sécurité recherché.
Avez-vous des recommandations pour Citoyenneté et Immigration Canada et l’Agence des services frontaliers du Canada, des recommandations qui aideraient à mitiger les risques à l’échelle mondiale?
Oui, je leur recommanderais en général, je suppose, de comprendre les menaces — là encore, je parle de terrorisme précisément —, et de comprendre qu’il est erroné de faire une distinction binaire entre le terrorisme d’origine intérieure et le terrorisme d’origine extérieure. Dans bon nombre des cas de terrorisme d’origine intérieure que j’ai examinés aux États-Unis, il y avait des individus qui avaient été en voyage au Pakistan, en Somalie et à d’autres destinations dangereuses dans le monde; il s’agit donc de comprendre qu’il doit y avoir cohésion entre vos procédures d’immigration et de contrôle frontalier, et les efforts des corps policiers tant locaux que nationaux pour que ces procédures atteignent pleinement et efficacement les objectifs de sécurité nationale.
Merci, monsieur le président.
Mes questions s’adressent principalement à Renuka.
Renuka, je suis contente que vous soyez des nôtres aujourd’hui. Vous savez, le filtrage des visas est un élément très important de l’étude que fait notre comité. Jusqu’à présent, nombre des témoignages que nous avons entendus mentionnaient l’importance des contrôles de sécurité pour ce qui est d’empêcher des personnes d’entrer au Canada. Mais si l’on en juge d’après votre cas, comme vous nous l’avez décrit, il doit y avoir des failles dans le processus de filtrage des visas si on empêche des familles de se réunir, même pour une courte période. J’apprécie vraiment que vous ayez pris le temps de venir nous présenter votre perspective quant au sujet dont nous débattons et que nous étudions aujourd’hui.
Vous êtes passée par le processus plusieurs fois, vous dites, lorsque vous avez parrainé des personnes pour des visas temporaires ou permanents avec des résultats différents — ne serait-ce qu’avec l’exemple de l’acceptation de vos deux frères et du refus de votre soeur. Par conséquent, il est important, à mon avis, que nous entendions votre histoire. Donc, une fois de plus, merci.
Nous avons entendu des représentants officiels témoigner que les agents des visas ont, en moyenne, à peine cinq minutes pour examiner chaque demande. J’aimerais entendre votre opinion et vos commentaires à ce sujet compte tenu de l’expérience du refus que vous avez essuyé, et du fait que vous n’avez aucun droit d’appel et qu’aucune raison ne vous a été donnée quant au refus de votre soeur et à l’acceptation de vos frères.
Monsieur le président, je suis conscient de la très haute importance de cela pour la famille Rajaratnam et, éventuellement, pour notre comité. Mais je vous pose la question suivante, à vous, monsieur le président, et à mes collègues: Y a-t-il des limites quant aux sujets dont nous pouvons débattre à ce comité, notamment des demandes personnelles, des appels, ou des demandes de réexamen? Je pose simplement la question parce que je crois que, pour l’avenir, nous avons besoin de savoir qui inviter à venir témoigner et quels types de questions poser. Une fois de plus, je précise que je ne vise nullement Mme Rajaratnam; je veux simplement m’assurer que nous savons quelles sont nos limites.
Nous avons parlé de cela à la réunion précédente, monsieur Weston. J’attire votre attention sur le fait que le mandat du comité, qui est l’étude du système d’immigration du Canada dans l’optique de la sécurité, inclut — et je peux vous le montrer — le sujet des visas. Ainsi donc, les questions et les réponses sont recevables.
Bon, je repars la minuterie.
Vous souvenez-vous de la question? Voulez-vous qu’elle vous la répète? M’entendez-vous?
Je vous accorderai beaucoup de temps; il vaut mieux que vous lui posiez la question de nouveau.
Merci, monsieur le président.
Madame Rajaratnam, nous avons entendu des représentants officiels témoigner que les agents des visas ont environ cinq minutes pour prendre une décision dans le cas de chaque demande de visa. Je suis curieuse: pouvez-vous nous donner votre opinion et vos commentaires à ce sujet compte tenu de votre récente expérience concernant votre sœur et le refus de sa demande — le fait que vous ne pouvez faire appel et qu’aucune raison concrète n’est donnée dans la lettre de refus?
Oui. J’aimerais préciser ici la façon dont le processus se déroule au Sri Lanka. Le processus entier a été externalisé. Il y a deux personnes qui regardent simplement les documents quand ils sont présentés à un guichet. Vous avez l’impression qu’ils ne font que vous regarder. Je ne crois pas qu’ils examinent les antécédents dans les dossiers, ni qu’ils filtrent les gens correctement. Ils donnent l’impression de regarder des membres de leur famille. Je ne suis pas sûre comment les choses se font, mais avec un processus imparti, je me demande s’ils font un contrôle des demandeurs.
J’étais très déçue lorsque ma mère est décédée en 2007. Je voulais faire venir ma sœur. Le visa de rentrée lui a catégoriquement été refusé. C’est là que j’ai décidé de passer par un avocat, me disant que je ferais les choses en bonne et due forme. C’est l’impression qu’on a — devrions-nous faire les choses en bonne et due forme ou plutôt suivre une démarche différente pour que les gens puissent entrer? C’est un peu décevant de ne pas faire les choses de la bonne façon, parce que j’ai déjà parrainé des personnes pour l’obtention d’un visa de visiteur ou de résident permanent, et ça a toujours été… Maintenant, ça me fait voir les choses d’un œil négatif.
J’aimerais vraiment savoir pourquoi les choses sont faites ainsi aux deux extrémités du processus.
Merci.
Vous avez raison. Il est important d’obtenir une bonne raison.
Cette fois-ci, vous êtes passée par un avocat, qui est un expert en la matière et qui devrait savoir ce qui est exigé pour une demande de visa de visiteur, de résident temporaire. Quels documents d’appui accompagnaient la demande de votre sœur? Combien de temps ou d’argent avez-vous consacré à cette démarche d’essayer de la faire venir pour votre anniversaire?
Les droits de base au haut-commissariat se sont élevés à près de 200 $, puis 200 $ encore pour l’appel; et ces montants ne sont pas remboursables. Ensuite, il y a eu le billet d’avion, près de 2 000 $, qui n’a été remboursé — et à moitié seulement — qu’après présentation de la lettre de refus envoyée par le haut-commissariat.
Ajoutez à tout cela la façon dont le processus s’est déroulé. Ils voulaient les documents à la première rencontre. Il s’agissait de mes documents, de la lettre de parrainage envoyée par l’intermédiaire de l’avocat, de la lettre de son employeur, de ses titres indiquant qu’elle a tous les liens avec le pays, avec ses enfants et l’emploi de son époux, et des titres de propriété de ses maisons qui sont à son nom. Tous ces documents faisaient état de ses liens au Sri Lanka. Tous ces documents ont été soumis, vous savez; et d’après moi, aucun d’entre eux n’a été pris en compte.
Elle a présenté les titre de propriété des deux maisons qui lui appartiennent, vous dites. Vous mentionnez également qu’elle laissait ses enfants au Sri Lanka, de même que son époux. Elle avait un emploi lucratif dans le pays, et, pourtant, elle a été refusée sous prétexte qu’elle ne retournerait pas après sa visite. Elle avait son billet de retour également?
Absolument. Elle avait son billet de retour. Au moment de la réservation, il faut l’avoir. Avoir le billet de retour est très important; c’est obligatoire. Nous avons suivi le processus à la lettre.
Merci.
Renuka, il me reste à peu près une minute. Quand avez-vous vu votre sœur la dernière fois, et quand tous les membres de votre famille ont-ils été réunis la dernière fois?
Cela faisait 34 ans que votre famille ne s’était pas réunie et votre anniversaire de mariage était l’occasion pour elle de se réunir de nouveau?
C’est un plaisir d’être ici, monsieur le président. Merci.
Monsieur Amble, vous avez sans doute entendu le témoignage de Mme Rajaratnam, un récit personnel de circonstances manifestement perturbantes. Nous pourrions peut-être revoir cela un peu si vous, monsieur Amble, nous donniez votre perspective et votre opinion.
Sur le plan de la radicalisation, sur le plan de la création d’un environnement de désaffection, est-il important, d’après vos propres études, que les autorités atteignent non seulement un équilibre, mais aussi la transparence et l’équité dans leur application des procédures d’immigration, particulièrement dans le cas des visas? La perception éventuelle d’incohérence ou d’iniquité contribue-t-elle au sentiment de désaffection qui pourrait mener à la radicalisation, ou en être la source ou le précurseur?
En un mot, oui.
Vous avez tout à fait raison: il doit y avoir un équilibre entre sécurité, transparence et les principes fondamentaux sur lesquels sont fondées les sociétés libres. Les difficultés se manifestent quand… J’ai mentionné qu’au Royaume-Uni, par exemple, il y a une surreprésentation des liens avec le Pakistan de presque toutes les façons en ce qui touche leurs menaces de terrorisme d’origine intérieure. Cela est unique.
Il n’en va pas de même dans de nombreux autres pays. J’ai mentionné que la population musulmane la plus importante en Allemagne est d’origine turque. Pourtant, une étude faite par les services de sécurité d’État de Hambourg a indiqué que les origines ethniques de tous les présumés terroristes qu’ils avaient arrêtés, qu’ils surveillaient, qu’ils poursuivaient en justice, etc., étaient très variées, allant des Balkans à l’Afrique subsaharienne, en passant par le Moyen-Orient, l’Indonésie et l’Afrique du Nord. Les origines sont incroyablement variées.
On voit la même chose aux États-Unis où, entre 2001 et 2009, 125 personnes soupçonnées d’activités associées au djihad ont été identifiées dans des cas de terrorisme d’origine intérieure. Dans ce groupe, il y avait 32 Arabes, 24 Afro-Américains, 24 personnes d’origine sud-asiatique, 20 Somaliens et 20 blancs convertis. C’est presque impossible, et à cause de cela le processus doit comprendre un élément de transparence.
Merci beaucoup de cette perspective.
J’aimerais passer, monsieur Amble, à ce que vous percevez être la coopération entre les autorités pour ce qui est de l’évaluation, de l’amélioration ou du rejet des demandes de visa. Le Canada et les États-Unis ont certaines des valeurs et des procédures les plus communes et les plus intégrées qui soient sur le plan de la sécurité nationale. Pourtant, le Canada ne considère pas valides et n’utilise pas dans notre processus les dispositions établies par les États-Unis pour les visas de visiteur, surtout les visas de touriste. Comme vous l’avez mentionné plus tôt, bien souvent, les visiteurs étrangers visiteront plus d’un pays au cours d’un voyage.
La possibilité d’étendre la collaboration entre les autorités existe-t-elle, surtout entre le Canada et les États-Unis, pour ce qui est de l’évaluation et du traitement des demandes de visa canadien?
Je le pense, certainement. Là encore, je qualifie cet énoncé en précisant que je ne suis pas un expert dans le domaine du contrôle frontalier au Canada ni aux États-Unis. Mais compte tenu des liens solides qui existent entre les deux pays, je crois qu’il ne serait que logique d’encourager ce genre de liens qui faciliteraient le mouvement libre des personnes, mais un mouvement libre qui soit compris par les deux gouvernements.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux témoins de leur exposé aujourd’hui.
Avant de poser ma question, je crois qu’il est important que nos témoins sachent que l’objet de notre étude ici en tant que comité est, présentement, la sécurité. Plus précisément, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, notre étude s’intitule « Protéger nos foyers et nos droits: garantir la sécurité du système canadien d'immigration ».
Nous nous efforçons de recueillir autant de renseignements que possible. Nous aimerions avoir votre point de vue sur la sécurité de notre système d’immigration, et peut-être vos suggestions quant à ce que vous pensez que nous devrions faire pour le renforcer et l’améliorer.
J’ai une question pour vous, monsieur Amble. À Global Torchlight, vous fournissez à vos clients une analyse de l’évolution et des tendances des environnements politiques et de sécurité dans le monde qui ont une incidence directe sur leurs affaires et leurs décisions d’investissement à l’étranger. Quelles tendances d’après vous pourraient influer sur la sécurité du Canada et l’intégrité de notre système d’immigration?
J’ai mentionné trois grands principes qui, d’après moi, devraient informer toute politique véritablement efficace et sûre en matière d’immigration. L’un d’eux est le fait que la loi devrait permettre absolument de savoir non seulement qui entre au pays, mais aussi — et cela est crucial — qui se déplace entre le Canada et les régions du monde auxquelles les menaces de terrorisme sont le plus étroitement associées.
Comme je l’ai mentionné, il y a un nombre très élevé et croissant de voyages entre le Royaume-Uni et le Pakistan, ce qui a été associé à certains problèmes de sécurité importants pour le Royaume-Uni. Tant les États-Unis que le Canada devraient au moins être conscients des militants au Canada et aux États-Unis — pas nécessairement les nouveaux immigrants, certains de ces militants sont même des Américains ou des Canadiens de deuxième génération — qui retournent en Somalie munis d’un passeport canadien ou américain, pour acquérir une certaine expérience plausible sur un champ de bataille très réel en Somalie. Le danger est qu’ils pourraient revenir.
En deuxième lieu, les lois d’immigration devraient aussi permettre de savoir non seulement qui entre au pays, mais aussi qui en sort, et quand ils reviendront. Je crois qu’il y a à ce sujet un énorme potentiel d’amélioration, pas seulement pour le Canada, mais aussi pour tous les pays qui sont peut-être la cible de groupes terroristes.
Merci, monsieur Amble.
Encore une fois, ma question s’adresse à vous. Lors de notre dernière séance, un de nos témoins a parlé de l’immigration clandestine organisée au Canada. Il a donné l’exemple d’immigrants clandestins allant d’abord en Amérique latine avec de faux passeports, puis s’infiltrant aux États-Unis et ensuite, parfois, au Canada. Comment pourrait-on empêcher de tels réseaux d’immigration du crime organisé de cibler le Canada?
C’est une excellente question.
Il y a certainement des exemples de gens allant en Amérique latine à partir de divers pays dans le monde. La menace de groupes terroristes exploitant la frontière sud relativement poreuse des États-Unis a soulevé une attention considérable. Mais il est important de se rappeler que, même si cette frontière est poreuse, et même si elle est la source de la majorité de l’immigration clandestine aux États-Unis, elle est beaucoup plus courte que la frontière nord à la surveillance de laquelle un nombre considérablement inférieur de personnes et de ressources est consacré, tant du côté canadien que du côté américain. Cela signifie que s’il est facile pour des personnes d’entrer clandestinement aux États-Unis à travers leur frontière avec le Mexique, il est peut-être encore plus facile pour elles de traverser la frontière canadienne.
Alors je vous pose cette question. Quelles recommandations feriez-vous au gouvernement pour qu’il atteigne un juste équilibre entre la sécurité des Canadiens et les valeurs canadiennes d’une part, et le flot des visiteurs et des réfugiés légitimes entrant au Canada d’autre part? Et plus précisément, avez-vous quelques recommandations visant elles aussi le juste équilibre entre la sécurité des Canadiens et leurs libertés civiles?
Vous avez entendu ce qu’a dit mon collègue au sujet des contrôles biométriques et du partage des renseignements avec d’autres pays. Bien que certains puissent y voir un problème au niveau de la sécurité ou de la protection des renseignements personnels, je ne suis pas de cet avis. Je crois que nous devons protéger nos frontières le plus possible.
Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?
Oui, bien sûr.
En fin de compte, il s’agit de permettre de fournir un moyen accessible de traverser les frontières en respectant la loi. Tant que cela pourra se faire, l’attrait de traverser une frontière illégalement sera grandement réduit. Faire cela en établissant, disons, des lectures biométriques ou d’autres mesures de sécurité, mais d’une manière qui n’est pas trop intrusive, encouragera, comme je l’ai dit, ces modalités de traversée légale des frontières.
À vrai dire, je suis entré au Canada à plusieurs reprises. Ayant grandi dans le Nord du Minnesota, et ayant passé pas mal de temps à Winnipeg, j’ai traversé souvent la frontière. Et sincèrement, je ne vois aucune raison que ces renseignements, c'est-à-dire les contrôles faits quand je traverse la frontière, ne soient pas et ne puissent pas être accessibles tant à mon gouvernement, le gouvernement américain, qu’au vôtre.
J’aimerais adresser ma dernière observation à Mme Rajaratnam.
Madame Rajaratnam, je comprends votre triste situation. Je compatis avec vous et votre famille. Et je ne voudrais pas que vous considériez mes questions comme étant un manque de respect à votre endroit à quelque égard que ce soit. Je comprends vraiment votre situation.
Nous étudions la sécurité. Et je suis convaincu, après avoir entendu votre exposé et vos commentaires, que le fait que votre sœur ait été empêchée d’entrer au Canada n’est pas une question de sécurité. Je tenais simplement à ce que vous le sachiez.
J’ai terminé.
Monsieur le président, je trouve qu’essayer de discréditer un témoin qui parlait du fait que l’expérience de sa sœur… Il s’agit d’une citoyenne canadienne et des diverses choses qu’elle a vécues en essayant de faire entrer trois de ses frères et sœurs dans ce pays. Ne pas obtenir une raison valable est un exemple de faille dans les mesures de sécurité de notre système. Voilà le message que le témoin essaie de souligner.
Je trouve particulièrement blessant que mon collègue essaie de discréditer ce témoin et son expérience, en tant que citoyenne canadienne, des mesures de sécurité qui ont été prises dans le contexte de sa demande.
Monsieur le président, je tiens à ce qu’il soit particulièrement clair que je ne voulais aucunement discréditer… En fait, j’ai fait le contraire avec ce témoin. Je n’ai aucune intention de discréditer quelqu’un, de quelque façon que ce soit. C’est tout ce que j’ai à dire.
Merci, monsieur le président.
En ce qui concerne mes questions aux témoins, j’avais établi un lien direct ou un contexte, quant à un des aspects de sécurité que le comité examine effectivement. Sans vouloir être pointilleux, j’estime que la marginalisation résultant d’un processus arbitraire, perçu ou réel, peut effectivement engendrer un problème ou un risque de sécurité pour le pays. Et cela s’inscrit donc dans le cadre de notre mandat.
Par conséquent, suite à l’intervention de M. Weston, à son objection, en nous demandant si ces sujets se rapportent ou non à l’aspect sécurité, je crois que nous avons établi que les deux témoins apportent au comité une perspective précieuse quant à la détermination de ce qui constitue une menace à la sécurité, et de l’aptitude du Canada à améliorer sa performance à cet égard.
Sans vouloir froisser personne, je propose, dans notre intérêt à tous, que nous tenions à un moment approprié un débat à huis clos au sujet du mandat et de la façon dont nous pouvons nous assurer qu’aucun témoin ne se sente discrédité et que tous les témoins soient importants pour la démarche.
Je croyais que nous avions réglé cette question.
M. Weston a invoqué le Règlement, et je déclare son rappel au Règlement irrecevable.
Monsieur Menegakis, vous passez très proche de discréditer le témoin. Vous avez 25 secondes pour faire une déclaration ou poser une question.
Je n’ai aucune intention de discréditer un témoin ici. J’expliquais simplement au témoin le mandat, tel que je le comprends et que je l’interprète.
C’est tout ce que j’ai à dire. Merci.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Madame Rajaratnam, merci de votre témoignage, que je trouve d'ailleurs très à propos. En effet, vous soulevez une question qui est importante dans tous les cas: comment faire pour être en mesure de distinguer les personnes susceptibles de porter atteinte à notre sécurité de celles qui ne le sont pas?
Nous nous accorderons tous pour dire qu'il est important de garantir la sécurité du système. Toutefois, nous avons besoin d'un système juste et transparent. Lorsqu'une demande de visa temporaire est soumise, il est important d'avoir des réponses claires si elle est refusée.
Si vous permettez, je vais rapidement citer l'exemple d'une famille qui vit dans mon comté. Deux parents résidents permanents — le père plus précisément — ont fait la demande d'un visa de résident temporaire pour leur fille âgée de deux ans afin qu'elle puisse les rejoindre, puisqu'elle est née hors du Canada. Ils ont soumis deux demandes, et ces deux demandes ont été refusées de la même façon. C'est-à-dire qu'on leur a répondu que la personne en question ne pourrait pas retourner dans son pays si elle entrait au Canada, et pour cause: c'est une enfant. On voit là l'incohérence et le manque de transparence lorsque sont prises des décisions.
Ce matin, Don Davies a proposé qu'une mesure d'appel soit mise en place afin de permettre aux gens qui font une demande de visa de faire appel et d'obtenir une révision de leur demande. Je voudrais savoir quelles sont les améliorations que vous considérez nécessaires relativement à la délivrance des visas. Merci.
[Traduction]
Je suis fortement convaincue que tout le contexte concernant le parrain, ses antécédents, sa crédibilité et tout cela doit être vérifié. C’est très important.
Il y a 26 ans, quand j’ai parrainé ma famille, les visas de visiteur qui ont été délivrés — ils ont envoyé les lettres… En ai-je jamais enfreint les conditions? Là, j’ai soumis tous les documents d’appui pertinents, et je les considère très importants. À un certain moment, je me suis demandé « Qu’ai-je fait de mal? » Je suis une employée très appréciée de la Banque Royale depuis 25 ans. J’ai été une bonne citoyenne de ce pays. C’est mon patrimoine, maintenant. J’ai les valeurs de là d’où je viens, de mes racines.
Dans un certain sens, à ce stade, j’ai le sentiment qu’on m’a laissée tomber. J’ai demandé que ma sœur puisse venir pour trois semaines, et on ne m’a pas donné la raison du refus. Si deux membres d’une famille se sont vu accorder le droit d’entrer au Canada, pourquoi pas le troisième? Pour que je puisse clore l’incident en moi, que je cesse de chercher et que ne passe pas de nouveau par cette épreuve, il est important pour moi de savoir quelle est la raison, quel a été votre raisonnement et pour quels motifs la demande a été rejetée. C’est important.
Je sais qu’initialement, lorsque j’ai parrainé la demande de visa de résident permanent il y a 25 ans, il m’a été dit que ce qui se passait n’avait aucune incidence politique sur ma sœur. Pour une raison ou pour une autre, on a laissé entrer mes frères au pays, et on a laissé entrer ma mère. Je ne sais pas quels sont les motifs, ni où ils sont indiqués. C’est plutôt aberrant.
Quelles procédures suivez-vous? Quelles sont les règles applicables à l’immigration? Voilà pourquoi je suis passée par un avocat, en me disant « Si je couvre tous les angles pour faire venir ma sœur, il ne devrait y avoir aucune raison que l’entrée lui soit refusée. » J’ai tout couvert. Les choses n’ont pas fonctionné comme je le souhaitais. Il s’agissait d’une seule visite. Je n’essayais pas de la faire venir en permanence. Je n’essayais pas de la faire bénéficier d’avantages sociaux. J’ai déclaré que j’assumerais tous ses frais pendant son séjour.
Je cherche simplement à savoir quelles règles je dois suivre la prochaine fois que je parrainerai une demande de visa de visiteur.
Merci.
[Français]
Je remercie nos invités d'aujourd'hui.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Monsieur Amble, vos propos ont touché le nerf sensible qu’est notre politique d’immigration et, dans une certaine mesure, touché tout ce que le Canada a de merveilleux, tout ce que nous voulons préserver.
Nous siégeons à un comité dans le cadre duquel nous sommes fiers du Canada qui ne fait aucune distinction de couleur et de religion dans ses lois et ses politiques d’immigration. Une des choses dont nous pouvons être le plus fiers est le fait que si vous demandez à un écolier de 10 ans s’il aime les personnes d’une catégorie ou d’une autre, il ne saura vous le dire. Je crois que plus les personnes sont jeunes à l’arrivée dans notre pays, plus le niveau de cette merveilleuse tolérance est élevé.
De par vos études, vous vous exposez à ce que d’aucuns pourraient qualifier de profilage racial. Je vous demande donc, compte tenu de votre profession, comment arrivez-vous à faire objectivement ce que vous faites, et à éviter d’être accusé de profilage racial dans certaines de vos études?
Merci.
Le profilage racial est manifestement un sujet très délicat dans plusieurs domaines et pour plusieurs raisons, et, dans une certaine mesure, c’est un problème. Une politique qui embrasse le profilage racial de trop près, ou qui suit de trop près une démarche stricte de profilage racial, présente le risque de vous empêcher de voir les dangers qui ne correspondent pas à son modèle.
Ceci étant dit, je crois qu’il serait imprudent d’ignorer des tendances particulières, de ne pas tirer des leçons de ce que d’autres ont vécu et de ne pas, au moins, être conscient de l’existence de certaines de ces tendances pour ce qui est de prédire d’où des menaces sont le plus susceptibles de provenir.
Vous avez parlé de trois thèmes principaux, dont un est savoir qui voyage, et un autre savoir qui sort et quand ils vont revenir. J’oublie quel est le troisième.
Une fois de plus, je ne suis pas expert en droit d’immigration ni en techniques de contrôle frontalier, mais je crois que cela devrait, en principe, produire une politique d’immigration efficace et sûre.
Le troisième thème porte sur l’édiction de politiques d’immigration et de contrôle frontalier qui forment une relation de soutien mutuel avec les autorités policières de tous les niveaux de gouvernement dans le but de produire un degré maximal de sécurité contre la menace terroriste.
Dans notre cas, nous avons l’Agence des services frontaliers du Canada, qui est chargée du renvoi des personnes. À l’occasion, elle a de la difficulté à le faire. Les problèmes viennent, entre autres, des délais en raison d’appels, de l’obtention de la coopération des pays d’origine pour les titres de voyage, et de la prise de dispositions auprès des lignes aériennes pour le renvoi des personnes en toute sécurité.
Avez-vous des suggestions concernant les moyens par lesquels ces difficultés pourraient être surmontées?
En effet, ce sont là des difficultés considérables. Comme je l’ai mentionné, il a fallu attendre le complot de 2003 après lequel un certain nombre d’individus… L’instigateur reconnu coupable était un Algérien qui vivait dans le pays illégalement. Il avait fait une demande d’asile qui avait été rejetée, puis on avait perdu toute trace de lui.
Une enquête subséquente motivée par ce cas a révélé que sur 10 Algériens, spécifiquement, dont la demande d’asile avait été rejetée, 9 étaient demeurés au pays, et ne l’avaient jamais quitté. Le danger réside, je trouve, dans le fait que cela n’a pas été reconnu avant qu’on mette au jour ce complot, qu’il fasse l’objet d’une enquête et que les acteurs en soient poursuivis en justice. Je ne crois pas qu’on puisse se permettre d’attendre ainsi.
Au niveau de la mécanique du processus, je comprends que les obstacles structurels à l’expulsion effective des gens qui doivent l’être sont graves. En revanche, ces individus doivent pouvoir bénéficier d’un certain niveau d’obligation de rendre compte tout au long du processus.
Cela est très utile.
Un de nos témoins a dit que le préfiltrage était un élément clé. Je sais que vos études étaient axées sur les États-Unis, mais avez-vous une opinion du préfiltrage fait par le Canada? Dans la négative, dans quelle mesure les États-Unis réussissent-ils à parer aux risques pour la sécurité au moyen de leurs procédés de préfiltrage?
Je parle de tout ce qu’on peut faire pour empêcher les indésirables de monter à bord d’un navire ou d’un avion à destination de notre pays.
Je pense que le processus doit être systématique. Certes, il y aura des exceptions. Il arrivera qu’on refuse des personnes simplement en raison de leur apparence, par exemple. Voilà pourquoi le processus d’appel est important. Il doit malheureusement y avoir un équilibre entre ne pas laisser entrer tous ceux qu’il faudrait laisser entrer, et empêcher d’entrer tous ceux qui causeraient véritablement du mal au Canada.
Merci.
Madame Rajaratnam et monsieur Amble, merci beaucoup de nous avoir consacré votre temps aujourd’hui. Je tiens particulièrement à remercier M. Amble d’être resté si tard.
Nous suspendons nos travaux.
Mesdames et messieurs, nous reprenons.
Nous avons deux témoins. De Toronto, par vidéoconférence, Andrew Brouwer, un avocat. M. Brouwer a déjà témoigné devant ce comité au sujet de l’ancien projet de loi C-11 à l’origine de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, ainsi qu’au sujet de la Loi sur les Cours fédérales. Ça fait un bon bout de temps, monsieur. Merci de votre présence.
Nous avons aussi M. James Bissett, qui possède une vaste expérience à l’échelle internationale, notamment le poste d’ambassadeur en Yougoslavie, en Bulgarie et en Albanie, et les fonctions de chef de mission diplomatique à Moscou pour l’Organisation internationale pour les migrations. Il a également été membre du comité consultatif du renseignement du premier ministre.
Vous ai-je bien décrit, monsieur Bisset?
Je vous remercie, monsieur le président, de l’occasion de m’adresser au comité quant à ce sujet important.
Je suis avocat au centre juridique pour les réfugiés, qui est un bureau d’Aide juridique Ontario à Toronto. Avant de me joindre à Aide juridique, j’ai exercé dans le cabinet privé Jackman and Associates pendant environ sept ans. Et avant cela, j’ai été actif dans le domaine de la recherche et de la promotion des droits en politique publique auprès des organismes Maytree Foundation et Citizens for Public Justice. C’est un plaisir que de revenir témoigner devant ce comité.
J’aimerais parler de quelques-unes des questions liées au sujet que nous examinons. Votre étude a une très grande portée, et j’aimerais limiter mes observations à la sécurité et à l’admissibilité, au programme de filtrage préalable des passagers, ainsi qu’à l’interception, à la détention et à la prise des décisions à l’étranger. Je serai bref; je sais que j’ai dix minutes.
En tant que citoyen canadien ayant sa famille et ses êtres chers ici, je suis tout autant voué à la sécurité et à la sûreté de ce pays que les membres du comité. Mais à titre de représentant d’un bon nombre de personnes qui ont fait l’objet d’une interdiction de territoire, pour des motifs de sécurité soupçonnés ou réels, je crois avoir une certaine perspective que peu de décideurs possèdent.
Une des constatations auxquelles je suis arrivé est le fait que les dispositions de sécurité de la loi actuelle — plus précisément les articles 34 et 35 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés — sont bien trop vagues et sont appliquées d’une manière arbitraire, qui détruit la vie d’innocents immigrants et réfugiés et leurs enfants sans pour autant avantager le Canada ou améliorer notre sécurité nationale.
J’aimerais vous citer l’exemple de deux clients.
John — et ce n’est pas son vrai nom — a grandi au Soudan du Sud au cours des années 1960 et 1970. En tant qu’Africain chrétien, il a été victime de répression brutale et de violence sexuelle, physique et psychologique aux mains des soldats du détachement de l’armée soudanaise qui étaient des Arabes musulmans du Nord.
En 1984, alors qu’il avait 21 ans, John a été intrigué par un mouvement novice appelé l'Armée de libération du Soudan — l’ALS — dont l’objectif était de revendiquer l’autonomie du Soudan du Sud. Après sa première année d’université, de retour chez lui près de Juba, John a passé les vacances d’été à aider ses frères aînés à distribuer des dépliants sur ce nouveau mouvement et à guider les nouvelles recrues de l’ALS entre le centre-ville de Juba et le bord de la rivière sur la ferme de sa famille où des embarcations venaient les chercher pour les amener aux camps d’entraînement de l’ALS, le groupe nouvellement formé.
John lui-même n’a pas été au camp, ni suivi un entraînement militaire quelconque. Après cet été-là, il est retourné à l’université; ensuite, il est allé aux États-Unis puis au Canada, où il a fait une demande d’asile. Il y a maintenant 25 ans qu’il est au Canada, et il n’a toujours pas le statut de résident permanent à cause de cette brève participation à l’ALS pendant l’été de 1984. Il n’a jamais été allégué qu’il ait porté les armes ou suivi un entraînement de soldat, ni participé à un acte de violence quelconque.
L’ALS elle-même n’a jamais été soupçonnée d’actes de violation des droits de la personne avant que ne se soient écoulées de nombreuses années après que John ait quitté le pays, soit venu au Canada et ait rompu toute relation avec le groupe. Pourtant, en vertu de l’interprétation de l’alinéa 34(1)f) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, il est un terroriste, un membre d’une organisation terroriste.
Puis, il y a Salaam, une Érythréenne. Elle et son époux étaient fermiers en Érythrée au cours des 30 années sanglantes de guerre d'indépendance de l'Érythrée par rapport à l'Éthiopie — la période de la terreur rouge. Sa ferme, tout comme tant d’autres de la région, était régulièrement bombardée par les forces aériennes éthiopiennes, ses champs détruits et re-détruits, et ses voisins et ses boeufs tués.
Quand les combattants du Front de libération d’Érythrée, le FLE, sont arrivés dans son village et ont demandé des aliments de sa ferme, elle leur en a donné. Elle l’a fait volontairement, bien que, bien sûr, ils l’auraient tuée si elle avait refusé. Elle a fini par être appelée « Maman FLE » dans le village.
Finalement, elle est venue au Canada en tant que réfugiée. Aujourd’hui, à 65 ans, CIC la considère une terroriste, et elle est interdite de territoire. Soyons clairs, il n’a jamais été allégué que Salaam ait participé à des actes de terrorisme, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou n’importe quel acte de violence. Elle n’avait aucune position officielle au sein du FLE, et n’a participé à aucune de ses activités.
Qui plus est, il n’y a aucune preuve solide que le FLE ait jamais eu des activités de terrorisme, ni commis des crimes internationaux au cours de la guerre d’indépendance. Le FLE n’est pas une entité désignée au titre de la Loi antiterroriste ni du Code criminel.
Le problème est le manque de définition de l’affiliation. Il n’y a aucune précision de temporalité. Aucune évaluation du danger n’est faite; il n’y a aucune transparence ni obligation de rendre compte lorsqu’on détermine si les groupes sont terroristes au titre de la loi. Le résultat est tout à fait arbitraire et irrationnel.
Je crois qu’il y a un problème technique.
Oui, je vais le faire.
Je vous entends maintenant, mais mon téléphone sonne; c’est votre technicien. Est-ce que je lui réponds ou non?
Il vaudrait mieux arrêter la minuterie. Il parle au téléphone.
C’est peut-être quelqu’un de son bureau qui l’appelle.
Ah, faire un zoom arrière, d’accord.
On me dit que je suis trop proche de la caméra. Je fais un zoom arrière.
Je m’excuse. Je vais continuer.
L’absence de temporalité, l’absence d’une évaluation du danger, le manque de transparence ou de responsabilité lorsqu’on détermine si les groupes sont des terroristes au titre de la loi, tout ceci mène au résultat que des gens sont désignés terroristes de façon tout à fait arbitraire et irrationnelle.
Il y a, bien sûr, la disposition d’exception ministérielle — le paragraphe 34(2) —, conçue spécifiquement en vue de la correction des erreurs découlant de cette imprécision du paragraphe 34(1). Cependant, en pratique, cette disposition a été neutralisée au cours des sept ou huit dernières années. À mon sens, aux mains du ministre actuel, elle est devenue un remède complètement illusoire.
À l’encontre des groupes officiellement désignés au titre de l’article 83.05 du Code criminel, pour lesquels il y a une procédure précise et dont les noms sont publiés dans la Gazette, la liste qui est utilisée par les autorités de CIC pour les réfugiés et les immigrants est dressée à huis clos, sans apport du public et sans transparence. À mon avis, c’est un grave problème qui nuit énormément à la sécurité des réfugiés, sans avoir un impact positif perceptible sur la sécurité du Canada.
J’aimerais maintenant parler du programme d’information préalable sur les voyageurs et de l’interception, deux sujets couverts par des témoins antérieurs. L’attrait de ce genre de technologie est évident. Qui n’appuierait pas le contrôle des gens servant à établir qu’ils ne sont pas terroristes ou criminels avant qu’ils n’arrivent au Canada?
Le problème, cependant, c’est que ce ne sont pas les terroristes qui sont interceptés à l’étranger. Ce sont les demandeurs d’asile. Les mesures d’interception ciblant les voyageurs non munis des documents voulus qui veulent aller au Canada n’ont rien à voir avec la sécurité nationale. Elles ont tout simplement pour but d’empêcher les demandeurs d’asile de se rendre au Canada.
Vos témoins de CIC et de l’AFSC lors des séances du 14 et du 16 février ont répondu aux questions de M. Davies, et ont indiqué très clairement que le programme d’interception a expressément pour but d’empêcher l’arrivée de réfugiés demandant l’asile, ou d’en réduire le nombre.
En examinant cet aspect, cependant, nous devons nous rappeler un point important. Dans le cas de 48 p. 100 environ des demandeurs d’asile au Canada, la CISR détermine qu’il y a effectivement un risque de persécution, ou de graves risques de torture.
Qu’advient-il alors des 4 000 personnes non munies des documents voulus interceptées chaque année? Même si la moitié seulement de ces personnes interceptées voulaient quand même demander l’asile, en appliquant le taux d’acceptation de 48 p. 100, nous avons quand même comme conséquence directe de nos activités d’interception presque 1 000 réfugiés légitimes qui se voient interdits de territoire au Canada.
Qu’arrive-t-il à ces personnes lorsqu’elles sont refusées?
Monsieur, il vous reste à peu près une minute, et vous avez encore beaucoup à couvrir. Vous devriez peut-être commencer à conclure.
Je vais le faire. Je pensais que le problème entourant l’appel téléphonique me donnerait un peu plus de temps. Non?
Bien essayé, mais nous avons arrêté la minuterie.
Veuillez poursuivre, monsieur; vous avez une minute.
Il y a deux autres points dont je voulais parler brièvement, très brièvement. Un est associé à la détention des enfants. Vous avez mes notes devant vous, je crois.
Je veux simplement souligner qu’en ce qui concerne la détention des enfants, les statistiques que l’AFSC vous a fournies doivent être mises en doute, parce que bon nombre des enfants qui se trouvent dans les centres de détention ne sont pas inclus dans les statistiques. Je serais heureux de vous expliquer pourquoi s’il y a une question là-dessus.
Étant donné le manque de temps, ma seule autre remarque est en réponse à une observation faite par Claudette Deschênes de CIC, voulant que les décisions des agents des visas sont rarement infirmées par la cour. J’ai défendu plusieurs de ces cas jusqu’à présent. La plupart du temps, ces causes se règlent avant d’atteindre la Cour fédérale. Donc les statistiques sur les refus par la Cour fédérale sont faussées. La encore, je serais heureux d’en parler si une question m’est posée à ce sujet.
Merci.
Merci, monsieur Brouwer.
Nous avons effectivement la version écrite de vos observations, et celles-ci seront traduites. Une fois cela fait, les membres du comité seront en possession de la totalité de votre présentation.
Merci, monsieur le président, et merci au comité de m’avoir invité à venir vous parler.
Je ne suis pas membre de l’Institut Fraser, mais, ce qui est encore plus pertinent, j’ai été à la tête du service canadien d’immigration de 1985 à 1990. Je parlerai donc de…
Oui, vous aviez raison dans l’un des cas.
Je vais parler aujourd’hui d’un sujet controversé. Je me concentrerai sur le sujet de la sécurité dans le contexte de l’immigration musulmane. À mon avis, c’est un sujet important, un sujet dont peu de personnes veulent parler; mais je crois bien que, compte tenu de mon âge, on me pardonnera de dire ce que d’autres pourraient avoir peur de dire. C’est un sujet important que le comité devrait certainement examiner attentivement, je crois.
Mais avant de poursuivre, je voudrais préciser que je suis tout à fait disposé à répondre par la suite à toute question que vous auriez sur n’importe lequel des sujets liés à l’immigration.
À mon avis, le problème fondamental du contrôle de sécurité — indépendamment de l’immigration musulmane — réside dans le fait qu’il est presque impossible pour les agents des visas à l’étranger et les agents de sécurité du SCRS de faire un travail adéquat à cause du nombre d’immigrants venant au Canada, du grand nombre, plus récemment, de travailleurs temporaires et d’étudiants étrangers, et du nombre de demandeurs d’asile. La tâche leur est tout simplement impossible. Ils consacrent tout leur temps à délivrer des visas, au point que, vous n’êtes pas sans l’ignorer, très peu de nos immigrants aujourd’hui sont rencontrés en entrevue ou simplement rencontrés par un agent des visas, et encore moins par un agent de sécurité.
C’est là le problème fondamental. À l’étranger, le contrôle de sécurité des personnes qui viennent au Canada est quasi inexistant. C’est là que réside la menace la plus grave, au sens le plus large. Par exemple, il y a de 25 000 à 35 000 demandeurs d’asile provenant de tous les pays du monde. Aucun d’entre eux n’est contrôlé sur les plans criminalité, sécurité ou santé avant qu’il n’arrive.
Très peu d’immigrants sont même évalués, et aucun des travailleurs temporaires ne subit un contrôle de sécurité ou de criminalité. Ils entrent simplement dans le pays. Pas de pistage, nous ne les suivons pas. Honnêtement, c’est un peu la pagaille.
Mais permettez-moi de revenir au sujet que je considère être le risque le plus grave pour la sécurité du Canada, soit l’immigration musulmane.
De 1990 à 2009, nous avons admis plus de 530 000 immigrants musulmans venant directement de pays musulmans, sans compter les milliers venus de l’Angleterre, de la France et des États-Unis. Et nous savons qu'un grand nombre d’entre eux provient de pays qui produisent des terroristes — le Pakistan, l’Algérie, l’Arabie saoudite, le Maroc, l’Iran. J’ai quelques chiffres ici.
Par exemple, entre 2000 et 2009, nous avons eu 40 586 immigrants de l’Iran, 118 000 et plus du Pakistan, quelque 40 000 du Maroc, et quelque 30 000 de l’Algérie. Très peu d’entre eux ont subi un contrôle de sécurité, parce que les ressources requises n’existent tout simplement pas. Il me semble qu’un collègue vous a déjà dit qu’un demandeur sur dix provenant du Pakistan passera, peut-être, un contrôle de sécurité.
Par ailleurs, les contrôles faits dans la plupart de ces pays sont complètement sans valeur, parce que les renseignements sont obtenus des autorités locales. Dans plusieurs de ces pays, on peut obtenir une attestation d’absence de casier judiciaire ou une attestation de sécurité en contrepartie d’un gros pot-de-vin. Je suis personnellement au courant de plusieurs de ces cas.
Dans un certain sens, le seul effet efficace du contrôle de sécurité aujourd’hui réside dans le fait que les immigrants eux-mêmes ne savent pas qu’ils ne sont pas contrôlés, ce qui a en quelque sorte un effet de dissuasion. C’est à peu près toute l’étendue de son efficacité. Il serait ridicule de suggérer que les musulmans qui viennent ici, voire la grande majorité d’entre eux, posent un quelconque risque pour la sécurité. Nous savons que ce n’est pas le cas.
En revanche, il serait ridicule et naïf de penser que plusieurs de ceux qui viennent ne sont pas des terroristes éventuels, ou ne sont pas, à tout le moins, assez susceptibles et naïfs pour adhérer aux types extrêmes d’islamisme qui leur sont enseignés dans certaines mosquées au Canada.
Nous avons eu l’expérience de l’Europe. Il n’y a pas de pays européen ayant connu une immigration à assez grande échelle de pays musulmans qui n’a pas de graves problèmes de sécurité et d’intégration.
Sur le plan sécurité, il y a eu les explosions à Londres, les explosions à Madrid, l’assassinat de van Gogh aux Pays-Bas, l’outrage soulevé par la bande dessinée danoise… Tous ces pays européens ont subi des actes de terrorisme.
L’intégration est un problème grave en France, en Allemagne et à Londres. Il y a plusieurs endroits en Angleterre où les immigrants musulmans pratiquent la loi musulmane et ont constitué des enclaves musulmanes dont l’intégration est très peu probable. C’est aussi le cas au Danemark et en Suède. Et c’est un grave problème aux Pays-Bas et en Allemagne. Ces pays ont déjà commencé à prendre des mesures pour essayer d’intégrer ces populations.
Le Canada n’est pas à l’abri. Il y a eu les 18 de Toronto qui avaient comploté de décapiter le premier ministre et de faire sauter la tour du CN. Il y a eu Momin Khawaja qui a participé au complot d’attentat à la bombe à Londres et qui purge une peine d’emprisonnement à vie. Il y a eu Ahmed Ressam, le demandeur d’asile algérien qui a essayé de faire exploser l’aéroport de Los Angeles. Il était venu à Montréal en tant que demandeur d’asile. Il ne s’est même pas donné la peine de se présenter à la CISR. Il allait régulièrement en Afghanistan.
Nous avons donc eu ce genre de problèmes ici et, selon moi, nous les gérons assez efficacement. Mais le vrai problème, c’est que nous ne contrôlons pas les gens avant qu’ils n’entrent au pays. Je crois que la décision du gouvernement de forcer les personnes demandant la citoyenneté à lire la nouvelle brochure qui décrit certaines des obligations et responsabilités du citoyen est un pas dans la bonne direction. Mais c’est une chose que nous devrions faire avant qu’ils n’arrivent au Canada, et pas après leur arrivée.
Les personnes venant de ces pays particulièrement musulmans — bien que moi je l’appliquerais à tous les pays — devraient être interrogées en entrevue, personnellement, par un agent des visas, comme c’était le cas auparavant. Quand l’agent des visas trouvait quelque chose de suspect, il soumettait le dossier à l’agent de sécurité du bureau qui procédait à un examen beaucoup plus profond. Mais cela ne se fait plus maintenant. Nous ne rencontrons même pas les gens.
Si vous êtes au Bangladesh et que vous voulez venir au Canada, vous remplissez les formulaires, vous y joignez vos diplômes, vos certificats d’école de métier et vos qualifications, puis tout cela est envoyé à Londres. Un agent subalterne passe ces documents en revue et, si tout est en ordre, il tamponne le visa et le renvoie par la poste à Dhaka où vous allez le prendre, puis vous envoler vers Montréal ou Toronto. Vous ne rencontrez personne. À mon avis, c’est un scandale.
C’est mon principal argument. Nous sommes chanceux: les collectivités musulmanes au Canada sont un groupe très varié. Elles représentent à peu près toutes les formes et toutes les nuances de l’Islam. Elles ont tendance à être mieux instruites que les musulmans qui ont émigré en Europe, et elles ont de meilleures chances d’emploi que les musulmans européens. Mais nous devons rester prudents.
En 2006, un sondage Environics a démontré que 12 p. 100 de tous les musulmans interrogés au Canada appuyaient fermement les 18 de Toronto, et estimaient qu’ils avaient bien agi. Sur les quelque 700 000 musulmans que comptait le Canada à cette époque, un pourcentage de 12 p. 100 signifie que plus de 80 000 musulmans au Canada approuvaient entièrement le complot des 18 de Toronto. Je crois qu’il y a là motif à s’inquiéter. Les médias ont mis en sourdine les 12 p. 100, et certains des organismes musulmans au Canada les ont carrément écartés. Mais c’est grave. À mon avis, le comité devrait en tenir compte.
Je crois que tous les immigrants, mais pas forcément les personnes âgées ni les jeunes enfants, mais tous les immigrants musulmans mâles et leurs conjointes qui viennent de pays que l’on sait produire des terroristes, devraient être interrogés en entrevue et rencontrés. Cela devrait valoir pour les autres pays aussi.
L’enjeu le plus crucial ici est que nous ne devrions pas prétendre être en guerre contre le terrorisme. Ce n’est pas une guerre contre le terrorisme. C’est une guerre principalement contre le terrorisme musulman, et le gouvernement devrait intensifier ses efforts pour intégrer les musulmans qui sont ici, surtout les jeunes.
Mes propres amis musulmans sont très inquiets du nombre de jeunes musulmans au Canada qui sont influencés par des extrémistes musulmans dans certaines des mosquées du pays. Il y a de jeunes somalo-Canadiens qui vont appuyer al-Shabab en Somalie. Il y a de jeunes garçons à Toronto qui sont disposés à comploter contre cette ville. Le comité devrait faire quelque chose à ce sujet, s’il le peut.
Merci.
Merci, monsieur Bissett.
Nous apprécions toujours vos exposés. C’est toujours impressionnant de vous voir parler sans notes.
Monsieur Merrifield, une nouvelle voix. Vous avez sept minutes, monsieur.
Merci beaucoup.
J’apprécie vos observations au comité au sujet de l’immigration musulmane, et votre inquiétude à cet égard. Il y a vraiment une bataille à l’intérieur du monde musulman, entre les extrémistes et les modérés. Il s’agit de discerner qui est modéré et qui est extrémiste, et la menace que cela crée pour la population du Canada.
Je ne suis pas contre, mais vous avez dit des choses intéressantes sur le nombre d’immigrants qui entrent au pays, sur le programme des travailleurs étrangers et autres gens qui entrent au pays, et sur le fait qu’ils ne sont pas contrôlés assez minutieusement ou ne passent pas une entrevue en personne et, donc, que cela devrait nous inquiéter un peu.
Vous avez aussi écrit un article dans lequel vous demandez si le Canada constitue une menace à la sécurité des États-Unis. Vous avez écrit que les États-Unis devaient resserrer le 49e parallèle parce qu’ils croyaient que nous ne pouvons pas empêcher les terroristes d’entrer au Canada, et que nous leur fournissions l’occasion de passer le 49e en douce. Je crois que c’est vrai.
Après le 11 septembre, M. Chertoff a initialement dirigé le département de la Sécurité intérieure des États-Unis. J’ai participé à des réunions auxquelles il a presque dit qu’un terroriste se cachait derrière chaque arbre au Canada. C’est une observation quelque peu extrême, mais il n’en a pas moins affirmé que des centaines de terroristes passaient la frontière. Je lui ai demandé des explications. Je lui ai demandé où étaient ces terroristes, car il ne les avait pas attrapés à la frontière. Il avait dit qu’il y en avait des centaines, et qu’il savait où ils étaient; mais où étaient-ils? Il a donc dû se récuser.
Ma question se résume à l’enjeu de la sécurité canadienne, ainsi qu’à la façon dont vous la comparez à celle des États-Unis. Chaque fois qu’il y a une autre menace, que ce soit la chaussure piégée, la couche piégée, la cartouche piégée, on ajoute d’autres mesures de sécurité aux États-Unis, au Canada et à l’échelle internationale.
Tous ces actes visaient les États-Unis et non pas le Canada. Les deux derniers, s’ils avaient réussi, auraient atterri au Canada. Mais cela se rapporte à ce qui a été dit plus tôt au sujet de la liste de contrôle préalable et de la nécessité de savoir qui monte à bord d’un avion à destination du Canada avant qu’il n’atterrisse ici et qu’il essaie d’entrer au pays, ou aux États-Unis.
Mais précisément, selon vous, qu’est-ce que les États-Unis ont de mieux que le Canada en matière de sécurité pour ce qui est de ces personnes qui entrent dans leur pays?
Tout d’abord, le Canada a fait beaucoup de choses sur le plan de la sécurité depuis le 11 septembre. J’ai une longue liste des choses que nous avons accomplies. Nous avons réagi vite, et très bien. Trois mois après le 11 septembre, le Parlement a adopté une loi antiterroriste omnibus. Ce n’est pas tout le monde qui était d’accord, mais nous avons démontré que nous agissions. Nous avons fait bien d’autres choses, mais dans le fond, le Congrès des États-Unis estime que nous n’en avons pas fait assez. Ils nous considèrent le maillon le plus faible de la sécurité de l’Amérique du Nord, et ce, principalement, à cause de nos politiques en matière de réfugiés et d’immigration. Hillary Clinton a déclaré à plus d’une reprise que les 19 terroristes qui ont détruit le World Trade Center venaient du Canada. Et le jour même de l’attentat contre le World Trade Center, CBS a annoncé qu’ils étaient entrés au Vermont à partir du Québec.
Ils se trompaient; et depuis, tout le monde essaie de le leur faire voir, mais ils continuent à le dire, jusqu’à récemment encore. Donc, ils ont commencé ainsi, et ils maintiennent ce point de vue.
Ils ont créé le département de la Sécurité intérieure, un monstre ayant un budget de 70 ou 80 milliards de dollars. Ils ont renforcé la frontière. Ce n’est plus la frontière non défendue. Elle est essentiellement militarisée, principalement en raison de…
Oui. Mais avant que mon temps ne s’écoule, je veux dire que j’ai été à Washington, où j’ai travaillé très étroitement avec le Congrès et le Sénat américains au sujet de ces questions. Vous avez tout à fait raison à propos de leur perception. Ils se trompent sur toute la ligne.
Ma question était plutôt d’ordre technique, parce que j’estime qu’ils se trompent aussi en pensant que notre système d’immigration est plus vulnérable, ou plus faible que le leur sur la question des étrangers entrant dans leur pays.
Non, nous ne le sommes pas. En fait, notre système d’immigration est bien plus fort que le leur sur bien des points. Mais nous sommes plus vulnérables du côté des demandes d’asile. Comme je l’ai mentionné, nous avons laissé entrer 37 000 demandeurs d’asile en 2008. Ils entrent dans le pays comme dans un moulin, sans aucun contrôle. Ils vivent dans le pays deux ou trois ans avant même d’arriver devant la CISR, et quand elle les déboute, très peu d’entre eux sont effectivement renvoyés chez eux.
Absolument.
Les États-Unis sont plus forts que nous sur certains aspects techniques aussi. Ils ont une petite longueur d’avance sur nous en microbiométrie. Ils contrôlent leurs immigrants — pas les clandestins qui entrent par la frontière sud, mais ceux qui demandent l’asile à partir de l’étranger. Leur contrôle de sécurité est meilleur.
Nos propres forces de sécurité s’appuient fortement sur les renseignements de sécurité américains. Quand nous faisons un contrôle, nous essayons d’obtenir des États-Unis des renseignements sur le pays concerné. Ils en savent beaucoup plus que nous sur ce qui se passe là-bas, parce que, comme vous le savez, nos agents du SCRS ne sont pas autorisés à mener des opérations à l’étranger.
Le programme des travailleurs étrangers ne va pas disparaître. Notre plus gros problème, surtout dans l’Ouest, est le manque de main-d’oeuvre. Nous avons donc besoin de travailleurs étrangers.
Compte tenu de ce que vous venez de dire, devrions-nous aller chercher des travailleurs étrangers aux États-Unis plutôt que dans les autres pays du monde?
Le programme des travailleurs étrangers me préoccupe, car nous faisons entrer au Canada presque autant de travailleurs temporaires étrangers que d’immigrants. Ils ne sont tenus de répondre à aucune exigence sur le plan de la langue, de l’éducation ou des qualifications. Certains d’entre eux sont hautement qualifiés et instruits, mais la plupart ne le sont pas. C’est une main-d’oeuvre peu qualifiée, plutôt bon marché qui est amenée dans le pays.
Les employeurs doivent y recourir parce qu’ils n’arrivent plus à obtenir des travailleurs qualifiés par l’intermédiaire du système d’immigration. Un bon menuisier, mécanicien ou outilleur peut devoir attendre jusqu’à huit ans. Il y a un arriéré d’un million de personnes. Donc, les employeurs n’arrivent pas à obtenir ce genre de travailleurs, bien qu’il y ait eu une certaine amélioration avec la liste des 29 occupations qui peuvent être avancées en tête de file.
Je crois que nous ne devrions pas commettre l’erreur que les Européens ont commise au cours des années 1960 et 1970 en important des milliers de travailleurs temporaires qui sont étrangers, mais certainement pas temporaires. Ils ne repartent pas. Au Canada, nous n’avons aucun contrôle sur leurs mouvements. Ils entrent dans le pays. Ils peuvent arriver à Brandon pour travailler dans une usine de conditionnement des viandes et, le lendemain, prendre l’avion pour Toronto. L’employeur n’est même pas obligé de signaler qu’ils sont partis.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Bissett et monsieur Brouwer de votre témoignage aujourd’hui.
Monsieur Brouwer, vous avez malheureusement manqué de temps pour une raison qui relève plus de l’esthétique que de la technique — et je n’insinue pas que vous n’êtes pas beau. J’aimerais donc utiliser une partie de mes sept minutes pour vous offrir la possibilité de finir certaines des observations que vous n’avez pas eu le temps de présenter.
Je m’intéresse particulièrement à la question des enfants en détention. Pourriez-vous s’il vous plaît compléter vos observations à ce sujet?
Je vous remercie beaucoup de m’accorder cette possibilité.
Vous avez eu plus tôt des témoins qui vous ont parlé de la détention des enfants, et le nombre de 227 enfants détenus au cours d’un exercice a été mentionné. C’est l’ASFC qui a cité ce nombre. J’aimerais vous signaler que les statistiques ne tiennent probablement pas compte de la majorité des enfants qui sont dans les centres de détention, parce que l’ASFC considère qu’ils sont les invités des détenus plutôt que des détenus eux-mêmes, et ce, parce qu’ils sont des citoyens canadiens et l’ASFC n’a pas le droit de mettre en détention des enfants qui sont des citoyens canadiens.
L’ASFC considère qu’elle ne met en détention que les parents non citoyens. Théoriquement, les enfants canadiens en détention avec eux sont libres de partir, et ne font simplement qu’accompagner leurs parents en prison parce que leurs parents les veulent avec eux. Ceci, bien sûr, n’est qu’une belle finesse juridique qui a aussi peu de sens que la déclaration du ministre qui insiste que le Canada n’expulse jamais des enfants qui sont des citoyens canadiens; il n’expulse que les parents non citoyens. Ce sont les parents qui choisissent d’emmener leurs enfants avec eux lorsqu’ils sont expulsés. C’est une façon pour le gouvernement canadien de se laver les mains de l’expulsion et de la détention des enfants, chose qui, d’après notre expérience au centre juridique pour les réfugiés, semble dépasser considérablement le nombre de 227 déclaré par l’ASFC.
Je tenais à m’assurer que le comité était bien conscient de cela. Je suggère que, si vous entendez de nouveau l’ASFC ici, vous lui demandiez quelques explications et des chiffres plus exacts sur le nombre réel des enfants dans les centres de détention au Canada.
Il y avait un rapport produit par Janet Cleveland. Je pense bien qu’elle a témoigné à l’une de vos séances antérieures. Je crois qu’elle a inclus certaines observations sur le sujet, et qu’elle a fait quelques recherches sur le nombre des enfants en détention. C’est de cela que je parle.
Merci.
L’autre observation que je voulais faire au sujet de la détention porte sur certaines preuves que vous avez au sujet du contrôle des conditions de détention par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et la Croix-Rouge. Je crois que c’est M. Davies qui a demandé si la Croix-Rouge était payée par le gouvernement canadien pour ce contrôle de la détention. Et M. Linklater, de CIC je crois, a répondu que ce n’est pas le cas, et cette question en est restée là.
Mais je tiens à ce que le comité sache que la Croix-Rouge contrôle les conditions de détention de façon strictement confidentielle. Donc, bien qu’il soit vrai que la Croix-Rouge contrôle régulièrement les prisons où les immigrants et les réfugiés sont détenus, c’est confidentiellement qu’elle fait état des résultats à CIC et à l’ASFC. Il n’y a aucune publication de ces constatations. Donc, aucune transparence. Par conséquent, bien que sur papier il y ait une certaine mesure d’obligation de rendre compte, en fait, il n’y en a pas. Manifestement, des rapports privés et confidentiels faits au gouvernement au sujet de ses propres pratiques de détention, sans aucune divulgation publique, n’ont rien à voir avec l’obligation de rendre compte. Je voulais m’assurer que le comité en est bien conscient.
Merci beaucoup.
M. Bissett et vous semblez avoir une perspective très différente de la question de la sécurité. Vous avez qualifié les articles 34 et 35 de peu précis et d’arbitraires. Et si j’ai bien compris M. Bissett, et il a été très clair selon moi, les procédures de sécurité que nous utilisons pour faire face au terrorisme, et surtout le terrorisme musulman, sont inadéquates.
J’aimerais savoir ce que vous pensez, dans votre perspective d’avocat, du témoignage de M. Bissett aujourd’hui.
Merci.
Eh bien, j’ai quelques observations. Je vais essayer d’être bref.
Je dirais que l’un des points clés, c’est que M. Bissett parlait de choses très différentes de celles dont je parlais. Nos sujets sont très différents.
Je parlais des problèmes spécifiquement associés à la loi et à son application. Je ne crois pas qu’il soit défendable d’affirmer que la portée de la loi elle-même n’est pas assez large pour couvrir tous les soi-disant terroristes dont M. Bissett parlait. La portée de la loi est extrêmement large, assurément assez large pour couvrir toutes les personnes dont il parlait dans ses exemples, comme l’homme à la chaussure piégée et les autres.
Les observations de M. Bissett au sujet de la nécessité d’intensifier les contrôles à l’étranger ne semblent fondées sur aucune occurrence directe de menace contre le Canada de la part de personnes qui n’ont pas été contrôlées à l’étranger. Vous ne vous étonnerez probablement pas d’entendre que j’aie des objections — et je suppose que je suis loin d’être le seul à les avoir — au sujet des déclarations répétitives de M. Bissett, surtout en ce qui concerne le terrorisme musulman. Je trouve que la question de la sécurité nationale se rapporte au terrorisme, à la sécurité nationale et à ce qu’il faut pour défendre la sûreté du Canada. La transformer en une question religieuse ou ethnique est évidemment un problème sur le plan de l’égalité et des droits de la personne.
Et en ce qui concerne la suggestion de M. Bissett voulant que chaque personne qui veut venir au Canada soit d’abord contrôlée, je n’ai aucune objection, dans la mesure où c’est faisable. Je ne peux pas croire que CIC possède assez de ressources pour envoyer des agents bien éduqués et formés rencontrer en entrevue chaque personne qui veut venir au Canada.
Merci, monsieur le président.
Messieurs, vous avez tous deux des perspectives diamétralement opposées du processus d’évaluation des personnes qui demandent d’immigrer dans notre pays.
Monsieur Brouwer, vous dites que les renseignements obtenus au sujet des personnes venant de l’Afrique subsaharienne, où la tenue des dossiers et la collecte des renseignements sont peut-être moins que robustes, demeurent signalés dans un dossier des années durant, même après que les personnes concernées aient été au Canada depuis plusieurs années.
Monsieur Bissett, vous dépeignez un système de contrôle de l’immigration qui, essentiellement, n’est pas capable de vous dire si un demandeur a un dossier criminel ou une affiliation quelconque à une organisation qui pourrait être terroriste. Si des représentants officiels de CIC étaient présents ici, et surtout le sous-ministre, je crois bien qu’ils vous diraient que vous avez tort tous les deux — ce qui est probablement intéressant pour notre comité quant à ce que vous avez dit.
Monsieur Bissett, je vais m’attacher particulièrement à certaines de vos observations parce que je crois qu’en tant que comité, que parlementaires, nous avons vraiment besoin que vous expliquiez davantage pourquoi vous affirmez que des milliers et des milliers de demandeurs du statut d’immigrant reçu au Canada ne font essentiellement l’objet d’aucun contrôle. Pouvez-vous décrire davantage les preuves sur lesquelles vous fondez cette affirmation?
Il y a le sous-directeur au SCRS, M. Hooper, qui a mentionné dans son témoignage devant un autre comité parlementaire que seul 1 demandeur sur 10 au Pakistan était soumis au contrôle de sécurité. C’était il y a deux ou trois ans, à une époque où le nombre d’immigrants venant au Canada n’était pas aussi élevé.
Très peu sont soumis à un contrôle de sécurité. Et en plus, il y a le problème que j’ai mentionné, à savoir que dans de nombreux pays, ce contrôle n’a pratiquement aucune valeur. Je connais des cas moi-même. J’ai enquêté à fond sur un membre de la triade chinoise de Macao — il dirigeait toutes les escroqueries à Macao — qui s’est retrouvé à Vancouver. Notre enquête a révélé qu’il avait obtenu du chef de la police de Macao une attestation d’absence absolue de casier judiciaire. Manifestement, il l’avait achetée. Les pots-de-vin et la corruption sont endémiques dans plusieurs pays, et on peut acheter n’importe quel document.
Nous avions l’habitude d’amener les ministres de l’immigration aux marchés d’Islamabad ou de Delhi et on leur demandait de quelle université ils aimeraient avoir un diplôme — Harvard, Columbia, Oxford? En contrepartie de quelques roupies, nous obtenions un faux d’un diplôme de Cambridge d’une telle qualité que seul un professionnel pouvait voir la différence.
Je vous dirais que, et c’est plus important que les contrôles de sécurité, à une époque, des agents des visa d’expérience travaillant à Islamabad ou à Dhaka faisaient passer une entrevue aux immigrants et à leurs épouses et, par une série de questions et de conseils, ils pouvaient dire très rapidement si la personne était quelqu’un qui pouvait venir au Canada et y vivre aisément en respectant nos traditions, valeurs et principes fondamentaux. Et ils avaient, à cette époque — chose qui prêtait à controverse, que nous avons encore quelque part dans la loi mais n’utilisons pas —, la discrétion d’accepter ou de refuser des personnes indépendamment de leurs résultats dans le système de points d’appréciation. Ils s’en remettaient à leur jugement pour décider si ces personnes venant au Canada seraient capables de s’établir rapidement, d’obtenir un emploi, d’être autonomes en un an ou moins, sans l’aide du gouvernement, et de prospérer.
Les immigrants d’avant 1990 ont bien réussi. Nous n’avons pas eu à consacrer des millions de dollars à leur intégration ou à leur établissement. Ils sont venus ici et ils se sont établis d’eux-mêmes. Nous n’avons jamais eu de problèmes d’intégration non plus. Les immigrants qui viennent depuis lors, à cause de leur très grand nombre, ne passent pas d’entrevues et ne reçoivent pas de conseils. Ils ne connaissent rien des valeurs, des principes ni des traditions que nous avons au Canada, comme la liberté d’expression et l’égalité des sexes. Aucun de ces principes ne leur est enseigné ni expliqué. Ils ne les comprennent pas. Mais auparavant, ils comprenaient ces choses personnellement, on les leur expliquait dans le cadre de séances de consultation en groupe.
Merci, monsieur le président.
Monsieur Bissett, j’ai quelques questions pour poursuivre dans le même ordre d’idées que M. Byrne.
Vous avez dit qu’à une époque, des agents des visas d’expérience contrôlaient les personnes qui demandaient à entrer au Canada. Y a-t-il eu une époque dans l’histoire de la politique d’immigration de notre pays où tous les demandeurs étaient contrôlés par des agents des visas?
Non. On ne rencontrait pas forcément certains membres des familles — parents, grands-parents et enfants. Dans certains cas, oui, mais dans la plupart des cas, c’est le demandeur principal, l’immigrant indépendant, qu’on rencontrait en entrevue.
Peut-on donc affirmer avec certitude qu’à un moment donné, tous les demandeurs principaux passaient une entrevue avec un agent des visas?
Probablement au début des années 1990, quand le nombre d'immigrants a commencé à augmenter jusqu’à un quart de million par année, et que les agents des visas à l’étranger ne pouvaient tout simplement pas voir tout le monde. Ils ont donc dû se contenter de le faire sur papier.
Vous avez mentionné le témoignage de M. Hooper, anciennement sous-directeur au SCRS, qui a déclaré qu’au Pakistan, seul 1 demandeur sur 10 était soumis à un contrôle de sécurité.
Connaissez-vous la proportion des entrevues menées actuellement avec les demandeurs principaux, exception faite des contrôles de sécurité, seulement les entrevues menées par les agents des visas à nos consulats et ambassades à l’étranger?
Je ne connais pas ce pourcentage, mais les agents des visas que je connais et à qui je parle tous les jours m’affirment que très peu de demandeurs passent une entrevue.
Bon.
L’une des questions que vous avez soulevées dans vos observations préliminaires, c’est la question de la sécurité, qui est l’objet fondamental de notre étude. Vous avez dit que l’un des outils les plus importants que nous pourrions utiliser pour garantir notre sécurité est un « contact plus humain » — autrement dit, davantage d’entrevues menées par nos fonctionnaires avec les personnes qui souhaitent venir au Canada. À une époque, avant les années 1990, nous le faisions pour les demandeurs principaux.
Si nous devions répondre à cet enjeu, et si nous voulions le faire en menant un plus grand nombre d’entrevues avec les demandeurs — voire leur totalité —, il me semble que deux moyens s’offrent à nous. L’un consiste à augmenter les ressources de Citoyenneté et Immigration Canada en fonction du nombre record de personnes arrivant ici, et l’autre consiste à ramener le nombre des immigrants et des travailleurs étrangers à un niveau qui permet au ministère, avec les ressources dont il dispose, de mener ces entrevues en personne. Ou encore, nous pourrions recourir à une combinaison des deux solutions.
J’aimerais avoir votre opinion sur ce que vous pensez être une solution réaliste et je voudrais savoir ce que vous recommanderiez au gouvernement de faire.
Je conviens qu’il y a deux façons de procéder, et peut-être une troisième qui, je crois, est présentement proposée par le gouvernement. Il s’agit de laisser les employeurs canadiens aller faire à l’étranger une bonne partie de la sélection.
J’étais chef de bureau à Londres au cours des années 1970. À cette époque, beaucoup de compagnies canadiennes venaient en Angleterre recruter surtout des personnes ayant un métier relié aux machines: des outilleurs, des usineurs et des opérateurs de tour. Les employeurs les rencontraient en entrevue, les engageaient et leur promettaient un emploi. Nous leur faisions passer une entrevue très superficielle pour nous assurer qu’ils n’avaient pas un casier judiciaire. Quand nous étions inquiets — et nous ne nous inquiétions pas vraiment de la sécurité en Angleterre —, nous transmettions leurs dossiers à la sécurité. Mais à part cela, nous traitions leur demande très rapidement et nous les faisions venir ici très vite parce qu’ils avaient déjà été recrutés par Westinghouse, Massey-Harris ou une autre entreprise.
Je pense que le gouvernement envisage de faire cela dans l’avenir. C’est un autre moyen.
Mais je suis de l’opinion que nous laissons entrer trop de monde au Canada. Et je l’ai déclaré officiellement. Pourquoi sommes-nous un des rares pays industrialisés du monde, avec 36 millions d’habitants, qui doivent recourir à des travailleurs étrangers pour occuper ses emplois? Dans un pays moderne, c’est inexcusable. Alors oui, je réduirais le nombre et je mettrais l'accent sur la qualité.
J’ai une autre question pour vous.
Au cours des dernières décennies, le gouvernement fédéral a délégué aux gouvernements provinciaux une mesure appréciable de ses responsabilités en matière d’immigration. Cela a commencé par l’entente entre le Canada et le Québec. Cette entente a été revue un certain nombre de fois, mais elle s’est maintenant propagée aux autres provinces. J’entends donc maintenant qu’on s’inquiète qu’il y a des douzaines et des douzaines de différentes façons d’entrer au Canada dans le cadre de programmes fédéraux ou provinciaux dont les règles et les procédures sont souvent très différentes.
Trouvez-vous préoccupant que ces multiples façons d’entrer au Canada sont en train de constituer un système tellement complexe qu’il devient plus difficile pour nous de gérer l’aspect sécurité de l’immigration?
Absolument. Je suis entièrement d’accord.
Prenons, par exemple, les chiffres de l’année 2010: 17 p. 100 des 280 000 immigrants ont été acceptés en vertu du système de points d’appréciation du gouvernement fédéral. C’est donc quelque 48 000 immigrants sur 280 000 qui ont été acceptés parce qu’ils ont obtenu les points requis. Les autres étaient des membres de famille accompagnant les demandeurs principaux; c’était des membres de famille parrainés par d’autres membres de la famille au Canada, presque 13 000 aides familiaux — incroyable, n’est-ce pas? —, et quelque 30 000 personnes en vertu de programmes provinciaux.
Ils ne sont pas tenus de satisfaire à un quelconque critère de sélection. C’est la province qui les choisit.
Monsieur Bissett, j’ai été stupéfait de vous entendre dire — et je l’ai noté le plus textuellement possible — qu’aucun des travailleurs étrangers temporaires ne subit un contrôle de sécurité ou de santé.
Vous savez, bien entendu, que sous le gouvernement actuel, le recours aux travailleurs étrangers temporaires a explosé. Je crois bien que c’est le cas. Rien que l’an dernier, nous avons délivré ou renouvelé 185 000 visas à des travailleurs étrangers temporaires. On évalue approximativement à un demi-million le nombre des travailleurs étrangers temporaires actuellement au pays. Vous dites donc, monsieur, qu’aucun d’entre eux n’a subi une vérification judiciaire et le gouvernement actuel les a laissé entrer dans notre pays?
À ma connaissance, ils ne subissent pas une vérification judiciaire ni un contrôle de sécurité. Mais s’ils doivent travailler dans des domaines associés à la santé, ils subissent un contrôle de santé.
Vous avez eu la délicatesse de dire que vous êtes assez vieux pour être franc. Et moi je suis assez jeune pour être impertinent. Je vais donc vous poser une ou deux questions difficiles, si vous le permettez, pour éclaircir certains de vos propos.
Vous avez fait remarquer avec insistance que parmi les mosquées qu’on retrouve dans le pays, il y en a qui prêchent des messages inacceptables. Pouvez-vous nous dire de quelles mosquées il s’agit, monsieur?
Non, je ne peux pas; mais j’en suis informé par des amis musulmans qui sont en mesure de le savoir. Je peux les nommer, et je suis convaincu qu’ils pourraient vous dire le nom de ces mosquées et qu’ils seraient disposés à le faire.
Salim Mansur, professeur à l’université Western, en est un qui est…
Avez-vous obtenu vos renseignements de tiers à ce sujet? Je me demande simplement si vous avez une connaissance directe de ces choses.
Et deuxièmement, vous avez mentionné que quelque 40 000 Iraniens étaient entrés dans notre pays entre 2000 et 2009. Savez-vous s’il y a eu des cas de terrorisme iranien dans notre pays?
Je ne me souviens que d’un seul cas, une personne qui a fini par être effectivement expulsée. J’oublie son nom. On a allégué qu’il était un agent iranien, et il a été expulsé. C’est le seul cas dont je me souvienne.
En ce qui concerne les chiffres, on ne s’entend jamais au Parlement, il me semble, sur le nombre des personnes que nous laissons entrer. Vous avez dit, je crois, que nous laissons entrer un bien plus grand nombre de personnes aujourd’hui que dans le passé.
J’ai fait quelques recherches, et entre 1860 et 2009, en pourcentage de notre population, nous avons admis 0,97 p. 100; entre 1900 et 1949, 1,34 p. 100, et entre 1900 et 2009, un peu plus de 1 p. 100. Le taux actuel est de 0,7 p. 100. Donc, proportionnellement à notre population, nous admettons moins que nos moyennes historiques.
Si votre témoignage est juste, la seule explication possible réside dans le fait qu’il y a 20 ans, 40 ans et 60 ans, nous avions beaucoup plus de personnes qui faisaient des contrôles qu’aujourd’hui. Est-ce le cas?
Non, ce n’est pas le cas. Mais les nombres étaient plus bas pendant les années 1970 et 1980. L’année où le plus grand nombre sont entrés au Canada est 1913, avec 400 000 personnes.
Merci. Certains de ces immigrants étaient mes grands-parents.
J’aimerais maintenant m’adresser à M. Brouwer...
Merci.
Monsieur Brouwer, c’est à vous que je veux consacrer le temps qu’il me reste. Vous nous avez écoutés patiemment. Selon vous, quels autres points que vous jugez importants devrions-nous connaître?
Merci beaucoup.
Il y a effectivement un ou deux points que je voulais approfondir un peu.
Parlons d’abord des contrôles et de l’observation faite par le représentant du SCRS, soit que seule 1 demande sur 10 subit une vérification de sécurité au Pakistan. Nous devons garder à l’esprit que ces agents ont les outils dont ils ont besoin pour faire les contrôles. Chaque décision est prise par un agent des visas. Quand l’agent détermine, sur papier, qu’il y a une possibilité quelconque de risque pour la sécurité, il peut procéder à une entrevue, il peut demander conseil à l’Agence des services frontaliers du Canada et il peut aussi demander des conseils au SCRS.
C’est la démarche que je constate. Bien entendu, je traite principalement avec des réfugiés et des membres de la famille de réfugiés essayant de venir au Canada. Et je peux vous dire que dans presque tous mes cas, il y a eu des entrevues en personne, et les questions de sécurité ont été examinées de très près.
L’autre point dont je veux parler est relié à la question de la compétence des agents des visas. Je vous renvoie à la décision de Mme la juge Snider de la Cour fédérale, en avril l’an dernier, dans l’affaire Ghirmatsion. Je peux vous faire parvenir ce document. Mme Snider a effectué une évaluation très minutieuse de la formation et de la compétence des agents des visas à l’étranger. Tout cela concernait un agent en particulier, mais ses observations sur le degré de formation et de supervision des agents des visas, ainsi que sur le soutien qui leur est fourni, sont instructives. J’aimerais que le comité tienne compte de cela quand il entend les commentaires des autorités de l’immigration parlant des merveilleuses décisions prises par les agents des visas.
Merci.
Il semble que nous en sommes à un moment très important de l’histoire. Monsieur Bissett et monsieur Brouwer, je vous remercie tous les deux de nous avoir parlé.
Si vous n’aviez qu’une seule suggestion à faire au comité en vue de l’amélioration de la sécurité des Canadiens, quelle serait-elle?
Je n’accepte certainement pas la position de M. Brouwer quant à l’immigration musulmane, qui ramène tout ça à une question de droits de la personne. Quiconque lit les journaux ou regarde la télévision de nos jours sait qu’il y a des actes terroristes, et qui les commet.
L’Europe nous donne un exemple. Si vous ne réglez pas ces problèmes très tôt, vous en avez un très grave à régler plus tard.
Je n’irais pas aussi loin que Raheel Raza, une musulmane bien connue au Canada, auteure, rédactrice et commentatrice, qui préconise que nous suspendions l’immigration musulmane jusqu’à ce que nous puissions déterminer plus clairement qui nous admettons. Je dirais que c’est ce qu’il y a de plus important.
Je m’excuse, messieurs, mais nous devons vous laisser. J’entends les sonneries. Vous ne les entendez pas, mais elles sonnent. Nous devons aller voter.
Vous êtes tous deux des témoins hautement qualifiés, et nous l’apprécions. Au nom du comité, merci monsieur Brouwer et monsieur Bissett de votre précieuse contribution.
La séance est levée.
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