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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 041 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 22 novembre 2010

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    Bonjour et bienvenue à tous. En ce lundi 22 novembre 2010, nous tenons la 41e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
    Avant de passer au vif du sujet d'aujourd'hui, j'aimerais inviter tous les députés à me soumettre la liste des témoins qu'ils aimeraient entendre sur le projet de loi C-17, qui porte sur l'investigation et l'engagement assorti de conditions. Nous n'avons que deux rencontres prévues sur ce projet de loi, les 13 et 15 décembre. Le ministre de la Justice va comparaître pendant la première heure, puis suivront les fonctionnaires pendant la deuxième, mais nous aimerions que l'opposition et le gouvernement convoquent quelques témoins à la deuxième séance. Nous voulons les entendre. Peu de noms nous ont été soumis jusqu'à maintenant. Si vous voulez que le greffier leur envoie des invitations, il faudrait qu'il en soit avisé le plus rapidement possible.
    Aujourd'hui, nous allons poursuivre notre étude du projet de loi C-23B, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire, et nous allons en profiter pour examiner la Loi sur le casier judiciaire à la lumière de la motion M-514 déposée par la députée Dona Cadman.
    Notre comité remercie tous les témoins qui comparaissent devant lui cet après-midi. Nous accueillons John Hutton, directeur exécutif de la Société John Howard du Manitoba, ainsi que Barrett Fraser, membre du conseil. Nous recevons également Chris Courchene, apprenti charpentier-menuisier de niveau 1, ainsi qu'Andrea Derbecker, coordonnatrice de la formation chez Building Urban Industries for Local Development. Enfin, nous accueillons Kenton Eidse, conseiller en recherche d'emploi et facilitateur, ainsi que Mumtaz Muhammed, participant au Bureau communautaire d'Opportunities for Employment.
    Je crois que les représentants de chacun de ces organismes ont une brève déclaration à prononcer, après quoi nous leur poserons une première série de questions, où chaque député aura sept minutes. Pour les séries de questions suivantes, les députés auront cinq minutes chacun.
    Mme Mendes a demandé...
    J'aurais une petite demande à faire, monsieur le président. Peut-on, s'il vous plaît, réserver 15 minutes à la fin de cette séance pour les travaux du comité?
    Si le comité est d'accord. Mme Mendes propose de passer aux travaux du comité à 17 h 15.
    Plaît-il au comité d'adopter la motion?
    Monsieur MacKenzie.
    Une question. Est-ce que c'est pour débattre de nouvelles affaires?
    C'est pour proposer qu'une fois par semaine, le comité réserve 30 minutes pour ses travaux.
    Avez-vous présenté une motion en ce sens?
    Oui, et je l'ai retirée. J'ai cru qu'il serait préférable...
(1535)
    Non. La motion est probablement préférable.
    ... d'en arriver à un consensus. Oui?
    Je crois qu'il serait préférable de présenter une motion pour que l'on puisse se préparer en conséquence.
    Une voix: Une motion en bonne et due forme.
    Le président: Une motion en bonne et due forme nous donnerait un délai de 48 heures. Nous pourrons nous prononcer sur cette motion lors de la prochaine séance.
    Retirez-vous votre motion relative à la période de 15 minutes? Oui.
    Monsieur MacKenzie.
    Monsieur le président, cela soulève un certain problème. J'ignore si ma collègue est d'accord, mais je crois que notre comité s'est livré à ses travaux lors de la dernière séance. Nous ne pouvons pas considérer de nouvelles affaires tant que celles de la dernière séance n'ont pas été réglées.
    C'est exact. Si, dans le cadre des travaux du comité, le débat sur une affaire est interrompu, la procédure est de reprendre le débat lors de la prochaine séance. Donc, mercredi, si vous voulez que le comité réserve 15 minutes pour ses travaux, je crois que les affaires de la dernières séance devraient être réglées assez rapidement et nous pourrons passer à autre chose. Je crois que ça devrait aller.
    Mais vous avez raison.
    Je ne crois pas que ça ira, monsieur le président, car, sauf votre respect, je crois que ma collègue ne comprend pas comment le processus fonctionne. Lors de la dernière séance...
    Je peux intervenir, monsieur le président?
    Allez-y.
    Ce que je propose, c'est que chaque semaine, on réserve une certaine période pour les travaux du comité. Je ne propose pas de changer l'ordre des travaux du comité. Je sais que nous devons terminer les débats interrompus avant de passer à autre chose.
    Donc, lorsque nous aborderons les travaux du comité, nous reprendrons le débat interrompu lors de la dernière séance, puis nous étudierons toutes nouvelles motions.
    Je vous suggère, madame Mendes, de présenter votre motion pour que nous ayons 48 heures pour nous préparer en conséquence. Je sais que vous l'aviez déjà fait.
    Brièvement, madame Mourani.

[Français]

    Monsieur le président, je souhaiterais aussi qu'on puisse accorder peut-être 30 minutes par semaine ou toutes les deux semaines pour parler de nos motions. Il y en a énormément qui ont été déposées, et on n'en a jamais discuté.

[Traduction]

    Dans le cadre des travaux du comité, madame Mourani, nous demandons s'il y a de nouvelles affaires. Si une motion a été présentée, nous en débattons. Il y a différentes raisons pour lesquelles nous avons de nombreuses motions en attente. Les partis déposent des motions différentes. Ce que je veux dire, c'est qu'ils présentent leurs motions en temps opportun. Ce n'est pas au greffier ou au président de rappeler aux membres qu'ils ont des motions en attente. Lorsqu'un membre veut présenter une motion, il la dépose et on en discute dans le cadre des travaux du comité.
    Ce n'est pas que vos motions n'ont pas été prises en considération et que nous tentons d'empêcher un débat sur celles-ci. Si vous les présentez, nous en débattrons.
    Donc, je crois que nous allons reporter les travaux du comité à la séance de mercredi.
    Désolés, chers invités, mais le comité doit faire un peu de régie interne de temps à autre.
    Nous vous souhaitons la bienvenue. J'ignore s'il y a un ordre particulier à respecter...
    Monsieur Hutton, vous êtes directement devant moi, alors, allez-y. Nous sommes impatients d'entendre votre déclaration.
    Bonjour et merci de m’avoir invité à comparaître.
    La Société John Howard du Manitoba, avec l’appui de la Société John Howard du Canada, de l’organisme BUILD et l’Opportunities For Employment, comparaît aujourd’hui pour demander respectueusement au comité de ne pas apporter d’autres modifications aux dispositions légales régissant la réhabilitation, plus précisément celles qui figurent dans le projet de loi C-23B. À notre avis, les changements proposés sont inutiles et compromettraient en fin de compte la sécurité des Canadiens.
    Nous sommes particulièrement inquiets des changements qui auraient pour effet de multiplier par deux la période d’attente de ceux qui veulent demander la réhabilitation, d'interdire à jamais la réhabilitation aux personnes ayant commis certaines infractions énumérées et de refuser à jamais à toute personne déclarée coupable de plus de trois actes criminels la possibilité de demander la réhabilitation.
    La Société s’oppose également au remplacement du mot « réhabilitation » par l’expression « suspension de casier ». Au printemps dernier, dans le cadre de discussion sur le projet de loi C-23B, on a dit que la décision relative à la réhabilitation devrait relever des victimes et non du gouvernement. Je soutiens respectueusement que nous mélangeons deux concepts ici, soit la réhabilitation et le pardon.
    En vertu de la loi canadienne, c'est la Couronne, au nom du gouvernement du Canada, qui porte des accusations, et non les victimes. Dans le cadre d'un jugement de culpabilité, l'individu est reconnu coupable d'un crime contre le Canada. Par conséquent, il est clair qu'en tant que partie lésée, le gouvernement joue un rôle dans la décision relative à la réhabilitation, ce qui est distinct du pardon que peut accorder la victime. De plus, le mot « réhabilitation » a un sens beaucoup plus profond que « suspension de casier ». La « réhabilitation » implique que l'individu n'est plus un délinquant ou qu'il ne pose plus de risque pour la société, contrairement à la « suspension de casier ».
    Tout au plus, 4 p. 100 seulement des personnes ayant obtenu la réhabilitation récidivent par la suite, ce qui démontre que les critères actuels sont plus que suffisants. La réhabilitation n’empêche pas non plus qu’une personne fasse l’objet d’une enquête à l’égard d’autres infractions et ne facilite pas non plus la perpétration par cette même personne d’une infraction à l’avenir. Quel avantage y a-t-il pour la sécurité de la population de doubler la période d’attente et de supprimer toute possibilité de réhabilitation pour ceux qui commettent certaines infractions ou qui ont commis plus de trois actes criminels? Au contraire, le fait de placer d'autres obstacles devant ceux qui essaient de progresser et de vivre en respectant la loi compromet la sécurité du public. Il est dans l'intérêt du public de permettre à un individu, grâce au processus de réhabilitation, de tourner le dos à un passé criminel.
    Le projet de loi comporte également un élément d’injustice pour ce qui est des personnes qui seraient les plus touchées. Il est bien connu que les Autochtones sont surreprésentés dans le système correctionnel. Au Manitoba, les Autochtones représentent seulement 12 p. 100 de la population générale, mais près de 70 p. 100 des détenus. Par conséquent, le projet de loi C-23B risquera de toucher, de façon lourdement disproportionnée, cette communauté, plus particulièrement au Manitoba.
    On a dit que ce projet de loi avait été rédigé en fonction des victimes, et pourtant, il ne leur donne aucun rôle à jouer dans le processus de réhabilitation, pas plus qu'il ne semble renforcer les droits des victimes.
    D’après l’expérience que j’ai acquise en travaillant comme médiateur dans les affaires pénales pendant de nombreuses années, les victimes souhaitent principalement trois choses: être sûres que le délinquant ne les victimisera pas à nouveau; être sûres que le délinquant ne victimisera personne d’autre; et être sûres que l’accusé a tiré les leçons de son expérience et s'est amendé à cause de ce qu’il a vécu.
    Le projet de loi ne répond à aucun de ces souhaits lorsqu’il rend l’obtention de la réhabilitation plus difficile pour l’accusé. En fait, la victime préfère probablement que l’accusé se réadapte et vive une vie respectueuse des lois, ce que peut symboliser l’obtention d’une réhabilitation.
    Le comité va maintenant entendre le témoignage de trois personnes qui ont commis des crimes dans le passé et qui font beaucoup d’efforts pour progresser. Je vous invite à penser aux conséquences que le projet de loi aurait pour ces personnes si elles ne pouvaient obtenir la réhabilitation et à vous demander si le refus de leur accorder la réhabilitation renforcera vraiment la sécurité de notre collectivité.
(1540)
    Merci.
    Monsieur Fraser.
    Bonjour à tous. C'est un privilège pour moi d'être parmi vous aujourd'hui.
    Est-ce qu'on peut apprendre à un vieux singe à faire des grimaces? Est-ce qu'une personne peut vraiment changer? Eh bien oui. J'en suis la preuve vivante. J'ai un lourd casier judiciaire, j'ai été condamné plus de 25 fois pour des actes criminels. Quand on se fait arrêter au Manitoba, les procureurs sont excellents pour cumuler les condamnations pour actes criminels. Une même arrestation m'a valu cinq condamnations.
    Mais c'était il y a longtemps. Je n'ai eu aucun conflit avec les tribunaux depuis plus de six ans. Je suis directeur des ventes et du marketing pour un réseau national en ligne du nom de teambuy.ca, un superbe site. Vous y jetterez un coup d'oeil. J'ai également dirigé la plus grande station de radio du Manitoba, NCI-FM. Je reçois également des contrats de Corus Media et d'Astral Media à Winnipeg. Tous mes collègues sont au courant de mes écarts passés.
    Je ne le dis pas tant pour me décrire moi-même que pour décrire quiconque a un casier judiciaire et a trouvé une quelconque raison de vivre sa vie de la bonne façon. Je ne suis pas différent des autres. Heureusement pour moi, par contre, j'ai des forces, des ressources et de l'aide dans la collectivité. Le pardon est l'une de ces forces; c'est l'une des ressources dont j'ai l'intention de tirer pleinement avantage.
    Je dois vous dire en toute candeur que mon casier judiciaire me coûte très cher. Quand je voyage aux États-Unis, j'ai besoin d'une dispense à la frontière, comme on l'appelle. Cela me coûte de l'argent chaque fois. Je sais que le pardon ne me donnera pas de droit d'entrée aux États-Unis, mais le pardon est une chose importante. Voici comment je le vois. J'ai purgé une peine de six ans. En fait, j'ai purgé quatre ans d'une peine de six ans, j'ai purgé chaque journée de cette peine une à une. Je suis ensuite sorti en liberté surveillée. J'ai purgé le reste de ma peine dans la collectivité. J'ai remboursé ma dette envers la société. J'ai payé toutes mes amendes, j'ai fait mon temps. J'ai maintenant un mode de vie positif et pro-social. Je suis même membre de la John Howard Society! Je n'aurais jamais cru qu'un jour, je siégerais au conseil d'administration d'une société comme celle-là et que j'aurais la chance de m'exprimer devant vous.
    Voici ma question: quand est-ce 400 000 autres personnes et moi-même allons cesser d'être des ex-délinquants? Quand allons-nous devenir de simples citoyens? Par l'adoption du projet de loi C-23B, vous allez enlever une motivation extrêmement importante aux personnes comme moi. Je vous garantis que le pardon, la chance que mon nom soit blanchi, est une carotte très alléchante. C'est une énorme motivation à continuer d'essayer de m'améliorer, j'ai toujours la récompense en tête.
    Comme je l'ai dit, je ne suis pas unique en mon genre. Je réalise peut-être un peu plus de choses que la moyenne, mais je vous garantis qu'il y a une foule d'autres personnes comme moi qui peuvent sortir d'un pénitencier fédéral après avoir purgé une longue peine, mettre de l'ordre dans leur vie, se marier, trouver un bon emploi et devenir des membres respectés de leur collectivité. Je vous garantis qu'il y a d'autres personnes dans la même situation que moi.
    Je vous demande, je vous supplie de ne pas adopter ce projet de loi. Au bout du compte, vous n'allez que nuire à de bonnes personnes.
    C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.
(1545)
    Merci, monsieur Fraser.
    Nous allons donner la parole à M. Courchene.
    Je m'appelle Chris Courchene. Je suis membre de la Première nation Sagkeeng du Manitoba. Je vis maintenant à Winnipeg, où je suis apprenti charpentier. Je suis ici aujourd'hui pour vous raconter mon histoire et pour faire le lien entre mon histoire et le projet de loi que vous étudiez.
    Pendant les 11 premières années de ma vie, j'ai vécu surtout avec mes grands-parents dans la réserve. J'allais à l'école, et c'était un milieu assez fonctionnel. Puis j'ai eu 11 ans, ma mère faisait de son mieux, mais elle souffrait des séquelles que les pensionnats ont laissées sur elle. Elle était toxicomane, alcoolique et elle était très dure. C'était sa blessure. Elle n'était pas capable de s'occuper de moi comme elle l'aurait dû si elle avait eu une éducation normale elle-même.
    Elle m'a fait entrer dans un gang de rue local quand j'avais 11 ans. Je le répète: ma mère m'a fait entrer dans un gang de rue quand j'avais 11 ans. Le gang m'offrait un sentiment d'appartenance, des moyens de survie et la sécurité. Entre 11 et 24 ans, j'ai été arrêté plus de sept fois, mais j'ai commis plus de sept infractions.
    J'ai passé plus de la moitié de ce temps en prison. Chaque fois que j'en sortais, j'avais la bonne intention de commencer une nouvelle vie, mais je me retrouvais tout le temps dans des culs-de-sac, en partie parce que je n'arrivais pas à trouver d'emploi à cause de mes antécédents, en partie à cause de l'alcool et de la drogue. Ce cycle d'infraction, arrestation, condamnation, emprisonnement et libération s'est répété sans cesse jusqu'à mes 24 ans. C'est alors que j'ai été recruté par le programme BUILD, au centre-ville de Winnipeg.
    BUILD est une entreprise sociale autochtone qui accepte des personnes ayant des antécédents comme les miens et qui leur donne de la formation, de l'expérience d'emploi et un environnement encourageant. Il nous permet de passer de l'impossibilité totale de trouver un emploi au statut d'atout sur le marché du travail.
    Pendant que j'étais chez BUILD, j'ai pris un cours sur le rôle de parent et j'ai pris conscience des cycles que je devais briser pour être un bon parent pour mes deux enfants. J'ai également pris des cours sur l'établissement d'un budget, le SIMDUT, les premiers soins et la RCR, et j'ai même obtenu mon permis de conduire grâce à un programme spécial.
    Je suis maintenant prêt à passer à mon deuxième niveau d'apprentissage. Je ne peux toutefois pas y arriver avec un casier judiciaire. Je ne peux pas obtenir de bon emploi auprès d'employeurs comme Manitoba Hydro. Je n'ai pas récidivé depuis bientôt cinq ans et j'avais l'intention d'obtenir un pardon, puisque cela fera bientôt cinq ans que je n'ai pas commis d'infraction.
    J'ai terminé ma douzième année, mon niveau un d'apprenti, et j'ai mon permis de conduire. Je mets l'accent sur ma carrière et je suis un parent aimant, dévoué pour mes deux enfants.
    Le premier ministre Harper a offert ses excuses aux peuples autochtones à la Chambre des communes. Ces excuses m'ont encouragé à me guérir et mettre le passé derrière moi. J'ai hâte de devenir un citoyen productif et un membre à part entière de la société.
    J'ai l'impression que ce projet de loi met tout le monde dans le même bateau. Je pense que le pardon devrait s'adresser aux personnes qui montrent hors de tout doute qu'elles se sont transformées et qu'elles présentent un risque de récidive très négligeable. Je sais que vous espérez réduire le crime avec ce projet de loi. L'objectif est louable. Il doit y avoir des conséquences à nos gestes, mais de mettre tout le monde dans le même bateau ne vous aidera pas.
    J'espère que vous allez me permettre de demander un pardon. Je veux refaire ma vie.
    Merci.
(1550)
    Merci beaucoup, monsieur Courchene.
    Madame, avez-vous préparé un exposé vous aussi? Très bien, allez-y.
    Écoutons Andrea Derbecker.
    Chez BUILD, nous croyons aux conséquences. Par exemple, nous croyons que certaines infractions, comme les cambriolages à domicile, devraient s'assortir de peines plus sévères. Cela dit, il faut aider les gens à briser le cycle de la violence quand ils sont prêts à le faire. Si l'on se limite à une règle universelle pour tous ceux qui veulent obtenir un pardon, le nombre de crimes violents va augmenter plutôt que de diminuer. Quand ils sortent de prison, beaucoup de détenus ne peuvent pas trouver d'emploi. Combien d'employeurs vont embaucher un ex-détenu sans expérience de travail ni permis de conduire? Même les ex-détenus qui veulent trouver un emploi n'y arrivent pas, et bon nombre d'entre eux sont forcés de replonger dans le milieu criminel, de commettre de nouvelles infractions et de ruiner des vies.
    L'histoire de Chris en est une parmi tant d'autres dans le Nord de Winnipeg. Sa mère l'a fait entrer dans le monde des gangs quand il était très jeune. Chris devrait être récompensé plutôt que puni parce qu'il s'en est sorti et qu'il est devenu un modèle. Dans son cas, le problème ne vient pas de la personne, mais plutôt du contexte, c'est-à-dire de la problématique des pensionnats, des réserves, de la pauvreté et du manque d'emploi. Beaucoup de bons employeurs comme Manitoba Hydro et d'entreprises dans le domaine de la construction, par exemple, exigent de leurs employés qu'ils n'aient pas de casier judiciaire. Le pardon devrait s'adresser aux personnes qui montrent clairement qu'elles se sont réhabilitées et qu'elles ne présentent pas de risque de récidive. Il faut permettre aux détenus réhabilités de reprendre leur vie en main et examiner leur situation au cas par cas. Chez BUILD, nous savons d'expérience que beaucoup de ces personnes, probablement la plupart d'entre elles, peuvent devenir des membres productifs de la société. Elles ont besoin d'employeurs qui les aident à pénétrer le marché du travail et à se bâtir un curriculum vitae. Le système judiciaire et les services de police ont probablement dépensé plus d'un million de dollars pour arrêter Chris Courchene, le condamner et l'incarcérer. Chez BUILD, nous avons dépensé 20 000 $ pour le former et pour l'aider à entrer sur le marché du travail. Il mène sa famille sur la même voie maintenant.
    Merci.
    Merci beaucoup, madame Derbecker.
    Nous allons maintenant donner la parole à M. Eidse.
    Bonjour, mesdames et messieurs les députés membres du comité. Merci de me donner cette possibilité de comparaître devant vous.
    Je m’appelle Kenton Eidse et je suis conseiller en recherche d’emploi au service d’Opportunities for Employment, situé dans le secteur ouest de Winnipeg. Je travaille principalement avec des jeunes hommes et femmes qui ont un casier judiciaire et je les aide à se préparer au marché du travail et à chercher un emploi.
    Nous sommes principalement un organisme qui cherche à encourager le renforcement, la croissance et la sécurité de nos quartiers en aidant les membres de la collectivité à se trouver un emploi valorisant et à le conserver. Nous souhaitons donc contribuer à la vue d’ensemble des effets que le projet de loi C-23B aura sur nos collectivités.
    Ayant l’intérêt de notre collectivité à l’esprit, Opportunities for Employment souhaite que votre comité se rende compte que les obstacles inutiles à un emploi honnête qui se dressent devant les chercheurs d’emploi ayant un casier judiciaire augmenteront le risque pour la sécurité publique. Bon nombre des modifications proposées à la Loi sur le casier judiciaire constituent des obstacles importants à la réinsertion sociale en enlevant aux délinquants la possibilité de se faire valoir, d’obtenir une réhabilitation et de réaliser leur plein potentiel à titre de membres productifs de la société.
    Les chercheurs d’emploi qui ont un casier judiciaire croient que l’obtention d’une réhabilitation offre deux avantages: premièrement, un fort encouragement à mener une vie productive dans la collectivité, sans drogue et hors de la criminalité; et deuxièmement, un moyen de réussir leur vie à long terme, parce que la réhabilitation élimine un obstacle de plus en plus courant à l’emploi, au logement, au bénévolat et aux possibilités d’études.
    De façon plus précise, les modifications proposées à la Loi sur le casier judiciaire qui réduiraient de façon importante l’encouragement et multiplieraient les obstacles au succès à long terme sont les suivantes: doubler la période d’attente pour les personnes qui veulent demander une réhabilitation et empêcher les personnes qui ont commis certaines infractions précises et celles qui ont été reconnues coupables de plus de trois infractions d’avoir un jour la possibilité d’obtenir leur réhabilitation.
    Cinquante pour cent des participants qui ont franchi les portes de notre agence d’emploi ont un casier judiciaire. Ces chercheurs d’emploi, qui prennent des mesures positives et ne commettent pas d’infraction en attendant d’être admissibles à une réhabilitation, se retrouvent confrontés à un bassin d’emplois grandement diminué à cause de leur casier judiciaire. Les vérifications du casier judiciaire ne se limitent plus aux emplois dans les services bancaires, les soins de santé, l’enseignement, la sécurité et les secteurs gouvernementaux. Un nombre croissant d’employeurs dans les domaines des métiers spécialisés, de l’entreposage, de l’entretien d’immeubles, de l’aménagement paysager et les industries manufacturières exigent également un casier judiciaire vierge.
    En posant la question dans leurs formulaires de demande d’emploi « Avez-vous déjà été reconnu coupable d’un crime pour lequel vous n’avez pas obtenu une réhabilitation? », ces entreprises sous-entendent que les employés potentiels qui ont un casier judiciaire peuvent être réhabilités et qu’elles embaucheront un ex-délinquant s’il a maintenu une bonne conduite et s’il peut fournir une preuve de sa réhabilitation — autrement dit, s’il a obtenu sa réhabilitation. En se fondant sur le taux de succès de 96 p. 100 du système de réhabilitation, les employeurs peuvent être certains, et ils le sont, qu’une réhabilitation signifie une réforme. Ils sont disposés à embaucher des gens en fonction de leurs compétences et de leur expérience et non pas en fonction de leurs erreurs du passé.
    En 2007, le Comité d’examen du Service correctionnel du Canada notait dans son rapport Pour une sécurité publique accrue que:
La participation de citoyens et de collectivités éclairés et dévoués fait partie intégrante de la réinsertion sociale des délinquants. Le SCC a besoin de l’aide des collectivités qu’il sert pour faire accepter et aider les délinquants. Le Comité estime que cette participation revêt une importance cruciale pour la sécurité publique.
    Si ce projet de loi enlève aux délinquants la possibilité de se faire valoir, de tourner la page, de se débarrasser du stigmate de leur passé, il éloignera encore plus les délinquants de l’acceptation et du soutien de leur collectivité dont ils ont besoin. D’après mon expérience en tant que conseiller en recherche d’emploi, cet éloignement accroîtra la possibilité qu’un délinquant se heurte à trop d’obstacles dans ses efforts pour changer et qu’il reprendra ses anciennes habitudes destructives pour s’en sortir, ce qui pourrait le pousser à commettre d’autres crimes.
    Nous voyons tellement de gens travailler si fort chaque jour à changer leur vie, à prendre un nouvel élan à la suite de leurs erreurs. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour les aider, en sachant qu’en le faisant nous contribuons à bâtir des collectivités plus sûres et plus productives. Nous espérons sincèrement que cette mesure législative continuera de faciliter ce travail vital et non pas d’y nuire.
    Nous vous recommandons d’examiner attentivement le succès prouvé de notre système actuel de réhabilitation, le rôle de l’emploi, du logement, du bénévolat et de l’éducation dans la réinsertion sociale, l’importance de l’obtention d’une réhabilitation pour atteindre ces buts et le fondement nécessaire de notre système correctionnel, selon lequel les délinquants peuvent être réhabilités dans les bonnes conditions de soutien.
    J’aimerais maintenant céder la parole à l’un de nos participants, Taz Muhammed. Selon moi, ses aspirations de carrière prouvent son formidable potentiel, qui pourrait être totalement gaspillé s’il ne peut pas faire une demande de réhabilitation.
(1555)
    Merci, monsieur Eidse.
    Monsieur Muhammed.
    Je vous remercie de me permettre de venir témoigner ici aujourd’hui. C’est bien le dernier endroit où je m’attendais à me retrouver un jour.
    Je suis un ex-délinquant qui essaye de mettre son passé criminel derrière lui, mais je devrai fournir des efforts longs et pénibles pour réintégrer la société tellement j’en ai été exclu. C’est une route difficile. Une personne pourrait ne jamais s’en sortir et décider d’abandonner. Cependant, ce n’est pas mon cas, parce que je sais que, grâce à ma famille, à mes convictions et aux objectifs que je me suis fixés, ce que j’accomplis m’apportera le bonheur et la confiance en moi-même.
    Je crois qu’en augmentant la période d’attente avant d’être admissible à une réhabilitation et en interdisant aux délinquants ayant commis plus de trois actes criminels de faire une demande, cela aura un effet sur bon nombre de gens, dont moi. Si ce projet de loi est adopté, cela réduira mes options et me condamnera à vivre avec mon passé indéfiniment. Je ne trouverai peut-être jamais un emploi avec un salaire décent comme celui que j’ai obtenu à Turning Leaf grâce à l'aide du personnel de l’organisme Opportunities for Employment, qui n’a pas fait preuve de discrimination à mon endroit, qui a cru en moi et a cru que je pouvais y arriver.
    J’ai été bénévole pour l’organisme Turning Leaf, qui travaille avec les enfants qui ont un handicap. Cela a été une expérience enrichissante. J’adore ce travail, et les références que cet organisme m’a données vous apprendront que, selon mes compétences, ce travail m’est tout désigné. Bien que l’organisme ne puisse m’engager en raison de mon casier judiciaire, il souhaite pouvoir le faire dès que j’aurai obtenu ma réhabilitation.
    Je suis en plein coeur du processus pour obtenir ma réhabilitation et j’essaye de réunir tous les documents nécessaires. Cela peut encore prendre un bon moment. Toutefois, si ce projet de loi est adopté, je ne serai plus du tout admissible à une réhabilitation et je ne travaillerai peut-être jamais dans le domaine que j’adore. Les modifications proposées par ce projet de loi auront un effet sur ce qui me sera possible d'accomplir. Par conséquent, je vous demande de revoir cette mesure législative, parce que mes possibilités d’avenir seront autrement limitées.
    Merci.
(1600)
    Merci beaucoup, monsieur Muhammed.
    Merci à tous les témoins de leur exposé.
    Nous allons commencer la première série de questions avec M. Holland, s’il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins et en particulier MM. Fraser, Courchene et Muhammed. Je sais que ce n’est pas facile pour vous de raconter vos histoires, mais vous avez donné un visage humain au dossier sur lequel nous travaillons. Je vous en remercie beaucoup.
    La semaine dernière, le ministre a témoigné à notre comité, et nous avons passé en revue un certain nombre de problèmes au sujet du projet de loi. Le ministre en a admis un certain nombre, et ces problèmes me préoccupent énormément. L'un des témoins en a mentionné un dans son exposé, mais je ne me rappelle plus qui l'a fait. Il a dit qu’une personne pouvait en fait commettre cinq actes criminels dans la même nuit. C’est M. Fraser qui l’a dit. Par conséquent, une personne pourrait commettre une erreur une nuit et cinq actes criminels en découleraient. Elle ne pourrait jamais obtenir sa réhabilitation aux termes de ce projet de loi sous sa forme actuelle.
    L’autre crainte touche bien entendu la nature des actes criminels. La barre est assez basse. Bien des gens ne tiennent pas compte du fait que, lorsque nous parlons d'infractions mixtes, certains de ces actes criminels pourraient être la possession de marijuana ou l’utilisation frauduleuse d’un chèque par une personne dans une situation désespérée. Nous ne disons pas que les gens devraient commettre ces actes, mais ce ne sont certainement pas des infractions qui justifient d’interdire définitivement à une personne d’obtenir une réhabilitation.
    Monsieur Hutton, permettez-moi de vous poser la première question, voici ce qui me préoccupe. Si nous mettons en place une interdiction et que nous disons aux délinquants qu’il n’y a aucun espoir et qu’ils ne pourront jamais obtenir leur réhabilitation ou la suspension de leur casier judiciaire, peu importe comme vous l’appelez, ne mettons-nous pas en danger la sécurité publique en leur disant qu’il n’y a pas de lumière au bout du tunnel et qu’ils ne peuvent réintégrer la société et devenir des membres productifs de la collectivité comme les autres citoyens? C’est ma première question.
    Deuxièmement, si des modifications doivent être apportées, où devrions-nous fixer la limite? Avez-vous des exemples d'infraction pour lesquels des délinquants ne pourraient pas obtenir leur réhabilitation ou une suspension de leur casier judiciaire?
    Merci.
    En ce qui concerne votre première question, à mon avis, tout obstacle nous inquiète. En gros, ce que nous essayons de vous dire, c’est qu’une réhabilitation n’est pas qu’une bonne chose à avoir; c'est essentiel pour ces trois hommes s'ils espèrent mener une vie utile et saine pour eux-mêmes, leurs enfants, leur famille et leur collectivité.
    Honnêtement, je ne vois rien qui justifie la mise en place de barrières et je ne vois pas ce que nous avons à gagner en rendant plus difficile la situation de Barrett, de Chris, de Taz ou des 400, des 500 ou des milliers de Canadiens qui souhaitent mener une vie hors de la criminalité.
    À la Société John Howard, nous travaillons avec certains délinquants qui ont commis des infractions très graves et passé des années en prison, et eux aussi auront cette occasion. Cela n'arrive pas à un moment précis. J’ai rencontré des gens qui ont vu la lumière après leur première peine et d’autres qui ne l’ont vu qu’après 25 ans. Toutefois, ils travaillent dans la collectivité, ne commettent pas d'infractions et ne causent de tort à personne.
    Je ne peux pas dire quand cela se produira. J’aimerais pouvoir dire à tous mes clients qu’ils auront l'occasion un jour, que s’ils n’enfreignent pas la loi et qu’ils ne causent de tort à personne dans l’avenir, ils pourront mettre leur passé derrière eux et passer à autre chose. Cela donne beaucoup d’espoir aux gens, et je ne crois pas que nous devrions le leur enlever.
    Vous m’avez demandé où je placerais la limite. Selon moi, elle est bien où elle est actuellement. Le nombre de gens… Quatre-vingt-seize pour cent des personnes qui obtiennent leur réhabilitation la conservent. Parmi ceux qui la perdent, dans certains cas, c'est en raison d’un évènement survenu avant l'obtention de la réhabilitation — une infraction commise dans le passé dont les autorités policières viennent d'apprendre l'existence —, comme dans le cas de Graham James, par exemple.
    Je dis que la limite est bien où elle est. Si une personne n’a pas commis d'infractions au cours des cinq années qui ont suivi la fin de sa peine, selon les statistiques, elle n’en commettra pas d’autres.
    Selon notre expérience, les récidivistes — et j'en côtoie beaucoup — n’attendent pas cinq ans avant de commettre une autre infraction. Ils commettent un acte criminel au cours des cinq semaines ou mois après la fin de leur peine.
    Selon moi, la limite est bien où elle est actuellement et rien ne justifie, du point de vue de la sécurité, d’y apporter des correctifs.
(1605)
    Lors de son témoignage devant notre comité, le ministre a dit que l’un des aspects qui le préoccupaient était les gens qui commettent des infractions multiples — et je fais allusion ici à des infractions multiples très graves. Le ministre n’était pas en mesure, à ce moment, de nous fournir le nombre de délinquants dans cette situation qui obtiendraient une réhabilitation.
    Est-ce que l’un des témoins aurait accès à cette donnée et serait capable de nous la donner? Selon moi, c’est important. Si nous essayons de cibler ces gens, j’aimerais d’abord connaître le nombre de personnes dans cette situation qui obtiennent une réhabilitation dans le cadre du système actuel. Je n’ai pas vu cette statistique. Avez-vous des données à ce sujet?
    Sur le plan sémantique, pourrions-nous faire une distinction entre les gens qui commettent plusieurs infractions et ceux qui en ont commis dans le passé? Lorsqu’un délinquant est rendu à un certain point dans sa vie — cinq ans après sa dernière infraction —, il n’est plus, selon moi, un récidiviste ou un multirécidiviste. Si une personne continue de commettre des infractions, elle ne sera pas admissible à une réhabilitation. Cette période de probation existe déjà.
    Je crois que le ministre mélange deux situations. Il parle de quelqu’un qui commet des actes criminels régulièrement et le compare à tort avec quelqu’un qui a passé au moins cinq ans sans en commettre. À mon avis, rendu à ce point, le comportement a été modifié.
    En ce qui concerne les statistiques, je ne sais pas. On m’a dit que près de 3,5 millions de Canadiens ont un casier judiciaire. Je ne saurais dire le nombre de ces Canadiens qui ont commis plusieurs infractions.
    Je suis très limité dans le temps. Donc, messieurs Courchene, Fraser et Muhammed, pourriez-vous simplement dire au comité…? Tout d’abord, je présume que ce projet de loi vous empêcherait tous, en raison de votre situation, d’être admissibles à une réhabilitation ou à une suspension du casier, comme on l’appellera peut-être. Pourriez-vous nous dire ce que cela signifierait pour vous? Si cette porte se fermait, quel effet cela aurait-il sur vous? Outre l'équité, quel effet cela aurait-il sur votre vie, votre situation et les autres?
    Je pourrais répondre en premier.
    Tout d’abord, dans mon cas, cela aurait une conséquence énorme sur ma carrière. J’ai la chance de travailler dans un secteur où les gens sont indulgents, compréhensifs et axés sur les résultats. Tant que l’employé accomplit bien son travail, ils sont prêts à passer par-dessus vos frasques. Toutefois, ma carrière plafonnera rapidement. Pour pouvoir passer de gestionnaire à directeur, je devrai obtenir ma réhabilitation. Rien ne me ferait plus plaisir que l'agence Reuters me dise: « Monsieur Fraser, nous aimerions vous engager, et vous devrez venir vivre à Londres. » J’aurais besoin d'être réhabilité pour cela. J’aimerais que CNN me demande: « Aimeriez-vous travailler pour nous et venir habiter à Atlanta ou à Washington? », mais je devrai obtenir ma réhabilitation pour ce faire également.
    Je tiens à souligner que je ne crois pas être une personne unique. Mon histoire est différente de celle de Chris et de Taz. Cependant, nous partageons un lien commun: la réhabilitation nous permet de tourner la page. Je n'ai pas commis d'infractions depuis maintenant six ans. Je suis marié, j’ai une maison et j’ai une hypothèque. Nous avons les mêmes responsabilités. Toutefois, je porte aussi ce fardeau. Je dois toujours être prêt à rendre des comptes, et ma situation me cause des ennuis pratiquement chaque jour.
    Je dois vivre avec les conséquences des choix que j’ai faits il y a un certain temps. Toutefois, je prends maintenant toutes les bonnes décisions. Si je n’obtiens pas ma réhabilitation, je ne pourrai pas tourner la page sur cette partie de ma vie, et c'est très important pour moi. De plus, si je ne l’obtiens pas, cela imposera des limites à ma carrière.
    Chris.
(1610)
    Je ne pourrai pas obtenir un emploi auprès d'un employeur qui vérifie le casier judiciaire. Beaucoup d’employeurs dans le secteur de la menuiserie vérifie le casier judiciaire. Je ne sais pas ce que je ferrai si je n’obtiens pas ma réhabilitation. J’ai peur de devoir dépendre de l’aide sociale ou d'autre chose, ou de balayer des immeubles et de laver des toilettes pour le reste de ma vie ou d'accomplir des tâches éreintantes jusqu’à 80 ans afin d’économiser pour pouvoir m’occuper de mes enfants. Tout ce que je veux, c’est de reprendre ma vie. Je veux être un membre utile de la société, un bon citoyen. Je veux apprendre aux gens comme moi de quelle manière ils peuvent aussi y arriver et se sortir de cette situation. Cependant, si je ne peux pas obtenir ma réhabilitation, qu’espérez-vous que je fasse?
    La présidence s’est laissé emporter par ces histoires.
    Monsieur Muhammed, vous serez peut-être en mesure de donner votre réponse en répondant à une autre question.
    Madame Mourani.

[Français]

    Merci.
    Bonjour à tous. Merci de votre présence. Merci également des témoignages que vous présentez aujourd'hui sur l'histoire de votre vie. Vous représentez une grande partie de ceux qui, à un moment donné au cours de leur vie, ont été accusés d'un quelconque délit.
    Je crois qu'un des problèmes majeurs du projet de loi est l'élimination de toute possibilité de suspension du casier judiciaire à partir de la troisième infraction commise. En vous écoutant, je comprends que cela puisse être un grave problème. D'une certaine manière, on peut avoir commis plusieurs délits en une nuit ou en moins d'une semaine. Comme vous l'avez très bien exprimé, monsieur Courchene, on n'entre pas forcément dans un gang de rue par choix. Parfois, cela vient de très loin, parfois de la famille.
    Vous pourriez peut-être nous aider sur le point suivant. Le projet de loi dit aussi qu'à partir du moment où on est accusé d'une infraction visée en annexe 1, qui traite de plusieurs infractions d'ordre sexuel, on n'a pas le droit de faire une demande de suspension du casier judiciaire. On sait que pour les autres types de délits impliquant la drogue et ainsi de suite, le taux de réhabilitation est quand même très élevé.
    Je m'interroge sur les délits d'ordre sexuel, par exemple les actes de pédophilie et les agressions sexuelles faites à des mineurs. Je vous avoue que j'ai beaucoup de difficulté à croire que les personnes qui les commettent peuvent être réhabilitées. J'ai longtemps travaillé à l'Institut Philippe-Pinel Je peux dire que lorsque les contrevenants souffrent également de troubles mentaux, il est très difficile de les réhabiliter, même avec tous les programmes qui sont actuellement offerts.
    Ne pensez-vous pas que dans de tels cas, la suspension du casier judiciaire ne devrait pas être admise, puisque ces personnes pourraient se retrouver à travailler dans des écoles ou avec des équipes sportives et ainsi de suite? Qu'en pensez-vous?
(1615)

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Hutton.
    J’aimerais beaucoup répondre. Merci.
    Tout d’abord, tous ceux qui demandent une réhabilitation n’ont pas récidivé, du moins, pas à la connaissance des autorités policières et des tribunaux, sinon ces personnes ne l’obtiendront pas. On prétend que les délinquants sexuels ne pourront jamais être réhabilités. Je l’ai déjà entendu. Les gens disent toujours « ils disent que ». Or, les statistiques prouvent que 90 p. 100 des délinquants sexuels ne récidivent pas. Lorsqu’il est question d’une demande de réhabilitation, nous parlons ici que des gens qui peuvent prouver qu’ils n’ont pas récidivé. Donc, tous ceux qui font une demande de réhabilitation, y compris M. James, n’ont pas commis d’infractions pour une période de cinq ans depuis la fin de leur dernière peine. À mon avis, nous pouvons donc convenir, rendus à un certain point, que leur comportement a changé.
    Vous m’avez demandé si les délinquants sexuels devraient être admissibles à une réhabilitation; je vous répondrais que oui absolument. En ce qui concerne la protection… J’ai rempli des demandes pour travailler au Canada et dans d’autres pays auprès de personnes vulnérables. On a vérifié mon casier judiciaire. Cette disposition est déjà en place. Vous devez cocher une case si vous travaillez avec des enfants. Même si vous êtes réhabilités, votre employeur verra si vous avez des antécédents judiciaires d’ordre sexuel en position d’autorité avec des enfants. Donc, une disposition en place protège déjà les gens vulnérables, et les entreprises peuvent le savoir, même si une réhabilitation a été accordée. Il suffit d'exiger que le bénévole ou l’employé coche la case pour une vérification d’infractions en lien avec des personnes vulnérables, et l’employeur saura si la personne a déjà été condamnée pour une infraction d’ordre sexuel.

[Français]

    Vous me dites qu'actuellement, lorsqu'une personne, qui obtient la suspension de son casier judiciaire après avoir été accusée d'une infraction d'ordre sexuel envers des mineurs, fait une demande pour travailler dans une garderie ou une école, ces dernières, qui font une demande pour vérifier le casier judiciaire du demandeur d'emploi, peuvent voir à son dossier qu'elle a été accusée d'infractions sexuelles envers des mineurs. Est-ce exact?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Cela existe donc déjà.

[Traduction]

    Oui. C'est le cas, tant que l’établissement scolaire — et c’est plutôt une question d’ordre scolaire que législative — s’assure que la case pour une vérification de l’aptitude à travailler auprès des personnes vulnérables est cochée. Ensuite, les autorités policières diront si cette personne a été condamnée pour une infraction d’ordre sexuel. Que la personne soit réhabilitée ou non, l'employeur sera informé des antécédents.

[Français]

    D'accord.
    Vous êtes donc en train de me dire que ce projet de loi est totalement inutile. Si on l'examine, on constate qu'il y a deux dispositions majeures, à part le changement du mot « pardon » au mot « suspension », ce qui est vraiment de la décoration plus qu'autre chose. Quand on examine le projet de loi, deux problèmes ressortent: cette inadmissibilité lorsque des actes visés dans l'annexe 1 ont été commis, et l'impossibilité de voir son casier judiciaire suspendu à la troisième infraction commise. Vous me dites donc que ces deux points, et donc ce projet de loi, sont totalement inutiles.

[Traduction]

    Comme je l’ai mentionné, selon moi, les critères actuels pour protéger la sécurité publique sont suffisants, et nous ne croyons pas que d’autres changements soient nécessaires. Si vous me le permettez, j’ajouterai que nous ne comprenons pas l’utilité du troisième élément, à savoir de faire passer la période d’inadmissibilité de cinq à dix ans, même si une personne n'a commis qu'une infraction.
    Si vous me le permettez, j'aimerais dire deux mots sur le fait de doubler la période d'attente à défaut d'un meilleur terme. Je suis un homme de 42 ans. Aux termes de la loi actuelle, on ne peut pas obtenir une réhabilitation avant environ cinq à sept ans. Si on doublait le nombre d'années, est-ce que cela signifie que je serai peut-être âgé de 67 ans lorsque je serai enfin réhabilité, si l'on décide arbitrairement que je le suis? Qu'arrive-t-il durant cette période qui correspond à la retraite? Où réside la valeur de cette réhabilitation? Si je ne suis plus sur le marché du travail, si ma principale motivation est de nourrir les membres de ma famille, de subvenir à leurs besoins et de payer mes factures et de poursuivre ma carrière le plus possible, et que je dois attendre d'avoir atteint l'âge de la retraite pour obtenir ma réhabilitation, elle n'a pas de valeur. Elle est vraiment réduite à un bout de papier.
    Je ne veux pas me montrer dur à ce sujet, mais je suis d'accord avec M. Hutton. Il n'est pas nécessaire de changer la loi. Il est un peu honteux qu'on doive utiliser des ressources comme celles-là pour une telle chose. Je vais voir la question de mon propre point de vue, celui d'un simple individu. Deux criminels notoires ont vraiment été le catalyseur de tout cela: M. James et Mme Homolka. Aucun des deux n'est pertinent dans cette situation, car ces gens... Si vous croyez aux monstres, c'est excellent. Je crois aux monstres aussi, mais nous ne sommes pas ici pour parler de cela.
    De quelle façon cela nuira à 96 p. 100 des gens qui ont un casier judiciaire, des gens comme Chris, Taz et moi, qui se sont repris en main et qui ont fait les choses correctement? Tout ce qu'on fera en adoptant cette mesure législative, c'est mettre des obstacles inutiles, peu importe la situation socio-économique, l'origine culturelle et la vie actuelle des gens. S'ils ont un casier judiciaire, ils seront touchés par la mesure législative.
(1620)
    Merci beaucoup, monsieur Fraser.
    Nous passons maintenant à M. Davies. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je vous remercie tous de nous faire connaître votre histoire, surtout ceux d'entre vous qui ont purgé des peines d'emprisonnement. Cela demande beaucoup de courage, et cela montre au Parlement et aux Canadiens les exemples de réussite de notre système correctionnel. Je crois qu'il est vraiment important d'entendre de personnes comme vous, qui s'en sortent bien. Je vous félicite tous.
    Une chose que le gouvernement a souvent dite — et il se peut que je paraphrase —, c'est que le meilleur programme de sécurité sociale, c'est un emploi. J'ai entendu le gouvernement conservateur le dire à maintes occasions, et je crois que cette affirmation contient une part de vérité. Je vous ai déjà entendu parler de l'importance d'une réhabilitation dans l'obtention d'un emploi, ce qui est fondamental, à mon avis. Je crois que lorsqu'on sort de prison, il y a des choses auxquelles il faut avoir accès. Il y a le logement, les services de santé mentale, les services de toxicomanie, le contact avec la collectivité et la famille, et il y a toutes sortes de choses vraiment importantes. Mais je crois qu'obtenir un emploi est l'une des plus cruciales pour aider quelqu'un à refaire sa vie.
    J'aimerais que vous me disiez tous brièvement dans quelle mesure il a été difficile pour vous d'obtenir un emploi, et où se situe une réhabilitation dans ce processus, à votre avis?
    Après ma sortie de prison, j'ai mis sept ou huit mois à obtenir un emploi chez BUILD, car je regardais de l'avant. Je vivais tout juste de l'aide sociale.
    En fait, je me suis adressé à l'entreprise Change Innovators, qui se concentre sur le curriculum vitae. On y aide les gens par exemple au sujet du poids des mots. Ensuite, mon agent de probation m'a parlé de l'entreprise qu'on appelle BUILD. Je l'ai choisie. On m'a donné une chance. J'avais une entrevue un vendredi et j'ai commencé le lundi suivant. J'ai commencé à travailler avec un salaire de 8 $ de l'heure et j'ai continué à travailler dans cette entreprise pendant environ six mois et demi. Par la suite, j'ai fait mes études. J'ai obtenu mon niveau un, ma 12e année, et je suis retourné travailler en tant que surveillant de la construction. J'ai commencé à enseigner à des anciens détenus comment faire ce que j'ai fait, comment devenir un membre productif de la société.
    Taz, vouliez-vous dire quelque chose?
    Pourriez-vous répéter la question?
    De quelle façon une réhabilitation vous aide quant à vos perspectives d'emploi pour l'avenir, et dans quelle mesure est-ce important pour obtenir un bon emploi?
    Comme je l'ai déjà dit, j'ai obtenu un emploi chez Opportunities for Employment pour travailler avec des personnes handicapées. C'est un emploi très enrichissant, grâce auquel je peux subvenir aux besoins de ma famille.
    Si l'on ne m'avait pas réhabilité, je n'aurais pas pu obtenir un tel emploi. Essentiellement, je serais ouvrier ou concierge, des emplois qui ne me permettraient pas d'avancer. Je serais coincé où je suis, j'imagine, jusqu'à ma mort, et j'aimerais faire des changements.
    Cela ne prouve pas nécessairement quelque chose, mais obtenir une réhabilitation me montre qu'on me pardonne, dans un sens, que les gens font des erreurs et que tout le monde mérite une chance. J'en ai besoin.
(1625)
    Merci.
    Je veux également avoir votre opinion au sujet du changement de terme. Le projet de loi propose de remplacer le terme « réhabilitation » par « suspension du casier ». Je me demande ce que vous ressentez, ou ce que vous pensez de ce changement, en tant que gens qui ont probablement passé pas mal de temps à penser au jour où ils obtiendront une réhabilitation.
    Je crois que le changement de terme est absurde. Je crois qu'en appelant la « réhabilitation » une « suspension du casier », on perd vraiment beaucoup de signification. Pour moi, la réhabilitation signifie qu'on boucle la boucle, elle représente le point final. J'ai payé ma dette envers la société, et la société l'a maintenant reconnu et a pour l'essentiel fait table rase de tout cela. Il y a des préjugés liés à l'expression « suspension du casier », car les gens se disent « oh, il a un casier, qu'a-t-il fait »?
    Les gens ne sont pas objectifs. C'est dans leur nature. C'est ainsi que nous pensons. Nous allons toujours songer au pire jusqu'à ce que quelqu'un montre ce qu'il y a de meilleur.
    Lorsque je compare « suspension du casier » à « réhabilitation », je trouve que « réhabilitation » est plus révélateur en ce que c'est maintenant mon gouvernement qui m'a réhabilité, qui m'a pardonné pour les erreurs que j'ai commises dans le passé. Il s'avère que des gens ont mis l'affaire dans un dossier, dans un classeur, et qu'ils se sont dit, « d'accord, c'est fini ». Ils ont reconnu que j'avais payé ma dette envers la société.
    Vous êtes trois anciens détenus qui sont ici aujourd'hui. Je présume que vous connaissez d'autres personnes qui ont purgé des peines d'emprisonnement. Pouvez-vous parler aux membres du comité de l'expérience générale des gens que vous connaissez? Votre opinion à ce sujet représente-t-elle celle des ex-délinquants? Êtes-vous en mesure de le dire?
    Comme je l'ai dit, et je crois l'avoir dit plusieurs fois, et je l'ai dit à John et à d'autres personnes, je ne suis pas un cas unique. J'ai seulement décidé de parler et d'être une voix. Je ne peux parler pour personne. Je ne suis pas un cas unique. Je vous garantis que si nous étions des joueurs, nous parierions que des centaines, voire des dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui sont enfermés dans des établissements partout au pays pensent comme moi.
    Au bout du compte, si l'on modifie la loi, tout ce qui se passera, c'est qu'on vous enlèvera l'occasion de rencontrer un autre ex-délinquant qui pourrait peut-être vous raconter son histoire ou vous dire ce qu'il pense d'une mesure législative qui peut être liée ou non. C'est fondamentalement ce qui se produira s'il fallait le faire. S'il fallait modifier la loi, je n'aurais pas l'occasion d'être ici et de vous parler.
    Le niveau de motivation pour chaque personne est unique également. Je ne peux pas dire ce qui motive Mumtaz, tout comme il ne peut pas dire ce qui me motive. Mais, au bout du compte, l'objectif que nous avons tous, peu importe que je sois dans une cellule ou assis sur le divan avec ma femme à la maison, c'est qu'un jour il n'y ait plus de préjugés, plus de malaise, et que nous soyons réhabilités.
    Nous savons que ces mesures législatives...
    Monsieur Davies, nous en sommes à sept minutes et demie.
    Nous passons maintenant à M. McColeman.
    J'aimerais remercier tout le monde de leur présence ici aujourd'hui, et surtout M. Muhammed, M. Fraser et M. Courchene.
    L’un des aspects les plus importants du projet de loi sur lequel on nous a déjà fait des commentaires est lié au fait que pour beaucoup de Canadiens et de victimes, ce qui compte, c’est que si le projet de loi était adopté, les gens qui commettent une infraction sexuelle à l’égard d’un enfant, ne seraient pas admissibles à la réhabilitation. Ces infractions incluraient entre autres la pornographie juvénile, le leurre d'un enfant et l’exploitation sexuelle d’une personne handicapée. Il est clair qu'on compte ces crimes parmi les plus odieux et inimaginables qui sont commis.
    Comme nous le savons, obtenir une réhabilitation donne des avantages. Comme vous l’avez dit, cela facilite les choses quant aux possibilités d’emploi, aux déplacements dans un autre pays, et dans certains cas, aux audiences pour l’obtention de la garde d’un enfant, de droits de visite, etc. Êtes-vous d'avis que la plupart des Canadiens considèrent la réhabilitation comme un privilège et non un droit? Je crois que c’est ce que vos propos ont montré aujourd’hui, qu'il s'agit clairement d'un privilège qu’on cherche à obtenir.
    Avant que nous adoptions le projet de loi C-23A le printemps dernier — motivé surtout par l’affaire Homolka —, considériez-vous le système de réhabilitation comme un système où la Commission nationale des libérations conditionnelles n’avait pas le pouvoir de refuser la réhabilitation dans des affaires qui seraient susceptibles de déconsidérer l'administration de la justice?
    Vous nous dites aujourd’hui qu’il ne faut rien changer, mais même si cette situation était odieuse, la Commission nationale des libérations conditionnelles ne pouvait pas refuser à cette personne l’obtention d’une réhabilitation. Croyez-vous que c’est raisonnable?
    Allez-y s’il vous plaît, monsieur Fraser ou monsieur Muhammed.
(1630)
    J'ai des opinions bien arrêtées. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec tout les membres du conseil d'administration de la Société John Howard. Je crois que Karla Homolka est un monstre. On n'aurait jamais dû la sortir de prison, un point c'est tout.
    Compte tenu du fait que j'ai joué au hockey pour Graham James quand j'étais jeune, mon point de vue est intéressant. C'est tellement bizarre. Je n'oublierai jamais le jour où mon père m'a dit que je n'allais plus jouer pour cet homme. Je crois aux monstres.
    Il faut donner à la Commission nationale des libérations conditionnelles le pouvoir de prendre la décision. C'est vraiment ce qui doit être fait. Il faut examiner chaque personne en tant qu'individu, plutôt qu'avaliser les yeux fermés comme il était possible de faire. Je ne sais pas. Toutefois, je sais que certaines personnes, et ce n'est que mon opinion, sont irrécupérables; il n'y a rien à faire pour elles. Mais, vous savez quoi, elles ne représentent peut-être que 1 p. 100 des gens.
    Je veux poursuivre sur cette lancée.
    En d'autres mots, la loi actuelle n'était pas adéquate, et le Parlement devait faire quelque chose dans cette situation pour laisser à la Commission nationale des libérations conditionnelles une certaine latitude pour prendre une décision afin que l'administration de la justice soit faite de façon appropriée.
    Le ministre était ici, et il a dit que si nous pouvions discuter et en arriver à une entente au sujet des trois actes criminels et mettre en place un système qui dit oui, on peut avoir cinq actes criminels, comme l'un de vous en a parlé, alors il serait peut-être prêt à écouter. En tant que comité, il nous faut travailler peut-être à améliorer cela.
    Cela étant dit, il nous faut clairement nous concentrer sur le type de personnes... Et il s'agit de récidivistes. Ce sont les gens les plus abominables, et nous tentons d'axer les mesures législatives sur eux.
    Comme vous semblez trouver cela amusant, monsieur Hutton, vous aimeriez peut-être répondre.
    Les gens les plus abominables. Pardonnez-moi, mais vous parlez de ces gens ici présents: Chris Courchene, Barrett Fraser et Taz Muhammed. Ce sont eux, les récidivistes.
    Eh bien, si vous pensez qu'ils le sont, nous devrions peut-être connaître plus de détails — je ne sais pas si vous voulez nous en donner —, sur les crimes qu'ils ont commis et les victimes laissées pour compte.
    Je suppose que vous parlez des mesures législatives qui ont déjà été adoptées, du projet de loi C-23A. Si j'avais comparu devant le comité en juin — je n'en ai pas eu l'occasion —, j'aurais dit qu'à mon avis, aucune modification n'était nécessaire, qu'il est mauvais de modifier une loi en se fondant sur les exemples les plus abominables. Mais ces modifications ont été apportées. Elles ont été apportées pour régler les affaires de Karla Homolka et de Graham James, pour le meilleur ou pour le pire.
    D'accord. Je vais vous interrompre, car je n'ai pas beaucoup de temps.
    J'aimerais que les gens qui veulent être réhabilités, les trois personnes qui ont un casier judiciaire ici, me disent quelque chose. Je présume que les crimes que vous avez commis ont fait des victimes. Seriez-vous opposés à ce que ces gens témoignent, qu'ils présentent leur point de vue et leur déclaration de la victime soumise à la Commission nationale des libérations conditionnelles lors d'une audience sur la réhabilitation?
    Je n'ai rien à cacher. J'ai commis une infraction contre les biens. J'ai vendu des drogues visées à l'annexe 2 — des stéroïdes —, et j'ai commis une fraude. Je serais considéré comme un délinquant non violent. Certains diraient que mes crimes n'ont presque pas fait de victimes. Je ne crois pas que c'est le cas. Chaque crime fait une victime.
    Cela étant dit, il y a bien des années, on m'a lu une déclaration de la victime à l'audience de libération conditionnelle. Ce fut difficile pour tous les gens qui étaient dans la salle, y compris la victime et moi. Si revivre cela de nouveau me garantirait l'obtention d'une réhabilitation, j'accepterais sans hésiter. J'ai commis des erreurs. Les conséquences demeurent. Au bout du compte, oui.
(1635)
    Qu'en est-il des autres?
    Cela ne me poserait aucun problème. J'ai commis des vols qualifiés armés, d'accord? J'ai fait peur à des gens dans des magasins, j'ai volé des choses, et j'ai pris des choses qui ne m'appartenaient pas. Si ces gens se présentaient en cour comme la dernière fois et qu'ils me disaient ce qui s'est passé, ce qu'ils ont ressenti et qu'ils veulent recevoir des excuses, il est certain que j'accepterais. Je suis désolé. Je suis allé en prison. J'ai purgé ma peine. Je suis désolé. Je vous ai donné quatre ans de ma vie pour vous montrer à quel point je suis désolé. J'ai dit que j'étais coupable. Je suis désolé.
    Monsieur Muhammed.
    C'est ce que j'ai vécu moi aussi. J'ai commis un vol. L'une de mes conditions, c'était que les gens que j'ai volés se présentent à la cour. C'était comme avoir deux sons de cloche sans vraiment devoir aller en cour. Les victimes m'ont dit comment elles se sont senties et quelles ont été les conséquences pour elles. Donc, j'ai déjà vécu cela. Entendre d'autres personnes, en raison de ce que j'ai fait — j'ai commis des vols et dormi dans des maisons, car je vivais dans la rue —, ne me pose aucun problème.
    Soit dit en passant, j'ai une dernière remarque à faire, si vous me le permettez. Je ne classe aucun d'entre vous parmi les plus abominables, comme on l'a prétendu. C'était une déformation. Si c'est ce qui a transparu dans mes propos, ce n'est pas ce que je voulais dire.
    Merci, monsieur McColeman.
    Madame Mendes.

[Français]

    Monsieur le président, compte tenu du fait que les témoins ont parlé de leurs délits, est-ce que M. McColeman va leur accorder le pardon? C'est qu'il m'a semblé qu'on était comme dans une cour de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

[Traduction]

    Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement.
    Madame Mendes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    Si le projet de loi est adopté, aucun d'entre vous ne serait admissible à la réhabilitation. Il s'agirait de la première limite. Déclaration de la victime ou non, cela ne changerait rien à vos dossiers. C'est pourquoi nous nous opposons à cette mesure législative. La réhabilitation a toujours constitué un privilège; ce n'est pas un droit, et je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus. À mon avis, M. Hutton était dans la bonne voie lorsqu'il a demandé pourquoi nous faisions des changements en nous fondant sur les exemples les plus abominables. Pourquoi n'examinons-nous pas la façon dont le système de réhabilitation fonctionnait? Fonctionnait-il bien? J'aimerais vous donner l'occasion de continuer.
    Merci, madame Mendes.
    Monsieur Hutton.
    Kenton et moi avons dit que 96 p. 100 des réhabilitations n'avaient pas à être révoquées. Les réhabilitations ont été octroyées dans le cadre du système qui était en vigueur jusqu'en juin. Cela montre que le système fonctionnait bien et que les gens qui présentaient une demande de réhabilitation ne se trouvaient plus dans la période de risque. Il y a des récidivistes, je comprends cela. Dans le cadre de mon travail, j'en rencontre un bon nombre. Mais quelqu'un qui n'a pas commis d'infraction pendant au moins cinq ans n'est plus un récidiviste. Donc, la réhabilitation n'est pas octroyée à des récidivistes. On peut l'octroyer à des gens qui ont commis des infractions à maintes reprises dans le passé, mais qui, à un moment donné, ont cessé de le faire, sont passés à autre chose, et sont dans une situation stable.
    Ils ont passé cinq ans ou plus à prendre leur vie en main et à tenter de trouver un moyen de devenir des citoyens productifs. Ne serait-il pas beaucoup moins productif si nous refusions de les réhabiliter? Ils ne seraient alors pas capables de trouver ce moyen.
    Monsieur Muhammed ou monsieur Courchene, si vous ne pouviez pas obtenir de réhabilitation, est-ce que cela vous donnerait une raison de plus de retomber dans la criminalité?
(1640)
    Si je ne peux pas obtenir une réhabilitation, je ne veux pas retomber dans mon ancienne vie. Je vais balayer des planchers le reste de mes jours. Je vais balayer ce plancher s'il le faut.
    Vous ne pourriez pas le faire.
    Je ne veux pas dire que je récidiverais. Je sais que je ne le ferais pas, car j'ai des enfants et je veux qu'ils soient fiers de moi. S'il faut que je nettoie des rues pour qu'ils soient fiers de moi, cela m'importe peu. Je vais le faire pour mes enfants. Si je n'avais pas d'enfants, alors je le ferais pour mes cousins. Et si je n'avais pas de cousins, je le ferais tout simplement pour moi.
    J'ai eu des mauvaises habitudes de vie, et j'ai vu où cela mène. Je ne veux pas retomber dans ces habitudes. C'est pourquoi j'ai suivi des programmes. C'est pourquoi j'ai fait des études. Je suis devenu surveillant pour montrer cela aux gens.
    Alors, pour quelle raison principale voulez-vous obtenir une réhabilitation?
    Je veux obtenir un emploi à Manitoba Hydro. On demande une vérification du casier judiciaire même pour pouvoir travailler sur un poteau téléphonique.
    Et vous, monsieur Muhammed?
    Pouvez-vous répéter la question?
    Pour quelle raison tentez-vous d'obtenir une réhabilitation?
    La raison principale, c'est simplement d'obtenir un emploi adéquat où je n'ai pas à me démener autant que maintenant. Je suis présentement couvreur; un gars petit comme moi. Tous les gens qui travaillent autour de moi sont des géants. Mais je me rends au travail tous les jours, et que je sois réhabilité ou non, je ne m'absenterai pas une journée. Obtenir une réhabilitation me permettra de me promener avec la famille que j'aurai un jour, plutôt que de marcher avec une béquille. Je serai plus à même de subvenir à ses besoins. Donc, il faut que je sois réhabilité pour ce que j'ai fait, et je le veux également pour moi-même.
    Monsieur Fraser, je crois que vous avez dit que c'est pour des raisons professionnelles également, que c'est pour l'avancement de votre carrière.
    Pour des raisons professionnelles et pour tourner la page.
    D'accord, merci.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à M. Rathgeber.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins de votre présence.
    Monsieur Fraser, monsieur Courchene et monsieur Muhammed, je vous félicite sincèrement de vous être efforcés de reprendre votre vie en main et d'avoir réussi à le faire.
    Monsieur Fraser, j'ai une question pour vous. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que vous aviez passé du temps en prison, que vous aviez payé vos amendes et que donc, vous aviez payé votre dette envers la société. Ai-je bien compris?
    Oui. J'ai purgé ma peine. Je suis passé par la libération conditionnelle. J'ai payé mes amendes. J'ai suivi des programmes. J'ai fait tout ce que le Service correctionnel du Canada m'a dit de faire.
    Ainsi, puisque vous dites avoir payé votre dette à la société, puis-je tenir pour acquis que toutes vos victimes ont été pleinement indemnisées?
    Oui. Je devais procéder à des dédommagements importants, ce que j'ai fait. Vous pouvez donc tenir cela pour acquis, oui.
    Excellent.
    Monsieur Hutton, j'ai un certain nombre de questions à vous poser. Très honnêtement, je suis préoccupé par un certain nombre de choses que vous dites dans votre mémoire et que vous avez dites ici.
    Dans votre mémoire, vous avez dit qu'aux termes de la loi canadienne, c'est la police qui porte l'accusation et c'est la Couronne qui intente des poursuites. Donc, si une personne est trouvée coupable, elle a commis une infraction contre le Canada; ainsi, en tant que partie lésée, le gouvernement a clairement un rôle à jouer en octroyant des réhabilitations.
    Alors dites-moi, monsieur, quel rôle, s'il y en a un, les victimes jouent-elles dans cette démarche, si c'est la Couronne qui intente des poursuites et le délinquant qui se défend?
    En fait, leur rôle est minime. J'ai dit que j'ai passé plusieurs années à travailler dans le domaine de la médiation entre la victime et le délinquant. L'un des avantages de cette démarche, c'est que la victime y joue un plus grand rôle que devant les tribunaux. Mais, dans le système judiciaire, la victime ne joue pas de rôle officiel. Il est même possible qu'elle ne sache pas que l'affaire s'en va devant les tribunaux. Si elle est là, elle y sera en tant qu'observatrice et non en tant que participante. Et si elle s'adresse au tribunal, c'est habituellement seulement à la fin et une fois qu'on a déterminé si l'accusé est coupable; et s'il est trouvé coupable, la victime peut faire une déclaration. Mais la victime n'a pas...
    Sur le plan philosophique, le fait que les victimes jouent un rôle très limité dans la démarche que vous venez de décrire ne vous pose pas de problème?
    En fait, je crois que les victimes devraient jouer un plus grand rôle. C'est pourquoi j'ai passé plusieurs années à travailler en tant que médiateur entre la victime et le délinquant, car cela donne l'occasion aux victimes de participer davantage à la démarche. Je crois donc que la participation des victimes est importante, mais le système judiciaire actuel ne permet pas beaucoup aux victimes de participer.
(1645)
    Eh bien, je peux très facilement nommer 10 groupes de victimes qui soutiennent la mesure législative proposée. Si vous réclamez que les victimes jouent un plus grand rôle dans la démarche, pourquoi voyez-vous les choses aussi différemment que, disons, le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes ou que Kids' Internet Safety Alliance?
    Comme je l'ai dit, j'ai lu le projet de loi, et je n'ai rien vu qui donnait un rôle aux victimes. Dans le cadre de cette démarche, quelqu'un a demandé s'il pouvait y avoir une déclaration de la victime à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Je n'ai pas vu cela dans le projet de loi. Est-ce que cela m'a échappé?
    Ce que j'ai dit, c'est que ce projet de loi ne donne pas un plus grand rôle aux victimes.
    Je suppose donc que selon vous, tous les groupes de victimes qui se sont prononcés en faveur de cette mesure font erreur en l'appuyant?
    Je ne sais pas pourquoi ils le font. C'est leur décision. Tout ce que je dis, c'est que je n'ai pas vu un rôle pour les victimes dans ce projet de loi.
    Bien.
    En réponse à une question posée par mon ami M. Holland, je crois que vous avez dit que toute barrière mise en place pour empêcher des personnes d’obtenir un pardon n’est pas souhaitable et que la limite, telle qu'elle est établie actuellement, est bien. Je pense que vous avez peut-être déjà répondu à cette question. Vous n’appuyez pas le projet de loi C-23A non plus. Vous croyez que le statu quo qui existait avant le projet de loi C-23A était convenable et en cela, la commission des libérations conditionnelles n’a pas le pouvoir de refuser un pardon, même si elle est d’avis que son octroi est susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
    Le projet de loi a été modifié, et je ne suis pas ici pour argumenter contre le projet de loi C-23A. Dans la loi, il y a déjà un article qui accorde un grand pouvoir de discrétion; si tel est votre but, c’est déjà là. Il y a un pouvoir de discrétion considérable.
    Sauf votre respect, monsieur, vous êtes ici pour donner votre opinion au sujet du projet de loi C-23B et sur le régime de pardon en général. Donc, je vous demande votre avis à propos du projet de loi C-23A.
    D'accord.
    Je ne pensais pas que c’était nécessaire. Comme je l’ai dit, l’obtention d’un pardon n’aide pas quelqu’un à dissimuler un crime ou à éviter une enquête pour autant. La police est toujours au courant des antécédents judiciaires de la personne. Il y a deux différences. La première, c’est qu’avant le projet de loi C-23, la personne obtenait un pardon — et je suppose que c’est toujours le cas —, mais ensuite, le service de police ne communiquait pas les renseignements figurant au dossier à un employeur — ou à quelqu’un d’autre — qui voudrait une vérification, mais le service de police les conservait. Donc, obtenir un pardon ne m’aide pas à commettre un crime ou à cacher mon passé au service de police ni à nuire à une enquête qu’il voudrait faire à mon sujet. Au moment où cela a été rendu public, j’ai dit sur les ondes de la radio nationale de CBC que ce n’était pas nécessaire. Je pensais que compte tenu de son taux de réussite de 96 p. 100, le système fonctionnait très bien.
    Merci beaucoup, monsieur Hutton.
    Nous redonnons maintenant la parole à Mme Mourani.
    Madame Mourani, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Hutton, j'ai trouvé intéressante votre remarque selon laquelle ce projet de loi n'apportait rien de plus aux victimes. C'est assez intéressant. Je me demandais si vous connaissiez le projet de loi C-343.
     Monsieur Hutton, m'avez-vous entendue?

[Traduction]

    Non... j'écoutais…
    Il y a parfois un petit délai dans l’interprétation.

[Français]

    Pardonnez-moi.

[Traduction]

    Oui.
    Non, je ne le connais pas.

[Français]

    Je n'ai pas eu la traduction de monsieur.
    Vous ne connaissez pas le projet de loi C-343?

[Traduction]

    Non.

[Français]

    Si j'avais à vous le résumer rapidement, je vous dirais que c'est un projet de loi qui donne droit au maintien du lien d'emploi pendant deux ans à des personnes dont un membre de la famille a subi un acte criminel ou a commis un suicide. C'est pour les familles qui sont dans la douleur. Ça leur donne droit à une année d'assurance-emploi. C'est un projet de loi qu'a présenté ma collègue Mme Bonsant, et il a été étudié par le comité. Il franchira bientôt l'étape de la troisième lecture. Ce projet de loi a été élaboré pour les victimes, et on n'y parle que de celles-ci.
     Or les députés conservateurs ont voté contre ce projet de loi, et en comité, ils ont voté contre les articles. Ils ont voté contre un projet de loi pour les victimes. Toutefois, ce n'est pas le seul projet de loi qu'ils ont créé... Ils en ont créé plusieurs —toujours pour les criminels. C'est comme ça qu'ils disent: « les criminels », « les criminels ».
    Pensez-vous vraiment que ce gouvernement, avec toutes ses politiques qu'il se plaît à qualifier de loi et d'ordre — c'est tellement spectaculaire —, agit de la bonne manière pour les victimes et, tout au plus, pour la sécurité publique, la sécurité des gens?
(1650)

[Traduction]

    Je vais limiter mes propos. Puisqu’on m’a convoqué pour que je parle du projet de loi C-23B, je devrais concentrer mes commentaires là-dessus.
    Comme je l’ai dit, je ne vois pas beaucoup de choses qui pourraient être utiles aux groupes d’aide aux victimes dans le projet de loi.
    Je tiens à vous dire que la John Howard Society travaille aussi auprès des victimes. Une partie de notre programme est orienté vers la réadaptation. Les victimes participent activement à une partie du travail que nous effectuons auprès des contrevenants pour essayer de les aider à réparer le tort qu’ils ont causé. Donc, je suis certainement sensibilisé à cela.
    Je dirais simplement — au sens large, peut-être — que ce serait bien si les victimes pouvaient se faire entendre davantage dans le système judiciaire et correctionnel. Je dirais que ce serait une bonne chose.

[Français]

    Je crois savoir que, de toute manière, ce n'est pas le cas pour ce projet de loi.

[Traduction]

    Je n’ai rien vu dans le projet de loi qui accorderait aux victimes un plus grand rôle dans le processus.

[Français]

    Compte tenu de tout ce qu'on a pu se dire depuis plus d'une heure, pourquoi pensez-vous que ce projet de loi est là?
    On parlait du projet de loi C-23A qui a été fait spécialement pour une personne ou deux. Je vous avoue que j'ai toujours beaucoup de difficulté à comprendre qu'on fasse des projets de loi pour une ou deux personnes. La loi est faite pour être appliquée à la grande majorité. Malheureusement, il y a eu ce qu'il y a eu.
    Voici ma grande question: pourquoi, encore, ce projet de loi est-il sur la table?
    Monsieur Eidse.

[Traduction]

    Je suis conscient que le comité est préoccupé par la sécurité du public. Je comprends que l'intention du projet de loi tient compte de la sécurité du public et des secteurs vulnérables. Nous sommes soucieux de mettre le public à l'abri d'autres crimes.
    Cependant, j'aimerais rappeler au comité que quiconque a été reconnu coupable en vertu d'un crime décrit à l'article 1 sera tout de même signalé par le système de données du CIPC; en l'occurrence, les secteurs vulnérables sont protégés par la loi actuelle. J'aimerais le rappeler au public.
    Pour ce qui est de Karla Homolka ou de Graham James, ce que je considère qu'un pardon accorderait à ces personnes — les plus odieux des criminels, comme vous l'avez dit — serait qu'elles seraient capables d'obtenir un emploi. Personnellement, je ne voudrais pas que des personnes restent assises à la maison, blasées, à se demander quoi faire de leur vie. J'aimerais vraiment que Karla Homolka puisse se trouver un emploi et contribuer à la société. Sans aucun doute, la loi actuelle nous protège contre le fait que Karla Homolka travaille auprès des enfants. J'aimerais vraiment mettre en évidence qu'un pardon lui permettrait de déménager, d'être productive, d'aller de l'avant ou de faire toute autre chose plutôt que de dépendre du système d'aide sociale. Je veux qu'elle trouve un emploi, et je pense que la plupart d'entre vous en conviendront.
    Merci beaucoup, monsieur Eidse.
    Nous poursuivons avec M. Lobb.
    Merci, monsieur le président.
    Premièrement, j'aimerais dire que je suis vraiment fier des trois personnes qui sont ici aujourd'hui en raison de ce qu'elles ont réussi à accomplir. Je pense que cela témoigne bien de vos objectifs et de votre travail acharné. Vous devriez en être fiers et vos familles devraient en être fières, parce que c'est une histoire formidable. J'espère qu'à l'avenir, si vous en avez le temps, vous pourrez parler à d'autres personnes qui traversent les mêmes épreuves. Je pense que cela les motiverait beaucoup à continuer, même dans les moments les plus difficiles et tumultueux.
    Je suppose que ma première question s'adresse à M. Hutton. Je n'ai pas bien compris si vous considérez que quelqu'un comme Graham James, en raison des crimes qu'il a commis, devrait recevoir un pardon. Pensez-vous qu'il devrait recevoir un pardon?
(1655)
    Lorsque la question a fait les manchettes pour la première fois, j'en ai parlé aux médias. J'ai dit que s'il remplit les conditions requises pour obtenir un pardon, pour autant que je sache...
    Un instant.
    M. Holland, pour un rappel au Règlement.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je l'ai laissé passer un certain nombre de fois, mais nous continuons de parler d'un projet de loi qui a déjà été adopté, le projet de loi C-23A. Nous sommes saisis aujourd'hui du projet de loi C-23B; je me demande si nous ne pourrions pas limiter nos questions au sujet dont nous sommes saisis.
    Lorsque cela se produit deux ou trois fois, c'est bien, mais il semblerait que nous avons une discussion prolongée au sujet d'un projet de loi qui a déjà été adopté.
    Une des choses que j'aimerais faire, c'est d'essayer de garder les gens concentrés sur le projet de loi. À cet égard, je crois que nous devons aussi faire preuve de latitude. Nous parlons de pardon. Je suis prêt à laisser la discussion se poursuivre. Je pense simplement que nous devons tous rester concentrés, en tout temps, et non seulement sur les subtilités propres à chacune des mesures législatives.
    Mais je pense que vous n'êtes pas hors-sujet, monsieur Lobb. Vous parliez encore du pardon en général; vous pouvez donc poursuivre.
    Merci. C'était certainement dans l'intention de...
    Avant que vous ne poursuiviez, je voulais ajouter que je vous donnerai le temps nécessaire. Je voudrais rappeler que lorsqu'on assiste à une réunion comme celle-ci, elle ne porte pas seulement sur le projet de loi C-23B; il est aussi question de la Loi sur le casier judiciaire, conformément à la motion d'initiative parlementaire M-514 de Mme Cadman; donc, la question ne se limite pas à l'étude du projet de loi C-23B.
    Poursuivez, monsieur Lobb.
    Comme je le disais, je ne voyais rien de mal à ce que M. James obtienne un pardon, pourvu qu'il satisfasse aux critères, qu'il n'ait pas commis d'autres crimes et qu'il mène une vie exempte de crime.
    Je pense qu'il est important de reconnaître que c'est une carotte très alléchante. Barrett l'a comparé à une carotte. Beaucoup d'entre nous n'enfreindraient pas la loi parce que nous avons peur d'être arrêtés et il y a beaucoup de honte à cela; nous avons également peur d'aller en prison. Mais si vous avez déjà été arrêté, si vous êtes déjà allé en prison, quel genre de motivation reste-t-il pour vous inciter à vivre une vie exempte de crime? Eh bien, ce qui reste, c'est le pardon. Je détesterais voir qu'on a retiré cette option à qui que ce soit, ce qui signifie, bien entendu, que les règles doivent s'appliquer à tous et non procéder au cas par cas. Ce que je demanderais pour mes clients, je le demanderais pour lui aussi, manifestement.
    Je suis désolé. Par respect pour le temps... Merci.
    Monsieur Fraser, dans votre déclaration préliminaire, vous nous avez dit de façon très passionnée pourquoi il était si important pour vous d'obtenir un pardon. Je comprends cela. Je peux comprendre pourquoi vous voulez obtenir un pardon et pourquoi vous voulez qu'on appelle cela un « pardon » et non une « suspension du casier ».
    D’un autre côté — pas par rapport à votre cas en particulier, mais de façon plus générale au sujet de crimes précis —, certaines personnes qui sont victimes d’actes criminels diraient qu’elles ne pardonnent pas à la personne d'avoir commis les crimes. Je pense à un enfant qui a été exploité par un parent, ou à quelque chose du genre. Ces personnes ont eu des cicatrices et des conséquences émotives pendant une bonne partie de leur vie adulte, et elles ne pardonnent pas au parent ou à la personne responsable.
    Que doit faire le comité à ce sujet? Les crimes que vous avez commis sont très différents de ceux qui ont été commis par quelqu’un d’autre envers, disons, un enfant qui ne pardonne pas. Mais d’autres accordent leur pardon. Pour ce qui est du libellé, qu’allons-nous faire relativement au pardon et à la suspension du casier?
    C’est une excellente question.
    Je ne peux répondre qu'en fonction de ce que je ressens et de mes expériences personnelles. Vos arguments sont très valables. J’ai aussi été victime d’un crime. Ma maison a été cambriolée trois fois. J’ai vu ma femme pleurer. On a volé mon chien. J’ai été personnellement très touché par tous ces actes, et je ne pardonne pas à ceux qui les ont commis non plus.
    Cela dit, si jamais on arrête ces personnes, qu’elles sont jugées et condamnées et qu'après leur sortie de prison, elles gardent la paix pendant cinq ans, je pense qu’elles devraient avoir la possibilité d’obtenir un pardon, peu importe si je leur pardonne ou non. C’est personnel. C’est malicieux, mesquin et rancunier. Oui, on a fait irruption dans ma maison, pris mes affaires, violé tous mes biens, etc. J’ai le droit de ressentir de la colère et de leur en vouloir. Mais je n’ai pas le droit de me retourner et d’empêcher ces gens de devenir meilleurs. C’est vraiment ainsi que je vois les choses.
    Si nous parlons de crimes plus graves et beaucoup plus odieux, la zone devient encore plus grise. J’en conviens. En partie, j'aurais vraiment envie de dire qu’il faut les enfermer et jeter la clé. Laissons-les essayer de se débrouiller à leur sortie de prison.
    Mais en fin de compte, notre société est composée de gens compatissants. C’est une société généralement tolérante. Nous donnons une deuxième, une troisième… Je crois beaucoup en une troisième et une quatrième chance, et le Canada est un pays où c'est possible. Je pense simplement que nous assumerions une grande responsabilité, et donc énormément de conséquences, si nous devions faire marche arrière et nous contenter de dire: « Vous avez commis quatre actes criminels. Peu importe ce que vous avez fait, vous n’obtiendrez pas de pardon. »
(1700)
    Merci, monsieur Fraser.
    Nous poursuivons avec M. Rota. Bienvenue au comité, monsieur Rota.
    Merci, monsieur le président.
    Être ici aujourd’hui est très intéressant. J’écoutais, et M. Fraser a dit quelque chose de très intéressant, c'est-à-dire qu’il travaille pour une société très axée sur les résultats et il veut vraiment voir des résultats. Je sais que j’ai déjà lu cela quelque part, et il est agréable de l’entendre à nouveau. Après un pardon, le taux de réussite est de 96 p. 100. Ce sont des résultats remarquables.
    Je regarde la situation, et j’essaie simplement de démêler tout cela. Habituellement, je ne siège pas au comité. J'écoute ce que dit le projet de loi, et quand quelqu’un commet un crime, il doit y avoir un équilibre. Il y a un châtiment et une certaine forme de pénitence. On doit être puni dans une certaine mesure, mais pour moi, le système pénal doit être plus centré sur la réadaptation. Comment pouvons-nous éviter que cette personne ne récidive? Je ne vois pas cela ici. Il semble que le projet de loi met des barrières en place.
    D'un autre côté, on entend dire que les victimes n'ont pas voix au chapitre. Monsieur Hutton, vous pourriez nous dire ce que vous en pensez. Que fait le projet de loi pour les victimes afin de les empêcher d’être de nouveau victimes?
    Merci, monsieur Rota.
    Monsieur Hutton.
    Comme je l’ai dit dans le mémoire, mon expérience dans le travail auprès des victimes m'a permis de constater qu'il est très important que les victimes aient l’occasion de comprendre ce qui s’est passé, et de savoir pourquoi c'est arrivé. Et afin de se sentir en sécurité, elles veulent avoir l’assurance que cela ne va pas se reproduire. Je pense que c’est un point important. En fin de compte, elles veulent savoir qu'en quelque sorte, cette affaire a aussi eu des répercussions sur le délinquant. Elles aimeraient savoir si le délinquant deviendra une meilleure personne ou fera amende honorable, pas seulement pour elles, mais aussi pour la société. Voilà le genre de choses que j’ai entendu au cours des séances de médiation, lors des entrevues avec les victimes, dans le cadre de la préparation de la médiation, et que j’ai vu se produire.
    En fait, je pense que le projet de loi ne ferait que rendre plus difficile pour les victimes d’avoir un sentiment de satisfaction, parce qu'elles n’auraient pas l’impression que la personne évolue, qu'en étant graciée, la personne a atteint un certain niveau, a répondu à certains critères, et n’a pas commis un crime. Je pense que ce serait perdu.
    C’est exactement ainsi que je le voyais, parce que je pense que les victimes veulent pouvoir constater que oui, il y a eu une injustice envers la personne qu’elles aiment ou envers elles-mêmes. Mais elles aimeraient savoir que cette personne a peut-être changé, ou que peut-être entendre la version de l’histoire de cette personne leur permettrait de passer à autre chose.
    Si vous le permettez, je voudrais revenir au taux de succès de 96 p. 100. Je repense à ce qui s’est passé il y a des années aux États-Unis, dans le cas de la politique du « retrait après trois prises ». Je sais qu'elle portait sur la détermination de la peine, mais elle n'a réussi qu’à remplir les prisons. Il n’y avait pas vraiment de volet de réadaptation. Il n'était question que de châtiment. Quelle incidence une loi comme celle-là aurait-elle — en matière de pardon — sur le taux de réussite de 96 p. 100 que nous avons maintenant?
    Je vais laisser la question ouverte. Monsieur Fraser, je vois que vous grimacez, en quelque sorte. Monsieur Hutton, je sais que vous avez probablement quelques opinions à ce sujet aussi.
    Allez-y, monsieur Fraser.
    En fin de compte, je pense que vous allez éliminer ce 96 p. 100. Je réfléchissais à une façon de le dire avec éloquence, mais c’est vraiment ce qui va se passer, parce que personne n'obtiendra de pardon.
    Je reviens à ma déclaration préliminaire. Quand j’ai été arrêté, un incident m'a valu 11 chefs d'accusation pour actes criminels. Et ce n'est que pour un incident. Cela signifie que la police s'est présentée à ma porte en disant: « Monsieur Fraser, vous êtes en état d’arrestation ». Et pourquoi m'arrête-t-on? Les policiers ont dressé la liste.
    Voici aussi un fait intéressant. En droit canadien, les avocats de la Couronne ont le choix, pour certaines infractions, de procéder par voie de déclaration sommaire de culpabilité ou par mise en accusation. Dans de nombreux, nombreux cas — du moins au Manitoba —, j’ai vu des gens qui auraient dû être poursuivis par voie de déclaration sommaire voir les accusations être élevées à une mise en accusation. Pourquoi? Un avocat de la Couronne cherche peut-être à faire avancer sa carrière. Il y a peut-être une zone grise là aussi.
    Mais le 96 p. 100 sera éliminé, monsieur. Ce qui se passerait, c'est qu'il serait réduit à zéro, parce que personne ne pourrait obtenir un pardon.
(1705)
    Merci.
    Monsieur Hutton, avez-vous un commentaire?
    Nous avons 10 secondes.
    Je serai bref.
    Je pense que le processus de réadaptation commence en prison. Et la libération conditionnelle est un outil que les agents de probation ou de libération conditionnelle peuvent utiliser avec leurs clients afin de les encourager, avant même qu’ils aient quitté l’établissement, en leur disant: « Voici quelque chose que vous pouvez chercher à atteindre ». Nous leur enlèverions cette option. Je pense que ce ne serait pas utile à la sécurité publique.
    Merci beaucoup, monsieur Hutton.
    Nous passons à M. Norlock, s’il vous plaît.
    Je tiens également à remercier les témoins, surtout ceux qui ont affronté notre système de justice pénale et ont été assez courageux et ont eu assez confiance en eux-mêmes pour avoir le courage de venir raconter leur histoire.
    J’écoutais beaucoup de témoignages. Bien sûr, je ne peux pas parler pour le Manitoba, mais — mon collègue et compagnon au caucus — le secrétaire parlementaire et moi avons environ 60 ans d’expérience dans le service de police et 60 ans d’expérience en matière de détermination de la peine et de travail à la cour. Donc, je peux vous dire qu'en Ontario — en général, pas toujours — dans le cas des infractions mixtes, la Couronne a tendance à opter pour la déclaration de culpabilité par procédure sommaire, à l'issue de négociations.
    Quand il y a de multiples accusations, la Couronne a tendance — mais pas toujours — à combiner les accusations, et il y a une condamnation pour l’une des trois ou quatre infractions, en particulier lorsqu'il s'agit de trois ou quatre vols ou d'introductions par effraction en série découlant d'un même ensemble de facteurs circonstanciels. Encore une fois, on ne peut parler que de manière générale, mais je parle en fonction de mes 60 années d’expérience. J’ai été un fonctionnaire de la cour dans deux municipalités de l’Ontario; j'ai donc été quotidiennement témoin de cela. Je pense que certaines des craintes et des questions soulevées sont atténuées par mon expérience pratique de ce qui se passe en cour.
    Je m'intéresse particulièrement à certaines des déclarations qui ont été faites au sujet de la capacité de passer à autre chose. Nous avons plusieurs députés autour de la table, mais je prends le pouls de la communauté dans les endroits où Monsieur et Madame Tout-le-Monde ou les Ontariens ordinaires vont pour socialiser. Il fut un temps où le vendredi soir, ils pouvaient aller dans un pub, mais aujourd’hui nous allons au café, et j’écoute ce qui se dit, en général.
    J’ai entendu quelques-unes des observations faites ici, relativement à savoir pourquoi telle ou telle chose se produirait, et pourquoi le gouvernement devrait faire ceci ou cela. Je pense que ce que nous avons eu, c'est une expérience collective fondée sur la perception générale. Les Canadiens réagissent d’une certaine façon, et les gouvernements répondent aux sentiments et aux aspirations du citoyen moyen.
    Lorsqu'on va dans les cafés, chaque fois qu'on sort en public, on ne dit pas nécessairement ce qu'on a fait au bénéfice de tous ceux qui veulent écouter. Mais surtout à M. Fraser, étant donné qu'il travaille dans le domaine des communications, avec cette voix d'animateur de radio...
    Je pose la question parce que j’ai appuyé une motion — je vais couper une bonne partie des trucs parlementaires —, qui dit:
Que le Comité permanent de la sécurité publique et nationale reçoive instruction d'entreprendre un examen de la Loi sur le casier judiciaire et de faire rapport à la Chambre dans les trois mois sur la manière de renforcer cette loi afin que la Commission nationale des libérations conditionnelles fasse passer la sécurité publique en premier dans toutes ses décisions.
    C’était la question posée à la Chambre des communes. Il y a eu 285 voix pour et aucune voix contre.
    Donc, en utilisant ce que je viens de dire et compte tenu des directives du comité, pouvez-vous nous dire brièvement ce que vous en pensez? Nous pouvons commencer par M. Fraser, passer aux trois autres, et peut-être poursuivre avec M. Eidse par la suite.
(1710)
    Quand je suis assis dans les cafés, que je vais dans un pub, ou que j'assiste à une partie avec mes amis — des trucs comme ça —, on s'entend tous pour dire que nous devons être plus sévères en matière de criminalité, que nous devons punir les gens et les enfermer. Mais vous avez raison de dire que je ne l’avoue pas. Si je suis avec mes proches amis, ils le savent déjà. Si je suis avec quelques connaissances, de toute évidence, je ne dirai rien.
    Ayant vécu des deux côtés de la clôture, pour ainsi dire, je pense que ce que vous dites a du mérite. Nous devons être plus sévères en matière de criminalité et peut-être avoir des peines plus sévères. Toutes ces choses s'appliquent. Mais en fin de compte, quelqu’un m’a donné une chance, c’est tout ce qu’on a fait. J’ai eu le choix de renverser la situation, de saisir cette occasion ou de la gaspiller, comme je l’ai fait dans le cas de plusieurs milliers d’autres choix. J’ai fait le bon choix cette fois-là et j'ai profité de l’occasion, et cela m’a été très bénéfique.
    Malheureusement, puisque j'ai une idée de ce qui se passe des deux côtés de la clôture, si la loi est adoptée, je ne pourrai peut-être pas, à l'avenir, offrir ce genre d'occasion à quelqu’un d’autre. Essentiellement, cela revient au fait que nous avons besoin de peines plus sévères et plus fermes, mais si nous mettons en place trop d’obstacles et de restrictions, nous finirons par fournir à des gens qui ont déjà une attitude très blasée et cynique — et nous leur réaffirmerons ce qu'ils croient déjà savoir — l'occasion de dire que le monde entier est contre eux. Ils ne seront pas en mesure de reconnaître les occasions quand elles s'offriront à eux. Voilà vraiment de quoi il est question, monsieur.
    Monsieur Eidse, il reste 10 secondes.
    Je voudrais simplement dire que je pense qu'il n'y avait aucune voix contre parce que tout le monde est favorable au renforcement de la sécurité publique. Le mandat du comité consiste à entendre les témoignages, à regarder les faits, et à rendre une décision fondée sur les faits, quelle que soit l’humeur du public.
    Merci, monsieur Eidse.
    Monsieur Holland.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que c’est de cela qu'il s'agit. Je pense que chaque parti, chaque député élu, est favorable à la sécurité publique. Je ne pense pas qu'il y ait un député pour la criminalité ou contre le fait d'assurer la sécurité des gens, mais si vous écoutez une partie du discours, vous pourriez en arriver à une conclusion différente. Je pense que la vérité, c'est que c'est ce que nous voulons tous. La question est, quelle est la meilleure méthode pour le faire? C’est là où nous divergeons.
    Sur ce, nous devons regarder ce qui est à l'ordre du jour aujourd’hui, et c’est la raison pour laquelle j’ai invoqué le Règlement, plus tôt. Le projet de loi C-23A est fait, il est adopté; la situation de Karla Homolka et de Graham James est donc réglée.
    En toute franchise, ce que nous avons maintenant devant nous, en vertu du projet de loi C-23B a beaucoup à voir avec les messieurs qui sont avec nous aujourd’hui. Et ce que j’ai entendu un certain nombre de fois de la part de ceux d'en face, c'était: « Eh bien, nous ne voulons pas voir quelqu’un comme vous, vous ou vous ne pas pouvoir sortir et saisir ces occasions. » J’ai entendu un certain nombre de gens dire: « Eh bien, nous ne songeons pas à vous quand nous pensons à cela. » Et si je me trompe, si j’ai mal compris, je vous prie de me corriger, mais c’est ce que j’ai entendu.
    Le problème, c'est que dans sa forme actuelle, c’est ce que fait cette mesure législative. Aucun de ces hommes qui se sont présentés devant nous aujourd’hui ne serait admissible à un pardon, ou appelez cela une suspension du casier — peu importe le nom qu’on lui donne —, si ce projet de loi était adopté. Je pense que cela devrait nous donner à réfléchir, car, quand on voit ce qui se passe dans la vraie vie et dans des circonstances réelles, cela a une tout autre signification.
    À ce propos — on parle de réadaptation —, si nous voulons vraiment assurer la sécurité des gens et réduire la victimisation, de pas avoir de victimes, alors nous avons besoin de réadaptation. M. Rota a parlé des 96 p. 100. Il a aussi parlé des effets que cela aurait. Mais, précisément, je pense que vous, messieurs, êtes dans une position unique pour nous parler de l’importance — en tant que source de motivation — de cette lumière au bout du tunnel pour quelque chose comme un pardon.
    Comme vous en avez fait l'expérience — et beaucoup d’entre vous vivent une vie exempte de crime et sans rechute depuis maintenant de nombreuses, nombreuses années —, pouvez-vous parler de l’importance qu'a pour vous la lumière au bout du tunnel, comme facteur de motivation dans votre réadaptation?
    Peut-être que je pourrais commencer par M. Muhammed, parce que je n’ai pas eu l’occasion de l’entendre la dernière fois.
(1715)
    Pour moi, c’est comme une motivation, un but qui vaut bien tous mes efforts et qui m’apportera quelque chose à la fin. Ensuite, ma famille me verra différemment; elle le fait déjà. Réaliser ces choses me permet de découvrir en moi les qualités qu’ils décèlent. Voilà ce que cela représente pour moi.
     Je poserais peut-être la même question à M. Fraser, et aussi à M. Courchene, légèrement dans le sens contraire. Il va de soi que vous devez traverser des moments difficiles pendant que vous réfléchissez à ce qui vous a amené à commettre des erreurs et à la façon dont vous pouvez vous améliorer et apporter une contribution positive à votre collectivité et votre vie. Quelle importance cet espoir, la possibilité d’obtenir finalement la réhabilitation si vous restez dans le droit chemin, revêt-il dans votre processus de réadaptation?
     Je pense m’être réadapté depuis très longtemps. En ce qui me concerne, c’est incroyablement important parce que, si vous ne l’avez pas encore remarqué, mon comportement est plutôt de type A. Je suis plutôt orienté vers les buts et les résultats. J’assume pleinement la responsabilité de tout ce que j’ai fait dans ma vie, et je ne considère pas la réhabilitation comme un genre de félicitations pour avoir été un bon garçon. Pour ma part, la réhabilitation est en fin de compte une restauration de ma crédibilité, mais je ne peux parler qu’en mon nom. Je travaille pour une industrie très implacable; je travaille dans les médias, le domaine des communications, où l’on est constamment scruté à la loupe. Vous savez ce que c’est, car je scrute ce que vous faites à la loupe — enfin, pas moi, personnellement. Mais c’est une question de crédibilité.
     Ce qui est difficile pour moi, c’est que dans mon industrie, j’ai des pairs, des collègues influents qui m’examinent et qui pensent que j’ai dû, d’une manière ou d’une autre, utiliser des moyens détournés pour parvenir là où je suis. Selon eux, personne ne peut faire ce cheminement en sept ans sans jouer de son influence. Chaque jour, je lutte contre cette perception. Si j’obtiens la réhabilitation, je serai blanchi. Cette réhabilitation, ce bout de papier, justifiera tous les efforts que Taz a déployés pour regagner son estime de soi.
     Donc, c’est énorme. Pour répondre à votre question, monsieur, c’est extrêmement important.
    Veuillez être très bref, monsieur Courchene.
    Durant ma jeunesse, je ne savais même pas ce qu’était une vie normale. Je pensais qu’être le meilleur bandit qui soit était la norme, car c’était le milieu dans lequel j’évoluais. Mais lorsque j’ai intégré le programme BUILD, on pourrait dire que je côtoyais différentes sortes d’Indiens. Ils menaient des vies normales. Ils m’ont montré à quoi cela pouvait ressembler: aller au travail tous les jours, prendre soin des membres de sa famille et faire des sorties avec eux. Dans le cadre du programme BUILD, j’ai suivi des cours qui m’ont permis de redécouvrir ma culture. Ils m’ont fait participer à des sueries et m’ont montré comment les gens de ma culture vivaient. J’ai suivi des cours de maîtrise de la colère à la Société John Howard.
    Lorsque le juge a prononcé ma sentence, il a déclaré: « Cet homme n’a pas besoin de nouvelles peines d’emprisonnement. Il a besoin de suivre des programmes et de la réadaptation; il a besoin de fréquenter les Alcooliques anonymes. » Ce que nous devons faire, c’est déterminer ce qui motive les crimes et comment nous pouvons inciter les délinquants à suivre un programme pendant leur incarcération. Ainsi, ils sauront comment ils sont censés agir lorsqu’ils seront relâchés dans la société.
    Merci beaucoup, monsieur Courchene.
     Nous allons maintenant passer à Mme Bonsant.

[Français]

    Normalement, je ne siège pas à ce comité. Je vais tout de même vous poser des questions.
    Ça prend beaucoup de courage à vous, les jeunes, pour être ici aujourd'hui et pour dire ce à travers quoi vous êtes passés. M. Fraser aussi est jeune. En effet, il est plus jeune que moi.
    Moi aussi, je me suis fait voler à la maison. J'ai remplacé mes biens, et j'ai installé un système d'alarme. Ça a réglé le problème. On a toujours quelqu'un autour de nous qui a fait une erreur, et qui a payé son dû à la société. Je crois que ce n'est pas à nous de juger ces gens une deuxième, une troisième ou une quatrième fois. Vous vous êtes responsabilisés, puisque vous êtes ici aujourd'hui. Vous avez décidé de faire un pas de géant dans la société, et pour cela, je vous lève mon chapeau.
    Il y a 96 p. 100 des gens qui sont réhabilitables. Or les gouvernements des provinces disent toujours qu'il y a une pénurie de main-d'oeuvre professionnelle.
    C'est votre but, monsieur Courchene, d'être un professionnel. Vous avez suivi des cours postsecondaires. J'aimerais que vous expliquiez à ce gouvernement un peu rétrograde à quoi vous servirait un pardon. Est-ce que ça vous servirait à progresser encore plus, à devenir une personne qui paie ses impôts, qui élève ses enfants, qui les aime, qui leur offre un avenir meilleur?
(1720)

[Traduction]

     Cela m’aiderait, car je décrocherais un meilleur emploi. Qu’il s’agisse de PCL, d’Hydro Manitoba, de JEDS Construction, ils exigent tous une vérification du casier judiciaire. Même pour retourner à l’école… j’essaie d’être admis au Red River College.
     Je suis certain que l’examen de ma demande comprendra également une vérification du casier judiciaire. Mais, si je pouvais obtenir la réhabilitation, je serais en mesure de m’élever dans la hiérarchie. Mon salaire serait plus élevé. Je ne serais pas coincé à tout jamais à 9,50 $ de l’heure. Je suis maintenant payé 17,10 $ de l’heure. Je veux simplement gagner davantage d’argent pour subvenir aux besoins de ma famille.
     Si je pouvais obtenir le Seau rouge de charpentier, je pourrais démarrer ma propre affaire. Je pourrais enseigner à mes cousins, à mes tantes et à mes oncles comment faire comme moi. Ensuite, ils ne dépendraient plus de l’aide sociale. Ils n’auraient pas besoin de mener le style de vie qu’ils mènent à l’heure actuelle. J’essaie de créer un programme pour aider les membres de ma propre famille, leurs amis et les amis de leurs amis. Mais j’ai besoin d’une réhabilitation pour aller de l’avant dans ma vie et accomplir toutes ces choses.

[Français]

    Je suis contente que vous disiez cela. En plus d'être une personne qui s'est réinsérée dans la société, vous allez créer des emplois, et c'est ce qu'il faut faire. Vous avez une vision extraordinaire, et je vous lève mon chapeau.
    J'aimerais entendre M. Muhammed pour savoir — gardons en tête ce contexte de pénurie de main-d'oeuvre — s'il a le goût d'aller plus loin, d'apprendre un métier pour qu'un jour, lui aussi, s'il veut une famille, puisse être un bon papa, et ainsi de suite.
    Comment un pardon pourra-t-il dorénavant vous aider dans votre vie?

[Traduction]

    Obtenir la réhabilitation m’aiderait beaucoup à tous ces égards. Cela m’aiderait à passer de l’emploi que j’exerce en ce moment à celui que j’exerçais auparavant et qui consistait à aider les enfants handicapés, à subvenir aux besoins de ma famille et à restaurer ma crédibilité. J’aimerais beaucoup cela.

[Français]

    Combien de temps me reste-t-il?

[Traduction]

    Il vous reste une minute.

[Français]

    D'accord.
    Comme je l'ai dit plus tôt, il y a beaucoup de personnes dans notre entourage qui ont fait des erreurs. J'en connais une qui a payé son dû aujourd'hui, en quelque sorte. Cette personne aussi a une entreprise et elle aussi a créé de l'emploi.
    Qu'est-ce les gens qui font partie des 96 p. 100 de ceux qui sont réhabilitables peuvent apporter dans toutes les petites communautés rurales et urbaines au Québec et au Canada? Je parle plutôt du Québec, puisque je connais mieux cette province. Je ne connais pas le Manitoba ni tous les programmes qui y sont offerts. Pouvez-vous évaluer ce que ça pourrait apporter aux collectivités et aux communautés dans vos domaines respectifs?

[Traduction]

    Merci, Madame Bonsant.
     Je ne sais pas qui aimerait répondre à cette question.
     Monsieur Hutton, je vois que vous avez le doigt levé.
    Il y a un autre aspect dont nous n’avons pas encore discuté. Avant de faire du bénévolat à votre école, à celle de votre enfant ou au club communautaire, il est très important que votre casier judiciaire soit vérifié.
     Ce n’est pas qu’une question de travail; c’est également important si l’on désire jouer un rôle plus complet dans la collectivité. Vous ne voudriez pas que le principal de votre école sache que vous avez passé plusieurs années en prison; cela pourrait vous empêcher de faire du bénévolat à l’école. Cela a donc d’immenses conséquences.
    Merci beaucoup, monsieur Hutton.
     Nous allons maintenant passer à M. Davies.
    Merci, monsieur le président.
     Au printemps, en réaction à quelques cas très médiatisés — la réhabilitation de Graham James et la possibilité que Karla Homolka l’obtienne —, le Parlement s’est réuni et tous les partis ont collaboré à apporter quelques changements à la Loi sur le casier judiciaire.
     Nous avons fait passer à dix ans la période que les gens reconnus coupables d’homicides involontaires, d'infractions sexuelles perpétrées contre des enfants et de sévices graves à la personne devaient attendre avant de présenter une demande de réhabilitation. Nous avons accordé à la Commission nationale des libérations conditionnelles un vaste pouvoir discrétionnaire qui l’autorise à refuser d'octroyer la réhabilitation dans tous les cas où une telle mesure serait susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.
     Nous sommes ici aujourd’hui parce que le gouvernement veut aller plus loin. Certains d’entre nous assis à ce côté de la table pensent que le système est maintenant réparé. Les problèmes qui existaient ont été résolus grâce aux modifications que nous avons incluses dans le projet de loi C-23A. Je tiens à m’exprimer clairement à cet égard. J’estime que nous avons pris les mesures nécessaires pour corriger certains des éléments préoccupants.
     Je veux aller au coeur de la question. Vous avez dit que le projet de loi dont nous sommes saisis mettrait tout le monde dans le même bateau. Cela voudrait dire que toute personne ayant commis plus de trois actes criminels serait empêchée à jamais d’obtenir la réhabilitation, même si elle avait perpétré tous ces actes pendant un week-end d’enfer quand elle était âgée de 18 ans et qu’elle avait passé les 25 dernières années à se comporter parfaitement. Certaines personnes ne seraient jamais en mesure d’obtenir la réhabilitation, même si elles n’avaient commis qu’une seule infraction. Cela voudrait également dire que toute personne ayant commis un seul acte criminel serait forcée d’attendre dix ans avant même de pouvoir présenter une demande de réhabilitation.
     En fin de compte, ce que j’aimerais savoir, c’est combien d’entre vous considèrent que cette mesure législative aidera les délinquants à se réinsérer dans la société, et quelle incidence cela aura-t-il sur la sécurité publique?
(1725)
    Je ne vois personne se précipiter pour répondre.
     Monsieur Eidse, allez-y.
    Je ne vois certainement pas cela comme une contribution positive aux efforts de réintégration que déploient bon nombre de gens avec lesquels je travaille.
     Je pense que cinq années sont déjà une très longue période de temps. Dans le cadre de mon travail, je remarque que, emploi après emploi, les gens se heurtent à des difficultés. Ils sont incapables d’obtenir des promotions dans leur travail; ils sont souvent forcés de travailler dans les mêmes industries, même s’ils souhaiteraient faire autre chose.
     Taz a essayé de travailler avec des enfants handicapés. Il faisait un travail formidable et possède d’excellentes références. Les enfants et le personnel là-bas l’adoraient. Ils souhaitent le réembaucher s’il obtient la réhabilitation, mais il se peut qu’il ne l’obtienne pas et qu’il ne soit pas en mesure de travailler dans ce domaine. À l’heure actuelle, il recouvre des toitures et cela lui plaît, mais je pense que quelqu’un ayant les compétences de Taz devrait avoir d’autres perspectives. Je pense que cinq ans, c’est très long.
     Comme John l’a mentionné, lorsque quelqu’un a fait ses preuves, lorsqu’il a prouvé qu’il était capable d’aller de l’avant pendant cinq années, de surmonter les énormes obstacles qui se mettent quotidiennement en travers de sa route après sa libération de prison, sa sortie de notre système carcéral fédéral, de le faire jour après jour et de s’en sortir, celui-ci mérite la réhabilitation.
     Je pense que dix années suffiraient à briser la volonté de quelqu’un, et je ne crois pas que cela en vaut la peine du point de vue de la sécurité publique.
    Je veux simplement me pencher un peu sur les victimes. En avril, l’ancien ombudsman des victimes, Steve Sullivan, a comparu devant notre comité et a parlé des besoins de leurs victimes. Il a mentionné un discours que le premier ministre Harper avait prononcé à l’occasion de l’ouverture du colloque sur les victimes d’actes criminels, et il a dit à son sujet ce qui suit:
Cependant, j'ai été un peu déçu qu'il ait poursuivi son discours en faisant principalement état du traitement réservé aux délinquants. Le jour où nous aurions dû nous souvenir des victimes d'actes criminels et les reconnaître, il a parlé de Karla Homolka, Clifford Olson et Graham James. Et je peux vous dire que lorsqu'il est parti et que les discussions ont repris parmi les représentants d'organismes de services aux victimes, nous avons parlé de tout autres choses.
    Il a fait état de certaines des questions que vous nous avez exposées dans le détail. Les victimes souhaitent vraiment que les délinquants ne récidivent pas. Ces gens veulent être en sécurité. Ils désirent s’assurer que ces délinquants ne feront pas de mal à qui que ce soit d’autre. Ils souhaitent qu’ils comprennent le mal qu’ils ont causé et qu’ils en mesurent l’étendue. Je pense que c’est essentiellement ce que les victimes disent souhaiter pour notre pays.
    Comme M. Rathgeber l’a indiqué, je pense, ce n’est pas comme si les victimes étaient complètement partiales à ce sujet. Elles ont témoigné, et elles affirment quotidiennement dans les cafés de notre pays qu’elles souhaitent que les délinquants réussissent. Les victimes désirent également que vous deveniez des membres productifs de la société parce qu’après tout, c’est la meilleure façon d’assurer la sécurité publique.
    Je veux simplement savoir si l’un d’entre vous a quelques dernières observations à formuler à ce sujet et peut-être sur la façon dont votre réhabilitation pourrait servir les intérêts des victimes.
    Je peux certainement répondre à cette question.
     Personnellement, j’ai constaté que, d’un point de vue idéologique, ma façon de penser avait changé du tout au tout en relativement peu de temps. Je suis devenu plus enclin à prendre des initiatives dans ma collectivité, à donner de mon temps, et j’ai traversé le pays pour venir à Ottawa. La ville me plaît beaucoup.
     Je mentionne ces activités, car je ne les avais jamais exercées avant. J’ai commencé à les pratiquer parce que j’ai vu les deux côtés de la médaille. J’ai été victime d’un acte criminel — et croyez bien, madame, que je possède maintenant un système d’alarme. J’ai appris à faire preuve d’empathie, et mes expériences personnelles bonnes et mauvaises m’ont permis de comprendre que nous avions besoin d’apprendre.
     Vous avez parfaitement raison, monsieur, les gens sont magnanimes. Ils désirent effectivement voir les anciens délinquants réussir. Ils veulent nous voir accomplir tout ce que nous pouvons. Je ne crois pas qu’ils souhaitent l’adoption ce genre de mesure législative qui élèvera des barrières et qui limitera leurs chances de tourner la page et de voir leurs voeux exaucés.
     Lorsque j’étais en prison… j’ai été témoin de cas très intéressants de justice réparatrice. J’étais dans la pièce lorsqu’un homme qui avait assassiné une fille a fait face à sa mère. Si une situation risque de mal tourner, c’est certainement celle où la mère d’une enfant assassinée s’assoie devant son meurtrier pour en parler.
     Je pense que ce que vous dites est absolument vrai. Par conséquent, si l’on met en oeuvre une mesure législative qui met tout le monde dans le même bateau, les situations dans le genre de celles que je viens de décrire ne se produiront jamais. Voilà tout.
(1730)
    Je vous remercie tous infiniment d’avoir accepté de comparaître aujourd’hui.
     Je parle certainement au nom du comité lorsque je dis qu’il est toujours bon d’entendre les histoires des gens. D’un autre côté, nous écoutons aussi les histoires des victimes et les histoires de nombreux types de délinquants qui ne se sont pas toujours réadaptés et qui ne se sont pas toujours réinsérés dans la société.
     Nous vous remercions d’être venus et de nous avoir donné votre opinion au sujet du projet de loi.
     La séance est maintenant levée.
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