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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 005 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er avril 2010

[Enregistrement électronique]

(1305)

[Français]

    À l'ordre. La cinquième séance du Sous-comité des droits de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international débute aujourd'hui, le 1er avril 2010.

[Traduction]

    Comme vous le savez, c'est aujourd'hui la journée du poisson d'avril mais on me rappelle toujours qu'elle se termine à midi. Passons donc aux choses sérieuses puisque nous sommes aujourd'hui saisis d'une chose très sérieuse.
    Nous accueillons deux invités d'excellente réputation au sujet de nos audiences sur l'examen périodique universel. Il s'agit de Leilani Farha, directrice générale du Centre pour les droits à l'égalité au logement, et Alex Neve, secrétaire général d'Amnesty International, section canadienne anglaise.
    Avant de leur donner la parole, nous avons quelques questions d'ordre pratique à régler.
    Tout d'abord, je tiens à attirer votre attention sur une erreur de procédure que j'ai commise et qui m'a été signalée par notre greffier et notre greffier adjoint. En ce qui concerne la période des questions, nous avons adopté une règle disposant que...
    En fait, je vais vous lire la règle :
que pendant l’interrogation des témoins, à la discrétion du président, sept (7) minutes soient accordées au premier intervenant de chaque parti; et par la suite, cinq (5) minutes aux autres intervenants (en alternance entre le parti ministériel et les partis d’opposition)
    Lors de la dernière session, je n'avais pas appliqué cette règle du deuxième tour. J'appliquais à nouveau celle du premier tour. Je n'avais pas réalisé que je faisais cette erreur avant que le greffier me la signale lors de la dernière séance. Je dois donc suivre la règle, à moins que le comité décide d'en changer. Cela changera donc un peu le déroulement du deuxième tour. C'était la première question.
    La deuxième consiste à vous rappeler qu'il y a eu une demande de comparution au sujet de la situation de Nathalie Morin qui, comme vous le savez, est actuellement retenue en Arabie Saoudite. Nous ne sommes pas obligés de faire cela maintenant mais je voudrais sonder les membres du comité pour savoir si cette question les intéresse. Dans l'affirmative, nous devrons fixer une date de réunion à ce sujet.
    La troisième chose concerne l'étude des droits de la personne au Venezuela. Je rappelle aux membres du comité qu'ils doivent présenter leurs listes de témoins potentiels au greffier.
    Y a-t-il une date limite à ce sujet? Non?
    Évidemment, le plus tôt sera le mieux.
    La quatrième question concerne la discussion que nous avons eue sur l'idée d'inviter quelqu'un de Patrimoine canadien au sujet des audiences d'EPU. D'un point de vue pratique, ce ne sera pas possible — à moins de prévoir une autre séance — et cela m'amène à la motion de M. Marston.
    Monsieur le président, je pense qu'il est important, si nous décidons d'inviter divers témoins, d'inviter aussi quelqu'un de Patrimoine canadien, du comité permanent. Je propose donc une prolongation d'une journée pour ce faire.
    Tout le monde est-il d'accord?
    (La motion est adoptée.)
    Le président : Pour répondre à une question que posait M. Oliphant lors de la dernière réunion, c'est effectivement Patrimoine canadien qui gère ce dossier, pour des raisons que notre témoin pourra peut-être nous expliquer... quand il ou elle arrivera.
    Des voix : Oh!
    Le président : Non, pas ces témoins-ci.
    Nous arrivons donc à la question suivante : lequel de nos deux témoins va commencer?
    Alex, de la section canadienne anglaise d'Amnesty International, vous avez la parole.
    Merci, monsieur Reid, et bon après-midi aux membres du comité. Je suis très heureux de comparaître à nouveau devant vous sur une question dont j'ai déjà eu l'occasion de discuter avec vous. C'est à l'évidence une question d'intérêt considérable pour Amnesty International et bien d'autres organisations du Canada.
    Je pense pouvoir dire sans crainte d'être contredit que l'un des résultats les plus importants et les plus novateurs du processus de réforme des droits de la personne à l'ONU qui a commencé en 2005 a été l'établissement du processus d'examen périodique universel sous l'égide du Conseil des droits de l'homme nouvellement créé. Le Canada, et c'est tout à son crédit, a été un champion remarquable de l'effort d'instauration du nouveau processus d'examen. Nous sommes aujourd'hui à mi-chemin de la première série d'examens et le Canada fait partie des 112 pays qui ont maintenant fait l'objet du processus.
    Le processus d'examen universel signifie que, pour la première fois, chaque pays, aussi puissant soit-il, et même s'il était passé sous le radar auparavant, passera sous le microscope de l'examen international des droits humains. Il est crucial que ce processus soit couronné de succès car nous avons besoin depuis longtemps de ce genre d'examen universel des droits de l'homme.
    Le Canada se doit de donner le meilleur exemple possible à la communauté internationale quant à la manière dont il participe à ce nouveau processus, tant du point de vue de la manière dont nous abordons l'examen d'autres pays que de la manière dont nous abordons le nôtre.
    Je tiens à souligner que cela ne constitue pas le seul processus d'examen des droits de la personne au niveau de l'ONU auquel le Canada et les autres pays sont assujettis. Comme le savent les membres du sous-comité, le Canada et tous les autres États de l'ONU ont officiellement ratifié un certain nombre de traités particuliers de l'ONU sur les droits de la personne dont tous comportent des processus d'examen. Tous ces traités prévoient par exemple l'obligation de fournir des rapports d'étape, généralement une fois tous les quatre ans, à des comités d'experts constitués pour en vérifier l'observation. Ces comités examinent le bilan des États — dont le nôtre — et formulent des recommandations d'amélioration.
    En outre, pour certains de ces traités, les particuliers peuvent également formuler leurs propres plaintes de transgression des droits. En ce qui concerne le Canada, c'est le cas de trois traités — le Pacte relatif aux droits civils et politiques, la Convention contre la torture, et la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Si le comité estime que la plainte est fondée, il adresse des recommandations à l'État — le Canada — sur ce qu'il doit faire pour y remédier.
     Finalement, il y a aussi des experts désignés par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour examiner des questions particulières de droits humains, comme les droits des migrants, les droits des peuples indigènes, le droit à un logement adéquat, etc. Ces experts, qui comprennent des rapporteurs spéciaux et des groupes de travail, effectuent souvent l'étude approfondie de la situation dans un pays donné. Certains, dont les trois que j'ai mentionnés, se sont penchés sur le bilan du Canada dans les domaines correspondant à leur mandat, et eux aussi publient des rapports contenant des recommandations d'amélioration.
    Je mentionne tout cela parce que c'est un aspect central de l'argument principal que je souhaite présenter cet après-midi. Quand il s'agit du bilan de n'importe quel pays en matière de droits humains, ce qui compte avant tout, ce ne sont pas les traités, les promesses ou les examens, ce sont les preuves de conformité et de mise en oeuvre. Or, c'est à cet égard que la plupart des pays sont déficients. Quasiment tous, même ceux dont le bilan en matière de droits humains est absolument abyssal, ont signé des traités, ont fait des promesses et ont fait l'objet d'examens semblables à ceux dont je viens de parler. Quasiment tous, cependant, sont déficients quand il s'agit de prendre des mesures concrètes pour mettre en oeuvre ce qui résulte de ces examens.
    Cette déficience est troublante depuis longtemps en ce qui concerne le Canada. Depuis maintes années, des recommandations ont été formulées à la suite de tous les examens dont j'ai parlé. Les questions soulevées concernent un large éventail de préoccupations graves en matière de droits humains, que les Canadiens connaissent bien : situation des peuples autochtones, pauvreté, sans-abrisme, discrimination raciale, droits des enfants, égalité des femmes, réfugiés et immigrants, protection contre la torture, et j'en passe.

(1310)

    Bon nombre de ces questions ont été maintes fois communiquées au Canada au cours des 15 à 20 dernières années, avec des résultats beaucoup trop insuffisants. Aujourd'hui, ces mêmes préoccupations et recommandations constituent un élément central des questions soulevées dans le cadre du récent EPU.
    La question centrale qui se pose est celle-ci : qu'est-ce qui entrave la mise en oeuvre et comment pouvons-nous nous assurer qu'elle sera meilleure cette fois-ci — avec l'EPU — afin de ne pas être remise en cause lors des prochains examens?
    Les recommandations sont transmises au Canada et disparaissent généralement dans un labyrinthe qui comporte mon avis trois caractéristiques essentielles.
    Premièrement, il y a les problèmes que pose le fédéralisme. Certaines recommandations relèvent de la compétence fédérale, d'autres, de la compétence provinciale, d'autres encore, des deux, et certaines, finalement, d'on ne sait pas qui. Peut-être que personne ne veut en assumer la responsabilité. C'est là une source de confusion et aussi d'inaction.
    Deuxièmement, il existe un vide quasi total en matière de législation et de politiques lorsqu'il s'agit du statut, de la mise en oeuvre et de l'application des obligations internationales du Canada touchant les droits humains. Les normes internationales ne peuvent pas être imposées de manière indépendante au moyen d'une procédure juridique canadienne quelconque. Bon nombre de nos obligations internationales n'ont jamais été explicitement intégrées aux lois canadiennes, même si nous les avons ratifiées au palier international. Cela veut dire que les recours possibles en cas d'infraction sont dramatiquement limités et que l'exécution de nos obligations internationales légales est laissée au bon plaisir et à l'incertitude de processus politiques plutôt qu'à la certitude et à la prévisibilité de processus judiciaires.
    Troisièmement, le leadership politique au palier fédéral est flou et décevant, et ce, depuis plusieurs décennies. Patrimoine canadien a la responsabilité de superviser la mise en oeuvre de nos obligations internationales mais détient fort peu de pouvoir ou de responsabilité en matière de droits humains, de par son programme et son mandat. Certains ministères clés — Justice, Affaires étrangères, Sécurité publique, Ressources humaines et Développement des compétences, Affaires indiennes et du Nord — sont périphériques. Il n'existe par exemple au Canada aucun ministre se disant ou se considérant responsable du dossier des droits humains.
    Les gouvernements soutiennent depuis de nombreuses années que c'est le Comité permanent des fonctionnaires chargés des droits de la personne, un comité fédéral-provincial-territorial existant depuis plus de 30 ans, qui coordonne et assure la mise en oeuvre. Ce comité se compose de fonctionnaires de niveau intermédiaire ne détenant généralement aucun pouvoir de décision au sujet de questions souvent complexes et politiquement délicates. En outre, il travaille dans un secret si total et absolu qu'il refuse même de divulguer l'ordre du jour de ses réunions.
    En qualité d'organisme facilitant l'échange d'informations entre les gouvernements au sujet des questions de droits humains, le comité permanent joue peut-être un rôle important. Toutefois, il n'a jamais été conçu pour être l'organisme assurant une mise en oeuvre redevable et transparente des recommandations importantes que l'ONU adresse au Canada au sujet des droits humains. Rien ne devrait être secret à ce sujet au Canada. Les débats concernant la manière dont les recommandations de l'ONU pourraient être mises en oeuvre devraient être accessibles à tous les Canadiens et devraient bénéficier d'un engagement politique soutenu, de haut niveau et transparent, pour faciliter une prise de décision rapide et redevable des gouvernements du pays.
    Permettez-moi d'ajouter en passant, comme je l'ai fait dans le passé, que cela fait 22 ans qu'il n'y a pas eu au Canada de réunion de niveau ministériel consacrée aux droits humains. La dernière remonte à 1988. À mon avis, cela témoigne d'un grave manque d'engagement politique et d'une absence de leadership politique dans tout le pays en ce qui concerne nos obligations internationales sur les droits humains.
    Cela ne saurait évidemment pas être la bonne manière d'envisager les recommandations de l'EPU. Les organismes des Nations Unies demandent depuis plusieurs années au Canada, avec une impatience croissante, qu'il adopte une meilleure démarche. Aujourd'hui, dans le cadre de l'EPU lui-même, de nombreux autres gouvernements implorent le Canada d'améliorer son système, et il s'agit de pays qui sont de bons amis et des alliés fidèles, comme le Royaume-Uni, le Portugal, la Norvège et le Mexique.

(1315)

    C'est là une préoccupation qui unit les groupes autochtones et les groupes de la société civile de tout le Canada. Quel que soit leur secteur d'activité, tous conviennent qu'il faut commencer par instaurer un meilleur système.
    Dans le sillage de l'examen de l'an dernier, nous avons été nombreux à écrire au premier ministre pour implorer le Canada d'appliquer la recommandation d'amélioration du système formulée par tant d'autres pays. C'est donc avec plaisir que nous avons constaté dans le rapport final du Canada répondant aux recommandations de l'EPU que cette suggestion était acceptée puisqu'on admettait qu'il existe peut-être « des possibilités d'améliorer les processus établis, notamment en ce qui concerne le suivi des recommandations de l'organisme du traité et de l'EPU  ». Ces possibilités existent à l'évidence et il est temps d'en profiter.
    Permettez-moi de conclure en mentionnant les principales recommandations formulées par les ONG à ce sujet, souvent depuis de nombreuses années.
    Premièrement, convocation d'une conférence des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux chargés des questions de droits humains. Cette conférence devrait être l'occasion de faire le point sur les recommandations de l'EPU, d'adopter un plan de mise en oeuvre commun, et de lancer un processus plus large de réforme du cadre juridique et institutionnel pour coordonner la mise en oeuvre et l'application des droits humains au Canada.
    Deuxièmement, nonobstant l'intérêt fort apprécié dont vous faites preuve, des comités parlementaires et législatifs de tout le pays devraient se pencher sur les recommandations de l'EPU dans le cadre de séances ouvertes au public. Dans ce contexte, le rapport de l'EPU devrait être déposé devant le Parlement et toutes les assemblées législatives. Le gouvernement fédéral a accepté de le faire au palier national mais, à notre connaissance, il ne l'a pas encore fait.
    Troisièmement, le gouvernement devrait travailler avec les peuples autochtones et leurs organisations représentatives ainsi qu'avec des organismes de la société civile de tout le pays pour lancer immédiatement un processus accessible et opportun de dialogue et de consultation sur les recommandations issues du dernier l'EPU, ainsi qu'un processus de préparation du Canada pour le prochain l'EPU prévu pour début 2013.
    Quatrièmement, il conviendrait de solliciter la contribution et l'avis des commissions de droits de la personne du pays sur la mise en oeuvre des recommandations.
    Finalement, le Canada devrait s'engager à faire rapport publiquement, notamment devant l'ONU, à mi-chemin de cet l'EPU, c'est-à-dire vers juin 2011, sur les progrès réalisés du point de vue de cette mise en oeuvre.
    Merci de votre attention. Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions.

(1320)

    Merci beaucoup.
    Passons directement au témoin suivant.
    Madame Farha, vous avez la parole.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser à votre sous-comité.
    L'EPU est un processus auquel je participe depuis un certain temps, notamment en ce qui concerne le Canada. Mon travail est directement relié à l'EPU. Je consacre la majeure partie de mon temps à essayer de mettre en oeuvre le droit à un logement adéquat au Canada et, dans ce contexte, je me fonde sur le droit international.
    Permettez-moi de commencer par féliciter le sous-comité d'avoir accepté d'étudier la manière dont les recommandations de l'EPU peuvent être mises en oeuvre. Je pense que cela concorde tout à fait avec les préoccupations de la société civile du Canada.
    En préparation de l'EPU du Canada, j'ai eu la chance, avec Alex et d'autres, de sillonner le pays et de rencontrer des organisations de l'Ouest à l'Est — malheureusement par du Nord au Sud, mais certainement de l'Ouest à l'Est — et j'en ai rencontré plus de 125 en tout. Ce qui m'a frappée, c'est que toutes ces organisations, même si elles s'intéressent à des questions différentes telles que les droits des enfants, les droits des femmes ou les droits des autochtones, sont d'un avis unanime au sujet de la mise en oeuvre, ou plutôt de l'absence de mise en oeuvre, des obligations internationales du Canada en matière de droits humains.
    Pendant les quelques minutes qui me restent, j'aimerais vous parler de Tanya. Qui est Tanya? Tanya est l'une de mes clientes. Elle m'a appelée il y a quelques semaines pour me parler un peu de sa vie. Elle occupe actuellement un emploi peu rémunéré. Elle a trois enfants d'âge scolaire. Après son divorce, elle a eu du mal à trouver un logement. Son revenu est maigre, elle a une grande famille et elle a rencontré pas mal de discrimination sur le marché locatif privé. Elle s'est inscrite sur une liste d'accès aux logements sociaux et on lui a dit qu'il faudrait entre 7 et 10 ans pour que son nom arrive en haut de la liste.
    Le seul logement qu'elle a pu trouver est une maison dilapidée qu'elle loue et qui a besoin de grosses réparations. Le propriétaire refuse de les faire. Quant à elle, elle n'a pas l'argent nécessaire pour adresser une demande à l'organisme de règlement des litiges entre propriétaires et locataires afin qu'il oblige le propriétaire à faire les réparations.
    Tanya vit dans un logement inadéquat et sait parfaitement qu'il suffirait d'une seule crise, d'une seule urgence, pour qu'elle ne puisse plus payer son loyer ou se retrouve sans abri.
    Quand Tanya m'a téléphonée, elle m'a demandé : « Quels sont mes droits? N'ai-je pas le droit de vivre dans un logement décent? » Que pouvais-je lui dire?
    Je lui ai dit que le Canada a signé et ratifié des traités comprenant le droit à un logement adéquat, notamment le Pacte de l'ONU relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention de l'ONU sur les droits de l'enfant et la Convention de l'ONU sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Je lui ai dit que la communauté internationale a exprimé de graves inquiétudes au sujet du sans-abrisme, des logements inadéquats et de la pauvreté au Canada, et que les Nations Unies ont dit au gouvernement du Canada en 1993, en 1998, en 1999, en 2005, en 2006, en 2008 et en 2009 que les problèmes de sans-abrisme et de logements inadéquats doivent être réglés par la mise en oeuvre du droit à un logement adéquat au Canada.
    Je lui ai dit qu'un rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à un logement adéquat était tellement préoccupé par les problèmes de logement et de sans-abrisme au Canada qu'il est venu ici faire enquête et qu'il a réitéré beaucoup des recommandations déjà formulées par les instances onusiennes de surveillance des traités.
     Je lui ai parlé ensuite de l'EPU en lui disant que le bilan du Canada en matière de droits humains as fait l'objet d'un examen, cette fois par des États, et que leur verdict et leurs recommandations ont été sensiblement dans les mêmes que ceux de leurs prédécesseurs.
    Tanya était folle de joie. Je ne plaisante pas, c'est une histoire vraie. Je ne lui ai peut-être pas dit tous ces détails mais, quoi qu'il en soit...
    Finalement, elle m'a posé la question inévitable : « Qu'est-ce qui a été fait et comment puis-je avoir droit à un logement adéquat? À qui dois-je m'adresser? »
    Je crois que nous connaissons tous ici la réponse à sa question : il n'y a personne à qui elle puisse s'adresser. Certes, elle pourrait s'adresser à l'organisme de règlement des litiges entre propriétaires et locataires mais, comme je l'ai déjà dit, elle n'a pas l'argent nécessaire pour formuler une telle demande. Même si elle l'avait, ou même si mon organisation pouvait lui prêter l'argent, l'organisme lui dirait que le droit à un logement adéquat ne relève pas de sa compétence.

(1325)

    Elle pourrait essayer de s'adresser à un tribunal provincial des droits de la personne mais la réponse serait la même : il n'existe pas de droit codifié à un logement adéquat dans la législation provinciale ou territoriale des droits de la personne.
    Elle pourrait essayer de formuler une plainte au titre de la Charte si elle trouvait assez d'argent pour ça. Le programme de contestation judiciaire n'existe plus pour son type de réclamation. Même si elle arrivait devant un tribunal et défendait sa cause au titre de l'article 15 ou de l'article 7, les avocats représentant le gouvernement soutiendraient que le droit à un logement adéquat n'est pas justiciable, argument qui, je l'ajoute, va tout à fait à l'encontre de la communauté internationale.
    Comme Alex vient de le dire, il n'y a même pas un ministre à qui elle pourrait s'adresser.
    Où va-t-elle donc aboutir? Dans vos bureaux de circonscription, avec des députés comme dernier recours pour la mise en oeuvre de nos obligations internationales sur les droits humains.
    Où allez-vous la renvoyer? Directement chez moi.
    Je vous dirais que nous avons deux options pour Tanya. Nous pouvons lui dire que les droits humains internationaux sont un bel idéal, un espoir ou un objectif n'ayant aucune importance dans le monde réel, ou nous pouvons retrousser nos manches et nous mettre à chercher de vraies solutions pour en assurer la mise en oeuvre. Je pense que votre sous-comité a choisi avec sagesse la deuxième.
    Je dois vous dire aussi que le travail requis à cet égard n'est pas particulièrement difficile. De fait, je dirais même qu'il est relativement simple. La première étape serait que les députés comprennent que les droits humains ne sont pas simplement un bel idéal ou de beaux principes. Les droits humains sont une question de pratique, une forme de gouvernance, une manière pour vous de faire votre travail.
    Que veux-je dire par question de pratique ou forme de gouvernance dans ce contexte? À quoi ça ressemble? Je pense qu'il y a trois principes fondamentaux qui peuvent guider votre réflexion, vos politiques et vos décisions.
    Premièrement, la pratique des droits humains concerne toujours les plus vulnérables et les plus défavorisés. C'était évidemment pour les groupes les plus vulnérables et les plus défavorisés que les droits revêtent le plus d'importance puisque ce sont eux qui sont le plus susceptibles de subir les conséquences de leur transgression.
    Deuxièmement, la pratique des droits humains suppose l'adoption d'échéanciers, d'objectifs et de jalons, de choses vraiment concrètes pour changer ou améliorer la situation. C'est particulièrement évident dans les domaines économique et social où le progrès peut être facilement tracé et mesuré.
    Troisièmement — et ceci est particulièrement important dans le cadre de nos discussions sur l'EPU —, la pratique des droits humains garantit la reddition de comptes. Quelqu'un — ou quelques-uns — doit rendre compte de la mise en oeuvre et de l'application des droits humains.
    Que pouvez-vous faire concrètement pour mettre ces principes en pratique?
    Il suffit de lire les recommandations de l'EPU et des organismes de surveillance des traités, qui ont été maintes fois répétées par la société civile.
    Alex en a déjà présenté plusieurs, très concrètes, que j'appuie sans réserve.
    J'appuie également les recommandations présentées à votre sous-comité il y a deux jours par Kathy Vandergrift.
    J'y ajoute celles-ci. Je pense que nous devons nous pencher sur les mécanismes d'application existant au Canada, les évaluer, les analyser et nous assurer qu'ils sont vraiment efficaces pour protéger tous les droits humains : civils, politiques, sociaux et économiques. Je pense aussi que nous devons — comme Alex l'a dit — mettre sur pied un nouveau processus intergouvernemental de mise en oeuvre de nos obligations internationales et de réponse aux préoccupations et recommandations issues de l'EPU et des organismes de surveillance des traités.
    Voici ma principale recommandation. Je vais vous proposer quelque chose de très concret. Je pense que nous devons élaborer un système ou un processus qui nous aidera à garantir que le droit international touchant les droits humains, ainsi que les mécanismes d'examen et d'application, sont inclus dans tous les textes de loi pertinents, surtout les nouveaux.
    Prenons un exemple précis dont vous serez bientôt saisis, le projet de loi C-304. Je ne sais pas si vous le connaissez. C'est le projet de loi sur le droit à un logement abordable, adéquat et accessible. C'est un projet de loi d'initiative privée réclamant une stratégie nationale du logement. Ce texte est en soi une réponse aux recommandations de l'organisme de surveillance des traités et de l'EPU. S'il est possible de le considérer comme une réponse concrète à ces recommandations, c'est parce qu'il contient les éléments qui suivent.

(1330)

    Il prévoit la tenue d'une conférence des ministres provinciaux, territoriaux et fédéral chargés du dossier du logement pour formuler une stratégie nationale en consultant les groupes autochtones, la société civile et les municipalités. Il dispose que la priorité doit être accordée aux groupes les plus défavorisés et à leurs besoins. Il prévoit l'établissement d'échéanciers et d'objectifs pour mettre fin au sans-abrisme. Il prévoit l'élaboration d'un processus d'examen indépendant des plaintes et des infractions éventuelles au droit à un logement adéquat. Il prévoit enfin un mécanisme d'examen pour assurer le suivi de tout ce que l'ONU a dit au sujet du droit à un logement adéquat au Canada.
    Vous avez là à mon avis un projet de loi modèle répondant directement aux préoccupations des organismes de surveillance des traités et aux préoccupations exprimées par le Conseil des droits de la personne dans le cadre de l'examen périodique universel du Canada.
    Certes, aucune des recommandations avancées par Alex ou par moi-même ne résoudra sur-le-champ les problèmes de Tanya mais elles lui donneront l'indication qu'elle vit dans un pays où tous les droits humains sont pris au sérieux, que quelqu'un doit en rendre compte et qu'il existe un endroit où elle pourra raconter son histoire, se faire entendre et avoir accès à un recours si elle estime qu'on a porté atteinte à ses droits.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    Sur le plan pratique, comme il ne nous reste que 26 minutes, je pense que nous ne devrions avoir qu'un tour de sept minutes pour chaque parti, à condition que tout le monde soit d'accord. Nous ferons un tour de table et M. Sweet sera le dernier. Si vous êtes d'accord, je vais vous demander aussi de prolonger un peu la séance après 14 h 00 pour que nous puissions avoir des échanges fructueux.
    Cela convient-il à tout le monde?
    Des voix : D'accord.
    Le président : Très bien.
    Avant de donner la parole aux premiers intervenants, j'ai besoin d'une précision.
    Vous n'avez pas nommé le député qui parraine le projet de loi C-304.
    Libby Davies. Merci.
    C'est M. Oliphant qui commence.
    Je vous remercie tous les deux d'être ici.
    Madame Farha, c'est un plaisir de faire votre connaissance.
    Alex, nous allons devoir vous payer un salaire; vous semblez être ici tous les jours.

(1335)

    Amnesty ne peut accepter d'argent du gouvernement. Désolé.
    Mais nous pourrions vous engager, cependant.
    Des voix : Oh!
    Je crois qu'il parlait de son budget personnel. C'est ce que j'ai compris.
    Vous avez soulevé tous deux des questions intéressantes sur les droits de la personne au Canada. Je voudrais parler directement de l'EPU puisque c'est ce que nous examinons. Il y a des questions de processus ainsi que des questions de contenu.
    J'analyse encore les recommandations du rapport. Elles sont embrouillées car elles se chevauchent et ne sont pas structurées. Certaines sont formulées en termes diplomatiques et d'autres en termes politiques. Elles ne sont pas vraiment utiles. Et je suis sûr qu'elles donnent toute la latitude voulue au gouvernement pour trouver le moyen de les contourner ou...
    Je pense que c'est un problème de processus. Le Canada sera peut-être utile à cet égard à l'avenir. Je sais qu'il s'agissait de la première série d'examens de 200 pays et je crois que nous pouvons peut-être faire quelque chose pour rationaliser un peu le processus.
    Nous vivons dans deux mondes et vous les avez tous deux évoqués. Il y a celui des belles déclarations internationales sur les idéaux de droits humains, et il y a celui du monde réel. À un certain moment, j'ai pensé que les deux commentaires sont légitimes, c'est-à-dire que les belles déclarations ne comptent peut-être pas, qu'elles n'ont pas d'effet pratique, mais qu'il est quand même nécessaire d'avoir de belles déclarations si l'on veut avoir un effet pratique. C'est le monde de la praxis. C'est de ça que nous parlons. Nous parlons d'un modèle de praxis des droits humains — fragiles, évolutifs, progressifs. J'ai horreur de ça parce que je pense en termes d'absolu, de sûr, de solide. C'est ça ma vision des droits humains. J'ai fini par comprendre qu'ils sont fragiles, progressifs et évolutifs.
    Cela veut dire que la prochaine étape, à mon avis, sera de promouvoir une discussion nationale sur l'EPU. Au lieu d'avoir une interprétation des droits humains de haut en bas provenant de traités internationaux ou d'organismes multilatéraux, il devrait en fait y avoir une demande de bas en haut pour avoir une discussion sur les droits humains, parce que ce que vous avez réclamé dans vos trois points, c'est que le gouvernement reconnaisse réellement qu'il ne respecte pas les droits humains afin de pouvoir les appliquer réellement, et il ne fera pas ça.
    Avez-vous quelque chose à ajouter sur la manière dont nous, parlementaires, pourrions vraiment stimuler la société civile dans une discussion sur les droits humains pour exiger ensuite que les gouvernements Libéraux de demain, Conservateurs d'hier, fassent vraiment ça?
    Je vais commencer. Toutes sortes de choses me sont venues à l'esprit et je vais probablement en oublier quelques-unes.
    Premièrement, je pense que nous avons tous les deux souligné, et je suis sûr que Kathy l'a fait aussi, qu'il est important de consulter. Consulter n'est peut-être pas le bon mot pour décrire ce que vous décrivez mais je pense que le genre de démarche que nous imaginons en matière de consultation, c'est quelque chose qui serait vraiment au niveau du peuple, quelque chose qui serait vraiment de portée nationale, quelque chose qui ne consisterait pas seulement à dire, vous savez, adressons-nous à des experts et assurons-nous que nous avons leur contribution lorsque nous préparons la version finale du rapport. Il s'agirait de s'adresser vraiment aux Canadiens eux-mêmes au sujet de ces principes importants afin d'obtenir leur point de vue, leurs aspirations et leurs recommandations, ce qui serait un élément clé de ça.
    Vous nous demandez ce que vous pourriez faire en qualité de parlementaires. Entre autres choses, vous pourriez prendre des initiatives pour donner vie à l'EPU dans vos circonscriptions, pour diffuser de l'information, pour tenir des débats publics et pour trouver le moyen de répandre cette parole parmi vos électeurs. Évidemment, et je reviens à votre première remarque, les documents que nous avons en provenance des Nations Unies ne facilitent pas cela. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous quand vous dites que les recommandations sont embrouillées.
    Nous préparons actuellement certains documents qui, nous l'espérons, vulgariseront l'EPU. Nous avons dit que le gouvernement a lui aussi l'obligation de faire cela et qu'il ne l'a pas encore fait. Il doit diffuser de l'information pour communiquer réellement aux Canadiens ce que veut dire l'EPU, afin de les intéresser vraiment à cette problématique, tout à fait comme Tanya l'était dans sa conversation téléphonique avec Leilani, au sujet de ce qui est en jeu, de ce que ça représente et du potentiel que ça offre. Si vous lanciez ce genre de processus et de discussions dans votre circonscription, ce serait extraordinaire.
    Permettez-moi d'ajouter un mot.
    Alex a parfaitement raison. Quand j'ai traversé le pays pour parler de l'EPU et stimuler les groupes, la réponse m'a abasourdie. La société civile réagit très bien à ça.
    Mon cas est peut-être assez rare au Canada. J'ai voyagé dans le monde entier pour m'occuper de droits de la personne dans beaucoup de pays. Or, je constate que les gens d'ici sont capables de traduire très rapidement les questions et les préoccupations en termes de droits humains.
    Je crois que la société civile est tout à fait prête pour ce que vous avez suggéré, et ce qu'Alex a suggéré, c'est-à-dire participer à de vraies consultations, mais pas avec les suspects habituels, comme l'a dit Alex. J'ai rencontré des groupes et des organisations et découvert des choses que je ne connaissais pas alors que je suis une militante des droits humains. Je voyage beaucoup au pays. Donc, je crois qu'il y a vraiment quelque chose à faire.
    Je dois dire aussi que nous, de la société civile, n'avons pas reçu d'appui dans nos efforts pour assurer un suivi à l'EPU. Il n'y a pas de fonds pour nous aider à faire cela. Il n'y a pas d'appui institutionnel. Il n'y a pas de moyens. Ceux d'entre nous qui se trouvent à Ottawa se réunissent chez Amnesty, essentiellement, et certains d'entre nous donnent bénévolement de leur temps pour faire avancer le dossier. Nous ne recevons pas d'appui particulier de la société civile à cet égard.
    Une autre chose. Il y a l'EPU version « grande taille », c'est-à-dire essayer de faire comprendre aux gens ce que représente l'EPU dans son ensemble, le processus et toute les recommandations. Mais il y a aussi une autre approche possible. C'est plus à la pièce mais je pense que c'est une bonne chose. Voilà pourquoi j'ai mentionné le projet de loi C-304, le projet sur le logement, qui doit passer en troisième lecture. C'est une toute petite tranche du gâteau mais elle est importante. Le logement est une préoccupation majeure de chaque organisme de surveillance des traités depuis 1993, tout comme la pauvreté et le sans-abrisme. Or, voici une petite initiative qui va dans le bon sens. Je pense que ce genre d'approche à la pièce peut également être efficace.

(1340)

    Nous venons juste d'arriver à sept minutes et trois secondes et Mme Neville n'aura donc pas le temps de poser une question. J'en suis désolé.
    Madame Deschamps, s'il vous plaît.

[Français]

    Merci beaucoup. C'est ma première présence à ce comité depuis la rentrée parlementaire. Je suis heureuse que vous y soyez également, monsieur Neve et madame Farha.
    Je suis députée de ce Parlement depuis 2004, et mes observations me font dire que, depuis quelques années, la situation canadienne en matière de leadership et de droits humains s'est beaucoup détériorée, tant au pays que sur la scène internationale. Je trouve que les organisations qui travaillent dans le domaine des droits humains sont souvent les plus écorchées. Elles sont à peine consultées, et il leur est très difficile de critiquer parce que c'est risqué. Je peux donner l'exemple d'organisations à l'étranger, comme KAIROS dont le financement a été coupé après avoir été assuré par l'ACDI pendant de nombreuses années. On ne peut pas non plus fermer les yeux sur la crise qui sévit actuellement à Droits et Démocratie. Cela m'inquiète beaucoup.
    Même ici, les premières organisations qui se sont fait couper les vivres sont des groupes de femmes. En effet, Condition féminine Canada a sabré le financement aux groupes ou organisations qui défendaient les droits des femmes par l'entremise du Programme de promotion de la femme. J'ai l'impression que plus on se distancie d'un problème, moins on veut le voir.
    Mme Arbour disait récemment que le Canada était absent ou alors pas très constructif dans la plupart des dossiers relatifs aux droits de la personne. Le Canada est souvent le seul à s'opposer ou à voter systématiquement contre toutes les résolutions du conseil. On a vu aussi Droits et Démocratie perdre son siège à Genève. Pourquoi lui retire-t-on son rôle alors qu'il est établi à côté du Conseil des droits de l'Homme? C'est ainsi que je perçois la situation.
    Amnistie internationale a fait un rapport contenant des suggestions incroyables ainsi que des recommandations qui nous touchent, nous, parlementaires, et que nous défendons ardemment.
     Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose. Je ne vous pose pas de questions mais, à partir de ce que j'ai dit, je vous cède la parole pour que vous puissiez en dire davantage.

(1345)

[Traduction]

    Je commence par dire que nous partageons évidemment ces préoccupations. Vous avez évoqué le rapport que nous avons produit récemment. Nous pensons qu'il y a un certain nombre de développements récents qui sont inquiétants car, comme nous le disons dans le rapport, ils ont débouché sur une réduction de l'espace consacré à la critique et à la protection des droits humains dans ce pays. Vous avez donné quelques exemples mais il y en a d'autres et nous pensons que c'est inquiétant.
    Comme priorité, nous pensons qu'il serait très utile de mettre sur pied un panel de Canadiens éminents, comme nous disons. Tous les partis seraient représentés et ses membres seraient unis par la volonté commune de faire progresser les droits humains, ce qui est très certainement un objectif de tous les partis. Ces Canadiens éminents ne faisant pas de politique active se pencheraient attentivement sur la situation des droits humains au Canada, la promotion, la contestation et la critique, et adresseraient des recommandations au Parlement et au gouvernement.
    Je tiens cependant à souligner qu'en ce qui concerne la question particulière que nous soulevons aujourd'hui, cette question depuis longtemps épineuse des difficultés et des carences dans la mise en oeuvre des obligations du Canada, tous les partis ont leur part de responsabilité. Au palier fédéral, la faute en incombe à tous les gouvernements, autant Libéraux que Conservateurs. J'ajoute aussi qu'il y a au palier provincial des gouvernements néo-démocrates qui n'ont pas fait preuve du leadership auquel on aurait pu s'attendre et qui devraient faire mieux. Je ne peux rien dire du Bloc étant donné qu'il n'a jamais tenu les rênes du pouvoir.
    Cela dit, la question fondamentale est que la responsabilité des carences et de l'inaction n'est pas une question de sectarisme politique. C'est plus systémique, et c'est d'ailleurs pourquoi j'estime que tous les partis, fédéraux et provinciaux, devraient agir à l'unisson pour chercher une solution.
    Je n'ai rien à ajouter.

[Français]

    Dans la foulée de ce que vous dites, ce qui est un peu incompréhensible...
    Il vous reste une minute, madame Deschamps.
    Il est assez difficile de le faire actuellement. En effet, j'ai du mal à comprendre le virage que le gouvernement a entrepris au cours des dernières années. On est en train de s'isoler de la communauté internationale. Il nous est difficile de comprendre où s'en va le gouvernement.

[Traduction]

    Je pense que nous avons souligné que plusieurs de ces préoccupations très récentes sont de nature double. Ce sont des préoccupations intérieures, évidemment, dans la mesure où il s'agit de décisions ou de positions qui ont une incidence très réelle sur des questions particulières de droits humains au Canada. Ce sont aussi des préoccupations au niveau international car, à bien des égards, elles ont isolé le Canada dans certaines instances de l'ONU et un peu terni notre réputation.
    Je reviens à cet l'EPU et à la nécessité d'un bon processus de mise en oeuvre. À notre avis, ce serait une manière extraordinaire de contribuer positivement sur le plan national aussi bien qu'international. Nationalement, ce serait une manière d'établir des mécanismes plus solides et plus efficaces de protection des droits de la personne — mieux coordonnés — et, internationalement, cela correspondrait à ce que nous souhaitons, ce dont nous avons besoin, c'est-à-dire être le modèle le meilleur possible pour le reste du monde pour ce qui est de tenir ses promesses quand il y va des questions de droits humains sur la scène mondiale.
    Malheureusement, le temps prévu pour ce tour est terminé.
    Nous passons maintenant à M. Marston.
    Je signale aux membres du comité que le déjeuner vient d'arriver. Mieux vaut tard que jamais. Vous pouvez vous servir maintenant ou plus tard. Comme il est arrivé en retard, les témoins auront la chance de le partager avec nous, ce qui n'est pas toujours le cas.
    M. Marston.
    Heureusement, j'avais déjeuné avant de venir ici, monsieur le président. En outre, je dois prendre un avion et je partirai donc dans huit minutes à peu près.
    Comme vous le savez, j'ai la réputation dans mon parti d'être un gars de Timmies. Je discute avec les gens à l'espace de restauration Eastgate Square à Hamilton, ou chez Timmies, pour parler de ces questions qui sont très préoccupantes.
    Voici un exemple. Vous avez parlé des diverses conventions — le protocole de la convention contre la torture, que le Canada a piloté à l'ONU avant de laisser tomber le dossier d'un seul coup, ou les droits de l'enfant, dans le contexte de l'affaire Omar Khadr. Je viens juste de lire un article sur Mohamed Harkat parce que les États-Unis viennent soudainement de décider que les preuves à charge contre lui...
    Si vous prenez tout ça ensemble, vous voyez apparaître l'ombre du 11 septembre. Au lieu de dire que tel ou tel gouvernement doit être blâmé, il y a eu une réaction à ce moment-là... Évidemment, nous nous souvenons tous des États-Unis et de tout le monde chantant à l'unisson sur les marches... Bon, je ne veux pas insister là-dessus.
    Alex, vous avez tout à fait raison de dire que c'est une question épineuse. Toutefois, ce que je trouve remarquable, chez les gens de Timmies, c'est qu'ils estiment que nous avons les meilleurs droits humains au monde. Et je suis d'accord, c'est vers cela que nous devons viser.
    L'une des choses que je retiens de votre commentaire d'aujourd'hui, qui est très frappante à mon avis, et que je n'avais encore jamais entendue — nous avons déjà consacré des audiences à ces questions — est qu'il faudrait qu'un ministre soit chargé du dossier. Vous venez peut-être d'ouvrir la porte à une bonne idée.
    À l'heure actuelle, nous avons avec le comité permanent un groupe de fonctionnaires de niveau intermédiaire qui, je présume, font leur possible dans les limites qui leur ont été fixées mais, s'il y avait un ministre capable de faire preuve de leadership...
    Je ne suis pas ici pour adresser des reproches. Je suis aussi déçu que tout le monde. Quand on lit l'EPU... J'ai tenu la dernière fois, et je le ferai cette fois encore, à parler de certains des pays qui ont formulé des remarques au sujet du Canada. Ce sont de bons amis : Royaume-Uni, Danemark, Italie, Chili, Pays-Bas, République tchèque, Autriche et Suède. Comme vous l'avez dit... Nous pourrions être découragés, et je le comprendrais, de constater que tant de ces gens ont déjà soulevé ces questions dans le passé.
    Nous avons aujourd'hui un gouvernement qui parle de redevabilité. Ne jetons pas la pierre aux représentants du gouvernement au sein de ce comité, ils étaient d'accord pour qu'on tienne ces audiences. Je tiens à le souligner parce que je crois que c'est important pour l'avenir.
    J'aimerais avoir des précisions sur ce que vous appelez les obstacles systémiques au sein de ce comité permanent. Je vous pose cette question parce que nous espérons l'accueillir devant nous. Y a-t-il des obstacles systémiques, à votre avis, qui constituent des murs qu'il faudrait abattre?

(1350)

    Je peux commencer et Alex pourra compléter ma réponse.
    En ce qui concerne les obstacles systémiques, il faudrait d'abord que nous en sachions plus sur le comité pour pouvoir les identifier. Il est secret.
    Un, vous n'avez pas accès au comité et, comme vous l'avez dit, vous n'avez pas accès à ses travaux. Il y a donc une absence complète de redevabilité envers les Canadiens, par le truchement de la société civile.
    Absolument.
    Écoutez, je ne dis pas que le comité devrait être complètement démantelé mais il se décrit lui-même comme un protocole de communication. Je n'entends pas parler de mise en oeuvre ou d'action. Il diffuse de l'information, c'est tout, et, à notre époque, avec Internet, nous sommes tous capables de faire ça. Nous n'avons pas besoin d'un comité pour ça.
    Le comité ne joue absolument aucun rôle de mise en oeuvre. Je pense que l'absence de transparence, le secret, etc., sont phénoménaux, et ce serait un bon premier pas. Qui sont les membres du comité? Quand se réunissent-ils? N'y a-t-il pas une place pour la société civile quelque part? Ne devrait-il pas y avoir un dialogue sur ces questions?
    On pourrait croire, avec la contribution de la société civile dans ce comité, qu'il pourrait ensuite la communiquer à la Chambre des communes par l'intermédiaire d'un ministre. Je crois que vous mettez le doigt sur le noeud du problème : les parlementaires doivent s'occuper de droits humains en les intégrant à tout ce qu'ils font. La seule manière de faire ça, c'est d'assurer une reddition de comptes devant le Parlement par le truchement d'un ministre. Je suis très heureux d'avoir entendu ça aujourd'hui.
    Le processus est un peu intimidant et décourageant quand on fait le bilan. Nous savons que le sans-abrisme existe chez nous depuis longtemps.
    Quand on vient au travail sur la colline, je croise toujours trois ou quatre personnes assises dans la rue. je m's'arrête, je fais ce qu'on peut pour elles, je leur parle. Elles sont parties maintenant. Il y avait trois personnes que je croisais tous les matins mais elles ne sont plus là aujourd'hui et ça m'inquiète beaucoup. Hier soir, j'ai croisé une jeune femme qui disait que la police l'avait arrêtée et lui avait mis les menottes. Je ne sais pas de quoi il s'agissait mais c'était clairement une femme sans abri. J'ai même l'impression qu'elle avait peut-être des problèmes psychiatriques.
     C'est une chose très fondamentale, le droit à un logement adéquat, mais il y en a tant d'autres. Mon intervention est un peu décousue, je le sais, mais, dès que vous avez parlé d'un ministre, je pense que vous nous avez donné la clé.
    Je crois je vais en rester là parce que j'ai vraiment un avion à prendre.
    Si vous voulez réagir à ce que je viens de dire...

(1355)

    Très brièvement, l'autre chose que je voudrais souligner, comme Leilani, c'est le comité permanent.
    Il est vrai qu'on pourrait et devrait l'améliorer, à de nombreux égards, notamment la transparence. Il est également vital d'en comprendre les limites. Ce n'est pas ce dont nous avons besoin pour résoudre le problème au niveau supérieur, c'est-à-dire celui de la redevabilité politique et d'une vraie coordination entre les gouvernements. C'est seulement un mécanisme de partage d'informations. Il est sans doute utile pour avoir de bonnes discussions sur certaines questions de droit concernant le sens réel de tel ou tel traité, et il nous faut quelque chose comme ça au Canada, mais ce n'est pas là que les décisions seront prises, ce n'est pas là que les questions de ressources seront réglées, et ce n'est pas là non plus que seront arbitrées les luttes politiques entre les gouvernements fédéral et provinciaux sur qui doit assumer la responsabilité de telle ou telle chose.
    Il n'y a aucune sorte de redevabilité non plus.
    Exactement.
    Monsieur Marston, votre temps de parole est écoulé.
    Voulez-vous également répondre quelque chose?
    Non.
    Bien.
    Dans ce cas, c'est vous qui allez conclure, monsieur Sweet.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Je commence par vous dire que nous avons à Hamilton un groupe tout à fait spécial, la table ronde sur la pauvreté. C'est devenu tout un modèle d'élimination de la mentalité de cloisonnement et d'effort l'instauration d'une synergie entre des organisations qui travaillent avec de l'argent provenant non seulement de tous les paliers de gouvernement mais aussi de dons privés. Considérant ce que j'ai vu, non seulement en ce qui concerne les droits mais aussi en ce qui concerne tout ce problème d'aider les gens à sortir de la détresse et les aider à faire une transition leur permettant de s'épanouir et d'apporter une contribution, le logement adéquat est un problème clé. Évidemment, si vous n'avez pas d'adresse, vous ne pouvez pas obtenir de services, vous ne pouvez pas chercher d'emploi.
    Je suis donc très reconnaissant à ces gens-là de ce qu'ils font. En fait, ce modèle est tellement prometteur que nous avons nommé le président fondateur de la table ronde sur la pauvreté au conseil fédéral du bien-être, pour passer directement de ce niveau à celui de notre ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences.
    Je reviens sur votre réponse à M. Marston. Y a-t-il actuellement un gouvernement quelconque qui comprend un secrétaire d'État ou un ministre chargé du dossier des droits humains?
    Il y en a plusieurs. J'essaye de penser à ceux de nos alliés les plus proches qui sont peut-être ceux qui peuvent vous intéresser le plus.
    Dans certains cas, c'est un ministre qui se consacre exclusivement ou totalement aux questions de droits humains. Dans d'autres cas, on a confié le dossier à un ministre existant, comme le ministre de la Justice. Au Royaume-Uni, je suis sûr qu'il y a un portefeuille ministériel des droits humains, et en France aussi.
    C'est certainement un système très répandu dans l'hémisphère sud. Je fais souvent partie de missions de recherche en première ligne d'Amnesty sur les droits humains en Afrique et en Amérique latine et ces missions se terminent toujours par des rencontres avec des représentants des gouvernements. J'aurais bien du mal à trouver un gouvernement n'ayant pas un Minister for Human Rights ou un ministro de derechos humanos que nous rencontrons à la fin. C'est très fréquent.
    Je suppose que s'il y a cette pléthore — c'est théorique mais je vais le dire quand même —, il ne faut pas seulement que quelqu'un soit chargé du dossier, il faut aussi qu'il soit efficace. C'est comme dans tout. Comme l'a dit M. Oliphant, le modèle de praxis doit... Il faut avoir un plan et le mettre à exécution.
    Merci beaucoup. Je n'ai pas d'autres questions. Je vous remercie d'être venus.

(1400)

    Il nous reste un peu de temps.
    Allez-y, je vous en prie.
    Sur cette question de désignation d'un ministre, vous avez très bien dit ce qui est important : il ne suffit pas d'avoir un ministre, il faut qu'il soit efficace. J'ajouterais qu'il faut aussi qu'il y ait des mécanismes. Un ministère n'est pas en soi un mécanisme. Si quelqu'un réclame que ses droits soient respectés, il doit pouvoir s'adresser à un organisme et ce ne sera pas un ministère.
    Les choses doivent se faire simultanément. Je pense que désigner un ministre serait un progrès énorme parce qu'il est important de pouvoir dire que je sais au moins que cette personne est responsable du dossier. Je crois aussi que ce serait un peu symbolique car le Canada donnerait un signal utile si nous avions un ministre responsable des questions de droits humains et de leur protection.
    J'insiste cependant vigoureusement sur le fait qu'il doit aussi y avoir tout un paquet de stratégies en même temps.
    Je vais profiter du fait que M. Sweet n'a utilisé que 4 de ses 7 minutes pour poser moi-même une question.
    L'impression que j'ai eue en lisant le rapport de l'examen périodique du Canada est que ses parties les plus valables semblent indiquer, non pas que le Canada commet des abus en matière de droits humains, au sens des abus dont notre comité a tendance à être saisi, puisque nous n'avons pas au Canada d'arrestations arbitraires ou d'exécutions, par exemple, mais qu'il y a certains problèmes au palier administratif, en particulier.
    L'un de ceux que j'ai retenus car il a été mentionné par plusieurs des pays qui ont examiné le bilan du Canada est le traitement des autochtones une fois qu'ils sont pris dans l'appareil judiciaire. Tout ça m'amène à penser — je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit et vous me corrigerez si je me trompe — que le problème n'est pas l'absence de ministère des droits de la personne, au palier fédéral ou provincial, mais l'absence de mécanismes d'application des lois pour s'assurer qu'elles sont appliquées de manière égale et donnent un bénéfice égal à toutes les personnes une fois qu'elles tombent dans la machinerie gouvernementale et, si vous voulez, dans une certaine mesure, qu'elles sont à la merci de la machinerie gouvernementale.
    Je crois que les préoccupations relatives aux droits de la personne au Canada revêtent bien des aspects différents.
    Je dirais qu'il y a dans certains cas transgression très réelle des droits de la personne, lorsque des abus sont commis. À mon avis, l'une des questions mentionnées par de nombreux pays dans le cadre de l'examen périodique universel que je classerais dans cette catégorie est celle des niveaux alarmants et choquants de violence et de discrimination dont font l'objet les femmes autochtones du Canada, par exemple.
    Je suis absolument d'accord avec vous quand vous dites qu'un élément crucial du casse-tête des droits humains au Canada est le fait que les droits humains ne sont pas respectés de manière équitable au sein de l'appareil judiciaire ou d'autres instances. En corollaire, il n'existe souvent pas d'organisme évident auquel une personne peut s'adresser pour obtenir réparation et assurer qu'un tribunal ou un agent gouvernemental ayant le pouvoir d'agir concrètement puisse intervenir en invoquant la norme internationale pour corriger le problème.
    C'est l'autre élément qui en découle, me semble-t-il.
    Très bien.
    Je crois que nous sommes arrivés à la fin. Je remercie beaucoup nos témoins d'être venus nous rencontrer. M. Oliphant avait raison, Alex Neve est l'un de nos invités réguliers et nous sommes toujours heureux de l'accueillir.
    Madame Farha, je suis très heureux que vous ayez pu venir aussi et nous donner autant d'informations. Peut-être deviendrez-vous également l'une de nos invitées plus régulières. Nous en serions très satisfaits.
    Merci beaucoup.
    La séance est levée.
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