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INDU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 014 
l
3e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 6 mai 2010

[Enregistrement électronique]

(0900)

[Traduction]

    Je vous souhaite la bienvenue à la 14e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie, en ce 6 mai 2010. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous sommes ici pour entreprendre l'étude des règlements canadiens concernant les intérêts étrangers dans le secteur des télécommunications.
    Nous recevons aujourd'hui deux témoins, qui comparaissent tous deux à titre personnel. Il y a d'abord M. Morck, professeur au département des finances et des sciences de la gestion à la School of Business de l'Université de l'Alberta. Nous accueillons également M. Hejazi, professeur agrégé de commerce international à la Rotman School of Management de l'Université de Toronto.
    Bienvenue à tous les deux.
    Nous allons commencer par entendre la déclaration préliminaire de M. Morck.
    Permettez-moi de dire, d'entrée de jeu, que je suis un économiste de l'ancienne garde. Je m'intéresse à la question de savoir pourquoi certains pays, certaines régions et certaines familles sont riches alors que d'autres ne le sont pas. Cette question est d'ailleurs le fil conducteur de l'ouvrage Richesse des nations d'Adam Smith. D'après moi, c'est une façon utile d'étudier presque n'importe quel problème en économie.
    Quand on pense au nombre de chercheurs médicaux, d'entrepreneurs, de compositeurs, et j'en passe, qui croupissent dans la pauvreté dans le tiers monde, que ce soit en Afrique ou dans nos réserves indiennes, on se rend compte de l'ampleur du gaspillage. Pour paraphraser Robert Lucas, lauréat du prix Nobel en économie, quand on commence à penser au gaspillage humain, il devient très difficile de penser à autre chose. Après beaucoup d'efforts acharnés, nous en savons beaucoup plus qu'avant sur la question, et je pense que nous pouvons en tenir compte dans les décisions en matière de politiques, comme celle dont vous êtes saisis, avec plus de confiance que nous aurions pu le faire il y a seulement un quart de siècle.
    Une abondance de preuves empiriques montre maintenant que la concurrence et la spécialisation, deux thèmes évoqués initialement par Adam Smith, sont à l'origine de la croissance de la productivité, qui est un élément fondamental pour la création de richesses. Au cours des dernières décennies, nous avons appris que d'autres facteurs jouent un rôle beaucoup plus important que nous serions portés à le croire: l'innovation, la gouvernance et la qualité de la réglementation, en particulier. Permettez-moi de vous parler de chacun de ces facteurs qui contribuent à la productivité et d'expliquer comment les restrictions à la propriété étrangère influent sur eux.
    Prenons d'abord la concurrence. La concurrence dépend du nombre d'entreprises dans une industrie, de l'intensité avec laquelle elles se rivalisent et, peut-être chose plus importante encore, de la facilité avec laquelle de nouvelles entreprises peuvent entrer dans l'industrie. Si les entreprises établies offrent de mauvais services à des prix élevés et qu'elles commencent à bien s'entendre, il devient alors primordial de laisser entrer de nouvelles entreprises. C'est d'ailleurs, semble-t-il, la chose la plus importante, mis à part le nombre d'entreprises. Il existe une forte corrélation entre la présence de barrières importantes à l'entrée et les mauvais résultats économiques.
    Cela dit, les restrictions à la propriété étrangère constituent vraiment une barrière efficace à l'entrée. Si on veut bloquer l'entrée, c'est en fait une bonne façon d'y arriver. De toute évidence, une entreprise étrangère ne peut s'installer dans le secteur canadien s'il y a des interdictions relativement à l'entrée d'entreprises sous contrôle étranger. Toutefois, les restrictions à la propriété étrangère peuvent également poser un obstacle pernicieux à l'entrée et ce, de différentes façons.
    Examinons d'abord les conséquences des restrictions à la propriété étrangère pour les nouvelles entreprises canadiennes. Si je veux établir une nouvelle entreprise canadienne pour entrer dans ce secteur, je dois émettre la plupart de mes actions à Toronto. Je ne peux pas m'inscrire à la bourse NASDAQ ou NYSE, même si ce serait plus payant pour moi de vendre un pourcentage donné de mon entreprise au public là-bas. Par le fait même, mon coût en capitaux propres augmente. J'ai ainsi plus de difficulté à créer une nouvelle entreprise et à entrer sur le marché.
    Deuxièmement, la plupart des entrées aux États-Unis et ailleurs sont financées par des fonds de capital de risque. Il s'agit essentiellement de cautionner un groupe d'entreprises dans l'espoir qu'une entreprise sur 99 en sorte peut-être gagnante. Les investisseurs en capital de risque voudront alors une grande participation en capital dans le gagnant afin de récupérer les pertes qu'ils auront subies avec les autres 99 entreprises cautionnées. Les limites en matière de propriété étrangère empêchent les investisseurs étrangers en capital de risque d'entrer dans un secteur comme celui-ci. Autrement dit, si je veux établir une nouvelle entreprise canadienne pour soutenir la concurrence au Canada, je ne peux pas obtenir du capital de risque étranger. Malheureusement, l'industrie canadienne du capital de risque laisse à désirer parce que le capital de risque offert au pays est difficile à obtenir, mal réparti et assez coûteux. J'ai donc un problème, là aussi.
    Troisièmement, si je veux emprunter de l'argent pour établir une nouvelle entreprise, je dois m'inquiéter du coût de ma dette. La raison pour laquelle les restrictions à la propriété étrangère augmentent le coût de l'endettement, c'est que les gens qui me prêtent de l'argent vont s'inquiéter de l'éventualité d'une faillite. Si je déclare faillite, en règle générale, ils saisiront mon entreprise. Ils deviendront les nouveaux actionnaires de mon entreprise après la faillite. Un prêteur étranger ne voudra pas me prêter de l'argent parce que s'il devient propriétaire de mon entreprise, il devra la vendre sur le champ, et les prix de vente au rabais ne sont généralement pas très élevés. Toutefois, les restrictions à la propriété étrangère obligent tout prêteur étranger à faire une vente au rabais immédiatement après la faillite.
    Même un prêteur canadien y penserait deux fois avant de me prêter de l'argent parce que si celui-ci saisit mon entreprise en faillite, il doit ou bien s'y accrocher — et la plupart des banques au Canada ne savent probablement pas comment exploiter une entreprise de télécommunications —, ou bien la vendre. Si des restrictions s'appliquent à la propriété canadienne de l'entreprise à vendre, le prêteur canadien ne pourra pas la vendre à n'importe qui. Il devra magasiner et trouver un Canadien qui l'achètera. Cela pourrait ne pas représenter le prix le plus élevé auquel le prêteur pourrait vendre mon entreprise en faillite. C'est donc dire que le prêteur fera preuve de plus de prudence, au point d'exiger peut-être que je paie une prime de risque plus élevée.
(0905)
    Tous ces facteurs rendent l'entrée plus difficile, ce qui empêche la croissance de la productivité; en effet, cela permet aux titulaires de se reposer sur leurs lauriers et de créer des alliances entre eux. Résultat: des produits de mauvaise qualité à des prix élevés, du moins potentiellement. À mon avis, tout laisse croire que nous faisons face à ce problème au Canada.
    Je viens de lire une étude de l'OCDE selon laquelle nous avons pris beaucoup de retard dans presque chaque dimension de la qualité et du coût. Il y a même une étude plus récente menée par le centre Berkman de l'Université Harvard qui corrige certains des éléments méthodologiques critiqués de l'étude de l'OCDE et qui montre probablement une situation encore pire pour le Canada en ce qui concerne Internet et les technologies des prochaines générations, le taux de pénétration des télécommunications, le rapport qualité-prix, la capacité, etc. Nous avons vraiment perdu du terrain.
    Le deuxième élément évoqué par Adam Smith, en plus de la concurrence, c'est la spécialisation, et il y a un concept connexe appelé l'effet de propagation. Adam Smith a écrit que « ce n'est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. » La conclusion la plus évidente qu'on peut tirer de cette citation, c'est que l'économie fonctionne selon des intérêts, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas. C'est vrai, mais le deuxième message à retenir, c'est que nous dépendons tous d'autres personnes qui se spécialisent dans des domaines distincts. Nous ne préparons pas notre propre pain. Nous ne préparons pas nos viandes froides, etc. En ayant recours à des gens spécialisés, nous obtenons beaucoup plus de richesses parce que chacun de nous s'occupe de bien faire une seule chose, puis nous faisons des échanges. La spécialisation est certes importante, mais le revers de la médaille, c'est que nous dépendons les uns des autres.
    Quel est le lien avec les télécommunications? Les abatteurs, les bouchers, les minotiers, les boulangers et les brasseurs, sans compter les ingénieurs et les constructeurs d'automobiles, et même les ministères gouvernementaux comme Industrie Canada, dépendent tous de l'interconnexion. C'est ce qui fait fonctionner le système; nous utilisons de plus en plus l'industrie des télécommunications, Internet et tout ce qui s'y rattache, pour interagir les uns avec les autres. Voilà pourquoi le fait d'imposer une taxe à ces connexions se répercute sur les coûts dans presque chaque industrie au pays.
    Alors, quand on applique des taxes aux services de télécommunications, on augmente le coût des télécommunications, on diminue la qualité des télécommunications et d'Internet, etc.; ce n'est pas une taxe sur une seule industrie, mais sur presque l'ensemble de l'économie. Et c'est à cause de cette interdépendance très réelle. Je vous renvoie au travail de Jerry Hausman, un économiste de premier plan qui travaille au MIT. Il se penche justement sur cette interdépendance, c'est-à-dire la façon dont une industrie peut influer sur d'autres industries, et il essaie de déterminer les coûts, les retombées et les compromis qui entrent en ligne de compte dans ces interactions. Plus précisément, il est l'auteur d'une foule de documents, d'articles, de chapitres de livres qui portent sur les télécommunications. Ce qu'il a découvert, c'est que la déréglementation, l'innovation, etc. dans l'industrie des télécommunications aux États-Unis influent considérablement sur la productivité globale dans toute une série d'industries. Donc, le fait d'accroître la productivité et l'efficacité des télécommunications a des effets non seulement seulement sur l'industrie des télécommunications, mais aussi sur l'ensemble de l'économie, et on n'observe pas un tel phénomène dans tout autre secteur.
    Dans le cadre de mes recherches, j'ai également collaboré avec Hyunbae Chun et Jung-Wook Kim en Corée du Sud, pour examiner les développements en matière de technologies de l'information. Voici ce que j'ai découvert: les développements dans l'industrie de TI ont d'énormes répercussions sur le prix des actions des entreprises dans chaque secteur de l'économie, allant des céréales pour petit déjeuner à la construction d'automobiles. Les coûts des télécommunications et des communications revêtent donc une grande importance pour l'ensemble de l'économie.
    Bien entendu, chaque nouvelle vague de technologie est différente. Les travaux de Hausman, qui tiennent compte des derniers progrès dans les technologies de l'information et les télécommunications, mettent en évidence cet effet. Tout compte fait, je reste persuadé que pour retarder la croissance de chaque industrie au Canada, la façon la plus prometteuse d'y arriver serait d'imposer des inefficacités au secteur des télécommunications — en fait, je suis même prêt à parier plusieurs caisses de Molson Canadian.
    Voilà donc les deux concepts dont Smith avait parlé dans son ouvrage Richesse des nations: la concurrence et la spécialisation. Plus récemment, surtout au cours des trois dernières décennies, nous avons appris des choses sur l'innovation. Comme en témoigne le nombre considérable de preuves empiriques, l'innovation est beaucoup plus essentielle à la productivité que ce que nous avions pensé dans les années 1970, quand j'étais étudiant.
(0910)
     En particulier, il semble bien que l'économiste autrichien, Joseph Schumpeter, avait raison sur un grand nombre de points qu'il avait soulevés dès 1911 dans son ouvrage intitulé Théorie de l'évolution économique. La raison pour laquelle cet ouvrage n'a pas attiré l'attention, c'est en partie parce qu'on ne l'a pas traduit en anglais pendant des décennies. Son argument principal, c'est que si une entreprise met au point une innovation... Une innovation, c'est quand on prend des intrants qui ne coûtent pas tellement cher et qu'on produit un extrant pour lequel les clients sont disposés à payer plus cher. Par exemple, Research in Motion peut utiliser les mêmes types d'intrants que Nortel, mais au lieu de fabriquer un téléphone cellulaire ordinaire, comme c'est le cas de Nortel, elle fabrique un BlackBerry. Les clients paient plus cher pour un BlackBerry, ce qui fait que RIM enregistre plus de profits que Nortel.
    C'est ainsi que Schumpeter conçoit l'innovation. La productivité, pour sa part, est définie comme la valeur des extrants moins la valeur des intrants. Alors, pour qu'il y ait innovation, soit qu'on obtient des extrants plus coûteux à partir des mêmes intrants, soit qu'on obtient les mêmes extrants à partir d'intrants moins coûteux — ce qui constitue une innovation en matière de processus. Voilà ce qui stimule notre productivité. La définition de la productivité est donc une simple question arithmétique: la valeur des extrants moins les intrants.
    Les entreprises canadiennes souffrent d'un écart en matière de productivité, et les gens à Industrie Canada en font un suivi depuis plus d'une décennie, voire plus. Pour une raison quelconque, comparativement à d'autres pays de l'OCDE, les entreprises canadiennes ne semblent pas être en mesure de saisir des occasions qui leur permettraient de produire des extrants plus coûteux à partir d'intrants. Nos entreprises ont plutôt tendance à acheter des technologies étrangères, souvent après un long délai, et à les utiliser dans notre économie. C'est une des pistes pour expliquer notre écart en matière de productivité.
    Le coût de l'innovation est surtout un coût initial. Par exemple, le coût de R-D pour créer un nouveau téléphone intelligent pourrait s'élever à 100 millions de dollars, mais dès que les plans sont établis et que la production est en marche, le coût unitaire est vraiment moins cher. Alors plus l'entreprise produit des téléphones intelligents, plus elle récupère rapidement ses pertes en R-D. Voilà pourquoi, dans les industries de la haute technologie, plus c'est gros, mieux c'est.
    Les travaux que j'ai réalisés avec Bernard Yeung de l'Université de New York et de l'Université nationale de Singapour portent sur les intérêts étrangers sous cet angle. Nous examinons des entreprises américaines qui choisissent de devenir des multinationales et des entreprises américaines qui préfèrent rester uniquement aux États-Unis; à la lumière de cet examen, nous nous sommes rendu compte que certaines entreprises américaines deviennent des multinationales très prospères lorsqu'elles s'implantent à l'étranger. D'autres échouent: elles s'effondrent lorsqu'elles vont à l'étranger, puis battent en retraite aux États-Unis, la queue entre les jambes. La différence, c'est que les entreprises américaines prospères qui vont à l'étranger ont tendance à avoir des dépenses récentes très élevées en matière de R-D.
    Qu'est-ce que cela veut dire? Eh bien, nous pensons que le fait de s'implanter dans un pays étranger constitue naturellement un désavantage. On ne connaît pas le marché, ni les lois, ni les règlements, ni les clients. Il faut quelque chose qui nous encourage à surmonter tous ces problèmes. Une bonne façon d'y arriver, c'est de se doter d'un avantage technologique. Autrement dit, les multinationales qui ont du succès, celles qui s'installent dans un pays étranger et qui y restent, sont celles dotées d'une technologie. Par contre, les multinationales qui ne réussissent pas, celles qui viennent et s'en vont, sont celles qui n'ont pas de technologie. Les multinationales semblent donc jouer un important rôle de transfert de technologie. Les multinationales les plus prospères de n'importe quel pays amènent leur technologie à l'étranger. Voilà une façon dont l'économie canadienne peut accéder à la technologie étrangère.
    Au Canada, nos entreprises de télécommunications s'aventurent à peine dans les marchés étrangers, sans toutefois s'y implanter. Elles ont plutôt tendance à se déplacer d'une industrie à l'autre pour obtenir des économies d'échelle. Alors, nos entreprises de câblodistribution offrent des services de téléphonie et achètent des canaux télévisuels, etc., mais il s'agit probablement d'une façon moins souhaitable de réaliser ces économies d'échelle.
    Malgré beaucoup de convergence, il n'est pas encore certain que notre innovation technologique dans la câblodistribution se traduise par un contenu télévisuel. Ce qui se passe essentiellement quand nous avons un tel mouvement entre les industries, c'est que nous perdons l'avantage de la spécialisation. Nos bouchers préparent du pain et brassent la bière, alors que nos boulangers s'occupent de la charcuterie. Ils n'excellent pas dans ces domaines parce qu'ils ne s'y spécialisent pas.
    Voulez-vous que je continue?
(0915)
    Merci beaucoup, monsieur Morck.
    Nous passons maintenant à M. Hejazi, de la Rotman School of Management, de l'Université de Toronto.
    Allez-y, monsieur Hejazi.
    Merci de me permettre de m'adresser au comité. Je suis désolé de ne pas avoir été en mesure de témoigner en personne. Le fait que j'utilise la vidéoconférence montre que je ne suis pas un économiste de la vieille école. Je blague.
    Je suis professeur agrégé à la Rotman School of Management, de l'Université de Toronto. À ce titre, je mène des recherches approfondies dans les domaines du commerce international, de l'investissement étranger direct et de la concurrence internationale, et j'ai publié de nombreux articles sur ces sujets. J'ai aussi effectué de nombreuses recherches pour Industrie Canada, Affaires étrangères et l'ACDI.
    En janvier 2010, en collaboration avec l'IRPP de Montréal, j'ai publié une étude intitulée Dispelling Canadian Myths about Foreign Direct Investment. En 2008, j'ai rédigé L'Investissement étranger direct dans l'économie canadienne pour le secrétariat du Groupe d'étude sur les politiques en matière de concurrence. En outre, j'ai travaillé en étroite collaboration avec le MAECI et EDC à la préparation de l'étude intitulée Évaluation des coûts et avantages d'un partenariat économique plus étroit entre l'Union européenne et le Canada, présentée dans le cadre du Sommet Canada-UE de 2008. Tous ces rapports portent sur l'investissement étranger et sur les règlements qui régissent l'entrée.
    Au cours de ma déclaration ce matin, j'aimerais aborder trois thèmes. Le premier touche les expériences récentes du Canada dans le domaine de l'investissement étranger direct. Le deuxième vise à souligner l'importance des télécommunications comme industrie de l'infrastructure clé et spéciale, ainsi que le fait que l'augmentation de la participation étrangère serait probablement fort avantageuse pour l'économie canadienne. Le troisième point, c'est que l'idée que ce secteur demeure entre les mains des Canadiens a un prix, à savoir une réduction de la concurrence et de la prospérité.
    Premièrement, en ce qui concerne l'expérience du Canada dans le domaine de l'investissement étranger direct, le Canada a perdu de son attrait comme destination pour les investissements étrangers au cours des dernières décennies. En effet, sa part dans le stock mondial d'IED a diminué, et il en est de même de sa part dans l'IED par rapport aux pays du monde développé, du G7 et de l'Amérique du Nord. Au bout du compte, peu importe le point de référence utilisé, le fait est que le Canada a perdu de son attrait sur le plan de l'investissement étranger direct.
    Au cours de la même période, la productivité relative du Canada a décliné, et l'écart de prospérité entre lui et les États-Unis ainsi que d'autres pays s'est creusé. Les facteurs qui sous-tendent la baisse au chapitre de la productivité et de la prospérité sont peut-être nombreux, mais l'un d'entre eux est certainement la diminution du rendement du Canada sur le plan de l'IED, de l'investissement étranger direct.
    L'IED dans l'économie canadienne va souvent de pair avec des techniques de gestion et des technologies avancées, ainsi qu'une augmentation de la concurrence — M. Morck en a parlé —; ces points sont tous cruciaux sur le plan de l'innovation. Tous ces facteurs ont mené à la diminution du rendement, qui, à son tour, a entraîné la baisse de la prospérité et de la productivité relative du Canada pour ses principaux partenaires commerciaux.
    Industrie Canada surveille la situation depuis plusieurs décennies et travaille très, très fort à l'élaboration de politiques visant à rendre le pays plus attrayant pour les multinationales étrangères. Le ministère cherche également des moyens de favoriser l'entrée de ces entreprises au Canada dans le but de maximiser les répercussions sur l'économie canadienne dans son ensemble.
    Je tiens aussi à mentionner qu'il n'existe pas de preuves rigides qu'on est en train de « vider » l'économie canadienne. Au contraire, le Canada continue à produire des chefs de file mondiaux, fait étayé par les recherches effectuées par l'Institute for Competitiveness and Prosperity. En outre, selon des recherches de Statistique Canada, l'activité des sièges sociaux situées à l'étranger est plus forte que celle des sièges sociaux établis ici.
    Je dois souligner le contraste entre la diminution de la part du Canada à l'interne — c'est-à-dire le fait que le Canada attire moins d'investissements étrangers — et son excellent rendement à l'externe. En effet, les entreprises canadiennes réussissent très bien à l'échelle mondiale. Nous participons de plus en plus à l'économie mondiale, ce qui a pour résultat d'augmenter notre capacité concurrentielle, compte tenu du fait que les entreprises canadiennes prennent de l'expansion dans le monde beaucoup plus rapidement que les entreprises étrangères ne le font au Canada.
    Les restrictions en matière d'investissement étranger ont tendance à avoir des résultats négatifs. Comme mes recherches et nombre d'études connexes l'ont montré, la meilleure chose à faire pour protéger les entreprises canadiennes, c'est de ne pas imposer de restrictions sur la propriété étrangère et de créer un environnement qui favorise l'innovation. En exposant les entreprises canadiennes à la concurrence internationale, on les force à relever les défis ainsi posés. S'il s'avère qu'une entreprise étrangère peut mieux servir le marché canadien qu'une entreprise canadienne, quelles raisons peut-on avoir pour l'empêcher de s'établir ici? Serait-ce uniquement pour que l'industrie demeure entre les mains des Canadiens? Cette façon de procéder fait en sorte que les consommateurs canadiens soient obligés de payer des taux élevés et de recevoir un nombre restreint de services de piètre qualité. Si les entreprises canadiennes sont incapables de faire concurrence sur la scène internationale, les Canadiens payent le prix.
(0920)
    Nos données relatives aux investissements à l'étranger et le fait que les entreprises canadiennes prennent de l'expansion dans le monde beaucoup plus rapidement que les entreprises étrangères s'installent au Canada montrent que les entreprises canadiennes réussissent bien, de façon générale, sur les marchés internationaux. Elles n'ont pas besoin de protection.
    Je suis aussi d'avis que le fait d'imposer des restrictions sur l'entrée des entreprises étrangères entraîne un relâchement de la discipline pour les entreprises canadiennes. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais je peux dire que les marchés des capitaux forcent les cadres à suivre une certaine discipline pour obtenir des résultats à la hauteur des normes mondiales. Lorsqu'il est impossible qu'une société étrangère remplace une entreprise nationale, la direction doit seulement tenter d'être la meilleure au Canada, et non au monde. Une telle approche nuit aux Canadiens.
    Deuxièmement, les télécommunications représentent une industrie de l'infrastructure clé et spéciale. Une participation étrangère accrue apporterait des avantages importants. Les télécommunications, de pair avec les services financiers et le transport, constituent des industries de l'infrastructure de première importance; en effet, elles ont une incidence sur l'efficacité et la capacité concurrentielle de tous les autres secteurs de l'économie. Cependant, elles sont toutes différentes. Si les entreprises et les particuliers canadiens n'ont pas accès à ces services, tant sur le plan de la portée que des faibles coûts par rapport à ceux des autres pays, notre capacité concurrentielle au sein de l'économie mondiale souffre.
    D'un côté, s'il est vrai que les entreprises canadiennes sont aussi efficaces qu'elles peuvent l'être, elles n'ont vraiment rien à craindre de la participation étrangère. Les entreprises étrangères seront incapables de soutenir la concurrence si les sociétés canadiennes sont de calibre mondial. D'un autre côté, si le marché canadien est assez vaste pour accueillir d'autres joueurs, il le fera à l'avantage des Canadiens. Le relâchement des restrictions relatives à la participation étrangère au sein de l'industrie canadienne des télécommunications permettra deux choses: il améliorera les prix et le service à la clientèle pour les entreprises et les particuliers canadiens, et, par le fait même, il renforcera la capacité concurrentielle du Canada. Qu'on le répète: les télécommunications constituent un secteur critique de l'économie canadienne.
    En outre, les faits prouvent qu'il existe un lien solide et positif entre l'accès à large bande et la croissance de la productivité et du PIB. Nous devons absolument faire en sorte que l'industrie canadienne des télécommunications bénéficie des investissements dans la technologie nécessaires pour que le Canada soit au même niveau que les autres pays dans ce domaine.
    Je devrais aussi ajouter que ce sont les petites entreprises qui contribuent le plus à la croissance de l'emploi au Canada. Internet et la technologie informatique ont réduit les coûts d'entrée dans de nombreux secteurs. Pour ces entreprises, ces technologies sont primordiales. Nous devons donc veiller à ce qu'elles aient accès à des technologies à la fois peu coûteuses et concurrentielles à l'échelle internationale.
    Je dois également noter que certaines preuves montrent que le Canada est l'un des pays membres de l'OCDE qui impose le plus de restrictions sur l'IED. Cela est dû en grande partie aux trois secteurs contingentés dont j'ai parlé tout à l'heure. En outre, les données indiquent que les frais associés aux services de télécommunications au Canada sont très élevés.
    Le dernier point que j'aimerais aborder ce matin, c'est l'idée que le secteur devrait rester entre les mains des Canadiens. Cette politique a un prix, à savoir la réduction de la capacité concurrentielle et de la prospérité pour les Canadiens.
    J'ai prononcé de nombreuses conférences au Canada et ailleurs. Comme vous le savez, pour mettre au point la politique optimale, il faut comparer les coûts et les bénéfices qui y sont associés. Selon mes recherches, en général, les restrictions en matière de propriété étrangère ne produisent pas les meilleurs résultats, fait qui sous-tend la tendance mondiale à adopter des politiques favorisant l'investissement étranger.
    Merci.
(0925)
    Merci, monsieur Hejazi.
    Nous passons maintenant aux questions et aux commentaires des membres du comité. Monsieur Garneau.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à MM. Morck et Hejazi de leurs déclarations.
    J'appellerais vos déclarations: « Introduction à l'investissement étranger direct ». En gros, vous nous avez présenté un exposé théorique des avantages de ce type d'investissement.
    Or, notre comité se concentre sur une situation très précise, à savoir celle des compagnies de téléphone, et des compagnies de téléphone très convergentes, ce qui comprend le 17 mai bien sûr non seulement le transfert d'information, mais aussi un contenu fort important qui est lié à l'identité canadienne. Voilà la question avec laquelle nous sommes aux prises.
    Comme vous le savez, nous avons une loi sur les télécommunications et une autre sur la diffusion.
    Ma première question s'adresse à M. Morck. Vous avez dit que, dans sa forme actuelle, le secteur canadien des télécommunications est inefficace. J'aimerais comprendre ce que vous entendez par là; pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Deux études majeures ont été menées récemment sur la qualité des télécommunications, de l'accès Internet, des réseaux de troisième génération, etc., dans divers pays, l'une par l'OCDE et l'autre par le Berkman Center de l'Université Harvard.
    Je connais mieux celle du Berkman Center que l'autre. Elle retient certaines critiques du rapport de l'OCDE, mais le rang qu'elle accorde au Canada est aussi bas. Selon un rapport antécédent de l'OCDE, en 2003, le Canada occupait le deuxième rang, je crois, en matière de pénétration. La Corée du Sud était le seul pays dans lequel davantage de ménages et d'habitants étaient reliés à Internet qu'ici. Or, en 2008, nous étions passés au 10e rang.
    En 2008, selon le rapport de l'OCDE, nous occupions le 19e rang sur le plan de la plus haute vitesse Internet offerte aux clients. Nous étions 21e pour ce qui a trait au prix des connexions basse vitesse, 23e pour les connexions à vitesse moyenne et avant-dernier pour les connexions haute vitesse. La République slovaque était le seul pays à imposer davantage de frais que nous aux utilisateurs d'Internet haute vitesse.
    Nous n'avons même pas été classés dans la catégorie très haute vitesse puisqu'aucun de nos grands fournisseurs nationaux n'offrait ce service.
    L'étude de l'Université Harvard se sert de diagrammes pour regrouper des entreprises précises, car différentes compagnies offrent différents forfaits à des prix divers. Il y a donc des diagrammes remplis de points qui montrent les lieux de convergence des forfaits fournis par les diverses entreprises. Or, dans presque tous les graphiques inclus dans l'étude, les compagnies canadiennes occupent les parties qui représentent la basse qualité et les prix élevés.
    Selon l'étude de l'Université Harvard, je pense que nous occupons le 19e rang des pays membres de l'OCDE sur le plan du rapport qualité-prix. Tous ces faits sont plutôt tristes. Toutefois, on peut toujours trouver du positif. Les sites Internet canadiens nous apprennent qu'ils offrent le meilleur prix de la minute. Il y a toutes sortes de façons d'envisager les choses. Si la qualité et le prix des forfaits illimités laissent à désirer, on peut parler du prix du kilo-octet.
    Si les connexions sont très lentes, on peut citer le prix de la minute. C'est toujours possible de présenter le Canada sous un jour favorable, mais c'est difficile de prouver qu'il est rendu là où il devrait l'être.
(0930)
    Comme vous pouvez sûrement le deviner, des représentants de Bell, de Rogers, de Telus et de l'association du sans-fil se sont présentés à mon bureau de député. Tous ont ardemment contesté les mesures sur lesquelles sont fondées ces études.
    Selon eux, si différentes mesures avaient été employées — ils ont plus d'exemples que celui que vous avez donné —, les résultats n'auraient pas été les mêmes. Vous pouvez comprendre que c'est un peu difficile pour nous, en tant que députés, de savoir qui nous dit... ou qui procède de la meilleure façon.
    Aucune des entreprises de télécommunications n'a protesté lorsque l'OCDE nous a classés au deuxième rang en 2003. À ce moment-là, elles trouvaient les méthodes utilisées tout à fait remarquables.
    Je comprends. Je ne répondrai pas à cette observation.
    Compte tenu des nouveaux venus — Public, WIND et DAVE Wireless —, à votre avis, la situation actuelle... Certains ont mentionné que le marché compte maintenant bien des nouveaux joueurs, et nous savons que les nouvelles entreprises vont tenter de converger leurs activités, elles aussi.
    Que répondriez-vous à ceux qui affirment que les joueurs dans l'arène sont plutôt nombreux et que nous devrions attendre de voir ce qui va se produire avant d'aller plus loin? Croyez-vous que plus on est nombreux, mieux c'est, et qu'on devrait continuer à oeuvrer en ce sens?
    En général — on revient à la notion d'introduction que vous avez mentionnée à juste titre —, l'entrée semble être la meilleure façon d'accroître la concurrence. Cela dit, le rapport du Berkman Center se penche longuement sur la situation du Canada et se prononce sur les raisons pour lesquelles nous avons pris du retard. On y affirme que nous avons mal effectué le dégroupement de l'accès à la boucle locale et que nous avons établi des mesures de temporisation afin que les concurrents qui planifiaient utiliser les systèmes fixes des entreprises titulaires pour entrer chez les gens avaient seulement un certain nombre d'années pour le faire, à la suite de quoi ils auraient soit à obtenir leur propre boucle locale, soit à partir.
    Nous avons modifié les règles. Selon le Berkman Center, nos entreprises titulaires font payer les prix les plus élevés de l'OCDE pour l'accès à la boucle locale, c'est-à-dire pour l'accès aux maisons, à la dernière petite partie, au cuivre.
    On semble avoir déréglementé le secteur et permis l'entrée de concurrents; or, certains se demandent à quel point ces nouvelles entreprises sont viables comparativement à celles d'autres pays de l'OCDE étant donné la manière dont nous avons procédé.
    Merci beaucoup, monsieur Garneau.
    Nous passons à M. Cardin.

[Français]

    On est parti d'une motion qui parlait de Globalive et qui visait à démontrer que le gouvernement avait adopté un décret pour contourner la Loi sur les télécommunications, loi qui ne permettait pas les contrôles étrangers. Maintenant, on arrive dans l'économie pure et le commerce international, ou presque. Il ne faut jamais perdre de vue, comme le disait M. Garneau, que lorsque la Loi sur les télécommunications a été instituée, elle protégeait la propriété canadienne dans le but de sauvegarder la souveraineté et l'identité canadiennes. Comme ma collègue vous le dira probablement plus tard, celui qui contrôle le contenant contrôle aussi le contenu. Il est d'autant plus important de protéger la propriété canadienne dans les télécommunications.
    On a entendu beaucoup de témoignages nous parlant de recherche et développement, de technologie, d'innovation et de compétitivité. Bien sûr, certains témoins font quand même passablement de recherche et développement. Si on prend l'exemple de Bell, on nous a dit que Bell investissait plus par dollar de vente en recherche et développement que ATT. Même si des intervenants nous ont dit que nous avions un retard très important sur le plan de l'innovation, je ne crois pas qu'on ait vu de preuve concrète de ce retard sur le plan technologique.
    En ce qui a trait au fait d'aller chercher plus d'intervenants dans le domaine des télécommunications par l'entremise de propriétés étrangères, plusieurs intervenants — surtout les intervenants extérieurs qui analysent la situation — ne semblent pas considérer les liens entre la concurrence et le volet territorial. La densité de la population compte. En Europe, tout le monde habite, à peu près, dans une région de 100 km2. Brancher ou développer dans une superficie de la sorte n'est pas bien difficile.
    En gros, quel est notre retard technologique réel? Sommes-nous vraiment en retard sur le plan de la recherche et du développement?
(0935)

[Traduction]

    Nous allons commencer par M. Hejazi puisqu'il n'a pas encore parlé, puis nous passerons à M. Morck.
    Allez-y, monsieur Hejazi.
    Nous avons des preuves très concrètes qu'il existe un écart de prospérité entre le Canada et les États-Unis. Industrie Canada, les chercheurs et les décideurs tentent depuis plusieurs décennies de comprendre les raisons sous-jacentes de cet écart croissant et pourquoi le Canada n'est toujours pas aussi productif que d'autres pays.
    Il n'y a pas de réponse magique en ce qui concerne les causes de la faible productivité du Canada, mais les dépenses en R-D sont un des facteurs importants.
    Quand on compare les dépenses en R-D par rapport au PIB des pays du G7, on constate que le Canada accuse un sérieux retard. Je comprends votre point de vue quand vous dites que les sociétés canadiennes pourraient mieux paraître si les données étaient regroupées différemment. Je répondrai toutefois que si les sociétés canadiennes pensent que la méthode utilisée pour l'étude de l'OCDE et pour d'autres études comporte des lacunes, c'est qu'elles ont le sentiment de faire mieux. Elles pensent donc être aussi performantes que les sociétés de télécommunications des autres pays, ce à quoi je réponds: pourquoi craignent-elles alors l'arrivée des sociétés étrangères? Quelque chose ne va pas. Si elles croient être compétitives sur la scène internationale, si elles satisfont aux normes internationales, pourquoi craignent-elles autant l'arrivée des sociétés étrangères?
    Ce qui compte — et les faits le prouvent très clairement —, ce n'est pas seulement les sommes investies en R-D par les entreprises, mais également la concurrence à laquelle elles font face. Les faits montrent en effet clairement que les industries exposées à la concurrence qui investissent dans la R-D stimulent beaucoup plus l'innovation que les autres.
    Merci.

[Français]

    Monsieur le président, j'aimerais intervenir tout de suite, pour ne pas trop m'éloigner des propos de monsieur.
    Je ne crois pas qu'aucune des entreprises venues témoigner ici — et mes collègues pourront sûrement le confirmer — n'ait peur, réellement, de la concurrence comme telle. Certaines souhaitent cette concurrence, d'autres sont plus prudentes, dans le but de protéger, justement, l'aspect culturel et identitaire.
    Je passe à M. Morck.

[Traduction]

    Je m'excuse de répondre en anglais. Je parle français, mais pas très bien.
    Mon collègue a parlé de la R-D. J'aimerais simplement ajouter que la R-D stimule l'innovation, et que l'innovation stimule la croissance de la productivité. On peut toutefois dépenser beaucoup en R-D sans stimuler la croissance de la productivité si les dépenses sont mal gérées.
    Je ne dis pas que Bell gère mal ses dépenses en R-D. Je ne parlerai d'aucune société en particulier. Nous avons d'excellentes sociétés au Canada, mais le problème touche l'ensemble de l'économie.
    Ce que j'essayais de dire, c'est qu'en réglementant, en taxant, de manière directe ou non, le secteur des télécommunications, nous faisons grimper les coûts de toutes les entreprises au Canada, y compris ceux du gouvernement, et cela nuit à notre productivité.
     Vous avez soulevé deux autres points. Vous avez parlé de la densité de la population et je crois que c'est une question légitime. Pour offrir l'accès Internet dans les régions rurales éloignées, nous pourrions envisager un programme comme celui de l'électrification rurale qui a été mis en place il y a des dizaines d'années. Je pense toutefois que ce genre de programme devrait être financé à même les recettes fiscales — et non pas en taxant les communications entre les sociétés, soit le système circulatoire de notre économie. Il est préférable de taxer le revenu d'une façon générale dans ce genre de situation que de taxer un élément crucial pour la plupart des industries.
    En ce qui a trait à la culture canadienne... Je suis un grand amateur de culture canadienne. Je lis l'histoire du Canada. J'adore Ies livres qui parlent de Louis Riel et de Jean Talon. Frontenac était beaucoup plus intéressant que George Washington, et les Loyalistes de l'Empire-Uni étaient beaucoup plus intéressants que la plupart des Tudor et presque tous les puritains de la Nouvelle-Angleterre. Une des choses qui me déçoivent au sujet de la culture canadienne, c'est qu'elle se compose de séries comme La porte des étoiles et d'émissions sur des coroners en croisade ou des comédies de situation qui se déroulent à New York, mais sont produites au Canada. Je me demande donc si nos politiques actuelles nous permettent vraiment d'atteindre nos objectifs.
     Elles coûtent toutefois très cher. En taxant le secteur des télécommunications, nous imposons des coûts énormes à notre économie, à l'ensemble de l'économie. C'est la conclusion à laquelle en est arrivé Hausman aux États-Unis, et je crois qu'elle s'applique au Canada. Les économistes qui travaillent à Industrie Canada peuvent certainement trouver ces renseignements et vous donner les chiffres exacts.
    Si nous voulons protéger la culture canadienne, la chose à faire à mon avis est de nous débarrasser de nos règles, les règles régissant le contenu canadien, et des restrictions relatives à la propriété étrangère. La croissance économique et l'augmentation de la productivité qui en résulteront permettront d'accroître à tel point les recettes fiscales que nous serons sans doute en mesure de bonifier à maintes reprises les budgets de Radio-Canada et de l'Office national du film, et même de faire beaucoup plus.
(0940)
    Merci, monsieur Morck.
    Merci, monsieur Cardin. Je suis d'accord avec vous: c'est une bonne idée.
    Monsieur Brown.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je trouve que les exposés et les réponses de nos témoins sont très intéressants, et je tiens à les remercier d'être avec nous aujourd'hui. Je pense que leurs propos intéresseraient bien des Canadiens.
    J'aimerais poser une question tout d'abord à M. Hejazi.
    Dans un article paru le 26 janvier dernier dans le National Post, vous avez mentionné que l'idée voulant que le Canada s'en tire mieux si on limite les investissements étrangers est un mythe. Vous avez également dit que l'idée voulant que le Canada soit en train de perdre ses sociétés est un mythe.
    À votre avis, pourquoi ces idées circulent-elles au pays, et pourquoi dites-vous qu'il s'agit de mythes?
    Je vous remercie de poser cette question.
    Je commence toujours les conférences que je donne aux étudiants du MBA en leur posant une question: nommez-moi une société étrangère qui a des activités au Canada. La liste est longue et les réponses viennent rapidement. Puis je leur demande: donnez-moi des exemples de sociétés canadiennes actives sur la scène internationale. On me donne quelques noms, mais la liste est courte et les réponses se font attendre.
    Je pense que, dans l'ensemble, les Canadiens ont peur d'être achetés par les États-Unis, par les sociétés étrangères qui viennent s'installer au Canada. Mais ils n'ont pas vraiment conscience, ils ne se rendent pas compte que les sociétés canadiennes tirent très bien leur épingle du jeu sur la scène internationale.
    Lorsque je leur montre les chiffres qui prouvent clairement qu'en 1997, les investissements du Canada à l'étranger dépassaient les investissements étrangers directs au Canada, ils sont très surpris. Les sociétés canadiennes font de bonnes affaires dans l'économie mondiale, et elles prennent de l'expansion beaucoup plus rapidement que les sociétés étrangères au Canada.
    Lorsqu'une société canadienne est achetée par une société étrangère, les médias en font tout un plat. Lorsque l'inverse se produit, on en entend à peine parler; c'est moins excitant. Les Canadiens craignent d'être achetés, mais il s'agit d'un mythe. Si vous examinez les chiffres, les investissements du Canada à l'étranger dépassent à l'heure actuelle de quelque 25 p. 100 ceux des autres pays au Canada — plus de 600 milliards de dollars sont investis à l'étranger. Il s'agit donc d'un mythe.
    Deuxièmement, l'argument voulant que la meilleure façon de protéger les sociétés canadiennes consiste à ériger des barrières pour contrer la propriété étrangère est dépassé, et il ne tient pas la route, car presque tous les pays dans le monde se dotent de politiques pour attirer les multinationales ou les investissements étrangers.
    La meilleure façon de protéger les sociétés nationales n'est pas d'ériger des barrières contre les investissements étrangers, mais de leur procurer un environnement dans lequel elles pourront relever le défi de la concurrence étrangère, et se mesurer à elle en offrant avantages, innovation et prospérité aux Canadiens.
    C'est la raison pour laquelle j'affirme qu'il s'agit de deux mythes: les preuves indiquent tout le contraire.
(0945)
    Merci, monsieur Hejazi.
     J'ai une autre question au sujet des avantages pour le consommateur de supprimer les restrictions à la propriété étrangère. Quels seraient les avantages à votre avis?
    Je vais reprendre l'argument que j'ai évoqué un peu plus tôt. Si les sociétés de télécommunications canadiennes peuvent soutenir la concurrence internationale, les sociétés étrangères n'auront pas vraiment intérêt à venir s'installer au Canada. Par contre, si les sociétés canadiennes ne peuvent pas soutenir la concurrence étrangère, les consommateurs auront alors plus de choix. C'est là le premier avantage. Le deuxième est que si les sociétés étrangères viennent s'installer ici et qu'elles ne peuvent offrir de meilleurs prix ou une meilleure qualité que les sociétés canadiennes, les Canadiens ne changeront pas leur fournisseur canadien pour un fournisseur étranger.
    Par ailleurs, si un fournisseur étranger arrive sur le marché canadien et peut offrir de meilleurs prix ou une meilleure qualité, les Canadiens changeront alors de fournisseur. Le premier avantage sera donc d'avoir plus de variété, plus de choix; le deuxième est, à mon avis, qu'on verra la qualité s'améliorer et les prix baisser.
    Troisièmement, et surtout, et M. Morck y a fait allusion, l'accroissement de la concurrence permettra de stimuler l'innovation dans le secteur des télécommunications, un secteur fondamentalement différent des autres secteurs, car il a une importance cruciale pour toutes les entreprises au sein de l'économie. Le grand avantage que les Canadiens en retireront sera donc plus de concurrence et plus d'innovation dans l'ensemble de l'économie, et non pas seulement dans le secteur des télécommunications.
    Merci.
    Merci.
    J'aimerais maintenant m'adresser à M. Morck.
    Vous avez parlé brièvement du programme d'électrification rurale qui a été mis en place il y a des dizaines d'années pour distribuer l'électricité à grande échelle dans les régions rurales du Canada. Je représente une circonscription au sud d'Ottawa qui est assez vaste, mais peu peuplée. L'accès à large bande est une question importante pour la région, et les gouvernements tant provincial que fédéral sont pour une amélioration de l'accès.
    Dernièrement, nous avons entendu le témoignage de toutes les parties sur les améliorations qu'elles souhaitent voir de ce côté, et bien sûr, notre gouvernement a financé récemment le programme en cours qui vise à améliorer considérablement l'accès à large bande dans les régions rurales de l'est de l'Ontario. Vous avez parlé de la façon dont le gouvernement devrait s'y prendre pour subventionner le tout.
    Qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire de plus qu'à l'heure actuelle?
    Notre façon d'imposer des objectifs stratégiques à ce secteur jusqu'à maintenant a été par la voie de la réglementation. Nous disons en quelque sorte aux entreprises de câblodistribution, aux réseaux ou aux fournisseurs de télécommunications voici ce que vous devez faire: « offrez du contenu canadien, offrez l'accès, et en retour, nous vous permettrons de jouir d'un monopole ». C'est, je crois, ce qui est entendu, nous vous protégerons de la concurrence si vous réalisez ces objectifs stratégiques. Et les résultats sont peu probants, parce qu'ils tentent d'en faire le moins possible tout en faisant des profits.
    La leçon qu'il faut en tirer à mon avis, c'est que si le gouvernement veut réaliser quelque chose, il devrait s'en occuper lui-même. Nous voulons réaliser quelque chose qui n'est pas profitable, et le gouvernement est là pour s'occuper de ce genre de choses. C'est ainsi. Donc, si nous voulons offrir l'accès Internet dans des régions où il n'est pas rentable pour une entreprise privée de l'offrir, le gouvernement devrait payer la note, plutôt que de tenter de réglementer les entreprises ou de les protéger de toutes sortes de façons ridicules qui font grimper les prix pour tout le monde, en forçant, en quelque sorte, les entreprises à le faire. Ce n'est tout simplement pas une façon efficace de concevoir une politique gouvernementale.
(0950)
    Merci beaucoup MM. Brown et Morck.
    Monsieur Angus.
    Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. Je ne suis pas économiste, mais mon père l'était. À 40 ans, issu de la classe ouvrière, il est retourné sur les bancs d'école pour devenir économiste. J'avais l'habitude de lui poser des questions sur les théories économiques et il me répondait: « Eh bien, fiston, la chose que tu dois te rappeler, c'est que tout cela est de la foutaise. Il faut voir ce qui se passe dans le vrai monde ». Je suis donc toujours un peu prudent lorsque je...
    Ce sera au compte rendu?
    Oui, j'aimerais que cela y soit.
    Nous revenons donc à la théorie d'Adam Smith, aux bouchers, aux boulangers, et à ce gentil village modèle qui sert de théorie économique. Mais les bouchers ne peuvent pas vendre leurs produits aux épiciers indépendants, parce que tout l'espace sur les tablettes est réservé par quelques géants de l'alimentation qui contrôlent tout. Si vous êtes propriétaire d'une petite entreprise de lait, vous fermerez vos portes très rapidement. Si vous lancez une petite entreprise bovine, Cargill peut vendre 10 000 têtes et faire baisser les prix en un clin d'oeil. Parfois, il n'y a pas de concurrence sans réglementation. Parfois, il faut créer la concurrence sur le marché. C'est une des questions qu'il faut envisager à mon avis.
    Nous avons quelques gros joueurs dans notre marché, et ils ont tendance à rogner sur le service. Je paie très cher pour le câble, et ma fille m'a dit qu'elle obtenait un meilleur service Wi-Fi au Rwanda qu'au centre-ville d'Ottawa. Nous avons donc, de toute évidence, un problème.
    La question toutefois est de savoir s'il suffit d'ouvrir le marché pour accroître la concurrence, ou si nous assisterons à ce que prévoit le The New York Times à l'heure actuelle, à savoir une nouvelle vague de grandes acquisitions, où nous aurons créé deux, ou trois, ou quatre très grosses entreprises, qui sont en fait très petites sur la scène internationale, mais qui peuvent alors simplement être rachetées par des entreprises beaucoup plus grosses? En fin de compte, on n'a donc pas accru la concurrence; on a simplement un très gros joueur qui contrôle notre marché de l'étranger. Que pouvons-nous faire pour garantir la concurrence?
    Je suis d'accord avec vous. La science économique, comme la plupart des sciences, est très grossière.
    Est-ce que cela peut faire partie du compte rendu?
    Des voix: Oui. Vous pouvez continuer.
    M. Randall Morck: Et je crois que vous avez tout à fait raison au sujet des titulaires. Mais le gouvernement peut améliorer ou aggraver le problème des titulaires dominants.
    Je pense que vous avez raison parce que j'ai publié l'an dernier une recherche avec une de mes étudiantes au doctorat, Kathy Fogel, et Bernard Yeung, de l'Université de New York, dans laquelle nous avons examiné la liste des entreprises chefs de file dans tous les pays du monde en 1975, puis le nombre d'entre elles qui avaient cessé d'exister. Nous avons constaté que les pays dont les entreprises chefs de file ont cessé d'exister au cours des décennies suivantes avaient eu une croissance de la productivité beaucoup plus élevée que les pays dont les entreprises chefs de file étaient encore debout.
    Ce qu'il faut en retenir, à mon avis, c'est que Joseph Schumpeter a raison au sujet de l'innovation. L'innovation stimule la croissance lorsqu'elle permet à des entreprises créatives de se développer et d'écraser les entreprises stagnantes. La montée de RIM et la chute de Nortel sont donc des signes d'une économie en santé.
    Le gouvernement peut réglementer pour consolider la position des titulaires, et vous avez demandé, par exemple, si c'est la seule chose que nous devrions faire. Pas du tout. Nous devons examiner notre façon de réglementer toute l'industrie des télécommunications, car nous pouvons autoriser l'arrivée des sociétés étrangères, mais si nous donnons aux titulaires le pouvoir d'exclure des gens à l'étape finale qui consiste à installer les fils de cuivre dans les maisons, ou d'exiger des prix exorbitants pour le faire, l'arrivée des sociétés étrangères n'améliorera pas beaucoup la situation.
    Nous devons examiner ce que les autres pays ont fait, comment ils ont procédé pour autoriser les projets conjoints entre les propriétaires d'entreprises de fil de cuivre et les autres entreprises pour mettre à niveau l'équipement, etc. Je pense toutefois que la propriété étrangère est une première étape très importante pour stimuler la productivité de notre secteur des télécommunications, et je crains que nos restrictions en matière de propriété étrangère aggravent le problème des titulaires dominants.
    C'est un des problèmes qui se posent avec l'industrie des télécommunications. En tant qu'économistes, vous préférez peut-être l'aspect gadget de la chose, sans trop vous préoccuper de l'apport culturel. On a permis aux entreprises de télécommunications de devenir très convergentes, et le gouvernement a appuyé sans réserve cette évolution. Donc, si une entreprise de télécommunications voulait acheter un journal ou une station de radio et de télévision, elle avait le droit de le faire. Aujourd'hui, nous avons encore quelques entités extrêmement convergentes qui, en plus de fournir des services de câblodistribution, contrôlent essentiellement le monde des médias au Canada.
    Vous avez suggéré de tout balayer du revers de la main pour rétablir la situation. Et bon sang, tous les membres du Parti conservateur opinaient de la tête en lançant des « bravos »; ils croient que ce serait une merveilleuse idée que de se débarrasser de toutes les règles relatives au contenu canadien. Mais c'est une question de politique publique. Je suis issu du monde de la musique, et dans les années 1970, jamais on n'entendait une chanson canadienne à la radio. Ce n'est que lorsque des règles ont été établies à cet effet que c'est devenu monnaie courante. Nous avons maintenant un marché à portée internationale grâce à cette politique publique.
    Donc, si nous devons permettre à des entrants étrangers de percer le marché des télécommunications, pensez-vous que nous devrions simplement les laisser prendre le pouvoir, ou encore balancer par la fenêtre les exigences concernant le contenu canadien? Parce qu'ils ne vont pas les respecter. Si vous nous dites que les joueurs actuels n'aiment pas s'y conformer, pourquoi devrions-nous croire que des intérêts européens ou américains voudront le faire? Faudrait-il sabrer dans ces exigences ou carrément les éliminer?
(0955)
    Eh bien, j'ai peur que le CRTC ne s'engage dans un débat stérile. Aux États-Unis, on trouve maintenant des sites Web monstres comme Hulu et Netflix. Qu'est-ce que Hulu? Hulu est un site Web qui vous permet d'écouter n'importe quelle émission de télévision sur votre ordinateur d'un simple clic de souris. Et vous pouvez même brancher votre ordinateur à votre télévision pour regarder vos émissions sur écran géant sans même passer par votre compagnie de câblodistribution, ou Comcast ou encore la télé par satellite. Et Netflix fait la même chose avec les films. Hulu se finance grâce aux commerciaux qui précèdent la diffusion des émissions; Netflix facture au visionnement. Dans un monde comme celui-là, comment faire pour appliquer des quotas canadiens, alors qu'au lieu d'écouter une station de radio ou de regarder des canaux de télévision canadiens sur le câble, les gens peuvent écouter tout ce qu'ils veulent d'un simple clic?
    Je pense que l'évolution technologique nous amène à trouver de nouveaux moyens pour protéger la culture canadienne. Je ne voulais pas avoir l'air de prendre la situation à la légère. Je pense que nous pourrions nous débarrasser des règlements en place actuellement, des règlements qui nous coûtent très cher, et l'accroissement de l'activité économique nous permettrait d'augmenter suffisamment l'assiette fiscale pour financer la production directe de projets culturels canadiens par l'entremise de la SRC, de l'Office national du film, etc.
    J'ai l'impression que l'industrie de la musique canadienne n'a plus vraiment besoin de protection. Elle peut très bien se tenir debout toute seule. Il existe une notion d'économie qui veut que l'on protège les industries naissantes, mais quand elles sont arrivées à maturité, il faut les laisser voler de leurs propres ailes. Personne ne veut que ses grands enfants de trente ans continuent à vivre dans son sous-sol.
    Merci beaucoup, monsieur Angus.
    La parole est maintenant à M. Rota.
    Je vous remercie tous les deux de vous joindre à nous ce matin. C'est intéressant d'étudier l'histoire, celle de Frontenac, comme vous l'avez mentionné plus tôt. Je suis allé à l'école francophone, alors j'ai étudié l'histoire canadienne d'un point de vue différent de ceux qui ont fréquenté l'école publique anglaise. « Je vous répondrai par la bouche de mes canons » est une de mes citations favorites. C'est Frontenac qui a prononcé ces mots en réponse au cri de guerre des Britanniques. Il protégeait ce qu'il avait à l'époque, la souveraineté canadienne ou la souveraineté de la Nouvelle-France, et il se battait pour des ressources, qui étaient plutôt limitées, comme aujourd'hui. Il comprenait l'importance de protéger sa souveraineté et de rester maître chez soi.
    Souvent, en tant que parlementaires, nous essayons de faire ce qu'il y a de mieux pour tous les Canadiens, pas seulement pour cette petite élite qui excelle dans les marchés financiers et le commerce d'actions et qui sait comment accumuler les richesses. Mais cette concentration n'est pas exactement saine. Il suffit de connaître les principes économiques de base pour savoir que la concentration des richesses n'est pas nécessairement bonne pour l'économie, et qu'elle peut même lui nuire à long terme, particulièrement lorsque ces richesses sont concentrées à l'extérieur du pays.
    Ce qui m'inquiète, et je vous lance ça comme ça, c'est que si nous permettons à des intérêts étrangers de prendre possession de toutes nos grandes entreprises de télécommunications, il ne s'agira plus simplement d'investissements étrangers. Pour moi, des investissements étrangers, c'est lorsqu'une entreprise étrangère vient investir dans la R-D, qu'elle construit des infrastructures, et qu'elle produit quelque chose de concret. Mais ce qu'on voit de plus en plus, c'est des intérêts étrangers qui achètent des entreprises déjà en place.
    J'ai aussi entendu, de l'OCDE ou d'un autre groupe de témoins, qu'il devrait y avoir peut-être deux ou trois fournisseurs de services de télécommunications sans fil, par exemple, à l'échelle nationale au Canada. Nous sommes loin du nombre que préconisait Adam Smith pour favoriser une saine concurrence. Nous sommes au XXIe siècle, et les choses ont beaucoup changé depuis les années 1700, époque à laquelle Adam Smith a écrit La richesse des nations.
    Je me demande cependant comment faire pour réglementer tout cela. Si nous laissons nos portes grandes ouvertes, qu'est-ce qui arrêtera un propriétaire étranger de faire ce qu'il veut avec le marché canadien? Il se peut qu'il possède 90, 80 ou même 50 p. 100 du réseau de télécommunications canadien, mais cela ne représente peut-être pas plus de 3 p. 100 de ses avoirs internationaux. Comment pouvons-nous nous protéger d'une telle situation?
(1000)
    Vous avez posé plusieurs questions.
    Comment nous protéger contre un fournisseur abusif et monopolistique? Nous avons une loi contre les coalitions, la Loi sur la concurrence, et nous devons la faire appliquer.
    Nous devons donc recourir à la réglementation.
    Absolument. Si la réglementation et le gouvernement n'étaient pas la voie à suivre pour avoir une économie prospère, la Somalie serait sans doute le pays le plus riche au monde, elle qui n'a pas de gouvernement depuis 20 ans.
    Je tiens le même discours à propos de certains des États du Sud aux États-Unis.
    Bien sûr. Je crois que cet argument est tout à fait valable. Les entreprises du Massachusetts ne s'exilent pas en Arkansas parce que les impôts sont moins élevés. Le gouvernement nous fournit des services en échange de nos impôts, et un gouvernement qui fait bien son travail offre des services rentables par rapport aux impôts perçus. Nous devons y penser.
    Pour ce qui est de la concentration des richesses, je crois que vous avez également raison sur ce point. J'ai fait quelques recherches sur le sujet. Les économistes aiment parler de la recherche d'un compromis entre l'efficience et l'équité, c'est-à-dire que dans des conditions un peu plus inégales, il est possible d'aller chercher plus d'efficience et l'économie croît plus rapidement. Selon mes recherches, ce principe est vrai s'il s'agit d'inégalités entraînées par de nouvelles richesses, engendrées par des gens comme Bill Gates ou ces entrepreneurs du sud de l'Ontario qui ont fait de Research in Motion une réalité. Par contre, les inégalités dues à de vieilles richesses, des fortunes héritées, entraînent autant d'iniquités que d'inefficiences. Vous échappez ainsi à ce compromis, mais d'une façon très peu enviable.
    Je crains que si on restreint la propriété canadienne... On voit aujourd'hui que nos compagnies de câblodistribution sont transmises à des deuxièmes et à des troisièmes générations; elles deviennent de vieilles fortunes, de vieilles entreprises familiales. J'ai bien peur que les données démontrent que les vieilles fortunes ne rendent pas service à la gouvernance d'entreprise. Mes propres recherches m'ont permis de conclure que les vieilles fortunes transmises de génération en génération, tant au Canada qu'à l'étranger, n'obtiennent pas des résultats mirobolants en général... il faut faire obstacle au problème de titulaire dominant, ce dont traitait la question précédente, si je ne m'abuse.
     Ce phénomène est courant partout dans le monde — de vieilles fortunes qui se perpétuent, s'accumulent et raflent tout sur leur passage. Vous avez très bien cerné le problème. Vous nous dites que de nouvelles entreprises se font acheter par de vieilles fortunes. Les vieilles inefficiences, si je peux m'exprimer ainsi, sont carrément flanquées sur les nouvelles acquisitions.
    Comment pouvons-nous, nous, les Canadiens, réglementer ces transactions si elles arrivent de l'étranger? La question s'adresse tant à vous qu'à M. Hejazi.
    Pourquoi ne demandons-nous pas à M. Hejazi de répondre à cette question?
    J'aurais plusieurs points à faire valoir à ce sujet.
    Premièrement, quand on permet aux compagnies étrangères de percer le marché canadien — on parle des grandes multinationales, comme vous l'avez mentionné —, elles sont en mesure de se servir des résultats de la R-D et de profiter des innovations qui circulent dans le réseau. Et c'est un fait clairement démontré. Elles ont donc accès à ces réseaux mondiaux de R-D et d'innovations, auxquels les entreprises canadiennes ne peuvent accéder. C'est le premier point.
    Deuxièmement, je pense que la façon de réglementer... Comme M. Morck l'a indiqué, quand on a affaire à un monopole abusif, on peut intervenir, car ce genre d'activité doit être réglementée et ne devrait pas être permise. C'est le point que je voulais faire valoir tout à l'heure, et j'estime que c'est un élément crucial. Pour protéger les entreprises canadiennes, nous devons leur procurer un environnement qui leur permet d'être concurrentielles sur la scène internationale, et qui leur permet d'innover. Donc, quand on empêche des sociétés étrangères de percer notre marché, les entreprises canadiennes deviennent un peu moins disciplinées, parce qu'aucune autre entreprise canadienne n'est en mesure de les engloutir.
    Sur les marchés financiers, quand les gestionnaires font bien leur travail, le prix des actions grimpe. Quand les gestionnaires font mal leur travail, le prix des actions dégringole. La discipline qu'imposent les marchés financiers aux gestionnaires naît du fait que si les gestionnaires ne sont pas à la hauteur des attentes, d'autres entreprises peuvent en profiter pour faire l'acquisition de la compagnie qui bat de l'aile et décider de remplacer la direction. Cela ne peut pas se produire dans une industrie concentrée comme celle des télécommunications lorsqu'on empêche les sociétés étrangères de percer le marché.
    Alors, la meilleure façon de protéger les entreprises canadiennes, c'est de leur permettre d'être concurrentielles sur la scène internationale, pour que ce soit elles, sachant qu'une compagnie étrangère pourrait venir s'installer au Canada, qui fassent des acquisitions à l'échelle mondiale, plutôt que de laisser des intérêts étrangers s'approprier des entreprises canadiennes.
    Je crois que vous présumez automatiquement que les entreprises canadiennes ont peur, qu'elles ne seront pas de taille face à leurs concurrents. Les études montrent clairement que les entreprises canadiennes savent se tailler une place sur les marchés mondiaux, et je crois qu'en présence d'intérêts étrangers, les entreprises canadiennes pourraient l'emporter.
(1005)
    Merci beaucoup, monsieur Hejazi.
    Monsieur Braid.
    Merci à nos deux témoins de se joindre à nous ce matin.
    Monsieur Morck, j'aimerais vous adresser ma première question. Vous avez mentionné dans votre présentation qu'imposer une taxe sur ces connexions a pour effet de rendre l'ensemble du processus plus coûteux. Je présume que cet argument s'appliquerait également à une taxe sur les iPod et les BlackBerry. Est-ce exact?
    Je n'avais pas vraiment songé aux iPod; aux BlackBerry et aux iPhone, peut-être.
    Les choses qui nous permettent d'utiliser les nouvelles technologies pour faire avancer nos entreprises sont importantes. Par exemple, le rapport auquel j'ai fait référence (il s'agissait d'un rapport de l'OCDE ou d'une étude de Harvard, j'oublie lequel des deux) traitait des connexions Internet des petites entreprises et de leur utilisation du Web.
    Le Canada fait bien piètre figure à ce chapitre. Nos petites entreprises sont loin de se servir du Web autant que les petites entreprises d'autres pays. Est-ce parce que le service est plus lent, moins fiable, plus cher? Je ne le sais pas. Je pense que c'est le genre de facteur qui fait grimper nos coûts, qui réduit notre compétitivité et qui compromet notre niveau de vie.
    Pour ce qui est des intérêts étrangers, je ne nie pas que certaines acquisitions sont le fruit des visées mégalomanes de PDG étrangers qui tentent de bâtir des empires. Mais bon nombre des acquisitions d'entreprises... Les recherches que j'ai menées en collaboration avec Andrei Shleifer, de Harvard, et Robert Vishny, de l'Université de Chicago, montrent que les entreprises qui sont absorbées sont souvent des entreprises en difficulté. Un investisseur peut décider de mettre la main sur une entreprise boiteuse et mal gérée — ses revenus sont faibles, les dividendes sont minimes et le prix des actions est dérisoire. Il montre la porte aux anciens dirigeants, il embauche une nouvelle équipe et introduit de nouvelles technologies. Il remet l'entreprise sur pied, comme on rénove une maison. Il la revend ensuite aux actionnaires à fort prix, et empoche le profit. Et la roue continue de tourner. Beaucoup des acquisitions se déroulent dans ce contexte.
    Si nous empêchons les intérêts étrangers de faire des acquisitions, nous allons bloquer les PDG mégalomanes bâtisseurs d'empires (des empires qui vont probablement s'écrouler dès que les PDG auront pris leur retraite), mais nous allons aussi bloquer les acquisitions d'entreprises en difficulté. Ces dernières sont importantes pour assurer la qualité de la gouvernance dans une économie.
     Merci.
    Monsieur Hejazi, vous nous avez dit que les entreprises canadiennes étaient de plus en plus concurrentielles mondialement et qu'elles réussissaient à se tailler une place sur le marché international. Quelles caractéristiques ou qualités particulières retrouve-t-on chez ces entreprises canadiennes? Qu'est-ce qui fait qu'elles sont en mesure de faire concurrence aux autres entreprises internationales?
    Quand on jette un coup d'oeil aux données économiques globales, nous voyons de plus en plus d'entreprises canadiennes qui vont au-delà du marché traditionnel, c'est-à-dire le marché des États-Unis. Si on compare la situation actuelle à ce qui se faisait avant, on constate qu'il y a eu une hausse des investissements faits à l'étranger, autrement dit des investissements faits par des entreprises canadiennes à l'extérieur du Canada et des États-Unis.
     Je pense que les entreprises se dirigent vers des marchés moins traditionnels, au-delà des États-Unis et de l'Europe, et qu'elles tentent de percer des économies comme celle de l'Asie. Alors, même si le Canada accuse un certain retard par rapport à d'autres pays en ce qui a trait à la pénétration des chaînes d'approvisionnement mondiales, nous constatons que les entreprises qui obtiennent du succès sont des entreprises qui vont beaucoup plus loin que les marchés traditionnels des États-Unis et de l'Europe.
    Je dirais qu'environ 40 p. 100 des investissements canadiens à l'étranger sont faits dans le domaine des finances et des assurances, donc des services financiers. On ne parle plus seulement de fabrication comme auparavant. On investit beaucoup dans les services financiers et les services d'affaires.
    J'ai passé le mois dernier aux Émirats arabes unis, à Abu Dhabi. En fait, je me suis rendu à une réception organisée par le gouvernement de l'Ontario au British Club d'Abu Dhabi. Beaucoup de gens d'affaires canadiens y étaient également. J'ai vu des représentants de la SCHL. Bon nombre de Canadiens sont là pour aider les Émirats arabes unis à bâtir leurs infrastructures. J'en parle parce que c'est un marché que je connais bien. Les entreprises canadiennes font très bonne figure au sein des industries florissantes (infrastructures, pétrole et gaz, transports, services d'affaires). Quelque 28 000 Canadiens travaillent là-bas, et ce sont ces compagnies qui peuvent réussir selon moi.
(1010)
    Merci.
    Je reviens à nos trois grandes compagnies de télécommunications. Pourquoi ne tentent-elles pas de percer des marchés à l'extérieur du Canada? Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?
    Je ne saurais vous répondre, mais je crois que M. Morck a fait référence à la question plus tôt. Vous pouvez toujours analyser les différents indicateurs et examiner les données sous toutes leurs coutures. Toutefois, M. Morck n'a pas fait mention du Forum économique mondial.
     Quand on jette un coup d'oeil aux indicateurs de qualité et de compétitivité du secteur des télécommunications, on s'aperçoit qu'on traîne de la patte derrière de nombreuses autres entreprises à l'échelle mondiale. Pourquoi? À mon avis, c'est à cause du manque de concurrence internationale. Parce que l'industrie est concentrée et que la discipline qui s'installe lorsque l'on doit faire concurrence à des joueurs internationaux n'y est pas, les compagnies de télécommunications canadiennes visent davantage à être les meilleures au Canada. Elles ne cherchent pas à être les meilleures au monde, et c'est pourquoi selon moi elles n'ont pas tenté de conquérir d'autres marchés.
    S'il devenait évident que des concurrents internationaux s'apprêtaient à percer le marché, je crois que les grandes compagnies de télécommunications canadiennes seraient prêtes à les affronter; elles n'auraient d'autre choix que d'adapter leurs stratégies.
    Merci, monsieur Hejazi.
    Merci, monsieur Braid.
    Monsieur Bouchard.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Je vous souhaite la bienvenue.
    Je pense qu'on peut parler de vous comme de gens qui prônent l'ouverture du Canada sur l'étranger et veulent que plus d'entreprises étrangères de télécommunications s'établissent au Canada. J'ai constaté que vous prôniez également une réduction de la réglementation.
     On parle beaucoup de la culture canadienne, mais nous, au Bloc québécois, réclamons un CRTC québécois. C'est évidemment pour protéger notre culture française, québécoise. Je pense que le Canada veut aussi protéger la sienne. Bien sûr, il y a des facteurs économiques importants. On dresse des colonnes de chiffres, et ainsi de suite, mais il m'apparaît aussi important d'avoir des préoccupations globales qui incluent des éléments sociaux et culturels.
    Croyez-vous que votre philosophie et vos politiques prônant l'absence de règlements et une très grande ouverture face aux entreprises étrangères de télécommunications peuvent nuire à la protection de la culture québécoise et canadienne?

[Traduction]

     Je vous en prie, monsieur Hejazi.
    Je ne crois pas que cela soit une possibilité. Je ne considère pas que l'arrivée de joueurs étrangers sonnera nécessairement le glas de la culture canadienne. Je n'ai pas étudié l'industrie culturelle canadienne en profondeur et ne pourrais dire si nous devrions éliminer les règlements qui la régissent. Cependant, selon un principe économique général, il faut agir le plus directement possible quand on cherche à résoudre un problème. Il me semble qu'en rendant le Canada aussi concurrentiel et novateur que possible, on augmentera d'autant la prospérité, le PIB et les recettes fiscales.
    Selon moi, l'augmentation des recettes fiscales découlant de politiques favorables à l'innovation et à la compétitivité permettra au gouvernement de régler directement la question de la culture canadienne. En réglementant ce secteur en entier et en ayant ainsi un impact sur toutes les entreprises présentes au Canada qui en dépendent, le gouvernement utilise une voie indirecte et bien trop onéreuse pour protéger la culture. En adoptant une politique optimale, on garde un oeil rivé sur l'objectif tout en envisageant diverses manières de l'atteindre. Je crois que nous pouvons atteindre notre objectif en matière de contenu et de culture canadiens. Le gouvernement ne devrait pas perdre cet objectif de vue; toutefois, je considère que les restrictions relatives à la propriété étrangère constituent l'une des façons les plus coûteuses de l'atteindre.
    Merci.
(1015)

[Français]

    Puis-je répondre aussi?
    Oui, allez-y.

[Traduction]

    Je ne me suis peut-être pas bien fait comprendre. Je ne suis pas contre les règlements. Je souhaite qu'ils soient bien pensés. Un gouvernement avisé ne s'abstient pas de réglementer, mais choisit soigneusement ses règlements afin d'en évaluer les effets et les coûts. Ainsi, si j'ai donné l'impression à quiconque que je m'oppose à ce que le gouvernement impose des règlements lorsqu'il est nécessaire de le faire, je tiens à corriger cette impression.
    En outre, comme je l'ai indiqué, je suis très favorable à la culture canadienne et à celle des sociétés distinctes, comme celles du Québec et de l'Alberta.
    Oui, certainement, l'Alberta.
    Oh, vous vouliez parler du Québec.
    Le Québec est une nation, qui a été reconnue.
    Une certaine économiste du nom d'Anne Krueger m'a fait perdre de l'argent, car j'avais parié qu'elle deviendrait la première femme à mériter le prix Nobel, et c'est quelqu'un d'autre qui l'a remporté. Mais je crois qu'elle sera la deuxième récipiendaire. Elle a exposé une façon très facile d'amorcer une réflexion quand les règlements ont l'effet escompté et quand ils font chou blanc. Essentiellement, si une entreprise a un million de dollars, elle pourrait l'investir en R-D, en innovation ou en activités créatives, ou l'utiliser pour exercer des pressions sur les politiciens ou les fonctionnaires ou faire des acrobaties pour obtenir des subventions. Toutes ces démarches sont coûteuses, et la société peut choisir n'importe laquelle d'entre elles, en privilégiant la plus rentable. Si nous établissons un régime de réglementation faisant qu'il est plus rentable d'exercer des pressions ou de jouer les acrobates pour obtenir un allègement fiscal ou des subventions que d'investir dans l'innovation, alors nos entreprises feront des pressions et des acrobaties, au détriment de l'innovation.
    Je crois que le gouvernement doit réfléchir à la manière dont il peut protéger la culture de nos trois nations sans pour autant pousser les entreprises à exercer des pressions et à faire des acrobaties au lieu d'innover.
    Je crains que les règlements canadiens en matière de contenu et de propriété étrangère ne favorisent les pressions et les acrobaties au lieu de l'innovation.
    Merci, Monsieur Morck.
    Je laisse maintenant la parole à M. Van Kesteren.
    Voilà qui est fascinant. Nous nous amusons bien entre nous, mais vous avez raison de dire que les entreprises privilégieront leurs intérêts pécuniers. Le problème, lorsque les gouvernements amassent trop d'argent, c'est que les entreprises se mettent soudainement à vouloir en profiter. Je suis entièrement d'accord avec vous.
    J'ai déjà cité Adam Smith, pas aussi bien que vous, mais j'ai employé la même expression. Sans être économiste, j'ai lu La richesse des nations, il y a bien longtemps.
    J'en suis fort impressionné: l'exemple de la « fabrique d'épingles » est très aride.
    Eh bien, c'est un passage magnifique.
    Cette citation s'inscrit dans mon argument. Je vais faire une digression, mais je veux vraiment entendre... Je ne suis pas économiste, mais j'ai entendu parler de l'école autrichienne et de Keynes. Je crois que le père de M. Angus aurait pu également être un disciple de Keynes, à l'époque.
    Mon père n'était pas économiste. Homme d'affaires immigrant, il m'a un jour raconté l'histoire d'un roi fort avisé qui avait demandé à ses sages de réunir toute la sagesse du monde. Vous avez peut-être déjà entendu cette histoire. Les sages ont compilé l'information dans 12 gros volumes. Le roi les a rejetés, disant que personne ne les lirait et demandant que l'on condense l'information. Les sages lui ont donc présenté un seul volume, qu'il a trouvé trop gros. À sa demande, ils lui ont présenté une page, puis une seule ligne, qui disait: « On n'a rien pour rien. » Et tout en revient à ce principe.
    Je suis inquiet. On a pu lire récemment dans la presse que la dette nationale du Canada s'élève à environ 83 p. 100 du PIB. C'est colossal. On voit également ce qui se passe en Grèce, et toutes ces mauvaises politiques ont un coût.
    Je me souviens que M. McTeague est l'un des premiers à nous avoir avisés de la présence d'une bulle immobilière aux États-Unis, il y a trois ans, ce dont je lui sais gré.
    Craignez-vous que toutes les mauvaises politiques que nous avons adoptées font peser une dette énorme sur les gouvernements? Voyez-vous peut-être le même danger que nous voyons poindre à l'horizon?
    J'observe aussi la réaction du peuple grec, qui tient mordicus à ses droits.
    Souhaitez-vous formuler un commentaire à ce sujet? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1020)
    Je ne comprends vraiment rien à ce qui se passe en Grèce. On aura beau manifester dans les rues, deux et deux feront toujours quatre, et si les coffres sont vides, alors il n'y a rien à faire.
    Je crois que le Canada jouit d'une meilleure position que la plupart des pays membres de l'OCDE, car les gouvernements libéraux et conservateurs ont réussi à maintenir relativement bien l'équilibre budgétaire. Nous pouvons donc nous permettre un certain déficit au cours de la présente récession et garder notre économie à flot. Nous devons toutefois nous occuper de ces questions, de ces problèmes économiques à long terme.
    Keynes pensait certainement que les emprunts et les dépenses du gouvernement devaient servir à dynamiser l'économie, mais seulement en temps de récession, sur une courte période. Il considérait toutefois qu'une fois l'économie remise sur les rails, le gouvernement devrait rembourser ses dettes et, en moyenne, maintenir un déficit zéro.
    Les gens aime citer Keynes lorsqu'il s'agit de dire au gouvernement comment gérer le déficit. Ils sont moins pressés de reprendre ses paroles pour dire comment le gouvernement devrait rembourser sa dette le plus tôt possible.
    Je crois que vos propos recoupent ceux de M. Bouchard. Le gouvernement devrait, je crois, s'occuper de l'assiette fiscale. Nous devons favoriser l'établissement d'une économie où les citoyens et les entreprises font beaucoup d'argent pour que le gouvernement puisse gonfler ses recettes fiscales afin de mener à bien tous ses projets. On ne peut imposer des mandats de dépenser et d'affecter sans se demander d'où viendra l'argent: nous devons donc nous assurer qu'il y a suffisamment de contribuables, qui font assez d'argent pour que nous puissions les imposer pour pouvoir réaliser tous les projets que nous avons en tête. Je crois que c'est là où les Grecs ont raté le coche.
    Merci beaucoup, monsieur Morck.
    Avez-vous une autre question?
    Je me demandais s'il...
    Monsieur Hejazi, voulez-vous commenter?
    Oui. Je crois que le seul problème qui se pose au Canada... Je suis d'accord avec tout ce qu'a dit M. Morck, mais au Canada, il faudra vérifier à l'avenir s'il y a ou non un déficit structurel.
    Il est vrai que les finances du Canada... Pour le seul exercice de 1992-1993, le pays était aux prises avec un déficit astronomique de plus de 40 milliards de dollars, un montant presque exclusivement affecté au paiement des intérêts de la dette. Concrètement, cela signifie qu'en 1992, le gouvernement du Canada a dû emprunter 42 milliards de dollars juste pour payer les intérêts de sa dette. Ainsi, pour chaque dollar de recette fiscale, 25 ¢ ont servi au financement de la dette.
    En 1997-1998, nous avons atteint un équilibre budgétaire. Après avoir traversé une crise internationale et maintenant que le déficit canadien est de 40 ou 50 milliards de dollars — j'ignore le dernier chiffre qui a été énoncé —, il reste à savoir si à l'avenir, une fois l'économie rétablie, nous aurons un budget équilibré ou s'il faudra apporter des changements structurels afin de nous ramener à ce que nous appelons un budget structurel équilibré, pas un déficit. L'incertitude plane toujours à cet égard.
    Je crois toutefois que fondamentalement, ce qui est très important, c'est que le Canada a là une occasion à saisir. Comme l'a si bien dit Barack Obama, chaque crise offre des occasions. Il faut maintenant que le Canada assume une position de force. Notre responsabilité fiscale et le fait que le Canada ait essentiellement échappé aux effets de la crise financière suscitent l'admiration de tous les pays. Nous devons réfléchir à la manière dont nous pourrions rendre l'économie canadienne plus novatrice et stimuler la prospérité.
    Permettez-moi de vous donner un chiffre. Au chapitre de la prospérité, l'écart entre le Canada et les États-Unis est tel que si nous voulions le combler en augmentant les revenus des Canadiens pour qu'ils égalisent ceux de leurs voisins du Sud tout en maintenant le même taux d'imposition, les recettes fiscales supplémentaires suffiraient à éliminer le déficit. Les gouvernements disposeraient alors d'assez d'argent pour poursuivre un grand nombre de leurs objectifs, et ce, en agissant directement plutôt qu'indirectement, en imposant des restrictions à l'investissement étranger, par exemple.
    Merci.
(1025)
    Je vous remercie, monsieur Hejazi. Merci, monsieur Van Kesteren.
    Nous entendrons maintenant M. Angus. Assurons-nous de ne pas employer de langage trop coloré. Nous sommes un comité parlementaire.
    Oh, certainement, monsieur.
    Mon fils de cinq ans me regarde sur Internet.
    Je dirais, à l'intention de M. Van Kesteren, que je crois que le commentaire de mon père sur le crottin de cheval concernait plus Milton Friedman que Keynes.
    Gardez simplement à l'esprit que nos travaux sont télévisés publiquement et que mon fils de cinq ans nous regarde de temps en temps sur Internet. Je ne veux pas devoir lui couvrir les oreilles. Regardez, nous...
    Vous pouvez parler autant qu'il vous plaira, tant que ce n'est pas déduit de mon temps.
    Nous sommes tous capables de lancer des chapelets de jurons. Moi le premier, quand je rafistole ma voiture dans le garage, j'en dis des belles. Mais nous sommes un comité parlementaire, une tribune publique; efforçons-nous donc de...
    Allez-y.
    D'accord, tant que cette intervention n'empiète pas sur mon temps.
    Elle n'y empiète pas. Allez-y.
    J'aimerais revenir une fois de plus à nos théories économiques. Vous savez, je m'intéresse à l'investissement étranger. DeBeers est venu au Canada. Cette société de longue date veut contrôler le marché du diamant pour les cent prochaines années. Elle aime le climat qui règne au Canada, qu'elle considère comme un marché favorable. Elle a investi 1 milliard de dollars et a construit la mine de diamant Victor, à laquelle s'ajouteront d'autres mines.
    Falconbridge était une société internationale de haut calibre qui était très concurrentielle. Elle avait un sens aigu des affaires, tout comme Inco.
    Ces sociétés n'achetaient pas des entreprises à bas prix pour les remettre sur pied. Elles achetaient à grand prix parce que l'argent coulait à flot sur les marchés et que l'on s'arrachait les compagnies à vendre. Xstrata était pour sa part une société sans histoire ni antécédents. Elle se contentait d'acheter les compagnies; elle a donc pu... Le gouvernement conservateur lui a donné le feu vert sans vraiment examiner son dossier.
    Mais maintenant, les investissements se font rares. Les raffineries de cuivre ferment leurs portes. Le potentiel à long terme des dépôts... j'entends par là que l'exploitation minière exige des investissements à long terme. Les sociétés exploitent des dépôts à haute teneur et quitteront le Canada au cours des prochaines années. L'industrie minière ne pourra jamais récupérer les synergies perdues dans la foulée de cette prise de contrôle.
    Nous en revenons donc toujours à la question de savoir où est l'avantage net pour le Canada. Sans dire qu'il n'y aura pas d'investissement, il faudra imposer certaines conditions, car ce ne sont pas que les marchés privés qui sont concernés; les ressources publiques sont également sollicitées. Dans le secteur des télécommunications, il y a des ondes publiques; l'intérêt public est donc en jeu.
    Monsieur Morck, comment pouvons-nous maintenir cet équilibre pour que ces transactions profitent finalement aux Canadiens?
    Vous soulevez des questions de fonds. Le capitalisme s'accompagne de périodes d'expansion et de récession, de bulles spéculatives et de conquêtes présomptueuses. Comme je l'ai indiqué, bien des entreprises américaines font chou blanc quand elles essaient de devenir des multinationales, justement parce qu'elles se lancent sur les marchés étrangers et achètent, à fort prix, de mauvaises compagnies ou des entreprises qu'elles ne savent pas gérer. Et ce sont leurs propres actionnaires, à New York, qui pâtissent de leur échec.
    Je ne prétends pas que c'est une solution parfaite. Ce n'est pas une panacée. J'ai toutefois effectué mes propres recherches, me penchant sur la question des prises de contrôle avec Andrei Shleifer à Harvard et Rob Vichny à l'Université de Chicago, et s'il ne fait aucun doute que certaines de ces interventions sont malheureuses, il y a suffisamment de prises de contrôle dont l'issue est favorable qu'il vaut mieux les tolérer que les interdire. C'est ce que nos recherches ont démontré.
    Mais quand un problème se pose, appartient-il au gouvernement d'intervenir?
    Le gouvernement peut-il tout faire? Voulons-nous qu'il intervienne pour déterminer quelles prises de contrôle il autorisera? Imaginez le lobbyisme auquel le gouvernement s'exposerait s'il adoptait cette position. Peut-être devons-nous accepter certaines erreurs d'un côté pour bénéficier d'avantages de l'autre. Selon nous, le gouvernement doit parfois choisir la politique la moins néfaste, je crois...
(1030)
    Je voulais...
    Si vous me permettez de finir, je crois que lorsqu'il est question des prises de contrôle et de la propriété étrangère, il faut accepter qu'il y a des coûts et des avantages. Une politique saine en est une dont les avantages surpassent les coûts.
    Je vois.
    Mon temps est presque écoulé. J'aimerais simplement revoir certains points.
    Le président vous a accordé plus de temps, il me semble.
    Eh bien, cela n'a pas empiété sur mon temps. Je ne dirai rien au sujet de Milton Friedman pour qu'il ne m'interrompe pas de nouveau.
    En fait, j'ai connu Milton Friedman, donc je peux répondre si vous le voulez.
    Non, ça va. Nous en discuterons après la réunion.
    Des voix: Oh, oh!
    M. Charlie Angus: Pour ce qui est des impacts dans le secteur des télécommunications, mon collègue, M. Braid, s'inquiétait au sujet d'une redevance iPod dans le contexte d'un régime d'indemnisation pour les droits d'auteur. Pourtant, parallèlement à cela, son gouvernement envisage, dans le cadre de l'Accord commercial relatif à la contrefaçon, la possibilité d'éliminer les régimes d'exonération pour les fournisseurs de service Internet, ce qui pourrait les exposer à des poursuites judiciaires relativement à tout contenu téléchargé par leurs clients.
    Je crains fort qu'en exposant ainsi les sociétés de câblodistribution à des poursuites importantes du simple fait qu'elles administrent les voies de transmission, on pourrait fortement dissuader les gens d'investir dans ce secteur ou d'y accroître leur part de marché. Croyez-vous que l'élimination du régime d'exonération des fournisseurs de service Internet pourrait être problématique pour notre région?
    Je crois que vous avez mis le doigt sur une autre aberration économique. Certains économistes vont valoir sur différentes tribunes que les droits en matière de propriété intellectuelle doivent être renforcés, car cela favorise l'innovation. Ils ont raison dans une certaine mesure. Si vous êtes inventeur et ne disposez d'aucune protection pour vos brevets, vous n'allez rien inventer du tout. Si vous êtes musicien et que vos droits d'auteur ne sont pas protégés, il se peut fort bien que vous arrêtiez d'écrire des chansons. Mais les mesures de protection des droits d'auteur et des brevets peuvent aussi facilement être trop rigoureuses.
    Tout à fait.
    Si les brevets sont trop bien protégés, une société pharmaceutique pourrait très bien concevoir un seul médicament et ne rien faire d'autre pendant le siècle suivant; ou encore un musicien pourrait écrire une chanson à succès et en vivre pendant le reste de ses jours sans écrire rien d'autre, parce qu'il n'y a plus besoin de le faire.
    En fait, les économistes n'ont aucune idée — mais absolument aucune idée — de la force qu'on doit donner aux mesures de protection de la propriété intellectuelle. Des mesures trop rigoureuses sont néfastes; des mesures pas assez sévères le sont tout autant. Nous ne connaissons tout simplement pas le dosage approprié et je m'inquiète beaucoup de voir tous ces dirigeants gouvernementaux partout sur la planète qui croient simplement que plus les droits de propriété sont protégés, mieux c'est. La vérité est manifestement tout autre. Mais nous ne savons pas au juste où doit se situer le niveau d'intervention. Nous l'ignorons.
    Merci, monsieur Morck.
    Merci, monsieur Angus.
    Je dois avouer que j'ai digressé un peu.
    Nous passons maintenant à M. Wallace.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier nos témoins pour leurs exposés très intéressants, et je note également que plusieurs bonnes questions ont été posées de part et d'autre.
    J'ai moi-même trois questions. La première s'adresse à M. Hejazi. Vous avez parlé des entreprises canadiennes qui investissent ailleurs dans le monde. Sont-elles confrontées à des barrières dans les autres pays? D'autres pays érigent-ils des obstacles aux investissements étrangers entrants comme nous pouvons le voir au Canada? Doivent-elles composer avec des règles sur le contenu national, ou sommes-nous tout simplement en retard par rapport au reste du monde?
    Je ne pourrais pas vous parler des règles sur le contenu national à l'échelle planétaire, mais pour ce qui des restrictions sur les investissements entrants, l'étude de l'OCDE place effectivement le Canada parmi les pays développés les plus restrictifs.
    Les pays développés ont tendance à se montrer davantage ouverts aux investissements étrangers, mais cette ouverture est souvent assortie de règles additionnelles s'appliquant aux coentreprises. En Chine, par exemple, une entreprise étrangère doit travailler en partenariat avec une société locale. Cette règle est notamment motivée par le transfert des technologies.
    Mais pour répondre directement à votre question, le Canada est l'un des plus restrictifs parmi les pays développés, surtout en raison de la fermeture relative de trois secteurs clés: les télécommunications, les finances et les transports.
    Lors des séances précédentes de notre comité, on nous a également fait valoir que le secteur des télécommunications est intégré — bien que ce ne soit pas une pleine intégration — à d'autres secteurs, dont celui de la radiodiffusion. Pensez-vous que cette intégration puisse être problématique du point de vue des investissements étrangers?
    Non, pas du tout, en ce sens qu'il faut considérer la réglementation gouvernementale pour voir ce qui est permis ou non. Si, par exemple, les secteurs des télécommunications et de la radiodiffusion sont assujettis à une réglementation différente, il y aura bien évidemment des impacts sur le genre d'investissements qui pourront être faits au Canada.
    L'autre effet possible — et encore là, il faudrait procéder à une étude approfondie — c'est que des investisseurs étrangers pourraient être actifs dans certaines parties du secteur, mais moins dans d'autres. L'aspect intéressant de cette dernière possibilité, c'est qu'elle suscite la création de coentreprises ou d'alliances entre des compagnies étrangères et des sociétés canadiennes. Ces dernières, grâce à leur travail en partenariat avec des sociétés étrangères, ont ainsi accès à la technologie développée sur la scène mondiale.
    Il s'agit donc d'un aspect à examiner très soigneusement.
(1035)
    Je vais m'éloigner complètement du sujet pour vous poser une question à tous les deux.
    Je ne sais pas si vous avez enseigné dans d'autres pays, mais pourriez-vous me dire s'il y a une différence entre les étudiants canadiens en administration des affaires et ceux d'ailleurs dans le monde pour ce qui est notamment de leur esprit d'entrepreneuriat?
    Vous pouvez répondre, monsieur Morck, et nous écouterons ensuite M. Hejazi.
    J'ai enseigné pendant la plus grande partie de ma carrière à l'Université de l'Alberta. J'ai également enseigné à Harvard et à Yale aux États-Unis. J'ai aussi été enseignant à l'Université nationale de Singapour et j'ai donné ponctuellement des cours à différents endroits en Europe.
    Je dirais que les étudiants albertains sont des entrepreneurs très enthousiastes et que leur niveau est très élevé — pas très loin de ceux de Yale en fait. Harvard se situe peut-être une coche au-dessus.
    J'ai donné des conférences et des cours dans une bonne dizaine de pays d'Amérique du Sud, du Moyen-Orient et d'Asie. En juillet prochain, je me rendrai en Chine pour travailler avec des étudiants en administration des affaires pendant quelques semaines.
    D'après ce que j'ai pu constater à la Rotman School, je dirai qu'il y a une chose qui distingue les étudiants canadiens de ceux que j'ai pu côtoyer ailleurs dans le monde. Pas moins de 87 p. 100 de nos quelques 400 diplômés à la maîtrise en administration des affaires acceptent un emploi, non seulement au Canada, mais dans la région même de Toronto. Alors si j'en crois mon expérience à l'Université de Toronto, il semblerait que les Canadiens aient tendance à vouloir s'installer dans la région où ils ont étudié et n'envisagent pas vraiment une carrière internationale.
    À la Rotman School, nous offrons maintenant un nouveau cours qui nous permet d'emmener les étudiants en tournée dans différents pays. Il y a eu un séjour de deux semaines en Chine. Des étudiants se sont rendus en Inde. J'ai accompagné un groupe en Turquie, aux Émirats arabes unis et en Jordanie. À l'heure actuelle, nous avons 15 étudiants au Brésil. Il s'agit d'offrir une perspective internationale à ces étudiants.
    J'estime que nos étudiants sont excellents, mais ils n'ont pas nécessairement le goût de l'aventure aussi développé que ceux d'autres pays.
    Merci, monsieur Hejazi.
    Merci, monsieur Wallace.
    Si vous avez une brève question, vous pouvez poursuivre. Il vous reste juste un peu de temps.
    J'ai une brève question pour M. Morck concernant la définition de la productivité.
    Vous avez parlé de la valeur respective des intrants et des extrants. General Motors produit des automobiles; Mercedes-Benz également. La valeur d'une Mercedes-Benz est plus élevée que celle d'un véhicule de General Motors.
    Peut-on dire que Mercedes-Benz est plus productive parce que ses véhicules valent plus cher?
    Non, on calcule les extrants d'une société en multipliant le prix de chacun par la quantité produite. Vos revenus correspondent donc au prix de vente de vos extrants, duquel on soustrait le coût de tous les intrants que vous avez utilisés.
    Vous pouvez donc être extrêmement productif tout en ne fabriquant qu'un bien peu coûteux?
    Tout à fait, pour autant que les revenus que vous en tirez sont supérieurs aux coûts que vous engagez, vous contribuez à la productivité du pays.
    Voilà qui est clair. Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Wallace.
    Monsieur McTeague.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins pour leur participation.
    J'aimerais examiner cette question des investissements étrangers dans une perspective assez différente. Plutôt que de m'interroger sur les avantages pour les consommateurs, la population canadienne et les investissements au Canada, je considérerais plutôt qu'il existe au Canada une abondance d'actifs technologiques pouvant constituer une cible très prisée pour certaines grandes sociétés internationales capables d'acquérir d'un seul coup bon nombre de ces actifs.
    Je crois que M. Hejazi a parlé tout à l'heure des risques de vider l'économie; je ne vois pas vraiment les choses sous cet angle, mais il est possible que l'on relègue l'industrie canadienne des télécommunications au rang d'économie de succursales pour le secteur des communications.
    En sachant que la Loi sur les télécommunications a été créée il y a bien des années pour faire en sorte notamment que chaque canadien puisse avoir le téléphone, dans une perspective d'intérêt public, le prochain objectif de cette loi pourrait être que tous aient accès aux communications sans fil. Quelles garanties avons-nous que l'ouverture aux investissements étrangers ne permettra pas l'acquisition pure et simple des innovations et technologies canadiennes et, par le fait même, la perte d'emplois ici?
    On peut aussi s'inquiéter du sort réservé à notre Loi sur la protection des renseignements personnels en cas d'acquisition par une société des États-Unis. Par exemple, une entreprise comme AT&T peut acquérir plusieurs actifs canadiens, puis soumettre des citoyens canadiens à la Patriot Act, ou tout au moins contester notre Loi sur la protection des renseignements personnels en vertu de la Patriot Act. Comment percevez-vous les risques de concentration via des rachats par emprunt à un moment où l'optimisation des profits, plutôt que l'intérêt public, semble manifestement guider bon nombre des initiatives qui, selon vous, bénéficient vraiment des investissements étrangers directs?
(1040)
    À qui adressez-vous la question...?
    À M. Hejazi, peut-être.
    D'abord et avant tout, la question de la Loi sur la protection des renseignements personnels est très importante. À l'Université de Toronto, nous réalisons de nombreux travaux sur l'approvisionnement à l'étranger. Il faut surtout penser que lorsque les entreprises affiliées aux États-Unis ont accès aux serveurs renfermant des renseignements sur les Canadiens, toutes ces données peuvent être transmises au gouvernement des États-Unis. Cela soulève de nombreuses préoccupations quant à la protection des renseignements personnels. C'est une situation que nous devons examiner de façon très minutieuse étant donné les risques d'infraction à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le cas où une entreprise américaine achète une société canadienne. Les renseignements personnels de bon nombre de Canadiens pourraient ainsi se retrouver exposés, ce qui exige selon moi une réflexion approfondie.
    Il faut également éviter de croire que tous les investissements consentis au Canada proviennent des États-Unis. Il y a tout un monde au-delà des frontières américaines et les investissements étrangers au Canada viennent de plus en plus de pays autres que les États-Unis.
    J'ajouterais que lorsqu'une entreprise étrangère vient acquérir un actif au Canada, c'est pour maximiser sa valeur. Elle ne va pas simplement faire une acquisition et la vider ni plus ni moins de son contenu avant de repartir. Pourquoi agirait-on ainsi? L'entreprise étrangère va s'efforcer d'exploiter l'actif acquis de la façon la plus efficiente possible. Il se peut qu'il soit plus efficient de vider cet actif de sa substance et de tout ramener aux États-Unis, mais ce n'est pas ce que je constate.
    Je vois plutôt des entreprises étrangères venir au Canada, jouer un rôle dans ce secteur, et améliorer notre accès au capital et nos capacités technologiques — car ces sociétés ont accès à la technologie via leurs réseaux — ce qui augmente d'autant la capacité concurrentielle de l'économie canadienne. Je dirais que les industries pouvant bénéficier d'une participation étrangère sont plus productives que celles qui en sont privées.
    Merci.
    Avant de m'adresser à M.  Morck, j'aimerais savoir concernant ce dernier point quelles garanties a-t-on que le Canada ne ressortira pas perdant pour ce qui est de l'innovation ou des activités de R-D. C'est ce qui motive vraiment les investissements pouvant provenir d'une société étrangère.
    Qui plus est, pourquoi une entreprise devrait-elle avoir le contrôle de ce nouvel actif canadien dans un scénario de plus grande ouverture du secteur des télécommunications, alors qu'il n'y a actuellement aucune restriction quant à la dette qu'elle peut détenir? Les sociétés de télécommunications font-elles état d'un problème d'accès au capital? Je crois que bon nombre d'entre elles ne se sont même pas prévalues de toutes les possibilités qu'offrent les lignes directrices en vigueur en matière de contenu étranger.
    Je vous dirais, par exemple, que les investissements en matière d'accès à large bande au Canada sont à la traîne par rapport à ce qui se passe ailleurs dans le monde. C'est ce que nous a appris le Forum économique mondial.
    Comme on l'a mentionné précédemment, je crois que les entreprises canadiennes adoptent les nouvelles technologies moins rapidement que les sociétés étrangères. Les investissements nets des sociétés canadiennes en matière d'innovation sont inférieurs. Tout indique que lorsqu'une entreprise étrangère vient s'installer au Canada, elle est capable de déployer sa technologie plus rapidement et dans une plus large mesure qu'une société canadienne. Il est donc possible en pareil cas, que les activités de R-D n'aient pas nécessairement lieu au Canada. Je ne sais pas quelles en seront les répercussions, mais une chose est sûre: l'entreprise aura accès à davantage de travaux de R-D et ses efforts d'innovation seront plus efficaces.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Hejazi, j'aurais un commentaire à formuler au sujet de la position prise par le gouvernement relativement à l'abstention de réglementation il y a deux ou trois ans. On a alors coupé court de façon très prématurée — du moins à mon avis — à toute possibilité de concurrence accrue. Cela nous amène à penser que nous n'avons pas exploré pleinement toutes les possibilités d'innovation et de concurrence au sein même du Canada avant de lancer nos filets un peu plus au large pour attirer des investisseurs étrangers.
    C'est une excellente observation.
    En janvier dernier, j'ai participé à Industrie Canada à une table ronde portant justement sur cette question. Il y a de nombreux secteurs où des améliorations sont possibles. Il s'agit notamment de faire en sorte que les entreprises canadiennes puissent faire valoir les arguments nécessaires pour obtenir du financement aux fins de l'innovation, ou, une fois que l'innovation est en cours, pour passer à la commercialisation.
    Votre argument est donc valide: permettre la concurrence étrangère n'est pas la solution miracle. À mon sens, c'est l'un des nombreux aspects au titre desquels nous pouvons améliorer la capacité concurrentielle de notre économie.
(1045)
    Merci, monsieur Hejazi.
    Monsieur Lake.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos deux témoins pour leur contribution.
    Monsieur Morck, je crois vous avoir entendu dire que les étudiants en administration des affaires de l'Université de l'Alberta sont les meilleurs et les plus brillants au monde...
    Des voix: Oh, oh!
    M. Mike Lake: ... surtout ceux de la promotion de 1995.
    Est-ce bien cela?
    Oui, c'est à peu près cela.
    Je vous remercie.
    Si vous le permettez, j'aimerais que nous parlions de l'écart de prospérité et du capital de risque, des questions que vous avez abordées tous les deux.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de la corrélation, du lien de cause à effet, entre ces deux éléments? Je sais que cela n'est pas directement relié au sujet de nos discussions d'aujourd'hui, mais je trouve cela particulièrement intéressant.
    Voilà, de fait, un bon exemple de politique publique ayant incroyablement mal tourné au Canada. Nous avions un secteur naissant du capital-risque. Le gouvernement s'est mis en tête de subventionner le capital-risque en créant des fonds de capital-risque de syndicats auxquels il a consenti d'énormes exemptions fiscales. Ces nouveaux fonds ont conduit à la faillite les véritables fonds de capital-risque qui existaient alors. Nous nous sommes donc retrouvés presque uniquement avec des fonds de capital-risque de syndicats.
    À quoi sert un fonds de capital-risque? Les agents de ces fonds savent très bien parler aux détenteurs du grade de docteur comme en génie électrique et en biologie moléculaire. De fait, ils possèdent des employés qui possèdent des doctorats dans ces domaines et ils tendent à se spécialiser énormément. Un fonds de capital-risque de la Silicon Valley pourrait donc se spécialiser dans un type particulier de génie électrique. Pour l'évaluation de propositions, il pourrait compter, dans son personnel, des détenteurs de doctorats ou il pourrait accéder à des détenteurs de doctorats de ce domaine qui seraient de garde. Ainsi, il pourrait offrir un financement assez généreux aux personnes qui trouvent de bonnes idées et filtrer les mauvaises idées.
    Qu'arrive-t-il si on confie ce genre de travail à un syndicat? Il aura probablement beaucoup de difficultés à effectuer ce filtrage et à offrir des conditions généreuses aux personnes qui leur proposent de bonnes idées. De fait, il aura peut-être beaucoup de difficultés à distinguer les bonnes et les mauvaises idées. Les firmes canadiennes finiront par offrir les mêmes conditions à tous. Les firmes états-uniennes offriront des conditions très généreuses aux personnes qui ont de bonnes idées et chasseront les personnes qui ont de mauvaises idées. Les firmes canadiennes offriront quant à elles à peu près les mêmes conditions à tous.
    Qu'arrive-t-il ensuite? Toutes les personnes qui ont de bonnes idées iront aux États-Unis, tandis que les fonds de capital-risque canadiens se retrouveront avec les personnes que les fonds états-uniens ne financeront pas. Au bout du compte, nous subirons des taux d'échec très élevés et, généralement, notre industrie sera ravagée.
    À Harvard, Josh Lerner et Paul Gompers ont comparé, dans un travail très bien fait, les capitaux de risque dans le monde et ils ont longuement discuté de l'expérience canadienne.
    Professeur Hejazi.
    Je n'ai pas grand chose à ajouter. Je suis d'accord avec tout ce qu'a dit M. Morck.
    Les fonds canadiens de capital-risque des syndicats sont réputés pour leur très mauvais filtrage des idées. Les bons projets finissent donc par subventionner les mauvais et, à la fin, on obtient de mauvais résultats.
    D'après moi, cette réputation nourrit le consensus général selon lequel la capacité de discerner les bons projets, d'en faire l'analyse de rentabilisation et de les commercialiser, tout cela ce sont autant d'éléments à améliorer au Canada.
    Merci.
    À propos de l'écart dans l'échelle de la prospérité et, plus précisément, en ce qui concerne la discussion que nous tenons actuellement sur les télécommunications, est-il juste de dire que ce secteur n'est qu'une petite facette du tableau général qu'offre cet écart et que si nous nous donnions la peine d'examiner d'autres secteurs, ils confirmeraient cette impression?
    Ensuite, pour pousser les choses un peu plus loin, peut-être, je pense que vous avez dit que le secteur des télécommunications exerçait un effet aggravant sur les écarts que nous pouvions observer dans d'autres secteurs.
    Est-ce juste? Vous avez peut-être de petits détails à nous fournir.
    Comme je l'ai dit, mes travaux montrent que les avancées que connaît l'industrie des télécommunications et, de façon plus générale, les technologies de l'information ont un effet de ricochet sur le prix des actions des firmes de presque toutes les autres industries dans l'économie. Les économistes en développement qualifient ces secteurs de techniques universelles. Il s'agit de techniques utilisées par tout le monde, compagnies forestières comme abattoirs industriels. Il y a donc des industries qui jouent un rôle universel dans l'économie et qui diffèrent des autres industries. Elles fournissent des interconnexions. Une industrie des télécommunications inefficace exerce donc cet effet, non seulement sur elle-même, mais également sur toutes les autres industries qui dépendent d'elle.
    À mon avis, c'est la conclusion centrale qu'il faut en tirer. Les erreurs qui surviennent dans l'industrie des télécommunications sont extrêmement coûteuses — beaucoup plus qu'une mesure similaire qui s'appliquerait, disons, à la propriété étrangère dans les abattoirs industriels, laquelle ne concernerait à peu près que ces établissements et pas beaucoup plus. Les obstacles posés à la propriété étrangère dans les télécommunications ou les autres politiques qui limitent l'efficacité de l'industrie des télécommunications touchent tout le monde.
(1050)
    Professeur Hejazi.
    Oui, je suis tout à fait d'accord.
    J'ajouterais que, d'après moi, trois secteurs forment des infrastructures essentielles: les télécommunications, les finances et les transports.
    Je vais vous donner rapidement un exemple dans le secteur des transports. Je sais que je m'écarte du sujet, mais si vous vous reportez à la controverse survenue récemment en Alberta, vous savez que beaucoup de voyageurs en partent pour aller à Dubaï ou à Abu Dhabi, en raison du grand nombre d'investissements entre ces régions. Les Émirats veulent donc une liaison directe entre Edmonton ou Calgary et Dubaï ou Abu-Dhabi. Elle serait d'Etihad Airways, mais Air Canada s'y oppose: « Nous voulons que les vols entre l'Alberta et les Émirats arabes unis s'arrêtent à Toronto ».
    Pourquoi Air Canada n'assure-t-il pas lui-même la liaison? Pourquoi empêche-t-il un autre transporteur de l'assurer? Tous les Albertains qui veulent brasser des affaires dans la région du golfe, avec laquelle nous avons beaucoup de synergie, doivent donc s'arrêter à Toronto, ce qui leur coûte énormément cher. Toronto est une ville formidable, mais, dans ce cas, ils ne voient que l'aérogare et ils y poireautent quatre ou cinq heures avant de prendre la correspondance vers les Émirats.
    Trois secteurs, donc, sont d'une importance cruciale, et le relèvement des coûts d'utilisation de l'un d'eux a un effet de ricochet sur toute l'économie. Je dirais que ces trois secteurs contribuent en grande partie à l'écart de prospérité. Les obstacles que l'on pose à l'entrée dans ces secteurs expliquent en grande partie l'écart de prospérité que l'on observe au Canada et qui entravent notre compétitivité.
    Merci.
    Merci.
    Je pense que M. Lake aimerait savoir quels sont ces trois secteurs, monsieur Hejazi.
    Ce sont les télécommunications, les finances et les transports.
    Bien. Merci.
    À Mme Lavallée, maintenant.

[Français]

    Normalement, je ne siège pas à ce comité, mais plutôt au Comité permanent du patrimoine canadien, comme je suis porte-parole du Bloc Québécois en matière de patrimoine, particulièrement en arts et culture.
    Le monde culturel du Québec est extrêmement inquiet de l'ouverture de la propriété étrangère dans les entreprises de télécommunications. Au Québec, pour nous, c'est très clair que les télécommunications et la radiodiffusion, c'est de plus en plus la même chose. C'est déjà le cas pour certains équipements de télécommunications, mais dans l'ensemble, ce l'est de plus en plus, et ça va l'être encore davantage. Celui qui contrôle l'accès contrôle le contenu; pour nous, au Québec, c'est très clair. Quelqu'un que vous connaissez mieux, McLuhan, a dit que the medium is the message. Je pense que c'est encore vrai, et ce le sera encore plus dorénavant.
    Vous avez certainement un téléphone intelligent de la troisième génération. Vous vous êtes certainement procuré des applications gratuites dont des applications culturelles. La compagnie de sans-fil, qui relève essentiellement de la Loi sur les télécommunications, a fait pour vous des choix culturels: CBC Television, par exemple, ou CBC Radio, ou encore le magazine Maclean's, ou encore des vidéos de Disney — Disney faisant aussi partie de ces applications gratuites. Bell offre ce genre d'application quand elle offre ses appareils sans fil. Autrement dit, des entreprises de télécommunications font des choix culturels pour vous, au Canada. Ils en font de différents pour le Québec, et ils ne sont pas soumis à la Loi sur la radiodiffusion.
    Même en France, dorénavant, on diffusera la télévision sur les téléphones sans fil. Je vous rappelle qu'aux États-Unis, on ne peut pas non plus acquérir une entreprise de télécommunications n'importe comment. Leur loi dit qu'il faut montrer patte blanche, entre autres pour des raisons de sécurité nationale.
    Alors, les télécommunications et la radiodiffusion, ça se ressemble de plus en plus; elles sont de plus en plus difficiles à dissocier. Monsieur Hejazi, vous avez dit plus tôt que le secteur des télécommunications, c'est spécial. L'auteur du rapport qui nous amène à faire cette étude ici, M. Wilson, dit lui aussi que c'est très difficile de dissocier les télécommunications et la radiodiffusion. Le président du CRTC est venu s'asseoir ici, à votre place, monsieur Morck, pour nous dire qu'il faudrait fusionner les trois lois, c'est-à-dire la Loi sur les télécommunications, la Loi sur la radiodiffusion et la Loi sur la radiocommunication, tant les télécommunications et la radiodiffusion se ressemblent.
    Par ailleurs, au Canada comme au Québec, il faut protéger et promouvoir respectivement les cultures canadienne et québécoise. C'est tellement vrai que le Canada a été un des premiers pays au monde à signer la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, justement pour protéger cette culture. On sait aussi que les assises de la culture canadienne sont encore plus fragiles que la culture québécoise, à plusieurs niveaux.
    Craint-on d'être acheté par des entreprises étrangères? Oui. Le monde de la culture craint d'être acheté par des entreprises étrangères, parce qu'on sait ce qui arrive dans pareil cas. On sait ce qui arrive aussi en l'absence de réglementation. Par exemple, il n'y a pas de réglementation pour les salles de cinéma, ce qui fait qu'au Canada, 98 p. 100 des salles de cinéma projette du cinéma étranger, et particulièrement du cinéma américain.
    Au Québec, la situation est beaucoup moins marquée, étant donné la culture très forte de notre nation, comme vous le savez. On arrive même à contrer ce que vous appelez des blockbusters américains. L'été passé, le film québécois De père en flic a même battu les revenus au guichet de tous les films américains à l'affiche, dont Harry Potter, par exemple.
    Pour ce qui est de l'absence de réglementation, de façon générale, vous pouvez dire que c'est un principe non pas économique, mais politique: quand il n'y a pas de réglementation, les entreprises ne font rien. Ils viennent s'asseoir ici et nous supplient de ne pas réglementez pas, en disant qu'ils vont le faire. Finalement, ils ne font rien, et je pourrais vous en donner quelques exemples.
    Alors voilà, c'étaient mes commentaires. Je veux juste ajouter quelque chose, monsieur Morck. Tantôt, vous avez dit qu'un chanteur ne produit plus de chansons lorsqu'il a eu un gros succès et qu'il a fait suffisamment d'argent. Ce n'est pas vrai. Ça voudrait dire que des gars comme Luc Plamondon ou des chanteuses comme Céline Dion ne feraient plus de chansons. Je vous donne des exemples que vous connaissez, mais j'aimerais vous donner plutôt les exemples de Fred Pellerin, de Karkwa ou des Colocs.
(1055)
    Ce que vous dites n'est pas vrai. Les chanteurs et le monde économique ne sont pas mus par les mêmes principes. Ces artistes ne chantent pas nécessairement pour faire de l'argent: ils le font parce que c'est l'expression de leurs émotions et de leur âme, si je peux dire. On est sur un tout autre terrain.
    J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
    Monsieur Morck, je vous demanderais d'être bref.

[Traduction]

    Il faut examiner comment les lois sur le droit d'auteur s'appliquent aux chansons et aux oeuvres écrites. Actuellement, les normes internationales sur le droit d'auteur accordent à l'auteur d'une chanson le droit d'en tirer des revenus sur une période qui excédera sa propre longévité. Les personnes qui veulent utiliser cette chanson et la télécharger, etc., doivent continuer de payer en vertu du privilège du copyright, peut-être pendant une génération encore après la mort de l'auteur. Est-ce que cette disposition encourage vraiment davantage la chanson?
    Vous direz peut-être que cela n'empêchera pas personne de chanter, quoi qu'il advienne et vous aurez probablement raison, auquel cas, nous pouvons nous passer des droits d'auteur sur les chansons, n'est-ce pas? Il faut trouver un terrain raisonnable d'entente, qui récompense l'innovation et la création, mais qui ne nous oblige pas, nous, le reste du monde, à payer pour toujours le privilège d'utiliser cette innovation et cette créativité — et qui, en outre, ne laissera pas les auteurs s'endormir sur leurs lauriers.
    J'ai tendance à croire...
    Merci, monsieur Morck.
    Rapidement, monsieur Hejazi, puis nous allons lever la séance.
    Je soulèverai rapidement deux points. Premièrement, beaucoup de faits montrent que même dans les dons de charité on observe un gros changement quand les règles fiscales applicables sont modifiées. Je suis donc d'accord pour dire que, en général, la motivation financière et la réaction des gens diffèrent, selon qu'on est chanteur et artiste ou homme ou femme d'affaires, mais je pense que cela ne fait que confirmer ce que nous essayons de démontrer, c'est-à-dire que c'est faire un mauvais choix que de compter sur une politique pour faire payer à tous la protection du contenu canadien.
    D'après moi, la bonne méthode consiste à mettre en place un climat favorable à la production et à l'innovation pour accroître le produit intérieur brut et élargir l'assiette fiscale. Ainsi pourra-t-on utiliser les recettes fiscales accrues pour encourager directement le contenu canadien dans les arts, etc.
(1100)
    Merci, monsieur Hejazi.
    Merci à nos deux témoins. Leur témoignage nous aidera dans la rédaction de notre rapport.
    Merci également aux membres du comité.
    La séance est levée.
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