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SFSA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité sur la salubrité des aliments du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 10 juin 2009

[Enregistrement électronique]

(1600)

[Traduction]

    Aujourd'hui nous accueillons des représentants de l'Université d'Ottawa et, à titre personnel, M. Wilson. Nous accueillons également Mme Anu Bose, d'Option consommateurs et les représentants de Toxin Alert.
    Nous allons maintenant inviter les témoins à faire leurs exposés qui ne devraient pas dépasser 10 minutes pour chaque organisme.
    Monsieur Wilson va commencer.
    Je vous ai fait parvenir le texte de mon exposé au préalable. J'espère que tout le monde en a reçu une copie, car j'ai essentiellement l'intention de le lire. Mon exposé portera sur deux grandes questions.
    Pour ma part, j'étudie la santé publique au Canada depuis une dizaine d'années en tant que titulaire de la Chaire de recherche du Canada en politique en matière de santé publique. J'ai donc étudié divers problèmes liés à la surveillance, aux éclosions de maladies et à la sûreté du sang.
    Je compte aborder deux questions liées à la listériose qui ont également un lien avec les deux autres urgences auxquelles nous avons dû faire face jusqu'ici: la coordination des activités de protection de la santé entre les gouvernements fédéral et provinciaux, et l'efficacité avec laquelle le système de régie actuel de l'Agence de la santé publique et son administrateur en chef protègent la santé des Canadiens.
    En ce qui concerne le premier point, la coordination des activités entre les gouvernements fédéral et provinciaux en santé publique constitue un problème au Canada depuis un moment et a déjà fait l'objet de multiples rapports. Trois rapports de la vérificatrice générale, dont le dernier diffusé en 2008, ont indiqué qu'il s'agit d'une faiblesse importante. De plus, à la suite de la flambée du SRAS, c'était justement l'une des principales conclusions des rapports qui ont suivi.
    L'un des problèmes qui continue à se présenter est celui de l'échange de données entre partenaires fédéraux-provinciaux-territoriaux. Différents efforts ont été déployés pour élaborer des accords d'échange de données depuis 10 ou 15 ans au Canada, alors que nous avons connu très peu de succès pour ce qui est d'élaborer des accords complets. Encore une fois, trois rapports de la vérificatrice générale ont insisté sur ce problème.
    Pendant la crise du SRAS, c'était justement un problème majeur, comme l'a fait ressortir notamment le rapport Campbell. En fait, si des mesures suffisantes de surveillance sur le terrain et d'échange des données avaient été en vigueur, nous aurions sans doute pu éviter de donner un avis aux voyageurs, car les données épidémiologiques à l'époque indiquaient que la maladie était propagée en milieu hospitalier seulement.
    Ce qu'il faut retenir dans le contexte actuel, c'est que nous avons approuvé le Règlement sanitaire international, si bien qu'il est exécutoire de conclure de tels accords en vertu du droit international. D'ailleurs, il ne doit pas s'agir de simples lettres d'intention, mais bien de protocoles clairs sur la façon dont les échanges de données doivent s'effectués entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux.
    Nous avons examiné cette question en profondeur, et notamment la situation du Canada par rapport aux autres pays, y compris l'Inde, les États-Unis et l'Australie. D'après ce que nous avons vu dans les documents du moins, nous sommes l'un des pays les moins bien préparés, surtout pour ce qui est de respecter les exigences du Règlement sanitaire international. L'Australie, un pays fédéral parallèle, est beaucoup mieux placé pour administrer un tel accord et pour intervenir face à une urgence de santé publique. Il est possible que la situation soit différente dans la pratique, mais il est tout de même inquiétant de voir que peu de progrès ont été réalisés en matière de législation, de financement ou d'accords intergouvernementaux, vu la multitude de rapports qui ont été rédigés sur la question.
    Encore une fois, pendant l'éclosion de listériose — et c'est cela qui m'a inquiété — les mêmes problèmes se sont présentés de nouveau. Mais, ce qui était particulièrement curieux dans le cas de l'éclosion de listériose, c'est que le problème d'échange de données s'était jusqu'alors posé entre la province et le gouvernement fédéral, alors que, d'après le rapport préparé en Ontario, le problème qui s'est posé, d'après les autorités dans cette province, était la non-communication des données pertinentes à la province par les autorités fédérales.
    D'ailleurs, j'ai un extrait du rapport ontarien que j'aimerais vous citer: « Par ailleurs, bien que le ministère de la Santé et des Soins de longue durée en ait fait la demande, l'ACIA ne lui a jamais fourni de renseignements détaillés sur la distribution des produits à l'origine de l'éclosion. » Un peu plus loin dans le document, on dit ceci: « S'ils avaient eu accès à ces renseignements en temps opportun, les responsables de la santé publique auraient pu prendre des mesures supplémentaires ciblées pour réduire l'exposition possible du grand public aux produits contaminés. » Donc, ces problèmes d'échange de données ont des conséquences certaines pour la santé de la population.
    Encore une fois, il est malheureux d'avoir à le répéter encore, mais il faut remédier immédiatement à ce problème, sinon nous allons faire face à une autre urgence de santé publique dont certaines répercussions peuvent être évitées. Ce qu'il faudrait changer cette fois-ci, c'est que ces ententes doivent désormais être bidirectionnelles — c'est-à-dire que les provinces doivent s'engager à communiquer leurs données au gouvernement fédéral, mais il faut aussi que le gouvernement fédéral s'engage à communiquer ses données aux provinces et territoires. S'il est impossible de conclure de telles ententes, en ce qui me concerne, l'alternative consiste à adopter une loi. Je laisserai le soin au professeur Attaran de discuter de la constitutionnalité d'une telle mesure législative.
    La deuxième question que j'aimerais aborder — et peut-être même la plus importante — est celle de la structure actuelle de l'Agence de la santé publique du Canada, structure qui ne permet pas d'assurer la meilleure protection possible de la santé des Canadiens. J'estime que l'éclosion de listériose a été le premier test important de cette Agence depuis sa création, encore plus que le virus H1N1, car il s'agissait d'un événement inhabituel et imprévu, alors que nous avons depuis longtemps de multiples protocoles pour la procédure à suivre en cas d'éclosion de la grippe, entre autres.
(1605)
    À cet égard, je demeure peu convaincu de la capacité de l'Agence de la santé publique du Canada, et surtout de son administrateur en chef, d'agir de façon indépendante face à ce genre d'urgence en l'absence de pressions politiques et économiques en particulier. La seule mise en garde que je ferais à cet égard est que cette question est complexe. La santé publique est liée aux mandats de nombreux autres organismes fédéraux, si bien qu'une indépendance totale pour l'Agence et son administrateur en chef n'est peut-être pas souhaitable, étant donné que les responsables de la santé publique doivent travailler au sein de l'appareil gouvernemental. J'estime néanmoins que les dispositions actuelles ne sont pas satisfaisantes.
    Il est certain que la contamination des aliments par la listeria est un problème qui relève des compétences de l'ACIA. Cependant, lorsque des personnes commencent à tomber malades après avoir mangé des aliments contaminés, et en meurent, ce n'est plus simplement une urgence du domaine de l'inspection des aliments; à ce moment-là, il s'agit, selon moi, d'une urgence de santé publique.
    Or, lors de l'éclosion de listériose, ce n'est pas l'Agence de la santé publique du Canada qui a pris publiquement la tête de la réaction. Les communications principales au sujet de l'état de l'éclosion ont été dirigées par l'ACIA et le ministre de l'Agriculture. Je dois admettre que j'ai trouvé plutôt bizarre que l'administrateur en chef de la santé publique n'ait pas été le principal porte-parole du gouvernement au cours de l'éclosion de listériose.
    Comme l'indique le rapport sur le SRAS, l'administrateur en chef de la santé publique a pour fonction d'« être la principale voix de la santé publique à l'échelle nationale, en particulier lors des épidémies et des autres urgences en matière de santé, ainsi qu'un symbole très visible de l'engagement du gouvernement fédéral à protéger et à améliorer la santé des Canadiens ». Ce ne fut manifestement pas le cas pendant la crise de la listériose, et mes observations trouvent un écho dans le rapport de l'Ontario également.
    Je crois que ce qui explique en partie ce qui s'est passé, c'est le manque d'indépendance de l'Agence de la santé publique du Canada à l'égard du gouvernement. La crise de la listériose illustre parfaitement la raison pour laquelle nous avons besoin d'un organisme de santé publique véritablement autonome. L'éclosion de listériose touchait à deux domaines, soit la salubrité des aliments et la santé publique, et avait des répercussions politiques, d'une part, en raison de l'éventualité d'élections fédérales, et économiques, d'autre part. Par conséquent, à de multiples reprises, il a été possible de subordonner le rôle de l'Agence de la santé publique et, par ricochet, les préoccupations liées à la santé publique, au cours de la gestion de l'éclosion.
    La structure de l'Agence de la santé publique a été examinée en détail dans le rapport établi au sujet du SRAS. J'ai eu l'occasion et le privilège de présenter mes observations à ce sujet au responsable de l'enquête. À cette époque, j'ai affirmé que, dans une certaine mesure, il aurait été préférable de retenir le modèle retenu pour la Société canadienne du sang, afin que l'Agence dispose de plus d'autonomie décisionnelle sur les questions touchant la santé publique. Le fait est que le système canadien du sang est un exemple typique de la façon de se rétablir après une tragédie touchant la santé publique dont l'ampleur est bien plus grande que celle du SRAS et de la listériose. À l'heure actuelle, le système canadien du sang est considéré comme un chef de file international, et ce surtout, à mon avis, en raison de son indépendance et son autonomie, et sa capacité à attirer des scientifiques et des experts en sûreté du sang hautement qualifiés.
    Donc, je suis d'avis que l'Agence de la santé publique, ou du moins une composante de cette dernière, doit jouir d'une plus grande autonomie. Une solution possible consisterait à créer une agence distincte qui serait chargée de la protection de la santé et qui aurait pour rôle de préparer le Canada pour toute éventuelle menace à la santé publique et à gérer de telles menaces, comme les maladies d'origine alimentaire, les pandémies, etc. L'effectif de cette agence serait composé de scientifiques ayant un degré élevé d'expertise, dont certains pourraient être partagés avec les agences provinciales.
    De plus, il faudrait que l'administrateur en chef de la santé publique soit indépendant. À l'heure actuelle, ce dernier n'est pas vraiment indépendant. Il occupe un poste de sous-ministre et agit au gré du ministre de la Santé. Tant que ce sera le cas, nous n'aurons pas la garantie que l'administrateur en chef de la santé publique est vraiment en mesure d'exprimer son opinion à titre d'administrateur indépendant.
    Au minimum, je crois que l'administrateur en chef de la santé publique devrait être protégé contre le renvoi sans motif valable et disposer du pouvoir, clairement défini, de communiquer directement avec le Parlement. Il faudrait également que le budget de l'Agence de la santé publique soit protégé.
    Je vous remercie.
(1610)
    La parole est maintenant à M. Attaran.
    Je m'appelle Amir Attaran et je suis professeur à la Faculté de droit et à la Faculté de médecine de l'Université d'Ottawa. Je suis également membre de l'équipe de rédaction du Journal de l'Association médicale du Canada, et j'imagine que notre éditorial de l'année dernière sur le problème de la listériose a dû déjà être distribué à tous les membres du comité. Cet éditorial a été rédigé par moi-même et six autres membres — en fait, toute l'équipe de rédaction du journal. Le Journal est la principale revue médicale du Canada.
    D'après notre évaluation — ce n'est pas uniquement la mienne — la listériose, comme l'indique le titre de l'article, est en réalité la pointe de l'iceberg. Cette crise indique l'existence de problèmes plus généralisés, qui sont très bien compris mais totalement négligés, et qui menacent chaque jour d'entraîner la mort de citoyens canadiens. De par son inaction, le Parlement met en danger la santé des Canadiens en tolérant l'insuffisance des règlements actuels et des structures permettant de faire la promotion de la santé publique, comme le Dr Wilson vient de vous l'expliquer.
    Dans le cas de la listériose en particulier, l'insuffisance des règlements actuels est à l'origine du problème. Nous avons fait des recherches sur les normes canadiennes touchant la présence de la bactérie Listeria monocytogenes dans les aliments prêts à consommer en les comparant aux normes appliquées dans une trentaine d'autres pays, y compris les États-Unis, le Brésil — un pays en développement — et certains pays européens. Nous avons constaté que, sur les 30 pays que nous avons examinés, les normes du Canada étaient les plus faibles et les moins rigoureuses. Parmi les 30 pays, le Canada se trouve au 30e rang. Si nous étions aujourd'hui au 29e rang, je pourrais d'ores et déjà vous dire que nous avons progressé. Mais, ce n'est pas le cas. Nous sommes au dernier rang. Nous autorisons la présence dans les aliments prêts à consommer de 100 bactéries vivantes par gramme; cette quantité est légale. Aux États-Unis, la quantité autorisée est zéro. Tous les pays membres de l'Union européenne en autorisent moins. Même le Brésil en autorise moins.
    L'une des causes de cette catastrophe est également l'insuffisance de la collaboration, comme vous le disait le Dr Wilson, entre les organismes fédéraux responsables et les provinces. Il a tout à fait raison de dire que, au moins trois fois au cours des 10 dernières années, la vérificatrice générale a déclaré que la rupture des communications entre les autorités fédérales et les gouvernements provinciaux est extrêmement alarmante. C'est vrai. Elle pourrait potentiellement être la cause de décès massifs au Canada si une pandémie plus grave devait se déclarer.
    S'agissant de l'épidémie de listériose, c'est la province de l'Ontario qui a été le plus touchée. C'est intéressant, car l'Ontario est la seule province à avoir signé un accord d'échange d'information avec le gouvernement fédéral. Les neuf autres provinces n'ont pas signé un tel accord, malgré 10 ans d'efforts déployés en ce sens. Donc, même si l'Ontario était, sur les 10 provinces, celle qui était la mieux placée pour collaborer avec les autorités fédérales, c'est justement l'Ontario qui a été la plus durement touchée par la catastrophe de la listériose. Si c'est cela qui arrive à la province qui a la situation la plus privilégiée en matière de coopération, en tant que citoyen canadien ayant de l'expertise dans le domaine de la santé publique, je dois dire que j'ai très peur de connaître le degré de coopération qui soit exister avec les autres provinces.
    Nous ne savons pas si la faible communication de renseignements pertinents aux autorités ontariennes, y compris de l'information sur la source des viandes contaminées et les lieux de distribution de ces produits, était le résultat d'ingérence politique. Mais, si cette information avait été communiquée aux autorités de sorte que ces dernières puissent y donner suite, comme nous l'a fait remarquer l'administrateur en chef de la santé publique de l'Ontario, il aurait été possible de sauver des vies. Je suis d'accord avec cette analyse — des vies auraient pu effectivement être sauvées — mais l'information en question n'a jamais été communiquée aux autorités.
    La question qui est souvent soulevée dans ce contexte est celle de savoir si, de par la Constitution, le gouvernement fédéral a le pouvoir de faire plus en matière de réglementation sanitaire et de promotion de la santé. Maintenant, j'aimerais vous parler à titre d'avocat. La réponse à cette question est un oui définitif. Rien dans la Loi constitutionnelle, aux articles 91 ou 92, ne nous oblige, comme vous le disait le Dr Wilson, à être le dernier de la classe parmi les pays fédéraux pour ce qui est du degré de collaboration efficace entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, notamment dans le contexte d'une urgence sanitaire. Ce n'est pas impératif selon notre Constitution.
(1615)
    Je vous donne un exemple. Lorsque les cochons élevés dans une ferme albertaine ont contracté le virus grippal H1N1, c'est le gouvernement fédéral qui a surtout assumé la gestion de cette éclosion. En 2006, lorsqu'on a découvert que des oies dans une ferme de l'Île-du-Prince-Édouard avaient contracté la grippe aviaire, c'est le gouvernement fédéral qui a mis cette ferme en quarantaine. Aujourd'hui le gouvernement fédéral joue un rôle plus prépondérant dans la protection et la promotion de la santé des oies et des cochons canadiens que dans celle de la population canadienne, et c'est tout à fait impensable. En temps de crise, nous pourrions effectivement constater que nos vies sont en danger en raison de la non-utilisation d'un pouvoir fédéral. Il faut l'utiliser; c'est essentiel. Pendant la période des questions, je pourrais vous indiquer, si vous le souhaitez, où est prévu ce pouvoir résiduel dans la Constitution et de quelle façon il convient de l'exercer.
    J'ai suivi de très près ce qui s'est fait au Parlement au cours des dernières semaines. Vous méritez tous d'être félicités d'avoir essayé de mieux comprendre ce qui est arrivé pendant la crise de la listériose, mais je pense néanmoins que cet exercice était essentiellement futile, puisque vous n'avez pas pu faire comparaître un certain nombre de témoins clés, ni ordonner le dépôt de certains éléments de preuve ou la comparution de certaines personnes. C'est pour cela que cette question doit absolument faire l'objet d'une enquête aux termes de la Loi sur les enquêtes. C'est absolument essentiel afin de préserver la confiance et la sécurité du public. S'agissant de l'enquête, comme on l'appelle, qui est actuellement en cours et qui a été demandée par le premier ministre, il convient de vous signaler que les pouvoirs conférés aux responsables ne comprennent pas celui d'assigner une personne à comparaître ou à obliger le dépôt de preuves; donc, ce processus est insuffisant.
    Dans le cadre d'une enquête menée en vertu de la Loi sur les enquêtes, et c'est ce que nous, au Journal de l'Association médicale canadienne avons recommandé — pas juste moi, mais toute l'équipe de rédaction — plusieurs questions devraient être examinées, dont les trois que je vais vous mentionner maintenant. Premièrement, pourquoi les normes canadiennes visant la présence dans les aliments de bactéries Listeria monocytogenes sont-elles aussi peu rigoureuses, de sorte que le Canada se classe au dernier rang parmi les 30 pays que nous avons examinés. Deuxièmement, pourquoi les renseignements pertinents n'ont-ils pas été communiqués aux autorités provinciales de façon efficace, exhaustive et en temps opportun? Troisièmement, qu'est-il arrivé sur le plan politique, et s'agissait-il d'ingérence pouvant mettre en danger la vie des Canadiens? La troisième est la question la plus importante.
    À partir de l'examen de ces trois questions dans le cadre d'une enquête en bonne et due forme, il serait possible, selon moi, de dresser un tableau complet de la situation actuelle à partir duquel on pourrait prendre des mesures pour protéger la vie des Canadiens à l'avenir. Il n'y a pas de place pour la politique politicienne dans ce dossier; il s'agit avant tout de protéger les gens contre des menaces connues.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Bose, qui dispose de 10 minutes ou moins.
    Monsieur le président, messieurs les vice-présidents, monsieur le greffier du comité, mesdames et messieurs, permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier de nous donner aujourd'hui l'occasion de vous faire part de nos vues sur la salubrité des aliments et l'éclosion de listériose de 2008.
    Je suis accompagnée aujourd'hui de François Décary-Gilardeau, qui est analyste au siège de notre organisme à Montréal. Nous allons tous les deux faire quelques remarques liminaires.
    François.
(1620)

[Français]

    Option consommateurs existe depuis 1983. Nous sommes une organisation à but non lucratif qui a pour mission de promouvoir et défendre les intérêts des consommateurs et de veiller à ce qu'ils soient respectés. Notre siège social se situe à Montréal et nous avons aussi un bureau à Ottawa. Nos interventions visent autant les politiques publiques fédérales que celles du Québec.
    En ce qui a trait à la crise de la listériose, nous avons été très actifs depuis son apparition en juin 2008. Nous avons réclamé en vain une enquête judiciaire, un peu comme l'a fait M. Attaran, et ce, à plusieurs reprises. Option consommateurs a d'ailleurs intenté un recours collectif au Québec contre les Aliments Maple Leaf. Comme vous le savez, des actions similaires ont eu lieu en Saskatchewan et en Ontario. Une entente nationale a d'ailleurs été récemment approuvée par les tribunaux. Les administrateurs du recours collectif acceptent présentement les réclamations individuelles. Nous avons laissé des copies du document au greffier, M. Chaplin, à des fins de consultation.
    Nous sommes ici pour vous exposer la perspective des consommateurs sur la gestion de la crise de la listériose et pour faire quelques recommandations concernant la façon dont l'Agence canadienne d'inspection des aliments pourrait mieux répondre aux besoins des consommateurs canadiens.

[Traduction]

    S'agissant du rôle du gouvernement dans l'inspection des aliments, Option consommateurs est d'avis que le gouvernement du Canada a une obligation de diligence et de prudence. Dès lors que la salubrité des aliments est en cause, cette obligation consiste à informer et à protéger les citoyens de danger en informant promptement le public, dès lors qu'un produit contaminé est identifié, et en procédant rapidement au rappel du produit concerné. Nous estimons également que le gouvernement a une responsabilité fiduciaire vis-à-vis de ses citoyens — une relation particulière de confiance qui s'appuie sur sa responsabilité à l'égard des contribuables. Or, cette relation de confiance s'est beaucoup effritée à la suite de la mort de 22 Canadiens et des souffrances de nombreuses autres personnes.
    Un récent sondage national mené entre le 25 avril et le 3 mai auprès de 1 001 Canadiens âgés de 18 ans et plus par Nik Nanos, de la firme Nanos Research — bien connue de tous les partis politiques représentés à la Chambre — pour le compte du Syndicat de l'agriculture de l'Alliance de la Fonction publique du Canada révèle que les consommateurs canadiens ont plus confiance en leur gouvernement qu'en l'industrie pour garantir la salubrité des aliments qu'ils consomment.
    Permettez-nous de vous présenter certains des résultats de ce sondage. Seulement 12,4 p. 100 des Canadiens avaient un degré élevé de confiance en les entreprises alimentaires pour ce qui est de leur capacité de s'autoévaluer en ce qui concerne la salubrité de leurs produits et la conformité aux normes. Mais, ni le gouvernement ni l'industrie n'ont reçu une très bonne évaluation de la part des Canadiens, lorsqu'on leur a demandé comment ils décrivaient l'éclosion mortelle de listériose de l'été dernier, à la suite de la mise en marché de produits de viande transformée qui étaient contaminés.
    Pour l'ACIA, malheureusement, le consommateur est invisible. Nulle part sur le site Internet de l'Agence il n'est fait mention du consommateur, du citoyen ou du contribuable, dont les dépenses sont à l'origine de plus de 60 p. 100 du PNB canadien.
    Le ministre Ritz a dit ceci:
Au bout du compte, le rôle de l'ACIA, de même que des organisations responsables de la santé publique aux niveaux fédéral et provincial, est d'assurer la sécurité de la population et de veiller à ce que l'approvisionnement alimentaire soit sans danger.
    Mais, la question qui se pose est certainement: « Sans danger pour qui? »
    Mme Weatherill, qui dirige l'autre enquête sur la salubrité des aliments, a récemment mis sur pied un groupe consultatif d'experts. Ce groupe comprend des universitaires — dont certains qui ont des liens avec l'industrie — et des représentants de l'industrie, mais aucun représentant des consommateurs qui ont justement subi les contrecoups de la crise de la listériose. Nous avons finalement réussi à prendre contact avec Mme Weatherill, mais il a fallu déployer beaucoup d'effort pour y arriver.
    Vous avez également reçu les témoignages d'un représentant du Partenariat canadien pour la salubrité des aliments, qui a affirmé que, dans le domaine de la salubrité des aliments, les Canadiens doivent être mieux informés et qu'ils sont à la recherche d'information. Nous sommes d'accord à ce sujet et nous estimons qu'il faut effectivement une information impartiale, rédigée clairement sans recours au jargon du milieu, pour que les citoyens ayant de moins bonnes capacités de lecture et les nouveaux Canadiens ne soient pas défavorisés.
    Pour les consommateurs, l'ACIA représente essentiellement un terrain inconnu ce qui offre un vif contraste avec Santé Canada, qui favorise et facilite la participation des consommateurs aux comités mixtes et aux consultations qu'il organise fréquemment. Il n'est absolument pas nécessaire qu'un organisme de réglementation comme l'ACIA entretienne une relation d'opposition avec les groupes de consommateurs. Au Royaume-Uni, par exemple, Consumer Focus, qui s'appelait autrefois le National Consumer Council, et la Food Standards Agency coexistent sans difficulté, et le NCC continue à féliciter cette dernière pour son degré d'ouverture. Ici au Canada, toutefois, chaque fois que nous avons essayé d'obtenir de l'information de l'ACIA pendant la crise de la listériose, nos efforts n'ont rien donné.

[Français]

    François, veux-tu parler du mandat schizophrène de l'ACIA?
(1625)
     La source du problème réside fort probablement dans le mandat de l'ACIA, que l'on pourrait qualifier de schizophrène.
    L'agence est chargée, selon M. Malcolm Allen, de la sécurité publique et, deuxièmement, de la viabilité économique des parties prenantes —, ces dernières étant pour Option consommateurs les producteurs et les transformateurs.
    Revenons à un cas similaire qu'a étudié la Société royale du Canada, dont le rapport a été cité en ces termes par M. Allen:
Si l'agence gouvernementale chargée de protéger la santé du public et l'environnement contre les risques posés par les technologies est aussi chargée de promouvoir ces mêmes technologies, et si les évaluations de la sécurité sont, conformément à sa politique officielle, soupesées par rapport aux intérêts économiques des industries qui les conçoivent, cela représente pour le public et les partenaires industriels un important conflit d'intérêts.
    Ainsi, nous souhaitons que l'Agence canadienne d'inspection des aliments élabore un cadre de travail révisé, comme l'a fait la Food Standards Agency par suite de la crise de la vache folle au Royaume-Uni, afin de servir les intérêts des consommateurs et de l'industrie de manière optimale et équilibrée. L'équilibre entre le faible risque d'incident et son impact possible constitue un élément crucial de toute évaluation de sécurité.

[Traduction]

    Nous sommes d'avis que la mission fondamentale de l'ACIA consiste à protéger les consommateurs et que les soucis liés à la santé et à la sécurité de la population doivent l'emporter sur les considérations commerciales et les économies dérisoires que cela représente pour le gouvernement. Nous sommes tout à fait d'accord pour que les producteurs et les transformateurs récoltent des bénéfices justes et équitables, mais non aux dépens de la santé des Canadiens.
    Prenons l'exemple de la récente crise financière. Les banques canadiennes ont prouvé qu'elles constituent un exemple pour le reste du monde, étant donné qu'elles n'ont pas pu adopter des pratiques de financement novatrices. L'enthousiasme excessif pour la déréglementation au Royaume-Uni et aux États-Unis a mis leurs banques au bord du précipice — et elles sont tombées. S'il vaut mieux prévenir que guérir, on peut conclure que plus la réglementation est rigoureuse, moins il y aura de possibilités d'erreur. Si la réglementation nous a bien servis au Canada dans un secteur particulier, pourquoi ne pas faire de même dans un autre secteur? Les consommateurs canadiens s'attendent à ce qu'il y ait des inspections, et non pas de simples vérifications; ils veulent que les inspecteurs soient présents dans les usines, au lieu de passer leur temps à vérifier des montagnes de documents. Ils s'attendent à ce que nous créions au Canada notre propre version de la SFA britannique. Le site Web de cette dernière indique que toutes les activités de l'Agence visent à traduire leur vision de ce en quoi consistent des aliments salubres et une bonne alimentation pour tous, soit: donner la priorité au consommateur, faire preuve de transparence et d'indépendance et baser ses décisions sur des données probantes et des principes scientifiques.
    Ainsi nous recommandons les changements suivants.
    Dans l'ensemble, nous sommes d'avis que le gouvernement du Canada doit accepter deux principes fondamentaux, à savoir l'obligation de diligence et de prudence et le principe de précaution.
    Nous recommandons, pour que l'ACIA regagne la confiance de la population, qu'il y ait une transformation importante sur le plan de la gouvernance et qu'on favorise l'établissement d'une culture de transparence et d'ouverture. Ainsi nous recommandons la mise sur pied d'un groupe consultatif qui aura pour tâche de revoir la mission et le mandat de l'ACIA.
    Les systèmes de vérification doivent être administrés et gérés par le gouvernement et doivent reposer sur un processus d'échantillonnage suffisant.
    En cas de crise majeure, l'ACIA doit établir un système de communication permettant de répondre aux questions des médias, des autorités provinciales et des organismes de santé publique.
    Il faut surtout que l'Agence crée un bon processus de rappel. Il s'agit de bien indiquer à qui incombe la tâche de lancer le processus et d'en assurer le suivi. Il faut aussi que le processus de rappel soit à la fois rigoureux et souple.
    L'administration actuelle de l'ACIA est telle qu'il existe à l'heure actuelle un déficit démocratique réel. Celui-ci se manifeste par une culture du secret et un manque de transparence. Si l'Agence souhaite véritablement rétablir sa crédibilité auprès des consommateurs, elle doit revoir sa structure et ses fonctions, et ce de manière transparente. Une politique de laisser-faire n'est absolument pas acceptable dans un contexte où on parle de 22 décès et des souffrances de parents, d'amis et de nombreux autres Canadiens.
    Je vous remercie.
    Merci.
    Monsieur Espy, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président et membres de cet important sous-comité, de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de comparaître devant vous.
    En plus d'être l'ancien secrétaire de l'Agriculture pendant le premier mandat du président Bill Clinton, j'ai été représentant de l'État du Mississippi au Congrès américain pendant sept ans. Je suis donc bien placé pour savoir à quel point il peut être difficile de gérer son emploi du temps, et je vous remercie donc sincèrement du temps que vous nous accordez ce soir pour que nous vous fassions part de nos vues sur cette question importante.
    Je suis accompagné aujourd'hui de M. Bill Bodenhamer, président d'une petite entreprise de biotechnologie dont nous aimerions vous parler ce soir. Nous avons un produit qui nous semble extrêmement important dans les domaines de la prévention et de la notification. Je vous présente également M. Petroff, qui est vice-président et expert scientifique en chef de notre entreprise. Si vous avez des questions d'ordre plus technique, je pourrais peut-être demander l'aide de mes collègues pour y répondre.
    Permettez-moi de préciser que je comparais ce soir, non pas en ma qualité d'ancien secrétaire de l'Agriculture des États-Unis, mais à titre de président du conseil d'administration d'une petite société canadienne de biotechnologie du nom de Toxin Alert, dont le siège social se trouve à Mississauga. Cette société possède une technologie qui permet de détecter les toxines d'origine alimentaire. Si elle était déployée à grande échelle, cette technologie pourrait prévenir utilement les consommateurs que les aliments qu'ils s'apprêtent à consommer sont contaminés au point de peut-être porter atteinte à leur santé.
    Cette compagnie existe depuis une dizaine d'années. Nous sommes nés dans un bioréacteur à l'Université de Guelph et avons été acclamés ici et là par des organismes d'État canadiens et des revues professionnelles et scientifiques comme l'une des nouvelles sociétés « innovatrices » à surveiller dans le domaine de la biotechnologie canadienne.
    Nous avons la certitude que les anticorps de diagnostic produits par notre société ont la capacité de détecter des agents pathogènes dangereux dans les aliments et sont conçus pour émettre un signal visible aux consommateurs en présence de matières pathogènes.
    Lorsqu'elle parviendra à l'étape de la commercialisation — nous n'en sommes pas encore là — notre technologie, sommes-nous convaincus — tiendra la promesse de fournir aux consommateurs la possibilité non négligeable de bénéficier de renseignements en temps réel sur l'état de leurs aliments. Voilà qui ne manquera pas d'être utile pour dissiper les graves préoccupations relatives à la salubrité des aliments qui sont à l'origine de l'importante audience qui a lieu ce soir.
    L'agent public en moi est convaincu que le gouvernement ne manque pas d'avoir une réelle obligation et un rôle impérieux à remplir pour mettre le public en garde contre les dangers connus pour la santé et, dans la mesure du possible, aider à promouvoir, à approuver et à offrir des solutions. Si une entité est en mesure de mettre dans les mains du public des outils de diagnostic viables en temps réel, le gouvernement ne doit pas entraver, mais plutôt faciliter le processus, de concert avec l'entreprise privée, dans la mesure du possible.
    J'ai été inspiré par les mêmes idées en février 1993, après avoir été nommé par le président Clinton. J'occupais mon poste depuis seulement trois semaines lorsque nous avons été informés d'un épisode de syndrome hémolytique et urémique par suite de la contamination d'aliments par l'agent pathogène E. coli 0157:H7. Il était présent dans la viande hachée consommée par des enfants dans un restaurant-minute franchisé de l'État de Washington. Leurs parents leur avaient pris des hamburgers et, malheureusement, plusieurs enfants qui les ont mangés en sont morts. Avant cet incident, je n'avais jamais entendu parler de cette souche pernicieuse de l'agent pathogène E. coli. Un mois plus tard à New York, j'ai partagé le deuil des parents d'une petite fille de trois ans qui avait demandé ingénument à sa mère de lui cuisiner son plat favori pour son anniversaire: des spaghettis et des boulettes de viande. Les boulettes de viande n'était pas assez cuite et la petite fille est morte dans la douleur, empoisonnée par E. coli.
    Ayant été directement touché par ces incidents, que je n'oublie toujours pas, je suis d'autant plus désireux d'offrir mes condoléances aux familles canadiennes qui ont été si tragiquement touchées par la récente épidémie de listériose. Je connais et comprends un tant soit peu la situation avec laquelle vous êtes aux prises en tentant de vous saisir de solutions, de produits, de processus et de stratégies efficaces pour détecter, contrôler, voire éliminer la listériose et d'autres agents pathogènes.
(1630)
    Je sais que des solutions efficaces sont difficiles à trouver, mais je suis aussi profondément convaincu, tout comme vous, j'en suis sûr, que tous les agents publics ont une mission sacrée à remplir et doivent continuer à avancer sans se laisser décourager, même devant l'opposition des autres, lorsqu'il y va de l'intérêt public.
    Après ma soudaine initiation au pathogène E. coli en 1993, j'ai tenté de découvrir tout ce que j'ai pu au sujet des agents pathogènes d'origine alimentaire aux États-Unis. Je peux vous affirmer qu'aux États-Unis, 76 millions de personnes sont encore rendues malades chaque année par ce genre de pathogènes; 325 000 sont hospitalisées; et plus de 5 000 personnes continuent malheureusement à mourir chaque année.
    Heureusement, nous avons assisté à des réformes assez complètes aux États-Unis au cours d'une brève période de temps. Mentionnons d'abord ce qui est appelé la norme « de dix sous » — une mesure de contrôle ridicule, à mon avis — en vertu de laquelle un inspecteur dans un abattoir fédéral ne demandait l'extraction d'une contamination pathogène que si un fragment de matières fécales observable sur une carcasse était plus grand qu'une pièce de dix sous. Il y a eu ensuite des pratiques d'habillage plus radicales, dont la décontamination microbienne et l'adoption des pratiques du régime HACCP en collaboration avec les entreprises réglementées, des vaccins particuliers contre les agents pathogènes et la multiplication des normes de salubrité alimentaire. Mais on devrait pouvoir faire beaucoup plus.
    Aux États-Unis, nous continuons d'avoir en quelque sorte un système morcelé pour l'inspection des aliments, en vertu duquel 12 organismes fédéraux différents, ayant tous des rôles et des responsabilités différents, interviennent dans le système d'inspection des aliments, si bien qu'une pizza est inspectée par deux organismes différents, selon qu'il s'agisse d'une pizza au fromage ou d'une pizza au pepperoni.
    Je dois dire que j'ai été impressionné par les déclarations du nouveau secrétaire de l'Agriculture du président Obama, M. Vilsack, concernant son intention de promouvoir un organisme moderne et unifié pour la salubrité des aliments. Mais, il reste encore beaucoup à faire, comme l'indique l'oeuvre d'Upton Sinclaire intitulée The Jungle, pour en arriver à un système efficace de salubrité des aliments. Il reste encore beaucoup de travail à faire avant que nous ne puissions offrir une meilleure protection et des réformes essentielles à un public qui s'attend à des changements et qui les mérite. Il y a encore beaucoup de travail à faire dans nos deux pays pour ce qui est de rétablir la confiance du public en nos disponibilités alimentaires.
    Malgré les mouvements de rejet prévisibles de la part d'entités qui se sentent menacées, il faut entreprendre avec énergie un programme d'importantes réformes touchant la traçabilité rapide, les inspections complètes et les rappels obligatoires.
    Monsieur le président, dans l'optique de Toxin Alert, cette petite entreprise qui a son siège au Canada, nous sommes ici pour poser humblement la question qui suit: s'il existe aujourd'hui la promesse d'une autre couche de protection — une autre arme dans notre arsenal scientifique, un autre outil dans notre coffre — pourquoi continuer à la mettre de côté et à ne pas en tirer profit?
    Ce que nous offrons, c'est une autre option, un dispositif de détection appelé Toxin Guard, qui pourrait renforcer la confiance des consommateurs à l'égard de la salubrité des aliments qu'ils mangent, et qui a été conçu pour produire un signal visuel montrant que ce qui se trouve dans l'emballage de plastique est comestible. Si le fardeau qui pèse sur l'industrie est de plus en plus partagé par le consommateur — invité à se laver les mains plus souvent, à cuire les aliments davantage, à les conserver avec plus de soins et à faire davantage attention à la teneur de leurs produits alimentaires et aux renseignements qui les accompagnent — alors pourquoi ne pas les armer d'une meilleure connaissance des dangers non visibles si le moyen existe, sans risque et à bon prix?
    Monsieur le président, ce que nous offrons, c'est la promesse de la science. La technologie de Toxin Guard pourrait aussi grandement aider les inspecteurs des aliments —fédéraux, provinciaux ou municipaux — dans l'exercice de leurs fonctions et assurer un niveau très élevé de surveillance pour les aliments emballés, même après qu'ils ont quitté les usines de transformation — pendant le transport et sur les rayons de vente au détail. Ainsi le consommateur serait en mesure de détecter les agents pathogènes nuisibles jusqu'au moment de l'ouverture de l'emballage, avant la consommation.
    Donc, nous vous invitons aujourd'hui à examiner de près ce que nous promet la technologie de Toxin Alert et de son Toxin Guard. En bref, une fois posée sur les aliments emballés et en présence d'agents pathogènes nuisibles, que ce soit la salmonelle, la listeria, E. coli, Pseudomonas ou tout autre bactérie que l'anticorps est censé détecter, un indicateur visuel alerte le consommateur de la possibilité d'ingérer des bactéries nuisibles.
    Je m'empresse d'ajouter que je suis très fier de cette technologie. Son efficacité a été prouvée dans les laboratoires à la fois américains et canadiens. Mais, je me permets d'ajouter que tout n'est pas si simple. Notre produit en est toujours au stade expérimental et n'est pas prêt à être commercialisé. Même si nous avons utilisé des presses commerciales pour surimposer notre dispositif de déclenchement d'anticorps sur des matières plastiques, ce qui réduit grandement les coûts unitaires marginaux du procédé, nous sommes encore à au moins deux ans d'une application commerciale intégrale sur les grands marchés.
(1635)
    En cette période de ralentissement économique, nous constatons que notre programme de recherche pourrait vraiment bénéficier d'une certaine aide financière.
    En guise de conclusion, monsieur le président, je voudrais vous faire savoir, à vous et aux autres membres du comité, que ce produit suscite énormément d'intérêt aux États-Unis. À l'heure actuelle, nous avons une entente contractuelle avec l'armée américaine à l'Arsenal de Picatinny dans l'État du New Jersey et avec les laboratoires Natick du Massachusetts. La technologie de Toxin fait actuellement l'objet d'essais comme moyen de distribuer avec confiance les rations aux militaires en campagne et de déceler toute dégradation ou contamination des aliments. Nous mettons beaucoup d'espoir dans ce projet conjoint avec l'armée américaine, qui pourrait déboucher sur des projets d'application civile et de commercialisation par le secteur privé.
    Enfin, un mot au sujet de la viabilité du système HACCP. Il ne m'appartient pas de condamner ce processus ni quelque compagnie que ce soit, mais le système HACCP est employé aux États-Unis à l'heure actuelle. Comme nous le savons tous, il s'agit d'un système de surveillance des processus, mais son efficacité dépend nécessairement de celle de l'entreprise qui assure la surveillance, du personnel qui effectue ce travail et du sérieux avec lequel se déroulent les opérations de suivi. Il est essentiel que le tout repose sur une structure de gestion suffisamment robuste et efficace pour faire en sorte que le plan de surveillance soit respecté à tous les égards et que rien ne soit négligé. Cela revêt une importance capitale dans les entreprises dont l'activité comporte des enjeux de vie ou de mort, comme c'est le cas pour les entreprises alimentaires.
    En terminant, monsieur le président, je voudrais simplement vous dire qu'aux États-Unis, j'ai eu l'occasion de parler avec des gens qui travaillent dans les abattoirs, qui racontent que le sigle anglais HACCP signifie pour eux « Have A Cup of Coffee and Pray ». Voilà ce qu'ils disent.
    Je vous remercie, monsieur le président.
(1640)
    Merci. Voilà quelque chose que nous n'avons pas entendu jusqu'ici.
    M. Easter ouvrira la période des questions.
    Vous avez un rappel au Règlement?
    Je crois savoir, pour avoir lu les bleus de la dernière réunion, que Mme Bennett tenait absolument à ce que nous entendions ces témoins. Je me demandais donc si les membres du comité souhaitent que nous suspendions nos travaux en attendant que Mme Bennett revienne, pour qu'elle ait l'occasion de profiter de leur présence. C'est à M. Easter de prendre la décision.
    Sur ce rappel au Règlement, monsieur le président, je crois savoir que M. Anderson et Mme Bennett sont en train d'être interviewés par l'un des réseaux des médias au sujet de la crise des isotopes causée par ce gouvernement, et le fait qu'ils ne sont pas disponibles pour la détection et le traitement des cancers.
    Dans aucun des deux cas, il ne s'agit d'un rappel au Règlement.
    Monsieur Easter, vous avez sept minutes ou moins.
    Elle va donc revenir.
    Merci, monsieur le président.
    Bienvenue à tous nos témoins, que je remercie pour leur présence parmi nous cet après-midi. J'ai plusieurs questions à poser à chacun, et par conséquent, je vais probablement manquer de temps.
    D'abord, monsieur Attaran, dans l'éditorial du 7 octobre 2008 que vous avez mentionné, on voit la phrase que voici, et je cite: « Les erreurs stratégiques du gouvernement ont contribué à déclencher cette épidémie ». C'est une critique assez accablante. De quelles erreurs stratégiques parlez-vous, et des mesures ont-elles été prises depuis pour corriger les lacunes actuelles, en ce qui vous concerne?
    Merci, monsieur Easter.
    Je ne vais pas passer en revue avec vous tous les détails qui sont exposés dans l'éditorial, étant donné qu'il est public, mais ce que je peux vous dire, très rapidement, c'est que les erreurs en question sont de deux natures. Premièrement, il y a l'erreur d'avoir maintenu des normes insuffisantes qui ne protègent pas la population, soit de faibles normes visant la présence de bactéries Listeria monocytogenes dans les aliments prêts à consommer. Je répète: au Canada, nous autorisons la présence dans les aliments prêts à consommer de 2 500 bactéries par 25 grammes. Voilà la quantité qui est légalement permise. Aux États-Unis, la quantité légalement permise est de zéro. Donc, dès le départ, on est confronté à un problème, puisque le gouvernement a été négligent en continuant à appliquer une norme aussi faible que cela — plus faible que celles des 30 autres pays que nous avons examinés et plus faible que la norme recommandée par l'Organisation mondiale de la santé.
    La deuxième erreur concerne ce qui a été révélé par suite d'une fuite, me semble-t-il, d'un document du Conseil du Trésor au sujet de la diminution du rôle de l'ACIA en ce qui concerne les inspections et la possibilité de transférer davantage de responsabilité aux entreprises qui sont réglementées — en d'autres termes, transformer l'inspection en fonction du secteur privé, plutôt que du secteur public. C'est une erreur à ce point grave qu'elle se passe d'explication. Il est évident que le secteur privé doit être vigilant et faire ses propres inspections; c'est vrai, mais ses inspections doivent compléter celles effectuées par les autorités publiques, et non les remplacer. Il semble que, dans le passé récent, les inspections privées ont, dans une large mesure, remplacé celles effectuées par l'autorité publique.
(1645)
    Je vous remercie. Je vais manquer de temps.
    Monsieur Espy, s'agissant de Toxin Alert, il me semble que vous avez dit un certain nombre de choses que la plupart d'entre nous au comité pouvons accepter en ce qui concerne vos expériences, la nécessité de prévoir des rappels obligatoires, etc. Vous avez déjà été sur la sellette pour des problèmes semblables, et vous savez donc ce qu'il faut faire pour éviter des problèmes graves qui peuvent faire en sorte qu'on soit sur la sellette, si je peux le dire ainsi. Pourriez-vous développer un peu cet élément?
    Je voudrais aussi savoir, par rapport à Toxin Alert, combien cela coûte et qui devrait supporter les coûts, en ce qui vous concerne? Y a-t-il des projets de commercialisation en cours aux États-Unis, en dehors des essais qui sont menés dans certaines installations militaires?
    Merci beaucoup, monsieur Easter, pour ces questions.
    Il est tout à fait vrai que j'ai été sur la sellette, et que ce n'était pas très agréable. De plus, en tant que secrétaire de l'Agriculture aux États-Unis, j'ai fait l'objet de poursuites lancées par certaines entreprises qui font partie de l'industrie au sujet de l'inspection des abattoirs, la vitesse de la chaîne de montage, le nombre de travailleurs sur la chaîne de montage, etc. Donc, je suis passé par là et je sais ce que c'est.
    S'agissant de votre question sur Toxin Alert, je voudrais demander à M. Bodenhamer d'y répondre. Je me contente de vous dire que, à l'heure actuelle, nous effectuons des essais de concert avec l'armée américaine sur des produits du poisson de l'État de l'Alaska qui vont être expédiés à nos soldats en Iraq. Il pourra vous dire quand il pourrait y avoir des progrès sur ce plan-là. De plus, le Sénat américain a établi un crédit de 3 millions de dollars pour d'autres essais sur Toxin Alert afin que ce produit puisse plus rapidement être commercialisé. Donc, ce processus-là se poursuit.
    Monsieur Easter, nous n'avons pas de données définitives sur le coût du produit mais, d'après nos estimations, qui sont généralement assez exactes — et il faut aussi tenir compte du fait que le taux d'inflation n'a pas été si élevé au cours des six à huit dernières années — on pourrait prévoir une couverture efficace sur la pellicule plastique pour un agent pathogène au coût de un ou deux cents le pied carré. On ne pourrait pas en détecter plusieurs à ce coût-là mais, quoi qu'il en soit, c'est déjà nettement inférieur à tout autre produit diagnostique à base d'anticorps. Notre expérience antérieure est dans le domaine médicale. Plusieurs compagnies ont mis au point des produits diagnostiques à base d'anticorps, et nous savons combien ils coûtent. Si nous parlons de deux cents le pied carré, il est évident que le coût sera certainement inférieur, et ce de plusieurs ordres de grandeur.
    D'autres personnes qui ont examiné… Nous n'avons conclu aucun accord de commercialisation avec qui que ce soit jusqu'à présent. Nous en sommes à notre troisième année de travail avec l'armée américaine. Nous avons fait vérifier le test aux laboratoires ETL à Columbus, en Ohio, et avons transmis les résultats à toutes les parties intéressées. Ils ont donc été examinés par 3M Corée et par l'hôpital de la police militaire à Pékin, en Chine; de plus, nous avons fait parvenir une soumission à certains organismes européens. D'ailleurs, d'après la façon dont la situation évolue maintenant, on dirait que cette technologie pourrait être adoptée en premier par un pays situé en dehors de l'Amérique du Nord.
    Merci.
    Votre temps est écoulé, monsieur Easter.
    Monsieur Bellavance, vous avez sept minutes.

[Français]

    Madame Bose, vous avez fait allusion à votre rencontre avec Mme Weatherill et au fait que vous avez dû déployer beaucoup d'efforts pour être entendue. Je suis très curieux de savoir comment ça s'est passé et pour quelles raisons ça a été si difficile. Pendant combien de temps avez-vous témoigné devant Mme Weatherill? L'avez-vous rencontrée personnellement? Vous a-t-elle posé des questions?
(1650)
    Merci, monsieur Bellavance.
    C'est moi qui ai joué le rôle de Sherlock Holmes. M. Décary-Gilardeau a assisté à cette réunion parce qu'après avoir mis sur pied la recherche, j'étais trop fatiguée.
    En fait, la réunion avec Mme Weatherill et ses proches collaborateurs s'est déroulée pendant un avant-midi en présence de trois groupes de consommateurs. Cette réunion avait pour but de prendre le pouls des consommateurs par rapport au déroulement de la crise. Il y a eu beaucoup de discussions sur le rappel. La réunion remonte à trois mois et est un peu loin dans ma mémoire, mais on était là pour exprimer nos points de vue sur le rappel et, surtout, sur le rôle de l'Agence canadienne d'inspection des aliments qui, selon nous, avait des choses à se reprocher.
    On ne le dira jamais trop: l'Agence canadienne d'inspection des aliments est là pour défendre les consommateurs. Ce devrait être là son rôle essentiel. Or, l'histoire a démontré qu'il y avait parfois de l'hésitation, et c'est ce qu'il faut éviter à l'avenir.
    Pourquoi était-ce si difficile de la rencontrer? Avez-vous essuyé un refus au début? Quel était le problème?
    Il était difficile de trouver ses coordonnées, monsieur Bellavance.
    D'accord, je comprends. Une fois que vous l'avez jointe, vous avez pu être entendus rapidement.
    Oui.
    La façon dont vous pouviez être entendus n'était pas claire. Je comprends.
    Je vais continuer à m'adresser aux représentants d'Option consommateurs. Nous sommes tous des consommateurs et nous nous trouvons à la fin de la chaîne agroalimentaire. Un produit passe par bien des mains avant d'aboutir dans notre assiette, mais on est les premiers à être touchés. Ce sont des consommateurs qui ont été malades et qui sont décédés à cause de la listériose. Lorsque j'ai osé évoquer, lors de la deuxième comparution de l'Agence canadienne d'inspection des aliments à ce sous-comité, qu'il y avait eu une crise de confiance chez les consommateurs envers leur système de salubrité des aliments, Mme Swan, la présidente, est sortie de ses gonds. Elle n'était pas très contente que j'emploie ces termes. J'ai quand même maintenu que sur le terrain, les consommateurs étaient très inquiets, après ce qui s'était produit.
    Suis-je le seul à penser tout d'un coup que les gens ont été affectés lorsqu'ils ont su que des aliments étaient contaminés? D'ailleurs, il n'est pas nécessaire qu'il y ait 22 décès. Lorsque des épinards en provenance des États-Unis contiennent la bactérie E. coli, tous les consommateurs cessent d'acheter des épinards, peu importe leur provenance.
    Il est clair que les gens sont inquiets. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
    J'imagine que vous avez aussi parlé avec des consommateurs qui ont souffert d'une intoxication due à la listériose. De mémoire, aucun consommateur n'est venu témoigner au comité, ce qui aurait certainement été bénéfique pour les travaux du comité.
    Dernièrement, je parlais avec une dame qui, à une fête de famille, avait consommé des saucisses ou des viandes froides. Elle a été malade pendant au moins deux semaines, et ses deux garçons dans la jeune vingtaine ont eu des problèmes pendant quelques jours. En fait, elle voulait surtout me parler de sa nièce enceinte. Jusqu'à ce qu'elle accouche, tous les membres de la famille étaient inquiets, et ce n'est que lorsqu'ils ont pris le bébé dans leurs mains qu'ils ont été rassurés. Je parle d'une personne en particulier qui a souffert de la listériose, mais il est sûr qu'il y a eu plusieurs autres cas.
    On ne parlait que de cela dans les médias. Il ne fait aucun doute que la confiance des consommateurs est affectée, d'une part, envers le système alimentaire et le système de production et, d'autre part, envers la capacité du gouvernement à surveiller et à s'assurer de la salubrité des aliments que l'on consomme. On n'a pas compté le nombre d'appels, mais des gens ont appelé Option consommateurs pour savoir si la crise était terminée et connaître les produits qu'on ne pouvait pas consommer.
(1655)

[Traduction]

    Monsieur Bellavance.

[Français]

    C'est bien ce que je pensais.
    Monsieur Attaran, vous n'êtes pas médecin; en revanche, plusieurs médecins ont signé l'éditorial de septembre 2008 concernant la crise de la listériose. Je pense vous avoir entendu dire plus tôt que vous aviez suivi les travaux du sous-comité. On a entendu plusieurs versions, notamment celle de l'agence et celle de M. McCain. On nous a dit que la listeria était présente, que le nombre d'inspecteurs sur place n'y changerait pas grand-chose, que cette situation était en quelque sorte inévitable et qu'on devait composer avec cette dernière.
    Par contre, les inspecteurs nous ont dit que leur présence était très importante, entre autres parce qu'ils pouvaient vérifier l'état de l'équipement, la présence de défauts, d'usure ou d'autres problèmes. Plusieurs scientifiques ont signé cet éditorial.
    Pour votre part, considérez-vous que le nombre d'inspecteurs n'est pas vraiment important?

[Traduction]

    D'accord. Vous avez fini, André.

[Français]

    Il est certain qu'on ne peut pas éviter le microbe, il est partout; la maladie, c'est certes autre chose. Prenons l'exemple des voitures. Elles sont partout, mais on peut éviter les accidents de voiture mortels, c'est sûr. On ne peut pas accepter que si le microbe existe partout, la maladie suive. C'est faux. En réalité, c'est ridicule. J'ai entendu plusieurs témoins tenir ce genre de propos, et je ne suis absolument pas d'accord. Ni moi, ni les autres éditeurs de notre journal le sommes. Il est évident que d'autres pays d'Europe ainsi que les États-Unis et le Brésil, notamment, ont réussi mieux que nous à éviter la maladie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Attaran.
    Monsieur Allen, vous avez sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous tous de votre présence aujourd'hui.
    Monsieur Attaran, notre classement global m'intrigue. Nous sommes au 30e rang parmi tous ces pays qui effectuent des tests en vue de détecter un pathogène comme la listeria. Quand les représentants de Maple Leaf ont comparu devant le comité, ils nous ont dit qu'ils exportent des produits semblables — c'est-à-dire qu'ils fabriquent des produits de viande prêts à consommer pour le Canada et pour les États-Unis et, d'après ce que vous venez de nous dire — à supposer que je vous aie bien compris — les produits carnés prêts à consommer que nous mangeons au Canada sont assujettis à des normes nettement inférieures à celles des États-Unis pour ce qui est de détecter la présence de pathogènes. La question que je me pose est donc celle-ci: pourquoi autorisons-nous ce genre de choses?
    Je ne sais pas pourquoi nous autorisons cela, car c'est tout à fait ridicule. L'idée qu'une usine canadienne puisse fabriquer un type de produit destiné aux États-Unis et un autre produit utilisant la même viande — même goût, mêmes morceaux — pour le marché canadien, et que ces deux produits contiennent des quantités différentes de bactéries — soit zéro bactérie par 25 grammes pour le produit destiné aux États-Unis et 2 500 bactéries par 25 grammes pour le produit canadien — ne peut pas être expliquée de façon rationnelle. C'est une abdication totale de la responsabilité des autorités en matière de protection de la santé. Pour que ce soit bien clair, je répète: c'est tout simplement stupide.
    Il fut absolument que cela change. D'ailleurs, j'espère que cela changera très bientôt. Les personnes qui sont les plus susceptibles de contracter la listériose — d'ailleurs, le Dr Wilson pourrait vous donner d'autres détails à ce sujet — sont les personnes âgées ou celles dont le système immunitaire est affaibli. Ces personnes-là sont vulnérables, et il ne convient pas de mettre en danger leur santé de cette façon.
    La question évidente qui se pose est celle-ci: pourquoi ne pas faire transformer les produits destinés aux consommateurs canadiens par la chaîne de transformation des produits destinés aux États-Unis et ensuite nous les vendre à nous-mêmes, plutôt que de les vendre à quelqu'un d'autre? Je veux bien que M. Wilson ajoute ses commentaires, mais j'étais tout de même intrigué par ce qu'a dit M. Espy au sujet du système HACCP. Je crois avoir déjà entendu un commentaire semblable ailleurs — même si je ne me rappelle plus où — mais je n'ai encore entendu personne dire devant le comité que, pour les praticiens qui appliquent le système HACCP, ce sigle signifie « Prenez un bon café et priez ».
    Malgré tout, nous continuons à l'employer et, d'après les témoins qui ont comparu devant le comité — témoins représentant à la fois l'industrie et l'ACIA — il s'agit du Nec plus ultra. Je peux vous affirmer que, selon eux, c'est la meilleure norme de salubrité des aliments qui soit et nous devrions tous nous sentir en toute sécurité, sachant que le système qu'on emploie est ce qu'il y a de mieux. Malgré tout, l'ancien ministre de l'Agriculture dans l'administration américaine de Bill Clinton nous dit que c'est ainsi que les praticiens qui travaillent sur la première ligne caractérisent ce système. Cela m'amène à poser la question suivante, qui s'adresse sans doute au Dr Wilson: s'agissant de la santé publique, où se situent les lacunes pour ce qui est de réexaminer un système de surveillance dont le sigle signifie pour les praticiens « prenez un bon café et priez »? Quel est le rôle de l'administrateur en chef de la santé publique, si ce dernier est véritablement indépendant, pour ce qui est de réexaminer ce système — d'émettre une opinion à ce sujet et d'opérer des changements concrets?
(1700)
    Je vous remercie.
    Pour moi, l'idéal serait que l'Agence de la santé publique agisse comme organisme indépendant de surveillance afin de prévenir justement ce type de problèmes. Ainsi il faudrait que l'Agence de la santé publique soit habilitée à émettre une opinion indépendante sur les pratiques d'un autre organisme, sans crainte de faire l'objet de répercussions négatives. Encore une fois, je ne crois pas que cela ait été le cas pour la listeria. Il faudrait également se doter de systèmes de détection pour que, lorsqu'un problème se présente, nous en soyons informés le plus rapidement possible, de façon à protéger autant de vies que possible. Encore une fois, nous ne possédons pas un tel système au Canada, comme cela a été mentionné à de multiples reprises.
    Je vous écoute, et vous nous dites que nous n'avons pas un tel système. J'ai compris également que le Canada est au 30e rang. Et, quand j'entends dire que notre système est le Nec plus ultra alors que les praticiens estiment que cela revient à prendre un bon café et à prier, je me dis qu'il est possible de tirer une seule conclusion de tout cela — à savoir qu'il convient d'ouvrir une enquête.
    Devrions-nous demander qu'une enquête publique soit ouverte sur la question? Vous qui êtes expert, qu'en pensez-vous?
    Oui, absolument. Quand sept personnes sont mortes à Walkerton — nous sommes tous au courant de cette tragédie — une enquête en bonne et due forme, prévoyant le pouvoir de contraindre des témoins à comparaître et à témoigner, a été ouverte. Quand une quarantaine de personnes sont mortes du SRAS, une enquête en bonne et due forme, comme celle que je viens de décrire, a été ouverte.
    C'est inexcusable. Nous sommes en présence d'un refus d'admettre que quelque chose de grave s'est produit et les Canadiens continuent d'être en danger du fait qu'aucune enquête n'a encore été ouverte. Il faudrait qu'elle ait lieu le plus rapidement possible.
    Me reste-t-il du temps?
    Une minute.
    Une minute; merci.
    Monsieur Espy, c'est vous qui avez soulevé la question du système HACCP et de l'évaluation des travailleurs de première ligne. Je ne veux pas trop insister là-dessus, mais je ne crois pas que nous parlons d'une simple anecdote. Je ne crois pas que vous auriez donné ce genre de témoignage devant le comité. En tant qu'agent public aux États-Unis, ce n'est pas le genre de chose que vous feriez. Ce n'est donc pas une boutade. Il est clair que vous avez entendu cela à plus d'une reprise aux États-Unis, alors que c'est la norme que nous appliquons tous. Si les travailleurs de première ligne ne croient pas à l'efficacité de cette norme, comment pouvons-nous y croire?
    Non, il ne s'agit pas d'une simple anecdote. J'ai rencontré des dénonciateurs qui avaient peur de révéler leur identité et qui m'ont donc parlé derrière un écran. Ils m'ont parlé en termes très précis de leurs craintes et de ce qu'ils avaient observé dans les abattoirs américains. Ils m'ont parlé des lacunes de la norme HACCP, du fait que tout ne peut être observé et qu'il y a nécessairement des défaillances. C'est une norme de surveillance d'un processus. Donc, tout dépend du nombre de personnes qui examinent les documents de contrôle, de ce qu'on est en mesure d'observer et de l'honnêteté des entreprises qui vous présentent la documentation. Même si on dit que c'est le Nec plus ultra, tout le monde comprend que ce n'est pas un système absolument sûr qui fournit une protection à toute épreuve. Il est possible qu'un grand nombre de problèmes potentiels ne soient pas repérés, et c'est justement cela qui se produit.
(1705)
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Storseth, qui dispose de sept minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Attaran, vos témoignages étaient très convaincants et sérieux; vous vous exprimez bien et on voyait que vous aviez bien répété.
    Premièrement, vous êtes universitaire et, si j'ai bien compris vous êtes également avocat. Pourrais-je vous demander si vous avez déjà travaillé pour le Parti libéral du Canada ou reçu des fonds de ce dernier?
    Je vais répondre à votre question…
    Je devrais peut-être faire une autre petite remarque avant de vous demander de répondre. Il est évident que vous n'êtes pas avocat parlementaire, mais vous savez certainement que ce sous-comité possède les mêmes pouvoirs que le comité principal, y compris celui de contraindre des témoins à comparaître et à témoigner sous serment, si le comité le juge nécessaire. Le savez-vous?
    Je sais que vous n'avez exercé aucun de ces pouvoirs.
    Mais, vous savez aussi que nous n'avons pas eu à exercer l'un ou l'autre de ces pouvoirs. M. Easter aurait pu contraindre à comparaître n'importe quel témoin s'il avait voulu le faire, et même lui a admis que nous n'avons pas eu de difficulté pour ce qui est de faire comparaître les témoins.
    Pourriez-vous donc répondre à ma question: avez-vous déjà travaillé pour le Parti libéral du Canada ou reçu des fonds de ce dernier?
    Je vais répondre à votre question, mais pourrais-je d'abord vous poser une petite question?
    Non, je n'ai que sept minutes.
    Me posez-vous cette question en raison de votre désir de protéger les Canadiens ou s'agit-il simplement d'une attaque partisane contre mes témoignages? Me demander si j'ai déjà travaillé pour le Parti libéral, le NPD, le Bloc ou le Parti conservateur…
    Non, c'est juste le Parti libéral qui m'intéresse.
    … revient à adopter une approche partisane…
    Dites oui ou non, ou dites-nous que vous refusez de répondre.
    … alors qu'il s'agit d'une menace fondamentale pour la santé des Canadiens.
    Monsieur Attaran, veuillez répondre à la question ou nous dire que vous n'allez pas y répondre — l'un ou l'autre.
    La réponse est non.
    Avez-vous déjà travaillé pour le chef du Parti libéral ou reçu des fonds de lui ou de son cabinet, directement ou indirectement?
    Non.
    Avez-vous déjà fait un don au Parti libéral du Canada? Cette information est publiée par Élections Canada.
    La prochaine fois que les représentants de la Commission canadienne du blé vont comparaître, je suppose que nous devrons leur poser la même question.
    Si cette information est publiée par Élections Canada, ayez l'obligeance de me dire ce que vous avez appris en faisant vos recherches.
    Allez-y.
    Vous n'avez pas besoin…
    Si vous ne voulez pas répondre à la question, c'est votre décision.
    Je n'ai jamais fait de don à un parti politique, ni aux Libéraux, ni au NPD. J'ai fait des dons à des candidats individuels. Mais, je ne suis membre d'aucun des deux partis politiques. Je serais ravi de faire un don à des candidats individuels se présentant pour le Parti conservateur qui ont fait preuve d'un leadership exemplaire. Je fais des dons à des candidats ou à des membres d'un parti qui font preuve de leadership exemplaire, quelle que soit leur affiliation politique.
    Entretenez-vous des relations personnelles…
    Si l'approche que vous adoptez vis-à-vis de mes témoignages est purement partisane, c'est la preuve que vous négligez de tenir compte du fait que, cette année, à une époque de l'année — l'été — où les gens mangent des produits carnés prêts à consommer, les normes que nous appliquons sont exactement les mêmes que celles qui étaient appliquées l'année dernière quand…
    Merci, monsieur Attaran.
    … 22 personnes sont mortes. C'est autrement plus grave…
    J'arrive aux faits.
    … que toute question concernant l'affiliation politique.
    Je pense qu'il est important de…
    Monsieur Attaran, vous pouvez répondre aux questions ou ne pas y répondre. Mais rappelez-vous que c'est lui qui pose les questions.
    J'ai déjà répondu à cette question.
    Je pense qu'il est important d'établir le contexte de vos témoignages si convaincants, monsieur Attaran. Entretenez-vous des relations personnelles avec le Parti libéral?
    Donnez-moi votre définition de l'expression « relations personnelles ».
    Avez-vous eu des contacts avec M. Easter et Mme Bennett avant de venir témoigner aujourd'hui?
    Oui, bien sûr. Et j'ai eu des contacts avec d'autres membres également. Par le passé, j'ai eu des contacts avec des membres du Parti conservateur.
    Il est manifeste que vous êtes sceptique. Si cela me semble important, c'est parce que, à mon avis, vous parlez aujourd'hui au nom de M. Easter et de Mme Bennett, et vous êtes là pour dire ce que ces derniers estimaient ne pas pouvoir dire directement eux-mêmes, pour des raisons politiques peut-être. Vous avez critiqué le rôle actuel de l'industrie dans l'inspection des aliments. Vous critiquez également la limite de 100 bactéries listeria par gramme dans les aliments prêts à consommer. Vous êtes d'accord? C'est vous-même qui avez dit ces choses-là.
    Non, je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous avez dit. Je ne représente aucun membre du comité aujourd'hui et je ne suis pas là pour dire des choses qu'un membre du comité serait réticent à dire. Je comparais aujourd'hui en réponse à l'invitation que j'ai reçue…
    Merci.
    … du comité.
    Est-il vrai…
    Me permettriez-vous de terminer ma réponse, sans interruption?
    Le temps imparti est écoulé, monsieur Attaran.
    Vos témoignages ne sont plus aussi convaincants qu'ils l'étaient.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je m'insurge contre la déclaration de M. Storseth, qui prétend que M. Attaran parle en mon nom. J'ai eu une rencontre avec M. Attaran il y a environ trois mois. Je ne savais pas du tout ce qu'il allait dire aujourd'hui, et je ne lui ai posé qu'une seule question.
(1710)
    M. Bezan invoque le Règlement.
    Je demande aux membres du comité de se reporter au chapitre 20, page 863 de l'ouvrage de Marleau et Montpetit, où on lit ceci: « La nature des questions pouvant être posées aux témoins qui comparaissent devant les comités n'est assujettie à aucune règle précise à part le fait qu'elles doivent se rapporter à la question à l'étude. Les témoins doivent répondre à toutes les questions que leur pose le comité. »
    Je voulais simplement m'assurer que vous êtes au courant du droit de M. Storseth de vous poser les questions qu'il vous a posées.
    M. Bellavance invoque le Règlement.

[Français]

    J'invoque le Règlement. Je n'étais pas encore intervenu, mais je dois dire que je trouve cette situation assez particulière. Ce que vient de dire M. Bezan est tout à fait vrai: les députés peuvent poser les questions qu'ils veulent poser. En revanche, ils doivent laisser le témoin répondre.
     D'où vient cette attitude, tout à coup? De toute façon, ce que le témoin a répondu a démoli dès le départ la théorie de M. Storseth.

[Traduction]

    Vous n'avez pas tout à fait tort, monsieur Bellavance. Mais chaque membre dispose de sept minutes. Si un membre estime que le témoin ne lui répond pas directement, je n'ai pas l'intention d'intervenir. Je veux simplement m'assurer que le témoin accepte ou refuse de répondre. À ce moment-là, nous pouvons passer à autre chose. C'est à chaque membre de décider de la façon d'employer son temps de parole. Je ferais la même chose pour vous, monsieur Bellavance.

[Français]

    Le témoin a répondu directement à toutes les questions, depuis le début.

[Traduction]

    Pour moi, ce n'est pas un problème — c'est plutôt un problème pour celui qui posait les questions.
    Monsieur Anderson.
    Je pense qu'il convient de faire remarquer à M. Bellavance, s'il veut effectivement parler de la question qui a été posée, que M. Attaran ne répondait pas aux questions directement. Or, M. Storseth a le droit de s'attendre à ce qu'on lui réponde. Nous savons pertinemment que M. Attaran a fait un don de 200 $ à la campagne de M. Dion. Nous savons également que M. Ignatieff lui a donné un coup de main à l'Université Harvard lorsqu'il a eu des difficultés là-bas pour lesquelles il fallait trouver une solution.
    À mon avis, il devrait faire preuve de transparence et nous dire exactement ce qu'il en est; à ce moment-là, nous réglerons la question.
    Très bien.
    Monsieur Storseth, veuillez donc continuer.
    Merci, monsieur le président. J'espère que ces interventions ne compteront pas dans mon temps de parole.
    Monsieur Attaran, est-il vrai que vous avez critiqué la politique du gouvernement, qui autorise la présence de 100 bactéries de listeria par gramme?
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Monsieur Easter invoque le Règlement.
    Je voudrais demander à M. Anderson de déposer devant le comité les renseignements qu'il vient de nous communiquer verbalement. Qui a mené une enquête? Le SCRS? Est-ce ce dernier qui travaille pour vous et qui espionne à présent les personnes qui sont appelées à témoigner devant le comité? C'est ça que vous vous permettez de faire maintenant?
    Monsieur le président…
    Vous allez trop loin, mon ami.
    Monsieur le président, pourrais-je répondre? Je peux le faire rapidement car, si M. Easter s'adresse à Élections Canada, il obtiendra déjà une partie de l'information. Et, s'il lisait le Globe and Mail, il aurait l'autre.
    Voilà votre réponse.
    Monsieur Storseth, veuillez continuer.
    C'est tout à fait le genre de choses que M. Easter a fait par le passé à l'occasion d'autres réunions de comités. Nous essayons simplement de bien situer les témoignages.
    Monsieur Attaran, est-il vrai que vous avez critiqué la norme de 100 bactéries listeria par gramme pour les produits carnés prêts à consommer?
    Avez-vous écouté mes témoignages? J'ai constaté que vous parliez pendant mon exposé liminaire, alors que j'ai effectivement critiqué la norme de 100 bactéries par gramme pour les produits carnés prêts à consommer au Canada, par rapport aux normes qu'appliquent d'autres pays. J'ai répété cela au moins deux fois.
    Et vous savez sans doute que cette politique a été établie par l'ancien gouvernement libéral?
    Je ne sais pas quel gouvernement a établi la politique, mais je sais que c'est actuellement la politique de votre gouvernement.
    Reconnaissez-vous avoir critiqué les pouvoirs et les capacités de l'Enquêteur et d'avoir remis en question l'opportunité de l'enquête indépendante qui est menée parallèlement à cette étude…?
    Je suis désolé; je n'ai pas compris votre question.
    Est-il vrai que vous avez critiqué l'enquête indépendante qui est menée parallèlement à l'étude du comité, et notamment le mandat de l'enquête?
    En collaboration avec mes collègues du Journal de l'Association médicale canadienne — nous sommes sept en tout — j'ai participé à la rédaction de cet article. Nous constituons l'équipe de rédaction. Nous avons effectivement déclaré que l'enquête qui a été ouverte est insuffisante par rapport à celles qui ont été menées à la suite d'autres épidémies au Canada, telles que l'enquête sur le sang contaminé, l'enquête sur ce qui s'est produit à Walkerton et l'enquête sur la crise du SRAS. Si on la compare à ces autres exemples, l'enquête menée par Mme Weatherill, si l'on en juge d'après le mandat qui lui a été donné, est tout à fait insuffisante.
    En fait, Mme Weatherill a comparu devant le comité, et d'autres professionnels nous ont dit que le mandat et les pouvoirs qui lui ont été conférés sont amplement suffisants. Elle n'a pas l'impression de ne pas pouvoir agir parce que le mandat qu'on lui a donné n'est pas suffisant. De plus, nous avons un comité permanent indépendant qui parraine le sous-comité, sous-comité qui possède tous les pouvoirs du comité principal, y compris celui de contraindre des témoins à comparaître.
    Ce sont vos trois critiques, à savoir que nous n'avons pas le pouvoir de… Je vais vous permettre de répondre, monsieur Attaran, mais je me dois d'abord de vous corriger. Nous avons le pouvoir de contraindre n'importe quel témoin potentiel à comparaître. Nous avons également le pouvoir de l'assermenter, si nous le jugeons nécessaire.
    Pourriez-vous donc me dire — vous avez soulevé trois points à ce sujet — quelles sont les faiblesses de l'étude menée actuellement par le comité? Je peux attendre si vous voulez y réfléchir pendant une seconde, et à ce moment-là, nous pourrons en discuter.
    Je vous remercie.
(1715)
    Vous avez raison. Mais, je vous conseille d'examiner la Loi sur les enquêtes, qui a jusqu'ici constitué le fondement juridique des enquêtes menées sur la tragédie du sang contaminé, par exemple, et sur d'autres crises aussi. Bien souvent, ce genre d'enquêtes qui sont menées conformément à la Loi sur les enquêtes sont dirigées par un juge ou un juge à la retraite — M. le juge Horace Krever, par exemple, qui a mené l'enquête sur le sang contaminé et…
    Je vais vous accorder ce qui reste de mon temps de parole, monsieur Attaran, mais je me permets de prendre deux secondes pour intervenir. Ce que vous dites cadre tout à fait avec le message qui est communiqué par les libéraux, et je tiens à dire que je suis véhément dans mon opposition à ce que vous dites. Mme Weatherill…
    Permettez-moi donc de finir ma réponse sans interruption.
    Mme Weatherill est l'une des femmes les plus compétentes de son secteur d'activité au Canada. Elle a régulièrement été placée dans la catégorie des 100 femmes les plus puissantes du Canada. Elle dirige l'une des régies de santé les plus efficaces et les plus réputées du Canada, et les attaques constantes des libéraux…
    Si vous voulez bien me permettre de finir ma réponse…
    … et du Parti libéral du Canada sont tout à fait répréhensibles et inquiètent gravement les personnes qui relèvent de cette régie de santé depuis des années.
    Allez-vous me permettre de finir ma réponse?
    Le simple fait qu'elle ne soit pas juge ne signifie pas qu'elle est moins qualifiée; elle n'est peut-être pas avocate, mais cela ne veut pas dire qu'elle est moins qualifiée.
    Je pose la question pour la quatrième fois: allez-vous me permettre de terminer ma réponse? Monsieur le président, ai-je votre permission pour finir ma réponse?
    En fait, son temps de parole est écoulé. Mais, si M. Storseth désire entendre votre réponse, vous pourrez la donner.
    Il a dit qu'il voudrait l'entendre.
    Très bien; répondez donc brièvement.
    La norme selon laquelle une enquête est dirigée par un juge correspond à la pratique des gouvernements de toutes les allégeances politiques — l'enquête sur l'affaire Mulroney est un bon exemple. C'est une pratique tout à fait honorable. Cela garantit un fondement juridique légitime, soit la Loi sur les enquêtes, et c'est cela qui devrait se faire dans ce cas-ci.
    Vous n'avez pas besoin d'élever la voix quand vous faites valoir vos arguments. J'exhorte simplement le gouvernement à faire ce que d'autres gouvernements ont fait par le passé, face à une crise de santé publique, c'est-à-dire d'ouvrir une enquête judiciaire en bonne et due forme.
    Merci, monsieur Attaran.
    Madame Bennett, vous avez cinq minutes.
    Dans le même ordre d'idées, pourriez-vous expliquer, pour les fins du compte rendu, les raisons pour lesquelles vous estimez que le mandat de Mme Weatherill est trop restrictif pour que nous puissions rétrospectivement connaître tous les détails de la situation qui s'est produite?
    Pourriez-vous également nous dire, puisque notre examen est effectivement rétrospectif, ce que le gouvernement doit faire dès maintenant pour régler le problème de communication qui semble avoir eu des conséquences mortelles? S'agissant du Règlement sanitaire international, quelle est la nature des violations commises par le Canada par rapport à ce règlement du fait de ne pas avoir conclu des accords d'échange d'information?
    Je vais demander au Dr Wilson de répondre à votre question sur le Règlement sanitaire international.
    En ce qui concerne l'enquête menée par Mme Weatherill, comme nous l'avons indiqué dans l'éditorial paru dans le JAMC — c'est-à-dire, moi et les autres rédacteurs — la grande lacune est le fait que la responsable de l'enquête ne sera pas en mesure de mener son enquête en toute indépendance. Je vous cite l'extrait suivant:
… l'enquêteur ne pourra forcer des témoins à comparaître ni faire venir des documents. Le public ne pourra pas participer à l'enquête et on n'a pris aucun engagement de publier les constatations de l'enquêteur ou de faire rapport au Parlement.
    De plus, je crois savoir que le mandat de l'enquêteur n'inclut pas le pouvoir d'enquêter sur la possibilité d'ingérence politique.
    Voilà donc les lacunes du processus actuel.
    Pour ce qui est du Règlement sanitaire international, j'aimerais demander au Dr Wilson d'y répondre, si vous êtes d'accord.
    Je vous remercie.
    Aux termes du Règlement sanitaire international, tous les pays sont tenus d'évaluer les urgences qui surgissent sur leur territoire dans les 24 heures qui suivent et de communiquer ensuite cette information à l'OMS dans les 24 heures qui suivent leur évaluation. Cela suppose, évidemment, que l'information au sujet de la source locale de l'éclosion soit communiquée aux autorités fédérales. Au Canada, cela signifie que des accords d'échange de données complets et détaillés sont exigés. Or, de tels accords n'existent pas.
    C'est un peu la nature de notre système de gouvernement fédéral, mais il convient de vous faire remarquer que le Canada a approuvé le Règlement sans poser de conditions. Par contre, les États-Unis ont posé une condition, déclarant qu'ils feraient de leur mieux pour le faire au sein de leur système de gouvernement fédéral. Donc, nous ne sommes pas en mesure de garantir actuellement que le Canada peut respecter les exigences du Règlement sanitaire international en ce qui concerne la communication d'information.
(1720)
    S'agissant de la procédure à suivre lors de l'éclosion d'une maladie d'origine alimentaire, dans le rapport de l'Agence de la santé publique… C'est-à-dire que cette procédure a été établie avant la mise sur pied de l'Agence de la santé publique. Donc, avez-vous des recommandations à nous faire sur la structure à prévoir et les mécanismes différents qu'on pourrait envisager afin de conclure de tels accords sous forme de protocoles d'entente, étant donné que l'Agence de la santé publique existe à l'heure actuelle? Aussi peut-être pourriez-vous nous dire qui devrait assumer la principale responsabilité de gestion dès que l'on sait qu'une éclosion touche la chaîne alimentaire?
    Je recommande simplement que le gouvernement donne suite aux recommandations du rapport Naylor et suive les dispositions de la Loi sur l'Agence de la santé publique du Canada, qui prévoit que l'Agence de la santé publique et l'administrateur en chef de la santé publique ont la principale responsabilité dans le contexte de toute urgence de santé publique. D'après ce que j'ai pu voir pendant l'éclosion de listeria, il semble, d'après le rapport de l'Ontario, que ce n'était pas le cas.
    En tant que Canadiens, nous devons avoir la garantie que l'Agence de la santé publique pourra agir en toute indépendance dans l'intérêt supérieur du public, et je ne pense pas que nous puissions affirmer une telle chose aujourd'hui, vu l'arrangement actuel.
    Allez-y.
    Il vous reste presque une minute.
    Très bien. Je voudrais poser une question à Mme Bose.
    Vous avez parlé du double rôle de l'ACIA. C'est une affirmation qui est souvent faite en public en ce moment. En réalité, l'Agence n'a pas de double rôle. Si des changements s'imposent pour que ses responsabilités soient plus claires, il faudrait peut-être y songer.
    Son rôle dans le secteur des exportations consiste simplement à aider les personnes qui travaillent dans ce secteur. Il s'agit donc d'expliquer les protocoles qui existent au Canada en matière de salubrité des aliments pour que des compagnies ou pays importateurs connaissent bien les exigences de notre régime. Donc, son rôle n'est pas du tout double; il consiste simplement à expliquer notre régime de salubrité des aliments aux autres pays du monde.
    Quand vous disiez que son rôle est double tout à l'heure, vous avez mentionné deux responsabilités, soit la promotion des exportations et la salubrité des aliments au Canada. Il n'y a pas de double responsabilité. Si vous examinez son mandat, vous allez voir que l'Agence a une responsabilité unique, même si elle est représentée au sein de délégations commerciales afin d'expliquer le système que nous appliquons au Canada.
    Avez-vous une question à poser, monsieur Easter?
    Je voulais simplement apporter cet éclaircissement. Peut-être voudrait-elle réagir.
    Je voudrais simplement…
    Non, madame Bennett; votre temps est écoulé.
    Je voulais simplement m'excuser auprès de ces distingués universitaires, dont les articles sont publiés dans le Journal de l'Association médicale canadienne et dans bien d'autres publications, qui se démarquent des nombreux autres témoins proposés par les conservateurs…
    Madame Bennett, vous pourrez en parler lorsque ce sera de nouveau votre tour.
    … et je vous fais remarquer que nous n'avons pas traité leurs témoins de la façon dont ils ont traités les témoins de cet après-midi. J'aimerais que le président présente ses excuses.
    Madame Bennett, votre temps est écoulé depuis longtemps.
    Monsieur Shipley, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie tous les témoins pour leur présence aujourd'hui.
    Il y a eu énormément de discussion tout au cours de cette étude au sujet des communications. On prétend que le ministre n'a ni piloté ce dossier, ni participé aux discussions. Je crois que M. Wilson a bien indiqué cela en nous disant aujourd'hui: « Cependant, lors de l'éclosion de listériose, ce n'est pas l'Agence de la santé publique du Canada qui a pris publiquement la tête de la réaction. » Mais, le fait est que cette dernière était représentée à chacune des réunions et annonces publiques sur la question.
    Il a continue en disant ceci: « La communication principale au sujet de l'état de l'éclosion a été menée par l'ACIA et par le ministre de l'Agriculture. » Nous avons toujours dit qu'il s'agit d'un effort conjoint dans le domaine des communications. En toute sincérité, je ne pense pas que… Quand nous convoquons des témoins, nous savons évidemment qu'il y a des enseignements à tirer des expériences antérieures. Nous voudrons toujours faire cela.
    Monsieur Attaran, vous avez fait mention de plusieurs incidents. J'aimerais justement que nous discutions de ce qui s'est produit à Walkerton et de la valeur de cette enquête, parce que je ne suis pas d'accord avec vous sur tout, et notamment sur la valeur des enquêtes pour la protection du grand public.
    Je voudrais aussi m'adresser brièvement à Mme Bose. Dans vos remarques liminaires, vous avez parlé de recherche. En fait, après vous avoir écoutée, je me demande même comment cela se fait que nous soyons là. On dirait que notre système au Canada est à ce point mauvais que la plupart des gens sont susceptibles de ne pas survivre face à notre système de santé publique, alors que nous savons pertinemment que ce n'est pas vrai.
    Vous possédez un document de recherche qui présente un tableau assez catastrophique de notre régime de soins de santé. Il s'agit d'un sondage menée par l'Alliance de la Fonction publique du Canada entre le 25 avril et le 3 mai, je suppose. Pourriez-vous nous fournir vos questions? Je sais qu'on fait mention d'une adresse électronique quelque part. Donc, je me demande si vous pourriez faire parvenir au comité le texte des questions que vous avez posées dans le cadre de votre sondage, pour que nous soyons au courant du contexte dans lequel vous avez obtenu vos réponses. Donc, je vous présente officiellement cette demande.
    Deuxièmement, vous avez dit, me semble-t-il… J'oublie le mot que vous avez utilisé. Vous disiez que vous aviez eu beaucoup de mal à la retrouver et qu'il avait fallu déployer énormément d'effort pour pouvoir la rencontrer. Quand l'avez-vous rencontrée?
(1725)
    Je vais commencer par répondre à cette question-là. Ce n'est pas moi qui l'ai rencontrée. M. Décary-Gilardeau l'a rencontrée il y a environ trois mois.
    Je crois savoir qu'elle…
    Mais, le fait est, monsieur Shipley, que j'essayais de la trouver.
    Vous essayiez de la trouver?
    Oui. Nous ne savions pas où se trouvait son bureau.
    Eh bien, vous auriez dû poser la question à M. Easter, parce qu'il ne cesse de se plaindre d'elle depuis le début de l'enquête. Il prétend qu'elle est directement liée au cabinet du ministre. Donc, elle ne peut pas être difficile à trouver. Toute l'information figure sur son site Web. Elle est donc relativement facile à retrouver.
    Cette information ne figurait pas sur le site Web il y a trois mois. Je suis désolée, monsieur Shipley, mais j'ai dû appeler le bureau de M. Anderson…
    Oui, tout à fait, il pouvait vous aider.
    Oui, et au bureau de M. Anderson, on m'a conseillé d'appeler le bureau de M. Ritz, et quand j'ai indiqué que je préférerais parler au personnel de M. Anderson, on m'a fourni l'information.
    Quoi qu'il en soit, nous croyons comprendre qu'elle a assumé ses responsabilités en janvier, mais que, pendant le premier mois ou deux, c'est lui qui devait s'en charger. Nous le savons, ça. C'est lui qui lui fournissait les documents, et je crois savoir que les entrevues ont commencé au mois de mars. Donc, je suis navré d'apprendre que vous n'avez pas pu la trouver, mais il semble que quand vous avez réussi à le faire, vous avez eu une bonne discussion et j'apprécie donc votre rétroaction.
    Je voudrais maintenant m'adresser aux représentants de Toxin Alert. Je tiens à remercier nos amis américains qui sont venus nous voir. C'est très apprécié. Nous avons beaucoup discuté de ce qui arrive lorsque les aliments sont contaminés. Il s'agit de surveiller le processus d'un bout à l'autre. Vous avez fait une analogie que nous connaissons tous. Mais, avez-vous une idée des principales sources de contamination? J'avoue ne pas comprendre tout à fait votre procédé. Il me semble qu'il s'agit d'appliquer sur les produits prêts à consommer une matière plastique traitée, si bien que s'il y a contamination, le produit sera phosphorescent.
    L'explication de non-spécialiste que je peux vous donner — et c'est la seule possible, en ce qui me concerne — est la suivante: nous produisons un anticorps qui est conçu de manière à permettre la détection d'un certain pathogène, qu'il s'agisse de salmonella, de listeria ou d'un autre agent pathogène, et ce en partenariat avec le fabricant du sac en plastique. Donc, les anticorps sont pulvérisés dans le sac en plastique et lorsqu'un anticorps dangereux apparaît, un signal visuel est donné.
    Oui, c'est ce que j'avais compris. Donc, quand vous ouvrez l'emballage… Si je suis le consommateur, j'ouvre l'emballage et je…
    Non, vous n'allez pas l'ouvrir.
    Mais si je veux le consommer, il faut que je l'ouvre.
    Oui, mais si le produit est contaminé…
    Nous avons longuement discuté de contamination. Évidemment, la contamination par la listeria s'est produite à l'établissement de Maple Leaf. Nous avons cela. Cette contamination avait pénétré dans les mécanismes de la trancheuse. Nous savons que pour bon nombre des cas de contamination — d'après ce qu'on nous dit, il y en a 12 ou 13 millions par année — il existe un facteur de multiplication… ce qui m'amène à poser une autre question. En tant que consommateur, une fois qu'on enlève le produit de l'emballage, il y a nécessairement un impact. C'est bien ça? Il est possible qu'il soit contaminé après avoir été ouvert?
(1730)
    Selon l'évaluation de l'industrie dans son ensemble, et nous sommes d'accord, 80 p. 100 de la contamination des aliments se produit après l'ouverture de l'emballage.
    Je vous remercie.
    Monsieur Attaran ou monsieur Wilson, vous avez parlé de la norme des 100 bactéries par gramme et de la grave insuffisance de notre système au Canada, mais êtes-vous en mesure de me dire où nous nous situons, par rapport aux autres pays qui font partie des 30 que vous avez examinés, du point de vue du nombre de cas de maladie? Si nous sommes au dernier rang, on peut supposer qu'il y a beaucoup plus de décès au Canada. Il doit y avoir beaucoup plus de cas de maladie. Mais, ce n'est pas ce que j'entends lorsque je parle à mes collègues des États-Unis de la proportion des maladies d'origine alimentaire.
    Vous avez posé une question très intelligente. Malheureusement, on ne peut y répondre avec exactitude, vu l'état actuel de la surveillance des maladies. En ce moment, un certain nombre de pays — pas uniquement le Canada, mais le Canada en fait partie — n'ont pas de méthodes suffisantes de surveillance et ne peuvent donc pas consigner dans leurs dossiers chaque cas de listériose qui se présente. Donc…
    Mais qu'en est-il des autres maladies d'origine alimentaire…
    Monsieur Shipley, votre temps est écoulé.
    La proportion de maladies qu'on peut associer à d'autres normes n'est pas quelque chose qu'on peut mesurer avec exactitude à l'heure actuelle, et c'est vraiment malheureux. Mais vous avez posé une bonne question, et il serait bon qu'on soit en mesure d'y répondre.
    Merci beaucoup à tous nos témoins.
    Nous devons courir à la Chambre maintenant pour voter, mais je tiens à vous remercier pour votre présence cet après-midi. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir participé à notre étude sur la salubrité des aliments. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant suspendre nos travaux pour aller voter.

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