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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 018 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 30 avril 2009

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Je déclare ouverte la 18e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. La présidence est normalement assurée par l'honorable et vénérable M. Breitkreuz, bien sûr. Le président n'est pas ici aujourd'hui et, à titre de vice-président, c'est moi qui le remplacerai.
    Aujourd'hui, un seul témoin comparaît devant le comité: M. Peschard.

[Français]

    Merci d'être ici pour nous parler des enjeux du rapport de MM. Iacobucci et O'Connor.

[Traduction]

    Je vais donner au témoin la parole pendant 10 minutes, après quoi nous passerons aux questions et réponses. Cela se poursuivra jusqu'à 10 heures. S'il faut poursuivre un peu plus longtemps, c'est ce que nous allons faire, après quoi nous passerons au huis clos pour discuter des travaux futurs.
    Vous avez maintenant la parole, monsieur Peschard.

[Français]

    Je suis Dominique Peschard, président de la Ligue des droits et libertés. Avant de présenter la ligue, je voudrais vous faire part des regrets de Me Denis Barrette qui devait témoigner avec moi, mais il a appris trop tard le report de notre comparution pour pouvoir remettre ses engagements devant la cour.
    La ligue est une organisation de défense des droits humains fondée en 1963 et vouée à la défense de l'ensemble des droits et libertés reconnus dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. La ligue est intervenue publiquement très rapidement après les attentats du 11 septembre pour s'opposer aux mesures antiterroristes qui mettaient de côté les principes de justice fondamentale au nom de la guerre au terrorisme et qui s'appuient sur l'idée selon laquelle on doit sacrifier nos libertés si on veut plus de sécurité. L'étude des rapports O'Connor et Iacobucci démontre, au contraire, que la mise au rancart de ces principes menace la sécurité des Canadiens.
    L'histoire de Maher Arar est celle d'un homme innocent, broyé par les appareils de sécurité du Canada, des États-Unis et de la Syrie. Cette histoire montre ce qui arrive lorsque la société laisse tomber, au nom de la sécurité, les garde-fous d'un système de justice fondé sur le respect des droits fondamentaux.
    En particulier, le rapport O'Connor révèle ce qui suit: une enquête de la GRC qui trace un portrait de M. Arar fondé sur des faits inexacts ou carrément erronés et qui le décrit sans fondement comme un islamiste extrémiste lié à Al-Qaïda; une pratique d'échange d'information sans restriction avec les autorités américaines qui ne respecte même pas les propres règles de la GRC; un aveuglement volontaire face à la torture subie par M. Arar lors de sa détention en Syrie et le fait « d'accepter et d'exploiter de l'information qui pouvait avoir été obtenue sous la torture »; finalement, des comportements de la part des autorités policières qui nuisent aux efforts pour ramener M. Arar au Canada et une pratique de fuites visant à le discréditer dans l'opinion publique et à justifier l'action des forces policières à son égard.
    Malheureusement, le cas de Maher Arar n'est pas un cas isolé. La commission d'enquête Iacobucci a révélé que les mêmes pratiques des services de sécurité avaient contribué à la détention et à la torture de MM. Almalki, Abou-Elmaati et Nureddin.
    Encore aujourd'hui, plus de deux ans après le dépôt du rapport Arar, un cinquième Canadien qui a subi le même sort, Abousfian Abdelrazik, croupit au Soudan, et le gouvernement du Canada dresse des obstacles à son rapatriement, malgré le fait qu'il ait été blanchi par la GRC et le SCRS des soupçons qui pesaient contre lui. La situation de M. Abousfian démontre que les correctifs demandés par le juge O'Connor se font toujours attendre.
    L'enquête sur les faits entourant la déportation de Maher Arar vers la torture révèle que 24 agences ou ministères du gouvernement fédéral étaient impliqués dans des questions de sécurité nationale. Des services de police provinciaux et municipaux, de même que des services du renseignement provinciaux, sont aussi susceptibles de travailler en collaboration avec d'autres agences ou services de police gouvernementaux ou encore de participer à des équipes intégrées d'enquête. Ainsi, le Projet A-O Canada intégrait la participation de diverses agences canadiennes et des États-Unis, dont le FBI et probablement la CIA. On apprenait par ailleurs que 247 ententes régissaient le partage de renseignements entre le Canada et d'autres pays.
    Depuis le 11 septembre, les mesures sécuritaires à travers le monde et les développements technologiques ont provoqué l'accumulation ainsi que le partage de renseignements sur les citoyens à une allure qui donne le vertige. Le partage continu de renseignements entre diverses agences d'un même État ainsi qu'entre agences d'États étrangers permet l'insertion des informations dans diverses bases de données de plusieurs États. Par exemple, des renseignements fournis par la GRC se retrouvent dans une des plus importantes bases de données des États-Unis, le Treasury Enforcement Communication System. Cette base de données constitue un mégafichier puisqu'elle intègre au moins 19 autres bases de données qui, à elles seules, possèdent une somme impressionnante d'informations. Un des résultats de ce processus complexe sera qu'une information erronée risque de susciter des conséquences en cascade, multipliant autant les dommages que les victimes et laissant celles-ci sans recours efficace.
    Pour des personnes n'ayant rien à se reprocher autre qu'être victimes d'une erreur, certains dommages sont déjà clairement identifiables: inclusion d'innocents sur des listes noires, perte de leur emploi, refus de leur statut de citoyenneté, d'immigrant ou de réfugié, déplacements limités, détention indéfinie ou refoulement vers un pays où les attendent détentions, traitements dégradants et torture.
    Qu'advient-il des principes que nous estimons essentiels dans une société démocratique: imputabilité, correction des renseignements personnels erronés, droit à la réparation des atteintes à la réputation, protection de la vie privée, intégrité physique et psychologique des individus, protection contre la torture et les traitements cruels, inhumains et dégradants, libertés fondamentales, droit à l'égalité et prohibition du profilage illégal?
    Pour prévenir la répétition de violation de droits et pour protéger les Canadiens, la Commission O'Connor propose une série de mesures touchant la formation des policiers, les pratiques policières ainsi que le mécanisme de plainte et de surveillance des activités de sécurité nationale.
    Dans son premier rapport, le juge O'Connor formule 23 recommandations. Deux de ces recommandations sont particulièrement importantes. D'abord, c'est que les pratiques et ententes de la GRC en matière de partage d'information devraient être assujetties à un examen par un organisme indépendant. Ensuite, on ne devrait jamais communiquer d'information à un pays où il y a un risque crédible d'entraîner un recours à la torture ou d'y contribuer.
    Le second rapport du juge O'Connor fait ressortir les lacunes criantes dans les mécanismes de surveillance des nombreuses agences impliquées en matière de sécurité nationale. Certaines, comme la Commission des plaintes de la GRC, ont des pouvoirs et moyens limités — des commissaires en ont fait déjà état publiquement et devant ce comité — et d'autres, comme l'Agence des services frontaliers, n'ont aucun organisme de surveillance. De toute façon, une multitude d'agences de surveillance n'auraient pas la vision d'ensemble requise pour évaluer les pratiques des multiples corps de police et agences qui travaillent de manière intégrée.
    Pour faire face à cette situation, la ligue, à l'instar d'autres organisations de défense des droits, recommandait à la Commission O'Connor une seule agence de surveillance habilitée à surveiller l'ensemble des activités de sécurité nationale pouvant recevoir des plaintes et dotée de vastes pouvoirs d'enquête. Le juge propose une structure de forme différente, mais qui vise les mêmes objectifs.
    En résumé, le commissaire propose de remplacer l'ancienne Commission des plaintes du public contre la GRC par un organisme indépendant d'examen doté de pouvoirs renforcés, la Commission indépendante d'examen des plaintes contre la GRC et des activités en matière de sécurité nationale, qui examinerait également les activités relatives à la sécurité nationale de l'Agence des services frontaliers.
    Par ailleurs, le mandat de l'actuel mécanisme de surveillance du SCRS devrait être élargi afin de recevoir les plaintes et d'examiner les activités des différents ministères et agences impliqués dans les activités du renseignement relatives à la sécurité nationale, c'est-à-dire le Centre de la sécurité des télécommunications Canada, Citoyenneté et Immigration Canada, Transports Canada, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
    Enfin, le commissaire recommande au gouvernement de mettre en place un nouveau mécanisme qu'il désigne comme le comité de coordination pour l'examen intégré des questions de sécurité nationale, qui aurait pour mandat d'offrir un mécanisme de réception centralisé des plaintes concernant les activités relatives à la sécurité nationale d'organisations fédérales et de faire rapport sur la reddition de comptes concernant les pratiques et tendances dans le domaine de la sécurité nationale au Canada, notamment les effets de ces pratiques et tendances sur les droits et libertés individuels.
    Le nouveau mécanisme ne doit pas devenir une coquille vide, et des ressources financières appropriées devront lui être attribuées. Ainsi, son budget annuel devrait faire l'objet d'un examen par le Parlement et recevoir son approbation. Selon la ligue, il est inacceptable que des institutions gouvernementales dédiées à la protection des droits humains n'arrivent que difficilement à remplir leur mandat faute de budget. Ce genre de situation mine la confiance du public envers l'exercice et la réalisation des droits fondamentaux et envers le fonctionnement des institutions gouvernementales.
    Bien sûr, un changement significatif des méthodes d'enquête et de surveillance des agences de l'État doit aussi être accompagné d'un changement de culture, de coutume, et d'un réel respect des droits fondamentaux, particulièrement à la GRC, mais pas uniquement. Toutefois, les changements de mentalité ne s'inscrivent que dans des modifications à long terme et ne sont possibles que lorsque l'État envoie un message sans équivoque à ses commettants.
    À l'accroissement stupéfiant des capacités et pouvoirs de contrôle, de surveillance et d'enquête de l'État doit correspondre un mécanisme d'examen approprié et efficace. C'est la condition obligée, ainsi que le prix à payer, pour le maintien du caractère libre et démocratique de notre société. C'est par suite d'une étude rigoureuse de la question, tant sur le plan national qu'international, que le juge O'Connor a recommandé la création d'un nouveau mécanisme d'examen qui se rapproche d'ailleurs de modèles existant dans d'autres pays démocratiques comme la Belgique, la Norvège et la Suède.
(0910)
    Il est grand temps de mettre en oeuvre toutes ces recommandations.
     Nous souhaitons que ce comité adresse des recommandations en ce sens au gouvernement. Nous aimerions également, puisque ce n'était pas dans le mandat de la commission Iacobucci, que ce comité fasse des recommandations, à savoir que le gouvernement offre ses excuses à MM. Almalki, Abou-Elmaati et Nureddin, ainsi que des compensations, qu'il prenne toutes les mesures nécessaires aussi pour que les informations erronées sur ces personnes et leur famille, qui peuvent subsister dans des fichiers des services canadiens ou d'autres pays étrangers, soient rectifiées, et qu'une plainte soit adressée aux gouvernements de la Syrie et de l'Égypte pour le traitement subi par ces citoyens canadiens.
     Merci.
(0915)
    Merci beaucoup, monsieur Peschard.
    Comme d'habitude, l'opposition officielle va d'abord poser des questions.
     Monsieur Oliphant, vous avez sept minutes, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui et merci de votre témoignage.
    Il y a trois questions que j'aimerais aborder, même si je ne pourrai peut-être pas les aborder toutes. La première porte sur l'étiquetage ou le profilage, la deuxième sur les certificats de sécurité et la troisième sur la surveillance générale.
    En particulier je voudrais discuter de l'affaire Ahmad Elmaati et savoir ce que vous en pensez parce qu'il habite dans ma circonscription. Dans mon patelin, ce n'est pas quelqu'un d'inhabituel, c'est quelqu'un qui est dans la moyenne. Pourtant, dans ce qui s'est passé, on peut voir à la lecture du rapport Iacobucci que le profilage ou l'étiquetage de M. Elmaati, et en particulier la façon dont cela a été communiqué aux Égyptiens, a sans doute conduit à une incarcération plus longue, à plus de torture, à de plus grandes dépravations et à un plus grand nombre de restrictions de ses droits humains et civils.
    J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus à propos non seulement de l'étiquetage, qui je crois aux yeux de tous est répréhensible, mais aussi de la communication de cette étiquette par le SCRS, qui apparaît clairement dans le rapport de M. Iacobucci, et de la manière dont cela a empiété sur ses droits fondamentaux.
    Eh bien, ce qui est particulièrement...

[Français]

    Vous pouvez parler en français si vous voulez
    D'accord.
    Ce qui est près préoccupant dans le cas Abou-Elmaati en particulier, ce sont les informations qui sont sorties: elles établissent non seulement que l'étiquetage erroné de M. Elmaati a contribué à sa détention initiale et à sa torture, mais que la confession obtenue sous la torture a ensuite été utilisée par les services du renseignement pour obtenir un mandat de perquisition ici. Ainsi, on a nié ou ignoré le fait que M. Abou-Elmaati avait probablement fait sa confession sous la torture et que, ensuite, les résultats de ces perquisitions ont été utilisés pour acheminer d'autres informations à la Syrie.
    Il est également préoccupant qu'un responsable du SCRS, qui a témoigné devant la commission Iacobucci, donc après la publication du rapport O'Connor, a avoué ou a dit que le SCRS, à l'occasion, utilisait des caractérisations qu'il envoyait aux services étrangers, de manière à susciter une réponse qui corrobore ou réfute la caractérisation. Autrement dit, il s'agit d'une sorte de partie de pêche, si on veut, où une caractérisation non vérifiée est envoyée à un service étranger pour que ce dernier la corrobore ou la réfute.
    Évidemment, comme l'a souligné le juge Iacobucci, cela est susceptible d'entraîner d'autres traitements inhumains et de la torture envers la personne détenue par les services en question. C'est une pratique très préoccupante, qui va à l'encontre du respect des droits fondamentaux et qui pose un problème sérieux, de l'avis de la ligue. Cela suscite toute la question de la position du Canada face à la torture, et de la pratique des services de sécurité.
    Le Canada a été critiqué par des organismes comme le Comité des droits de l'homme et le Comité contre la torture de l'ONU, pour ne pas prendre une position claire et non équivoque sur la question de la torture. Les cas de MM. Arar, Abou-Elmaati et Almalki sont des exemples, mais il y a aussi maintenant le cas de M. Abousfian Abdelrazik qui a subi le même traitement. Il y a le cas de M. Omar Khadr au sujet duquel le jugement de la cour, la semaine dernière, a montré que des agents du gouvernement canadien étaient complices.
     Toute la problématique de la torture reste à être réglée à la fois sur le plan politique, à mon avis, au Canada, et aussi de la part des agences de sécurité.

[Traduction]

    Nous attendons toujours la directive ministérielle de condamnation et de refus d'autoriser le SCRS à procéder à ce genre de communication. Il n'y a pas de directive ministérielle en ce sens. Le ministre est venu ici et il a dit qu'il attend les résultats de l'enquête sur Air India, ce que nous ne comprenons tout simplement pas, parce que cela ne fait que retarder les choses et augmenter les risques que cela ne se reproduise.
    Votre organisation réclame-t-elle une directive ministérielle de ce genre? Êtes-vous en faveur de cette idée? Est-ce que cela fait partie de votre action?
(0920)

[Français]

    Oui. Nous avons fait des demandes répétées pour que le Canada prenne une position non équivoque sur la question de la torture et déclare clairement que, en aucune cas, il n'enverra une personne vers un pays où elle risque d'être torturée, et que les agents canadiens ne seront d'aucune manière complices de torture. Cependant, nous attendons toujours.

[Traduction]

    Tout à fait. Pour moi, il y a ici deux enjeux. D'abord, l'absence d'initiative du gouvernement afin de publier une directive ministérielle pour s'assurer que cela ne se produise pas. Ensuite, la surveillance lorsque cela se produit quand même, malheureusement. Nous constatons de plus en plus, comme l'ont fait remarquer O'Connor et Iacobucci, que c'est un filet troué.
    Les fonctions de surveillance ne sont pas coordonnées. De grands pans de nos opérations de renseignement de sécurité sont dispensés de toute surveillance civile. Pour nous, de ce côté-ci de la Chambre, cela continue d'être une source de vive préoccupation. Encore une fois, il semble que l'on attend que le ministre reçoive le rapport du juge Major, mais les recommandations sont pourtant très claires dans les rapports Iacobucci et O'Connor à propos de surveillance. Il y a des incidents à la frontière dont les gens ne savent pas à qui se plaindre quand ils font de toute évidence l'objet de profilage, quand les membres de leur famille le font aussi et que les membres de leur famille se voient imposer des restrictions sur leurs déplacements.
    C'est un sujet constant de préoccupations. J'aimerais vous entendre dire que vous êtes d'accord à propos de la prise d'initiatives au sujet du profilage, de la directive ministérielle et de la surveillance.

[Français]

    Il reste seulement 30 secondes pour répondre.
    Effectivement, c'est évident que les mécanismes de surveillance sont inadéquats. Celui de la GRC l'est clairement. Celui du SCRS, considéré comme meilleur, n'a pourtant pas empêché le SCRS d'agir de la manière dont il l'a fait envers Abou-Elmaati, Nureddin et Almalki. Donc, tout reste à faire, à notre avis, en ce qui concerne les mécanismes de surveillance.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Ménard, vous avez sept minutes.
    Merci, maître Peschard.
    Vous savez que nous faisons présentement le bilan de ce qui a été changé depuis les commissions d'enquête des juges O'Connor et Iacobucci. En vous écoutant, j'ai l'impression de constater que, à part l'indemnisation de M. Arar et les excuses qui lui ont été faites, au fond, à peu près rien n'a été fait pour appliquer ces recommandations. On a entendu ce qui reste à faire, selon la liste.
    Quel bilan positif faites-vous? À part l'indemnisation de M. Arar et les excuses qui lui ont été données, quelles recommandations ont été appliquées?
    Pour l'instant, à ma connaissance, il y a simplement eu l'assurance, de la part des responsables de la GRC, qu'ils avaient tenu compte et mis en application un certain nombre des recommandations du rapport O'Connor. Cependant, il n'y a aucun mécanisme pour nous assurer que c'est bel et bien le cas. Il n'y a rien pour nous démontrer que des changements ont été apportés.
    C'est donc pour cela que, tant qu'il n'y aura pas un mécanisme de surveillance indépendant et efficace, on ne pourra être assurés que les services de sécurité respectent les principes fondamentaux de la Charte de sorte que les citoyens canadiens soient adéquatement protégés contre ce qui est déjà arrivé à MM. Arar, Almalki, Nureddin, Abou-Elmaati et ce qui arrive maintenant à M. Abousfian Abdelrazik.
    Donc, on risque de faire les mêmes erreurs qui ont été commises dans les cas examinés par les deux commissions d'enquête.
(0925)
    À notre avis, oui.
    C'est inquiétant de constater que les services de sécurité ne semblent pas très empressés de reconnaître leurs erreurs. Par exemple, examinons le comportement dans le cas de M. Arar. Le juge O'Connor a fait amplement état de tout le processus de fuite à son égard, qui visait à nuire à son rapatriement et, ensuite, à maintenir la fiction selon laquelle il était un dangereux agent d'Al-Qaïda une fois revenu au Canada. Il aurait plutôt fallu se rendre à l'évidence, reconnaître les erreurs et réparer les torts.
    Jusqu'à présent, dans tous ces cas, les services de sécurité ont tendance à agir pour justifier leur comportement. Alors, c'est particulièrement inquiétant. Donc, cela soulève encore plus la nécessité d'un mécanisme de surveillance.
    Vous avez pu constater que, le 2 avril, le ministre a comparu devant nous. Il nous a informés de sa décision de retarder la mise en oeuvre d'un mécanisme de contrôle jusqu'à la conclusion de l'enquête sur l'affaire Air India.
    Que pensez-vous de la raison invoquée par le ministre? Voyez-vous un danger à ce qu'on attende aussi longtemps avant d'instaurer des mécanismes de surveillance et de contrôle?
    Je ne vois pas la nécessité d'attendre. D'autant plus que le rapport le plus complet que nous aurons sur les agissements des services de sécurité, sur les problèmes que ces agissements entraînent et sur le fonctionnement de ces services, c'est le juge O'Connor qui avait le mandat de le présenter. Il suggère, dans son deuxième rapport, d'examiner le fonctionnement de l'ensemble des services.
    À ma connaissance, ce n'est pas le mandat de la Commission Air India. Donc, je ne vois pas ce que cette commission apporterait de plus pour nous éclairer sur les besoins en matière de surveillance des services du renseignement et de sécurité.
    M. Serge Ménard: Merci.
    Je vais poursuivre.
    Selon la Ligue des droits et libertés que vous représentez, que pensez-vous des droits et libertés de ces personnes dans chacun des cas? Ont-elles eu des droits ou ont-elles été emprisonnées et jugées avant d'être entendues devant une cour?
    Vous soulevez une question importante. Il s'agit de tout le problème du fonctionnement des services de sécurité, qui est différent du droit criminel en vertu duquel la police doit accumuler des faits suffisants pour pouvoir, éventuellement, instruire un procès. La personne sait de quoi elle est accusée. Elle peut se défendre, et seulement des faits admissibles peuvent être présentés contre elle. Donc, il y a un mécanisme de protection.
    Le gros problème par rapport au renseignement de sécurité, c'est que peuvent être échangés des renseignements qui ont des conséquences sur les individus, qui équivalent à une condamnation au criminel. Au pire, ces individus peuvent être détenus indéfiniment, ou même torturés comme dans les cas qu'on examine, sans qu'il n'y ait aucune garantie procédurale qui leur permette de se défendre.
     C'est la raison pour laquelle il est impératif, compte tenu des conséquences que cette situation entraîne, qu'il y ait un fort et crédible mécanisme de surveillance pour empêcher que les activités du renseignement de sécurité privent ainsi des gens de leurs droits.
    Vous avez parlé d'organismes indépendants des plaintes contre la GRC et le SCRS. Selon vous, quel organisme serait valable sans qu'il soit associé aux deux autres? Et il est entendu que c'est le gouvernement qui va établir ce nouvel organisme.
    Croyez-vous que ça pourra être un organisme indépendant ou que ça va continuer de la même façon?
    Il vous reste malheureusement 30 secondes.
    Je pense que le juge O'Connor a proposé un mécanisme qui vise à assurer une surveillance efficace. Et s'il y a une volonté d'implanter ce mécanisme en donnant les ressources, le mandat et les pouvoirs nécessaires à la commission qui supervise le fameux Comité de coordination pour l'examen intégré des questions de sécurité nationale, je pense qu'il est possible d'effectuer de la surveillance. C'est une question de volonté politique et de moyens. Il faudra donc le demander au gouvernement.
(0930)

[Traduction]

    Je vais maintenant donner la parole à Mme Mathyssen du NPD. Vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup d'être venu et de nous offrir ce point de vue.
    J'ai quelques questions. Le comité a entendu un certain nombre de témoins, et je m'interroge sur votre opinion concernant le deuxième rapport du juge O'Connor. Il a déclaré dans ce document que les parlementaires devraient jouer un rôle accru dans l'examen des mesures de sécurité nationales. Pour vous, est-ce une bonne chose? Est-ce qu'accroître le rôle des parlementaires et passer en revue les activités des ministères et organismes protégeraient mieux les droits de l'homme?

[Français]

    Oui, je pense que ces questions sont fondamentales. Je crois que les élus, qui représentent la population, ont un rôle à jouer pour ce qui est de l'examen du fonctionnement des agences de sécurité. En effet, il faut s'assurer qu'elles agissent conformément aux principes que l'on veut voir mis en oeuvre dans ce pays. Le comité chargé de la surveillance va devoir rendre des comptes au Parlement.

[Traduction]

    J'ai consulté les recommandations concernant M. Arar. La recommandation 17 enjoint au gouvernement du Canada d'élaborer des politiques et des cours précis pour faire face à la situation des Canadiens détenus dans les pays où existe ce risque de torture, où nous savons que les droits fondamentaux sont souvent violés. Est-ce qu'il serait efficace de former les agents consulaires en poste à l'étranger pour qu'ils sachent reconnaître les signes de torture ou se familiarisent avec les techniques d'interrogation? Seriez-vous en faveur de cette recommandation?

[Français]

    Oui. À mon avis, il est important de former le personnel consulaire à cet effet, mais dans les cas qu'on examine ici, les pratiques de ces pays étaient très bien documentées par les organisations internationales de défense des droits. Je pense qu'il s'agit davantage d'avoir la volonté de reconnaître ces pratiques et de ne pas y adhérer que d'avoir de la difficulté à connaître les faits.

[Traduction]

    Je vais maintenant passer à autre chose. On a beaucoup discuté du fait que le gouvernement actuel et le précédent doivent accepter la responsabilité de ce qui arrive à des citoyens canadiens à l'étranger. Même aujourd'hui, si vous considérez le cas de M. Khadr, il semble qu'il y ait toujours ce refus d'accepter la responsabilité, dans la mesure où le gouvernement actuel tient à ce qu'il ne soit pas rapatrié. Je me demande si cela vous inquiète, le fait que notre gouvernement soit toujours aussi intransigeant.

[Français]

    Oui. Nous sommes assez estomaqués par le fait que M. Khadr soit encore à Guantanamo alors qu'en vertu d'obligations légales, comme l'a démontré la cour la semaine dernière, le Canada devrait le rapatrier, compte tenu du fait que ses droits fondamentaux ont été violés et que des agents du Canada ont participé à cette violation.
     Pour notre part, nous demandons le rapatriement d'Omar Khadr. Nous sommes très préoccupés par la position du gouvernement à son égard, à ce jour.
(0935)

[Traduction]

    La question porte sur son statut d'enfant soldat. Pourriez-vous nous en parler? Je suis très troublée par ce qui se passe en Côte d'Ivoire et la situation des enfants qui ont été enlevés au Sierra Leone et ailleurs. Le monde semble tout à fait prêt à comprendre qu'il s'agit là d'enfants et de victimes, ce qui n'est pas le cas du Canada quand il s'agit de ses propres citoyens. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?

[Français]

    Oui. Le fait qu'au moment de sa capture, M. Khadr était un enfant, c'est-à-dire un mineur considéré comme un enfant soldat, est un des éléments importants de ce cas. Ça fait partie de la condition. Ça détermine la façon dont on devrait le considérer, c'est-à-dire comme une victime devant être réhabilitée et non comme un coupable.
    Dans le passé, le Canada a d'ailleurs participé activement à la mise en vigueur de normes internationales relatives aux enfants soldats. Il est donc particulièrement décevant de constater la position actuelle à l'égard d'Omar Khadr.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à M. McColeman, du Parti conservateur.

[Traduction]

    Merci d'être venu ici aujourd'hui pour témoigner. C'est une question très importante.
    Ma première question est la suivante. Pensez-vous que le Canada est menacé par le terrorisme?

[Français]

    Oui, il est tout à fait possible qu'un attentat terroriste soit perpétré au Canada. Cette possibilité ne peut pas être écartée. Nous ne prétendons pas que le terrorisme n'existe pas, qu'il n'est pas une menace et qu'il n'est pas un crime contre l'humanité, au contraire.
    Cependant, de plus en plus d'organismes de défense des droits ont pris position, qu'il s'agisse du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte contre le terrorisme, M. Martin Scheinin, de la Commission internationale des juristes ou même de M. Kofi Annan, quand il était secrétaire général. Selon eux, la lutte au terrorisme ne veut pas dire que nous devions abandonner nos principes démocratiques et libertés. Cette lutte doit se faire dans le cadre d'un système qui respecte les droits de la personne.
    En passant à côté de cela, nous ne renforçons pas notre sécurité, au contraire. Nous ne faisons qu'ajouter de l'insécurité à celle créée par le terrorisme.

[Traduction]

    Aucun d'entre nous ne veut limiter les droits fondamentaux de quiconque, mais il faut trouver un équilibre. Cette semaine, je ne sais pas si vous le savez, à une réception à laquelle j'ai participé sur la colline parlementaire, nous avons rencontré des victimes du terrorisme. Comme nouveau parlementaire, je veux dire... le témoin était l'une des victimes d'Air India qui s'adressait aux parlementaires, et des parlementaires de tous les partis politiques étaient présents.
    Vous avez dit dans votre déclaration aujourd'hui qu'à votre avis, le rapport O'Connor est le dernier mot sur une structure ou un mécanisme et que le rapport à venir sur Air India par le juge Major n'ajoutera rien ou peu à ce qu'a proposé le juge O'Connor. Je vais faire une observation et attendre votre réaction. Il y a 24 ans, le pire attentat terroriste du pays a été commis contre ces personnes. Tout au long de ces 24 ans, ils n'ont jamais reçu, pour reprendre leurs termes, des résultats acceptables suite à ce qu'ils ont fait pour défendre leurs droits.
    Pour moi, ne pas attendre la publication d'un rapport aussi important — même s'il ne faisait que corroborer ce que le juge O'Connor a dit — serait une erreur stratégique. Comment pouvez-vous donc affirmer si nettement que le rapport O'Connor est le mécanisme et qu'il y a peu à ajouter dans le rapport sur Air India qui s'en vient.
(0940)

[Français]

    Premièrement, ce n'était pas du tout mon intention de minimiser la tragédie d'Air India, bien au contraire. À mon avis, la lumière doit être faite sur cette tragédie de même que sur les lacunes du fonctionnement de notre système de sécurité qui ont fait en sorte, en fin de compte, que cette tragédie ait lieu.
    Il reste que nous nous penchons maintenant sur des situations qui ont entraîné la violation de droits de citoyens canadiens, et ce, à cause d'agissements erronés des services de sécurité. M. O'Connor a traité la question à fond, autant qu'il était possible de le faire. De plus, ça fait deux ans que son rapport a été publié. Or, au moment de sa publication, le gouvernement s'est engagé à mettre en oeuvre ses recommandations rapidement. Dans ces conditions, je ne vois pas pourquoi l'enquête sur Air India remet maintenant en question ces engagements.

[Traduction]

    Dans ce cas-là, je me demande comment vous voyez les droits des victimes?

[Français]

    Les victimes doivent être indemnisées. On parle de deux sortes de victimes: les victimes d'actes terroristes dans le cas d'Air India, et les victimes de gestes posés par des agences de sécurité, comme MM. Arar, Almalki, Nureddin, Abou-Elmaati et Abousfian.
    Tous ces actes constituent des violations fondamentales des droits humains et toutes ces personnes doivent être indemnisées pour les torts qu'elles ont subis, et ces torts doivent être rectifiés dans la mesure du possible. Évidemment, on ne peut plus rien faire pour les personnes décédées, mais on peut au moins le faire en mémoire des familles des survivants.

[Traduction]

    Toujours dans la même veine, quel devrait être le juste équilibre selon vous entre la sécurité nationale, ce que nous sommes chargés d'examiner, et le respect des droits civils? Où se situe le juste milieu?

[Français]

    Nous ne souscrivons pas au point de vue selon lequel on atteint un équilibre en augmentant la sécurité et en diminuant la liberté, ou inversement. Le meilleur moyen de défense ou de protection est de maintenir l'intégrité de notre système de justice et de droit.
    L'expérience a démontré que des pratiques négligentes comme celles mises en oeuvre dans les cas qui concernent les rapports Arar et Iacobucci n'apportent aucunement plus de sécurité aux Canadiens, au contraire. En fait, ça mine la crédibilité des services du renseignement et de la police.
    En fin de compte, c'est même un mauvais service à rendre à nos services de sécurité de permettre la poursuite de telles pratiques. C'est pour cette raison qu'on insiste pour qu'on apporte des correctifs et qu'on propose des mécanismes pour s'assurer que de telles pratiques cessent.

[Traduction]

    Merci beaucoup.

[Français]

    Nous entamons notre deuxième tour.
    Monsieur Kania, vous avez cinq minutes.

[Traduction]

    Merci d'être venu aujourd'hui.
    Pourriez-vous nous dire si les 23 recommandations ont été ou non mises en oeuvre?

[Français]

    Absolument pas. La seule chose qu'on peut dire, c'est qu'on a déclaré que 22 des 23 recommandations avaient été mises en oeuvre, mais on n'a aucun fait tangible l'attestant.

[Traduction]

    Avez-vous vu des preuves sur le terrain qui montrent que la façon de faire a changé et que les recommandations ont été appliquées?
(0945)

[Français]

    Non.

[Traduction]

    Savez-vous si des gens ont vu leurs droits violer depuis la publication de ces rapports du fait que les recommandations n'ont sans doute pas été mises en oeuvre?

[Français]

    Dans les cas de MM. Arar, Almalki, Nureddin et Abou-Elmaati, non, mais le cas d'Abousfian Abdelrazik a été connu assez récemment.
    Pour les personnes dans cette situation, il est très difficile de faire valoir leurs droits ou de faire une sortie publique. MM. Almalki, Nureddin et Abou-Elmaati ont attendu un certain temps avant de le faire. Il n'est donc pas du tout impossible que d'autres squelettes dans le placard sortent à un moment donné, mais je ne peux pas le savoir.

[Traduction]

    À mon avis, en raison du fait que les recommandations n'ont pas été appliquées, il y a eu ces propos de M. Geoffrey O'Brian du SCRS, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Quand il est venu ici, il a dit qu'il ne pouvait pas affirmer qu'ils n'utiliseraient pas de renseignements obtenus sous la torture, mais qu'ils ne se servent de ce genre de renseignement que si des vies sont en jeu. Il a ensuite ajouté que « cela se produit rarement ».
    Ma question est en deux volets. Êtes-vous au courant d'autres cas où on a eu recours à la torture et que pensez-vous du fait que, vu que le gouvernement conservateur n'a pas appliqué les recommandations, il y a quelqu'un qui dit qu'ils ont recours à la torture, quoique rarement?

[Français]

    Il est clair que la déclaration de M. O'Brien va à l'encontre des recommandations de M. O'Connor, mais elle va aussi clairement à l'encontre des obligations du Canada en vertu de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants qui impose à un pays non seulement de ne pas torturer les personnes, mais aussi de ne collaborer d'aucune manière à la torture de personnes.
    C'est très étonnant que plus de deux ans après la sortie du rapport O'Connor, une personne assez haut placée au sein du SCRS fasse une telle déclaration. Ce n'est pas du tout rassurant.

[Traduction]

    Dans la même veine, vu le leadership du gouvernement dans ce dossier, j'aimerais que vous nous parliez de l'affaire Abdelrazik et du fait que, comme vous le savez, on refuse de l'autoriser à rentrer au pays malgré le fait que la résolution 1267 de l'ONU, qui impose la liste noire des terroristes, comporte une exception précise pour permettre aux gens de rentrer chez eux.
    Ce qui m'inquiète — et j'aimerais savoir si vous partagez mon inquiétude — c'est qu'il y a beaucoup trop de latitude quand un ministre, et le gouvernement conservateur dans ce cas-ci, refuse d'autoriser à un citoyen canadien de rentrer au pays. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

[Français]

    À notre avis, le cas d'Abousfian Abdelrazik montre que les problèmes soulevés par les enquêtes O'Connor et Iacobucci n'ont pas été réglés. Il y a beaucoup de confusion autour de ce cas. À un moment donné, le gouvernement a dit que s'il avait un billet d'avion, il fournirait les documents. Ensuite, lorsqu'il a eu le billet d'avion, les documents n'ont pas été fournis. Il y a toujours des raisons ad hoc pour que M. Abousfian ne revienne pas, malgré que ce soit son droit fondamental de revenir au pays.
     Donc, encore une fois, c'est comme s'il y avait des Canadiens, des citoyens de seconde catégorie, qui n'avaient pas les mêmes droits que d'autres et dont les droits reconnus internationalement et par la Charte ne sont pas respectés.
    Nous demandons donc au gouvernement d'agir rapidement pour cesser cette violation des droits de M. Abousfian Abdelrazik et de le rapatrier au Canada.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Norlock, vous avez la parole pendant cinq minutes, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Merci beaucoup d'être venu ce matin. Vous soulevez des questions excellentes et très importantes.
    J'aimerais revenir un peu sur le contexte des questions qui viennent d'être soulevées.
    Concernant l'affaire Arar et de ces trois autres messieurs, est-ce que toutes ces affaires n'ont pas commencé en 2005 ou avant?
(0950)

[Français]

    Oui, les arrestations...

[Traduction]

    Et quel parti politique était à la tête du gouvernement fédéral à l'époque au Canada?

[Français]

    C'est évident que tout le monde connaît la réponse. C'était le Parti libéral qui était au pouvoir.

[Traduction]

    Oui. Lorsqu'il s'agit donc de la politique étrangère d'un pays, n'est-il pas juste de dire que le gouvernement doit, puisque c'est sa responsabilité, contrôler sa politique étrangère?

[Français]

     D'abord, pour nous, la situation qui entoure ces cas, avec le fait que M. Abdelrazik est encore un cas non résolu, si on peut dire, fait que, à notre avis, c'est une question non partisane. La question des droits fondamentaux et du respect de ces droits fondamentaux des citoyens canadiens devrait être une question...

[Traduction]

    Pardon, monsieur, nous nous entendons tous les deux, honnêtement, pour dire que la question des droits fondamentaux ne doit pas être partisane, mais il y a des gens qui, à des fins politiques, font des insinuations à propos d'un parti politique canadien.
    J'ai dit ici et à d'autres comités, et je l'ai dit en public, que je ne crois pas que l'un ou l'autre parti politique actuel au Canada — et quand je parle de partis politiques, je parle de ceux qui ont des sièges à la Chambre des communes — porterait délibérément et ouvertement atteinte aux droits fondamentaux de quelqu'un ou, en d'autres mots, irait à l'encontre des droits fondamentaux généralement acceptés. C'est sur les menus détails qu'il peut nous arriver de ne pas être d'accord, de temps à autre, quant à la manière d'y arriver.
    Je veux qu'il soit clairement compris que je ne cherche pas à gagner des points politiques quand il s'agit de droits fondamentaux, mais il faut bien comprendre que certains mobiles peuvent être loin d'être purs.
    Vous avez parlé de la Commission des droits de l'homme de l'ONU. Vous avez dit qu'essentiellement, elle condamnait la façon dont le Canada traitait une certaine situation. Brièvement, encore une fois, que reproche-t-elle au Canada, pour que je comprenne bien?
    Tout d'abord, pour être plus précis, il s'agit du Comité des droits de l'homme. Le Canada fait l'objet d'un examen, comme tous les autres pays, en ce qui concerne son traité respectif, la convention sur les droits civils, et je peux vous citer...
    Merci, mais je pense qu'il est important de savoir si, lorsque le comité a pris cette décision, il s'agissait d'une décision unanime du comité entier ou d'une décision d'un groupe restreint au sein du comité. Je pense qu'il est important de le comprendre parce que dans ce cas, j'ai une question complémentaire.
    Le comité entier était-il unanime? Parfois à l'ONU, les choses sont adoptées sans que tous les membres du comité soient en faveur. Êtes-vous au courant de cela?
    Oui, je le suis. C'est pourquoi je dis que ce n'est pas la Commission des droits de l'homme de l'ONU, qui est composée de 47 pays; il s'agit du Comité des droits de l'homme, un comité d'experts indépendants qui examinent les pays.
    Quels experts venant de quels pays?
    Je n'ai pas la liste avec moi.
    Mais les experts viennent des pays membres.
    Tout à fait.
    Il nous reste une minute. Si je disais que certains des pays membres étaient l'Algérie, l'Azerbaïdjan, le Bangladesh, le Burkina Faso, le Cameroun, la Chine, Cuba, l'Égypte et le Sri Lanka, ces experts en droits fondamentaux pourraient venir de ces pays?
    Ils peuvent venir de n'importe quel pays dans le monde appartenant à l'ONU. Il ne s'agit pas d'un représentant politique des pays comme c'est le cas à la commission. Ce sont des experts juridiques.
    Qui décide quels experts venant de quels pays viennent devant eux pour faire ce genre d'assertion?
    Vous avez à peu près 10 secondes pour répondre.
    Qui choisit les experts? Je n'en sais rien.

[Français]

    Et maintenant, pour la dernière question, monsieur Ménard, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
(0955)
    Merci.
    Maître Peschard, si on veut en arriver à un rapport unanime, à un moment donné, il est vrai qu'il faudra s'entendre sur certaines données de base.
    Voici une des données de base dans les éléments que nous avons examinés: les gens n'ont constaté que plusieurs années plus tard que leurs droits avaient été enfreints par des autorités canadiennes et, généralement, sans que le gouvernement en ait connaissance. On peut le dire avec d'autant plus de facilité, du côté du Bloc québécois, que nous n'avons aucune ambition d'être au pouvoir à Ottawa et que nous ne l'avons jamais été.
    Voici l'idée fondamentale que nous voulons examiner ici: après que ces événements ont été examinés par des commissions d'enquête, ces dernières ont fait des recommandations de sorte que ces événements ne se reproduisent plus, et ne se reproduisent plus, généralement, sans même que le ministre et le gouvernement le sachent.
     Je crois que certaines personnes s'adresseront à vous, à votre organisme des droits et libertés, pour savoir comment elles pourraient effectivement rétablir des droits qu'elles sentent enfreints.
    Je vous donne un exemple: quelqu'un vient vous dire qu'il est perçu comme un terroriste, mais à tort. Cet homme vient d'apprendre qu'il ne peut plus voyager en avion au Canada, qu'il est dangereux qu'il aille aux États-Unis ou même dans d'autres pays. La GRC lui dit qu'elle croit qu'il est terroriste, qu'il a des contacts avec les terroristes et qu'elle voudrait l'engager comme agent double. Il répond qu'il n'est pas terroriste, qu'il ne connaît pas de terroristes, qu'il ne veut pas devenir agent double. Il dit qu'il a une femme et des enfants et que, même s'il connaissait des terroristes, c'est quelque chose de dangereux qu'il ne veut pas faire. Il a beau expliquer que, quand il est allé au Pakistan, il n'a visité que sa famille et, que s'il a rencontré des terroristes, il ne savait pas qu'ils l'étaient. Il aimerait bien pouvoir maintenant bénéficier des mêmes droits que tous les Canadiens.
    À quel organisme pourrait-il s'adresser pour faire corriger cette situation? De plus, si les recommandations des juges O'Connor et Iacobucci étaient appliquées, y aurait-il des organismes auxquels il pourrait s'adresser pour exposer le fait qu'il est injustement traité parce qu'on le croit terroriste, à tort, alors qu'il ne l'est pas et [Note de la rédaction: inaudible] ?
    À notre avis, présentement, il n'y a aucun endroit où cet homme peut s'adresser. C'est justement une des choses auxquelles il faudrait remédier.
     Dans notre esprit, le mécanisme de surveillance mis en place devrait être habilité à recevoir ce genre de plainte et pouvoir agir de manière à apporter des correctifs. Effectivement, pour que cela ait du sens, ce mécanisme doit être crédible, pour que des gens dans cette situation puissent avoir confiance et y avoir recours.
    On a un autre cas ici, vous en avez parlé vous-même. C'est celui d'Abousfian Abdelrazik. Je parle de celui qui est retenu, actuellement, au Soudan. D'après ce que nous savons, les Soudanais ont cru qu'il était terroriste. Après l'avoir torturé, ils se sont convaincus qu'il ne l'était pas. Les autorités canadiennes, après avoir enquêté, sont aussi convaincues qu'il ne l'est pas. Cependant, le ministre dit que son nom est placé sur une liste de terroristes de l'ONU. On ne sait pas pourquoi.
    Pourtant, cela ne devrait pas l'empêcher de revenir au Canada. Le ministre nous dit que c'est pour des raisons de sécurité nationale. Nous ne connaissons pas ces raisons de sécurité nationale. Comme il ne veut pas dévoiler ces raisons et que des choses ont été cachées auparavant, tout le monde croira qu'il n'y a qu'une explication raisonnable, c'est qu'il s'agit d'un citoyen canadien d'origine étrangère et que, par conséquent, il y a un fond de racisme là-dessous.
     Si nous avions le comité de surveillance parlementaire — qui est suggéré depuis des années et qui faisait partie des promesses de Paul Martin, avant qu'il ne se fasse élire comme premier ministre —, y aurait-il alors un moyen pour que des parlementaires tenus au secret puissent vérifier si le ministre est raciste dans ce cas-là ou s'il y a de bonnes raisons de sécurité nationale?
(1000)
    Comme je l'ai dit...
    On a seulement le temps pour une réponse très courte, s'il vous plaît.
    Comme je l'ai dit dans une intervention précédente, le Parlement a un rôle important à jouer pour s'assurer du respect des droits des Canadiens. Cependant, pour l'informer, on doit avoir un mécanisme de surveillance capable d'analyser et d'aller chercher l'information nécessaire.
    Merci beaucoup et merci du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à huis clos pour discuter des travaux futurs du comité.
    Encore une fois, monsieur Peschard, Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
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