SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 23 avril 2009
[Enregistrement électronique]
[Français]
Nous sommes le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international. C'est notre 14e séance.
[Traduction]
Nous accueillons aujourd'hui Patrick Clawson.
Je suis sûr, monsieur Clawson, que vos commentaires nous seront très instructifs. Une fois que vous aurez terminé votre exposé, nous passerons aux questions.
D'habitude, nous avons un premier tour de questions dans lequel chaque parti dispose de sept minutes; après quoi, au deuxième tour, les libéraux et les conservateurs ont chacun cinq minutes. C'est notre façon de procéder, mais le déroulement de la séance dépendra beaucoup de vous et de ce que vous aurez à dire dans votre exposé. Alors, sans plus tarder, je vous cède la parole.
Merci beaucoup de m'avoir invité aujourd'hui. Au risque de passer pour un agent de publicité sans vergogne, j'ai apporté quelques publications de notre institut que je mets à votre disposition.
[Français]
Malheureusement, elles sont disponibles seulement en anglais, mais on peut toujours espérer.
[Traduction]
Si vous me le permettez, je vais faire une déclaration d'ouverture.
Les partisans de la ligne dure de l’Iran estiment que le programme nucléaire iranien et la répression exercée dans leur pays sont clairement liés. Les deux visent à lutter contre ce qu'ils prétendent être l'arrogance occidentale qui tente de renverser la République islamique. C’est pourquoi, face à ses préoccupations au sujet de l'impasse nucléaire entre l'Iran et la communauté internationale, l’Occident devrait insister sur le fait que ce pays doit respecter les traités qu’il a signés en matière de droits de la personne.
Pourquoi l’Iran refuse-t-il de faire des compromis à l’égard de ses activités nucléaires? Pour répondre à la question, il faut comprendre l’état d’esprit du chef suprême, Ali Khamenei, le décideur principal en Iran. Depuis plus d’une décennie, il est surtout préoccupé par le fait que l'Occident tente de changer le régime iranien. Ce qui l'inquiète, ce n'est pas l'invasion militaire, mais plutôt une « révolution de velours » d'inspiration occidentale. Cette formule fait référence au renversement du régime communiste tchécoslovaque en 1989, où l'intellectuel dissident, apparemment isolé, Václav Havel, a été rapidement propulsé au pouvoir.
Khamenei est préoccupé par le fait que des régimes révolutionnaires qui semblent solidement enracinés puissent être renversés rapidement s'ils sont minés par des organisations de la société civile et la liberté des médias, un processus qu'il appelle « le colonialisme postmoderne ». Ses inquiétudes au sujet de cette présumée stratégie occidentale se trouvent renforcées par le fait que la victoire surprise des réformateurs en 1997, lors des élections présidentielles de l'Iran, a été suivie par les manifestations d’envergure des étudiants contre le régime en 1999. En raison de sa hantise d'une révolution de velours, Khamenei se méfie des organisations non gouvernementales de toutes catégories, mais en particulier de celles qui favorisent les échanges interpersonnels et la libre circulation de l’information
Les plaintes des partisans de la ligne dure iraniens visent les activités des groupes de la société civile, non seulement les gouvernements occidentaux. Voici ce qu'a dit le directeur du contre-espionnage offensif du ministère du Renseignement:
Tout étranger qui établit des relations n’est pas digne de confiance. Leur manière de procéder est la suivante: elles établissent d'abord des relations avec des universitaires qui se transforment à bref délai en relations en matière de renseignement.
Ce ne sont pas des phrases creuses. En effet, au moment même où l'on se parle, des médecins croupissent dans des prisons iraniennes sous prétexte d'espionnage à cause des rapports qu’ils ont avec des étrangers.
Appuyer les militants des droits de la personne assiégés de l’Iran n’est pas juste une question de valeur morale pour l’Occident, c’est aussi une question d’intérêt crucial en matière de sécurité. Selon le New York Times, favoriser l’évolution politique dans la région au cours de la prochaine décennie est le moyen le plus sûr d'éviter que l'Iran ne se dote d'armes nucléaires. Certes, un Iran démocratique serait sans doute aussi attiré par les avantages qu'offrent les armes nucléaires, mais il serait également plus sensible au coût élevé de l’isolement qui s’ensuivrait sur le plan international s’il se dotait de ces armes — un coût qu’un Iran très désireux de se réintégrer au monde pourrait fort bien ne pas vouloir payer.
Les partisans de la réforme dans la région subiraient d’autres contrecoups importants si l’Occident était considéré comme ayant abandonné les forces prodémocrates assiégées en Iran en concluant un accord avec les autocrates extrémistes afin de maintenir ses intérêts géostratégiques. Les réformateurs iraniens craignent la conclusion d’un tel accord. Il est à souligner qu’un dissident, Akbar Ganji, a donné l’avertissement suivant dans la « Letter to America », parue dans le Washington Post:
Nous croyons que le gouvernement de Téhéran cherche à conclure un accord secret avec les États-Unis. Le gouvernement iranien est prêt à faire des concessions, pourvu que les Américains promettent de garder le silence en ce qui concerne les mesures répressives que le régime impose à la population.
Les dirigeants iraniens semblent convaincus que leur programme nucléaire forcera l’Occident à les traiter avec respect, en d’autres termes, que l’Occident reviendra sur les critiques qu’il a formulées à l’endroit de la République islamique, notamment en ce qui a trait à la situation des droits de la personne.
L'éventualité de résoudre l'impasse nucléaire s'annonce de mauvais augure, mais un front commun de membres influents de la communauté internationale offre les meilleures possibilités de persuader les dirigeants iraniens à faire des compromis. En même temps, nous ne devrions pas passer sous silence nos préoccupations concernant les droits de la personne en Iran au moment de négocier le programme nucléaire.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci. C'était très bien. Nous sommes habitués à des déclarations qui s'éternisent, alors vous êtes comme une bouffée d'air frais pour notre comité.
Nous passons à notre série de questions, du côté libéral.
Voulez-vous prendre la parole en premier, monsieur Silva?
Merci beaucoup.
Je tiens à remercier le témoin d'avoir accepté de comparaître devant nous. Je regrette d'être arrivé un peu en retard. J'étais à une autre réunion. J'espère ne pas avoir manqué certains des arguments que vous avez invoqués. En tout cas, je vais certainement lire la transcription.
Notre comité se penche sur la question de l'Iran depuis un certain temps, surtout les questions liées à la persécution de minorités ethniques. Il n'y a pas si longtemps, nous avons été saisis d'une motion sur les Bahá'ís, qui a été approuvée au Parlement, et nous avons également étudié certaines des politiques et la façon dont elles touchent les droits de la personne dans les communautés minoritaires partout en Iran.
Je crois que votre présence parmi nous tombe à point. Vous serez en mesure d'aborder une des questions qui nous préoccupent. Nous avons entendu dire que l'Iran va de l'avant avec son programme nucléaire. Le président Ahmadinejad a tenu des propos en ce sens. Y a-t-il eu une allusion quelconque à l'utilisation de la technologie nucléaire à des fins autres que pacifiques?
Le président Ahmadinejad décrit souvent le programme nucléaire comme un exemple de la façon dont l'Iran est devenu un pays puissant. Avec sa modestie habituelle, Ahmadinejad affirme que l'Iran est le pays le plus puissant du monde.
À ses yeux, les progrès réalisés dans le programme nucléaire montrent à quel point l'Iran est capable de faire ce qu'il veut, peu importe les plaintes des autres pays; c'est pourquoi le programme nucléaire est très utile. Même s'il s'avère que l'Iran n'a pas d'armes nucléaires, cette image d'un pays avant-gardiste sur le front nucléaire peut servir à donner du poids à des allégations comme le fait qu'on doit prêter une oreille attentive à la position de l'Iran, que le cours de l'histoire en dépend et que l'Iran a tous les droits d'exprimer les opinions qu'il veut lors de réunions comme celle tenue à Genève l'autre jour.
Quel rôle prévoyez-vous pour l'Agence internationale de l'énergie atomique pour ce qui est de surveiller et de s'assurer un contrôle approprié? Cette agence a-t-elle tenté d'envoyer des inspecteurs, par exemple, pour examiner ce qui se passe?
Les inspecteurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique illustrent clairement à quel point il est important de travailler par l'entremise des Nations Unies et de ses organismes pour envoyer des gens sur le terrain afin de mener des enquêtes; en effet, comme l'expérience l'a montré dans le cadre de telles inspections, ils peuvent trouver une mine d'informations inestimables sur le programme nucléaire de l'Iran. En passant, c'est le même cas avec les inspecteurs des droits de la personne envoyés en Iran, qui ont recueilli une foule d'informations que nous n'aurions pas pu trouver autrement.
Malheureusement, l'Iran collabore de moins en moins avec l'Agence internationale de l'énergie atomique. D'ailleurs, il est maintenant fort possible que le pays ne remplisse même pas les exigences minimales. Sachez qu'il existe un différend entre l'Iran et l'Agence internationale de l'énergie atomique sur la question de savoir si le pays répond ou non aux exigences minimales, et j'insiste sur le mot « minimales », dans le cadre de ces inspections.
Auparavant, l'Iran saisissait mieux l'idée que l'ouverture permettait largement de dissiper les préoccupations et de nous inspirer une certaine confiance puisque nous avions l'impression de maîtriser la situation ou de comprendre en quoi consistait le programme iranien. Mais maintenant, on craint beaucoup que l'Iran puisse en fait essayer de mener certaines activités clandestines et de développer des capacités semblables à celles qu'elles avaient manigancées avant 2003, pendant 18 ans. Il est maintenant admis que des choses se faisaient en secret.
Le Conseil de sécurité s'est prononcé sur la question. Ont-ils insisté pour envoyer des inspecteurs?
Le Conseil de sécurité a adopté, à quatre reprises, des résolutions qui sanctionnent l'Iran. En effet, le Canada a été l'un des premiers pays à appliquer ces résolutions; justement, la semaine dernière, on a arrêté un type à North York. Les sanctions de l'ONU, qui visent le programme nucléaire et le programme de missiles, ont permis avec succès de ralentir le progrès. L'Iran a connu quelques retards dans son programme. Dans certains cas, il a dû trouver des solutions de rechange qui ont retardé les choses.
Les sanctions du Conseil de sécurité ont surtout porté sur le programme nucléaire et le programme de missiles. Le conseil n'a pas fait grand-chose à propos des sanctions politiques conçues pour exhorter le gouvernement iranien à revenir à la table de négociation.
Nous avons entendu — à maintes reprises — le président dire qu'Israël devrait être rayé de la carte. Compte tenu de ces paroles et du fait que l'Iran développe des capacités nucléaires, qui présentent une énorme menace non seulement pour Israël mais aussi pour les pays dans la région, le Conseil de sécurité a-t-il également déclaré que l'Iran perturbe la paix, la sécurité et le maintien de l'ordre de ses voisins?
Pour obtenir l'unanimité au Conseil de sécurité, on a mis l'accent sur le manque de confiance à l'égard des intentions purement pacifiques du programme nucléaire de l'Iran. En plaçant cette question au centre du débat, on a pu faire adopter quatre résolutions à l'unanimité. Même la Libye a voté deux fois pour sanctionner l'Iran.
Mais pour arriver à ce résultat, on a dû faire en sorte que les résolutions soient très ciblées. Le leitmotiv des résolutions, c'est que l'Iran doit suspendre ses activités — non pas y mettre fin, mais les suspendre — jusqu'à ce que les intentions purement pacifiques de son programme inspirent de nouveau confiance à la communauté internationale. Certains gouvernements, dont plusieurs gouvernements européens, ont décidé d'annoncer publiquement leur méfiance à l'égard des motifs purement pacifiques de l'Iran tant et aussi longtemps que les dirigeants iraniens continueront de menacer l'existence d'un autre membre des Nations Unies. Toutefois, cet aspect ne figure certainement pas dans les résolutions du Conseil de la sécurité.
Quoi qu'il en soit, je pense qu'il serait très utile d'énoncer que pour remplir la condition établie par le Conseil de sécurité et restaurer la confiance à l'égard des motifs strictement pacifiques, l'Iran devra clarifier le sens de la déclaration de son président qui menace un autre membre des Nations Unies.
C'est quelque chose sur lequel nous devons insister lorsqu'on a un régime qui fait étalage de ses missiles durant des parades militaires, en arborant des messages comme « mort à Israël », et lorsqu'on entend le président déclarer en même temps que le pays fabrique des armes nucléaires. C'est une véritable menace. L'idée que l'Iran possède des armes nucléaires a de quoi faire peur, surtout si l'on tient compte des déclarations si évidentes contre Israël et des messages à propos de son anéantissement. Nous devons essayer de trouver un moyen d'obtenir une résolution du Conseil de sécurité qui vise cette question précise parce que la menace nucléaire posée par l'Iran présente un danger imminent pour Israël.
Si vous me le permettez, monsieur, je n'ai qu'une seule observation à faire. Nous ignorons toujours si l'Iran est en train de fabriquer des armes nucléaires. Nous savons qu'il travaille à mettre au point le matériel de base pour des armes nucléaires, ce qui placerait l'Iran dans une très bonne position pour les fabriquer très rapidement. Toutefois, il se peut que l'Iran ne passe pas à l'étape suivante, soit la fabrication d'armes nucléaires proprement dites, jusqu'à ce qu'il accumule plus de ressources. Je regrette d'être très à cheval là-dessus, mais après ce qui s'est passé avec l'Irak, il y a beaucoup de personnes dans le monde qui croient, malheureusement, que nous exagérons; il est donc dans notre intérêt de minimiser les choses.
De plus, si je puis ajouter quelque chose, je m'inquiète personnellement non seulement des déclarations haineuses que l'Iran fait sur l'anéantissement d'Israël mais des centaines de millions de dollars que l'Iran dépense pour armer, former et financer les organisations qui cherchent justement à arriver à cette fin, comme le Hamas. Nous avons vu, ces dernières semaines, que le gouvernement égyptien se plaint haut et fort du rôle que joue l'Iran dans l'approvisionnement du Hamas en armes pour se préparer à attaquer d'innocents touristes israéliens en Égypte. L'Iran ne fait pas que jeter des paroles en l'air. Il pose des gestes très calculés et fatals.
Je crois que c'est un très bon argument, mais j'ajouterais que nous ne pouvons pas faire des inspections en bonne et due forme... Si vous vous souvenez, au terme des inspections effectuées en Irak, par exemple, on a clairement annoncé qu'aucune arme de destruction massive n'avait été trouvée. En fait, la déclaration s'est révélée tout à fait exacte, comme nous le savons maintenant. C'était une administration qui affirmait le contraire.
Voilà pourquoi nous avons besoin d'inspecteurs de l'ONU là-bas, des inspecteurs qui n'appartiennent à aucun pays en particulier, qui agissent pour le compte de l'ONU, et plus particulièrement pour l'Agence mondiale de l'énergie atomique, afin de s'assurer qu'on ne se dirige pas dans la même voie.
Disons que c'était une observation plutôt qu'une question, parce que votre temps est écoulé, monsieur Silva.
[Français]
Madame Thi Lac, c'est votre tour.
Bonjour, monsieur Clawson, et bienvenue parmi nous. Mes questions vont dans le même sens que celles de M. Silva. Toutefois, je vous en poserai d'autres. Je voudrais avoir certaines clarifications. On a parlé de la menace de l'arme nucléaire sur le peuple d'Israël.
Ne considérez-vous pas qu'Israël est peut-être plus en danger que les territoires avoisinants face à la possibilité que l'Iran puisse être doté d'une arme nucléaire fonctionnelle, peut-être pas actuellement, mais prochainement?
[Traduction]
Encore une fois, Ahmadinejad, avec sa charmante modestie, caresse des ambitions grandioses. Lorsque le secrétaire-général de l'ONU, Kofi Annan, s'est rendu à Téhéran dans le cadre de sa tournée mondiale d'adieu, le New York Times a rapporté que, durant son entretien avec Ahmadinejad, celui-ci s'est plaint du fait que les structures des Nations Unies reposaient trop sur les résultats de la Seconde Guerre mondiale et a soutenu que le monde avait changé depuis. Ahmadinejad a ajouté que la Grande-Bretagne et les États-Unis avaient peut-être gagné la dernière guerre mondiale, mais que l'Iran avait bien l'intention de gagner la prochaine. Kofi Annan était plutôt estomaqué d'entendre une telle remarque.
Sur une note plus réaliste, je crois que le programme nucléaire de l'Iran constitue, à bien des égards, une menace réelle pour la sécurité nationale dans les pays arabes du golfe Persique. Ces derniers semblent convaincus que l'Iran aimerait les encourager à lui emboîter le pas. Bon nombre des pays dans la région ont d'ailleurs manifesté un intérêt; à preuve, ils ont lancé leurs propres programmes nucléaires en réaction aux progrès de l'Iran, et je regrette de vous informer que les pays dans la région ont commandé des armes pour plus de 100 milliards de dollars ces trois dernières années. Cette course aux armements est très déstabilisante et déconcertante. C'est une mauvaise nouvelle pour nous tous, étant donné que c'est une région où l'on trouve une bonne partie du pétrole dans le monde.
Les menaces de l'Iran contre ses voisins sont donc très réalistes. En revanche, ses ambitions mondiales sont exagérées.
[Français]
Je voulais également savoir autre chose. Présentement, cette structure et ces positions sont beaucoup défendues par le régime politique en place. Que se produirait-il si un nouveau président était élu en juin? Y aurait-il beaucoup de similitudes, quant au programme nucléaire annoncé, ou y aurait-il de grands changements?
[Traduction]
Les pouvoirs du président en Iran sont assez limités. C'est le chef suprême qui décide réellement des questions liées aux affaires étrangères. Par exemple, lorsqu'un accord a été conclu en 2003 pour suspendre les activités nucléaires de l'Iran, le président iranien de l'époque n'était même pas au courant. L'accord avait été signé par le représentant du chef suprême.
Donc, l'élection d'un nouveau président est importante surtout parce qu'elle indique quelle orientation le chef suprême aimerait prendre. Le chef suprême a beaucoup d'influence sur le déroulement des élections. Il exerce beaucoup d'influence sur les résultats, comme en témoignent les allégations généralisées de fraudes; mais même si on en fait abstraction, le chef suprême dicte vraiment ce qui est couvert dans les journaux et surtout à la télévision, et cela signifie vraiment qu'il dicte les résultats.
Parmi les trois candidats annoncés, à part le président actuel, je dirais qu'au moins deux ont indiqué qu'ils estimaient la position d'Ahmadinejad trop provocatrice et agressive, mais ils n'ont pas encore dit s'ils changeraient d'objectif. En tout cas, ils risquent peut-être de changer de ton. Même si c'est un petit pas, nous devrions l'accueillir d'un oeil favorable.
[Français]
On sait que les États-Unis exercent présentement un leadership important en ce qui a trait au dossier de l'énergie nucléaire en Iran. Depuis l'élection de M. Obama, les choses ont-elles beaucoup changé ou les positions sont-elles similaires à celles avancées par l'administration Bush?
[Traduction]
L'administration Bush n'était pas disposée à offrir à l'Iran beaucoup d'incitatifs, même si l'Iran a collaboré avec la communauté internationale. C'était un problème, parce que nous voulions montrer très clairement à l'Iran les récompenses qu'il recevrait s'il collaborait et les problèmes auxquels il ferait face s'il ne collaborait pas. Les Iraniens estimaient que M. Bush était trop pris avec l'Irak pour tenir tête à l'Iran, et ils trouvaient que M. Bush n'avait rien de positif à offrir à l'Iran; ils ne voyaient donc pas beaucoup de raisons pour établir une entente avec l'administration Bush.
Par contre, avec l'administration Obama, les États-Unis ont beaucoup plus de crédibilité quand ils parlent des incitatifs offerts à l'Iran si celui-ci collabore. C'est certainement un facteur, mais jusqu'à présent, le plus grand facteur de changement avec l'administration Obama, c'est le ton beaucoup plus respectueux qu'elle a adopté et l'utilisation d'un langage qui démontre davantage de respect envers l'Iran et ses dirigeants, si je peux m'exprimer ainsi.
De nombreux commentateurs iraniens ont dit que le ton insultant de Bush était un très gros problème dans les relations entre les États-Unis et l'Iran et, en fait, un très gros problème pour l'Iran dans tout le dossier nucléaire. Si cette analyse est correcte, alors le changement de ton devrait aider.
[Français]
J'aurai une dernière question. Vous avez parlé d'encouragements et de sanctions. Je voudrais savoir quels seraient les meilleurs encouragements pour l'Iran et quelles seraient les meilleures sanctions qui pourraient être imposées par la communauté internationale.
[Traduction]
Eh bien, nous avons besoin de plus de collaboration avec les Iraniens, et l'une des meilleures façons d'y arriver, à vrai dire, c'est d'avoir une unité politique au sein de la communauté internationale. Lorsque le Canada déploie d'énormes efforts à l'assemblée générale des Nations Unies pour faire approuver des résolutions qui condamnent les pratiques allant à l'encontre des droits de la personne en Iran, l'impact est réel. Il est probablement tout aussi important d'influer sur les dirigeants iraniens que d'adopter des sanctions économiques.
Les sanctions économiques que nous pouvons envisager peuvent avoir un certain impact sur l'Iran, mais je crois franchement qu'une position politique unifiée serait probablement plus percutante.
Et dire que notre débat d'aujourd'hui n'a même pas commencé à se chauffer. Je ne comprends donc pas.
J'ai été très heureux d'entendre certaines de vos observations, surtout lorsque vous avez parlé de la façon dont on a exagéré la présence d'armes de destruction massive en Irak, maintenant que le monde a une autre interprétation des faits.
Vous avez parlé du ton de M. Bush, et il est facile de le pointer du doigt. Je n'aurais certes pas voulu être à sa place après les événements du 11 septembre, mais en même temps je ne pense pas que nous aurions emprunté la même voie.
J'ai passé quelque temps au Moyen-Orient en 1979. Sauver la face est une chose très cruciale et importante dans la culture de cette région, et je pense que la position adoptée par l'administration Obama permet justement cela à certaines personnes.
Nous avons entendu le témoignage de M. Gordon, si je me souviens bien de son nom, qui nous a dit que la République islamique avait une capacité développée au point de pouvoir intégrer du yellowcake dans ses armes — eh bien, j'ignore s'il s'agit d'un programme d'armes mais la crainte est certainement présente.
Vos observations sur le programme nucléaire m'amènent à la question de savoir s'il y a un effort quelconque pour conclure l'entente secrète tant redoutée, comme vous l'avez mentionné, et si la capacité est assez poussée pour permettre la fabrication d'armes nucléaires. On ne sait même pas si le pays dispose de la capacité nécessaire pour fabriquer des armes nucléaires, mais c'est certainement une menace que le président ne cesse de brandir dans ses déclarations sur la scène mondiale. Je ne puis m'empêcher de penser au mot « mégalomane ». Je n'aurais jamais pensé dire cela un jour, mais c'est peut-être bien qu'un chef suprême soit derrière cet homme parce qu'il serait remis à sa place si une telle entente était conclue.
Selon vous, quelles sont les chances qu'une sorte d'entente soit réellement formulée à ce stade-ci?
Malheureusement, jusqu'à présent, nous n'avons eu aucune indication du côté iranien sur ce qu'ils voudraient obtenir en échange d'une entente.
En fait, nous accusons un plus grand retard avec l'Iran qu'avec la Corée du Nord. Au moins les Nord-Coréens nous disent, par exemple, que si nous leur offrons telle ou telle chose, nous pourrions en arriver à une entente. Bien que la liste nord-coréenne semble s'allonger de plus en plus, et malgré les nombreux problèmes auxquels nous nous butons dans nos négociations, il reste que les Nords-Coréens nous disent que si nous leur faisons des propositions suffisamment attrayantes, nous pourrons conclure une entente.
En revanche, nous n'avons rien entendu de la part de l'Iran. Et c'est très décourageant. Cela tient à la confiance extraordinaire dont débordent les dirigeants iraniens ces dernières années; en effet, ils croient que la situation géostratégique de leur pays est si bonne qu'ils n'ont pas besoin de penser à un compromis.
Qu'il s'agisse d'une entente commerciale ou d'une entente politique, les négociations avec l'Iran aboutissent toujours à une impasse — jusqu'à ce qu'on trouve une solution. Dans bon nombre des négociations, l'Iran a fini par se mettre d'accord sur quelque chose qui était beaucoup moins attrayant que ce qu'il aurait pu obtenir à une étape antérieure. Les dirigeants iraniens sont donc très tenaces, mais ils ne sont pas très efficaces dans les négociations.
Selon certaines personnes en Iran, c'est ce qui se passe dans le dossier nucléaire. L'Iran pourrait avoir droit à beaucoup de compromis de la part de la communauté internationale dans le programme nucléaire — maintenant — mais s'il laisse traîner les discussions, nous pourrions décider que l'Iran est un partenaire si difficile que nous serions prêts à lui offrir moins.
Vous avez mentionné les milliards de dollars qui vont à l'achat d'armes au Moyen-Orient. Comment cet argent est-il distribué à travers le Moyen-Orient, et entre quels pays?
N'oublions pas qu'une guerre de huit ans a opposé l'Irak et l'Iran. Pour l'instant, comme l'Irak est sous l'occupation de non-croyants, un certain sentiment de fraternité règne dans le monde musulman. Mais dès que les Américains quitteront l'Irak, quel est le risque que l'Iran recommence les hostilités contre l'Irak?
Dans les négociations avec les États-Unis, l'armée irakienne — de même que le gouvernement irakien — insiste beaucoup sur le fait qu'elle souhaite acheter 96 avions de chasse F-16. Elle a déjà acheté 120 chars d'assaut de type M1A1, en plus d'en recevoir 20. Elle veut en acheter 120 autres. Cela fait 240 chars d'assaut et 96 avions — plus qu'il n'en faut pour vaincre l'Al-Qaïda en Irak.
Aux dires de certains représentants irakiens, ces armes visent principalement à défendre les frontières irakiennes. C'est un bon exemple, selon moi, qui illustre comment le programme nucléaire de l'Iran ne fait que créer des doutes dans la région et nuit à la sécurité de l'Iran.
Nous ne devons pas oublier que si la plupart des pays ne poursuivent pas de programme nucléaire, ce n'est pas parce qu'ils tiennent tellement à la paix, mais parce qu'ils ne veulent pas commencer une course aux armements. L'Iran semble avoir oublié cette leçon. La République islamique s'est lancée dans une course aux armements — qu'elle va franchement perdre. Elle n'a ni l'argent ni les alliés puissants dont disposent certains de ses voisins.
Je crois donc que nous ne manquons pas d'arguments pour montrer que les armes nucléaires ne sont pas dans le meilleur intérêt de l'Iran. Les achats d'armes au Moyen-Orient dont je viens de parler sont destinés, pour la plupart, à des systèmes qui permettent de contrer la menace iranienne, ou bien de réagir à la provocation iranienne, mais ils ne servent pas à d'autres besoins de défense.
En ce qui concerne le F-16, cette arme particulière donne une portée assez vaste. Mais j'arrive à la même conclusion que vous: à ce stade-ci, ces demandes se concentrent surtout sur l'Iran.
Une chose que nous avons entendu dire sur les violations des droits de la personne en Iran, c'était le fait que le corps dirigeant — c'est-à-dire les pouvoirs — représente environ 30 p. 100 de la population. À quel point cette affirmation n'est qu'une bravade pour asservir les gens? Dans quelle mesure les violations systématiques des droits de la personne et les fanfaronnades sur la scène internationale — comme vous le dites, ils prétendent être le pays le plus puissant du monde — ne ciblent en réalité que le peuple iranien pour faire en sorte que la majorité actuelle reste en place?
Le président Ahmadinejad est convaincu des exploits dont il se targue. Je ne pense pas qu'il en va de même pour le chef suprême Khamenei; en effet, si ce dernier se préoccupe tant d'une invasion culturelle et d'une révolution de velours, c'est signe que son régime est en fait en danger et que les gens ne l'appuient pas. Je crois que le chef suprême exagère beaucoup à quel point le régime est menacé. Mais n'oublions pas que cet homme jette des journalistes en prison, voire les tue, comme dans le cas de journalistes Irano-Canadiens. Les Irano-Américains n'ont pas encore connu ce sort, mais bon nombre d'entre eux ont été emprisonnés parce que ce régime est si paranoïaque à l'égard de leurs activités qu'il craint qu'elles ne causent son renversement.
Il me semble donc que l'intérêt de Khamenei, c'est comment utiliser le programme nucléaire pour forcer l'Occident à battre en retraite et à ne pas appuyer des organisations non gouvernementales. Et je dis « l'Occident » en connaissance de cause parce que, comme vous verrez dans mon mémoire, j'ai cité l'avertissement donné la semaine dernière par le corps des gardes de la révolution islamique contre les graves dangers que représentent les Pays-Bas pour l'Iran. C'est la première fois que l'on qualifie les Pays-Bas de grande puissance mondiale depuis des siècles.
Il ne nous reste plus de temps, malheureusement.
Vous avez raison. Ça ressemble davantage à un commentaire qu'on entendrait, disons, en 1650 ou à une époque semblable.
Monsieur Sweet, voulez-vous intervenir au prochain tour?
Merci beaucoup, monsieur le président.
Et merci à vous, monsieur Clawson. J'ai fait un peu de recherche sur votre institut. Félicitations pour l'excellent travail que vous faites depuis 24 ans, et pour les études détaillées que vous menez sur le Moyen-Orient. Je suis heureux que vous soyez ici pour mettre à profit vos connaissances.
J'aimerais revenir à certaines des questions soulevées par M. Marston concernant les ressources dont dispose l'Iran à l'heure actuelle. D'après les résultats de vos recherches, avez-vous l'impression que ce régime commence maintenant à se heurter à un mur, pour ce qui est des ressources, à cause de l'ingérence, du manque de développement économique et de l'exploitation excessive des ressources dans le cadre du programme nucléaire?
Bien entendu, M. Marston a parlé de la guerre précédente qui a duré pendant des années. L'intervention de l'Iran dans la déstabilisation de l'Irak après l'arrivée des Américains n'est un secret pour personne. En fait, je suis même curieux de connaître votre opinion sur les raisons pour lesquelles cette intervention a été réduite. Est-ce que cela tient au fait que leurs ressources sont en train de diminuer?
Le gouvernement iranien actuel fonce tout droit vers un mur. Les dépenses du gouvernement n'ont pas été ajustées depuis la baisse du prix de l'essence et la crise financière mondiale l'année dernière. Par conséquent, l'Iran puise dans ses réserves de change. Je ne prévois aucun changement sur le plan des politiques, en tout cas pas avant les prochaines élections présidentielles le 12 juin. Regardons ce qui s'est passé lorsque l'Iran a connu de graves difficultés économiques au début des années 1980 et vers le milieu des années 1990; dans les deux cas, ce n'est que lorsque l'Iran était à sec financièrement qu'il a apporté de petits changements à ses politiques économiques — suivis de changements draconiens. Il y a lieu de croire que cette situation va se reproduire.
D'une certaine façon, nous sommes dans une course contre la montre. Grâce aux sanctions de l'ONU et à d'autres sanctions, si nous parvenons à ralentir son programme nucléaire, l'Iran va finir par ne plus avoir de réserves financières ni assez de revenus pour financer les dépenses gouvernementales extrêmement inefficaces qui ont lieu à l'heure actuelle. Ce serait une excellente occasion pour dire aux Iraniens que la situation géostratégique de l'Iran n'est pas très solide et qu'ils devraient faire des compromis avec le monde extérieur.
Autrement dit, vous considérez que la position actuelle de l'Iran et son attitude hautaine ressemblent un peu à la position de la Russie avant la chute du mur de Berlin, lorsqu'on a découvert que, derrière les mascarades, il ne se cachait en réalité qu'un régime vide.
Je ne suis pas un spécialiste de la Russie de l'époque, mais je dirais qu'à l'heure actuelle, ce que nous trouvons en Iran, c'est un petit groupe de personnes, dont le président, qui croient vraiment que le cours de l'histoire est entre leurs mains; il y a ensuite un autre groupe un peu plus grand qui croit que l'Iran est un pays de taille moyenne qui sera aux prises avec de très graves problèmes à l'avenir.
À se fier à la campagne électorale, tout indique que les Iraniens ordinaires sont déjà assez mécontents de la situation économique et, si nous ajoutons ces compressions draconiennes dans les dépenses du gouvernement et une hausse des taxes, le peuple iranien sera très insatisfait. Je crois bien qu'un plus grand nombre de politiciens se pencheraient alors sur les préoccupations nationales et relégueraient à l'arrière-plan la politique étrangère.
C'est en gros la position adoptée par un des candidats aux élections présidentielles. Cet ancien membre du parlement ne s'occupe pas tellement de la politique étrangère. Bien que ses points de vue sur la politique étrangère ne soient pas très fameux, il se soucie davantage de la politique nationale. C'est quelque chose avec lequel on peut travailler.
Compte tenu des centaines de personnes qui sont sans cesse condamnées à mort, du nombre de violations des droits de la personne et de la situation économique, j'espère que ce n'est qu'une question de temps avant qu'il y ait une forte réaction négative de la part du citoyen ordinaire de l'Iran.
Il y a deux questions que je souhaite vous poser. Je vais commencer par la première et la plus importante en ce moment.
Vous avez mentionné un chiffre sur l'exportation d'armes en provenance de l'Iran. Pourriez-vous répéter le montant? Se rapporte-t-il à l'importation ou à l'exportation d'armes?
J'ai dit qu'au Moyen-Orient, l'achat d'armes s'est élevé à 100 milliards de dollars au cours des trois dernières années, des armes qui semblent être bien destinées à l'Iran.
Les neuf États, ainsi qu'Israël, ont accusé l'Iran de fournir plusieurs centaines de millions de dollars au Hamas et au Hezbollah par année. Nous avons des preuves corroborantes à cet égard qui nous ont été communiquées au cours des deux dernières semaines par le gouvernement égyptien, qui a intercepté un certain nombre d'agents du Hezbollah qui faisaient parvenir des armes et de l'argent au Hamas. Le Hezbollah l'a bel et bien confirmé. Compte tenu de l'importance des preuves découvertes par les Égyptiens, les estimations des Israéliens et des Américains paraissent très crédibles à l'heure actuelle.
Permettez-moi de dire un mot au sujet des citoyens ordinaires de l'Iran. Le régime a très bien réussi à appliquer le modèle de la Chine, qui consiste à laisser ses citoyens faire ce qu'ils veulent dans un périmètre de trois mètres et, en retour, les gens ne font rien à l'extérieur de ce cercle. Par conséquent, les Iraniens ont beaucoup plus d'occasions de faire la fête et de consommer des substances intoxicantes de toutes sortes qu'auparavant, mais il y a beaucoup plus de violations des droits de la personne si quelqu'un essaie d'organiser un projet aussi banal que celui d'aider les prostituées et les victimes du sida.
L'Iran a expédié à l'étranger des systèmes d'armes extrêmement sophistiqués, tels que des fusées plus précises et de plus longue portée, qu'il essaie d'acheminer à la bande de Gaza pour qu'elles soient utilisées en vue d'attaquer Tel-Aviv. Il achemine aussi des missiles de défense aérienne et des missiles antichars. Des indications troublantes portent à croire que les armes que l'Iran fournit au Hamas sont considérablement plus sophistiquées que des armes légères, et l'Iran approvisionne certes depuis un bon moment en armes sophistiquées le Hezbollah, qui est devenu une infanterie légère assez impressionnante.
Vous avez parlé de cette révolution de velours et de la crainte qu'elle suscite chez Ali Khamenei. D'après vous, est-ce le principal facteur qui a poussé les Iraniens à agir ainsi pour participer à la course aux armements nucléaires et pour faire en sorte que les citoyens restent subjugués comme ils le sont? Croyez-vous que c'est un sentiment de haine envers Israël? Croyez-vous que c'est leur soif de devenir la superpuissance mondiale? Y a-t-il un facteur en particulier qui prime sur les autres?
Je ne pense pas que nous connaissions la combinaison. Vous les avez tous nommés, mis à part le prestige d'avoir une technologie avancée. En ce qui concerne M. Khamenei, il semble être préoccupé par la survie du régime et semble croire que pour assurer cette survie, il faut trouver une façon pour que l'Occident renonce à son invasion culturelle.
Pour Ahmadinejad et pour un grand nombre de gardes de la révolution islamique, l'enjeu crucial semble être d'accroître l'influence de l'Iran et d'en faire le principal acteur dans le golfe. Pour d'autres, ce serait peut-être une préoccupation liée à la défense, mais les deux principaux acteurs semblent être M. Khamenei et les gardes de la révolution islamique. La préoccupation de M. Khamenei, c'est de faire en sorte que l'Occident renonce à l'invasion culturelle, et celle des gardes de la révolution islamique, c'est de faire de l'Iran le principal acteur dans la région et dans le monde musulman.
J'aimerais revenir à votre sentiment de... la capacité nucléaire suscite évidemment de plus en plus de préoccupations à l'échelle internationale, mais comprend-on vraiment... et je sais que vous décrivez la situation en choisissant soigneusement vos paroles, ce qui aide, je crois.
A-t-on remarqué des indications, pas seulement dans les déclarations concernant les centrifugeuses mais aussi dans les activités qui ont été menées? D'après la capacité nucléaire actuelle de l'Iran et d'après les estimations des organismes internationaux, des forces de sécurité, etc., quand l'Iran se convertira-t-il à un système d'armes nucléaires? Est-ce pour bientôt? Et quels sont les indicateurs qui permettront de savoir quand la situation deviendra critique?
D'après ce que révèlent les rapports et ce que vous dites, l'Iran accumule certains types de matériel, par exemple. Qu'est-ce que cela signifie pour l'avenir?
L'Iran a suffisamment de centrifugeuses et d'uranium faiblement enrichi qu'il pourrait probablement, s'il se débarrassait des inspecteurs de l'ONU, construire une arme nucléaire en quelques mois. Il faudrait peut-être un an si les choses tournaient mal. Mais ce serait une arme assez primitive, lourde et grosse, et difficile à utiliser. Elle ne pourrait certainement pas être installée sur l'ogive d'un missile, et il n'y en aurait qu'une seule.
Il est difficile de comprendre pourquoi quelqu'un mettrait au point une seule ogive primitive, car si tout le monde sait que vos intentions sont malveillantes, vous n'aurez plus rien si vous la faites exploser. De façon générale, les gens pensent que l'Iran s'en tirera bien — il ne suivra peut-être pas ce conseil — et attendra jusqu'à ce qu'il ait plus d'uranium faiblement enrichi et plus de centrifugeuses.
De plus, il est aussi fort probable que l'Iran décide de prendre toute la technologie qu'elle est en train de mettre au point et de créer un deuxième système secret, probablement plus petit, où il concevrait le matériel pour fabriquer une bombe, qu'il posséderait à l'insu de la communauté mondiale. Ensuite, une fois qu'il a fait exploser cette bombe, il aurait tout ce matériel que nous savons qu'il a et cet uranium faiblement enrichi, qu'il pourrait rapidement convertir en plusieurs bombes.
Toutefois, l'Iran doit encore surmonter de véritables obstacles techniques pour trouver un moyen d'installer une ogive sur un missile. Il semble y travailler. Le seul point où l'AIEA a eu plus de mal à obtenir des réponses de l'Iran, c'était au sujet des documents pour un projet sur la manière d'installer une ogive sur un missile. L'Iran prétend que ce sont de faux documents, mais refuse de répondre à la plupart des questions de l'AIEA concernant ce projet.
Vous présentez différents scénarios éventuels, et j'imagine que pour un programme à l'état embryonnaire, il faut comprendre que ce qu'il risque de faire est lié aux objectifs stratégiques qu'il peut avoir. Il y a probablement un lien — et je veux revenir à toute la question de l'hégémonie de l'énergie nucléaire et de son incidence sur les politiques nationales et sur ce que l'Iran veut avoir dans la région. Il croit qu'Israël possède des armes nucléaires, et il veut s'y opposer. Il n'est pas logique que si c'était sa politique, il faudrait qu'il mette au point une arme relativement sophistiquée... On revient à la vieille façon de penser de la guerre froide selon laquelle si on n'a pas la capacité, on n'est pas sérieux et on ne peut pas vous prendre complètement au sérieux. L'idée d'une bombe sale ou d'une arme secrète est un concept dangereux.
Je vous ai entendu exprimé des doutes concernant la stratégie globale de l'Iran, et vous avez demandé pourquoi il voudrait être... si c'est mauvais pour sa sécurité, etc., mais je ne fais qu'essayer de voir quelle autre orientation il pourrait prendre. A-t-il les systèmes de missiles? Quelles autres parties du développement lui faudrait-il pour qu'il ait une capacité nucléaire sophistiquée, comme celle qu'il prétend que d'autres pays ont?
L'Iran dispose d'un missile dont le diamètre et la capacité de charge peuvent permettre de lancer une arme nucléaire jusqu'en Israël. Il semble avoir un programme visant à mettre au point une ogive qui pourrait être installée sur ce missile. Il est doté d'un programme pour produire de grandes quantités d'uranium faiblement enrichi, ce qui lui fournirait les matières premières pour fabriquer plus d'une dizaine de bombes. Je dis plus d'une dizaine car ce serait vraisemblablement quelques centaines de bombes. Il est difficile d'examiner la situation sans s'inquiéter à savoir s'il planifie vraiment de produire des dizaines et des dizaines de bombes pouvant être installées sur ces missiles de longue portée.
De plus, il teste actuellement des missiles de plus longue portée encore. Ces missiles à étages multiples qu'il teste pourraient atteindre l'Europe de l'Est, mais ce qui est le plus troublant, c'est que la plupart des pays qui ont appris à fabriquer ces missiles ont pu en élargir la portée, si bien qu'ils pourraient construire un missile balistique intercontinental. On se heurte à de grandes difficultés techniques lorsqu'on se lance dans la fabrication de missiles à étages multiples, mais pas quand on passe à un missile balistique intercontinental. Le fait est que l'Iran met tant d'efforts à fabriquer un missile à étages multiples qu'il a peut-être pour ambition de faire l'acquisition de missiles balistiques intercontinentaux, mais nous n'en avons aucune preuve.
Oui. Mais si vous me permettez de vous ramener au facteur temps, vous dites que l'Iran constitue une menace nucléaire assez immédiate. Il a les ingrédients. Une stratégie facile à comprendre est en place, à moins qu'il y ait une option cachée. La possibilité que l'Iran devienne une puissance nucléaire présentant une réelle menace existe. La question comporte deux volets. Premièrement, combien de temps lui faudra-t-il? Autrement dit, quel est le degré de risque? Deuxièmement, que pensez-vous — et je sais que vous en avez brièvement parlé à différents moments — de la capacité de la communauté internationale maintenant, et plus tard, si l'Iran continue de coopérer moins, d'avoir suffisamment d'informations pour anticiper comment la situation évoluera?
L'Iran a acquis une grande partie des capacités, y compris l'utilisation de missiles, qu'il aurait besoin pour avoir un système d'armes nucléaires extrêmement dangereux. Nous débattons de plus en plus à ce stade-ci de ses intentions, à savoir s'il fera exploser une bombe rapidement ou s'il attendra d'en avoir plus.
Quand vous dites « fera exploser une bombe », voulez-vous dire à des fins d'essais ou à des fins de...?
Pardonnez mon manque de connaissances techniques, mais il devra probablement le faire à un moment donné s'il veut prouver ses capacités, n'est-ce pas?
Non, je ne pense pas. Les Israéliens, par exemple, n'ont jamais procédé à l'essai d'une arme. On ne s'entend pas pour dire si les Israéliens ou les Sud-Africains ont testé une arme, mais les Israéliens ne semblent pas l'avoir fait. Et la technologie des armes que les Iraniens semblent vouloir fabriquer est vieille de 60 ans. Quand les États-Unis ont construit des armes nucléaires pendant la Seconde Guerre mondiale, nous avons mis aux points deux prototypes. Puisque nous n'étions pas sûrs que l'un d'eux allait fonctionner, nous l'avons testé à Trinity. Mais nous n'étions toujours pas certains qu'il fonctionnerait bien. Par conséquent, ce que nous avons largué sur Hiroshima était une bombe qui n'avait jamais été testée. Et c'est le type de bombe que l'Iran fabrique. C'est donc un aspect technique plutôt facile. Il est plus difficile de trouver un moyen de l'installer sur un missile.
Pardonnez-moi. Je vous ai permis de dépasser vos cinq minutes, et je vous en ai donné 10 en réalité. Nous allons passer à M. Hiebert.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais moi aussi avoir une dizaine de minutes pour poser mes questions.
Puisque j'ai vraiment beaucoup de questions, je vous serais reconnaissant de fournir des réponses succinctes.
Je ne sais pas trop par quoi commencer. La première question qui me vient à l'esprit, c'est que les pays occidentaux étaient au courant depuis des années de l'intention de l'Iran de mettre en oeuvre un programme nucléaire, et le programme semble pourtant avancer au même rythme qu'avant. Que peut-on faire de plus pour empêcher l'Iran de réussir?
Eh bien, le programme de l'Iran a progressé très lentement. N'oublions pas que l'Iran a commencé ses activités nucléaires clandestines il y a maintenant 20 ans. C'est une très longue période pour un programme qui revêt une telle importance pour l'Iran et qui risque fortement de l'isoler sur le plan international. C'est signe que nos démarches ont été fructueuses, grâce à des mesures telles que l'application rigoureuse des sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies et l'arrestation la semaine dernière de l'individu qui expédiait du matériel à double usage.
Mais vous avez également dit que l'Iran n'en est qu'à des mois, voire une année, de fabriquer une arme nucléaire. Nous savons depuis trois ans qu'il est sur le point de le faire. Maintenant que nous sommes si près et que le chat est presque sorti du sac, que faut-il faire?
Il est à espérer que nous pourrons persuader les Iraniens qu'il serait vraiment stupide de construire une seule arme nucléaire, car si jamais ils la faisaient exploser, ils risqueraient de faire face à un grave isolement sur le plan international et à des sanctions que la secrétaire d'État, Hillary Clinton, a qualifiées de « très sévères » — et probablement bien plus encore. Si l'Iran avait bel et bien une seule arme nucléaire et qu'il la faisait exploser, le gouvernement américain se poserait sérieusement la question à savoir s'il lance une action miliaire préventive. Plusieurs gouvernements partout dans la monde, dont de nombreux gouvernements arabes, nous exhorteraient à le faire.
Il est à espérer que grâce aux efforts combinés au sein de la communauté internationale, nous pourrons continuer d'essayer de persuader les Iraniens de ralentir la cadence, et de leur dire, « Vous accumulez de grandes quantités d'uranium faiblement enrichi, mais ne songez même pas à aller plus loin ». Il ne faut pas oublier que la plupart des pays qui ont commencé des programmes d'armement les ont abandonnés. L'exemple que je préfère est celui des Suisses, qui ont voté à deux reprises lors de référendums publics en faveur de la fabrication d'armes nucléaires et de les tester à l'intérieur du pays. Ils ont changé d'idée juste à cause d'un accident qui est survenu dans le tunnel où ils fabriquaient les armes. Mais bien des pays qui se sont rendus encore plus loin que l'Iran dans ce projet ont fini par laisser tomber.
Le ton a certainement beaucoup changé, et les objectifs sont pratiquement les mêmes jusqu'à présent. On a beaucoup parlé dans les médias aux États-Unis que l'administration Obama sera disposée à participer à des négociations avec l'Iran sans exiger au préalable qu'il suspende ses activités d'enrichissement. Eh bien, nous sommes passés par là il y a trois ans. Depuis, Javier Solana de la Commission européenne tient des pourparlers avec les Iraniens pour savoir ce qu'il faudrait pour que les négociations reprennent, car les gouvernements européens avaient dit qu'ils n'engageraient pas des négociations jusqu'à ce que l'Iran ait suspendu son programme. Par conséquent, M. Solana ne peut pas tenir des négociations, mais il peut engager des pourparlers sur ce qu'il faudrait pour relancer les négociations. Certains peuvent penser que la distinction est relativement petite, et l'administration Obama a déclaré qu'il faut cesser de prétendre; nous négocions en fait avec l'Iran depuis trois ans, chose que nous devrions reconnaître.
C'est jusqu'à présent la seule indication qu'il y a eu un changement d'objectif — et on pourrait même dire que l'administration Obama a changé son approche plutôt que ses objectifs.
En réponse à une question précédente, vous avez dit que l'Iran n'a ni l'argent ni les alliés. On m'a amené à croire que la Russie était en quelque sorte un pays ami de l'Iran. Pouvez-vous nous en dire un peu plus long sur le lien entre l'Iran et la Russie?
Le courant ne passe certainement pas entre les habitants des deux pays. Ils ne s'aiment pas. En comparaison, les Iraniens aiment les Américains et vice versa.
Le gouvernement russe n'a pas considéré le programme nucléaire iranien comme étant une question urgente, comme il l'a répété lors des réunions du P-5 plus un. Les cinq membres permanents du Conseil de sécurité — plus l'Allemagne — se sont réunis régulièrement à ce sujet. La Russie a soutenu que les Iraniens sont beaucoup plus en retard que les autres pays le pensent, que nous avons beaucoup de temps devant nous pour nous attaquer à ce dossier et que les Iraniens finiront par changer d'avis, mais que nous devons être patients et tolérants.
On a la nette impression que cette question ne figure pas au sommet de la liste des priorités de la Russie, qui ne voit aucune raison particulière de coopérer avec l'Europe et les États-Unis puisqu'ils ne lui ont été d'aucune aide dans le conflit en Géorgie, entre autres. La seule façon que nous avons pu avoir la première résolution du Conseil de sécurité au sujet de l'Iran, c'était en acceptant de nous taire concernant les développements en Géorgie à l'époque.
Vous avez dit que l'Iran tiendra des élections présidentielles en juin, et deux des trois candidats ont des opinions légèrement plus modérées que le président actuel. Y a-t-il des candidats qui seraient peut-être disposés à amener le pays dans une voie plus positive qui respecte les droits humains? Quelles sont les chances que ce candidat, si candidat il y a, gagne les élections? Les élections seront-elles libres et justes?
Si une personne était intéressée à adopter une position tout à fait différente concernant les droits de la personne, le conseil qui sélectionne les candidats ne permettrait jamais à une personne de se présenter et de gagner, le chef suprême ayant le pouvoir absolu d'annuler et de rejeter la décision du président. L'appareil judiciaire s'est établi comme étant un organe très puissant qui peut interpréter très largement les lois, comme le fait d'insulter l'Islam pour faire tout ce qu'il veut, et le corps des gardes de la révolution islamique s'intéresse peu à ce que le président fait.
La portée de la réforme dans le cadre du système existant est si petite que c'en est désolant. C'est l'une des raisons pour lesquelles beaucoup d'Iraniens s'intéressent seulement au périmètre des trois mètres qui les entoure. Par ailleurs, nous avons un chef suprême qui est terrifié à l'idée d'une révolution de velours.
Pendant la révolution de velours en Tchécoslovaquie, M. Havel était un dissident n'ayant apparemment aucune perspective d'occuper un poste politique le jeudi matin, et le mardi matin suivant, il était président de la Tchécoslovaquie. Tout cela s'est passé en moins d'une semaine. En effet, une semaine après le début de la révolution de velours, M. Havel était à la Maison-Blanche. Je présume que le chef suprême connaît son pays et s'en préoccupe.
Elles ne le seront certainement pas. La télévision de l'État, qui est la source d'information pour la plupart des citoyens, ne rapporte que les activités d'Ahmadinejad, et pas celles des autres.
Pour voter, il faut présenter une carte d'identité. Le ministre de l'Intérieur a signalé qu'il y a 20 millions de cartes d'identité supplémentaires en circulation. Il dit que c'est parce que les gens perdent leurs cartes et les remplacent, et je suis certain que c'est une partie de l'explication.
Quelles sont les probabilités qu'une révolution de velours survienne? Je sais que cette éventualité inquiète le chef suprême. Croyez-vous qu'elle pourrait avoir lieu, compte tenu de la jeune population qui semble émerger?
Je ne pense pas qu'une telle révolution de velours sera pour bientôt. Par contre, le bilan des analystes qui prédisent les révolutions est très mauvais.
On a fait mention tout à l'heure du mur de Berlin. Quand M. Reagan s'est retrouvé devant le mur de Berlin en juin 1987 et a déclaré qu'il devrait être démoli, bien des gens ont cru qu'il montrait des signes hâtifs d'Alzheimer, et pourtant, deux ans et demi plus tard, le mur n'existait plus.
Un groupe gouvernemental américain a examiné les bilans des analystes qui ont prédit avec succès des révolutions et a conclu qu'au cours des deux derniers siècles, les experts au pays s'étaient trompés à tous coups.
Vous avez dépassé votre temps de parole, monsieur Hiebert. Je vais vous laisser poser une dernière question si vous en avez une.
J'ai réfléchi à la logique de l'Iran. Je sais que c'est tout à fait hypothétique, mais l'Iran a fait toutes ces déclarations où il dit vouloir anéantir Jérusalem ou Israël.
Vous avez dit tantôt que s'il avait démontré qu'il détenait une arme nucléaire, il aurait fait face à des sanctions plus sévères. On serait en faveur d'une attaque préventive si l'Iran prouvait simplement qu'il possédait les armes.
Parmi les options envisagées, la possession d'armes nucléaires le met en position de pouvoir, en position de négocier. C'est logique, mais s'il met à exécution ses menaces et déploie l'un de ces missiles, n'essaierait-il pas simplement de précipiter la troisième guerre mondiale? À quoi cela servirait-il? Quelle en serait le but?
Il me semble que les représailles contre l'Iran seraient énormes. Il contribuerait à son auto-destruction.
Biens des pays se retrouvent en guerre à cause d'erreurs de jugement et de méprises concernant l'autre partie. Une fois la guerre terminée, on présume qu'au moins l'une des parties regrette que la guerre ait débuté.
Ce qui est très inquiétant, c'est que l'Iran a souvent fait preuve dans le passé d'ignorance à l'égard du monde extérieur et a commis des erreurs de jugement qui laissent présager que nous devons craindre qu'en cas de crise, il se méprendra et pensera que l'autre partie battra en retraite sous ses menaces, alors qu'en fait elle ne fléchira pas, ce qui se soldera par une guerre qu'aucune des deux parties ne souhaite.
Je dirais que c'est très souvent arrivé au cours de l'histoire et, à bien des égards, c'est ce qui s'est passé dans la guerre entre l'Iran et l'Irak. On pourrait penser qu'après avoir perdu plusieurs centaines de milliers de leurs citoyens dans une guerre sanglante de huit ans, les dirigeants iraniens se montreraient beaucoup plus prudents. Ce n'est malheureusement pas le cas, et le fait que le programme nucléaire soit entre les mains du corps des gardes révolutionnaires de la révolution islamique, le même groupe qui appuie le terrorisme, n'est pas encourageant, si nous pensons qu'ils sont peut être disposés à courir le risque d'adopter une attitude ferme, croyant que l'autre partie se ravisera.
Permettez-moi d'intervenir. Je n'ai normalement pas l'occasion de poser des questions, mais votre témoignage a été très intéressant et très bref, ce qui nous laisse quelques minutes. Avec la permission des membres du comité, j'aimerais poser quelques questions.
Il me semble que certains problèmes relatifs aux programmes d'armes nucléaires doivent inquiéter les dirigeant iraniens; nous en serions certes préoccupés s'ils ont commis des erreurs à ces égards. Vous avez dit avoir travaillé à la fabrication d'une bombe semblable à celle qui a été lâchée sur Hiroshima, la Little Boy bomb. Si j'ai bien compris, cette bombe était extrêmement instable, ce qui soulève toute la question d'un programme nucléaire dicté dans une large mesure par des considérations autres que la sécurité et où l'on garde notamment le public dans l'ignorance le plus possible.
Je m'inquiète peut-être pour rien, mais je pense que les matières nucléaires pourraient présenter un certain danger pour la sécurité publique en Iran. Ce danger est-il réel?
Je ne suis pas un expert de ces questions, mais il y a certes des gens qui sont très inquiets que l'Iran, en se lançant dans la production d'énergie nucléaire et l'enrichissement nucléaire, a pris des décisions peu judicieuses en matière d'environnement, ce qui présente des risques réels d'accidents.
En fait, l'Iran n'a pas de cadre de réglementation, de système de surveillance ni de système d'intervention en cas d'accidents. Il n'a pas pris le genre de mesures préconisées par l'AEI pour les pays qui se lancent dans la production d'énergie nucléaire, sans compter l'enrichissement nucléaire.
L'AEI a tout un programme conçu pour aider un pays. Par exemple, les Émirats arabes unis travaillent actuellement avec l'AEI pour élaborer un programme modèle pour réglementer, surveiller et intervenir en cas d'accidents. L'Iran a vraiment fait très peu à cet égard.
Bien.
J'ai une deuxième question. Il existe déjà des missiles sur lesquels on peut installer une ogive nucléaire qui n'a pas encore été conçue, mais qui pourrait l'être. Ces missiles pourraient être lancés sur Tel-Aviv, qui est en fait une cible relativement petite. Israël est une petite cible comparativement aux cibles auxquelles faisaient face les États-Unis et l'Union soviétique. Il est difficile de rater l'Union soviétique et d'atteindre un voisin allié, mais il n'est pas difficile de rater Tel-Aviv et d'atteindre un endroit où des gens ne sont probablement pas les cibles visées.
Le système de guidage de l'Iran est-il sophistiqué?
Les missiles iraniens ont recours à des systèmes de guidage qui en réduisent énormément l'efficacité si une ogive conventionnelle est utilisée, car celle-ci a une capacité limitée de quelques dizaines de mètres, voire de quelques centaines de mètres. Toutefois, pour ce qui des armes nucléaires, une marge d'erreur de quelques kilomètres est satisfaisante. Étant donné que Tel-Aviv est une petite ville, même si on la rate de quelques kilomètres, on peut quand même causer énormément de dégâts.
Les missiles que l'Iran a testés sont si précis que la moitié ne manquerait la cible que de deux ou trois kilomètres.
Il ne faut donc pas comparer ces missiles avec ceux que l'Irak lançait sur Israël pendant la guerre du Golfe en 1990 — les missiles Scuds? Sont-ils plus précis?
Ils sont moins précis en fait, mais les Scuds était munis d'une ogive conventionnelle. Et pour cette raison, ils ne causaient pas beaucoup de dommages à l'extérieur du lieu où ils étaient largués.
En fait, je serais plus rassuré si l'Iran consacrait son temps et ses efforts à perfectionner la précision de son ogive, car je penserais alors qu'il a peut-être l'intention de mettre un explosif conventionnel sur cette ogive et qu'il veut s'assurer qu'il peut atteindre directement l'immeuble qu'il cible à Tel-Aviv. Mais l'Iran a toutefois consacré ses efforts à accroître la portée de ces mêmes missiles imprécis, ce qui ne tient pas debout, à moins que l'on prévoit les mettre dans un type d'arme non conventionnelle.
Si vous me permettez d'ajouter quelques mots, je dirais que de la perspective d'un pays qui possède un nombre limité d'ogives utilisables dans un avenir rapproché, la précision que vous décrivez m'alarmerait un peu si j'envisageais d'utiliser ces missiles pour une cible où... Tel-Aviv n'est qu'à neuf kilomètres de la Cisjordanie après tout.
De toute évidence, cela n'a rien à voir avec les jugements moraux. C'est tout à fait répugnant. Mais vous seriez aux prises avec un sérieux problème de relations publiques si vous tentiez de démontrer que vous êtes les chefs du monde musulman et si vous mettiez des populations musulmanes à risque d'être victimes — je ne sais pas comment vous qualifieriez cela — d'incidents de tirs amis. C'est une simple réflexion que je fais.
L'autre question que j'avais, et on l'a abordée plus tôt, porte sur la peur d'une révolution de velours. La pensée qui m'a traversé l'esprit, c'est que même les paranoïaques ont de vrais ennemis. Dans le cadre de ces séances et des témoignages que nous avons entendus, j'ai songé aux nombreuses personnes — la plupart provenant des pays voisins, des minorités linguistiques au sein de l'Iran, des minorités religieuses, non musulmanes ou non chiites, des intellectuels, des étudiants, des gens qui ne bénéficient pas de la corruption — qui ont raison de vouloir que le régime soit remplacé ou qui s'attendent avec raison à tirer parti d'un régime autre que celui qui est en place.
Compte tenu de la situation — là encore, c'est davantage un commentaire qu'une question, mais vous pouvez donner votre avis sur ce que je dis —, il me semble qu'il serait justifié qu'une personne en position de pouvoir en Iran s'inquiète non seulement du fait qu'elle pourrait se retrouver sans pouvoir, mais aussi qu'une révolution de velours serait très souhaitable, comparativement au régime Ceaucescu en Roumanie, qui s'est terminé très abruptement, mais qui a aussi connu une fin plutôt désastreuse.
Le gouvernement iranien n'est pas au pouvoir en raison du soutien populaire. Ce n'est pas le cas. C'est plutôt parce qu'une minorité, qui lui est dévouée et qui représente un peu plus de 10 p. 100 de la population, est prête à éliminer les opposants afin de maintenir en place le gouvernement du Seigneur. Tant et aussi longtemps que continue d'exister pareille minorité — qui est assez considérable, tout de même —, ce sera difficile d'accomplir une révolution de velours.
Je vois.
Il nous reste quelques minutes. Quelqu'un veut-il poser d'autres questions?
Monsieur Kennedy.
Ne serait-ce que sur le plan des droits de la personne, de nombreuses pratiques du régime iranien ont de quoi choquer les pays démocratiques occidentaux. Vous venez tout juste de décrire une situation qu'il nous est difficile de concevoir, soit d'avoir recours au pouvoir abusif pour se maintenir au pouvoir.
Cependant, le lien avec les armes nucléaires... Pouvez-vous vous étendre là-dessus? Ce que vous semblez avancer, c'est que les armes sont en fait une dissuasion plutôt qu'une distraction par rapport aux normes internationales. Ai-je bien raison de comprendre que le gouvernement s'en sert comme outil de dissuasion? Croyez-vous que le gouvernement actuel réussit à se soustraire à certaines pressions qui pourraient mener à une révolution de velours ou un autre genre de soulèvement en imposant un régime autoritaire?
Pendant un certain temps, on a pu observer des tendances réformistes. Ce n'est plus le cas.
Voilà ma question principale. S'il nous reste du temps par la suite, j'aimerais aussi connaître votre réponse à la question directe de M. Reid, à savoir si l’on peut espérer une évolution quelconque vu la situation actuelle.
Commençons toutefois par votre thèse concernant les armes nucléaires et les droits de la personne. En d'autres mots, si l'on persuadait l'Iran d'abandonner son programme nucléaire, quelle en serait l'incidence sur les autres problèmes non résolus?
Les dissidents iraniens et les défenseurs des droits de la personne sont convaincus que le programme nucléaire est partie intégrante de la stratégie de survie du régime. La nobel de la paix Shirin Ebadi a cosigné un article intitulé « Link Human Rights to Iran's Nuclear Ambitions », dans lequel elle explique que le gouvernement considère ses ambitions nucléaires comme la meilleure façon de faire reculer la communauté internationale sur les questions qui inquiètent vraiment le régime, soit les journalistes — tels que tous ceux qu'ils emprisonnent ou, dans le cas de Mme Kazemi, qu'ils tuent — et la liberté d'expression.
C'est très décourageant de constater que le gouvernement estime que la libre circulation de l'information et la liberté d'expression constituent une menace à sa survie. C'est une manière d'envisager les choses qui nous est si peu familière, car nous les considérons comme étant des moyens d'établir la confiance entre les gens. Ce n'est pas ainsi que le chef Suprême de l’Iran ou le Corps des gardiens de la révolution voient les choses. Ils sont tout à fait convaincus qu’une grande conspiration occidentale s’organise pour les renverser. Lorsque Haleh Esfandiari, une universitaire américaine et grand-mère de 67 ans, a été emprisonnée, 22 gouvernements étrangers se sont mobilisés et ont demandé à l’Iran de la relâcher. La télévision nationale iranienne a alors diffusé une émission dans laquelle on expliquait que George Soros et George Bush se rencontraient chaque semaine afin de coordonner leurs activités pour promouvoir une révolution de velours en Iran. Or, la plupart d'entre nous qui observent la scène politique américaine savent que M. Soros ou M. Bush ne s'entendent pas très bien.
Les dissidents iraniens sont intimement convaincus que le programme nucléaire est conçu pour assurer la sécurité du régime et non celle du pays.
Il nous reste assez de temps pour une seule autre question avant la fin de la séance, et puisque M. Sweet a accordé son temps à...
Monsieur Sweet.
Vous avez dit que le modèle iranien ressemblait au modèle chinois. J'ai bien aimé la comparaison.
L'une des choses que je comprends, c'est que contrairement à la Chine, l'Iran n'a pas réussi à prendre le contrôle sur les médias électroniques. Suis-je dans l'erreur ou a-t-il, en réalité, raffiné sa manière de surveiller les médias en les limitant plus que ce dont je suis au courant?
Le gouvernement iranien déploie des efforts considérables pour suivre de près l’utilisation d'Internet et d’autres médias. Toutefois, il a également décidé il y a longtemps qu’il lui est avantageux de permettre aux intellectuels de s’exprimer dans des revues que personne ne lit. Le régime iranien se concentre donc sur la télévision d’État et les autres moyens de communication de masse, mais ne se préoccupe pas des revues littéraires, des présentations de spectacles peu connus, des films, et ainsi de suite.
Les pays occidentaux sont impressionnés de lire des articles remarquables qui sont écrits en Iran et qui font la promotion des droits de la personne et de la démocratie, mais personne ne les lit là-bas. En Iran, les gens s’informent en regardant les nouvelles à la télévision d’État ou en lisant les journaux les plus accessibles au pays, deux médias qui sont très bien tenus en bride.
Internet pose un problème au gouvernement, qui travaille d'arrache-pied là-dessus. Toutefois, grâce à la percée des technologies modernes, la messagerie texte est également devenue une façon répandue de diffuser les nouvelles en Iran, et le gouvernement cherche actuellement des moyens de régir cela. Le ministre du Renseignement a annoncé la semaine dernière qu'il faudra adopter un nouveau programme de grande envergure afin de limiter la messagerie texte, mais rien n'est entré en vigueur jusqu'à maintenant.
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