SDIR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 31 mars 2009
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
La séance est ouverte.
Nous venons de terminer de traiter de questions administratives à huis clos, et nous avons utilisé une partie de la période allouée à M. Gordon pour son exposé. Je vais donc vous faire grâce de ma très longue introduction. M. Gordon est un éminent chercheur et a une longue liste de réalisations à son actif; je ne les exposerai pas ici, faute de temps. Je vais seulement mentionner qu'il est le directeur du Center for Human Rights and Genocide Studies de l'Université du Dakota du Nord.
Sans plus tarder, je vous donne la parole, monsieur Gordon. Merci.
Merci, monsieur le président.
Chers députés de la Chambre des communes, mesdames et messieurs, je suis honoré d'être ici aujourd'hui pour discuter d'une facette particulière des droits de la personne en Iran qui touche tout le Moyen-Orient, voire le monde.
Je suis ici pour parler de l'incitation au génocide sanctionnée l'Iran; en particulier, des exhortations apocalyptiques du président Mahmoud Ahmadinejad visant l'État d'Israël. Comme vous le savez, le président Ahmadinejad a lancé un appel à l'anéantissement d'Israël. Il a traité les Juifs d'Israël d'animaux et d'autres choses terribles, et il a demandé leur expulsion du Moyen-Orient.
C'est avec une certaine indignation que je témoigne ici aujourd'hui. Depuis quand est-il acceptable que le dirigeant d'un pays préconise la destruction d'un autre pays? Et, dans ce contexte, n'est-il pas problématique que ce dirigeant déshumanise le peuple de ce pays? Comment peut-on supporter que ce dirigeant réclame l'expulsion de tout un peuple de son propre pays? Mahmoud Ahmadinejad fait tout cela à l'État et au peuple d'Israël depuis 2005.
Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que je crois que des mesures doivent être prises. On peut proposer de nombreuses solutions — des résolutions des Nations Unies, des sanctions économiques et même des interventions militaires. Mais aujourd'hui, je vous demanderais de considérer une solution à l'affaire Ahmadinejad que certains pourraient juger inédite, voire impossible: intenter une action en justice. Je crois que la chose est possible, car le président Ahmadinejad a commis deux types de crimes relevant du droit international: l'incitation au génocide et des crimes contre l'humanité.
Permettez-moi de commencer par aborder la question du génocide, et je me permet d'insister sur le fait que le génocide ne survient pas du jour au lendemain. C'est un long et minutieux processus qui exige un conditionnement constant de la pensée, et, encore une fois, Mahmoud Ahmadinejad a entrepris ce processus dès son accession à la présidence de l'Iran en 2005. C'est son exhortation immonde d'octobre 2005, selon laquelle Israël devrait être rayé de la carte, qui a fait couler le plus d'encre, mais les propos incendiaires qu'il a tenus depuis se sont révélés tout aussi efficaces pour amener les Iraniens et le reste du monde à imaginer un Moyen-Orient sans les Juifs d'Israël. Non seulement le président Ahmadinejad a continué régulièrement à demander et à prédire leur élimination, il a aussi traité tour à tour les Juifs d'Israël d'animaux, de barbares et de massacreurs.
Beaucoup de gens croient que l'incitation désigne seulement un appel direct et explicite au massacre. J'avance que, lorsqu'elle se rattache à des demandes directes, l'incitation peut prendre d'autres formes. Dans le cas du président Ahmadinejad, nous pouvons même distinguer sept catégories: premièrement, l'appel à la destruction d'Israël; deuxièmement, la prédiction de la destruction d'Israël; troisièmement, la déshumanisation des Juifs d'Israël; quatrièmement, l'accusation selon laquelle l'État d'Israël a perpétré des massacres et veut dominer le monde; cinquièmement, l'apologie des violences perpétrées par le passé contre les Israélites et la formulation de menaces à l'endroit de quiconque protégerait Israël; sixièmement, la promotion de l'expulsion des Juifs d'Israël du Moyen-Orient; septièmement, la négation de l'Holocauste.
Je vais vous donner des exemples de chacune de ces catégories.
Pour ce qui est des appels à la destruction, le président Ahmadinejad a réclamé publiquement l'anéantissement de l'État d'Israël à plusieurs reprises. Outre son appel à rayer Israël de la carte, en 2005, il a déclaré que le régime sioniste ne saurait survivre et ne saurait continuer d'exister.
Dans le cadre du conflit militaire opposant Israël au Hezbollah, il a déclaré que la vraie solution au conflit du Liban est l'élimination du régime sioniste. L'année dernière, il a dirigé ses invectives éliminationnistes contre les Juifs d'Israël en particulier lorsqu'il a déclaré ce qui suit au journal français Le Monde: « Un peuple falsifié, inventé » — le peuple israélien — « ne va pas durer ».
Il a également prédit la destruction d'Israël, et j'affirme qu'il s'agit là d'une forme d'incitation. Il l'a fait à de nombreuses reprises. Il a déclaré qu'Israël se dirige tout droit vers l'anéantissement et l'élimination et que ce pays sera bientôt rayé de la carte. Il a publiquement averti les Juifs d'Israël que leur pays disparaîtra un jour, pour ne jamais revenir, et que la fin de leurs jours approche. Du reste, lorsque Israël se défendait contre les attaques du Hezbollah durant l'été de 2006, le président Ahmadinejad a déclaré que l'État juif s'était lancé sur la voie de sa propre destruction. En mai dernier, lorsque Israël célébrait ses 60 ans, le président Ahmadinejad a à une foule qu'Israël était à l'article de la mort et que les festivités de son 60e anniversaire étaient une tentative d'empêcher son « anéantissement ».
Dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations Unies du 23 septembre 2008, le président Ahmadinejad a déclaré qu'Israël était sur la voie de l'effondrement, et, plus récemment, il a dit au Los Angeles Times qu'Israël était semblable à un avion qui a perdu son moteur et se dirige vers le sol. Il a ajouté que cela profitera à tout le monde. Il a aussi, à de nombreuses reprises, déshumanisé les Juifs d'Israël. Il a dit que leur pays était une tache et une souillure. Il a décrit Israël comme un arbre pourri et desséché qui sera éliminé par un orage. Il a demandé à un auditoire si les Juifs d'Israël étaient des êtres humains et il a répondu à sa propre question par la négative. Je le cite: « Ils sont comme du bétail, mais moins réfléchis. Une bande de barbares assoiffés de sang. À leurs côté, tous les criminels du monde semblent vertueux. »
En octobre 2007, il a affirmé à une foule d'Iraniens que l'existence continue d'Israël était « une insulte à la dignité humaine » et, en janvier 2008, il a dit que l'État juif était sale. Le mois suivant, lors d'un rassemblement partisan, il a décrit tour à tour Israël comme une « vilaine bactérie », une « bête sauvage » et un « épouvantail ». À l'Assemblée générale des Nations Unies tenue en septembre dernier, il a déclaré que les Israélites étaient « des criminels et des meurtriers », qu'ils étaient « rapaces » et « trompeurs » et qu'ils dominent les finances internationales malgré leur nombre « minuscule ».
Il a également accusé les Israélites de massacre et de domination mondiale. Il a déclaré à des auditoires, par exemple, que les Juifs d'Israël s'étaient permis de tuer les Palestiniens, dont le sang a été répandu aux fins des crimes sionistes. Il a affirmé que les citoyens de l'État juif avaient ni limites ni tabous lorsqu'il était question de tuer des êtres humains. À une autre assemblée publique, il a déclaré que les Juifs d'Israël « mènent une guerre contre l'humanité ». En octobre 2007, il a accusé Israël de génocide contre les Palestiniens, et, en septembre 2008, il a dit à l'Assemblée générale des Nations Unies que les actions sournoises d'Israël étaient l'une des causes à l'origine de la violence dans l'ancienne république soviétique de Georgie.
Dans le cadre d'une conférence sur l'Holocauste tenue à l'Université de technologie de Sharif, à Téhéran, le 27 janvier 2009, le président Ahmadinejad a déclaré ce qui suit:
Aujourd'hui, les sionistes dominent bon nombre des centres de pouvoir, de richesse et de médias à l'échelle mondiale. Malheureusement, ils ont entortillé nombre de politiciens et de partis et ils s'emparent des richesses et des biens des pays de cette façon, dépouillant ainsi des peuples de leurs libertés et dévastant leur culture et leurs valeurs humaines en étendant leur réseau de corruption.
Il a également applaudi la violence perpétrée contre Israël et a menacé quiconque soutiendrait Israël. Par exemple, dans son discours du 25 octobre 2005, il a exprimé son approbation concernant les attaques terroristes palestiniennes perpétrées contre Israël: « Il ne fait aucun doute que cette nouvelle vague d'attaques en Palestine effacera cette tache [Israël] qui souille l'Islam. » Dans le même discours, il a formulé des menaces à l'endroit de ceux qui viendraient en aide à Israël: « Quiconque reconnaît Israël brûlera dans les flammes de la colère de la nation islamique. »
En outre, le président Ahmadinejad a réclamé publiquement l'expulsion des Israétlites du Moyen-Orient. Une fois, il s'est exclamé que les Juifs « n'avaient aucune racine en Palestine » et a prôné leur expulsion vers l'Allemagne ou l'Autriche. À une autre occasion, il a exprimé son souhait que les Juifs d'Israël soient expulsés vers l'Europe, les États-Unis continentaux, le Canada ou l'Alaska.
Mais ce qui est peut-être le plus important à mon avis, c'est que le président Ahmadinejad a constamment nié l'existence de l'Holocauste en public. En décembre 2005, il a déclaré qu'on avait créé un mythe selon lequel les Juifs avaient été massacrés et que ce mythe l'emportait sur Dieu, les religions et les prophètes. À la demande du président Ahmadinejad, l'Institut des sciences et des études internationales, organe du ministère iranien des Affaires étrangères, a tenu en septembre 2006 une conférence de deux jours ayant pour titre: « Retour sur l'Holocauste: perspectives internationales ». Le président Ahmadinejad a pris la parole dans le cadre de la conférence, à l'instar d'autres négationnistes, dont David Duke, ancien dirigeant du Ku Klux Klan, et des sympathisants des nazis, comme le professeur français Robert Faurisson.
Voici un extrait de la déclaration du président Ahmadinejad à l'occasion d'une conférence sur l'Holocauste tenue à l'Université de technologie de Sharif, à Téhéran, le 27 janvier 2009.
Pendant 60 ans, ils n'ont permis à personne de remettre en doute la logique de l'Holocauste et son essence même, car si la vérité était mise au grand jour, il ne resterait rien de leur logique de démocratie libérale. Ce sont les tenants mêmes de la démocratie libérale qui défendent l'Holocauste, qui l'ont tant sacralisé que personne ne peut intervenir. Faire la lumière sur l'Holocauste et le réexaminer permettront de couper les artères vitales du régime sioniste. Cela détruira les fondements philosophiques et la raison d'être de ce régime.
J'invite nos valeureux chercheurs, intellectuels, jeunes et étudiants, qui sont les pionniers, à réexaminer non seulement l'Holocauste, mais aussi ses conséquences et ses retombées et à diffuser les résultats de leurs études et de leurs recherches. Gardons à l'esprit qu'il est plus important que jamais de mettre au grand jour le réseau sioniste, qui a inventé l'Holocauste de toutes pièces, et de le présenter aux peuples sous son vrai jour.
Alors, par cette dernière catégorie d'incitation, le président Ahmadinejad tente méthodiquement de percer petit à petit ce qui est peut-être le principal rempart moral et éthique contre le déclenchement d'un autre génocide contre les Juifs, l'existence de l'Holocauste.
Les propos du président Ahmadinejad sont-ils le seul problème? Nous pourrions tenter de faire la sourde oreille à ces discours en faveur du génocide, mais ces propos ont été tenus dans le contexte de la politique d'élimination d'Israël appliquée par l'Iran depuis longtemps. Les exhortations meurtrières du président Ahmadinejad s'ajoutent au fait qu'il finance et forme —et travaille avec — des groupes terroristes islamistes voués à la destruction d'Israël: le Hezbollah, le Hamas et le Djihad islamique.
De fait, il y a un lien manifeste entre son discours et son soutien des terroristes. Lorsque le Hezbollah tirait des milliers de roquettes sur d'innocents civils israéliens au moment où la guerre entre Israël et le Hezbollah battait son plein, le président Ahmadinejad a déclaré que la vraie solution au conflit du Liban tenait à l'élimination du régime sioniste.
Ensuite, il y a les ambitions nucléaires de l'Iran. La République islamique a surmonté l'un des obstacles les plus importants à la fabrication d'armes nucléaires en convertissant du yellowcake en gaz d'hexafluorure d'uranium. Elle fait maintenant des progrès dans l'étape suivante de la fabrication: le gaz est soumis à la centrifugation dans des milliers de dispositifs installés dans une usine d'enrichissement souterraine construite en secret à Natanz, au Sud de Téhéran. Par conséquent, certains experts croient maintenant que l'Iran pourrait être capable de fabriquer une bombe atomique au cours des prochaines années.
Par conséquent, le 31 juillet 2006, comme vous le savez, le Conseil de sécurité des Nations Unies, où sont représentés la Russie et la Chine, a ordonné à l'Iran d'interrompre son programme d'enrichissement. Iran a fait un pied de nez au Conseil de sécurité, qui a répliqué par trois résolutions prises en décembre 2006, en mars 2007 et en mars 2008, qui réitéraient les exigences du Conseil et appliquaient des sanctions. L'Union européenne a imposé ses propres sanctions en ciblant les prêts aux entreprises faisant affaire avec l'Iran et en permettant des inspections plus sévères des marchandises pour les importations et les exportations iraniennes.
Même si, selon un rapport du service de renseignement des États-Unis de novembre 2007, l'Iran avait en principe interrompu son programme de fabrication d'armes nucléaires en 2003, le pays aurait seulement suspendu temporairement ses efforts de fabrication d'un cône de charge. Il semble que ce soit l'étape la plus facile et la plus rapide de la fabrication d'armes nucléaires. Néanmoins, selon certains spécialistes, ce n'est peut-être pas aussi grave que la production accélérée de matière fissile de Téhéran et la réussite de ses efforts pour accroître la portée de ses missiles, obstacles beaucoup plus difficiles à surmonter dans le cadre du processus de production d'armes nucléaires.
Les vastes réserves pétrolières de l'Iran, son activité nucléaire clandestine de longue date, envers et contre tous, et l'étalage de ses missiles Shahab-3, capables d'atteindre Tel Aviv et arborant des messages comme « mort à Israël », donnent à penser que ses motifs sont tout sauf pacifiques. En outre, l'année dernière, le chien de garde en matière nucléaire des Nations Unies, l'Agence internationale de l'énergie atomique, a publié un rapport indiquant que l'utilisation à des fins militaires est le principal problème non résolu concernant la nature du programme nucléaire de l'Iran.
Compte tenu de toutes les circonstances, les précédents créés par les poursuites contre les auteurs du génocide rwandais nous montrent que les exhortations du président Ahmadinejad à en finir avec Israël pourraient être interprétées comme une incitation directe et publique au génocide et aux crimes contre l'humanité. Nous pouvons dégager de ces affaires tous les éléments essentiels de l'incitation. Pour déterminer si une déclaration constitue une incitation, le juge des faits doit examiner l'endroit où la déclaration a été prononcée. Autrement dit, la déclaration était-elle suffisamment publique? Deuxièmement, comment l'auditoire l'a-t-il interprétée? Autrement dit, la déclaration était-elle suffisamment directe? Troisièmement, il y a le contenu. Est-il visé par la liberté d'expression ou s'agit-il plutôt d'incitation criminelle? Quatrièmement, il y a l'état d'esprit, ou, comme on le dit en droit, l'intention criminelle de la personne qui fait la déclaration. Autrement dit, y avait-il une intention suffisante?
L'autre question clé est de savoir si, en présentant le contenu du message en question, comme je l'ai mentionné il y a un instant, le discours du défendeur est visé par la liberté d'expression ou est une incitation à la haine non visée par cette liberté. Dans le cadre des affaires que je viens de mentionner, on a cerné quatre critères pour analyser le contenu lié à la race ou à l'ethnicité en vue de déterminer s'il s'agit d'une expression légitime ou d'une incitation criminelle: premièrement, l'objet du discours; deuxièmement, le contenu lui-même; troisièmement, le contexte; et, quatrièmement, la relation entre l'orateur et son auditoire. Pour des raisons de temps, je ne pourrai pas me pencher sur les détails de chacun de ces éléments aujourd'hui. Dans un article récent que j'ai publié dans le Journal of Criminal Law and Criminology de l'Université Northwestern, toutefois, je démontre que l'ensemble des discours malveillants du président Ahmadinejad sont conformes à ces critères.
À la lumière des affaires rwandaises, nous savons également que les réquisitoires du président Ahmadinejad contre Israël constituent un crime contre l'humanité seulement si son incitation s'inscrit dans une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une population et s'il est conscient de l'attaque. En l'absence d'attaques iraniennes directes contre des civils israéliens, on peut satisfaire à ce critère en rattachant les appels du président Ahmadinejad à la destruction d'Israël aux attaques dirigées contre les civils israéliens par les clients de l'Iran: le Hezbollah, le Hamas et le Jihad islamique.
De plus, pour déclarer coupable une personne accusée de crimes contre l'humanité, il faut prouver que les crimes se rattachaient à une attaque dirigée contre une population civile. Je crois que les éléments de preuve disponibles donnent à penser que l'incitation du président Ahmadinejad à « éliminer Israël » est liée aux attaques perpétrées contre les civils israéliens par le Hezbollah et le Jihad islamique avec l'appui apparent du président Ahmadinejad et exécutées.
Quant à la compétence, même si l'Iran n'est pas membre de la Cour pénale internationale, l'affaire pourrait être instruite par la CPI à la suite d'un renvoi du Conseil de sécurité. Cela s'apparenterait à l'affaire du Darfour dont est actuellement saisie la CPI , qui a d'ailleurs créé un précédent en portant des accusations contre un chef d'État en poste, Omar al-Bashir en l'occurrence. Malheureusement, des accusations d'incitation n'ont jamais été portées en l'absence d'atrocités de masse subséquentes, de sorte qu'il est peu probable que de telles accusations soient portées ici. Il est certain qu'une des leçons que nous devrions tirer de cette affaire, c'est que le droit régissant l'incitation devrait cesser de s'attacher aux poursuites et aux sanctions après l'atrocité pour se tourner plutôt vers la dissuasion avant l'atrocité. On toucherait ici à l'essence même du crime d'incitation. Il ne suffit pas de condamner l'acte une fois les fosses communes remplies.
Admettons que le renvoi du Conseil de sécurité à la CPI n'est pas réaliste sur le plan politique, et je crois que cette hypothèse est juste. Le Canada et d'autres pays dotés d'un système juridique adéquat pourraient poursuivre le président Ahmadinejad dans leurs propres tribunaux en vertu du principe de la compétence universelle. En vertu de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, le Canada peut porter des accusations de génocide et de crimes contre l'humanité perpétrés à l'étranger par des personnes qui ne sont pas des citoyens canadiens. Ces crimes relèvent du jus cogens, et, lorsqu'ils sont commis, tous les pays ont le devoir d'engager des poursuites contre les coupables. Ce faisant, le Canada protégerait les intérêts des citoyens du monde.
Même si une telle poursuite au criminel n'est pas possible compte tenu du climat actuel, il serait possible d'intenter une action au civil contre l'Iran devant la Cour internationale de justice, en vertu de l'article 9 de la Convention sur le génocide. Le gouvernement australien a parlé sérieusement de le faire, mais il n'a toujours pas pris de mesure. Je demande instamment au gouvernement canadien de le faire. L'Iran et le Canada sont tous les deux signataires de la Convention sur le génocide. À tout le moins, une résolution visant l'Iran adoptée par le Conseil de sécurité ou l'Assemblée générale des Nations Unies ou même un autre organe, comme le Conseil des droits de l'homme, transmettrait un message selon lequel les appels à la violence ne seront pas tolérés. J'en appelle à tous les gouvernements, y compris celui du Canada, d'insister pour qu'une telle résolution soit adoptée.
Une telle mesure ne semble peut-être pas terriblement urgente à l'heure actuelle. Après tout, notre culture, où le cycle des nouvelles est de 24 heures s'alimente des déclarations-choc qui saturent les ondes et qui sont rapidement remplacées par d'autres nouvelles à sensation. À l'heure actuelle, nous sommes en période d'accalmie entre deux déclarations extrêmes du président Ahmadinejad en faveur du génocide, il s'agit précisément du moment où nous devrions adopter une vue d'ensemble à l'égard du comportement du président Ahmadinejad. Ses attaques verbales sont conçues pour fonctionner graduellement. Peu à peu, il arrive à convaincre ses concitoyens de la nécessité d'éliminer Israël.
Devrions-nous ignorer le président iranien entre deux déclarations-chocs sur les ondes et tout simplement attendre que son pays soit doté d'armes de destruction massive pouvant être mises en action? Souvenons-nous des leçons du passé et ne cédons pas à la complaisance.
M. Gregory Stanton, de Genocide Watch, qui n'a malheureusement pas pu être ici aujourd'hui, a écrit au sujet des huit stades du génocide. Le premier stade est la classification; le deuxième, la symbolisation; le troisième, la déshumanisation; le quatrième, l'organisation; le cinquième, la polarisation; le sixième, la préparation; le septième, l'extermination; et le huitième, la négation.
Dans le cas de l'Iran et d'Israël, nous avons peut-être déjà atteint le sixième stade: la préparation. C'est peut-être l'objet du renforcement de la capacité nucléaire de l'Iran.
Combien cela coûterait-il d'attendre et de voir si c'est effectivement ce qui se produit? Nous avons pris connaissance des signes précurseurs. Nous avons vu les signaux d'alarme. Qu'est-ce que le monde attend? Les Arméniens de Turquie, les Juifs de l'Allemagne nazie, les Tutsies du Rwanda, les musulmans de Bosnie et, dernièrement, les victimes au Darfour ont été massacrés après avoir été déshumanisés et ciblés par des attaques verbales constante, et le monde s'est croisé les bras.
Pourquoi n'essayons pas d'adopter une approche différente cette fois-ci? Nous pourrions envisager d'imposer des sanctions économiques, mais elles s'avèrent souvent inefficaces et faciles à contourner. Comme l'Iran a dissimulé une grande partie de son programme nucléaire et a cloisonné ses installations souterraines, il semble très peu probable que des frappes chirurgicales suffisent à contrecarrer ses ambitions d'armement nucléaire. Une attaque militaire complète, en revanche, déclencherait une conflagration régionale, qui pourrait dégénérer en guerre mondiale.
Il y a une autre façon. Le fait de porter contre le président Ahmadinejad des accusations d'incitation au génocide et de crimes contre l'humanité éviterait la perte de vies, assurerait la primauté du droit, aiderait à miner la culture d'impunité qui s'est installée et permettrait d'atteindre l'objectif le plus important à l'égard du crime inchoatif d'incitation, à savoir la dissuasion.
L'autre solution, c'est-à-dire poursuivre l'Iran devant la Cour internationale de justice, pourrait faire comprendre clairement aux Iraniens et au reste du monde que la démarche actuelle de l'Iran est illégale et doit être arrêtée. À tout le moins, une résolution des Nations Unies — soit du Conseil de sécurité, soit de l'Assemblée générale — ou d'un quelconque autre organisme, signalerait que l'incitation du président Ahmadinejad est passible de poursuites et est inacceptable.
Il n'est pas trop tard. On nous accorde encore une occasion d'empêcher un génocide. N'échouons pas cette fois-ci.
Merci.
Merci, monsieur.
Il nous reste 45 minutes avant de devoir conclure la séance. Cela nous laisse assez de temps pour que chaque parti puisse disposer de sept minutes pour poser des questions; il y aura ensuite une deuxième série de questions de cinq minutes pour les députés libéraux et conservateurs.
Qui voudrait commencer?
Monsieur Cotler, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président.
Je tiens à commencer par remercier le témoin de son exposé très exhaustif. Ensuite, j'ai deux questions à lui poser.
Tout d'abord, à la lumière de votre expérience au Rwanda, quelle est la comparaison à faire avec l'incitation sanctionnée par l'État dans l'Iran d'Ahmadinejad, sur le plan du contenu du message et de l'identité des représentants gouvernementaux qui le diffusent? Quelle est la comparaison entre les deux? À cet égard, toujours, à la lumière de votre expérience au Rwanda, le droit international tient-il compte du rôle de l'euphémisme dans l'incitation au génocide? Y a-t-il une différence, sous le régime du droit international, si, par exemple, les fonctionnaires iraniens parlent de « l'entité sioniste » plutôt que d'Israël? C'est la première question, elle a deux volets.
Deuxièmement, pourriez-vous parler plus en détail de l'obligation d'empêcher le génocide mentionnée dans la Convention sur le génocide et de son lien avec l'interdiction de l'incitation au génocide? En deux mots, à quel point le crime de l'incitation au génocide est-il bien établi dans le droit international?
Voilà mes deux questions.
Bien sûr, et ce sont de bonnes questions.
La première question porte, dans un premier temps, sur la comparaison entre ce qui s'est produit au Rwanda et la situation que nous voyons en Iran et, dans un deuxième temps, sur l'utilisation des euphémismes. En fait, je crois que le problème que nous voyons ici est beaucoup plus évident que ce que nous pouvions observer au Rwanda, en ce qui concerne le contenu de l'incitation. Ici, il y a des appels directs, que j'ai décrits, qui sont liés à de nombreux autres types d'incitation. Dans certains cas, on peut observer des situations ou des déclarations comparables à celles du contexte rwandais, mais la portée, l'ampleur et le caractère direct des déclarations faites en Iran les rendent plus flagrantes, en fait. Il y a certainement un lien avec la prochaine question, concernant les euphémismes.
L'incitation au génocide est presque toujours commise au moyen d'euphémismes. Nous avons beaucoup vu ce phénomène au Rwanda. Par exemple, au Rwanda, lorsque les gens, en s'adressant aux citoyens, leur disaient « allez au travail », c'était un euphémisme pour leur dire de tuer des Tutsis. Lorsqu'on a parlé de finir ce qu'on avait commencé lors de la révolution de 1959 — en 1959, il y a eu des massacres de Tutsis —, c'était un euphémisme. L'utilisation des termes « coquerelles » ou « serpents » pour désigner les Tutsis — ce genre d'expressions —était aussi une réalité.
Je crois que, lorsqu'on entend le président Ahmadinejad parler des « sionistes », ce n'est même pas vraiment un euphémisme. Tout le monde comprend assez bien de quoi il parle. Encore une fois, je crois que ces discours sont beaucoup plus directs.
Je crois que l'autre chose qu'il faut comprendre, à cet égard, c'est que le Rwanda est un pays africain avec une histoire et une tradition qui remontent loin, et dont la langue, le kinyarwanda, lui était propre. Des termes qui pouvaient être utilisés de façon très obscure seraient immédiatement saisis par le destinataire, et c'est là qu'entre en jeu le caractère direct du message.
Et nous voilà avec une personne comme le président Ahmadinejad qui s'adresse à la planète entière. Il utilise des termes, franchement, que tout le monde selon moi peut comprendre et saisir immédiatement. Une des choses, c'est qu'il s'exprime en farsi, et nous devons avoir recours aux traductions. Mais, même si vous regardez les traductions — les traductions qui proviennent des sites Web du gouvernement iranien — on utilise des mots comme « rayer de la carte ».
Il y a eu une certaine controverse se concernant la possibilité que le président Ahmadinejad ait dit qu'Israël devait « disparaître des pages de l'histoire » plutôt que d'être « rayé de la carte ». J'en parle de long en large dans mon article. L'important, selon moi, c'est que, si vous regardez les traductions du gouvernement iranien lui-même, on parle de « rayer de la carte ». Je crois que les faits parlent d'eux-mêmes. Je crois que la preuve est plus accablante que dans les procès rwandais, à bien des égards.
Ensuite, quant à la teneur de l'obligation de prévenir le génocide prévue dans la Convention sur le génocide, je crois que c'est clair, il suffit de regarder son titre officiel: la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Dans les tout premiers mots du titre de ce document, « prévention » précède « répression ». À mes yeux, il s'agit là de l'objet principal de la convention.
Si on regarde l'incitation — l'article 2 contient une définition du génocide, puis l'incitation est énumérée parmi les formes de génocide à l'article 3 —, il est clair que l'incitation au génocide est un crime inchoatif, comme je l'ai mentionné dans mes remarques. Cela signifie que le crime est perpétré dès que les mots sont prononcés, si les autres conditions dont j'ai parlé plus tôt sont présentes. Le lien de causalité n'est pas obligatoire. La loi a été très clairement définie, dans le cadre des affaires rwandaises, et le lien de causalité n'est pas un élément de l'incitation au génocide.
Alors, dans le cas du président Ahmadinejad, nous voyons que le crime a déjà été commis, et, comme la Convention sur le génocide insiste sur la dissuasion, nous avons une obligation absolue d'agir. Nous devons agir maintenant, avant que quelque chose de terrible se produise.
[Français]
Merci beaucoup, monsieur Gordon, d'être parmi nous aujourd'hui. J'ai écouté attentivement votre exposé, qui m'a permis de mieux comprendre plusieurs situations que je ne connaissais pas ou dont je ne connaissais pas l'ampleur.
Vous avez dit que des recours administratifs pouvaient être pris. Que pensez-vous de l'accusation d'incitation au génocide qui pourrait être portée contre le président iranien devant la Cour internationale?
[Traduction]
Je crois qu'il faudrait porter des accusations devant la CPI. Nous pourrions traiter la question comme une affaire civile ou une affaire criminelle. Afin de sensibiliser le monde à l'importance de la démarche et d'honorer notre obligation de prévenir plutôt que de réprimer après le fait, je crois que des accusations criminelles sont de mise. Le problème c'est que, pour avoir recours à la CPI, il faudrait passer par le Conseil de sécurité. Il nous faut un renvoi du Conseil de sécurité. Honnêtement, je ne suis pas très optimiste à cet égard. C'est bien malheureux, mais, compte tenu du climat actuel, nous ne pouvons tout simplement pas compter là-dessus. C'est pourquoi j'ai mentionné les autres possibilités. Nous devrions toujours nous efforcer d'adopter les meilleures mesures, mais nous devons aussi être disposés à prendre d'autres mesures si nous ne pouvons pas parvenir à nos fins par le moyen optimal. Malheureusement, c'est probablement la situation devant laquelle nous nous trouvons.
Des sanctions administratives ne seraient pas aussi efficaces. Toute résolution serait une solution de compromis, même une poursuite devant la Cour internationale de justice. Toutefois, on communiquerait au moins à la planète que de telles pratiques ne sont pas acceptables. Je témoigne ici aujourd'hui avec une certaine indignation. Comment pouvons-nous nous croiser les bras et permettre à un chef d'État d'attaquer ainsi un pays et d'essentiellement engourdir le reste du monde pour qu'il se fasse à l'idée que l'élimination de ce pays est acceptable? C'est presque de la publicité subliminale. Plus on l'entend, plus ça nous semble acceptable. C'est effrayant et c'est dangereux, et je crois que nous devons faire quelque chose.
Je vous suis reconnaissant d'avoir posé la question. Il importe de faire quelque chose, même si ce n'est pas aussi efficace que des sanctions pénales.
[Français]
Ma deuxième question va dans le sens de la réponse que vous venez de donner. On sait que le président iranien se sert énormément de tribunes importantes pour véhiculer son message de haine, d'incitation au génocide ou à des crimes contre l'humanité. J'aimerais que vous nous donniez plus de détails sur l'influence négative que peut avoir le président iranien.
[Traduction]
Encore une excellente question, car l'Iran, malheureusement, est devenu un joueur important au Moyen-Orient. Et à bien des égards, je crois qu'on pourrait dire que l'Iran est devenu la tête d'affiche de ce type d'extrémisme islamiste qui prône la haine, la violence et la destruction d'Israël. Ainsi, je crois que de nombreux pays de la région perçoivent l'Iran comme un leader et se tournent vers lui pour obtenir une orientation et pour connaître la voie à suivre. C'est le message qui est diffusé. Je crois qu'il est extrêmement efficace. C'est en partie ce qui rend ce phénomène aussi effrayant.
Si vous regardez l'influence qu'exerce actuellement l'Iran au Moyen-Orient, en particulier, franchement, à la lumière de l'évolution de la politique américaine à l'égard du Moyen-Orient, l'Iran a tiré avantage de la situation et s'est servi de la situation pour accroître énormément son influence dans cette région. Alors je crois que cela a réussi à semer l'idée dans la tête des gens, à les amener à imaginer un Moyen-Orient où il n'y a plus de Juifs d'Israël. Plus les gens entendent ce message, plus le tambour devient assourdissant, plus tout cela devient cohérent, régulier et méthodique, plus l'idée va s'ancrer dans l'esprit des gens. Et, au bout du compte, les gens seront conditionnés.
Comme je l'ai dit, le génocide est un long processus, et je crois que c'est là ce que le président Ahmadinejad s'est résolu à accomplir. Il amène les gens à y penser. Et une fois que vous y pensez, vous êtes presque là.
[Français]
Vous avez dit plus tôt que le Canada pouvait prendre des sanctions à l'échelle internationale, mais j'aimerais que vous précisiez votre pensée à ce sujet. Quelles sanctions prises ici par le Canada pourraient-elles avoir un impact au niveau international?
[Traduction]
Oui, il y a trois ou quatre choses que le Canada pourrait faire, à mon avis.
La mesure la plus directe que pourrait prendre le Canada consisterait à intenter une poursuite contre le président Ahmadinejad. Et il pourrait le faire en vertu de sa loi qui lui confère une compétence universelle. Lorsque le Canada s'est joint à la Cour pénale internationale, il a dû adopter des lois nationales compatibles avec ses obligations découlant du Statut de Rome. À cette fin, on a adopté la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. En vertu de cette loi, le Canada est habilité, toujours selon le principe de la compétence universelle, à intenter des poursuites pour génocide ou crimes contre l'humanité ici, devant les tribunaux canadiens.
Maintenant, est-il probable que le Canada réussisse à arrêter le président Ahmadinejad? Nous savons que cela n'est pas réaliste: ce serait difficile. Mais quel genre de message cela enverrait-il? Ce serait énorme.
Deuxièmement, comme je l'ai mentionné, l'Australie — Kevin Rudd particulièrement — a parlé d'intenter des poursuites devant la Cour pénale internationale, aux termes de l'article 9 de la Convention sur le génocide, qui prévoit que la Cour internationale de justice serait habilitée à instruire un différend sous le régime de la Convention sur le génocide. Si le Canada faisait cela, il pourrait à tout le moins aider, si vous voulez, le plus haut tribunal au monde à rendre une décision selon laquelle l'Iran a enfreint ses obligations découlant de la Convention sur le génocide, et, à tout le moins, rendre une ordonnance interdisant au président Ahmadinejad et à l'Iran de poursuivre les incitations au génocide. C'est un long processus. C'est un processus civil; non pas pénal. Mais encore, ce serait mieux que rien.
Pour de nombreuses raisons, je suis très honoré d'être ici, car je crois que le Canada a joué en quelque sorte le rôle de la conscience mondiale à bien des égards. Je crois que le Canada est très bien placé pour tenter de convaincre les Nations Unies ou ses différents organes de prendre une résolution ou d'imposer des sanctions, ou de condamner de quelque façon que ce soit les actes du président Ahmadinejad. C'est une série de mesures possibles qui pourraient être prises. J'espère que le Canada pourra jouer ce rôle, comme il l'a fait à de nombreuses occasions par le passé.
Lorsque je suis placé devant une situation comme celle-là, j'essaie souvent de puiser dans mes propres souvenirs. J'ai remarqué la passion que vous avez manifestée et l'indignité que vous éprouvez. Lorsque j'avais 10 ans et que je vivais dans une petite collectivité rurale, une voiture est passée devant ma maison et il y avait tout un branle-bas sur la banquette arrière. Tout à coup, on a balancé une foule de photos par la fenêtre. Comme l'aurait fait n'importe quel gamin, je suis allé ramasser les photos. C'était des photos d'un camp de concentration, et, de par leur nature et ce qu'elles montraient, ces photos avaient probablement été prises par les gardiens. L'une des photos montrait une personne qui installait une femme sur un traîneau et l'envoyait dans un four. Je ne parlerai pas des autres, car elles étaient assez abominables.
Vous avez abordé la déshumanisation, ce phénomène qui permet à une personne d'atteindre un point où elle peut faire cela. Et je vous rappelle que notre pays est aussi coupable à ce chapitre. Nous avions des mots pour désigner les Japonais, les Allemands et les Coréens, notamment. Peu importe la guerre à laquelle vous participez, cela arrive. Et je me range à votre avis: il y a une déshumanisation qui se produit là-bas. Nous voyons ce phénomène auprès des baha'is, notamment.
J'ai passé six mois en Arabie Saoudite en 1979, et même à cette époque, j'ai entendu le mot Satan pour désigner les États-Unis. J'ai vu des choses comme ça. Mais j'ai aussi remarqué qu'il existait une certaine forme de bravade, chez les dirigeants de certains pays qui tentent de maintenir l'ordre dans leur propre population.
Je ne m'avancerai pas trop pour ce qui est des armes nucléaires — je vais peut-être le faire dans un instant —, mais croyez-vous que le peuple iranien, s'il disposait d'armes nucléaires, prendrait le risque de les déployer? Nous savons qu'Israël a des armes nucléaires. Nous savons qu'il y aurait certainement des représailles. Croyez-vous que le peuple iranien s'exposerait à ce risque?
C'est une excellente question, car l'une des questions que je pose dans mon article — et qu'on m'a posée lorsque j'ai présenté mon exposé sur différentes tribunes —, c'est pourquoi le président Ahmadinejad doit persuader le peuple iranien de l'intérêt d'éliminer Israël alors que c'est lui et peut-être les mullahs qui contrôlent les armes nucléaires qui seraient utilisés pour exécuter ce génocide.
Ma réponse à cette question, c'est qu'il est évident que le président Ahmadinejad a fait l'objet de protestations. Il n'a pas sur son pays l'emprise que je crois qu'il voudrait avoir. Et s'il veut que l'Iran déploie des d'armes nucléaires contre Israël, ce qui mènerait tout d'abord à un massacre et engagerait certainement l'Iran dans une guerre, à l'échelle régionale, sinon mondiale, il a intérêt à s'assurer que le peuple iranien est résolu à l'appuyer. Je crois que sa démarche sert en partie à amener le peuple iranien à accepter le bien-fondé de ce projet, à conclure qu'il en vaut la peine. Je parle du fait que, à mon avis, ses propos ont cet effet aux quatre coins du monde. Je crois qu'ils ont certainement cet effet chez lui.
Il y a une culture de haine contre Israël qui prend forme et qui est déjà devenue réalité. Et il est le chef, si vous voulez. C'est lui qui donne le ton lorsqu'il fait des déclarations à titre de dirigeant supérieur. C'est triste, mais je crois que c'est très efficace.
L'autre chose qui a piqué mon intérêt durant votre exposé, puisque vous êtes Américain et vous vous adressez à un comité parlementaire canadien pour proposer que le Canada prenne des mesures internes, était de connaître vos opinions sur les États-Unis. Y a-t-il quelque chose qui donne à penser qu'on pourrait songer aux mêmes mesures là-bas?
Eh bien, nous ne disposons pas comme vous d'un instrument qui nous confère une compétence universelle, car nous ne sommes pas membres de la CPI. Le fait que nous ayons renoncé à participer à la CPI jusqu'à maintenant est, selon moi, problématique. Mais il est vrai que nous avons un nouveau gouvernement, et nous allons devoir attendre de voir ce qui va arriver.
La législation qui ouvre la voie à une compétence universelle a évolué. Le Genocide Accountability Act de 2008 est un bon début. Nous n'avons pas de loi qui régit les crimes contre l'humanité. Et, malheureusement, puisque les États-Unis interviennent à tant d'endroits dans le monde et ont tant de choses à faire, ils ne l'ont pas fait jusqu'à maintenant, et je ne sais pas si cela se produira. Comme vous le savez, l'administration Obama a tenté de tendre la main à l'Iran et a adopté une nouvelle stratégie de rapprochement.
Alors je ne crois pas, compte tenu de la politique actuelle et du fait que nous avons un nouveau gouvernement, que nous entreprendrons ce genre de démarche. Je ne crois pas qu'une démarche américaine visant à entamer des poursuites criminelles ou à exercer une compétence universelle donnerait les résultats escomptés. Nous nous sommes retirés de la CPI, alors nous ne jouirons pas d'une telle influence auprès de cet organe. Je crois tout simplement que, malheureusement, nous ne sommes pas dans la même position que le Canada pour ce qui est de prendre des mesures efficaces. J'aurais bien aimé qu'il en soit autrement.
J'ai une autre question.
J'ai parlé il y a un moment de ma question au sujet des armes nucléaires. J'ai un rapport de novembre 2007 où le National Intelligence Council estime que l'Iran a interrompu la fabrication d'armes nucléaires et laisse entendre que, dès l'été 2007, on ne s'attendait pas à ce qu'il reprenne le processus.
J'ai remarqué que vous avez parlé du yellowcake et des endroits où des éléments particuliers du programme étaient exécutés. Cette information est-elle plus récente que 2007? Et pouvez-vous divulguer vos sources?
Je travaillais autrefois au sein du gouvernement américain. Je disposais à un certain moment de l'autorisation de sécurité du niveau le plus élevé. Maintenant, je suis tout simplement un universitaire, alors je ne dispose pas du même accès à l'information que j'aurais peut-être eu à l'époque. Comme tout le monde, je peux faire mes recherches et je peux trouver des sources qui sont à la disposition du public.
Alors je ne peux pas vous dire que je dispose de renseignements qui ne sont pas accessibles au public. Mais si vous regardez l'information accessible au public, elle est assez convaincante, surtout lorsque le chien de garde en matière nucléaire des Nations Unies déclare que le seul problème non résolu est l'utilisation à des fins militaires. C'était l'année dernière, après le rapport du service de renseignement des États-Unis.
On ne peut que se préoccuper. Mais encore, si vous observez la situation, le gros bon sens nous dit que, vu le caractère si clandestin des démarches, la façon dont on a tout cloisonné, il y a quelque chose... Je crois qu'on a offert à l'Iran de l'aider avec son processus d'enrichissement, dont les fins seraient strictement civiles, à condition qu'il renonce à ses activités militaires en matière de technologie nucléaire. L'Iran a refusé. Alors je crois, à la lumière des données dont on dispose, qu'il y a lieu de croire, comme je l'ai déjà dit, que les motifs de l'Iran sont tout sauf pacifiques.
Je suis heureux que vous ayez souligné les violations des droits de la personne commises contre les baha'is, les Azeris et les Baluchis. C'est clair qu'il y a un problème au chapitre des droits de la personne en Iran. Je crois qu'il faut tenir compte aussi de ce contexte. C'est non seulement l'attitude et la politique du président Ahmadinejad à l'égard d'Israël, mais aussi la politique du gouvernement à l'égard de son propre peuple qui doit nous éveillé à la réalité qui sous-tend ces déclarations.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Gordon, d'être ici.
En poursuivant sur la même voie que mon collègue, j'ai une question à trois volets concernant l'approche récente de l'administration américaine. Pouvez-vous donner votre point de vue sur l'approche de la nouvelle administration à l'égard de Iran? C'est le premier volet. Deuxième volet: des représentants du gouvernement iranien se sont récemment prononcés sur la bande vidéo et l'approche de l'administration américaine. J'aimerais avoir votre point de vue sur leur réaction. Troisièmement, quels sont selon vous les avantages ou les inconvénients de l'approche actuelle des États-Unis à l'égard de Iran?
Je vais répondre à chacune de ces questions.
Le premier volet concerne mon opinion sur l'approche qu'ont adoptée les États-Unis. Je crois que l'approche est probablement, en réalité, plus nuancée que ne le pense le public. Il y a une volonté de tendre la main aux Iraniens. Comme l'a dit le président Obama, cela vise à les inviter à se joindre à la communauté internationale et à assumer les responsabilités qui en découlent. Le message est le suivant: joignez-vous à nous, participez à ce que nous faisons et collaborez avec nous, mais si vous le faites, honorez vos responsabilités en tant que pays, et cela suppose de cesser de tenir un discours génocide, de violer les droits de la personne, de soutenir des organisations terroristes et de fabriquer des armes nucléaires. Le discours n'est peut-être pas aussi sévère que celui de l'administration Bush et sa politique sur l'axe du mal, mais en réalité, je crois que cette approche est tout aussi puissante si l'objectif est d'amener l'Iran à respecter ses obligations découlant du droit international.
Je crois que les réactions au vidéo dont vous venez de parler ont été assez éloquentes. Le guide suprême de l'Iran, Ali Khamenei, a par la suite repris certains propos qu'on entend depuis des années: qu'Israël est une tumeur cancéreuse dont le Moyen-Orient doit être soulagé, et que les armes nucléaires pourraient être la solution. Cela fait partie du discours du président Ahmadinejad — disons l'incitation du président Ahmadinejad —, et cela témoigne de l'existence d'une culture de haine à l'endroit d'Israël et de l'occident qui est profondément enracinée dans ce régime. Cette haine est alimentée par les dirigeants et fait son chemin jusqu'au peuple.
J'ignore si la bande vidéo ou les mots que le président Obama a utilisés pour essayer d'assouplir la position des États-Unis déclenchera des changements au bout du compte, car je vois les mêmes cycles se répéter, bien qu'ils soient décrits différemment. Je crois que les possibles retombées positives de l'approche toucheraient peut-être surtout la légitimité des États-Unis. Au bout du compte, les choses ne changent pas tellement. Ce qui change, c'est la façon dont on perçoit les États-Unis. Le pays a fait un effort de bonne foi pour tendre la main à l'Iran, plutôt que de brandir un sabre. C'est une bonne chose, si tant est que les États-Unis prennent une position de leadership dans le monde, ce qui est absolument nécessaire, selon moi.
Je me présente devant vous aujourd'hui, en ma qualité d'Américain, pour vous dire que je crois que, selon moi, au cours des huit dernières années, mon pays a renoncé à sa responsabilité de leader sur la scène internationale. J'ai bon espoir que nous allons reprendre cette responsabilité et être un leader. Je crois que la politique de l'administration Obama à l'égard de l'Iran montre au monde entier ce que nous allons faire, et je crois que c'est une bonne chose.
Vous avez parlé de l'incitation au génocide. Savez-vous s'il y a des données probantes quant à un possible génocide en Iran? Nous avons parlé des baha'is. Nous avons entendu des représentants de la communauté azerbaïdjanaise. Peut-on effectivement parler d'un génocide dans le pays?
Je ne suis pas certain que nous puissions nécessairement utiliser le mot « génocide ». Je crois qu'il y a eu des crimes contre l'humanité. Le génocide est le crime suprême, et il suppose la destruction d'un peuple. Certes, une partie d'un peuple peut être détruite. Je ne sais pas si on a atteint ce point, mais je crois qu'il y a eu des violations graves des droits de la personne. La situation est-elle assez grave pour être caractérisée de génocide à l'endroit des autres minorités ethniques de l'Iran? Je n'ai pas suffisamment de données pour me prononcer. Lorsqu'on observe le genre de violations des droits de la personne qui sont commises en Iran, on doit se demander si cela ne va mener au génocide, ou alors on doit se demander si, avec la capacité de creuser plus loin, on ne pourrait pas prouver que c'est déjà le cas. Je ne crois pas que nous savons le fond de l'histoire. L'intérêt de ces audiences, c'est de mettre en lumière les événements qui se produisent.
Une chose est certaine: l'incitation au génocide ne suppose pas qu'un génocide ait lieu. Je sais que l'incitation au génocide est actuellement commise. Cela ne fait aucun doute. M. Cotler m'a posé des questions au sujet du rôle de l'incitation au génocide et m'a demandé à quel point cette notion est enchâssée dans le droit international. La Convention sur le génocide est l'un des instruments de droit international où cette notion est enchâssée le plus solidement. L'incitation au génocide, à l'article 3, a toujours été visée par cet instrument; or, nous voyons ce phénomène se produire, et cela devrait nous préoccuper au plus haut point.
Ma dernière question porte sur l'un des éléments du crime. Vous avez laissé entendre, si je me souviens bien, que la relation de l'Iran avec le Hezbollah et le Hamas, qui sont ses clients, suffirait à prouver qu'il y a eu passage à l'acte. Pourriez-vous vous expliquer sur ce point? N'est-ce pas une faiblesse potentielle de votre argumentation, du fait que le lien est plus indirect que direct? Pouvez-vous citer un précédent montrant que ce lien est suffisant?
C'est une excellente question.
Pour qu'il y ait crime contre l'humanité, il faut qu'il y ait une attaque généralisée ou systématique contre une population civile. J'avance que le soutien, le financement et la formation que l'Iran offre à ces organisations terroristes —et le fait qu'il les dirige, à bien des égards — constituent une attaque en ce sens.
C'est un bon argument. Si vous portez de telles accusations, je crois que c'est l'un des éléments qui sera certainement remis en question, et j'en parle assez ouvertement dans mon article.
Toutefois, il y a un précédent qui montre qu'un pays offrant son appui peut entretenir une relation avec une organisation ou pays client qui pourrait être assez directe — même si elle est indirecte — pour que le promoteur soit tenu responsable. Dans mon article, je parle du cas des États-Unis et du Nicaragua, par exemple. Il y a le cas de l'ex-Yougoslavie — ou la Serbie — et des Serbes de Bosnie. On a établi que l'appui à la petite organisation par le pays plus grand constituait un lien assez important pour que ce dernier puisse être tenu responsable.
Cependant, la décision rendue par la CIJ a à la suite des accusations de génocide portées par la Bosnie contre la Serbie nous est inutile à cet égard. Je crois que c'est un aspect du droit qui a pris un mauvais tournant à la suite de cette décision récente, mais je crois qu'il reste encore assez de possibilités. Je ne crois pas que c'est irrévocable. Je suis toujours d'avis que, si on applique l'ancien critère, le critère États-Unis-Nicaragua, un degré de contrôle considérable doit être exercé, ce qui rend évidemment les choses plus difficiles, mais c'est le critère auquel la CIJ s'est reportée récemment.
Le critère du TPIY utilisé dans l'affaire Tadic était beaucoup moins exigeant. La CIJ n'y a pas eu recours.
Quelle direction prendra la CPI? Je l'ignore. Cette voie est toujours ouverte, et nous verrons. Certes, elle pourrait suivre l'exemple de la CIJ, mais elle pourrait tout aussi bien se ranger du côté du TPIY, et c'est autour de ce genre de choses que s'articuleront les arguments.
Merci, monsieur le président.
J'étais juste en train de discuter avec mon collègue. M. Cotler m'expliquait que, à moins d'avoir suivi un cours de droit international, ce que j'ai fait, les membres du comité ne sauront pas exactement de quoi vous parlez, qu'il s'agisse du cas du Nicaragua ou de l'affaire Tadic.
Merci beaucoup de votre exposé. Il était fondé sur les renseignements très solides, et nous vous sommes très reconnaissants d'être venu ici.
Le Canada, comme on l'a mentionné, a l'obligation, aux termes des lois nationales et internationales et en sa qualité de signataire du Statut de Rome et de la Convention sur le génocide, et, bien sûr, en sa qualité d'auteur du concept de la responsabilité de protéger, de cibler ces dirigeants qui pratiquent la déshumanisation, incitent au génocide et commettent des crimes contre l'humanité. Il faut porter cette affaire devant la CPI le plus tôt possible. En vertu de notre compétence universelle, nous avons le devoir d'agir.
La raison pour laquelle il tient impunément des propos aussi haineux est fort simple: le guide suprême de l'Iran le permet et partage ces sentiments. En fait, ce n'est pas seulement le président Ahmadinejad, avec sa propagande haineuse, qui suscite de vives préoccupations, mais aussi le Corps des gardes de la révolution.
Alors il faut cibler une personne qui a fait plus de bruit et espérer envoyer un message au reste des dirigeants de ce pays selon lequel un tel comportement est inacceptable. Mais il n'est pas seul, et nous le savons. C'est un régime très brutal, qui massacre ses propres citoyens, car, comme vous l'avez mentionné, il persécute les baha'is, les Baluchis et d'autres groupes confessionnels minoritaires, et il a exécuté plus de 100 000 personnes depuis la révolution, y compris — contrairement aux dispositions des conventions sur le droit des enfants ratifiées par l'Iran —, des mineurs. Des personnes réputées homosexuelles ont également été exécutées. Alors c'est un régime brutal qui, malheureusement, jouit toujours d'une certaine reconnaissance de la part des dirigeants du monde et même de certains dirigeants occidentaux, dans ses transactions financières avec certains pays. Notre pays a l'obligation morale, particulièrement à la lumière de notre responsabilité de défendre la doctrine à laquelle nous adhérons et de notre engagement envers la CPI, de faire tout ce que nous pouvons.
Alors je me range à votre avis, et j'applaudis votre leadership et la manière dont vous avez exposé les possibilités qui s'offrent à nous de passer à l'action. C'était plutôt un commentaire, mais je serais assurément très heureux d'entendre toute autre chose que vous voudriez ajouter.
Merci.
Je suis heureux que vous ayez parlé de la responsabilité de protéger. Je ne l'ai pas mentionnée, mais je crois que c'est digne de mention dans ce contexte. C'est un parfait exemple de situation où la responsabilité de protéger entre en jeu. Comme je l'ai dit, tous les signes précurseurs sont là, l'alarme est sonnée, et nous n'honorons pas les principes de la responsabilité de protéger.
L'autre chose que vous avez fait valoir, et je crois que c'est très juste, concerne le fait que le président Ahmadinejad n'est pas seul. On m'a demandé pourquoi nous devrions intenter des poursuites contre lui. Pourquoi cibler le président Ahmadinejad alors qu'il y a toutes ces autres personnes, y compris le guide suprême, qui font ce genre de déclarations? Je répondrais que le président Ahmadinejad est le plus loquace. C'est lui qui s'est attiré le plus de regards.
L'un des aspects du droit pénal, que ce soit du droit pénal national ou international, est la dissuasion. On envoie le message le plus efficace en intentant des poursuites contre le président Ahmadinejad plutôt que l'un des autres, car c'est lui qui est le plus associé au problème. C'est la personne qui a adopté la cause avec le plus de ferveur. À mon avis, si le monde voit que la communauté internationale ne tolérera plus ce genre de choses, on aura envoyé le message le plus puissant possible.
Je suis d'accord avec vous: nous devrions nous attaquer à lui, malgré le fait que nous pourrions trouver d'autres coupables ou même porter des accusations de conspiration. Je crois qu'il est plus efficace de l'isoler. Je le pense vraiment. Je crois que nous en aurions plus pour notre argent.
Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Gordon.
Je voulais vous demander s'il existe des éléments de preuve — je ne sais pas si je devrais parler de preuves issues d'expertises judiciaires — des éléments de preuve de fond selon lesquels un financement circule de l'Iran vers le Hamas, le Hezbollah et le Jihad islamique.
Je crois que oui. Des déclarations en ce sens ont été faites. Si je devais intenter des poursuites, je recourrais aux aveux formulés par les parties. J'ai pris connaissance de données probantes — des aveux par les dirigeants du Hamas, par exemple — selon lesquelles ces groupes se rendent en Iran pour leur formation. La preuve est vraiment facile à établir lorsque ce genre de déclaration est accessible. On n'a pas besoin de suivre le cheminement tortueux du financement. Ces gens ont admis volontiers l'existence de liens et de soutien externe et toutes ces choses. Alors c'est assez convaincant.
Merci de cette réponse.
Ma prochaine question concerne les poursuites. Je comprends que la nature de l'infraction est criminelle, mais y a-t-il une possibilité de poursuite au civil? Vous dites que la clé de cette condamnation... De toute évidence, il est extrêmement improbable qu'on parvienne à accéder au président Ahmadinejad et à l'arrêter. Toutefois, on voit l'intérêt d'intenter des poursuites, compte tenu de ce genre de comportement effroyable, seulement en pensant à l'aspect de la honte publique.
Y a-t-il des précédents ici, soit des pistes d'argent qu'on pourrait suivre, qui établissent la possibilité d'un volet punitif à la suite d'une déclaration de culpabilité?
Vous savez, c'est intéressant: vous m'avez fait penser à quelque chose que je n'ai pas mentionné. Pour être franc, je ne suis pas certain de la manière dont cela fonctionne au Canada. Je sais qu'aux États-Unis, nous avons le Alien Tort Claims Act. Je me demande bien si on pourrait intenter une poursuite au civil, comme vous l'avez mentionné, en vertu de cette loi. Beaucoup d'affaires relatives aux droits de la personne ont été introduites en vertu des dispositions de l'Alien Tort Claims Act.
Bien sûr, puisque vous avez affaire à un chef d'État, vous faites face à des questions d'immunité, questions dont vous n'avez pas à vous préoccuper lorsque le litige est instruit par la CIP. Sous le régime du Statut de Rome, la question de l'immunité ne se pose pas. C'est pourquoi le président Al-Bashir a été mis en accusation.
Je ne sais pas si le Canada a une loi semblable. Le cas échéant, et si vous pouvez contourner la question de l'immunité, ce serait une autre possibilité. Ce serait une autre façon, bien que symbolique, d'envoyer un message. Des demandeurs pourraient déclarer qu'ils ont été victimes d'actes de violence terroriste infligés soit par le Hamas, soit par le Hezbollah, ou des gens pourraient dire — et ce litige, instruit aux termes de l'Alien Tort Claims Act aux États-Unis, serait intéressant — qu'ils ont été victimes de l'incitation au génocide et que c'est la raison pour laquelle ils intentent une action.
Alors, c'est une excellente question. Cela m'a en fait permis d'envisager une nouvelle avenue. Je suis moins convaincu de sa réussite, toutefois, en raison surtout de la question de l'immunité.
Vous savez, ce serait une action privée, avec des défendeurs. Je ne suis pas convaincu que le message serait aussi efficace que si on retenait les autres solution dont nous avons parlé. Mais c'est certainement quelque chose que l'on peut ajouter à l'assortiment de mesures possibles.
Oui. Pour ce qui est du manque d'efficacité, vous avez peut-être raison, mais en déstabilisant tout simplement la machine, nous aurions fait un pas dans la bonne direction, et nous aurions contribué à ralentir l'action éventuelle de ce régime.
J'ai deux questions que je tiens absolument à poser.
Tout d'abord, vous avez mentionné le Hezbollah, le Hamas et le Djihad islamique. Y a-t-il d'autres États complices de la perpétuation de ces menaces de génocide par l'Iran?
Deuxièmement, vous avez utilisé un terme intéressant — vous avez dit qu'en raison de cet engourdissement, une culture de haine voyait le jour. Voyez-vous des signes de cela aux États-Unis ou au Canada?
Pour répondre à la deuxième question, je vois des signes partout dans le monde, certainement. Je crois que, malheureusement, l'antisémitisme sous la forme d'un sentiment anti-israélien est en pleine croissance.Or, nous nous dirigeons vers un climat économique difficile, contexte malheureusement propice à une montée fulgurante de haine. L'histoire regorge d'exemples de situations où l'antisémitisme s'est révélé un moyen très efficace de cultiver la haine. Cela pourrait être le sujet d'une tout autre audience que nous pourrions tenir.
Le président Ahmadinejad et l'Iran sont peut-être les plus bruyant et les plus visibles, mais je ne crois pas qu'ils soient seuls. Je crois que ce sont probablement les plus dangereux à bien des égards, mais il y a assurément d'autres pays, comme la Syrie, qui ont joué un rôle. Mais on ne voit pas le président Assad monter tenir ce genre de discours devant les Nations Unies et profiter de diverses tribunes pour lancer publiquement des appels à la violence et à la destruction comme le fait le président Ahmadinejad. Il fait peut-être à plus petite échelle, localement.
Je crois certainement que ce sentiment est chose commune au Moyen-Orient. Comme je l'ai dit, l'Iran est devenu un leader du Moyen-Orient. Il y a certainement beaucoup de différends. Nous venons de voir, aux nouvelles, Mouammar Kadhafi dénoncer l'Arabie Saoudite dans le cadre d'un sommet récent. Il y a beaucoup de tensions, je crois, dans le monde musulman. Le point qui semble faire l'unanimité est la haine à l'endroit d'Israël. On dirait que cela les rassemble.
Alors, je crois que c'est une réalité. Seulement, l'Iran est devenu un leader à de nombreux égards. Il est un chef de file parmi les État qui appuient le terrorisme et les groupes terroristes. Il est devenu l'un des principaux promoteurs du génocide, comme nous l'avons mentionné. Ce pays occupe une si grande place au chapitre de la violation des droits de la personne, que, lorsqu'il est question de mesures de dissuasion, il est une bonne cible si nous voulons montrer à la communauté internationale que ce genre de comportement ne sera pas toléré et ne devrait pas l'être.
Je m'excuse, mais, comme je vous parlais de cela, je pensais aux années 1930 et à l'Allemagne. L'Allemagne était-elle le seul pays au monde à adopter une politique antisémite? Non. Mais c'était certainement le pays le plus visible, et il s'est finalement révélé le plus meurtrier. J'ignore si nous pouvons dire que l'Iran de 2009 est comparable à l'Allemagne des années 1930, mais le rôle de leadership qu'il prend a assurément des répercussions terribles, alors c'est pourquoi je pense qu'il est important que nous ciblions l'Iran dès maintenant.
Merci, monsieur Sweet.
Si le comité me le permet, j'aurais une question complémentaire.
Monsieur Gordon, vous avez ouvert la voie à une réflexion intéressante, et j'avais en fait commencé à prendre des notes à ce sujet avant votre exposé. L'idée d'un sentiment antisioniste et anti-Israël qui serait le point de ralliement d'une communauté par ailleurs fractionnée est une réflexion à l'égard des relations internationales au sein du monde musulman. Il m'est venu à l'idée qu'il pourrait y avoir un aspect national à tout cela, alors je vous pose la question, puisque le patriotisme est le dernier refuge d'une fripouille. Peut-être que, dans le bon contexte, le sentiment anti-Israël pourrait être le dernier refuge de certaines fripouilles. Est-ce une variation, dans un sens, sur l'invasion des îles Malouines par les généraux argentins dans le but de détourner l'attention à un moment où ils ont perdu toute crédibilité chez eux?
Il nous semble, à la lumière de nos séances, qu'il y a un sentiment grandissant — pas seulement parmi les Azeris et les baha'is et d'autres groupes qui ont toujours été maltraités ou persécutés, mais aussi chez les Persans eux-mêmes — de frustration intense à mesure que la population se raffine et comprend mieux son régime actuel. Est-il possible que cela ne soit pas purement motivé par une idéologie interne et serve aussi à détourner l'attention des problèmes du régime lui-même?
C'est une excellente question.
Oui, pour répondre à votre question de façon succincte, je crois que cela joue un certain rôle. Si vous envisagez l'Iran des années 1990 jusqu'au moment de l'élection du président Ahmadinejad... Par exemple, avant le président Ahmadinejad, c'était Mohammad Khatami qui occupait ce poste. Il y a eu une tentative de réforme. Vu la structure même du gouvernement iranien, ces tentatives de réforme peuvent être écrasées assez facilement, et je crois que c'est ce qui est arrivé. Je ne crois pas que l'élection du président Ahmadinejad en 2005 a été un exercice libre et juste; je crois qu'il y avait beaucoup de manoeuvres clandestines, si vous permettez l'expression, et de répression dans les coulisses.
Puisque le régime fait l'objet d'un mécontentement grandissant, c'est le moyen parfait de détourner l'attention de la population et de dire: « Regardez, voilà la vraie origine de vos problèmes — Israël, la souffrance des Palestiniens —, et nous éprouvons un sentiment de solidarité avec ces derniers. » C'est un thème récurrent dans l'histoire: un régime, dictatorial et tyrannique, comme le régime iranien, aime trouver un bouc émissaire. Il aime trouver un souffre douleur. Et je crois qu'Israël a très bien servi à ces fins.
Quant à la souffrance des Palestiniens, j'aimerais que le Moyen-Orient connaisse la paix. J'aimerais voir la fin de ce problème où des pays veulent éliminer Israël. J'aimerais qu'Israël puisse vivre en harmonie avec le reste du Moyen-Orient. Cela me désole de le dire, mais bien des dirigeants du monde musulman qui oppriment leur propre peuple ne veulent pas que cela se produise, pour de multiples raisons. Une des plus grandes raisons, c'est que cela leur permet de détourner l'attention de leurs propres citoyens, et ils peuvent invoquer ce problème pour détourner l'attention du reste du monde lorsqu'ils mette en oeuvre des politiques horribles et commettent des violations des droits de la personne. Ils ne veulent pas voir arriver la paix. Ils ne veulent pas que les choses changent.
Lorsque je vois le président Ahmadinejad prendre les reines et exprimer haut et fort sa haine à l'endroit d'Israël, je ne peux que croire que c'est en partie imputable au fait qu'il y a des problèmes en Iran et que c'est une façon commode d'essayer de détourner l'attention des citoyens iraniens de ces problèmes.
Je crois que c'est une excellente question.
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