C'est la 40e séance du Comité permanent des ressources naturelles. Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 1er juin 2009, nous étudions le projet de loi .
Aujourd'hui, nous poursuivons nos délibérations. Nous souhaitons la bienvenue à nos invités et témoins. Nos témoins du premier groupe, que nous entendrons de 15 h 30 à 16 h 30 sont M. Rex Loesby, le président de Canadian Remote Power Corporation, les représentants d'Ontario Power Generation Inc., M. Albert Sweetnam, vice-président exécutif et directeur de Nuclear New Build et M. Pierre Tremblay, vice-président principal du site Pickering. Bienvenue parmi nous.
Nous allons entendre par vidéoconférence, à partir de Toronto, M. Norman Rubin, directeur de la recherche nucléaire, de Energy Probe. Monsieur Rubin, vous êtes le bienvenu. Vous nous entendez bien?
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Je vous remercie de me donner quelques minutes de votre temps pour discuter du projet de loi concernant les limites de la responsabilité civile pour les réacteurs nucléaires au Canada.
Ce projet de loi est d'un intérêt particulier pour notre entreprise puisque que nous travaillons à fournir une alimentation en électricité qui est propre et sécuritaire pour les communautés et les mines éloignées au Canada par l'utilisation de petites centrales nucléaires.
Tout d'abord, j'aimerais vous donner quelques informations générales au sujet de Canadian Remote Power Corporation, puis j'aborderai une préoccupation que nous avons au sujet des règlements qui pourraient accompagner le projet de loi.
L'idée d'utiliser de petits réacteurs provient de mon travail pour une société d'exploration et de développement minier, Western Troy Capital Ressources. Nous développons un projet de cuivre-molybdène dans une région éloignée du Québec. Nous avons découvert que nos frais d'alimentation en énergie seraient très élevés avec une ligne d'alimentation d'Hydro-Québec ou une centrale au diesel. Cela nous a conduits à regarder la possibilité d'utiliser un petit réacteur nucléaire comme alternative. Nous avons découvert qu'un certain nombre de pays développent des modèles de petits réacteurs. Mais nous avons été surpris de découvrir que dans un pays où le faible coût de l'électricité est nécessaire dans les régions éloignées, personne ne poursuit l'idée ici. Donc nous avons formé Canadian Remote Power Corporation dans ce seul but.
Le Canada a un trésor national dans l'industrie nucléaire. Les réacteurs CANDU et les scientifiques et ingénieurs nucléaires ont acquis une reconnaissance mondiale. Au cours des 50 dernières années, 45 réacteurs CANDU ont été construits dans le monde entier et ils ont fonctionné sans incident de sécurité important. L'énergie nucléaire est une des méthodes les plus économiques pour générer de l'électricité et ce, sans émission de carbone. Le Canada peut continuer à être un chef de file mondial dans cette industrie pour autant qu'il soit disposé à encourager l'industrie et à conserver son système de réglementation conforme aux normes internationales reconnues. De plus, le Canada a l'opportunité de jouer un rôle de premier plan dans le monde pour réduire les émissions de carbone.
Dans notre entreprise, Canadian Remote Power Corporation, nous avons noté très tôt que nous avions besoin d'une équipe technique solide et nous sommes très chanceux que de bons Canadiens soient disponibles. Vous trouverez leurs noms et un petit résumé de leurs antécédents dans les documents que nous vous avons remis. Je parlerai particulièrement d'un membre de l'équipe, simplement pour vous donner une idée du calibre des personnes que nous avons pu recruter.
Gary Kugler fait partie de notre conseil d'administration et il est membre de notre équipe de conseillers techniques. M. Kugler est le président de la Société canadienne de gestion des déchets nucléaires et est directeur d'Ontario Power Generation. Il a aussi travaillé pour Énergie atomique du Canada limitée durant 34 années.
La question est la suivante. Est-ce qu'il y a un besoin de petites centrales nucléaires au Canada? Actuellement, l'électricité pour les communautés et les mines éloignées au Canada est générée à l'aide de moteurs diesel. Ils génèrent des émissions de carbone d'environ 17 millions de tonnes par année et l'énergie électrique produite coûte entre 25 ¢ et 2 $ par kilowatt-heure comparativement aux coûts typiques pour les consommateurs raccordés au réseau électrique de 4 ¢ à 10 ¢ par kilowatt-heure. Au Nunavut seulement, le budget pour le carburant diesel est de plus de 200 millions de dollars par année. Avec les petites centrales nucléaires, nous pouvons éliminer les émissions de carbone et réduire considérablement les frais d'alimentation pour ces communautés et mines. Alors que nous ne croyons pas que les centrales nucléaires sont la seule solution, nous croyons qu'elles peuvent et doivent avoir une plus grande part dans la solution pour maintenir et développer des communautés durables dans le Nord.
Du côté des mines, il y a actuellement huit mines dans le Nord qui utilisent des grandes centrales diesel et on prévoit qu'il y en aura 18 d'ici 2016. On s'attend à ce que ces mines aient besoin d'une capacité de 400 mégawatts. Dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a 11 gisements miniers de classe mondiale qui pourraient être des mines si le coût de l'énergie pouvait être réduit. Les petites centrales nucléaires pourraient aussi fournir de la chaleur pour l'exploitation des sables bitumineux.
Les petits réacteurs peuvent-ils être sûrs? Nous envisageons un certain nombre de modèles de réacteurs. L'un d'eux est un réacteur TRIGA conçu par General Atomics, de San Diego. Dans le document que nous vous avons remis, vous avez une photo d'un réacteur TRIGA. Comme pour tous les réacteurs que nous examinons, toute l'installation nécessiterait seulement un terrain de deux acres. Cette conception est attrayante pour deux raisons. Tout d'abord, s'il y a une élévation imprévue de la température de base du réacteur, la chimie du carburant arrête la réaction. Deuxièmement, il y a 67 réacteurs TRIGA installés dans le monde. Certains d'entre eux sont exploités depuis les années 50. Ils sont installés dans les hôpitaux et les universités, et il n'y a jamais eu de problème.
Nous envisageons également d'autres modèles de réacteurs, y compris le CANDU du Canada, le 4S de Toshiba et le CAREM de l'Argentine. Nous n'avons pas encore arrêté notre choix.
Je vais parler de la sécurité nucléaire.
Dans votre document, vous pouvez voir un tableau indiquant le nombre de morts au cours des 40 dernières années aux États-Unis et au Royaume-Uni pour les trois sources principales d'électricité: charbon, gaz naturel et énergie nucléaire. Ce tableau provient d'une publication de juin 2008 intitulée Safety of Nuclear Power Reactors, de World Nuclear Association. Tchernobyl n'est pas inclus dans ce tableau, puisqu'il n'y avait aucune structure de confinement et aucune réglementation de sécurité internationalement reconnue en place, comme c'est le cas au Canada. Vous pouvez voir que l'énergie nucléaire est de loin la plus sécuritaire de ces trois sources. C'est toutefois trompeur parce que je n'ai pas inclus l'hydroélectricité. Effectivement, il y a eu 4 000 décès en hydroélectricité, mais ces décès se sont produits suite à des accidents nautiques sur les réservoirs. Bien entendu, si vous avez accès à l'hydroélectricité, c'est la solution préférable.
L'innovation technologique dans tous les domaines de développement de l'énergie propre va provenir des entreprises publiques et privées. Le Canada sera bien servi si son gouvernement peut répondre au défi de l'énergie propre en permettant à la réglementation environnementale d'être propice à l'innovation autant que possible, sans compromettre la sécurité de la population. Une de ces innovations pourrait être les petits réacteurs nucléaires.
Le processus de réglementation pour autoriser ces petits réacteurs sera difficile et il y a des incertitudes considérables dans le processus d'autorisation. Plus ces incertitudes et ces délais seront réduits, plus les chances de recueillir les fonds nécessaires seront élevées. Nous souhaitons travailler avec le Parlement et les organismes de réglementation pour réduire ces incertitudes et ces délais dans divers domaines, sans toutefois compromettre la sécurité de la population.
Vous vous penchez aujourd'hui sur le projet de loi , qui alignerait davantage la réglementation canadienne sur les normes internationales au sujet de la responsabilité civile pour les centrales nucléaires. Quel impact le projet de loi pourrait-il avoir sur nos efforts?
Dans le passé, la responsabilité civile maximale pour tout réacteur était, comme vous le savez, de 75 millions de dollars et la réglementation en vigueur autorise des limites inférieures d'assurance pour les petits réacteurs. Le montant de ces limites pour les plus petits réacteurs est déterminé par Ressources naturelles Canada et la Commission canadienne de sûreté nucléaire par le biais de la réglementation développée par ces organismes. Le projet de loi définit la limite maximale à 650 millions de dollars et le projet de loi a une disposition pour définir les limites pour les petits réacteurs. Voici ce que prévoit l'alinéa 66c):
66. Le gouverneur en conseil peut, par règlement
c) fixer un montant de réassurance pour tout établissement nucléaire ou toute catégorie d'établissements nucléaires;
Un plan pour les règlements relatifs au projet de loi a été développé par Ressources naturelles Canada. Il existe des dispositions dans le plan pour réduire les limites de responsabilité civile pour les petits réacteurs, mais les limites pour ces réacteurs ne sont pas définies. Nous avons discuté avec le personnel de Ressources naturelles Canada et avons suggéré que la réglementation devrait inclure des limites appropriées et mieux définies pour tous les réacteurs. Le personnel de Ressources naturelles Canada a été très réceptif et nous a encouragés à suggérer des modifications au plan.
Nous suggérons d'inclure dans la réglementation les éléments que vous pouvez voir dans le document. Cela devient assez technique et je ne vais pas lire cette partie maintenant afin de ne pas parler trop longtemps. Cet ajout à la réglementation fournira un plus grand degré de certitude pour les développeurs de centrales nucléaires et préservera le droit du gouverneur en conseil de modifier les limites de responsabilité civile pour des circonstances spéciales.
En quoi cela nous touche-t-il? Si nous n'avons pas une certitude raisonnable pour les limites de responsabilité civile pour nos petits réacteurs, nous devrons assumer le pire des scénarios. Si nous étions obligés d'avoir une responsabilité civile maximale de 650 millions de dollars, notre assureur a suggéré que notre prime pourrait être de 1 million de dollars ou plus chaque année. Si la limite de responsabilité civile est réduite à l'aide de la formule que nous avons suggérée, notre prime annuelle diminuerait à une estimation de 100 000 $ et ainsi améliorerait l'ensemble des prévisions économiques pour notre entreprise et potentiellement réduirait les coûts d'énergie pour le consommateur.
Merci d'avoir pris le temps d'écouter nos suggestions concernant la réglementation qui suivra le projet de loi. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions le moment venu.
Merci.
Je suis ici au nom d'Ontario Power Generation et je suis accompagné de mon collègue, Pierre Tremblay, qui est le vice-président principal des programmes et de la formation chez OPG. Nous sommes ici aujourd'hui pour appuyer l'adoption rapide du projet de loi C-20. Merci de nous avoir invités à prendre la parole.
Nous vous avons remis un document que vous devriez avoir sous les yeux. Je ne vais pas lire ce document qui décrit notre entreprise, l'appui que nous apportent les collectivités locales, nos résultats sur le plan de la sécurité et de l'environnement et qui contient une brève mise à jour concernant le nouveau projet de loi.
Je vais simplement vous présenter brièvement OPG. C'est le principal producteur d'électricité de l'Ontario. Nous produisons les deux tiers de l'électricité de la province et nous possédons la totalité des réacteurs nucléaires de l'Ontario, y compris ceux de Bruce. Nous exploitons 10 réacteurs nucléaires, nous avons de très solides antécédents sur le plan de la sécurité et de l'environnement et nos 12 000 employés font partie intégrante de toutes les collectivités dans lesquelles nous sommes implantés. Quatre des cinq principaux réacteurs CANDU existant dans le monde en 2008 appartenaient à OPG. Trois de ces réacteurs se trouvent à Darlington et le quatrième est à Pickering B. De plus, au cours du premier trimestre de 2009, Darlington a eu un coefficient de production de 99,99 p. 100, un résultat presque parfait pour un réacteur nucléaire.
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur les pages 9 à 11 de notre document. Je voudrais parler du sujet sur lequel se penche le comité, c'est-à-dire le projet de loi C-20. OPG est en faveur de l'adoption immédiate du projet de loi C-20 parce qu'il modernise le cadre de responsabilité en confiant clairement la responsabilité à l'exploitant, comme il se doit, parce qu'il impose une limite raisonnable à la responsabilité de l'exploitant, il apporte une plus grande protection au public et il permet à nos fournisseurs locaux et internationaux de nous soutenir dans le cadre d'un régime d'assurance raisonnable. Nous comptons bien participer au processus de réglementation. Il faudrait que les compagnies d'électricité puissent être consultées pour tout changement aux limites de responsabilité, qu'elles puissent s'assurer à des tarifs concurrentiels auprès des assureurs canadiens et internationaux et il faudrait reconnaître que c'est la première étape vers la ratification par le Canada de la Convention sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires. Pour résumer, OPG appuie l'adoption rapide du projet de loi C-20 avec les limites de responsabilité proposées.
Je suis prêt à répondre aux questions du comité.
Merci.
Je voudrais présenter quatre arguments. Je ne vais pas commencer par le premier, dans l'ordre logique, mais par celui que je pense être le plus court. Autrement dit, ayant passé plus de temps devant les tribunaux que qui que ce soit ici, quand il était question de la légalité et de la constitutionnalité de la Loi sur la responsabilité nucléaire, je dirais que ni la Loi sur la responsabilité nucléaire ni le projet de loi ne survivront à une contestation judiciaire après un accident. Autrement dit si, Dieu nous en garde, la loi doit être appliquée, je crois qu'elle sera invalidée et que la protection qu'elle confère au preneur de risques ne sera plus là lorsqu'il voudra s'en prévaloir. Nous pourrons en discuter plus tard et je vais poursuivre mon raisonnement.
Mon premier argument, logiquement, peut se résumer par la question suivante: pourquoi? Si vous avez une industrie qui est capable de causer un accident catastrophique et si la première obligation d'un gouvernement est en principe de veiller à ce que cet accident catastrophique ne se produise jamais, deuxièmement, d'atténuer et de minimiser dans toute la mesure du possible les conséquences d'un tel accident et troisièmement de défendre les intérêts de toute victime potentielle de ce genre d'accident, pourquoi limiter la responsabilité des entités qui pourraient causer l'accident en question?
Je soulignerais qu'une bonne façon d'étudier la question est d'examiner les catastrophes qui ont eu lieu par le passé. Nous pouvons étudier, par exemple, le cas de Three Mile Island et de Tchernobyl dans le domaine nucléaire ou encore l'écrasement du Challenger, ou encore la collision de deux jumbo jets sur une piste d'atterrissage. Quand nous examinons ces catastrophes, nous constatons que pratiquement chacune d'entre elles semble avoir été causée à la fois par la négligence et l'incompétence. Il s'agit donc de voir quels sont les incitatifs propres à minimiser l'incompétence et la négligence. Je dirais que la dernière chose à faire est bien de dire à l'avance à un certain nombre de parties qui pourraient être responsables d'un accident qu'elles seront exonérées de tout blâme tandis qu'on dira aux autres que leur responsabilité sera limitée quelle que soit la facture totale à payer pour réparer les dégâts, atténuer les conséquences et dédommager les victimes. C'est pourtant exactement ce que la Loi sur la responsabilité nucléaire fait actuellement et ce que ferait le projet de loi s'il était adopté.
Je voudrais m'attarder encore une minute ou deux sur ce sujet. Bien entendu, la prévention est essentielle et lorsqu'on dit aux gens qu'ils ne sont pas responsables, on les dissuade de faire de la prévention. Je crois que c'est une simple question de logique. Cela deviendra parfaitement évident après un accident, même si pour le moment c'est seulement théorique, Dieu merci. De plus, nous avons fait certaines études. Pour notre tentative infructueuse de contestation judiciaire de la Loi sur la responsabilité nucléaire actuellement en vigueur, nous avons fait faire une étude sur les conséquences d'un accident nucléaire potentiel, d'une catastrophe, dans une centrale CANDU. Nous avons constaté tout d'abord que les conséquences dépendent surtout, bien sûr, de l'importance des émissions, mais aussi, que l'impact de ces émissions peut varier énormément, allant de zéro à des dizaines de milliards de dollars de dommages. Cet écart dépend de deux variables. Il s'agit d'abord des conditions atmosphériques sur lesquelles nous n'exerçons aucun contrôle, et ensuite de la planification d'urgence sur laquelle nous avons une très grande influence. Nous devrions inciter au maximum les preneurs de risques à se doter des plans d'urgence les meilleurs possible, des plans qu'ils jugeront nécessaires d'avoir s'ils ont à payer la totalité des dommages.
Que ce soit bien clair. Les plans d'urgence qui permettent de mettre les victimes potentielles à l'abri des émissions radioactives constituent, avec les conditions atmosphériques, le facteur qui déterminera si vous aurez des milliers de victimes, des milliers de morts ou peut-être aucun.
Je voudrais maintenant comparer le Canada avec deux autres pays, l'Allemagne et le Japon qui ont tous les deux, je crois, imposé une responsabilité illimitée à leurs exploitants de centrales nucléaires. Je me pose plusieurs questions au sujet de cette situation. Pourquoi faudrait-il que ce soit différent chez nous? Leurs réacteurs sont-ils plus sûrs que les nôtres en raison de leur conception ou de leur exploitation? Leur planification d'urgence est-elle à ce point meilleure que la nôtre que leur industrie ne voit pas d'inconvénient à assumer une responsabilité illimitée? Leurs exploitants sont-ils simplement plus audacieux? Sont-ils davantage prêts que les nôtres à assumer leurs responsabilités? Ou leur gouvernement fédéral est-il plus indépendant de l'industrie qui crée les risques catastrophiques? Autrement dit, ces pays ont-ils simplement donné la priorité aux besoins des victimes potentielles au lieu de céder aux demandes des créateurs de risques?
Vous pouvez sans doute dire, d'après la façon dont j'ai formulé la question, quelle est mon opinion quant à la principale différence entre le Canada et ces autres pays. Je pense que leur gouvernement ne fait pas de cadeau à l'industrie, contrairement au nôtre. Notre gouvernement s'est comporté, d'abord et avant tout, en tant qu'actionnaire d'EACL, en tant que le créateur d'un des principaux modèles de réacteurs existant sur le marché mondial, en tant que vendeur international de réacteurs nucléaires dans le monde. Les gouvernements des autres pays ont agi en tant que représentants élus des victimes potentielles et en tant que gardiens de l'environnement qui serait contaminé par ce type d'accident.
Pour conclure, je voudrais faire brièvement allusion à un phénomène qui se développe de plus en plus. Nous nous éloignons graduellement d'une situation dans laquelle les réacteurs nucléaires sont construits et exploités par les gouvernements ou des agences gouvernementales telles que des sociétés d'État en faveur d'un régime dans lequel les réacteurs peuvent être construits par des entités privées. Il vaut la peine de se demander comment le gouvernement fédéral agirait au nom des victimes potentielles s'il n'était pas possible de compter sur un gouvernement provincial, par exemple, pour cautionner le propriétaire et exploitant d'un réacteur.
À mon avis, la principale façon dont le gouvernement fédéral doit agir, ce n'est pas en limitant la responsabilité, car la responsabilité devrait être illimitée et limitée seulement par les conséquences d'une catastrophe. Le gouvernement fédéral peut et doit plutôt exiger un minimum de garanties financières.
Il faut obtenir l'assurance que même si l'entité qui possède et exploite un réacteur perd ce réacteur et se retrouve avec d'énormes frais internes et une perte de capital il restera, grâce à une assurance et à d'autres instruments, suffisamment d'argent pour répondre aux besoins qu'entraînerait un accident catastrophique envisageable, autre qu'un accident de dimensionnement. Je crois que le projet de loi et la Loi sur la responsabilité nucléaire y font discrètement allusion, mais c'est seulement discrètement. Je crois que le gouvernement a là un rôle essentiel à jouer.
Dans deux mois, Bruce Power va négocier activement avec le gouvernement de la Saskatchewan pour la construction d'un nouveau réacteur, sans doute un CANDU. Elle s'est fixé décembre comme échéance. Je prédis toujours l'échec de ces efforts, mais il est possible que quelque chose se passe et certaines de ces dispositions seront alors importantes. Espérons que les victimes auront plus de 650 millions de dollars d'indemnisation à leur disposition et que les décisions concernant l'emplacement, la planification d'urgence et la conception du réacteur tiendront compte de la responsabilité totale des propriétaires privés de cette centrale.
Merci.
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Je demande aux membres du comité de bien vouloir se rasseoir et aux témoins de prendre place. Merci.
Chers collègues, nous allons maintenant aborder la deuxième partie de l'ordre du jour. Nous avons le plaisir d'accueillir M. Christopher Heysel, de l'Université McMaster, qui est le directeur des Activités et installations nucléaires du réacteur nucléaire McMaster. Bienvenue, monsieur Heysel.
Également, nous accueillons les représentants de la Nuclear Insurance Association of Canada, M. Dermot Murphy, gestionnaire et Mme Colleen DeMerchant, directrice adjointe ainsi que M. John Walker, conseiller juridique chez Walker Sorensen LLP.
Nous sommes reliés par vidéoconférence avec M. Simon Carroll, administrateur de programme au Swedish Biodiversity Centre. Monsieur Carroll, vous êtes très loin, mais nous vous souhaitons la bienvenue parmi nous et nous sommes très contents de votre participation à notre discussion. Je suppose qu'il faut vous dire bonsoir, n'est-ce pas?
Bon après-midi, mesdames et messieurs, membres du comité et témoins.
Je m'appelle Chris Heysel et je suis le directeur des Activités et installations nucléaires, à l'Université McMaster, à Hamilton en Ontario.
Je voudrais d'abord dire combien je vous suis reconnaissant de m'avoir invité à prendre la parole devant le comité aujourd'hui. J'ai été invité à présenter le point de vue de l'Université à l'égard des changements proposés au projet de loi et des répercussions que ces changements auront sur les réacteurs de recherche des universités canadiennes.
Il reste actuellement six réacteurs de recherche dans les universités du Canada: le réacteur piscine de 5 mégawatts de l'Université McMaster et les réacteurs Slowpoke plus petits, de 20 kilowatts, de l'Université de l'Alberta, du Collège militaire royal, de l'Université de la Saskatchewan, de l'École Polytechnique et de l'Université Dalhousie.
Chaque pays qui compte l'énergie nucléaire parmi ses sources d'énergie utilise des réacteurs de recherche universitaire pour la formation des personnes hautement qualifiées dont il a besoin pour la conception, l'exploitation et l'homologation de son parc nucléaire. En fait, la première étape du voyage qu'un pays fait sur le chemin de l'énergie nucléaire commence par un réacteur de recherche. Ces installations assurent l'éducation et la formation initiales et continues des chercheurs et des ingénieurs dont on a besoin pour lancer et soutenir une industrie nucléaire.
Le réacteur nucléaire McMaster et, en fait, tous les réacteurs universitaires, ont pour fonction de soutenir les missions d'éducation et de recherche de leur université. Même si l'on désigne communément ces réacteurs de recherche comme des installations universitaires, ils font vraiment partie de notre infrastructure nationale et devraient être considérés comme des actifs canadiens.
Le réacteur nucléaire McMaster sert à la mission éducative de l'université en permettant aux étudiants des différents cycles en physique, en génie nucléaire, en sciences des matériaux, en physique médicale et en radioprotection d'acquérir une expérience pratique. Dans le cadre de leur programme, ces étudiants suivent des cours en laboratoire où ils utilisent le réacteur et les installations connexes pour compléter leurs études théoriques grâce à des expériences pratiques et des interactions. Ces étudiants représentent le capital intellectuel futur des industries nucléaires vastes et diversifiées du Canada, un capital qui est aujourd'hui en quantité limitée et qui fait l'objet d'une demande extrêmement forte.
L'Université McMaster reçoit également chaque année environ 1 500 élèves du secondaire qui viennent visiter nos installations. Le réacteur en piscine ouverte de McMaster est la seule installation du pays où l'on peut vraiment voir un réacteur en fonctionnement. Avant de venir à McMaster, le contact le plus étroit que la plupart de ces étudiants aient eu avec la technologie nucléaire a été la vision, sur l'autoroute 401, des grandes structures de béton de nos centrales nucléaires entourées par des barrières de sécurité intimidantes. C'est une vision assez déconcertante pour ces jeunes Canadiens, mais lorsqu'ils visitent le réacteur nucléaire McMaster et voient la lueur bleue de son coeur, le mystère qui entoure la technologie nucléaire se dissipe rapidement à leurs yeux et ils ont une meilleure idée de la façon dont la technologie fonctionne et, nous l'espérons, le désir de pousser plus loin leurs études universitaires en sciences ou en génie.
La recherche est également une des missions essentielles des réacteurs universitaires du Canada. Ces instruments de recherche très particuliers et très puissants fournissent aux universitaires et aux étudiants la possibilité de pousser plus loin leurs recherches dans divers domaines d'intérêt. Ces domaines sont notamment l'ingénierie nucléaire, les sciences des matériaux, la radiochimie, la radiobiologie, les géosciences, les sciences environnementales, l'archéométrie, la physique médicale et la radioprotection ainsi que la recherche-développement sur les isotopes médicaux.
En plus de soutenir les missions de recherche et d'éducation de nos institutions respectives, les réacteurs de recherche universitaire fournissent une grande variété de services d'irradiation pour soutenir des industries canadiennes importantes comme celles des mines, de la surveillance environnementale, de l'automobile, du pétrole et du gaz, de l'aéronautique et de la radiopharmaceutique.
Je possède plus de 20 ans d'expérience dans le fonctionnement des réacteurs de recherche et je connais donc très bien les coûts associés à l'exploitation de ces installations. Pour pouvoir couvrir leurs coûts de fonctionnement, les réacteurs universitaires fournissent des services et des produits à divers secteurs et utilisateurs. Nous arrivons bien à limiter nos coûts, mais nous devons concurrencer des installations similaires lorsque nous vendons nos services.
Malgré leur importance et leur utilité de plus en plus grandes, à l'exception de celui du CMR, les réacteurs de recherche universitaire ne reçoivent aucun financement du gouvernement pour couvrir les coûts de fonctionnement, d'entretien, de déclassement, d'assurance ou de combustible nécessaire pour que ces installations nationales puissent rester en service. Voilà pourquoi des changements même mineurs au projet de loi sont très importants pour les réacteurs de recherche universitaire.
En l'absence d'un financement fédéral, pour pouvoir survivre, les réacteurs de recherche universitaire doivent générer des revenus en fournissant un vaste éventail de services et de produits à des marchés qui sont également desservis par nos deux principaux concurrents, à savoir les installations d'EACL à Chalk River et les réacteurs de recherche américains au sud de la frontière.
En tant que société d'État, EACL reçoit une partie importante de son budget d'exploitation du gouvernement fédéral. Par conséquent, le coût d'évacuation du combustible, les salaires, les coûts de déclassement et l'assurance responsabilité civile sont financés par le gouvernement fédéral. Au sud de la frontière, les réacteurs de recherche des États-Unis obtiennent du combustible qui leur est prêté par le ministère de l'Énergie. C'est donc le gouvernement fédéral qui assume le coût du combustible et de son évacuation. De plus, contrairement aux installations canadiennes, des fonds de déclassement ne sont pas exigés du moment que l'université a des fonds en fiducie suffisants pour couvrir un passif futur. C'est une possibilité que n'ont pas les universités canadiennes.
Mais surtout, la responsabilité nucléaire est plafonnée à 250 000 $ pour ces installations éducatives sans but lucratif, le reste étant couvert par le gouvernement fédéral jusqu'à concurrence de 500 millions de dollars. Ce chiffre de 250 000 $ est le montant établi initialement par la Loi Price-Anderson et il est resté au même niveau lors des révisions ultérieures de cette loi en raison de l'importance nationale fondamentale des réacteurs de recherche universitaire.
En réalité, il est extrêmement difficile de concurrencer les réacteurs de recherche des États-Unis étant donné que le prix de leur services n'inclut pas les coûts associés au combustible, à l'évacuation du combustible, au déclassement et à l'assurance responsabilité civile exigée au Canada. La concurrence d'EACL est encore plus injuste.
Même si l'on demande de plus aux réacteurs de recherche des universités canadiennes de fournir un personnel hautement qualifié à l'industrie de l'énergie nucléaire et des isotopes médicaux, ces installations sont de moins en moins capables de générer les fonds nécessaires pour continuer de fonctionner. Les changements envisagés dans le projet de loi sont un exemple de plus montrant que le Canada laisse cette érosion continuer à son insu. Les changements proposés obligeraient les universités canadiennes à souscrire une assurance responsabilité civile 15 fois supérieure à celle de nos homologues américains. Notre responsabilité civile est déjà six fois supérieure à celle qui s'applique au sud de la frontière. Cette augmentation désavantage les réacteurs de recherche des universités canadiennes par rapport à EACL et à nos homologues des États-Unis.
Malgré les difficultés que nous connaissons pour nos réacteurs de recherche des universités canadiennes, je suis fier des services que nous continuons à rendre à notre pays sur le plan de la formation et de la recherche. Ce sont là des résultats importants qu'il faut préserver maintenant et à l'avenir.
Pour conclure, je demanderai aux membres du comité de ne pas oublier que nous devons déjà assumer une limite de responsabilité plus importante que celle qui est exigée de nos homologues des États-Unis et je les exhorte à modifier le projet de loi de façon à placer nos installations sur un pied d'égalité avec celles du sud de la frontière. J'implore les membres du comité de réfléchir au fait que les réacteurs de recherche des universités canadiennes sont des entités sans but lucratif et non financées par le gouvernement, dont le seul but est de soutenir les mandats scientifiques et éducatifs de notre pays.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Je m'appelle Dermot Murphy. Je dirige la Nuclear Insurance Association of Canada, connue également comme la NIAC.
Comme le président, M. Tonks, l'a souligné, je suis accompagné aujourd'hui de Colleen DeMerchant, la directrice adjointe et de John Walker, du cabinet Walter Sorensen, notre conseiller juridique.
Comme je l'ai indiqué la dernière fois que nous avons rencontré le comité, la NIAC a été créée en 1958 pour répondre aux besoins d'assurance découlant du développement de l'énergie nucléaire à des fins pacifiques au Canada. la NIAC assure les exploitants des centrales nucléaires et autres entreprises, conformément à la Loi sur la responsabilité nucléaire du Canada, jusqu'à concurrence de 75 millions de dollars canadiens.
La NIAC est un pool de compagnies d'assurances générales qui ont des activités au Canada. Chaque assureur qui en est membre assure un pourcentage du montant maximum de la police. Il est important de souligner que les assureurs fournissent une protection très sûre. Chaque membre de la NIAC est réglementé par le bureau canadien du Bureau du surintendant des institutions financières connu comme le BSIF, qui exige que l'assurance soit largement capitalisée. Les assureurs de la NIAC représentent ensemble un capital d'environ 10 milliards de dollars, ce qui correspond à 100 fois la limite actuelle que prévoit la police de responsabilité civile des exploitants nucléaires.
Un pool est un mécanisme par lequel un certain nombre d'assureurs acceptent de nommer un agent commun pour assurer conjointement certains risques ou catégories d'entreprises. On s'en sert souvent quand les risques qui doivent être assurés sont peu nombreux, exigent une répartition du risque ou sont particulièrement dangereux et seraient donc impossibles à assurer autrement.
L'assurance est un véritable mécanisme de transfert des risques qui s'est révélé rentable, mais surtout, qui ne se répercute pas sur le bilan des exploitants de l'énergie nucléaire en cas de perte.
Nous avons observé qu'une des principales questions soulevées dans les discours à l'occasion de la deuxième lecture du projet de loi est celle de savoir si 650 millions de dollars canadiens constituent une limite de responsabilité appropriée. Le niveau qui convient pour la limite de responsabilité et le montant d'assurance que chaque exploitant devrait être tenu d'acheter peuvent être considérés comme des questions indépendantes. Toutefois, il ne semble pas souhaitable d'obliger les exploitants à acheter une assurance responsabilité plus importante que celle qui est disponible sur le marché de l'assurance nucléaire.
La dernière fois que nous avons comparu devant le comité, nous avons dit que le marché de l'assurance pourrait fournir 650 millions de dollars canadiens. J'ai maintenant le plaisir de vous informer qu'il semble probable, à moins d'événements inattendus, que le marché de l'assurance nucléaire aurait la capacité de fournir 1 milliard de dollars canadiens.
On nous demande souvent combien l'assurance responsabilité nucléaire coûte exactement. À l'heure actuelle, pour une limite de 75 millions de dollars, le coût est d'environ 200 000 $ CDN par réacteur nucléaire. Cela équivaut, soit dit en passant, à ce qu'il en coûte pour assurer, tous risques, environ 130 automobiles avec une limite de responsabilité de 1 million de dollars en Ontario.
Nous avions informé le comité qu'une assurance de 650 millions de dollars, ce qui représente environ neuf fois le niveau actuel, coûterait quatre à six fois plus cher que l'assurance de 75 millions de dollars. Nous estimons qu'une assurance de 1 milliard de dollars, ce qui correspond à 13 fois la limite actuelle, coûterait cinq à huit fois plus cher que pour la limite actuelle de 75 millions de dollars.
Nous apprécions vivement cette occasion de discuter avec le comité de l'assurance nucléaire et nous serons prêts à répondre à vos questions le moment venu.
Merci, monsieur le président.
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Merci, et merci infiniment de m'avoir invité à comparaître devant votre comité aujourd'hui.
Je travaille dans le domaine de la responsabilité et de l'indemnisation en cas d'accident nucléaire depuis une vingtaine d'années, surtout dans le contexte des conventions internationales et de l'élaboration des législations nationales en Europe. C'est sous cet angle international que j'ai examiné les dispositions du projet de loi .
Dans mon exposé d'aujourd'hui, je ferai valoir que la limite de responsabilité proposée est trop basse et ne correspond pas aux normes internationales pertinentes. Toutefois, comme je viens d'écouter l'intervention de M. Murphy, je peux voir que la proposition du secteur de l'assurance alignerait davantage cette limite sur celles qui existent au niveau international.
Néanmoins, tel qu'il se présente actuellement, le projet de loi semble déjà insuffisant et périmé. À mon avis, il n'établirait pas un cadre moderne et complet de responsabilité et d'indemnisation en cas d'accident nucléaire pour le Canada. Il ne fait aucun doute que la Loi sur la responsabilité nucléaire doit être mise à jour. Le projet de loi vise à le faire principalement en donnant une nouvelle définition des dommages et en augmentant nettement la responsabilité des exploitants nucléaires.
Je reconnais que le projet de loi apporterait une meilleure définition des dommages et de la nature des dommages indemnisables. Ces dispositions sont conformes à celles qui figurent dans les instruments internationaux actuels et dans la législation nationale contemporaine des autres pays ayant d'importants programmes d'énergie nucléaire. Ce sont certainement des améliorations et je n'en dirai pas plus à ce sujet.
L'augmentation de la limite de responsabilité à 650 millions de dollars canadiens est peut-être la disposition la plus remarquable du projet de loi. A priori, l'augmentation proposée semble considérable. Comme on l'a mentionné, il s'agit de neuf fois plus, mais si l'on tient compte de l'inflation depuis 1976, je crois que ce chiffre devrait maintenant être d'environ 350 millions de dollars canadiens. Toutefois, ce montant semble insuffisant par rapport à celui qui serait nécessaire suite à un accident nucléaire. Il n'existe pas de méthodologie acceptée au niveau international pour l'évaluation des dommages économiques qui pourraient résulter d'un accident nucléaire. Par conséquent, l'estimation de ces dommages varie énormément, mais quelle que soit l'approche utilisée pour calculer les dommages possibles, il me semble évident que 650 millions de dollars canadiens ne suffiraient pas pour un accident nucléaire relativement important. Rien que pour cette raison, je dirais que la limite de responsabilité proposée est insuffisante.
Je souligne que cela s'applique aux réacteurs de puissance et je suis d'accord avec ce qu'on a dit tout à l'heure au sujet des réacteurs de recherche.
Il y a deux autres explications qui ont été offertes pour justifier la limite de responsabilité proposée, à savoir qu'elle correspond aux normes internationales actuelles et qu'il est nécessaire de tenir compte de la capacité du marché de l'assurance. Je ne pense pas que ce soit entièrement le cas.
Lorsqu'on prétend que la nouvelle limite de responsabilité est comparable à celles qui existent au niveau international, on ne dit pas clairement quelle est la base de comparaison. Je dirais que la seule véritable comparaison devrait se faire avec les instruments internationaux et la législation nationale qui s'applique dans les pays qui sont dans la même situation économique que le Canada et qui ont le même programme d'énergie nucléaire. Sur cette base, l'instrument international pertinent est la Convention de Paris de l'OCDE. La Convention de Paris est ouverte à tout État membre de l'OCDE et la plupart des pays d'Europe de l'Ouest y ont souscrit. En 2004, elle a été modifiée par un protocole visant à la moderniser. Ce protocole exige une responsabilité minimum d'environ 1 100 millions de dollars canadiens pour les exploitants. C'est la norme minimum à laquelle les exploitants nucléaires d'Europe de l'Ouest doivent maintenant satisfaire et c'est nettement plus que la limite proposée dans le projet de loi. En fait, un État qui appliquerait la limite de responsabilité pour le Canada ne pourrait pas ratifier le protocole de la Convention de Paris. La limite proposée est tout simplement trop basse.
Je signalerais également que le protocole de 2004 modifiant la Convention de Paris supprime la limite de responsabilité des exploitants. Un certain nombre d'États signataires de la Convention de Paris ont déjà mis en place ou envisagent d'instaurer une responsabilité illimitée pour leurs exploitants de réacteurs. C'est déjà le cas de la Suisse et de l'Allemagne, depuis un certain temps. C'est aussi le cas de la Finlande où un grand réacteur est actuellement en construction.
Plus tôt ce mois-ci, une commission d'enquête du gouvernement suédois a déclaré qu'il y a des « raisons primordiales de mettre en place la responsabilité illimitée pour l'industrie de l'énergie nucléaire en Suède » et elle a proposé de modifier la loi en conséquence. En dehors du cadre de la Convention de Paris, le Japon impose également une responsabilité illimitée aux exploitants de réacteurs nucléaires.
Il est vrai que la capacité du marché de l'assurance est limitée au Canada et ailleurs. Toutefois, il n'y a pas de raison obligeant à relier la responsabilité des exploitants à cette capacité limitée. Il y a d'autres moyens de fournir des garanties financières supplémentaires crédibles et vérifiables d'indemnisation en cas d'accident. En omettant d'envisager cette possibilité, le projet de loi limite inutilement les responsabilités de l'exploitant à celles que peut couvrir le marché de l'assurance.
Une approche qui a été adoptée ailleurs pour fournir des fonds d'indemnisation supplémentaires consiste à mettre en commun les ressources des exploitants au lieu de recourir à des pools d'assurance. Le principal avantage d'un système de mise en commun est qu'il permet de disposer d'importantes sommes de fonds privés — non pas des fonds publics — pour dédommager les victimes. L'exemple le plus connu est peut-être celui des États-Unis où en associant l'assurance responsabilité civile et un mécanisme de mise en commun des ressources des exploitants, on dispose d'une capacité totale d'indemnisation de plus de 10 milliards de dollars US par incident.
La mise en commun des ressources des exploitants a été lancée en Allemagne en 2002. C'était parce que la garantie financière que devaient fournir les exploitants de réacteurs nucléaires avait été relevée à près de 4 milliards de dollars canadiens par incident. Ce montant dépassait largement la capacité du marché de l'assurance allemand. La solution qui a été trouvée pour atteindre cet objectif consistait à associer l'assurance de chaque exploitant à une entente mutuelle supplémentaire entre les propriétaires de réacteurs du pays. Chaque partenaire accepte de contribuer à la garantie financière totale requise en fonction de la part du parc de réacteurs qu'il possède. Les partenaires doivent également démontrer chaque année aux autorités de réglementation que les fonds promis seraient disponibles en cas de besoin et la responsabilité ultime de l'exploitant reste illimitée. Au cas où les dommages causés dépasseraient le financement disponible, les autres actifs de l'exploitant s'ajouteront au montant de l'indemnisation, et un recours pourra également être pris contre l'actif des propriétaires de réacteurs si nécessaire.
Plus tôt ce mois-ci, une commission d'enquête du gouvernement suédois a proposé une approche similaire à celle de l'Allemagne, c'est-à-dire une assurance individuelle associée à une entente mutuelle. Elle a proposé que les exploitants soient tenus d'assurer un fonds de 1 900 millions de dollars canadiens par accident. La responsabilité des exploitants de réacteurs serait également illimitée. La commission d'enquête suédoise s'est prononcée en faveur de cette approche parce qu'elle est rentable et parce qu'elle garantit que l'industrie nucléaire sera responsable des coûts importants d'un accident nucléaire. Je signale que la proposition suédoise a été faite dans le contexte des nouveaux investissements que la Suède prévoit faire dans l'énergie nucléaire.
Pour conclure, je voudrais réitérer trois choses. Oui, je crois que le projet de loi améliorerait la loi actuelle sur la responsabilité nucléaire à certains égards. Toutefois, la nouvelle limite de responsabilité de 650 millions de dollars qui est proposée n'est pas comparable aux exigences concernant la responsabilité minimum des instruments internationaux les plus pertinents et est inférieure aux fonds d'indemnisation des autres pays occidentaux ayant d'importants programmes d'énergie nucléaire. Prises ensemble, les principales dispositions du projet de loi semblent insuffisantes et déjà périmées si on les compare à celles de la législation contemporaine des autres pays concernant la responsabilité nucléaire. Par conséquent, sous sa forme actuelle, j'estime que le projet de loi n'établirait pas un cadre de responsabilité et d'indemnisation moderne et complet pour le Canada.
Je vous remercie, encore une fois, de m'avoir invité à comparaître devant votre comité.