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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à vous remercier au nom des plus de trois millions de membres que compte le Congrès du travail du Canada et qui oeuvrent dans tous les secteurs de l'économie, d'un bout à l'autre du pays.
Je tiens à dire également que la question que vous examinez est très importante. L'assurance-emploi est d'une importance critique, et elle l'est tout particulièrement pour les femmes.
Elle l'est d'autant plus quand les temps sont durs, comme ils le sont à l'heure actuelle. Les travailleuses et les travailleurs mis à pied ont manifestement besoin de prestations suffisantes pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille pendant qu'ils se cherchent un nouvel emploi. Les prestations de chômage servent à acheter des produits de première nécessité. Elles sont une forme efficace de stimulation économique et elles aident au maintien de l'économie des collectivités durement frappées. Les personnes qui touchent des prestations d'assurance-emploi dépensent leur argent dans les commerces de leur localité. Elles n'accumulent pas cet argent dans des comptes d'épargne, ne s'en servent pas pour faire des voyages et ne détiennent pas de gros investissements. Elles investissent dans leur collectivité.
Par rapport au temps des récessions antérieures, notre régime d'AE laisse en plan beaucoup trop de Canadiens, surtout des femmes, des jeunes travailleurs et des personnes à faible salaire sans sécurité.
En novembre 2008, seulement quatre travailleurs sans emploi sur 10 avaient droit à des prestations. La prestation hebdomadaire maximale, qui est aujourd'hui de 447 $, est inférieure de 25 p. 100 à celle de 1996, et la prestation hebdomadaire moyenne n'est actuellement que de 335 $. Et le régime est encore moins favorable à l'endroit des femmes, et je vais vous donner des statistiques là-dessus dans un instant.
Des compressions ont été pratiquées vers le milieu des années 1990, influant sur la détermination des personnes admissibles et le montant des prestations versées, et la situation a sérieusement décliné. Le rôle de soutien de l'AE pour les femmes a particulièrement diminué.
Le soutien du revenu assuré par l'AE en période de chômage, de congé de maternité ou parental, ou de maladie est bien entendu un important facteur de stabilisation et de soutien des revenus familiaux. Il favorise également l'indépendance économique des femmes dans leur communauté, étant donné que les prestations sont fondées non pas sur le revenu familial, à l'exception du petit supplément pour les familles à faible revenu — qui, soit dit en passant, n'a pas été augmenté depuis de nombreuses années, ce qui veut dire que les gens sont de moins en moins nombreux à y être admissibles...
Les règles clés du régime d'AE excluent ou punissent injustement les femmes parce qu'elles ne permettent pas de tenir dûment compte des différences entre leurs régimes de travail et ceux des hommes. Bien que la grande majorité des femmes adultes aient aujourd'hui un travail rémunéré, les heures de travail qu'effectuent les femmes rendent bon nombre d'entre elles inadmissibles aux prestations d'AE, comme c'est également le cas des périodes de temps passées à l'extérieur de la population active à prendre soin d'enfants ou d'autres personnes.
Comme Monica Townson et Kevin Hayes l'indiquent dans une étude réalisée pour le compte de Condition féminine Canada, seules 32 p. 100 des femmes en chômage étaient ces dernières années admissibles à des prestations d'AE ordinaires, comparativement à 40 p. 100 des hommes sans emploi. Le chiffre de 40 p. 100 pour les hommes est épouvantable, mais les statistiques concernant les femmes sont pires encore. Plus de 70 p. 100 des femmes et 80 p. 100 des hommes avaient droit à ces prestations avant les compressions majeures pratiquées vers le début des années 1990. L'écart entre les sexes pour ce qui est de la proportion de chômeurs et de chômeuses recevant des prestations ordinaires a rétréci un peu, mais il demeurait de 2 p. 100 en novembre 2008.
L'écart sur le plan des prestations moyennes est beaucoup plus grand. En 2006-2007, l'année la plus récente pour laquelle nous avons les chiffres — et de nouvelles statistiques vont apparemment être publiées le mois prochain —, la prestation moyenne des femmes était de 298 $ par semaine, alors que celle des hommes était de 360 $, soit une différence de 62 $ par semaine.
De plus, les femmes ont droit à des prestations pour des périodes plus courtes, en moyenne. En 2005-2006, 30 p. 100 des femmes ont épuisé leurs prestations ordinaires, comparativement à 26 p. 100 des hommes.
Seul environ le tiers de la valeur totale des prestations ordinaires de chômage d'AE est versé aux femmes même si les femmes participent à la population active à peu près au même taux que les hommes.
Pour vous donner d'autres comparaisons encore, les prestations parentales pour les hommes sont en moyenne de 382 $ par semaine; elles sont de 331 $ pour les femmes, soit une différence de 51 $ la semaine.
Dans le cas des prestations de maladie, le montant est de 343 $ pour les hommes et de 277 $ pour les femmes, pour une différence hebdomadaire de 66 $.
Dans le cas des prestations de soignant, les montants respectifs sont de 364 $ et de 318 $, pour une différence de 44 $ par semaine.
L'une des principales raisons de l'écart est que pour avoir droit à des prestations, une personne doit avoir travaillé au cours de la dernière année et doit avoir effectué de 420 à 700 heures de travail, selon le taux de chômage local. Les travailleurs et les travailleuses de la plupart des grandes villes doivent accumulé 700 heures, soit l'équivalent de 20 semaines de travail à plein temps. Il y a moins de femmes que d'hommes qui ont droit à des prestations parce que de nombreuses femmes prennent des congés prolongés pour s'occuper d'enfants ou d'autres personnes.
Or, après deux années d'absence du marché du travail, il faut avoir accumulé 910 heures de travail, soit plus de six mois de travail à plein temps. Quand elles travaillent, les femmes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes d'occuper des emplois à temps partiel ou temporaires plutôt que des emplois à plein temps permanents assurant des heures stables. Puisqu'elles n'ont pas suffisamment d'heures de travail, seule environ la moitié des personnes travaillant à temps partiel qui perdent leur emploi ont droit à des prestations de chômage.
L'actuel régime d'AE prévoit des prestations de maternité pour un maximum de 15 semaines et 35 semaines de prestations parentales, dont 90 p. 100 sont touchées par des femmes. L'accroissement des congés de maternité et des congés parentaux ces dernières années, et particulièrement le fait que les prestations parentales soient passées de 10 à 35 semaines en 2001, constituent un progrès important pour les travailleuses. Cependant, pour avoir droit aux prestations, une femme doit avoir accumulé 600 heures de travail au cours de l'année précédente. Environ les trois quarts des femmes qui accouchent sont admissibles, mais seulement 60 p. 100 d'entre elles demandent des prestations. Les femmes qui ont droit à des prestations raisonnables ou dont l'employeur verse un supplément de la prestation d'AE sont beaucoup plus susceptibles de prendre une année entière de congé.
Le Québec a créé dernièrement son propre programme de prestations de maternité/parentales de l'AE, qui offre de bien meilleures prestations et qui s'applique aux travailleurs et travailleuses autonomes, ce qui est une première. Je vous renverrai ici à un article paru il y a environ un an dans l'édition anglaise de la revue Chatelaine et intitulé « Modern Times: The Myth of Mat Leave », car il explique très clairement la difficulté.
Le gouvernement se plaît à affirmer que 80 p. 100 des personnes qui ont actuellement un emploi auront droit à des prestations ordinaires d'AE si elles perdent leur emploi. C'est cependant négliger le fait que la perte d'emploi affecte surtout les personnes qui ont des emplois présentant des caractéristiques instables, telles que les travailleurs et les travailleuses qui ont des heures réduites avant la mise à pied ainsi que ceux et celles qui ont des emplois à temps partiel, des emplois temporaires ou qui travaillent à contrat. C'est également négliger le fait qu'un grand nombre de personnes au chômage n'ont droit à des prestations d'AE que pour une courte période et qu'elles épuisent rapidement leurs prestations.
Avant le dépôt du budget, de nombreuses voix, y compris celles d'éditorialistes, de chefs d'entreprise et de premiers ministres provinciaux, ainsi que du mouvement syndical, ont approuvé notre revendication d'améliorations majeures au régime d'AE. Mais le gouvernement n'a pas répondu à cet appel à bien des égards. Le budget n'a rien prévu du tout en ce qui concerne l'accès aux prestations. De nombreux travailleurs, principalement des femmes, sont encore obligés, en tant que nouveaux actifs, de franchir l'obstacle des 910 heures, ce qui correspond à environ six mois de travail à plein temps. Il faut encore avoir 700 heures de travail dans de nombreuses régions. En outre, le budget n'a pas amélioré le montant des prestations hebdomadaires.
Le projet de loi d'exécution du budget a cependant ajouté cinq semaines d'admissibilité pour toutes les demandes de prestations, portant ainsi la période d'admissibilité minimale de 14 à 19 semaines. De plus, il porte le maximum à 50 semaines dans un petit nombre de régions à taux de chômage élevé, soit supérieur à 10 p. 100. Il ne s'agit cependant que d'une mesure temporaire, qui ne s'appliquera pas après septembre 2010. La prolongation viendra en aide à certains sans-emploi victimes de la récession, mais seulement pour une somme totale de 500 millions de dollars par an, ce qui représente moins d'un sixième de ce qui sera dépensé au titre des subventions à la rénovation résidentielle. Je souligne en passant que ces subventions ne seront pas à la portée des chômeurs, car avec 300 et quelque dollars par semaine, vous n'allez pas dépenser 10 000 $ pour obtenir une subvention en retour.
La ministre dit qu'elle ne veut pas payer des prestations de chômage à des personnes qui se contentent de rester assis à ne rien faire. Bien franchement, cela est une insulte à de nombreux travailleurs — plus d'un quart de million au cours des trois derniers mois — qui ont perdu leur emploi sans avoir commis de faute et qui cherchent aujourd'hui désespérément du travail ou des possibilités de formation. Cela ne tient pas compte du fait que les personnes qui trouvent des places en formation continueront d'avoir besoin d'un revenu pour vivre. Ayant travaillé pendant 17 ans comme travailleuse sociale, je peux dire que les personnes touchant des prestations d'assurance-emploi, de bien-être ou autres veulent pouvoir contribuer. Elles ne veulent pas dépendre de ces prestations. Elles veulent un emploi avec un revenu décent.
Le Congrès du travail du Canada réclame des conditions d'admissibilité moins élevées, soit de 360 heures de travail partout dans le pays, afin qu'un plus grand nombre de travailleurs soient admissibles advenant leur mise à pied.
Nous demandons une plus longue période de prestations, pouvant atteindre 50 semaines, pour que moins de sans-emploi n'épuisent leurs prestations; des prestations hebdomadaires plus élevées fondées sur les 12 meilleures semaines de gains — pas les 12 dernières semaines, mais les 12 meilleures semaines — avant la mise à pied; et un taux de remplacement de 60 p. 100 des gains assurables, ce qui, en passant, ne nous ramènerait même pas aux niveaux des années 1970.
Toutes ces améliorations aideraient les femmes. La réduction des conditions d'admissibilité serait un facteur particulièrement important en vue de l'élimination de l'écart entre les sexes en matière d'AE, car, bien franchement, vous pouvez faire tout ce que vous voulez au régime et lui donner un visage positif pour certaines catégories de prestations, mais si les gens ne peuvent pas y accéder, et ce à un niveau raisonnable, alors ils ne vont pas pouvoir utiliser le régime d'AE.
Merci.
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Merci de l'invitation à comparaître devant vous. Je suis heureux de vous revoir.
Je vais vous lire une brève déclaration, après quoi je ferai un petit travail d'analyse.
Je constate déjà, après avoir entendu l'exposé de Barbara, qu'il y a entre nous un certain chevauchement. Je vais donc essayer d'élaguer un peu.
L'assurance-emploi a rompu le contrat d'assurance sociale qu'avaient chéri les pionniers canadiens de la politique sociale en tant qu'élément crucial d'un régime moderne de sécurité sociale. La quasi-totalité des employés versent des primes d'AE, mais seuls certains d'entre eux peuvent bénéficier des prestations de revenu et autres services d'emploi offerts dans le cadre du programme s'ils perdent leur emploi. Le contrat d'assurance sociale défectueux est en définitive discriminatoire envers les travailleurs à faible revenu, dont la plupart occupent des emplois non-conventionnels. Les femmes connaissent un bien pire sort que les hommes.
L'assurance-emploi devrait intervenir en tant que stabilisateur économique automatique dans une économie moderne comme celle du Canada. Elle doit jouer un double rôle en cas de fléchissement économique comme celui que nous vivons à l'heure actuelle. Elle devrait assurer un soutien de revenu en remplaçant les salaires perdus par les rangs croissants des chômeurs, et elle devrait, en injectant de l'argent dans l'économie, venir appuyer les entreprises qui comptent sur les dépenses des consommateurs. Malheureusement, les mesures annoncées dans le budget de 2009 vont en vérité accuser le déséquilibre de l'actuel régime d'assurance-emploi en améliorant quelque peu la situation pour une minorité de personnes ayant le bonheur d'être admissibles aux prestations tout en continuant de ne rien faire pour la majorité des femmes et des hommes chômeurs qui demeureront exclus du régime.
Nous ne pouvons pas remonter dans le temps et rétablir l'ancien régime d'assurance-chômage. Il nous faut envisager des réformes plus radicales qui aillent au-delà de l'AE pour inclure bien-être et soutien pour les travailleurs à faible salaire. En bref, il nous faut une nouvelle architecture de prestations pour les adultes en âge de travailler.
Vous avez peut-être maintenant, à force, une bonne connaissance de l'histoire de l'AE. Il s'agit d'un programme qui a été créé en 1940. À l'époque, il couvrait environ 40 p. 100 de la population active. Il s'agissait d'un programme plutôt restreint. Il s'est élargi au fil des ans jusqu'en 1971, lorsque Bryce Mackasey, alors ministre, a introduit le programme d'assurance-emploi moderne, qui englobait presque toute la population active, à l'exception des travailleurs autonomes.
Ce qui est arrivé dans les années 1980 et 1990 est que l'on a de plus en plus critiqué le programme d'assurance-emploi, ce qui a amené, dans les années 1990, une série de restrictions et de réductions de l'AE. Je ne peux pas les étayer ici, mais le dernier changement, bien sûr, a été le remplacement en 1996 du titre « assurance-chômage » par « assurance-emploi », un virage véritablement orwellien. Nous constatons aujourd'hui les résultats des compressions intervenues dans les années 1990.
Si vous regardez la protection des chômeurs et le pourcentage de sans-emploi touchant des prestations ordinaires d'AE — et je vais me concentrer ici sur les prestations ordinaires de chômage —, il y a eu un déclin phénoménal des prestations au fil des ans. En 2008, le pourcentage n'était plus que de 43 p. 100, ce qui veut dire que 43 p. 100 de l'ensemble des Canadiens en chômage sont admissibles à des prestations ordinaires d'AE.
Si l'on compare les hommes aux femmes, un plus faible pourcentage de femmes, bien sûr, sont admissibles aux prestations, et l'écart entre les sexes augmente depuis six ou sept ans: il existe aujourd'hui un écart plus grand, sur le plan de la couverture, entre les hommes et les femmes. En 2008, seules 39,1 p. 100 des chômeuses touchaient des prestations, comparativement à 44,5 p. 100 des chômeurs.
Nous nous sommes penchés sur une mesure qui établit un ratio de la couverture des hommes comparativement aux femmes et en vertu de laquelle « 1 » serait l'égalité et tout ce qui serait inférieur... Nous pouvons voir qu'au fil du temps l'écart entre les hommes et les femmes augmente. Plus d'hommes que de femmes touchent par ailleurs des prestations d'assurance-chômage, même si lorsque nous suivons la tendance au fil du temps, en tenant compte de l'effet du cycle conjoncturel, les formes des courbes sont à peu près les mêmes pour les hommes et les femmes.
Ce que nous voyons, si nous comparons les prestataires d'AE au nombre de chômeurs, est un écart toujours grandissant entre ceux qui touchent des prestations et ceux qui n'en touchent pas, et ce sont les femmes qui s'en tirent le moins bien.
Nous avons examiné la couverture de l'assurance-emploi dans les plus grandes villes du Canada, et le tableau est plutôt choquant. Environ 30 p. 100 des chômeurs sont admissibles à des prestations dans les villes les plus importantes du pays. Pour vous donner un exemple, à Calgary, 20,8 p. 100 des hommes sont admissibles, contre 17,1 p. 100 des femmes. Pour Toronto, le taux d'admissibilité est de 24,8 p. 100 pour les hommes et de 23,7 p. 100 pour les femmes. Dans les grandes villes, donc, dans lesquelles vivent huit sur 10 Canadiens, la majorité des chômeurs n'obtiennent aucune aide de l'assurance-emploi. Et, encore une fois, la situation est pire pour les femmes que pour les hommes.
Lorsque nous regardons les différences entre les provinces, les variations sont absolument stupéfiantes. En Alberta, 23,4 p. 100 des chômeurs touchent des prestations; le chiffre est de presque 100 p. 100 à Terre-Neuve. En Ontario, et dans les provinces de l'Ouest, un pourcentage toujours plus faible de chômeurs touchent des prestations.
Pourquoi en est-il ainsi? Barbara a fait allusion à la réponse à cette question: les conditions d'admissibilité variables. C'est là l'élément de l'assurance-emploi qui en fait un jeu d'échecs tridimensionnel. Non seulement les exigences de travail varient en fonction des 58 zones de chômage régionales du pays, mais c'est également le cas de la durée des prestations.
Prenons un exemple — un exemple extrême —: celui de deux Canadiens en chômage qui gagnaient le même revenu. Celui vivant dans une région à taux de chômage élevé touchera davantage de prestations que la personne en situation semblable, ayant gagné le même revenu, mais vivant dans une région à faible taux de chômage. Vous pourriez en définitive avoir une situation dans laquelle une personne ne touche absolument rien au titre de l'assurance-emploi tandis que l'autre est admissible aux prestations.
L'autre problème avec cet accès inégal aux prestations de revenu, bien sûr, est que les services connexes de formation et d'emploi sont également rattachés à l'AE, de telle sorte que le problème de l'accès ne se limite pas aux seules prestations de revenu, mais s'étend également à certaines des prestations d'emploi corollaires.
Pourquoi y a-t-il cet écart entre les hommes et les femmes? La principale raison a à voir avec l'expérience différente des femmes sur le marché du travail, et il s'agit, je pense, là d'un facteur qui est aujourd'hui très bien connu: la croissance des emplois non conventionnels — travail autonome, emplois à temps partiel, emplois multiples. L'on parle ici de personnes qui sont rarement admissibles à l'assurance-emploi étant donné qu'elles ne satisfont pas aux règles et que leurs antécédents professionnels ont tendance à être fragmentés et instables.
Nous constatons là encore une différence selon le sexe. Environ 34 p. 100 des Canadiens occupent des emplois non conventionnels, mais le pourcentage chez les femmes est de 40 p. 100 contre 29 p. 100 pour les hommes. Les femmes sont beaucoup plus vulnérables pour ce qui est du chômage et ont tendance à entrer dans la population active pour ensuite en ressortir, notamment pour élever leurs enfants et s'occuper d'autres membres de leur famille.
Ces différences sexospécifiques se trouvent exprimées dans les prestations, et Barbara en a fait état. La prestation maximale d'AE est de 447 $ en 2009; en 1995, elle était de 595 $, en dollars constants, pour tenir compte de l'inflation: 447 $ aujourd'hui, et 595 $ il y a de cela 10 ans. Il y a donc eu un recul réel du montant maximal de prestations payables.
Lorsque nous regardons les prestations moyennes, en 2007, la prestation hebdomadaire moyenne pour les femmes admissibles à l'AE était de 298 $; pour les hommes, elle était de 360 $. Les femmes dans cette catégorie se trouvaient ainsi à 4 544 $ en dessous du seuil de la pauvreté, alors que les hommes étaient à 1 754 $ sous le seuil de la pauvreté. L'on ne peut donc aucunement prétendre qu'il s'agit de prestations généreuses.
Pour ce qui est de la durée des prestations, les femmes qui touchent des prestations d'AE risquent davantage de n'en bénéficier qu'à court ou à moyen terme; chez les hommes, la durée des prestations a tendance à être davantage à long terme.
Si l'on examine le pourcentage de bénéficiaires d'AE épuisant leurs prestations, là encore nous constatons une différence selon le sexe: 30,4 p. 100 des femmes épuisent leurs prestations d'AE, contre seulement 26 p. 100 des hommes.
J'aimerais maintenant changer de cap et parler un petit peu de l'aide sociale et de l'AE, après quoi, je le promets, je m'arrêterai.
Ce qui se passe au Canada est que l'assurance-emploi, qui est censée être le programme social de premier recours, est en train d'être éclipsée par l'aide sociale dans plusieurs provinces. Il y a un bien plus grand nombre de personnes qui bénéficient d'aide sociale, et qui sont en chômage, que de personnes qui touchent des prestations d'AE. L'aide sociale est bien sûr censée être le programme de dernier ressort, et non pas de premier recours.
Les dépenses au titre de l'aide sociale et de l'AE se rejoignent presque, même si l'aide sociale est censée être un petit programme destiné aux personnes qui ne sont pas admissibles à l'AE ou qui se trouvent dans l'impossibilité d'obtenir un emploi.
La question est la suivante: que faire et quelles réformes apporter?
Bonjour à tous. Mon nom est Danie Harvey et je suis du Conseil national des chômeurs et chômeuses. Au nom de notre organisation, je vous remercie de nous avoir invités.
Notre organisation réunit plusieurs groupes de chômeurs, dont certains ont une trentaine d'années d'expérience dans la défense des droits des chômeurs. Depuis quelques années, nous avons été aux premières lignes de nombreuses campagnes de sensibilisation de l'opinion publique pour non seulement dénoncer le détournement de la caisse de l'assurance-emploi, mais aussi, et surtout, pour réclamer un meilleur régime d'assurance-emploi. Nous voulons donc, à la lumière de nos revendications, vous faire part des modifications à apporter au régime d'assurance-emploi pour que, selon nous, les femmes puissent bénéficier d'un régime efficace.
Le monde du travail vit actuellement des changements économiques majeurs qui ont des répercussions négatives sur la réalité des femmes. Les emplois atypiques sont plus nombreux, et différents secteurs d'activité sont touchés. Que l'on pense au travail à temps partiel, temporaire, sur appel, occasionnel, autonome ou à domicile, 40,2 p. 100 des femmes en emploi occupent ce type d'emploi. Lors d'une perte d'emploi, 59 p. 100 des femmes n'ont pas accès à l'assurance-emploi puisqu'elles n'ont pas accumulé suffisamment d'heures pour y avoir accès. Elles devront donc cumuler plusieurs emplois simultanément pour y arriver, gérer des horaires difficiles, et dans certains cas — pour les emplois saisonniers par exemple —, dans un laps de temps très court, environ 14 semaines de travail, ces femmes devront travailler sept jours sur sept.
Je suis de la région de Charlevoix, et cette région possède une économie saisonnière. Je vois fréquemment des femmes qui cumulent trois ou quatre emplois, travaillent sept jours sur sept, pendant 14 semaines au minimum et même au maximum, dans certains cas. Si on abaissait le critère d'admissibilité, cela faciliterait l'accès à l'assurance-emploi car, je le répète, 59 p. 100 des femmes ne peuvent y avoir accès. Il faut abaisser ce nombre d'heures et en faire un critère unique de 350 heures, et ce, peu importe le lieu de résidence, puisqu'il existe actuellement, à notre avis, des illogismes percutants. Deux employés d'un même lieu de travail, par exemple, pourraient ne pas avoir droit à l'assurance-emploi dépendamment de leur lieu de résidence. C'est une chose qu'on voit aussi fréquemment dans notre pratique. On se demande pourquoi une telle différence, tout à fait arbitraire, entre une région et une autre. Une perte d'emploi n'a-t-elle pas la même conséquence pour toute personne, peu importe son adresse civique?
Nous savons tous et toutes que les femmes représentent plus de 60 p. 100 des travailleurs au salaire minimum. Nous savons aussi qu'elles représentent 46 p. 100 de l'ensemble des salariés. Devant cette réalité, n'y a-t-il pas lieu de s'interroger sur la pertinence de maintenir le délai de carence? Pourquoi existe-t-il, si ce n'est pour appauvrir davantage? Certaines femmes doivent combiner plusieurs emplois, et lorsqu'elles réussissent à mettre un peu d'argent de côté, le délai de carence gruge toutes les économies durement gagnées durant la période d'emploi, parce qu'il faut bien continuer à payer le loyer et l'épicerie. L'abolition du délai de carence devient maintenant une évidence, un délai administratif inutile et aberrant qui prive de revenu des gens déjà lourdement appauvris par la perte d'un emploi.
De plus, le taux des prestations d'assurance-emploi fixé à 55 p. 100 a aussi des conséquences économiques désastreuses. Lorsqu'une personne travaille au salaire minimum, ses prestations d'assurance-emploi équivalent à 4,68 $ l'heure, ce qui n'est même pas assez pour payer une livre de beurre. Nous savons tous et toutes que c'est le lot de beaucoup de femmes, monoparentales de surcroît.
Selon Statistique Canada, une femme seule doit travailler près de 51 heures par semaine pour atteindre le seuil de faible revenu. Pour une femme monoparentale avec deux enfants, ce sont 78 heures de travail par semaine qu'elle doit accomplir pour à peine se sortir de la pauvreté. Comment joindre les deux bouts quand, avant de recevoir une première prestation, il peut s'écouler plus d'un mois?
Dans le travail saisonnier estival, il faut noter que la perte d'emploi coïncide souvent avec la rentrée scolaire. Mesdames, nous croyons sincèrement que le régime d'assurance-emploi doit être modifié et amélioré pour mieux répondre aux besoins des travailleurs et travailleuses. Il faut en faciliter l'accès, décadenasser l'accès, comme disait un éditorialiste de La Presse, en fixant un critère unique d'admissibilité. Il faut augmenter le taux des prestations en le calculant sur les 12 meilleures semaines. Il faut aussi abolir le délai de carence. Ces mesures sont responsables et visent à aider les travailleurs et les travailleuses qui perdent leur emploi.
J'aimerais aussi, avant de conclure, vous faire part d'une situation qu'on doit aussi mettre en lumière, celle des aidantes naturelles. Ce sont des femmes qui, souvent, doivent quitter leur emploi pour prendre soin d'un enfant, d'un parent âgé ou d'un parent malade. La loi stipule que ces femmes peuvent recevoir des prestations d'assurance-emploi, mais elles s'y voient refuser l'accès parce qu'elles ne sont pas disponibles pour travailler. Je travaille avec plusieurs groupes communautaires de femmes atteintes de cancer ou de maladies graves, et un cas m'est rapporté fréquemment. Pour vous donner un exemple qui est typique qu'on retrouve dans ma région de Charlevoix, je vous dirai que les gens doivent travailler 600 heures pour avoir accès aux prestations de maladie de l'assurance-emploi. C'est la même chose partout, mais chez nous, le travail saisonnier peut représenter de 450 à 525 heures, tout au plus.
Comment avoir droit à des prestations de maladie de l'assurance-emploi, quand on n'a pas les 600 heures requises? On doit se battre pour sa vie, dans le cas d'un cancer, et il faut compter plus de 15 semaines pour s'en remettre. Je parle d'un cas de cancer, mais ce pourrait être un cas de dépression majeure, qui prend autant de temps à guérir. Il y a des choses à faire au chapitre des prestations de maladie pour aider les femmes davantage.
Il existe un large consensus au sein de la société pour réclamer du gouvernement de telles améliorations, particulièrement dans le présent contexte de crise et de difficultés économiques.
Je vous remercie.
:
Je suis Micheline Dépatie, de Saint-Hyacinthe au Québec. Je suis célibataire.
Je suis sur le marché du travail depuis l'âge de 15 ans. J'ai travaillé, entre autres, 25 ans dans une épicerie à raison de 39 heures par semaine. On a vécu un conflit collectif à la suite d'une demande patronale voulant qu'on soit disponible sept jours et sept soirs, sans un nombre d'heures garanti. C'est ce que vivent présentement les travailleuses des magasins et des épiceries à grande surface. Cela les empêche de cumuler deux emplois.
Après ce conflit, il y a eu fermeture. Or, à 50 ans, il n'était pas évident pour moi de trouver un autre emploi. En raison de tout ce stress, j'ai reçu un diagnostic de fibromyalgie et de diabète, ce qui m'a contrainte à ne travailler que 25 heures par semaine, au maximum. Je tiens cependant à travailler pour garder mon moral et ma fierté. Je ne tiens pas à être à la charge de l'État.
Je suis présentement à l'emploi d'une cafétéria à l'Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe. Ce travail me permettait de ne travailler qu'environ cinq heures par jour. Il s'agit d'un travail saisonnier; mon horaire suit celui des étudiants et je suis en congé l'été. Au début de cet emploi, je travaillais 25 heures par semaine, mais à cause du contexte économique actuel, on a réduit mes heures de 15 à 9 heures par semaine, au tarif horaire de 8,64 $.
J'ai rempli ma demande d'assurance-emploi au mois de décembre. Pour cette année, j'ai droit à 21 semaines à 144 $. Présentement, en 9 heures ou 15 heures, je ne pourrai pas accumuler les 600 ou 700 heures nécessaires pour être admissible à l'assurance-emploi. C'est dur pour le moral et stressant. J'ai donc dû abandonner mon logement, devenir aidante naturelle et aller demeurer avec ma mère pour en prendre soin et économiser de l'argent.
J'aimerais que le nombre d'heures et de semaines d'attente soit réduit. Il n'est pas facile, quand on se retrouve sans emploi, d'attendre cinq semaines pour recevoir un petit chèque de 144 $. On fait son possible pour accumuler le nombre d'heures requis et on ne peut pas se permettre d'être malade ni aucun écart. À chaque paie, on compte ses heures pour vérifier si on sera admissible. J'aimerais que vous puissiez diminuer les heures requises pour être admissible à l'assurance-emploi, de même que les semaines d'attente.
Merci.
:
Oui, je suis heureux que vous posiez cette question. Je n'ai pas eu beaucoup de temps pour m'épancher là-dessus.
Nous oeuvrons depuis un ou deux ans à un énorme projet dans le cadre duquel nous nous penchons sur ce que nous avons appelé l'architecture, comme vous l'avez dit. L'un des problèmes, lorsqu'on parle d'assurance-emploi, un vaste programme de soutien, est qu'il y a ensuite l'aide sociale, et il n'y a pas du tout de lien entre les deux choses. Or, ce sont deux programmes énormes et coûteux qui sont censés aider les Canadiens en chômage.
Comme vous l'avez dit, notre proposition serait qu'au lieu qu'il y ait un programme d'assurance-chômage unique comme ce que nous avons à l'heure actuelle, il y ait deux programmes. L'actuel programme d'assurance-emploi serait davantage un programme d'assurance sociale car, comme vous l'avez dit, le contrat d'assurance sociale entre les Canadiens qui ont cotisé et le gouvernement est rompu.
Il est parfaitement choquant que l'on ait un programme d'importance qui ne couvre aujourd'hui que 43 p. 100 des chômeurs. Cela est incroyable. Les gens sont en train de se faire avoir; ils n'en ont pas pour leur argent. Nous aurions une assurance-chômage — un programme d'assurance-chômage plus solide. L'actuel taux de remplacement du revenu est de 55 p. 100, ce qui est très faible; nous aimerions qu'il passe à 70 ou 75 p. 100. Il était de 66 p. 100 dans les années 1970. Un tel programme d'AE n'aurait pas de composante régionale, ce qui est à mon sens un aspect pervers de l'actuel régime et qui plus est est très injuste envers les Canadiens.
Le problème est que vous allez toujours avoir des personnes qui entrent sur le marché du travail et qui en sortent ou qui ne parviennent qu'à se trouver un emploi à court terme ou à temps partiel, ou encore qui ne recherchent que ce genre de travail et qui ne vont en réalité jamais véritablement s'insérer dans le cadre d'un programme d'assurance sociale comme l'assurance-chômage. Ce que nous pensons c'est qu'il y aurait lieu de créer un genre de programme différent pour aider ces personnes, afin que l'on puisse, grâce aux deux programmes, couvrir tous les Canadiens en chômage.
Une option pour les prestations parentales et de maternité serait qu'on les retire du programme d'assurance-emploi pour les verser dans ce nouveau programme dont nous parlons, un programme de revenu temporaire, et que ce soit par ce mécanisme que les gens touchent leurs prestations. Comme vous le savez, le Québec est déjà engagé dans ce genre de réforme, ce qui est, je pense, une bonne chose.
Il est également possible que l'on rattache d'autres prestations dites « spéciales » à ce nouveau programme. Le nouveau programme ne serait pas fondé sur les primes, comme c'est le cas du régime d'assurance-emploi. Il serait financé à même les recettes générales, comme c'est le cas d'autres programmes, dont les pensions de vieillesse.
Il me faudrait m'arrêter là, mais nous avons également envisagé des changements à l'assistance sociale, ce nouveau programme fédéral de revenu temporaire que nous envisageons venant soulager les provinces d'une part importante de leur volume de cas sociaux, leur permettant ainsi de se concentrer davantage sur la préparation à l'emploi. Nous avons un genre d'architecture qui comporte plusieurs blocs. Mais vous avez tout à fait raison.
Mon souci est que même si l'on établissait un critère d'admissibilité uniforme — et je suis à ce sujet d'accord avec le CTC — et améliorait la durée et le calcul des prestations, il demeurerait un important volant de Canadiens en chômage qui ne cadreraient tout simplement pas avec ce genre de programme. Voilà comment nous voyons les choses.
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Eh bien, d'après ce que j'en sais, cela correspond plus ou moins à ce que vous avez dit. Il y a, je pense, quelques problèmes avec cette norme variable d'admissibilité. Il y en a un que j'ai mentionné, et que je répéterai, mais il y en a un autre dont je n'ai pas fait état. L'assurance-chômage — ce doit être clair pour les membres du comité — est un programme très complexe. J'oeuvre dans ce domaine depuis 30 et quelques années, et l'assurance-emploi et l'aide sociale sont en fait les deux programmes qui sont les plus difficiles à comprendre, car ils sont semblables, en ce sens qu'ils sont incroyablement compliqués et qu'ils ne sont pas transparents. Il est très difficile de comprendre véritablement ce qui se passe.
La norme variable d'admissibilité rend d'après moi incompréhensible pour les Canadiens le programme d'assurance-emploi. Premièrement, je ne pense pas que les Canadiens comprennent vraiment que le montant d'argent qu'ils vont toucher, voire même leur admissibilité à des prestations, dépendent de l'endroit où ils vivent. Ce que je veux dire par là est qu'une personne en chômage est une personne en chômage, qu'elle vive dans une zone à faible taux de chômage ou dans une zone à fort taux de chômage. Je ne vois pas comment on peut le savoir. Vous savez, les primes ne sont pas établies en fonction des zones de chômage. Les primes que nous versons à l'appui du régime ne sont pas variables; nous payons tous les mêmes cotisations, bien sûr. Mais ce que vous touchez en bout de ligne dépend de l'endroit où vous vivez.
Il est à mon sens inique que nous ayons un programme qui soit à cet égard si discriminatoire.
Si vous avez une personne qui est en chômage et qui habite une région à faible taux de chômage, cela ne signifie pas forcément qu'il lui sera plus facile de se trouver un emploi qu'une personne en chômage vivant dans une région à fort taux de chômage. Cela ne tient tout simplement pas debout pour moi. Voilà le problème que j'ai.
Et cela a une incidence non seulement sur votre accès à l'AE, mais également sur la durée de vos prestations, car cela aussi varie selon la région. Encore une fois, donc, vous avez deux personnes, et disons qu'elles réussissent toutes les deux à obtenir l'assurance-emploi; selon le taux de chômage existant dans la région où elles vivent, elles vont y avoir droit pendant plus ou moins longtemps. Ce que je veux dire par là c'est que je ne sais pas comment vous pouvez dire à quelqu'un: dommage, vous n'y avez droit que pendant 20 semaines, mais vous y avez droit pendant 30 semaines, parce que vous habitez une zone de chômage différente.
Non seulement cela brouille notre compréhension du programme, mais je trouve cela parfaitement injuste. Je ne vois pas comment la chose est possible. Je veux dire par là qu'il y a deux grandes injustices: primo, la plupart des personnes en chômage ne sont pas admissibles au régime et, deuxio, si vous y êtes admissible, ce que vous touchez dépend du taux de chômage dans votre région. Je ne peux accepter ni l'une ni l'autre des ces contraintes.
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Idéalement, je dirais qu'aucun régime d'assurance-chômage, qu'il s'agisse du régime d'AE que nous avons ou du deuxième, que nous proposons, ne devrait tenir compte des taux de chômage. Je ne pense pas que ce soit juste et je n'y vois aucune justification. Cependant, nous vivons dans un monde de politique — ceux d'entre nous qui oeuvrons dans le domaine de la politique publique — et l'assurance-chômage est l'un des programmes les plus controversés et les plus politiquement dangereux à tenter de réformer.
La réalité, donc, est que si vous dites que vous allez créer un nouveau régime sans distinction régionale aucune en fonction du taux de chômage, il va y avoir des perdants et des gagnants. Il va y avoir des personnes qui vont toucher des prestations inférieures à ce qu'elles obtenaient en vertu de l'ancien régime. C'est toujours le problème lorsque vous avez un vieux système irrationnel et une proposition rationnelle. Si vous adoptez la proposition rationnelle, il y aura des personnes qui toucheront moins dans le cadre du nouveau régime que dans le cadre du régime antérieur.
La raison pour laquelle nous avons proposé cela est la suivante. Si, pour des raisons politiques, le gouvernement insistait pour conserver un certain aspect du chômage régional — ce pourrait également être plus simple, car il n'est pas nécessaire qu'il y ait autant de régions —, alors cela pourrait être intégré dans ce régime de revenu temporaire. Vous pourriez l'y intégrer, si vous le vouliez. Ou bien, cela pourrait varier selon la province. L'un de aspects intéressants de la prestation fiscale pour le revenu de travail — qui est en vérité l'une des formidables nouvelles choses qu'ait offertes l'actuel gouvernement — est que le modèle du programme, bien qu'il s'agisse d'un programme fédéral, puisse être modifié par les provinces. Cette flexibilité est réellement un très bon élément, et c'est le genre de fédéralisme qu'il nous faut — vous savez, les différents paliers de gouvernement.
Avec, donc, le genre de proposition que nous faisons, vous pourriez avoir une situation dans laquelle le fédéral et les provinces travailleraient ensemble pour varier les règles d'une province à l'autre, même s'il s'agit d'un programme fédéral, et cela pourrait tenir compte, si vous voulez, des taux de chômage.
Je n'en aime pas l'idée, mais le côté politique est tel que lorsque vous apportez un changement, vous allez toujours avoir des problèmes avec... Je n'aime pas employer le terme « perdants », mais nous parlons de cela en travail d'analyse politique. Il y a des personnes qui ne vont pas toucher autant qu'auparavant.
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J'aimerais traiter de manière générale de l'équité salariale dans son application en l'espèce. Les femmes dans le secteur public fédéral ont, bien sûr, lutté pendant longtemps pour obtenir l'équité salariale. Cela a, en passant, bénéficié à d'autres femmes également. Cela a amené une augmentation des salaires payés ailleurs. La réalité est que nombre d'entre nous autour de cette table luttons depuis très très longtemps pour obtenir une rémunération équitable pour les femmes.
Pendant les années 1980, nous avons fait quelques pas en avant, mais voici que nous reculons maintenant. En moyenne, nous en sommes à environ 70,5 cents au dollar pour les femmes. Pour ce qui est des femmes à l'échelle du pays, c'est 64 cents au dollar si vous êtes une femme de couleur, 46 cents au dollar si vous êtes une femme autochtone, et les femmes handicapées en sont à peu près à la moyenne nationale, mais elles affichent un taux de chômage de 75 p. 100. Tout cela intervient.
Si vous êtes syndiqué, ce qui est le cas de nombreux fonctionnaires, c'est environ 93 cents au dollar. Très clairement, cela empêche les femmes de faire progresser leur salaire dans le secteur syndiqué, ce qui a un effet en cascade sur les autres.
Cela a une incidence sur l'assurance-emploi. Même lorsque vous prenez les femmes qui travaillent à plein temps tout au long de l'année, si nous gagnons moins en moyenne que les travailleurs du sexe masculin, lorsque nous nous retrouverons en chômage, nos prestations d'AE vont elles aussi être inférieures.
C'est toute la boucle qui intervient dans cette lutte des femmes pour obtenir l'équité salariale. Lorsqu'elles sont au chômage, du fait de n'avoir pas bénéficié de l'équité salariale, elles n'ont même pas l'équité dans le cadre du régime d'AE, qui est fondé sur ce que vous avez contribué. Nous avons en la matière bouclé la boucle.
Ce qui s'est passé sur le plan de l'équité salariale est absolument inique. Il n'y a pas équité salariale, mais iniquité salariale dans la fonction publique. Cela frappe les femmes à tous les âges et dans tous les stades de leur vie. Peu importe que vous soyez une femme en chômage, une jeune femme, une femme au milieu de sa carrière ou une femme âgée. Si vous avez gagné moins pendant votre vie, vous toucherez une plus petite pension. La seule chose que vous avez plus de chances de connaître c'est la pauvreté. Voilà ce que vous avez de meilleures chances de vivre.
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Oui, nous en avons, et nous mettons sans cesse à jour nos dossiers avec les statistiques tragiques que l'on relève malheureusement.
Souvent, lorsqu'on parle de la crise dans le secteur manufacturier, les gens continuent d'y voir un visage masculin. Il y a très clairement des centaines de milliers d'hommes qui ont perdu leur emploi dans le secteur manufacturier. Mais la réalité est que même si les femmes comptent, je pense, pour environ 30 p. 100 des emplois dans le secteur manufacturier, en ce qui concerne le pourcentage d'emplois perdus... Encore une fois, les chiffres sont compliqués. Il y a plus d'hommes que de femmes qui travaillent dans le secteur manufacturier, mais si l'on regarde le pourcentage de personnes qui y ont perdu leur emploi, c'est le cas de 9 p. 100 des femmes comparativement à 7 p. 100 des hommes.
Ce que l'on constate, donc, c'est que les femmes perdent leur emploi de manière disproportionnée, et, encore une fois, c'est la vieille histoire du « dernier embauché, dernier mis à pied ». Nous perdons donc nos emplois de manière disproportionnée, et il nous faut mettre le visage des femmes sur la crise du secteur manufacturier, car il y a en effet beaucoup de femmes qui travaillent dans le secteur automobile. Je connais le cas de deux jeunes femmes, l'une dans la vingtaine et l'autre dans la trentaine, et elles ont toutes les deux perdu leur emploi. Il y en a beaucoup d'autres encore comme elles, mais il y a également beaucoup d'autres femmes dans quantité d'autres volets du secteur manufacturier et qui ont connu le même sort.
Lorsque vous songez aux pertes d'emploi, vous ne pensez pas forcément à l'usine Hershey, mais elle appartient elle aussi au secteur manufacturier et ce sont là encore de bons emplois que des femmes ont perdus.
Encore une fois, ce que nous constatons est que des femmes sont en train de perdre leur emploi et ce qu'il y a pour les remplacer ce sont des emplois à temps partiel ou occasionnels, sans avantages sociaux et à bas salaire. Et — devinez quoi? —, lorsque ces emplois-là disparaîtront, ces femmes ne pourront pas accéder à l'AE, n'y étant pas admissibles du fait de ne pas avoir accumulé suffisamment d'heures.
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Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup à tous nos invités d'aujourd'hui. Nous avons, je pense, entendu de très intéressantes idées.
J'aimerais faire quelques commentaires, après quoi j'aurai une ou deux questions. Je vais dire ce que j'ai à dire, pour ensuite entendre vos réponses.
L'une des choses qui a été dite plusieurs fois ici aujourd'hui est que la plupart des gens ne choisissent pas d'être en chômage et de rester assis à ne rien faire. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Nous représentons tous des résidents de nos circonscriptions dont nous savons qu'ils se démènent pour se trouver des emplois et rester actifs.
Madame Dépatie, je tiens réellement à vous féliciter d'être ici et de nous avoir raconté votre histoire. Comme cela a été dit, malheureusement, votre cas n'est pas unique. Il existe de nombreuses histoires semblables. Je vous félicite pour votre force de caractère ainsi que pour la façon dont vous vous êtes attaquée aux problèmes.
Il a également été dit que le régime d'AE est fondé sur ce que l'on a contribué. Je pense, madame Byers, que c'est vous qui avez dit cela. Si ce n'est pas la bonne méthode, alors sur quoi le régime devrait-il être fondé, et comment le financeriez-vous? Voilà une question.
Deuxièmement, j'ai constaté, pendant mon travail de recherche, que le Congrès du travail du Canada avait proposé plusieurs recommandations en vue de réformes, dont l'augmentation de la période de prestations pour la porter à 50 semaines, ce qui est quelque chose que nous avons recommandé. L'investissement d'une partie du surplus dans de meilleurs programmes de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre est encore une autre chose que nous avons recommandée. Pourriez-vous nous expliquer pour quelle raison vous appuieriez ces mesures et de quelle manière les deux que je viens de mentionner aideraient les Canadiens?
L'autre chose que j'aimerais souligner est la divergence dans les statistiques dont nous disposons. Nous avons discuté des femmes qui travaillent à temps partiel. Les chiffres que nous avons obtenus à notre dernière réunion disaient que les femmes travaillant volontairement à temps partiel comptaient pour 78,4 p. 100, tandis que le pourcentage était de 75,4 p. 100 pour les hommes. Je trouve très difficile de tirer véritablement au clair la situation lorsque nous sommes sans cesse confrontés à des chiffres différents. Ce sont les chiffres de Statistique Canada que je viens de vous donner.
Voilà les commentaires que j'avais à faire, et je vous invite maintenant à répondre.
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Très bien. Et je sais que la présidente souhaiterait que je fasse vite.
Premièrement, j'aimerais revenir sur la divergence dans les statistiques. C'est précisément ce dont nous avons parlé plus tôt, soit que l'on ne creuse pas suffisamment pour déterminer pourquoi c'est volontaire.
Je peux très bien choisir volontairement de travailler à temps partiel parce que je n'ai pas de service de garde d'enfants me permettant de faire autrement. Si j'ai un conjoint, je vais peut-être travailler à temps partiel parce que je sais que je pourrai ainsi m'organiser autour de l'horaire de mon conjoint. Et bien des fois c'est la femme qui fait ce choix du fait qu'elle ne gagne pas autant.
En ce qui concerne le fait que ce soit fondé sur les cotisations, ce que nous disons est qu'il y a d'autres éléments sociétaux qui interviennent ici. La question de l'équité salariale ou de l'iniquité salariale cadre très clairement dans ce débat, mais cela cadre également dans la discussion de la question de savoir comment les femmes peuvent cotiser si elles ne travaillent pas à plein temps tout au long de l'année.
Alors, oui, il va y avoir des écarts quant au niveau de revenu, mais ceux-ci sont exacerbés par les types d'emplois que nous ne choisissons pas toujours volontairement d'accepter, car nous occupons des emplois à temps partiel et nous aimerions bien avoir un emploi à plein temps.
Pour ce qui est de porter la durée de prestations à 50 semaines, nous pensons que cela est important, absolument. Nous dirions que cela devrait être augmenté de manière générale, afin que les gens de partout au pays aient ce même droit, car, comme l'a souligné M. Battle, lorsque vous êtes en chômage, vous êtes en chômage. Il y a d'autres choses qui interviennent ici, comme je le disais. Mais la réalité est que si vous n'y avez pas accès, vous ne pouvez pas avoir les 50 semaines.
Il en est de même en ce qui concerne la formation. Nous croyons, certes, dans la formation. Mais j'ajouterais que ce dont les gens dans cette pièce n'ont pas parlé est le fait qu'il y a un surplus de 55 milliards de dollars que les gens ont versé dans le régime d'assurance-emploi et qu'il y a des gens qui, bien qu'y ayant contribué, ne peuvent toujours rien en retirer.
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En ce qui concerne cette question de chiffres différents, il s'agit ici encore de quelque chose de compliqué. Mais les chiffres dont nous parlons, pour ce qui est de la couverture, sont très simples. Il s'agit du nombre de personnes qui touchent des prestations d'assurance-emploi ordinaires divisées par le nombre de chômeurs.
Ce que fait le gouvernement c'est ceci. Son argument contradictoire est que le dénominateur, soit le nombre des chômeurs, est trop large. Par exemple, on a inclus les travailleurs autonomes. Eh bien, les travailleurs autonomes ne font pas partie du programme. Ou alors, on a inclus quelqu'un qui est un nouvel entrant sur le marché du travail et n'est donc pas inclus.
Ce qui se passe donc, en gros, est que Statistique Canada et la Commission de l'assurance-emploi s'entendent sur une définition avec un dénominateur plus restreint. Ils disent, eh bien, ce ne sont pas toutes les personnes sans emploi qui méritent les prestations, alors nous allons élaguer. Cela fait une différence.
Ce que nous nous disons est que nous croyons que les personnes qui sont sans emploi devraient toucher l'assurance-chômage. Nous ne voulons pas limiter cela à certaines personnes qui sont en chômage, mais englober tous les chômeurs.
Et il y a du pour et du contre dans toutes ces définitions. Comme le disait Barb, il existe neuf définitions de ce que c'est que d'être en chômage. Mais je pense qu'il est important d'avoir une vision plus large des choses.
J'aimerais dire encore quelque chose, rapidement, sur ce que vous touchez comparativement à ce que vous avez contribué, sous forme de primes. Ce n'est pas comme cela que les choses fonctionnent. Dans le cas des régimes de pensions du Canada et du Québec, vos prestations sont liées à vos cotisations. Dans le cas de l'AE, le montant des prestations est fondé sur vos gains assurables, et le pourcentage est de 55 p. 100, ce qui est extrêmement faible comparativement à ce qui se fait ailleurs dans le monde. Ce n'est donc pas réellement fonction des cotisations que vous avez versées. Nous versons en fait tous la même cotisation. C'est tout simplement que les prestations que vous touchez sont fonction de vos gains assurables.
Une chose qui est arrivée — je n'ai pas eu l'occasion d'en faire mention — est que le gouvernement a gelé pendant environ 10 ans le niveau maximal de gains assurables, de telle sorte que les prestations maximales que vous pouviez toucher déclinaient chaque année en fonction de l'inflation. Et c'est pourquoi les prestations, toutes les prestations, sont inférieures à ce qu'elles étaient autrefois, car le maximum a été réduit. C'est ce que j'appelle une « politique furtive ». Les gens ne comprennent pas, mais lorsque vous n'indexez pas une prestation, alors sa valeur recule au fil du temps.
Un autre problème avec un programme aussi complexe...