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AFGH Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan


NUMÉRO 016 
l
2e SESSION 
l
40e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 25 novembre 2009

[Enregistrement électronique]

(1530)

[Traduction]

    La séance est ouverte.
    Il s'agit de la 16e réunion du Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan. Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 10 février 2009 et aux deux motions adoptées par le Comité le mercredi 28 octobre 2009, le Comité reprend son étude du transfert des détenus afghans par les Forces canadiennes dans le contexte de son examen de la mission canadienne en Afghanistan.
    Vous vous souviendrez que nous avons prévu deux parties pour cette réunion. Nous allons d'abord entendre des témoins, après quoi nous aurons quelques questions internes à régler.
    Nous accueillons aujourd'hui le général à la retraite Rick Hillier, ex-chef d'état-major de la Défense, le lieutenant-général à la retraite Michel Gauthier, ex-commandant de la Force expéditionnaire du Canada, et, du ministère de la Défense nationale, le major-général David Fraser, directeur de projet et commandant désigné, Projet du renouvellement du quartier général interarmées.
    Messieurs, nous sommes très heureux de vous accueillir. Je crois que vous avez tous déjà comparu devant le comité. Vous connaissez la procédure : vous ferez vos déclarations liminaires, après quoi les membres du comité vous interrogeront.
    Vous dites, monsieur ?

[Français]

    J'invoque le Règlement, monsieur le président.
    Je veux attirer l'attention de mes collègues du comité sur le fait que les gens qui se trouvent devant nous aujourd'hui ont probablement tous vu les documents auxquels est reliée la déclaration assermentée de Richard Colvin. Ils ont probablement consulté tous les documents qui se trouvent au ministère des Affaires étrangères et qui ont été écrits en réponse à M. Colvin, toutes les notes de service, à des fins d'information ou de décision, envoyées au ministre des Affaires étrangères, tous les documents concernant le chef de la Défense nationale qu'Amnistie Internationale a déposés. Ils ont probablement consulté aussi tous les documents de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire et tous les rapports du ministère des Affaires étrangères sur les droits de la personne en Afghanistan. Les témoins qui sont devant nous aujourd'hui ont probablement eu accès à tous ces documents, alors que les membres du comité n'y ont pas eu accès.
    Par conséquent, je demande au comité que nous n'entendions pas les témoins avant d'avoir eu accès à l'ensemble des documents nous permettant de les interroger de façon correcte. Que ce soit aujourd'hui, après-demain ou la semaine prochaine, tant que nous n'aurons pas ces documents devant nous, nous serons en quelque sorte paralysés. Cette situation n'est pas équitable.

[Traduction]

    Vous avez la parole, monsieur Hawn.
    Monsieur le président, c'est absolument honteux. Nous avons entendu quatre témoins jusqu'à présent, sans documents. C'est simplement une manoeuvre pour ne pas donner la parole à l'autre partie parce que cela risque de démolir l'opinion qu'ils se sont déjà faite sur cette question. C'est absolument honteux. Ces messieurs ont été convoqués pour témoigner. Que les députés aient vu ces documents ou non n'est pas pertinent. Les témoins ont des choses à nous dire. Nous avons des questions à leur poser. Il s'agit simplement d'une manoeuvre dilatoire qui est absolument lamentable. S'ils continuent comme ça, nous n'aboutirons à rien.
    Je prends note de vos remarques, monsieur Hawn et monsieur Bachand.
    Pour vous répondre, monsieur Bachand, permettez-moi de dire que le comité a déjà entendu des témoins, sous ma présidence... Nous invitons des témoins qui sont experts dans certains domaines afin de pouvoir les interroger et de tirer profit de leurs connaissances. À mon avis, les trois témoins d'aujourd'hui peuvent certainement nous éclairer sur la question qui nous intéresse, dans le cadre des motions que nous avons adoptées.
    Je vais donner aux autres partis la chance de s'exprimer mais je peux dores et déjà vous dire que, selon moi, c'est pour cette raison que ces messieurs sont ici, pour nous permettre d'obtenir les informations qu'ils possèdent afin de nous acquitter de notre mandat.
    Quelqu'un d'autre veut-il s'exprimer de ce côté ?
     M. Wilfert puis M. Dewar.
    Monsieur le président, notre position est qu'il faut entendre les trois témoins. Nous aimerions évidemment voir les documents mais, à cette étape, ces trois messieurs sont ici et ils ont des choses à nous dire. Nous devons les écouter.
    M. Dewar.
    J'appuie la demande de documents. Toutefois, je pense que nous allons déposer une motion devant le comité pour les réclamer. En attendant, nous pouvons entendre les témoins présents aujourd'hui.
    Je veux également demander, comme je l'ai déjà fait, que le comité siège en public et non pas à huis clos lorsqu'il traitera de ses questions internes.
    Merci.
(1535)
    S'il devait y avoir un vote au sujet de l'audition des témoins, monsieur Bachand, je crois pouvoir dire, après avoir entendu les autres partis, que le vote serait favorable.
    Madame Lalonde, nous n'allons pas consacrer beaucoup de temps à cette question mais je tiens à savoir ce que vous avez à dire.

[Français]

    Cette motion vise à faire en sorte que l'opposition fasse le meilleur travail possible. Je ne doute pas du tout du temps que mes collègues ont mis à se préparer, mais comme moi, ils ont buté sur des difficultés. Les témoins sont d'honorables personnes qui se sont déplacées pour venir ici. Mais si nous recevons ensuite les documents et qu'à la lecture de ceux-ci, nous nous posons des questions et regrettons de ne pas avoir pu les consulter avant, serez-vous d'accord pour faire revenir ces témoins devant nous?

[Traduction]

    M. Hillier. Ou quelqu'un d'autre veut-il commencer ?
    Avez-vous préparé une déclaration écrite, monsieur Hillier?
    Je n'ai que quelques mots à dire, monsieur le président. Je n'ai pas l'intention de parler très longtemps, ce qui sera une première pour moi.
    Permettez-moi d'abord de vous remercier de votre invitation, monsieur le président. Toute cette affaire aura au moins produit une bonne chose, à mon avis : je me suis fait couper les cheveux pour la première fois en trois mois parce que je ne voulais pas me présenter mal soigné devant le comité.
    Monsieur le président, je suis heureux d'être ici et de pouvoir dire quelques mots pour essayer de replacer les choses dans leur contexte. Au départ, je ne croyais vraiment pas pouvoir ajouter quoi que ce soit d'utile à vos débats mais, après avoir suivi vos délibérations à la télévision pendant une dizaine de minutes un après-midi et avoir entendu dire que je suis un menteur et que j'ai fait preuve de négligence dans mes fonctions, je me suis dit que je devais vraiment venir ici pour présenter mon point de vue d'ex-chef d'état-major sur ce qui s'était produit pendant les deux ans et demi à trois ans qui vous intéressent.
    Me voici donc, ravi d'être devant vous.
    Permettez-moi d'abord d'établir le contexte du travail que nous avons entrepris, et qui continue, bien sûr, lorsque j'étais chef d'état-major de la Défense entre le 4 février 2005 et mon départ à la retraite, le 2 juillet 2008.
    Notre tâche durant cette période, et la mission qui m'avait été confiée par le premier ministre et par le ministre de la Défense nationale sous deux gouvernements successifs, représentait un très grand défi. Il s'agissait à toutes fins pratiques de rebâtir et de transformer les Forces canadiennes, ce qui signifiait plusieurs choses pour nous tous.
    Premièrement, cela signifiait que nous devions participer à l'élaboration d'une politique de la défense pour guider les dépenses, les actions et les changements, travail qui a débouché sur l'énoncé de la politique de la défense de 2005 et, ensuite, sur l'expression de la politique de la défense d'un gouvernement conservateur.
    Deuxièmement, cela signifiait que nous devions changer notre conduite des opérations internationales face à des menaces inédites, fondées sur des acteurs apatrides ou sur des États effondrés ou défaillants. Autrement dit, mener nos opérations internationales en assurant une coopération efficace et efficiente des forces de terre, de mer et de l'air sous un seul commandement et dans le cadre d'une mission à la fois unique et focalisée.
    Autrefois, je disais en plaisantant que nous avions une grande armée capable de travailler avec n'importe qui au monde, une grande marine capable de travailler avec n'importe qui au monde, et une grande armée de l'air capable de travailler avec n'importe qui au monde, mais qu'aucune n'était capable de travailler avec l'autre. Nous avons décidé de changer cela.
    Troisièmement, nous voulions transformer et remodeler notre approche des opérations au Canada et notre état de préparation pour venir en aide aux Canadiens en cas de besoin. Qu'il s'agisse de catastrophe naturelle, d'attaque de l'extérieur ou d'attaque de l'intérieur, nous voulions être le mieux préparés possible. Au fond, nous devions nous transformer en considérant le Canada comme un théâtre d'opérations.
    Quatrièmement et finalement, nous voulions gérer, modeler et transformer les programmes nécessaires pour faire toutes ces choses, c'est-à-dire l'acquisition du matériel dont nous aurions besoin dans ce nouvel environnement, la transformation de l'entraînement, la revitalisation du leadership et tous les autres éléments nécessaires pour assurer notre succès.
    Il s'agissait là de tâches très exigeantes, incontestablement, chacune concernant des dizaines de milliers de pièces, de gens et d'activités rien que pour lancer le mouvement. Je dis cela parce que, même si nous étions focalisés sur l'Afghanistan, nous avions une foule d'autres missions à mener en même temps.
    Nous avons prêté assistance à nos amis américains lors de l'ouragan Katrina, comme vous vous en souvenez. Nous avons déployé l'équipe DART lors du tsunami pour aider des gens en situation désespérée à la suite de cette terrible catastrophe. Nous avons à nouveau déployé l'équipe DART au Pakistan à la suite d'un tremblement de terre, tout en transférant, je me permets de le préciser, la mission de Kaboul vers Kandahar, un énorme défi en soi. Nous avons participé à l'évacuation de civils du Liban durant l'été de 2006. Nous avons lutté contre des incendies de forêt et contre des inondations, nous avons aidé la GRC à faire des saisies de drogue, nous avons mené des missions d'interdiction aérienne et des patrouilles pour protéger notre pêche et notre souveraineté. En bref, nous avons fait tout ce que notre nation attendait de nous. Tout cela faisait partie de notre tâche quotidienne.
    Cela étant, l'Afghanistan était notre mission primordiale. Nous avons mis en application la première décision du gouvernement, à l'automne de 2005, nous ordonnant de passer de Kaboul à Kandahar dans le but de travailler sous le commandement des Américains, au départ, puis de faciliter la transition de la structure de commandement américaine à une mission de l'OTAN dans l'ensemble de l'Afghanistan.
    Donc, notre mission a été transférée de Kaboul à Kandahar par le gouvernement précédent. Nous avons dû ensuite déménager et établir notre équipe provinciale de reconstruction de Kaboul à Kandahar tout en fermant le Camp Julien et en nous débarrassant de toutes les choses que nous avions à Kaboul. Nous avons dû nous préparer à déployer le groupe de bataille en 2006 — près de 2 000 soldats avec tous les éléments d'appui nécessaires — alors que, durant toute cette période, nous nous attendions à subir des attaques.
    Nous avons eu beaucoup de chance lors du transfert de notre EPR dans la mesure où nous n'avons pas été attaqués à ce moment-là, mais cette accalmie s'est terminée le 15 janvier 2006 quand nous avons subi notre première attaque au sud depuis notre groupe de bataille en 2005. Malheureusement, nous avons alors perdu notre diplomate, Glyn Berry; en outre, trois jeunes hommes incroyables, trois jeunes Canadiens incroyables, Paul Franklin, Will Salikin, et Jeff Bailey, ont été gravement blessés.
(1540)
    Nous avons dû nous organiser pour assumer le commandement du Commandement régional du Sud le 1er mars 2006 qui a bien sûr été placé sous le commandement de mon voisin de gauche, le brigadier-général David Fraser. Ensuite, nous avons dû travailler avec lui et avec toutes les autres nations de l'OTAN pour entreprendre la transition de cette mission de la structure de commandement américaine que j'ai mentionnée à la mission de l'OTAN elle-même.
    D'un seul coup, en 2006, nous nous sommes retrouvés en plein milieu d'une guerre. Nous avons mené des opérations de combat plus intenses que tout ce que nous avions pu connaître depuis la Guerre de Corée. Nous faisions face à un ennemi déterminé et impitoyable, composé de gens bien préparés, bien entraînés et totalement dévoués à leur objectif. Ce n'étaient pas des géants mais c'étaient de sacrés bons combattants. Les Talibans étaient au courant de la transition des États-Unis vers l'OTAN qui se préparait. Ils avaient le sentiment que les États-Unis étaient moins focalisés à cause des opérations en Irak et ils ont décidé d'en profiter. Ils ont dissimulé des combattants dans Kandahar et dans toute la province, surtout dans les districts de Zhari et Panjwayi, leur objectif étant de prendre le contrôle de la ville de Kandahar, ne serait-ce que psychologiquement. Autrement dit, s'ils pouvaient faire croire à la population que Kandahar était isolée et était sous leur contrôle et à leur merci, ils auraient presque aussi bien réussi que s'ils en avaient pris réellement le contrôle. Ils croyaient pouvoir dissimuler des combattants dans la ville et détacher celle-ci du reste du pays. Ils croyaient pouvoir discréditer l'OTAN, discréditer le Canada et, probablement, provoquer la chute du gouvernement afghan à Kaboul.
    Nous avons été confrontés à des embuscades, à des combats directs, à des engins explosifs improvisés, à des assassinats de civils, et tout ça a débuté au printemps de 2006. Par exemple, nous avons perdu quatre soldats au printemps de 2006, le 22 avril. Quatre magnifiques jeunes Canadiens — Matthew Dinning, Randy Payne, Myles Mansell et Bill Turner — ont été tués le 22 avril.
    Nous nous sommes retrouvés en plein milieu de combats intenses au printemps et à l'automne de 2006. Nous avons constaté aussi durant cette période que les Talibans changeaient de tactique car, outre les embuscades, les engins explosifs improvisés et les attentats-suicides, ils étaient maintenant prêts à nous attaquer de front avec des centaines de combattants. Des centaines de combattants talibans déployés dans la région de Zhari et Panjwayi étaient prêts à se battre à la mort contre nous. Cette phase a trouvé son apogée — selon nous — à la fin de l'été et au début de l'automne de 2006 avec l'opération Medusa, lorsque nous avons participé à des combats très durs contre plusieurs milliers de Talibans masqués. Nous avons subi de nombreuses pertes, des soldats ont été tués et d'autres ont été blessés. Nous avons commencé à transformer la manière dont nous allions réagir à cette situation, c'est-à-dire aussi bien aux dépouilles des soldats tués qu'aux soldats blessés, en transformant la manière dont nous nous occuperions de leurs familles et la manière dont nous nous occuperions de leurs camarades de combat.
    Nous avons aussi réalisé, après une décennie de noirceur qui représentait l'aboutissement de nombreuses années de coupures budgétaires et d'absence de soutien, qu',une partie de notre équipement était complètement inadaptée à cet environnement. C'est à cette époque-là, par exemple, que nous avons commencé à nous débarrasser de nos plus vieilles jeep qui n'étaient tout simplement plus acceptables.
    Mon objectif durant cette période était d'assurer la survie de nos jeunes soldats, de nos fils et de nos filles. C'était ma toute première préoccupation, et celle de la chaîne de commandement. Je n'aurais pas toléré qu'il en fût autrement.
    Durant les opérations dont je viens de parler, nous avons également fait des prisonniers. Des hommes qui s'était rendus après de violents combats ayant causé des pertes dans nos rangs. Des hommes qui n'avaient plus de munitions et aucun moyen de s'échapper, des hommes ayant des résidus d'explosifs — de niveau 3 — sur les mains, ce qui signifiait qu'ils avaient manipulé des engins explosifs sophistiqués et avaient des résidus de poudre sur le corps. Des hommes qui résistaient violemment et physiquement à leur détention. Et des hommes qui ont tous étés traités de manière professionnelle, ce dont on doit absolument rendre le crédit à nos soldats canadiens et à leurs chefs, et les en féliciter, malgré l'émotion que suscite inévitablement le fait de s'emparer de quelqu'un qui vient de tirer sur votre ami ou de faire exploser le véhicule où se trouvaient les autres.
    Malgré tout cela, nous avons toujours assumé nos responsabilités, y compris à l'égard de ces détenus. Nous les avons traités avec professionnalisme et nos soldats ont fait un travail magnifique. Même dans les cas où il y a eu des plaintes, nous avons fait enquête et avons constaté qu'elles étaient sans fondement. Nous avions un accord gouvernemental passé par le gouvernement précédent avec le gouvernement afghan au sujet du transfert des détenus, et les responsabilités du gouvernement afghan y étaient clairement énoncées.
    Nous avons fourni les informations nécessaires au Comité international de la Croix-Rouge pour qu'il puisse faire son travail. Quand il nous disait que les informations n'étaient pas suffisantes ou n'étaient pas utiles, car, dans la plupart des cas, les Afghans ne nous donnaient que leur nom et refusaient de nous dire quoi que ce soit d'autre, nous ne pouvions rien faire de plus. Nous avons changé notre processus et avons changé notre système d'informations de façon à améliorer la situation.
    Nous avons appuyé le reste de l'équipe 3D dans son action, notamment en en protégeant les membres. Autrement dit, quand M. Colvin est allé visiter l'une de ces prisons ou d'autres sites en Afghanistan, il n'aurait pas pu le faire sans le travail, le soutien et la protection de nos soldats.
(1545)
    Nous continuons de collaborer avec les autres ministères pour résoudre les problèmes dont nous entendons parler. Nous avons mis sur pied un organisme d'enquête et avons institué une enquête sur la police militaire quand nous avons reçu des allégations, qui se sont avérées fausses, au sujet de notre traitement des détenus. Nous avons appuyé l'élaboration de l'accord supplémentaire. Durant cette période, simplement pour avoir l'assurance absolue que nous agissions de manière responsable, nous avons décidé que, si nous faisions d'autres prisonniers durant la période immédiate de négociation et de mise en application de l'accord supplémentaire, nous les garderions sous notre responsabilité en attendant la finalisation de l'accord supplémentaire et la mise en place du cadre de soutien nécessaire pour en assurer l'application. Autrement dit, nous voulions nous assurer que la capacité et le processus du MAECI étaient là, avec les ministères de soutien, pour appliquer l'accord supplémentaire. Nous avons mis fin totalement aux transferts le 5 novembre 2007, jusqu'à ce que les commandants sur place estiment qu'on avait mis en place le processus nécessaire, que nous pouvions assumer nos responsabilités et que nous pouvions faire tout ce qu'il fallait.
    Sur la base de toutes ces mesures — c'est-à-dire, de preuves sérieuses de mauvais traitements —, nous avons interrompu les transferts jusqu'à ce que les choses changent sérieusement en novembre 2007.
    Nous n'avons pas agi sur la base d'ouïe-dire, d'hypothèses ou de ragots. Nous ne nous sommes pas fondés sur les déclarations de détenus talibans ne pouvant être corroborées. Ma hiérarchie, avec mes visites sur place et mes vidéoconférences avec ses membres, me donnait toute confiance et elle ne m'a pas déçu.
    Nous ne nous sommes pas fondés sur des choses telles que les rapports rédigés en mai et juin 2006 où l'on ne parlait pas d'abus, de torture ou de quoi que ce soit d'autre qui aurait retenu mon attention et, évidemment, l'attention d'autres personnes.
    En regardant certains reportages à la télévision et en écoutant certaines des remarques de votre comité, j'ai commencé à m'interroger. Je me suis demandé si j'étais vraiment passé à côté d'une chose aussi grave que celle-là. Avais-je vraiment fait preuve de négligence dans mes fonctions?
    Ensuite, j'ai lu les rapports et j'ai réalisé que non, je ne les avais pas vus. Je lis très rarement les messages C4. Je n'y ai pas immédiatement accès, à moins que quelqu'un ne les porte à mon attention et, considérant ce qu'il y avait dans ces rapports, il n'y avait aucune raison qu'on les porte à mon attention. Après les avoir lus, j'ai la conviction absolue que tel fut le cas. J'ai également la conviction absolue qu'il n'y avait rien dans ces rapports qui eût pu amener le général Gauthier à venir m'en parler, encore une fois parce qu'ils ne contenaient rien. Quand l'auteur parle d'infrastructure et affirme que la prison de Sarposa est meilleure que celles des provinces d'Uruzgan et de Helmand, entre autres choses, il ne dit rien qui justifie l'intervention du chef d'état-major.
    Nous n'avons pas non plus fondé nos actions sur des déclarations indiquant que la plupart ou la grande majorité — je simplifie — des détenus que nous remettions aux Afghans étaient des cultivateurs innocents. Rien ne saurait être plus faux. Nous avons détenu, après des combats violents, des gens qui essayaient de tuer nos fils et nos filles, des gens qui, dans certains cas, y avaient réussi et continuaient de le faire. Des gens qui faisaient exploser des véhicules et lançaient des EEI contre nous et que nous avions pris sur le fait ou qui avaient sur les mains des résidus d'explosifs de niveau 3 ou des résidus de poudre.
    Certes, il nous est peut-être arrivé de détenir des cultivateurs à l'occasion mais il serait très difficile de dire s'il s'agissait de cultivateurs le jour qui devenaient des Talibans la nuit. Nous avons très rarement détenu des cultivateurs innocents et, si c'est arrivé, nous les avons presque toujours immédiatement libérés.
    Nous n'avons pas fondé nos décisions sur des déclarations telles que « tous les détenus étaient torturés ». Comment quelqu'un qui n'en savait rien pouvait-il dire une telle énormité? Nous n'avons certainement eu aucune preuve concrète que c'était le cas.
    Nous n'avons certainement pas fondé nos actions sur le fait que quelqu'un a dit que le MAECI disait à la Défense nationale des choses que nous ne voulions pas entendre. Les commandants peuvent en témoigner eux-mêmes — chacun et chacune d'entre eux, pas seulement les deux types assis à côté de moi — et ils vous diront qu'ils voulaient connaître la vérité, qu'ils la demandaient et qu'ils avaient besoin de la connaître parce que c'est comme ça que nous voulions faire notre travail.
    Nous n'avons pas non plus fondé nos actions sur le fait que quelqu'un a dit qu'il savait que le général Hillier était parfaitement au courant ou avait lu son rapport. C'est absolument faux. Il était impossible pour quiconque, surtout à 12 000 km de distance, ayant rédigé un rapport et l'ayant envoyé à de nombreux destinataires, de déterminer que je l'avais vu, d'autant plus que ce n'était pas le cas.
    Je voudrais également préciser qu'au moment du rapport du 26 mai et de celui du 2 juin, je me trouvais en fait sur le théâtre d'opérations avec le général Fraser. J'ai rendu visite à l'équipe provinciale de reconstruction et j'ai parlé à tous les gens qui étaient disponibles à ce moment-là. Durant cette période, j'ai fait de nombreux allers-retours et personne ne m'a jamais pris à part pour me dire quoi que ce soit. Personne ne m'a chuchoté à l'oreille : « Nous avons un problème et je l'ai mentionné dans un rapport ».
    Finalement, nous n'avons pas non plus fondé nos décisions sur le fait que quelqu'un affirme que le général Gauthier avait informé le général Hillier. Je le répète, à 12 000 km de distance, personne ne peut savoir ce que nous faisons, où nous sommes et à qui nous parlons. Quiconque prétend le contraire ment effrontément et se discrédite.
(1550)
    La seule chose que je suis prêt à accepter, dans les déclarations du témoin, c'est que le général Gauthier est un cabochard. C'est vrai, c'était une vraie tête de cochon, mais permettez-moi de vous dire ceci : c'était une tête de cochon dans les 20 années où je l'ai connu parce qu'il a toujours exigé des informations factuelles claires et sans ambiguïté, qu'il a toujours exigé que nos décisions soient fondées sur ces informations actuelles, et qu'il m'a toujours tenu redevable, puisque j'étais son supérieur, de veiller à ce qu'il ait une mission claire et précise, et à ce qu'il ait mon appui et celui du reste de la structure pour pouvoir faire son travail.
    Je crois que je vais en rester là, monsieur le président. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.
    Merci.
    Merci, monsieur.
    Général Gauthier, voulez-vous faire une déclaration? Vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

[Traduction]

    Évidemment, je tiens à vous remercier de m'offrir la possibilité de présenter mon point de vue sur certaines des questions importantes dont vous êtes saisis. Ce sont des questions graves, et j'espère, monsieur le président, que vous me donnerez un peu de latitude car je risque de dépasser un peu la limite de 10 minutes. Je crois avoir certaines choses importantes à vous dire.
    Commencez et nous verrons bien.
    Merci.

[Français]

    Je vais m'exprimer en anglais. Ma présentation sera principalement en anglais, mais je serai évidemment prêt à recevoir toute question en français.

[Traduction]

    Établissons d'abord le contexte.
    Le 1er février 2006, je me suis vu confier le commandement de la Force expéditionnaire du Canada, en étant son tout premier commandant basé ici, à Ottawa, et j'ai eu pour mission d'assumer au nom du chef d'état-major la responsabilité de toutes les opérations militaires canadiennes outre-mer dont, bien sûr, la mission en Afghanistan. J'ai assumé cette responsabilité pendant près de trois an et demi. Durant cette période, plus de 24 000 hommes et femmes ont servi sous mes ordres dans le cadre de 28 missions différentes autour de la planète.
    J'avais ici, à Ottawa, plus de 200 personnes civiles et militaires très compétentes composant mon quartier général. Beaucoup de ces personnes avaient servi en Afghanistan et toutes, je peux vous l'assurer, étaient totalement déterminées à écouter et à appuyer nos gens sur le terrain, qu'il s'agisse de gens des Forces canadiennes, des Affaires étrangères, de l'ACDI ou de quoi que ce soit d'autre.
    Je viens tout juste de prendre ma retraite après 36 années au service de mon pays au mieux de mes capacités, dont une bonne partie pour des missions très exigeantes. J'estime que c'est un honneur incroyable d'avoir reçu la confiance de mes supérieurs pour assumer la responsabilité de certaines des missions les plus importantes, les plus difficiles et les plus dangereuses des Forces canadiennes, pas seulement en Afghanistan, comme vient d'en parler le général Hillier, mais aussi en mer, avec certaines missions maritimes très dynamiques de sécurité et de lutte contre la piraterie qui présentaient leurs propres défis, tout à fait particuliers.
    La gravité de mes responsabilités et l'importance des enjeux en Afghanistan m'étaient sans cesse rappelés chaque fois que mon téléphone se mettait à sonner en pleine nuit, comme cela arrivait souvent, et que Dave Fraser ou quelqu'un d'autre me fournissait les détails attristants d'un nouvel incident pénible. La même expérience m'était accordée, et c'était pour moi une source d'humilité mais aussi de détermination renouvelée, chaque fois que je devais aller à Trenton, et c'est arrivé souvent, avec le général Hillier ou le général Natynczyk pour rencontrer des familles de soldats tombés, afin d'essayer de les réconforter durant les heures les plus sombres de leur vie.
    J'ai toujours eu profondément à coeur ma responsabilité à l'égard de la vie de nos soldats et du succès de nos missions. Dès que j'ai assumé la responsabilité de ces défis, en février 2006, je peux dire que toute la chaîne de commandement a compris que la politique relative aux détenus était une question difficile et extrêmement délicate, pour toutes les raisons que vous connaissez aujourd'hui. Mon rôle était de veiller à ce que cette politique, ainsi que toute instruction militaire émanant du CEMD, soit mise en oeuvre par nos commandants sur le terrain avec le plus de diligence possible et, évidemment, en respectant totalement le droit international. C'est ce que j'estime avoir fait, et oui, comme l'a dit le général Hillier, il m'est arrivé, de temps à autre, d'être une vraie tête de cochon.
    Avec le recul, il est facile de dire que la politique formulée en décembre 2005 n'était pas parfaite mais, considérant ce que nous comprenions à l'époque, je pense quelle était conforme aux obligations du Canada et qu'elle reflétait la situation sur le terrain.
    Début 2006, la force d'intervention en Afghanistan a collaboré étroitement avec un très petit nombre d'employés disponibles du MAECI, ainsi qu'avec d'autres par leur intermédiaire, pour instaurer une politique de transfert des détenus car il n'en existait pas réellement auparavant. Le général Fraser pourra vous donner des détails à ce sujet mais, à mes yeux, durant ces premiers jours et à tous les niveaux, nous étions confrontés à un niveau de complexité et d'ambiguïté défiant littéralement toute description et évoluant à un rythme incroyable. Le général Fraser avait plus de décisions à prendre en cinq minutes là-bas — je l'ai vu à l'oeuvre — que la plupart des personnes normales prennent au Canada en une journée, une semaine ou un mois.
    Surtout durant ces premiers jours, alors que COMFEC venait juste d'être créé et que la Force expéditionnaire en Afghanistan subissait littéralement son baptême du feu, il n'y avait pas vraiment de solutions parfaites aux centaines de problèmes que nous avons dû collectivement résoudre. Nous étions en guerre et, parfois, ce n'était pas beau à voir.
    Tout cela pour dire qu'entre février 2006 et le printemps de 2007, des gens sur le terrain ont établi le cadre de transfert des détenus tout en s'occupant de nombreux autres problèmes et qu'ils ont à cette occasion découvert et soulevé un certain nombre de questions devant être résolues. Vous avez recueilli des témoignages à ce sujet la semaine dernière.
    Je peux affirmer que, début 2007, alors que nous commencions à mieux comprendre la capacité des agences sur le terrain à surveiller les droits humains, en particulier, nous avons commencé à nous dire que nous devrions faire plus. En mars 2007, je peux vous dire — et vous pourrez demander à d'autres de vous le confirmer — qu'un processus interministériel piloté par le MAECI se consacrait totalement à la question des prisonniers.
(1555)
     Comme nous le savons tous, le gouvernement a annoncé début mai 2007 des modifications au dispositif de transfert des détenus. De ce fait, les agents civils canadiens ont été chargés de surveiller le statut de nos détenus au lieu de laisser cette tâche strictement à des agences indépendantes.
    Un peu plus tard, à partir de juin 2007, alors que le MAECI avait commencé à exercer cette surveillance, je crois qu'on a reçu une poignée de plaintes concernant des abus, et toutes ont été prises au sérieux et ont fait l'objet d'un suivi de la part de nos gouvernements. Aucune des allégations n'a été validée mais, en novembre 2007, on nous a signalé un cas de torture physique, durant une visite de contrôle. Cela nous donnait clairement des raisons solides de croire que nos détenus couraient un risque sérieux d'être torturés et nous avons donc cessé les transferts, comme l'a dit le général Hillier.
    Près de trois mois plus tard, après beaucoup de travail et d'autres améliorations apportées aux pratiques de l'ensemble du gouvernement sur le terrain, j'ai reçu fin janvier 2008 une évaluation signée par M. David Mulroney au nom des ministères concernés exprimant son opinion qu'il « existe à nouveau un contexte dans lequel il pourrait être approprié de reprendre les transferts de détenus ». C'était fin janvier 2008. Toutefois, le général Laroche, sur le terrain, n'était pas complètement satisfait à ce moment-là car il voulait avoir la preuve que les nouvelles mesures étaient efficaces et c'est donc seulement un mois plus tard, après avoir reçu cette évaluation, qu'il a pris la décision d'aller de l'avant et de reprendre le transfert de détenus aux autorités afghanes.
    Tout cela pour dire que la politique et les pratiques sur le terrain ont continuellement évolué, surtout à mesure que se développait la capacité de l'ensemble du gouvernement sur le terrain. Cela n'est pas différent de tous les autres aspects de cette mission incroyablement complexe. À mesure que nous comprenions mieux les réalités du sud de l'Afghanistan, semaine après semaine, mois après mois, l'équipe de l'ensemble du gouvernement et les forces militaires ont tiré les leçons et se sont constamment adaptées. Je peux vous garantir que rien n'était mis sous le boisseau, sur le théâtre d'opérations ou ailleurs.
    À CEFCOM, pour vous donner une perspective locale de la question, et pas une perspective complète d'Ottawa mais la perspective de mon quartier général, j'étais personnellement informé chaque jour de la situation des détenus. Cela faisait partie de la structure de mon information quotidienne. J'avais désigné au sein de mon équipe des personnes — un conseiller juridique, un conseiller de la police militaire, un conseiller de politique civile et des agents opérationnels — qui comprenaient très clairement que la question des détenus était une question d'importance primordiale qu'il fallait surveiller de très près, en plus des nombreuses autres choses importantes à faire. Et ces personnes très professionnelles et honnêtes étaient reliées à un réseau plus vaste de gens sur le théâtre, au QG de la Défense nationale, et encore plus dans les autres ministères, qui travaillaient ensemble et faisaient de leur mieux pour trouver des solutions raisonnables à des problèmes qui étaient loin d'être clairs.
    Je suis certain que nos commandants et nos gens sur le terrain étaient tout aussi sensibles à ce problème. À partir de la deuxième rotation de troupes, je m'adressais personnellement à une centaine de chefs de chaque force expéditionnaire à qui j'exposais en détail, parmi les nombreuses autres questions concernant leur déploiement, le fait que la situation des détenus était l'une des trois questions cruciales auxquelles ils devaient prêter une attention particulière. Faire autrement pouvait entraîner l'échec stratégique. Voilà l'importance que nous accordions à cela.
    Bien des gens d'agences différentes devaient s'occuper de cette question à tous les niveaux. Nos soldats ne sont ni des spécialistes des droits humains ni des agents de surveillance des droits humains, et ce serait une erreur de leur confier cette responsabilité. Le rôle de la hiérarchie militaire était de s'assurer que, dans nos activités de traitement et de transfert des détenus, nos actions étaient conformes au droit international et à notre politique nationale. Dans tout ce que nous faisions, les commandants recevaient l'appui direct de conseillers juridiques et étaient reliés au réseau complet de gens du gouvernement ayant l'expertise requise pour surveiller la situation. Je ne voudrais pas vous faire croire, nonobstant ce qu'a dit le général Hillier à mon sujet, que je m'occupais personnellement du cas de chaque détenu. Bien sûr que non. Par contre, j'assumais la pleine responsabilité de toutes les actions de mon équipe et de mes subalternes, y compris ceux sur le terrain. Tous savaient ce qu'ils avaient à faire, ils l'ont bien fait et ils ont reçu mon appui total.
    Pendant le temps qu'il me reste, je voudrais aborder les allégations que vous avez entendues la semaine dernière et qui ont été si souvent répétées depuis. Je suis évidemment heureux d'avoir la chance de rétablir la vérité au nom du commandement dont j'ai assumé la responsabilité. Je me trouve dans une situation un peu inconfortable étant donné que je ne peux raisonnablement aborder les questions en jeu sans faire référence à M. Colvin et à son témoignage. Je ne suis pas ici pour tirer sur le messager. Je connais à peine ce monsieur et je veux plutôt vous parler de ce que je sais au sujet des allégations formulées la semaine dernière et de ce qui est dit dans l'affidavit correspondant déposé devant la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.
(1600)
    J'aimerais aborder deux seulement des aspects les plus larges et les plus importants du témoignage de la semaine dernière. Les deux ont déjà été abordés dans une certaine mesure par le général Hillier mais je serai plus précis, comme c'est mon habitude.
    La première grande question semble être de savoir quand et comment nous avons été informés à Ottawa du risque de torture, puisqu'on a affirmé que nous avons su pendant 18 mois qu'il y avait « un risque très élevé de torture » et que avons continué à ordonner à nos gens de transférer des détenus. C'est une affirmation très grave qui peut même suggérer une grave activité illégale. Croyez-moi, nous, de la hiérarchie militaire, comprenions dès le départ notre responsabilité juridique dans ce domaine de manière personnellement très directe.
    Si je me fonde sur ce que je sais, sur mon tout premier souvenir, la première fois qu'une allégation quelconque de torture a été portée à ma connaissance, à titre de commandant de CEFCOM, c'était au début d'avril 2007. Cela ne provenait pas de rapports du théâtre d'opérations mais du fait que moi-même et d'autres avions été informés par nos agents de relations publiques militaires qu'un journaliste du Globe and Mail se penchait sur la question et qu'avait bien voulu nous en prévenir. Son article a été publié le 23 avril 2007 et le message que j'ai reçu était que cela allait vivement m'intéresser, ce qui fut évidemment le cas.
    Le premier rapport de terrain nous adressant une mise en garde précise sur le fait qu'un détenu transféré par le Canada avait peut-être été torturé nous est parvenu le 4 juin 2007 de Kandahar. Le lendemain, un rapport similaire est arrivé de M. Colvin à Kaboul. Ces deux rapports résultaient des premières visites de surveillance du MAECI dans le cadre du dispositif révisé de surveillance des détenus. Je crois qu'ils ont été portés à la connaissance du public il y a quelque temps.
    Soyons clairs et précis : le témoin de la semaine dernière a affirmé catégoriquement que le risque très élevé de torture dans les prisons afghanes avait été porté pour la première fois à la connaissance des autorités supérieures des Forces canadiennes en mai 2006, et à plusieurs reprises ensuite. En fait, moi-même et d'autres n'avons reçu ces mises en garde de manière substantielle pour la première fois que plus d'un an plus tard.
     On vous a dit la semaine dernière que de nombreux rapports ont été envoyés à CEFCOM et ailleurs. Je les ai examinés attentivement ces derniers jours et ce qu'ils contiennent est évidemment crucial. Je crois que tous les rapports que l'on dit avoir été envoyés à mon quartier général ont effectivement été reçus. Je ne saurais dire si je les ai tous vus, ou même quelques-uns, très franchement, mais, s'ils étaient suffisamment importants, mes collaborateurs m'en auraient certainement informé. Ils comprenaient la situation. Quoi qu'il en soit, j'assume la pleine responsabilité de les avoir reçus.
    Je voudrais parler précisément de ces rapports dans le contexte de ce qu'on vous a dit la semaine dernière. Je peux vous dire directement que, contrairement aux affirmations, il n'y a strictement aucune mention d'un risque ou d'un soupçon de torture dans le rapport du 26 mai 2006, ni dans aucun des autres rapports de 2006 figurant dans la déclaration sous serment de M. Colvin, c'est-à-dire ceux du 2 juin 2006, du 28 août 2006, du 19 septembre 2006 et du 28 septembre 2006. Le mot « torture » n'apparaît qu'une seule fois, dans le rapport du 4 décembre 2006, mais celui-ci ne saurait être raisonnablement interprété comme un avertissement au sujet de la torture, et M. Colvin ne suggère pas cette interprétation dans son affidavit.
    Je répète que je peux dire sans l'ombre d'un doute qu'il n'y a rien dans aucun de ces rapports de 2006 qui ait pu amener n'importe lequel des spécialistes de mon équipe ou, par extension, moi-même à être alerté sur le fait qu'il pourrait y avoir de la torture ou un risque très élevé de torture. Rien. En outre, il n'y avait dans ces documents rien qui eût pu m'amener à parler au CEMD ou amener celui-ci à parler à notre ministre. Ces rapports ont également été envoyés au QG de la Défense nationale et je ne peux pas parler de ce qui s'est passé à ce niveau-là. Je n'ai personnellement pas breffé le général Hillier.
    M. Colvin vous a dit la semaine dernière que, selon ses informations, « tous les Afghans que nous avons transférés ont été torturés ». Ces rapports, dont je viens de parler, ne disent aucunement cela. J'ai entendu ces paroles, comme déclaration de fait, pour la première fois la semaine dernière à la télévision nationale.
(1605)
    Par la suite, entre le 20 avril 2007 et la première alerte, le 4 juin 2007, bon nombre des rapports reçus traitaient en fait de la torture. Il s'agit d'une période durant laquelle le MAECI et nous-mêmes procédions à une révision complète de notre position et les rapports sont arrivés au sein d'un processus dynamique entre le MAECI, en particulier, et les gens de terrain.
    Étant donné ce qui est en jeu, vous pouvez avoir la certitude que je les ai tous lus de nombreuses fois, autant les versions originelles classifiées que les versions récemment expurgées. Il y a là selon moi fort peu de place à l'interprétation. Il n'y avait dans ces rapports rien qui eût pu amener mes collaborateurs ou moi-même à y voir de nouveaux avertissements sérieux, imminents ou alarmants en matière de torture avant les rapports de juin 2007, et l'on fait erreur en laissant entendre que les autorités militaires ou les commandants n'en ont pas tenu compte ou ont voulu les dissimuler.
    Le deuxième point que je souhaite aborder très brièvement est l'affirmation faite la semaine dernière que la haute hiérarchie du MAECI et des Forces canadiennes ne souhaitait pas recevoir de rapports ou d'avis du terrain et que ces derniers ont d'abord été à toutes fins pratiques essentiellement mis sous le boisseau. Cette critique n'est tout simplement pas confirmée par les faits. Si  — ou quand — vous recevez la version expurgée des documents — et j'espère sincèrement que vous la recevrez bientôt —, vous pourrez voir des réponses utiles et positives non seulement du MAECI mais aussi de mon propre personnel adressées à M. Colvin, avec des remerciements au début et à la fin des réponses.
    Je sais qu'il y a dans mes propres dossiers, conservés au MDN, des références aux questions que j'ai posées à mes collaborateurs et aux instructions que j'ai données pour assurer le suivi de certaines des questions soulevées dans les rapports de M. Colvin. Je sais qu'il y a eu un suivi, tout comme je sais que moi-même et ceux qui travaillaient avec moi jugeaient que ces questions étaient importantes. CEFCOM a été créé dans le but explicite de prêter une attention soutenue aux personnes déployées dans les opérations afin de leur faciliter le travail et de faire en sorte qu'elles paraissent aussi bien que possible.
    Vous ne pourriez imaginer l'énormité du fardeau que nos commandants — des hommes comme ce monsieur à ma gauche — ont porté pendant ces missions. Mon rôle était de faire tout mon possible pour alléger ce fardeau, et je pense l'avoir fait. J'ai en tout cas essayé de le faire chaque fois que c'était possible. C'était notre raison d'être et c'est ce que nous avons fait 24 heures par jour, sept jours sur sept. Voilà pourquoi aucun d'entre nous n'aurait délibérément fait fi, négligé, éliminé, dissimulé ou mis au secret quoi ce soit que nous recevions du terrain, surtout sur une question aussi importante que celle des détenus. Je vous le dis aussi objectivement que possible. Je vous le dis en toute sincérité.
    Durant mon commandement, c'est-à-dire pendant une période de trois an et demi, je suis allé en Afghanistan une fois tous les deux mois. Le chef aussi, à des moments différents. Durant chacune de ces visites, j'ai rencontré littéralement des milliers de soldats et des douzaines de civils. Je les ai encouragés à exprimer toutes leurs préoccupations et, croyez-moi, la plupart ne s'en sont pas privés et n'ont pas gardé la langue dans leur poche.
    Durant ces visites, et j'ai fouillé ma mémoire, personne n'a jamais soulevé devant moi ce que M. Colvin prétend au sujet de la torture dans les prisons afghanes, jusqu'aux préoccupations qui sont apparues en avril et, plus précisément, à partir de juin 2007. À ce moment-là, évidemment, nous avons eu d'innombrables discussions à ce sujet parce que c'était une question qui se posait réellement, nous le comprenions.
    J'ajoute aussi que, durant ces visites, j'ai souvent passé des heures avec les deux ambassadeurs en poste durant la période passée par M. Colvin en Afghanistan. Je peux vous garantir que, si l'un d'entre eux ou si M. Colvin avait soulevé cette question devant moi, je m'en souviendrai et je serais intervenu. Aucun ne l'a fait.
    En conclusion, cette mission en Afghanistan a été sans aucun doute la mission la plus exigeante entreprise par le Canada durant mes 36 années de service. De par sa complexité, elle a été un grand défi pour nous, les militaires, pour le Canada lui-même et pour la communauté internationale. Cela a été un honneur pour moi d'y participer.
(1610)
    Permettez-moi de partager une dernière réflexion avec vous. La semaine dernière — cela me ramène à la remarque du général Hillier —, lorsque mon épouse et moi-même regardions la télévision, à la maison, nous avons été mortifiés de voir un membre de ce comité passer à une émission d'information nationale et mentionner mon nom et le nom de trois autres personnes en disant, comme si c'était un fait établi, que nous avions fait preuve de négligence ou que nous avions menti c'est-à-dire, à toutes fins utiles, en nous qualifiant de criminels de guerre. Le tort causé à ma réputation est fait et je dois l'accepter comme conséquence d'avoir occupé un poste de commandement dans l'une des institutions nationales du Canada, ce que j'accepte, mais je vous demande de réfléchir à ceci.
    Rien que dans mon quartier général, la plupart des rapports ont dû être vus par au moins une douzaine de personnes vraiment brillantes et diligentes à qui je fais implicitement confiance. Dans un QG menant une guerre pendant plus de trois ans, aucune de ces personnes ne m'a jamais déçu, pas une seule fois. En outre, il y a facilement dans cette ville ainsi que sur le théâtre d'opérations une centaine de personnes qui ont dû voir ces rapports à l'époque, et je soupçonne qu'il y en a maintenant plusieurs centaines au sein du gouvernement qui ont eu l'occasion de les lire, de les relire et de les décortiquer sous tous les angles. Beaucoup sont des experts en droit international et en droits humains.
    Je connais la plupart de ces personnes, et ce sont de bonnes et honnêtes personnes, civiles et militaires. Ce sont de magnifiques professionnels animés du souci de préserver la réputation du Canada. C'est donc avec le plus grand respect que je demande à chacun d'entre vous de garder cela à l'esprit quand vous tirerez vos conclusions de ce que vous avez entendu et que vous les communiquerez au public. Comme vous le savez très bien, il y va de la réputation de notre pays.
    Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions et je vous remercie très sincèrement de m'avoir permis de m'exprimer. Merci de votre attention.
    Merci, monsieur.
    Général Fraser.
    Je remercie le comité de m'accorder le privilège de m'exprimer devant lui sur cette question importante.
    De février à novembre 2006, j'étais le type sur le terrain. Je commandais à la fois la Force expéditionnaire en Afghanistan et la Force opérationnelle de la coalition AEGIS. Au fond, je portais deux casquettes : la casquette de commandant canadien et la casquette de commandant multinational.
    La Force expéditionnaire en Afghanistan est l'organisation qui représentait toutes les forces militaires canadiennes sur le théâtre afghan. En qualité de commandant de la Force expéditionnaire en Afghanistan, j'assumais la responsabilité des opérations menées par les Forces canadiennes en Afghanistan. Je relevais du lieutenant–général Gauthier, commandant de la Force expéditionnaire canadienne à Ottawa.
    Je commandais aussi, au niveau multinational, la Force opérationnelle AEGIS, également appelée le Commandement régional du Sud. Elle comprenait les forces militaires de neuf pays différents dispersées entre les provinces d'Uruzgan, de Helmand, de Zaboul et de Kandahar, ce qui représente un théâtre d'opérations de plus de 200 000 kilomètres carrés.
    En qualité de commandant de la Force opérationnelle AEGIS, j'étais responsable des opérations du Commandement régional du Sud et je faisais rapport au commandant de la Combined Joint Task Force 76 des États-Unis, situé à Bagram.
    Les forces militaires du Commandement régional du Sud faisaient partie de la mission appelée Liberté immuable, de la coalition menée par les États-Unis, jusqu'en juillet 2006, après quoi le commandant a été transféré à la FIAS, qui est la coalition menée par l'OTAN, basée à Kaboul.
    À mon avis, l'Afghanistan est la mission la plus complexe menée par le Canada depuis peut-être la fin de la Deuxième Guerre mondiale. C'était en tout cas la mission la plus complexe que j'aie jamais eu à commander et à diriger pendant mes 29 années de service.
    Mon mandat consistait à monter des opérations de sécurité afin d'établir et de maintenir la stabilité pour aider les Afghans à bâtir leur nation. Notre travail consistait à appuyer les autorités afghanes.
    L'objectif des Forces canadiennes était d'aider à établir les conditions nécessaires à la reconstruction et au développement à long terme telles qu'elles sont définies dans le Pacte pour l'Afghanistan. Le contingent canadien en Afghanistan comprenait de nombreuses facettes, notamment des forces de sécurité, une équipe provinciale de reconstruction et des entraîneurs des forces de sécurité afghanes. Le contingent canadien se composait de militaires et de civils.
    Étant donné la complexité de cette tâche, j'ai demandé et reçu un appui sous la forme d'un conseiller politique des Affaires étrangères — que je n'avais pas et que j'ai reçu après l'avoir demandé — et d'un conseiller au développement de l'ACDI, en plus d'autres membres, par exemple de la GRC, qui faisaient partie de l'équipe provinciale de reconstruction à Kandahar.
    En allant là-bas, notre objectif était de mener des opérations destinées à établir la sécurité et à appuyer le développement de la capacité du gouvernement afghan. En 2006, toutefois, nous nous sommes retrouvés dans un conflit armé intense et prolongé qui était du jamais vu pour les Forces canadiennes depuis la Corée. Nous avons géré un niveau d'opérations qui dépassait fréquemment 30 opérations et incidents importants par jour. Ces événements comprenaient des combats sous forme d'attaques directes ou indirectes contre les soldats canadiens et de la coalition, des accidents, des écrasements d'aéronefs et des rencontres à Kandahar et dans tout l'Afghanistan dans un environnement multinational particulièrement tendu. Je n'avais encore jamais, jamais vu quoi que ce soit de ce genre dans ma vie.
    Malgré la complexité de cette mission, ce fut l'opération la mieux préparée et la mieux soutenue à laquelle j'aie jamais participé. Durant ma période de commandement, les besoins opérationnels étaient identifiés et satisfaits et, lorsque les choses changeaient, je pouvais apporter des changements sur le terrain pour répondre aux besoins de nos soldats et des Afghans.
    Le général Hillier, le chef d'état-major de la défense, m'avait communiqué son objectif avant mon départ pour l'Afghanistan. Il s'agissait clairement d'aider les Afghans à bâtir leur nation. Il avait mis l'accent sur trois points qu'il jugeait essentiels pour atteindre l'objectif stratégique du Canada : les victimes afghanes, les victimes canadiennes et les prisonniers. À son avis, il s'agissait là de trois éléments qui risquaient de mettre sérieusement en danger le succès de la mission. Nous étions constamment conscients de l'importance de chacun de ces trois éléments stratégiques et nous en avons donc tenu compte activement dans tout ce que nous avons fait avant d'arriver en Afghanistan, après y être arrivé et durant mon déploiement.
(1615)
    Chaque soldat avait reçu un entraînement particulier au sujet des détenus. Nous avions formulé un ordre de mission du théâtre sur la manière dont ils devaient être traités. Les instructions étaient claires et étaient parfaitement conformes à la politique du gouvernement du Canada. Les Forces canadiennes transféreraient les détenus aux autorités afghanes. Aucun détenu ne serait transféré à une autre nation et nous ne partagerions aucune information sur nos détenus avec d'autres nations. Je précise en passant que les autres nations ne nous communiquaient pas non plus de détails sur les leurs. Les détenus représentaient une responsabilité nationale que chaque nation devait assumer elle-même ou avec les autorités afghanes. La politique à ce sujet avait été clairement communiquée à nos partenaires de la coalition ainsi qu'à la chaîne de commandement de l'opération Liberté immuable et de la FIAS. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour ne pas perdre l'appui de la population afghane. Nous n'avons pas détenu d'Afghans arbitrairement.
    L'ordre de mission du théâtre dont je viens de parler précisait qui pouvait être détenu. Nous pouvions détenir les personnes ayant démontré soit un engagement concrètement hostile contre nos soldats, soit une intention hostile envers les soldats canadiens ou de la coalition. Les personnes ayant participé à des attaques directes ou indirectes contre des Canadiens ou des forces de la coalition pouvaient être détenues. Les citoyens afghans dont nous pouvions établir qu'ils n'avaient pas participé à une attaque contre des Canadiens ou des forces de la coalition ne seraient pas détenus.
    La capture d'un prisonnier pendant les opérations déclenchait une série détaillée d'événements comprenant l'envoi d'un rapport immédiat à ce sujet par la chaîne de commandement à mon QG de Kandahar. En recevant l'information qu'un individu avait été fait prisonnier, les membres du QG de mon contingent national suivaient les dispositions de mon ordre de mission sur les détenus. Cet ordre de mission exigeait qu'un rapport soit adressé à CEFCOM, le QG du général Gauthier. Si j'étais disponible, je faisais l'effort de téléphoner au général Gauthier, quelle que soit l'heure, pour lui indiquer que nous avions un prisonnier et que le processus était en cours d'exécution pour son transfert aux autorités afghanes.
    Comme je l'ai dit, les détenus représentaient un élément critique pour ma mission, et l'instruction qui m'avait été donnée était de transférer les détenus aux autorités afghanes. Chaque jour, j'examinais des documents et je recevais des informations des services de renseignement. Chaque matin, à 7h30, je parlais à mon conseiller politique, à mon conseiller en développement, à mon adjoint hollandais, à mon chef d'état-major britannique et à mon adjoint américain. Je n'ai à aucun moment reçu d'informations concernant la torture ou la maltraitance de détenus. Si tel avait été le cas, je serais intervenu.
    Je n'ai été informé d'aucune allégation de torture et j'ai continué à transférer des détenus aux autorités afghanes en vertu du dispositif de transfert de 2005, conformément à la politique du gouvernement du Canada. L'année 2006 fut une période très animée pour les Canadiens, qui trouva son apogée dans l'opération Medusa. Nos efforts étaient concentrés sur nos opérations continues dans toute la région et j'ai été particulièrement fier, durant ma mission, du travail accompli par les Canadiens et de la manière dont les Canadiens se sont comportés. Nous pouvons tous en être fiers.
    Je répondrai maintenant avec plaisir à vos questions, sous réserve de l'obligation de protéger les informations classifiées relevant de la sécurité nationale, et les informations de sécurité nationale.
    Merci beaucoup, monsieur.
(1620)
    Merci beaucoup, messieurs.
    Nous entamons un premier tour de sept minutes avec M. Dosanjh.
    Merci, généraux. Merci beaucoup d'être ici. Nous avons le plus profond respect pour ce que vous faites et pour les sacrifices que font les Canadiens.
    Je serai très bref. J'ai deux questions à vous poser et, s'il reste du temps, mon collègue prendra le relais.
    Je voudrais vous parler de questions de droit, de responsabilité de commandement. Vous connaissez cela mieux que quiconque. Cela n'exige pas de connaissance concrète du risque de torture. Si le risque de torture est largement connu, comme il l'était du Département d'État des États-Unis, par suite des rapports de l'ONU, des rapports de la Commission indépendante des droits de la personne de l’Afghanistan, de Human Rights Watch, d'Amnesty International et de nos propres rapports sur les droits humains, on peut tenir cette connaissance pour acquise. De fait, l'ignorance n'est de toute façon pas une défense, pour absence de rapports, et vous le savez mieux que moi.
    Cela étant, il y a ensuite le devoir d'éviter les transferts. Vous avez exposé avec beaucoup de détails les mesures que vous avez prises, et j'en suis très heureux.
    Je ne peux vous interroger sur le témoignage de M. Colvin puisque je n'ai pas eu la possibilité de lire les rapports qu'il a envoyés, et je laisse donc cela de côté.
    J'ai deux questions à vous poser. La première concerne la responsabilité de commandement. Êtes-vous totalement convaincus, généraux, que nous, Canadiens, du point de vue de la responsabilité de commandement, que ce soit de la hiérarchie militaire ou même des civils, y compris du premier ministre ou des ministres, n'avons transgressé aucune loi canadienne ou internationale? C'est ma première question.
    La deuxième concerne votre livre, général Hillier. Aux pages 465 et 466, vous parlez de savoir, d'une certaine manière : « Je les croyais mais, malheureusement, je n'étais que l'un des 89 000 hommes et femmes en uniforme à les croire ! » Vous compreniez le risque et les problèmes.
    Dans le même contexte, vous parlez de Guy Laroche. Il avait résisté à l'envoi de prisonniers dans les prisons afghanes parce qu'il craignait qu'il n'y ait pas suffisamment d'infrastructure, et vous dites à la fin qu'il y avait « une pression... nuancée pour recommencer avant que les changements aient été apportés ». Je voudrais savoir ce qu'était cette pression nuancée. Je voudrais savoir aussi qui était présent aux réunions du BCP durant lesquelles, comme vous dites, « encore une fois, on m'a crié dessus durant les réunions du BCP quand je lui ai accordé mon appui [à Guy Laroche] ». J'aimerais savoir qui était présent à ces réunions et qui vous a crié dessus.
    Merci.
(1625)
    M. Dosanjh, je suis sûr que mes voisins voudront participer à cette discussion mais je dirai simplement, si l'objet de votre question est de me demander si j'estime m'être acquitté de mes responsabilités comme chef d'état-major de la Défense, que ma réponse est oui. J'ajoute que j'étais en fait tenu de rendre compte à toute une équipe qui m'appuyait dans l'exercice de mes fonctions. Mon juge–avocat général, le brigadier–général Ken Watkins, qui jouit d'une réputation internationale pour sa connaissance du droit international, me tenait redevable de mes décisions chaque jour. Même si j'avais voulu prendre des raccourcis ou contourner des difficultés, il ne me l'aurait pas permis.
    Donc, oui, j'étais redevable, j'étais à l'aise et j'étais satisfait. Dans la situation la plus complexe à laquelle nous ayons jamais été confrontés, j'ai été satisfait. Ce qui ne veut pas dire que tout était parfait.
    Deuxièmement, en ce qui concerne la connaissance des risques, j'ai expliqué... Tout d'abord, merci beaucoup d'avoir acheté mon livre. J'espère que vous en avez aussi acheté un exemplaire pour en faire cadeau à Noël. Sinon, vous devriez le faire.
    En ce qui concerne les risques, M. Dosanjh, je vous dirai simplement que mon objectif en Afghanistan était de permettre à nos jeunes hommes et jeunes femmes de bien faire leur travail, d'être une source de fierté pour leur pays et de rentrer intacts à la maison. Deuxièmement, pour leur permettre de rentrer intacts à la maison, il m'incombait de ramener les risques auxquels ils étaient exposés au niveau le plus bas possible, de diverses manières, même si l'on ne peut jamais les ramener à zéro.
    Même dans une société fonctionnant parfaitement, comme celle de notre grand pays, si vous allez au pénitencier de Millhaven demander à la moitié des détenus s'ils ont été maltraités, ils vous diront probablement que oui, parce que c'est la nature de la bête. Il y a toujours un risque que quelque chose se produise et l'essentiel est de savoir qu'il existe un processus de suivi pour en tenir compte.
    Guy Laroche est l'un de nos commandants incroyables. J'ai dit que la chaîne de commandement ne m'a jamais déçu et c'est parce que des gens comme lui et comme Dave Fraser, qui est ici aujourd'hui, ont toujours agi correctement, sous le commandement de Mike Gauthier. Je pouvais me fier à eux.
    Toutes sortes d'événements périphériques m'étaient communiqués, et j'entendais parler de choses diverses, que ce soit au sujet des articles de Graeme Smith au sujet de la poursuite qui se déroulait au Canada au printemps de 2007. Je prenais toutes ces choses en considération mais ce que je voulais avant tout, c'était d'avoir une analyse claire et concise de la situation de la part de ces commandants.
    Quand nous avons tous conclu en novembre 2007, surtout après avoir perdu confiance dans le système — et cela me ramène à ma première réponse sur la question de savoir si j'étais satisfait —, que nous devrions cesser de transférer les prisonniers, Guy Laroche était parfaitement d'accord. Lui-même, Mike Gauthier et moi-même en avons parlé et avons décidé qu'il fallait cesser de transférer des prisonniers. Évidemment, nous avons aussi continué à faire notre travail.
    Quand j'ai dit qu'il y avait de la pression, c'est ce que je voulais dire. En fait, je pense que le général Gauthier y a fait allusion quand il a dit avoir reçu une lettre de David Mulroney le 29 janvier, à peu près, indiquant qu'il pensait que la situation s'était rétablie. Tout le monde avait un point de vue différent et nous avions fixé en fait une norme très élevée.
    Donc, notre point de vue était différent et il allait donc falloir attendre plus longtemps pour retrouver le degré de confiance nécessaire pour reprendre les transferts. Voilà le genre de pression dont je voulais parler. Les gens avaient un point de vue différent sur le degré de confiance nécessaire. Comme nous étions les commandants, nous devions assumer la responsabilité. Je n'ai certainement pas décliné ma responsabilité, et je ne m'attendais pas à ce que Mike Gauthier ou Guy Laroche déclinent la leur, mais il y avait des pressions parce que tout le monde avait un point de vue différent.
    En ce qui concerne les personnes présentes à cette réunion, je crois qu'il y avait Margaret Bloodworth, qu'il y avait Rob Fonberg, et qu'il y avait David Mulroney, qui est prêt à témoigner, et peut-être une ou deux autres personnes mais je ne m'en souviens pas.
    Avant que vos voisins puissent répondre, général, puis-je vous lire un extrait de la décision de madame le juge Anne Mactavish de février 2008? Elle a dit que : « Du 3 mai 2007 au 5 novembre 2007, les Canadiens qui ont effectué une visite des lieux dans les prisons afghanes ont reçu huit plaintes de mauvais traitements de prisonniers ». En outre, elle a mentionné que certains prisonniers témoignaient de séquelles physiques.
    Voici son jugement : « Le Canada ne dispose d'aucun moyen indépendant d'enquêter sur les allégations de mauvais traitement de prisonniers ».
    Et aussi : « Les éléments de preuve présentés par les demanderesses établissent clairement qu'il existe des motifs d'inquiétude réels quant à l'efficacité des mesures prises jusqu'à maintenant » pour assurer la sécurité des détenus.
    Ensuite, dans son jugement de mars 2008, le juge Mactavish dit ceci : « Les militaires canadiens sont passibles non seulement de sanctions disciplinaires et de poursuites criminelles en vertu du droit canadien si les actes qu'ils commettent en Afghanistan contreviennent aux normes juridiques du droit humanitaire international, mais aussi de sanctions ou de poursuites en vertu du droit international ». Voilà donc le jugement du juge Anne Mactavish. Elle dit qu'il existe des preuves claires qu'il y a eu de la torture en Afghanistan, et son jugement n'a pas été cassé ni porté en appel.
(1630)
    Nous n'avons que...
    Puis-je répondre à cela?
    Très brièvement.
    C'est presque une question.
    Voici ce que je peux vous dire. Nous avions déjà commencé à prendre des mesures quand elle a produit ce jugement. Le 5 novembre 2007, nous avions interrompu le transfert de détenus parce que nous n'avions plus la conviction que nous pouvions satisfaire à nos responsabilités de commandement. Nous avons continué de cesser les transferts jusqu'à ce moment-là, jusqu'à ce que nous soyons tous convaincus — en partant du type sur le terrain qui s'occupait de ça jour après jour — que le régime de supervision, d'entraînement, d'amélioration, d'investigation et de suivi était mis en place. Nous n'allions pas les reprendre, malgré les lettres d'autres personnes — auxquelles le général Gauthier a fait allusion — disant qu'on pouvait recommencer. Nous étions un peu plus exigeants que ça et je tenais certainement à protéger les commandants sur le terrain ainsi que chacun de nos soldats.
    Donc, monsieur Dosanjh, ces mesures étaient déjà en cours à ce moment-là.
    Merci, monsieur.
    M. Bachand.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je veux, à mon tour, souhaiter la bienvenue à nos témoins. Je vais partager mon temps avec ma collègue Francine Lalonde.
    Tout d'abord, je veux faire une petite mise au point. Le but de l'intervention du comité est véritablement de tâcher de protéger l'appareil militaire, car on pourrait être poursuivi relativement aux dispositions de la Convention de Genève. C'est une responsabilité qui incombe notamment aux gens autour de la table et au Parlement canadien. On reconnaît aussi que les autorités militaires sont sous la responsabilité des autorités civiles. Je veux dire par là que même si des gens au sein de l'appareil militaire étaient blâmés, une autorité civile, au bout du compte, devrait aussi être blâmée, parce que ce sont les civils, ultimement, qui ont la responsabilité majeure.
    Tout le monde ici reconnaît que la torture que l'on soupçonne n'est certainement pas le fait des militaires canadiens. On cherche à évaluer si des militaires canadiens, comme vous, qui sont sur le terrain savaient qu'il y avait de la torture et ont quand même transféré les prisonniers dans ce contexte. C'est notre préoccupation majeure.
    Je ne veux pas mettre votre parole en doute, mais je sais aussi qu'il y a un message d'unité au sein des Forces armées canadiennes. Il s'agit d'une structure qui fait en sorte qu'il est très rare que trois militaires d'expérience comme vous se contredisent l'un l'autre. Pour moi, c'est impossible que cela arrive. Je vous félicite de la cohérence de votre présentation; aucun d'entre vous n'a contredit l'autre. C'est déjà bien.
    Par contre, on a d'autres sources d'information. Expliquez-moi comment il se fait que vous dites qu'il ne s'est absolument rien passé, alors qu'Amnistie Internationale, la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan et la Croix-Rouge internationale ont dit qu'il y avait de la torture dans les prisons. Un gardien de la prison de Sarposa a lui-même dit que torturer les prisonniers constituait une pratique. Les diplomates internationaux l'ont dit aussi. Un diplomate canadien a répété aujourd'hui les termes de M. Colvin, des journalistes, beaucoup de journalistes. Vous avez parlé du Globe and Mail, mais je pourrais parler de Mme Ouimet de La Presse, qui y est allée et qui a témoigné dans ses articles de ce qu'elle avait vu. Tous les partis de l'opposition pensent qu'il y a eu de la torture. Pourquoi essayez-vous de nous convaincre qu'il n'y en a pas eu?
    Monsieur Gauthier, je m'adresse à vous aussi, parce que vous avez vu les rapports. Vous êtes un homme chanceux. On aimerait les voir aussi. J'ai bien compris que vous recommanderiez au gouvernement de nous donner des rapports, parce que cela pourrait nous aider énormément. Pouvez-vous maintenant convaincre le comité et les gens dans la salle qu'il n'y avait pas de torture, alors que tous les organismes que je viens de vous nommer ont affirmé le contraire.
(1635)

[Traduction]

    Allez-y, monsieur Gauthier.

[Français]

    Tout d'abord, je vous remercie de votre question. Vous remettez en question la politique originale de 2005. Je n'étais pas en poste à l'époque. Ce n'était pas une politique militaire, mais une politique du gouvernement de l'époque. Il faudrait donc poser cette question à ceux qui étaient ministres à l'époque. Je vous le suggère.
    Vous affirmez ne pas avoir vu de torture pendant que vous étiez là. Selon-vous, il n'y avait pas de torture dans les prisons, alors que les gens que je viens de nommer affirment tous qu'il y en avait. Pourquoi y a-t-il une telle différence entre ce que disent les élites militaires et les organismes internationaux?
    Monsieur Bachand, on ne parle pas des élites militaires, on parle de l'élément militaire en Afghanistan et de la chaîne de commandement. J'ai communiqué régulièrement avec des soldats, soit à tous les deux mois, en Afghanistan. Vous ne voudriez pas que je répète ce que j'ai dit dans mes commentaires d'introduction, évidemment.
    Vous dites que tout le monde le sait. Il faudra que quelqu'un sur le terrain nous le dise ou il faudra que ceux qui font de l'interprétation au niveau stratégique — les experts pour commencer — nous informent et informent le gouvernement qu'il y a un problème qu'on ne voit pas, qu'on n'a pas vu et qui n'a pas été rapporté entre le 1er février 2006 et le 4 juin 2007.
    Bonjour.
    Je vous remercie d'être ici, dans des circonstances importantes, même si elles ne sont pas agréables.
    J'apprécie de vous avoir entendu, parce que c'est le meilleur témoignage que l'on peut avoir des conséquences d'avoir transformé une armée de maintien de la paix en une armée qui fait une sale guerre.
    Ma question s'adresse au général Hillier. Le début des problèmes est la guerre, mais le début des problèmes de torture des prisonniers a été l'entente de 2005. Général, votre nom apparaît au bas de cette entente. Pourtant, au même moment, la Hollande a signé une entente qui comprend les dispositions qui sont contenues dans l'entente de 2007, par exemple le libre accès en tout temps, et d'autres, afin de s'assurer de pouvoir y aller en tout temps même si les gardiens nous disent qu'il n'y a pas de torture. Leur entente permet à la Croix-Rouge d'y aller en tout temps et pas seulement sur demande, comme le prévoyait votre entente de 2005.
    Lors de cette entente de 2005, vous n'étiez pas seul à la négocier. Ce n'est pas votre métier principal. Comment cela s'est-il passé? Qui vous a conseillé?

[Traduction]

    Merci de cette question, madame.
    Permettez-moi de dire que je n'ai négocié aucune partie de l'accord de 2005. Je l'ai signé au nom du gouvernement du Canada, avec sa pleine approbation. Il avait été négocié par des experts du ministère de la Défense nationale et du ministère des Affaires étrangères, avec la contribution de juristes internationaux. Et si vous voulez bien m'écouter, je pourrais vous dire, puisque vous avez posé la question, que j'étais en route vers Kandahar début décembre 2005 parce que nous avions alors établi l'équipe provinciale de reconstruction sur le terrain d'aviation de Kandahar et que nous préparions l'infrastructure nécessaire pour accueillir le groupe de bataille. Je partais pour Kaboul où j'avais l'intention de rencontrer le ministre de la Défense nationale, le ministre Wardak, que je connaissais très bien puisque nous avions collaboré lors que je commandais la FIAS.
    L'accord était prêt, à ce moment-là. Les juristes internationaux, ainsi que le juge–avocat général des Forces canadiennes, avaient exprimé l'avis que c'était un bon accord, bien conçu — on peut peut-être rétrospectivement dire qu'il aurait pu être meilleur — et qu'il était prêt à être signé. Le ministre Wardak, sachant que je venais à Kaboul, m'avait demandé si je pouvais le signer au nom du gouvernement du Canada. Comme il allait lui-même signer au nom du gouvernement de l'Afghanistan, je n'ai eu aucun problème à accéder à sa demande.
    L'ambassadeur David Sproule, à qui j'ai parlé avant que nous allions voir le ministre de la Défense, a dit que les Affaires étrangères étaient tout à fait à l'aise avec cela. L'accord était prêt. C'était un accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de l'Afghanistan. Nous sommes allés dans le bureau du ministre Wardak, nous avons bu notre café, nous avons signé le document en suivant les instructions de l'ambassadeur Sproule qui tournait les feuilles portant des petits autocollants jaunes puis, à mon grand embarras, le ministre Wardak s'est éclipsé pour aller dehors fumer une cigarette et j'ai fait de même pour fumer un cigare.
    J'ai signé cette entente à sa demande parce que j'étais sur le théâtre d'opérations. C'était un accord entre le gouvernement du Canada et l'Afghanistan.
(1640)
    Merci, monsieur.
    M. Hawn.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Merci de votre présence, messieurs.
    Général Hillier, je vais vous poser quelques questions auxquelles j'aimerais que vous répondiez simplement par oui ou par non. Je sais que ce sera peut-être difficile.
    Général Gauthier, j'aimerais que vous écoutiez bien les réponses car je vous demanderai ensuite si vous auriez répondu différemment.
    Premièrement, est-il facile de ne pas se contredire l'un l'autre quand on dit la vérité?
    Je ne peux répondre par oui ou par non, Laurie.
    Soyez bref, s'il vous plaît.
    Veuillez m'excuser. Mon père disait qu'on n'a pas besoin de se souvenir de quoi que ce soit quand on me ment pas. C'était un conseil assez sage de la part d'un Terre–Neuvien. J'ai dit ce que j'avais à dire. Le simple fait il n'y ait pas eu de contradictions me semble indiquer le système marchait assez bien.
    Étiez-vous informé quotidiennement sur la mission en Afghanistan?
    Quotidiennement?
    Oui.
    Oui, absolument.
    Durant vos nombreuses visites en Afghanistan, aviez-vous l'occasion de parler à tout le monde, à tous les niveaux, du président Karzaï jusqu'aux soldats?
    Oui, mais je commençais généralement avec les soldats et je remontais dans la hiérarchie, en passant par des milliers de soldats et de civils et en allant souvent jusqu'au président lui-même, mais pas toujours.
    Parliez-vous normalement aux représentants des autres pays de la FIAS lorsque vous étiez en Afghanistan?
    Presque toujours. Peut-être même toujours.
    Étiez-vous en contact avec l'équipe consultative stratégique, qui avait évidemment des contacts étroits avec le gouvernement afghan?
    Oui. Lors de mes visites de routine, je passais chaque fois beaucoup de temps avec les membres de l'équipe.
    Est-ce que l'amiral Davidson de l'OTAN parlait régulièrement avec les autorités de l'OTAN au sujet de l'Afghanistan?
    Toutes les heures.
    Auriez-vous vérifié toutes les informations que vous auriez pu recevoir de es diverses sources? Selon votre...
    Bien sûr. Je mettais toujours en balance les informations que je recevais de nombreuses sources différentes afin d'essayer de trouver la vérité du terrain, comme nous disons.
    Avez-vous reçu à n'importe quel moment des informations précises sur des mauvais traitements infligés à des détenus canadiens transférés?
    Non, pas avant le printemps de 2007. À ce moment-là, nous avons pris la décision d'interrompre tous les transferts. Il se trouve qu'il y avait alors une accalmie dans les opérations et que nous n'avions donc pas de prisonniers à transférer, si je me souviens bien. C'était à cette époque-là.
    Sur une question aussi grave que les transferts de prisonniers, auriez-vous pris vos décisions sur la base d'une seule source d'information ou de toutes les informations obtenues?
    Dans toutes choses, je mettais en balance toutes les informations que j'obtenais.
    Les Hollandais et les Britanniques avaient apparemment un meilleur dispositif de transfert que nous, au début. Avez-vous entendu dire qu'ils avaient des préoccupations...
    Jamais.
    Général Gauthier, auriez-vous donné les mêmes réponses ou des réponses différentes?
    Une voix : Vous souvenez-vous des questions?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, ce que nous avons entendu des soldats ne nous donnait aucune indication de torture. Et c'était certainement la même chose lors des réunions que j'avais avec d'autres parties. J'allais régulièrement à Kaboul et ailleurs.
    L'autre remarque que je souhaite faire est que, durant les trois ans et demi où j'ai participé à la mission — et j'y ai fait allusion dans ma déclaration liminaire —, de commandant à commandant à commandant, du général Fraser au général Grant au général Laroche, du général Thompson au général Vance et maintenant au général Menon, nous avons beaucoup appris et nous comprenons aujourd'hui beaucoup mieux qu'il y a trois ans.
    Par suite de la politique de 2005 — au début de sa mise en oeuvre —, notre politique concernant les détenus était probablement moins solide à certains égards en ce qui concerne la surveillance que celle de nos partenaires internationaux. Aujourd'hui, je pense que la nôtre est meilleure. Nous avons appris.
    Général Fraser, j'ai encore quelques questions. Oui ou non, si possible.
    C'est vous qui assumiez la responsabilité du transfert des détenus au gouvernement afghan en vous fondant dans une certaine mesure sur les avis de conseillers civils du gouvernement du Canada, n'est-ce pas?
    C'est exact, et cela comprenait la lecture d'un rapport du Service correctionnel du Canada sur la prison de Sarposa. Le Service avait visité la prison en mai ou juin et il n'y avait rien dans son rapport sur de la torture ou de mauvais traitements.
(1645)
    Pendant vos neuf mois à Kandahar, avez-vous été en contact avec l'ambassadeur canadien?
    Oui.
    L'ambassadeur vous a-t-il mentionné, par écrit ou oralement, des préoccupations quelconques en matière de torture ou de maltraitance des détenus transférés aux autorités afghanes?
    Non.
    Avez-vous été en contact avec des civils de l'EPR?
    Oui.
    L'un d'entre eux — y compris M. Colvin — a-t-il jamais exprimé des préoccupations ou formulé une mise en garde sur la torture dans les prisons afghanes?
    Non, personne ne m'en a jamais parlé.
    Aviez-vous des relations de travail étroites avec le commandant militaire de l'EPR à Kandahar?
    Oui. Nous avions des contacts réguliers et il ne m'a jamais rien signalé.
     Et il aurait été bien placé pour vous en informer. Avez-vous jamais reçu des indications d'autres civils ou militaires canadiens en matière de torture ou de mauvais traitements durant vos 9 ou 10 mois de service en Afghanistan?
    Aucun Canadien ne m'a jamais parlé de mauvais traitements ou de torture.
    Merci beaucoup.
    Je cède la parole à mon collègue, M. Obhrai.
    Vous avez deux minutes.
    Merci de votre présence. Permettez-moi de dire d'emblée que nous apprécions beaucoup ce que vous et vos soldats avez fait en Afghanistan.
    Je voudrais revenir sur la question posée au général Hillier au sujet de l'accord de 2005. Je parle de la question que vous a posée madame Lalonde sur votre rôle là-bas et à laquelle vous avez répondu très précisément et très clairement que cela était fait par les maîtres politiques.
    À l'époque, c'était le député Graham du gouvernement Libéral qui était ministre. Je reviens à ce que disait M. Dosanjh sur la transgression du droit international par l'armée. Si vous me dites, à juste titre, que cet accord a été signé par les maîtres politiques, qui l'ont conçu, et que vous l'avez simplement signé, cela veut-il dire — et vous l'ont-ils au fond demandé — que ces personnes, les politiciens... Vous ne faisiez qu'appliquer un accord.
    Dois-je comprendre que le rôle des chefs politiques a été crucial dans la signature de cet accord?
    Je vous dirai ceci : je n'avais pas l'habitude de négocier des accords avec des pays étrangers ou de prendre l'initiative d'en signer. J'ai accepté de signer cette chose-là, et je dois dire avec le recul qu'il eût peut-être été plus sage de ne pas avoir accepté, parce que l'ambassadeur aurait pu facilement le signer, comme ce fut le cas de l'accord supplémentaire. Mais j'ai accepté de le signer parce que le ministre Wardak m'a demandé de le faire et parce que nous avions une approche commune du gouvernement du Canada à l'égard de cet accord en 2005.
    Je n'accuse personne. Je dis simplement que c'était un accord du gouvernement du Canada passé entre le Canada et l'Afghanistan en 2005.
    Et vous, les militaires, ne faisiez qu'appliquer l'accord?
    Mon rôle après cela était d'en appliquer la pièce maîtresse, jusqu'à ce que j'aie perdu la conviction — je repense à la question de M. Dosanjh — que je ne pouvais satisfaire à mes responsabilités de commandement. C'est ce que nous avons fait et, à ce moment-là, nous avons interrompu les transferts. Nous avons maintenu cette interruption jusqu'à ce que nous ayons la capacité de surveiller, d'entraîner, de bâtir, d'enquêter et d'améliorer.
    Donc, j'ai exercé mes responsabilités conformément à cet accord.
    Très bien. Merci.
    Merci.
    M. Dewar.
    Merci, monsieur le président, et merci à nos invités.
    Je voudrais poser mes questions de la même manière que M. Hawn en vous demandant des réponses aussi concises, si c'est possible. Ça dépendra des questions, je suppose.
    L'un d'entre vous été-il au courant des évaluations de ces groupes indépendants en ce qui concerne la torture dans les prisons afghanes à partir de 2005 ou de 2006? À partir de 2006, je suppose que tout le monde était au courant mais aviez-vous eu connaissance des évaluations indépendantes d'autres groupes? On connaît la liste : la Commission indépendante des droits humains en Afghanistan, la Croix-Rouge, le Département d'État, etc. Étiez-vous au courant de tous ces rapports sur la torture dans les prisons afghanes?
    Comment aurions-nous pu ne pas être au courant de personnes disant que tout était mauvais et que le ciel nous tombait sur la tête? Donc oui, monsieur Dewar, absolument. En contrepartie, je signale un commentaire que j'ai entendu d'un membre du CICR ou que j'ai lu quelque part en février 2007 indiquant qu'il n'y avait strictement aucun problème avec les détenus. J'ai donc essayé de mettre en balance les diverses informations détaillées et générales et il n'y avait rien de déterminant...
    D'accord.
    Donc, oui, absolument. Nous n'aurions pas pu ne pas être au courant.
(1650)
    Et c'est la même chose pour tout le monde? Très bien.
    Des représentants canadiens ont-ils visité la prison NDS ou la prison de Sarposa en 2005 et 2006 pour donner suite à ce qui était arrivé à des détenus à ce moment-là?
    Je pense que vous devriez poser la question à M. Mulroney, pas à moi.
    D'accord mais pas par...
    Non, notre rôle...
    Vous n'aviez donné à personne l'instruction d'aller sur place pour surveiller...
    C'est exact. Cela ne faisait pas partie de notre mandat au titre de l'accord.
    Exactement, et j'en ai parlé dans ma déclaration. J'ai dit que nos soldats ne sont pas entraînés à la surveillance du respect des droits humains...
    Certes, il était clair...
    Nous ne pouvions pas faire cela, mais vous pouvez demander au général Fraser s'il sait si d'autres sont allés...
    Je voulais simplement savoir s'il était allé dans les prisons pour faire enquête sur ce qui s'y passait ou s'il avait donné à quelqu'un l'instruction de le faire.
    Cela ne faisait pas partie de notre mandat mais le Service correctionnel du Canada avait visité la prison de Sarposa en 2006. Il avait produit un rapport qui ne contenait rien qui eût pu donner l'alerte ou susciter des préoccupations.
    Puis-je ajouter un bref commentaire?
    Peut-être plus tard. Je suis désolé. Je n'aime vraiment pas faire cela, croyez-moi.
    Général Fraser.
    C'est simplement que je ne fais pas beaucoup de brefs commentaires.
    Je sais. Je reviendrai vers vous dans un instant mais j'ai tellement peu de temps et je tiens à terminer mes questions là-dessus.
    Général Fraser, on a dit dans le témoignage de l'autre jour qu'il y avait deux types de préoccupations au sujet de la torture qui semblaient avoir été exposées. Il y avait le transfert des détenus et les rapports dont on nous a parlé. J'ai interrogé M. Colvin à ce sujet l'autre jour.
    Il y avait aussi le gouverneur Khalid, et je lui ai posé des questions à ce sujet. Aviez-vous connaissance des allégations, non pas au sujet des prisons, puisque nous avons eu les réponses à ce sujet, mais au sujet du gouverneur Khalid? Avez-vous entendu des allégations au sujet de la participation du gouverneur Khalid à la torture et, dans ce cas, comment vous ont-elles été communiquées?
    Je n'ai reçu aucune information à ce sujet.
    Donc, vous n'avez jamais reçu d'allégations sur la participation du gouverneur Khalid à la torture. C'est la question que j'ai posée à M. Colvin, car nous avions évidemment des inquiétudes au sujet du gouverneur Khalid. Mais vous n'avez jamais reçu d'informations ou d'allégations au sujet de la torture concernant le gouverneur Khalid?
    Rien à mon niveau.
    Bien.
    Il y a évidemment des gens que son comportement inquiétait. Je veux dire que vous en avez entendu parler, vous avez entendu parler de la conduite du gouverneur Khalid.
    J'ai traité avec les gouverneurs des provinces du Sud, dans le cadre de mes attributions, y compris avec le gouverneur Khalid. Je le rencontrais plusieurs fois par semaine.
    Général Gauthier, vous avez indiqué qu'à partir de mai 2006, quand nous avons été saisis pour la première fois de la question du transfert de prisonniers, vous n'avez reçu aucun rapport au sujet de la torture. Toutefois, si j'ai bien compris le témoignage de M. Colvin, des préoccupations avaient été exprimées au sujet du processus, le processus de transfert des détenus pour lequel il n'y avait pas de suivi. Je me demande si, quand nous transférions des détenus, vous receviez des rapports au sujet de leur sort après qu'ils aient été transférés aux Afghans, c'est-à-dire s'il y avait un suivi et s'il y avait des préoccupations à ce sujet.
    Ce que nous a dit M. Colvin, c'est que la police militaire canadienne à Kandahar informait les Forces canadiennes à Kandahar, qui informaient à leur tour CEFCOM à Ottawa. CEFCOM informait ensuite l'ambassade du Canada à Genève, laquelle informait la Croix-Rouge à Genève. Ce que nous avons retenu de son témoignage, c'est que c'était un énorme problème. Comment auriez-vous pu savoir ce qui arrivait aux détenus? Le processus était extrêmement laborieux. Comment auriez-vous pu savoir ce qui leur arrivait avec ce genre de système?
    Affirmez-vous que vous n'avez entendu aucune préoccupation au sujet du processus entre mai 2006 et plus tard en 2007?
    Puis-je vous donner une réponse un peu plus longue que d'habitude?
    Je vous laisse décider mais je sais que le général Hillier désire lui aussi faire une remarque. À vous de décider.
    Vous avez parlé de suivi. En 2006, le suivi des détenus après leur transfert devait être assuré par une agence indépendante de droits humains, conformément à la politique que nous avions négociée avec les Afghans. Il incombait au gouvernement afghan de traiter tous les détenus conformément à la Convention de Genève et d'en autoriser le plein accès à la Commission indépendante des droits humains en Afghanistan et au CICR. Les soldats n'avaient strictement rien à voir avec le suivi.
(1655)
    Donc, nous ne pouvions pas savoir combien il y en avait.
    Les soldats n'avaient rien à voir avec le suivi. C'est ma réponse à votre question, monsieur Dewar.
    Mais je dis que vous ne pouviez pas savoir combien il y en avait.
    Combien il y avait de quoi?
    Combien de détenus avaient été transférés...
    Bien sûr que si.
    Bien, c'est ce que je voulais confirmer.
    Absolument, avec beaucoup de détails, jour après jour, semaine après semaine.
    Nous avons demandé mais on ne nous l'a pas dit. Je m'interroge parce qu'on ne nous l'a jamais dit.
    Certainement. C'est sûr. Merci de cette précision.
    Le suivi jusqu'au point de transfert relevait absolument de notre responsabilité. Il y a peut-être eu des problèmes en ce qui concerne le détail des informations précises qui étaient concernées, à qui elles étaient fournies, etc. Le général Fraser en a parlé.
    J'ai vu passer des choses là-dessus, des messages C4. Ils n'avaient rien à voir avec la torture. On n'y disait pas que tous les Afghans que nous avions transférés était torturés. Il n'y avait rien de cela dans ces rapports. On y parlait de processus, et il y avait beaucoup de participants au processus.
    J'aimerais revenir sur la question que vous avez soulevée et l'exemple que vous avez donné. J'ai vu de très beaux graphiques sur CBC l'autre jour — puis-je mentionner CBC ici? ...
    Nous sommes dans un pays libre.
    ... sur la complexité du système, avec des informations circulant d'un lieu à un autre. Je dois dire que le système qu'on y décrivait n'avait quasiment rien à voir avec la réalité. C'est ma première remarque.
    Deuxièmement, M. Colvin a dit dans son témoignage qu'il s'agissait d'un processus militaire. Je suis surpris qu'il n'ait pas compris qu'il s'agissait de questions de droits humains. C'étaient avant tout des questions des Affaires étrangères et d'ordre juridique. En fait, les paramètres du processus étaient pilotés par les Affaires étrangères.
    Merci, monsieur.
    Serait-il possible que le général Gauthier nous fournisse les documents auxquels il a fait allusion? Je pense que cela devrait lui plaire. Peut-il les offrir au comité?
    Je peux le faire personnellement mais vous pouvez les obtenir du gouvernement.
    Obtenez ce que vous pouvez.
    Merci.
    Nous sommes un peu à la croisée des chemins. Nous n'avons jamais assez de temps à ce comité. Nous avons des questions internes à régler. La séance doit se terminer à 17h00 et un autre tour de questions prendrait 40 minutes. Si nous commençons, nous ne pourrons pas terminer.
    Que voulez-vous faire?
    Monsieur le président, nous avons des décisions importantes à prendre au sujet des travaux du comité. Nous avons tous eu un tour.
    Toutefois, j'avais dit à M. Wilfert qu'il pourrait avoir quelques minutes. J'ai été très souple sur l'horaire pendant le premier tour à cause des réponses que nous obtenions et des questions qui étaient posées.
    Je crois qu'il serait maintenant préférable de sièger à huis clos.
    Un rappel au règlement, monsieur le président. Je suis d'accord pour débattre des motions en public, et je crois que le NPD l'est aussi.
    En règle générale, les questions d'ordre interne sont traitées à huis clos. Quelqu'un s'oppose-t-il à ce que la séance continue en public? Sinon, je suspends la séance pendant une minute pour permettre à nos témoins de partir.
    Merci, messieurs.

(1700)
    Reprenons nos travaux. Nous avons plusieurs choses à régler.
    Tout d'abord, j'aimerais traiter d'un rapport du comité directeur dont nous n'avons pas pu parler la semaine dernière. Il s'agit du cinquième rapport du sous-comité du programme et de la procédure. Quelqu'un peut-il en proposer l'adoption?
    J'en fais la proposition.
    Merci beaucoup.
    (La motion est adoptée. [Voir le procès-verbal])
    Nous avons reçu quatre avis de motion. La greffière les a classés dans l'ordre où elle les a reçus et elle a les dates et tous les détails, pour qu'il n'y ait pas de contestation.
    La première motion est celle de M. Dewar. Je vous donne quelques minutes pour l'expliquer, monsieur.
    Merci, président.
     Je pense que la motion est très simple : « Que le Comité spécial sur la mission canadienne en Afghanistan demande les documents suivants avant la comparution de M. David Mulroney » et il y a ensuite la liste : « tous les documents auxquels il est renvoyé dans la déclaration assermentée de Richard Colvin; tous les documents se trouvant au ministère des Affaires étrangères qui ont été écrits en réponse aux documents auxquels il est renvoyé dans la déclaration assermentée de M. Colvin et... »
    Puis-je me dispenser de lire la suite? Merci.
    Monsieur le président, les documents mentionnés dans la motion — surtout le dernier — sont des documents du gouvernement. Nous avons entendu M. Colvin dire qu'ils devraient être communiqués au comité — je les lui avais demandés — et le général Gauthier a également exprimé le même souhait.
    Je pense que c'est une demande parfaitement raisonnable. Elle ne sera pas difficile à satisfaire. Je sais que nous avons un système très pointu de classement des renseignements dans cette ville. Je pense que cela pourrait se faire en quelques heures et ça nous permettrait de faire deux choses, monsieur le président, ce qui sera ma conclusion. Ça nous permettrait d'avoir les informations requises pour avoir un débat éclairé sur la question du transfert des détenus, et ça permettrait aussi à ceux d'entre nous qui souhaitent interroger M. Mulroney — c'est mon cas — de le faire à partir des documents auxquels il a accès. Il s'agirait donc simplement de s'assurer que le comité est bien informé.
    Je demande donc au comité de réclamer ces documents avant la comparution de M. Mulroney.
    J'en reste là et je vous remercie, président.
(1705)
    Quelqu'un d'autre souhaite-t-il intervenir?
    M. Hawn.
    Merci, monsieur le président.
    Les députés du parti gouvernemental appuieront toute demande de production de documents légalement disponibles.
    Je pense que M. Dewar sous-estime grossièrement le temps qu'il faudrait pour réunir les documents, et je fais référence aux trois motions similaires des partis d'opposition. Nous ne pourrons évidemment pas appuyer une motion qu'il serait impossible de satisfaire dans un délai raisonnable, surtout si c'est une condition préalable à l'audition de témoins importants. En outre, je crois, le comité ne tient pas assez compte des questions de sécurité reliées aux documents confidentiels du Cabinet. Ce n'est pas lui qui peut décider des questions de sécurité nationale et nous n'avons aucunement l'intention de transgresser les lois concernant la sécurité nationale.
    Nous croyons que la motion est clairement destinée à empêcher David Mulroney et d'autres de témoigner. Nous avons déjà entendu huit témoins, sans documents. Nous avons prévu d'en entendre sept autres. Nous n'avons pas besoin de documents pour entendre M. Mulroney. Nous pensons que l'opposition est manifestement mal à l'aise avec ce qu'il va probablement dire et, très franchement, nous pourrons également le convoquer à nouveau si c'est nécessaire. Il n'habite pas sur une autre planète.
    Je trouve un peu étonnant que le Bloc québécois soit prêt à renoncer aussi facilement à l'obtention de documents en français. Il appartient au gouvernement de produire des documents bilingues, au titre de la Loi sur les langues officielles et du Règlement de la Chambre. Je pense qu'il incombe au comité de respecter ces traditions et lois bien établies.
    Pour toutes ces raisons, les représentants du gouvernement s'abstiendront de voter sur la motion. S'il est vrai que nous appuyons toute demande de documents légalement disponibles, nous ne pouvons accepter des délais impossibles, des transgressions de la sécurité nationale et des tentatives évidentes de museler les témoins. Nous n'allons donc non pas voter contre ces motions mais plutôt nous abstenir.
    Y a-t-il d'autres remarques avant de passer au vote?
    J'ai une...
    Non, passons au vote.
    Ceux qui appuient la motion de M. Dewar sont priés de l'indiquer la manière habituelle.
    Un rappel au règlement, monsieur le président. Tous les remplaçants sont-ils enregistrés?
    Oui. Les six qui viennent juste de lever la main le sont.
    Bien.
    (La motion est adoptée.)
    Puis-je préciser, monsieur le président, qu'il vous incombe d'écrire au gouvernement pour demander... Est-ce votre interprétation de cette motion?
     Elle sera transmise, oui.
    Immédiatement? Merci.
    Nous passons à la motion de M. Dosanjh.
    Un rappel au règlement, monsieur le président. Comme M. Dosanjh n'est pas ici, devrions-nous traiter de sa motion en son absence ou attendre son retour? Quelle est la procédure?
    Je dois m'informer. Pouvons-nous nous saisir d'une motion présentée par un député qui est absent? Si elle est présentée par un autre député, ça va.
    Quelqu'un veut-il proposer cette motion?
    J'en propose l'adoption, monsieur le président.
    Très bien. Nous pouvons en discuter. Quelqu'un veut-il intervenir?
    Un rappel au règlement. M. Wilfert peut-il simplement assumer la responsabilité de cette motion, madame la greffière?
    La greffière me dit qu'un autre député peut proposer la motion. M. Dosanjh a déposé son avis de motion et celle-ci peut être présentée par quelqu'un d'autre. La greffière va faire une nouvelle vérification. Donnez-nous une seconde.
(1710)
    Puis-je la retirer et demander à Mme Neville de la proposer puisque c'est elle la remplaçante? Cela serait-il plus simple?
    Il semble que ce soit la bonne solution, selon le Règlement. Si Mme Neville est la remplaçante de M. Dosanjh, elle peut proposer la motion.
    Très bien. Dans ce cas, je la retire et je cède la place à Mme Neville.
    Je propose l'adoption de la motion de M. Dosanjh, monsieur le président.
    Bien. Mme Neville propose l'adoption de la motion dont M. Dosanjh avait donné avis. Discussion?
    Qui appuie la motion?
    (La motion est adoptée. [Voir le procès-verbal])
    Nous avons donc adopté la motion de M. Dewar et nous avons maintenant une deuxième motion qui est exactement la même mais avec quelques éléments supplémentaires. Nous avons adopté deux motions.
    M. Hawn, vous avez déposé un avis de motion.
    Merci, monsieur le président. Elle est très simple : que, nonobstant toute autre motion, le Comité spécial entende David Mulroney le jeudi 26 novembre 2009 de 15h30 à 17h00.
    Vous avez entendu la motion de M. Hawn. Voulez-vous en débattre?
    (La motion est adoptée.)
    Nous avons maintenant une autre motion, de M. Bachand.
    Vous avez la parole, monsieur.

[Français]

    Monsieur le président, les deux motions qui viennent d'être adoptées couvrent amplement le sujet. Par conséquent, je ne vois pas l'utilité de maintenir la nôtre. Pour ce qui est de la question de la langue d'origine, je veux dire à M. Hawn que je m'accuse moi-même d'avoir laissé échapper ces propos. Je peux lui promettre que ça ne se produira plus.
     Nous allons retirer notre motion, monsieur le président.

[Traduction]

    M. Bachand ne propose pas sa motion. Merci, monsieur Hawn, de votre note.
    Nous avons maintenant adopté trois motions, n'est-ce pas?
    Une voix: Oui.
    Le président: Et elles sont relativement contradictoires.
    Des voix: Oh!
    Le président: Nous allons devoir trouver une solution.
    Allez-y, monsieur.
    Comme la motion de M. Hawn contient un nonobstant, elle est valide en soi. Je ne pense pas qu'il faille la juger par rapport aux autres motions. S'il doit y avoir une conciliation au sujet des motions, cela ne concerne que M. Dewar et Mme Neville.
    Ce ne sont pas exactement les mêmes.
    La greffière m'indique que la motion de M. Dewar dispose que le Comité « demande les documents suivants avant la comparution de M. David Mulroney ». Elle n'indique pas que le Comité doit « avoir en sa possession ». Elle demande simplement que l'on demande les documents avant la comparution de M. Mulroney.
    M. Rae.
(1715)
    Je tiens simplement à préciser deux choses à l'intention de mes collègues.
    Tout d'abord, on a beaucoup parlé du désir de museler ou de bloquer les témoins. Rien ne saurait être plus faux de la part de notre parti. Nous tenons à entendre tout le monde mais j'espère que les membres du comité conviendront avec moi qu'il serait un peu bizarre pour nous d'entendre des témoins qui ont accès à des documents auxquels nous n'avons pas accès. Nous avons eu aujourd'hui la situation absurde de généraux qui faisaient référence aux notes de M. Colvin, aux documents auxquels il avait fait référence dans ses messages, et que les seules personnes qui ont été dans le noir le plus complet au sujet de la teneur de ces documents sont les membres du comité. Comment pourrions-nous porter un jugement valable sur les faits si nous n'avons pas accès à l'information?
    Nous devrions donc profiter de toutes les occasions possibles, que ce soit en Chambre ou ici, pour avoir accès à l'information. J'espère, monsieur le président, que vous conviendrez que nous avons toujours tenté de faire avancer les choses, de contribuer à la bonne marche du comité, d'entendre les témoins, et de ne pas manipuler le comité pour essayer de bloquer quoi que ce soit. Nous sommes vraiment très troublés par ce problème de manque d'accès à l'information.
    Il y a en outre un autre problème, que j'ai soulevé aujourd'hui en Chambre. Il s'agit du fait que M. Colvin a maintenant reçu un avis juridique totalement contraire à l'avis juridique reçu par le Comité au sujet de la portée du privilège parlementaire lorsqu'il s'agit de fournir des informations à la Chambre.
    Je donne aucun préavis de quoi que ce soit mais je peux vous dire que nous avons l'intention d'aller au fond de ce dossier. Ce comité doit absolument pouvoir vider la question mais, pour le moment, nous ne pouvons tout simplement pas avoir accès aux messages pertinents. Nous verrons bien ce qui arrivera avec les motions que nous avons adoptées à ce sujet et dans quelle mesure le gouvernement indiquera qu'il est prêt à nous les communiquer.

[Français]

    Franchement, nous avons un problème. Nous ne nous opposerons jamais à ce qu'un témoin soit entendu surtout, en l'occurrence, s'il s'agit d'éléments qui soulignent l'importance de M. Mulroney dans cette histoire. Nous sommes tout à fait prêts à entendre ces témoignages. Toutefois, nous avons un problème: nous ne pouvons pas voir les documents. Nous continuerons d'insister pour obtenir les documents dont nous avons besoin. J'espère que nous pourrons trouver une solution à ce problème, mais jusqu'ici, nous n'en avons pas trouvé.
    Depuis deux jours consécutifs, nous sommes dans une situation un peu bizarre. Aujourd'hui, nous recevions les généraux. La semaine passée, M. Colvin a fait référence à toutes sortes de documents et de notes de services. Or nous n'en avons vu aucun. Tout ce que nous avons, ce sont des documents publics. Nous ne sommes pas vraiment en mesure de questionner les témoins de façon rigoureuse si nous n'avons pas accès à cette information. Jamais on ne tiendrait une enquête publique si le juge n'avait pas accès à l'information. Or, c'est le problème auquel nous faisons face.

[Traduction]

    Merci, monsieur Rae.
    Mme Gallant.
    Merci, monsieur le président.
    Malgré tout le respect dû au député d'en face, il est souvent arrivé que le Comité de la défense réclame des documents, avant son arrivée sur la Colline parlementaire, lorsque que les Libéraux étaient au pouvoir. Dans un cas, nous les avons finalement obtenus après plusieurs mois d'attente et je crois me souvenir qu'ils avaient attribué le retard à la traduction. Je suppose que c'est pour cette raison que M. Bachand a proposé d'accepter les informations dans leur langue d'origine.
    Lorsque nous avons reçu ce rapport de Chicoutimi, plusieurs mois après, il avait été sérieusement expurgé. Je ne saurais donc accepter l'allégation que le gouvernement retient délibérément des messages ou d'autres documents qui doivent être analysés du point de vue de la sécurité nationale.
    Merci.
    Merci. Plusieurs d'entre nous faisions partie du comité à l'époque.
    C'est maintenant au tour de M. Wilfert puis de M. Bachand.
    Nous avons recueilli aujourd'hui des témoignage très directs et très sincères de trois généraux. Nous avons recueilli le témoignage très direct et très sincère d'un fonctionnaire de carrière. L'un des généraux, le général Gauthier, a dit très clairement qu'il espère que nous obtiendrons ces documents sans retard.
    Après 12 années et demie de présence au Parlement, je dois vous dire que je trouve tout à fait répréhensible qu'on nous demande de faire notre travail, qui consiste à chercher la vérité — quelle qu'elle soit et où qu'elle se trouve — alors que certains témoins ont accès à la documentation. Je suppose que personne autour de cette table n'a vu cette documentation. Toutefois, il semble clairement que nous allons entendre M. Mulroney demain, encore une fois sans la documentation nécessaire.
    Dans les manoeuvres que je perçois du gouvernement, nous accueillerons demain un témoin pour une réunion qui n'était pas prévue, ce qui nous fait réorganiser notre horaire, chose que je trouve tout à fait bizarre. Nous avons vu aujourd'hui des gens mentionner des documents sans que nous ayons la possibilité de contester leurs affirmations à ce sujet. Les témoins d'aujourd'hui et celui de la semaine dernière ont témoigné de manière très sincère et directe. La vérité se trouve probablement entre les deux — à moins que l'un d'entre eux ne dise pas la vérité. Si nous étions vraiment sincères au sein de ce comité — nonobstant le sectarisme politique — et si nous souhaitions tous atteindre le même but, c'est-à-dire aller au fond des choses, nous devrions avoir ces documents.
    Je suppose que le gouvernement sera aussi transparent que possible, nonobstant les remarques que nous avons déjà entendues.
(1720)
    Merci de votre intervention.
    M. Bachand puis M. Dewar.

[Français]

    Je pense qu'une question fondamentale n' a pas été encore résolue. Lorsque le général Watkin a comparu devant le comité, il nous a bien expliqué qu'il avait une vision légale de la chose. Je m'étais inscrit en faux contre ce qu'il disait parce que j'avais une vision parlementaire de la chose.
     Les comités du Parlement ont certains droits. J'ai même indiqué qu'on pouvait vraiment interpréter les lois selon les besoins du comité. Je me rappelle très bien, monsieur le président, que je suis revenu à la fin de la réunion pour vous dire que je tenais à ce que le général aille rencontrer son client, le gouvernement du Canada, pour voir si son client était d'accord avec notre interprétation ou avec celle du général. Tant qu'on n'aura pas ça, tant qu'on n'aura pas la certitude de la préséance du droit parlementaire sur le droit légal invoqué par M. Watkin, le gouvernement ne se sentira pas obligé de déposer ce type de document. J'aimerais que vous contactiez le général.
    Est-ce qu'on attend qu'on ait vu tous nos témoins et qu'on se fasse dire qu'on ne verra pas les documents? On peut obliger des témoins à témoigner, mais le comité peut-il obliger un gouvernement ou des gens à déposer des documents? C'est très important. Je pense qu'il va falloir examiner ça. Sinon, on risque d'entendre des témoins sans voir certains documents. On est à armes inégales dans ce dossier.
    Je voudrais aussi réagir à ce que Mme Gallant a dit. Nous avons toujours tenu à ce que les documents soient bilingues, dans les deux langues officielles, et nous y tenons toujours. Lorsqu'on a fait l'étude sur les sous-marins, entre autres, on s'est fait mettre souvent sous le nez que ça allait prendre plus de temps parce qu'il allait falloir traduire les documents.
    Vous comprendrez qu'avec la question de principe que nous défendons, nous voulons avoir les documents en français. Ce n'est pas vrai que ce sont des tâches colossales. D'ailleurs, c'est tout le temps une tâche colossale quand nous demandons une traduction. On est empêtré et on se dit que le comité ne pourra pas fonctionner parce qu'on va devoir attendre la traduction. Quand c'est urgent, le gouvernement trouve des moyens d'agir. Là, je pense qu'il y a urgence. Il faudra qu'il trouve des moyens d'agir, qu'on ait les documents dans les deux langues et qu'on ait une interprétation finale sur lequel des droits a prédominance, le droit parlementaire ou le droit légal présenté par le représentant du gouvernement à la première réunion. J'aimerais que vous assuriez le suivi auprès du général Watkin. Quelle est sa réponse?

[Traduction]

    Le quatrième élément du rapport que nous venons juste d'adopter, monsieur Bachand, concerne votre intervention à ce sujet. Il donne une instruction qui sera suivie.
    Allez-y, M. Dewar.
    La première motion que nous avons adoptée est très claire : nous voulons obtenir les documents avant l'arrivée de M. Mulroney. C'est très simple.
    Je dois vous dire que cette situation est très frustrante, et je suis sûr que je ne suis pas le seul à réagir ainsi. Dans notre régime parlementaire, les comités sont censés pouvoir faire leur travail sans ingérence du pouvoir exécutif. À l'heure actuelle, nous avons clairement le sentiment qu'il y a une ingérence du pouvoir exécutif.
    Il est très facile de dire que nous devrions écouter M. Mulroney quand il viendra. Si tel est le cas, monsieur le président, pourquoi le gouvernement n'avait-il pas inscrit son nom sur la liste des témoins lorsque nous procédions à l'étude de cette motion? Pourquoi le gouvernement ne voulait-il même pas l'examiner? Comment se fait-il que, lorsque que la CEPPM essayait de faire son travail — nous avons entendu sa version des faits —, les documents n'étaient pas fournis et les gens ne pouvaient pas témoigner?
    Le comité est un organisme indépendant. Je peux vous dire que je n'en ai pas le sentiment en ce moment. Je pense que c'est pourtant un critère très important pour un comité parlementaire — pas un comité du pouvoir exécutif. C'est un principe parlementaire très important. À titre de citoyen, je veux avoir l'assurance que mon comité est indépendant du pouvoir exécutif et que, quand un comité demande quelque chose, il l'obtient d'office.
    Comparez notre situation à celle des États-Unis. Si nous étions un comité américain et que le président demandait des documents au gouvernement — je ne dis pas du tout cela pour vous accuser, monsieur le président, c'est seulement un exemple —, il les obtiendrait sur-le-champ. J'ai le sentiment que le gouvernement n'est pas prêt à faire la même chose. J'aimerais savoir pourquoi et je tiens à établir le fait que nous souhaitons que M. Mulroney vienne témoigner mais tenons aussi à obtenir les documents, ce qui est parfaitement notre droit.
    J'en reste là.
(1725)
    Je pense, M. Dewar, que les motions adoptées aujourd'hui et l'instruction figurant dans le cinquième rapport permettront d'atteindre cet objectif.
    Je sais que vous formulerez la demande.
    Nous allons accueillir M. Mulroney.
    Toutefois, et je sais que c'est un détail, vous dites à la première ligne de votre motion que le comité demande les documents.
    En effet, et c'est une demande qui émanera d'un comité parlementaire indépendant du pouvoir exécutif. Vous avez absolument raison.
    C'est exactement ce qui va se passer.
    La cloche va bientôt sonner mais vous pouvez intervenir, M. Hawn.
    Très brièvement, monsieur le président, je perçois une certaine frustration et elle est compréhensible. Nous ferons tous les efforts possibles pour fournir les documents. Nous ne transgresserons pas la loi et nous ne transgresserons par la sécurité nationale. C'est aussi simple que ça.
    Bien. Merci.
    Quelqu'un demande un éclaircissement. Mme Neville.
    Un simple éclaircissement. Il y a eu une discussion en aparté avec la greffière. Je crois comprendre que nous venons tout juste d'être informés que, suite à notre adoption de cette motion, les documents seront fournis au comité.
    C'est ce que disait la motion.
    La question est de savoir sous quelle forme ils seront fournis.
    C'est l'information que nous avons.
    M. Del Mastro.
    Merci, monsieur le président.
    Je veux juste faire une déclaration. J'ai été un peu troublé par ce qu'a dit M. Wilfert au sujet de la vérité. Je pense que ce comité a eu le privilège de recueillir aujourd'hui les témoignages de trois héros canadiens ayant dirigé les Forces canadiennes, des Forces qui ne comprennent que des héros qui servent notre pays avec honneur et distinction. Je pense qu'il faut constamment le souligner. Nous devrions en être reconnaissants. Nous devrions toujours apprécier ceux qui protège notre liberté et, s'il y a une question de vérité, je me rangerai chaque jour de leur côté parce qu'ils se rangent chaque jour du mien.
    Nous allons conclure avec M. Abbot et M. Rae.
    Je passe.
    M. Abbot passe, et M. Rae aussi.
    Nous nous reverrons demain.
    La séance est levée.
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