:
Bonjour, chers collègues députés, témoins et invités. Dans le cadre de la quinzième séance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, nous allons nous pencher aujourd'hui sur le rapport de la vérificatrice générale.
Ce matin, nous accueillons donc la vérificatrice générale, Mme Fraser, pour discuter de son rapport.
[Traduction]
Madame Fraser, soyez la bienvenue à notre comité. Nous allons nous pencher ce matin sur votre rapport et vous aurez, au début de votre déclaration d'ouverture, l'occasion de nous présenter vos collaborateurs. Vous disposerez, pour vos observations, d'environ 10 minutes, mais étant donné que votre exposé est le seul que nous allons entendre ce matin, n'hésitez pas, si vous le voulez, à prendre un peu plus de temps. Nous passerons, après cela, aux questions que souhaiteraient vous poser les membres du comité.
Mesdames et messieurs, nous devrions, d'après moi, poursuivre jusqu'à 10 h 45 ce matin, car il nous faudra consacrer un quart d'heure aux travaux du comité avant de lever la séance à 11 heures.
Madame Fraser, vous avez la parole.
:
Merci, monsieur le président.
Nous vous remercions de l’occasion de présenter le chapitre 4 de notre rapport Le Point de mars 2009 intitulé Les obligations liées aux droits fonciers issus de traités. Je suis accompagnée de M. Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, et de M. Frank Barrett, directeur principal, qui sont tous deux responsables de nos vérifications sur les questions autochtones.
Les accords sur les droits fonciers issus des traités conclus entre le gouvernement et les premières nations établissent la façon dont le gouvernement fournira des terres aux premières nations en vertu de traités historiques qu’il n’a pas respectés. Le respect des droits issus de ces traités va au-delà de la promesse de fournir des terres. Les droits sont définis et consacrés par la Loi constitutionnelle et sont, par conséquent, protégés par la Constitution.
En 2005, le bureau a commencé par examiner la façon dont le gouvernement s’est acquitté de ses obligations aux termes des accords sur les droits fonciers issus de traités. Ces obligations comprenaient la conversion de terres sélectionnées en réserves, soit jusqu’à 1,4 million d’acres au Manitoba et jusqu’à 2,7 millions d’acres en Saskatchewan. La vérification avait particulièrement pour objet d’examiner les progrès réalisés en Saskatchewan et au Manitoba par Affaires indiennes et du Nord Canada en ce qui a trait à la conversion en réserves des terres sélectionnées en vertu de ces accords. Nous avions aussi vérifié si le ministère gérait le processus de conversion conformément à ses obligations légales envers les premières nations.
La vérification de 2005 avait permis de constater, dans les pratiques de gestion du ministère, un certain nombre de lacunes en ce qui a trait au respect de ses obligations, comme une planification inadéquate et l’absence de cibles pour la conversion des terres. Nous avions alors constaté que ces lacunes limitaient les progrès du ministère à l’égard de la conversion des terres en réserves, surtout au Manitoba. De plus, nous avions constaté qu’en Saskatchewan, environ 58 p. 100 des terres sélectionnées par les premières nations avaient été converties en réserves, alors que seulement 12 p. 100 des terres sélectionnées avaient été converties au Manitoba. Dans le cadre de cette vérification, nous avions fait huit recommandations dont la plupart portaient sur la nécessité pour le ministère d’améliorer ses pratiques de gestion. Ce dernier avait accepté nos recommandations et, en 2006, le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada s’est engagé au nom du ministère à convertir en réserves 150 000 acres de terres au Manitoba chaque année, pendant quatre ans.
Notre dernière vérification avait pour objet d'examiner les progrès réalisés par le ministère en ce qui a trait à la conversion des terres en réserves et la mise en oeuvre des recommandations que nous avions formulées à la suite de notre vérification de 2005. Nous avons constaté qu'Affaires indiennes et du Nord Canada avait accompli des progrès importants en ce qui concerne la conversion en réserves des terres sélectionnées par les premières nations.
[Français]
Depuis 2005, le ministère a converti en réserve plus de 315 000 acres de terre en Saskatchewan et au Manitoba. Cela représente, en seulement trois ans, une augmentation de 42 p. 100 des terres converties. Rien qu'au Manitoba, plus de 227 000 acres de terre ont été convertis en réserve depuis notre dernière vérification.
Notre vérification de suivi a aussi permis de constater que le ministère faisait des efforts pour améliorer ses communications avec les premières nations et qu'il collaborait plus étroitement avec celles-ci à l'élaboration de plans pour traiter les terres sélectionnées non encore converties. Cependant, notre vérification de 2009 a révélé qu'Affaires indiennes et du Nord Canada n'avait pas réalisé de progrès satisfaisants en ce qui concerne la mise en oeuvre de plusieurs de nos recommandations visant à améliorer ses pratiques de gestion afin de remplir ses obligations envers les premières nations, en particulier au Manitoba.
Par exemple, pour cette province, le ministère n'a pas préparé de plan de gestion indiquant comment il gérera ses activités afin de traiter, dans un délai raisonnable, les terres sélectionnées non encore converties. Il n'a pas non plus comptabilisé le temps de traitement des terres, et par conséquent, il ne peut démontrer qu'il s'est amélioré à cet égard au cours des trois dernières années.
[Traduction]
Les lacunes persistantes en matière de gestion relevées au cours de la présente vérification de suivi sont particulièrement préoccupantes puisqu’elles concernent des obligations découlant de traités que le Canada a conclus il y a plus d’un siècle. Notre vérification nous a permis de constater qu’au Manitoba, plus de 430 terres sélectionnées, soit près de 650 000 acres de terres, doivent encore être converties, alors qu’en Saskatchewan, il reste plus de 700 terres sélectionnées représentant 451 000 acres de terres à convertir. Nous avons conclu que si la direction ne déploie pas d’efforts soutenus pour combler les lacunes relevées au cours de notre vérification, le ministère risque de ne pas pouvoir continuer de faire des progrès pour ce qui est de la conversion des terres en réserves.
nous croyons comprendre que vous voudrez peut-être aussi discuter de nos dernières vérifications qui mettent l’accent sur les responsabilités d’Affaires indiennes et du Nord Canada dans le Nord du pays. Ces dernières années, nous avons mené trois vérifications à ce sujet.
En novembre 2003, nous avions fait rapport sur les progrès réalisés par le ministère en ce qui concerne le transfert des responsabilités fédérales à la population du Nord. Nous avions alors constaté que le rendement du ministère à l’égard de la mise en œuvre des ententes avec les Gwich’in et les Inuits du Nunavut laissait beaucoup à désirer. De plus, nous avions constaté que les processus du ministère pour gérer ses responsabilités en vertu des ententes étaient incomplets. Aucun échéancier précis n’avait été fixé et aucun mécanisme de rétroaction n’avait été établi, lesquels auraient permis au ministère de s’acquitter de ses obligations. Mais surtout, le ministère s’était employé à terminer certaines activités requises à l’égard des plans de mise en œuvre des ententes sur les revendications territoriales au lieu de respecter l’esprit et le but de ces ententes.
En avril 2005, nous avions fait rapport sur la mise en valeur des ressources non renouvelables dans les Territoires du Nord-Ouest par Affaires indiennes et du Nord Canada. Nous avions alors conclu que le ministère ne s’acquittait pas adéquatement de ses responsabilités pour ce qui est de l’approbation des projets de mise en valeur des ressources non renouvelables dans les Territoires du Nord-Ouest. Le ministère n’avait pas fourni une orientation adéquate aux offices publics qui jouent un rôle déterminant dans la mise en valeur de ces ressources ni pris de mesures pour que ceux-ci disposent des bases appropriées en gestion pour s’acquitter comme il se doit de leurs responsabilités.
En octobre 2007, nous avions fait rapport sur la Convention définitive des Inuvialuit. Selon nos constatations, le gouvernement fédéral n’avait pas respecté certaines de ses principales obligations en vertu de la convention, dans bien des cas parce qu'il n'avait pas établi les processus et les modalités nécessaires ou n'avait pas déterminé qui était responsable des diverses mesures à prendre. Nous avons aussi constaté que 23 ans après l'entrée en vigueur de la convention, Affaires indiennes et du Nord Canada n'avait toujours pas adopté de stratégie pour en assurer la mise en œuvre ni pris de mesures pour assurer la surveillance des progrès accomplis à l’égard des principes de la convention.
[Français]
Monsieur le président, certaines observations découlant de nos vérifications des droits fonciers issus de traités et des responsabilités du ministère dans le Nord font aussi ressortir l'importance des facteurs essentiels recensés dans notre rapport Le Point de 2006. En effet, dans le cadre de cette vérification, nous avions cerné sept facteurs qui semblaient avoir joué un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de nos recommandations. Grâce à quelques-uns de ces facteurs, la mise en oeuvre de nos recommandations a obtenu du succès. Par contre, l'absence d'autres facteurs a nui à la mise en oeuvre des recommandations et entravé l'instauration de changements véritables dans la vie des membres des premières nations et des Inuits.
Les sept facteurs essentiels que nous avions cernés en 2006 étaient les suivants: la nécessité d'une attention soutenue de la part de la haute direction afin de produire des changements permanents; l'importance de coordonner les efforts des organisations fédérales qui offrent des programmes semblables; le besoin de mener une consultation fructueuse auprès des premières nations; l'utilité de développer les capacités des premières nations; l'importance de créer des institutions des premières nations; l'incompatibilité possible des rôles d'Affaires indiennes et du Nord Canada dans ses relations avec les premières nations; et finalement, la nécessité d'un fondement législatif approprié pour les programmes destinés aux premières nations.
[Traduction]
Les vérifications que nous avons menées auprès d’Affaires indiennes et du Nord Canada démontrent l’importance de ces facteurs pour assurer le succès des programmes destinés aux premières nations.
Je termine ainsi ma déclaration d’ouverture. C’est avec plaisir que nous répondrons aux questions des membres du comité.
Je vous remercie.
:
Merci, monsieur le président.
Madame Fraser, monsieur Barrett et monsieur Campbell, bonjour. Je suis content de cette occasion d'obtenir de vous certaines précisions. Je tiens aussi à vous remercier du travail que vous accomplissez, notamment dans le cadre de ce dossier.
Vous avez évoqué les diverses vérifications que vous avez effectuées, mais je m'intéresse plus précisément à celle de l'année dernière, portant sur le Programme des services à l'enfance et à la famille des premières nations. Je m'intéresse particulièrement à vos observations concernant le financement des services dans le cadre de ce programme. Vous relevez que le financement de ce programme est inéquitable et que la formule de financement est dépassée car elle entraîne des inégalités. Vous faites en outre valoir que cette formule n'est pas adaptée à l'action des organismes de moindre envergure et vous relevez un manque de coordination au niveau du financement. Tout cela, j'imagine, dans le contexte de la prise en charge de 8 300 enfants des premières nations confiés à des foyers d'accueil. Il ne fait aucun doute que, compte tenu des inégalités portées tant dans votre rapport que dans de nombreux autres rapports, le financement des services à l'enfance et à la famille dans les réserves ne répond pas aux normes applicables à de tels services hors réserve. Le financement qui leur est assuré est insuffisant.
Vous relevez également que l'Alberta est en train de négocier une approche tripartite axée sur la prévention et que lorsque cette approche aura été, en 2010, mise en oeuvre, il y aura une augmentation du financement de l'ordre d'environ 74 p. 100. Vous précisez par contre que même une telle augmentation ne sera pas à la hauteur des besoins.
Voilà donc quelle sera la situation en Alberta en 2010, mais le problème ne se pose pas, bien sûr, seulement en Alberta.
Récemment le Comité des comptes publics s'est penché sur la question, relevant qu'il existe déjà en ce domaine des normes provinciales et se demandant pourquoi le ministère n'adopte pas tout simplement ces normes provinciales, accordant en même temps les financements nécessaires. Le ministère a répondu qu'il n'entendait pas retenir cette approche mais qu'il attendrait plutôt de voir les résultats que donnerait le modèle adopté par l'Alberta avant, peut-être, de négocier d'autres accords avec... Cela renvoie donc à 2010 la mise en oeuvre de ces approches tripartites axées sur la prévention.
Pourquoi attendre si longtemps pour nous porter au secours des enfants? Qu'en pensez-vous? Y aurait-il un meilleur moyen d'atteindre les objectifs assignés à ce programme?
J'aimerais recueillir votre avis sur ce point. Comme de nombreux autres programmes, celui-ci n'a aucune mission clairement défini par un texte de loi. Ne serait-il pas bien d'adopter un texte précisant les rôles et les responsabilités de chacun ainsi que les résultats attendus? On parle souvent d'obligation redditionnelle, mais l'adoption d'un texte de loi en ce domaine ne serait-il pas utile à cet égard, le gouvernement étant alors davantage tenu de répondre de son action, au lieu de réagir à des situations de crise au petit bonheur la chance?
Je souhaiterais recueillir votre avis sur ce point car la situation actuelle est honteuse. Je me fiche complètement de l'étiquette du gouvernement en place; il est absolument nécessaire que nous fassions quelque chose.
:
Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais consacrer quelques minutes à une explication des problèmes liés à l'actuelle formule de financement.
Cette formule remonte à 20 ans et elle n'a pas été modifiée depuis. La formule actuelle repose sur l'hypothèse que, dans chaque communauté, un certain pourcentage d'enfants et de familles auront besoin d'aide. Ainsi que nous le relevons dans le rapport, ce pourcentage varie bien sûr sensiblement d'une communauté à l'autre. L'hypothèse retenue table sur 6 p. 100 mais nous avons constaté que, dans certaines communautés, de 23 à 28 p. 100 des enfants et des familles ont en fait besoin des services en question. Il est évident qu'un financement calculé en fonction de cette hypothèse de 6 p. 100 est insuffisant.
Une des autres difficultés liées à cette formule tient au fait qu'elle n'est adaptée ni aux nouveaux services ni aux nouveaux types de services offerts. Dans la mesure, en effet, où les organismes relevant des gouvernements provinciaux optent de plus en plus pour des services préventifs, l'actuelle formule ne permet guère d'en assurer le financement. L'actuelle formule prévoyait en fait la prise en charge des enfants. Cela porte à s'interroger. Nous relevons que si de nombreux enfants sont effectivement pris en charge, c'est peut-être justement, en raison de la manière dont le financement du programme est assuré. En effet, en l'absence de services préventifs, le seul moyen de s'occuper des enfants est de les prendre en charge. Il n'est donc pas surprenant que le nombre de ces enfants soit si élevé.
Je tiens à préciser que, aux termes mêmes de la politique du ministère, ces enfants et leurs familles sont censés avoir accès à des services comparables. Or, le ministère n'a en fait jamais défini ce qu'il faut entendre par services comparables. D'après nous, cela devrait vouloir dire des services comparables aux services assurés en ce domaine par les diverses provinces.
J'estime que le financement de ce programme est tout à fait insuffisant et je pense que l'accord conclu avec l'Alberta démontre cela très nettement étant donné qu'il prévoit une augmentation de 74 à 75 p. 100 par rapport au financement actuel.
Certains des services en question sont déjà assurés par des organismes provinciaux et, dans ce cas-là, le gouvernement fédéral rembourse, si vous voulez, les dépenses des organismes provinciaux. Cela veut dire que ces organismes bénéficient d'un niveau de financement plus élevé. Ce sont, en effet, les organismes relevant des premières nations qui ne se voient financer qu'à un moindre taux. Cela porte, d'après moi, à s'interroger. Il n'est en effet guère surprenant que ces organismes aient du mal à assurer les services nécessaires puisque le financement qui leur est accordé est de beaucoup inférieur au financement dont bénéficient leurs homologues provinciaux.
Le ministère dispose sans doute de données lui permettant d'effectuer des comparaisons entre les diverses provinces, et de préciser les taux de financement actuellement en vigueur car, dans bien des cas, c'est lui qui en assume les frais. Or, comme nous l'avons constaté, le ministère n'a pas procédé à ce genre d'analyse.
Nous avons soulevé la question d'un éventuel fondement législatif. La plupart des programmes reposent en effet simplement sur une politique, très peu d'entre eux devant leur existence à un texte de loi. Dans la plupart des vérifications que nous effectuons, la question des rôles et des responsabilités de chacun se pose. Il s'agit, en effet, de savoir qui est responsable de tel ou tel aspect d'un programme et quel est le niveau de service que devrait assurer le gouvernement fédéral. Il serait donc utile qu'un certain nombre de choses soient précisées. Mais, alors, les ressources affectées à telle ou telle activité devront, bien sûr, correspondre au niveau des responsabilités.
:
Vous l'avez lu et vous avez compris.
Madame Fraser, j'ai écouté ce que vous avez dit et j'ai lu beaucoup. Je vous ai dit avoir fait mes devoirs. Peu importe que ce soit les conservateurs ou les libéraux qui sont au pouvoir, le problème remonte à plusieurs années. Certaines ententes et traités sont signés et lient la Couronne. Soyez sans crainte, au Québec, on peut régler beaucoup de choses. Mais pour l'instant, on est au Canada.
Le problème qui se pose, c'est qu'actuellement, des ententes et des traités ont été signés. Depuis 2005, vous dites que le ministère ne comptabilise pas tout le temps qu'il consacre à la conversion des terres des réserves. Ce sont des engagements.
Que pouvons-nous faire pour forcer le gouvernement à respecter ces ententes?
Je vous remercie de vous être rendus à l'invitation du comité. Je vous demande d'excuser mon retard. J'ai dû, malheureusement, m'entretenir avec des habitants de Garden Hill au sujet d'un enfant décédé.
En prévision de cette séance, j'ai pris connaissance du rapport et je constate que, depuis 1998, le gouvernement en place — quel qu'il soit — accumule les manquements à ses obligations. Dans le dernier rapport, sous la rubrique des obligations liées aux droits fonciers issus de traités, vous évoquez notamment les disparités qui existent entre le Manitoba et la Saskatchewan.
Plus tôt, en réponse à une question que vous posait M. Russell, vous avez également évoqué le problème du financement. Je sais qu'hier soir, vous avez comparu devant le comité sénatorial où on vous a notamment demandé pourquoi le ministère ne semblait pas capable de résoudre ce problème.
Qu'il s'agisse de soins de santé, de mise en oeuvre des traités, d'éducation ou d'eau potable, les questions de financement semblent toujours se poser. Chacun reconnaît, je pense, l'écart qui existe entre les financements accordés aux premières nations et ce que les Canadiens hors réserve touchent des municipalités, des gouvernements provinciaux ou du gouvernement fédéral.
Serait-il, d'après vous, possible de calculer à peu près combien il faudrait pour assurer aux premières nations un financement comparable à ce que touchent les Canadiens hors réserve?
:
Je pense que c'est au ministère, et plus généralement au gouvernement, qu'il appartient de préciser le niveau des services qu'il leur faudrait assurer. En ce qui concerne le bien-être des familles et des enfants, ou l'éducation, dans la mesure où il a été décidé d'assurer aux premières nations des services comparables, c'est au ministère et au gouvernement de savoir quel est le niveau de service correspondant et quels sont les crédits nécessaires pour y parvenir. Or, ce genre d'analyse ne semble pas avoir été faite.
J'ai dit, hier soir, devant le comité sénatorial, que si un tel calcul était effectué, nous serions probablement choqués par l'ampleur de l'écart. Nous ne parlons généralement pas de financement et il est assez inhabituel d'entendre la vérificatrice générale parler de financement, mais il semble maintenant clair que c'est quelque chose qui pose de graves problèmes au sein du ministère. Selon certains rapports, la population des premières nations augmente de 10 à 11 p. 100 par an, alors que le financement n'augmente que de 1 à 2 p. 100. A priori, l'écart semble devoir se creuser.
Pour chaque service qu'il assure, le ministère devrait être en mesure de préciser le niveau de ce service, la norme qui y est applicable et les coûts de prestation. Il lui serait facile d'obtenir des données comparatives des gouvernements provinciaux ou municipaux, ou de tout organisme assurant ce genre de services.
:
Merci monsieur le président.
Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Je vous remercie de votre rapport. Je reconnais que beaucoup reste à faire, mais je tiens tout de même à signaler les progrès sensibles qui ont été réalisés. Je note que dans votre conclusion, et en particulier au paragraphe 4.59, vous relevez les progrès satisfaisants réalisés par Affaires indiennes et du Nord Canada avec, en trois ans, une hausse de 42 p. 100 des terres converties en réserves. Je note en outre qu'au paragraphe suivant vous constatez les progrès satisfaisants de la collaboration avec les premières nations en matière de planification de la conversion des terres sélectionnées restantes, ce qui permet de contribuer à améliorer la coordination des évaluations environnementales, etc.
À la page 13 de votre rapport, au paragraphe 4.32, vous évoquez une augmentation de 42 p. 100, puis, au paragraphe 4.33, vous relevez le contraste par rapport aux 159 000 acres convertis entre 1997 et 2005. Il est clair que la conversion de 159 000 acres en un an marque un progrès sensible par rapport à ce qui s'était fait au cours des huit années précédentes. J'estime qu'il nous faut tout de même relever ce qui s'est fait de bien.
Vous évoquez dans votre rapport, la possibilité de nouer des partenariats. Je tiens maintenant à revenir à votre paragraphe 4.8, dans lequel vous traitez des accords sur les obligations liées aux droits fonciers issus de traités précisant les responsabilités incombant à l'AINC, aux provinces et aux premières nations. La responsabilité en matière de sélection des terres et de droits des tiers incombe aux premières nations. D'après vous, que pourrions-nous, en tant que comité, faire, ou qu'est-ce que les premières nations pourraient faire pour accélérer le règlement des questions liées aux droits fonciers issus de traités?
Il faut, en cela, la coopération entre trois partenaires. Je le reconnais et je voudrais pour cela revenir dans quelques instants aux provinces. Nous avons déjà discuté de ce qu'AINC peut faire pour améliorer la situation, mais pourriez-vous également m'aider à comprendre quelles seraient les autres questions que nous pourrions aborder afin d'accélérer le règlement du dossier des droits fonciers issus de traités.
:
Merci, monsieur le président.
Dans tout cela, nous ne nous sommes pas penchés particulièrement sur le rôle que pourraient jouer les premières nations. Ce qui a surtout retenu notre attention, ce sont les procédés de gestion d'Affaires indiennes et du Nord canadien.
En ce qui concerne le processus de sélection des terres par les premières nations, je dois dire que, d'après moi, cela ne semble pas actuellement poser de problème puisque, comme nous l'avons précisé dans notre déclaration d'ouverture, plus d'un million d'acres de terres sélectionnées n'ont pas encore été convertis en réserves. Ce n'est pas le processus de sélection, donc, qui prend du temps, mais le processus de conversion.
On continue en effet à buter sur l'obstacle que constituent les droits des tiers. Cela peut être dû à divers facteurs ayant trait aux municipalités, aux droits d'accès, à des agences financières de bassin, enfin, à diverses questions, et il arrive que les premières nations aient du mal à résoudre ces problèmes. Nous avons pu constater que lorsque le ministère, cela étant particulièrement vrai en Saskatchewan, décide d'intervenir en tant que facilitateur, cela aide les premières nations à résoudre ces difficultés plus rapidement que lorsque les deux parties en cause ne parviennent pas à s'entendre et que les pourparlers s'enlisent.
Merci d'avoir répondu à notre invitation. J'apprécie beaucoup cette analyse objective de l'activité gouvernementale.
J'aurais deux brèves questions à vous poser, en vous demandant de me répondre succinctement. Je voudrais en outre partager mon temps de parole avec M. Bélanger.
Ma première question concerne les revendications territoriales dans le Nord. Sur le plan philosophique, des différends subsistent quant à l'esprit de ces revendications, mais je souhaite aborder la question plutôt sous l'angle de la forme. Ces dossiers soulèvent des problèmes dans leurs moindres détails. Nous procédons actuellement à un examen de la question neuf ans après le début du processus et nous en sommes, je pense, à notre 14e année en ce qui concerne le financement de base de ces programmes.
Un des programmes permet à une première nation d'assumer des pouvoirs en matière de justice et cela fait maintenant 10 ans que les négociations se poursuivent dans un domaine que nous leur avons déjà reconnu.
Y a-t-il, selon vous, des reproches que l'on puisse faire aux revendications territoriales — en ce qui concerne la mise en oeuvre des accords, au niveau de la lettre, et non pas de l'esprit.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier, madame Fraser, de vous être rendue à notre invitation.
Vous avez soulevé plusieurs points intéressants dans le même ordre d'idée que ce qu'a soulevé mon collègue. Je viens moi-même de la Saskatchewan, province qui est, bien sûr, impliquée dans les revendications concernant les obligations liées aux droits fonciers issus de traités, revendications qui en Saskatchewan ont fait l'objet d'une procédure accélérée. Ma réserve natale est Muskeg, et nous possédons à Saskatoon des droits fonciers issus de traités. C'est une réserve progressiste qui, en raison de divers facteurs économiques, a des revenus substantiels.
Le plafond de 2 à 3 p. 100 dont vous avez parlé aujourd'hui, de quand date-t-il?
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins de leur présence ici.
Dans le secteur privé, avant les dernières élections, j'ai eu l'occasion de travailler auprès de plusieurs premières nations, essentiellement en Saskatchewan où il s'agissait de développer des infrastructures dans le pourtour de centres urbains, dans un souci de développement économique, mais également afin d'améliorer l'accès à divers services tels que les services de santé et l'éducation. J'ai fait une lecture comparée du rapport de 2005 et du rapport de 2009, uniquement de ce point de vue, car nous avions relevé un certain nombre de difficultés. Aux termes des accords sur les droits fonciers issus de traités, les premières nations sont tenues de négocier avec les municipalités des ententes portant sur la prestation de services municipaux. C'est pour des raisons de rentabilité qu'il convient de raccorder aux services municipaux, les terres de réserves jouxtant des centres urbains. On ne peut peut-être pas éviter, en effet, de se raccorder aux infrastructures urbaines.
Selon la vérification que vous avez opérée en 2005, la négociation d'ententes portant sur la prestation de services municipaux est un des facteurs qui retardent le processus de conversion des terres sélectionnées — un des principaux sujets évoqués au chapitre 4 — et qui fait que les premières nations puisent dans les fonds provenant du règlement de leurs revendications territoriales l'argent nécessaire pour acquitter les impôts sur les terres sélectionnées. Je ne pense pas que la question ait été évoquée dans votre rapport de 2009 et j'aurais donc à ce sujet deux questions à vous poser.
Les négociations d'accords de prestation de services municipaux continuent-elles à faire obstacle au processus de conversion des terres sélectionnées? Et deuxièmement, les vérificateurs se sont-ils penchés sur les mesures que le ministère aurait prises depuis 2005 pour régler ce problème.
:
Merci, monsieur le président.
Permettez-moi d'apporter une ou deux précisions. Il convient, dans le rapport de 2009, de relever deux points importants. Le premier concerne la tenue des dossiers, et là nous avons relevé un certain nombre de problèmes assez importants, en particulier au sein du bureau du Manitoba. Cela dit, nous avons également relevé que ce bureau est en train de se doter d'une nouvelle base de données qui permettra de saisir une grande partie des renseignements nécessaires — pas tous les renseignements, mais une grande partie d'entre eux.
Mais il s'agit là d'un système très différent du LCOS qui concerne, lui, les revendications territoriales globales. Je pense que le ministère pourrait vous en dire davantage, mais si j'ai bien compris, ce système permet effectivement d'archiver les données relatives aux diverses questions en cause.
Bienvenue devant le comité. Je suis parmi ceux qui étaient déjà là, à l'époque où cette question des droits fonciers issus de traités constituait un problème politique extrêmement épineux. C'est donc un problème déjà ancien qui, je pense, n'est pas pour rien dans cette différence constatée entre la Saskatchewan et le Manitoba. Le fait que les deux ententes tripartites aient été signées à cinq ans d'intervalle, et que la Saskatchewan ait été la première à le faire explique pas mal de choses et l'écart entre les deux provinces continue à se manifester. Il n'y a pas lieu, pour moi, de m'appesantir sur cela, car il s'agit, en l'occurrence, de la mise en oeuvre des accords et non pas de leur négociation.
Cela dit, j'aurais quelques questions à vous poser. Dans votre rapport de 2005, vous évoquez le fonds constitué pour indemniser les droits des tiers et vous préciser qu'aucune des sommes versées à ce fonds n'a été, jusqu'ici, déboursée. Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est actuellement? Votre rapport de 2009 n'en dit rien.
:
Permettez-moi de vérifier. Les premières nations sont tenues de rendre compte au ministère des Affaires indiennes et du Nord des vérifications qu'elles ont opérées. Si elles ne remettent pas au ministère des états financiers vérifiés, les financements qui leur sont assurés cesseront.
Ainsi, toutes les premières nations — même si certaines, comme nous avons pu le constater, les produisent en retard — remettent au ministère des états financiers vérifiés. L'étude que nous avons menée sur les exigences en matière de déclarations, nous a appris que, dans certains cas, les premières nations sont tenues de présenter cinq états financiers différents.
Elles les produisent en effet. Nous nous sommes nous-mêmes penchés sur ces déclarations et sur les suites qui y sont données au sein du ministère, mais nous n'échangeons pas nécessairement de renseignements, avec tel ou tel vérificateur, par exemple.
En ce qui concerne nos collègues provinciaux, chaque province a, je le rappelle, un vérificateur législatif et nous faisons fonction de vérificateur pour les trois territoires. Nous travaillons de concert. Il s'agit d'une sorte de collaboration. Ainsi, nous avons opéré une vérification des procédures mises en place par la Colombie-Britannique en matière de traités et le vérificateur général de la Colombie-Britannique s'est penché lui aussi sur cette procédure, mais du point de vue provincial. Nos rapports respectifs ont été diffusés le même jour et nous avons, ensemble, soulevé un certain nombre de questions touchant à la fois le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial.
C'est dire que nous collaborons parfois. Ainsi, le vérificateur général de l'Alberta s'est penché sur les services albertains à l'enfance et à la famille. C'est dire que nous sommes au courant de l'activité de nos collègues.
:
Oui, elle s'inscrit dans le cadre des questions qui ont déjà été posées, monsieur le président. Merci.
Depuis la publication de votre rapport, de nouvelles ententes ont été signées sur les revendications territoriales globales — je fais là allusion aux terres Nisga'a, à l'entente de Nunatsiavut au Labrador —et le débat à cet égard se poursuit dans l'ensemble du pays. En effet, nous signons des ententes avec les peuples autochtones, mais il y en a qui, comme vous le savez, pensent que nous continuons néanmoins à verser de l'argent sans pour cela obtenir de résultats tangibles. Souvent, c'est simplement parce que la Couronne ne respecte pas les obligations qui lui incombent. Je connais la situation au Labrador et je dois dire qu'à Nunatsiavut, depuis 2005, les gens se plaignent du défaut de mise en oeuvre, de crédits accordés au compte-gouttes et de la pénurie de services.
Étant donné les nombreux ministères impliqués dans ce dossier, avez-vous formulé des recommandations quant à la manière d'améliorer la mise en oeuvre des ententes sur les revendications territoriales? Une grande conférence va avoir lieu ici en mai sur la question. Il faut faire mieux car les critiques vont se retourner contre les peuples autochtones alors qu'en définitive, c'est la Couronne qui ne respecte pas ses obligations.