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OGGO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 019 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 mars 2008

[Enregistrement électronique]

(0900)

[Traduction]

    La séance est ouverte. Mesdames et messieurs, nous accueillons aujourd'hui le juge Gomery.
    J'ignore si nous pouvons toujours vous appeler ainsi, mais j'ai le sentiment que nous le devrions.
    Le comité a invité le juge Gomery à venir comparaître devant lui pour l'entretenir des 19 recommandations qui ont été faites et qui sont renfermées dans son rapport.
    Comme cela est notre habitude, juge Gomery, vous disposez de jusqu'à 10 minutes pour faire une déclaration liminaire, après quoi nous passerons à la période des questions.

[Français]

    Monsieur Gomery, je vous souhaite la bienvenue à ce comité.
    Bonjour à tous.

[Traduction]

    Je vous remercie de votre invitation à venir ici. C'est une invitation qu'il est difficile de refuser. Cela est gratifiant pour moi de savoir que les députés s'intéressent au rapport et aux recommandations faits il y a environ deux ans par la commission d'enquête que je présidais.
    Permettez que je commence par vous mettre un petit peu les choses en contexte, et j'espère que vous ne m'en voudrez pas si je prends du temps pour vous dire des choses que vous connaissez peut-être déjà.
    J'ai, en vertu d'un décret en conseil daté du 19 février 2004, été chargé de mener une enquête sur le programme des commandites et les activités publicitaires du gouvernement du Canada, qui avaient fait l'objet d'un rapport très critique de la part du vérificateur général du Canada.
    Le mandat exigeait expressément de moi non seulement que je fasse enquête sur les faits ayant amené la mauvaise gestion et la corruption, dont a traité le premier rapport de la commission, daté du 1er novembre 2005, mais également que je fasse des recommandations, sur la base des constats factuels du premier rapport, sur une série de questions qui étaient explicitées dans le texte du mandat. Comptaient parmi ces questions les responsabilités respectives des ministres et des fonctionnaires, selon la recommandation de la vérificatrice générale du Canada; la dénonciation des fautes; la législation sur l'accès à l'information; et « l'efficacité du régime actuel de reddition de comptes en ce qui concerne les sociétés d'État ».
    Enfin, la commission était chargée — et je pense que cela va au coeur même de ce qu'était sa mission — de formuler des recommandations en vue de prévenir pareille mauvaise gestion à l'avenir.
    Même si la première partie du mandat de la commission était d'enquêter sur ce qui s'était mal passé et d'identifier les responsables des erreurs et de la gabegie qui avaient été découvertes, cette partie du travail de la commission a attiré énormément d'attention de la part du public et des médias. Mais j'avais toujours pensé qu'à long terme la deuxième partie de notre mandat serait plus importante, étant donné que personne ne peut changer le passé mais que nous pouvons tirer des leçons des erreurs passées et prendre des mesures pour éviter de les répéter. Et je pensais que c'était là le principal objet de la commission d'enquête.
    Ainsi, alors que la commission bouclait la première partie de son mandat avec la tenue d'audiences publiques et la préparation de son rapport, nous travaillions déjà très fort au deuxième volet.
    Parce que je n'ai jamais prétendu être un expert en matière d'administration publique, j'ai recruté certains des meilleurs cerveaux de tout le Canada pour qu'ils travaillent avec moi et pour la commission. Ils ont formé un comité consultatif composé de Canadiens de renom possédant une vaste et variée expérience en matière de politique publique.
    J'ai également fait appel aux services de M. Donald Savoie, professeur à l'Université de Moncton et une autorité très respectée en matière d'institutions gouvernementales canadiennes. Il a dirigé un programme de recherche qui a résulté en la réalisation de 17 études sur différents sujets liés à notre mandat par des universitaires réputés.
    Ces études, qui m'ont très grandement aidé dans la préparation des recommandations, ont été annexées au deuxième rapport daté du 1er février 2006. Et, au cas où vous ne les ayez pas vues, elles sont ici. Je pense qu'elles constituent une contribution notoire à la littérature sur le gouvernement canadien et elles m'ont certainement été d'une grande aide, comme je viens de le dire.
    Le comité consultatif a parcouru le pays et a tenu des discussions en table ronde — auxquelles j'étais présent — dans plusieurs villes, avec des groupes de personnes chevronnées et au courant dont les conseils et commentaires ont été d'une précieuse contribution aux fins de notre réflexion.
    La commission a cherché à recueillir les opinions de simples citoyens par le biais de son site Web et nous avons été agréablement surpris par le nombre et la qualité des réponses.
(0905)
    Tout cela pour dire que le deuxième rapport et la deuxième série de recommandations de la commission ne sont pas l'oeuvre d'une seule personne. Ils représentent le cumul de l'expérience et de la sagesse d'universitaires réputés, de politiciens, d'anciens fonctionnaires, de journalistes et du grand public. Voilà pourquoi je suis d'avis que le rapport et les recommandations méritaient l'attention et un examen consciencieux de la part du gouvernement.
    Vous vous souviendrez également qu'entre la date du premier rapport, qui a été livré le 1er novembre 2005, et le deuxième rapport, daté du 1er février 2006, il y a eu une élection générale. Cette élection a résulté en un changement de gouvernement. Le nouveau gouvernement avait fait campagne sur une plate-forme promettant que sa première initiative législative serait le dépôt d'une loi sur la responsabilité qui traiterait des abus dévoilés lors des audiences de la commission et décrits dans son premier rapport.
    Le nouveau gouvernement a tenu sa promesse, et la Loi fédérale sur la responsabilité en est le résultat. Cette loi, lors de son dépôt initial, avait, je pense, déjà été rédigée et peaufinée avant que le deuxième rapport de la commission ne soit remis aux mains du premier ministre nouvellement élu. Je m'étais néanmoins attendu à ce que les recommandations contenues dans notre rapport finissent par un jour être étudiées et donnent lieu à au moins un certain suivi.

[Français]

    Malheureusement, ça n'a pas été le cas. Je n'ai jamais reçu d'accusé de réception de mon rapport.
    Les recommandations 4 et 13 ont provoqué une réaction très négative chez un nombre impressionnant de hauts fonctionnaires et chez d'autres personnes. Le premier ministre a annoncé publiquement que ces deux recommandations ne seraient pas suivies. J'ai été invité à venir à Ottawa, peu de temps après le dépôt de mon rapport, pour rencontrer le nouveau président du Conseil du Trésor afin de discuter de mes recommandations. Mais le ministre en question m'a indiqué, durant notre rencontre, que la politique du gouvernement était de présenter au Parlement, le plus rapidement possible, son projet de loi déjà rédigé, et que toute mise en oeuvre des recommandations du rapport de la commission devrait être remise à plus tard.
    Je m'attendais à ce que toute administration prenne le temps d'étudier, de discuter et de réfléchir avant de faire quoi que ce soit. C'est la raison pour laquelle j'avais recommandé qu'un rapport sur les mesures prises à la suite des recommandations soit déposé devant le Parlement dans les 24 mois suivant la réception des recommandations. C'était la recommandation 19.
    Je pensais qu'un tel délai serait suffisant pour une étude approfondie de chaque question soulevée.

[Traduction]

    Le délai de deux ans est passé et aucun rapport n'a été déposé. J'attends toujours de savoir ce que pense le gouvernement des autres recommandations de la commission. Personne n'a communiqué de quelque manière que ce soit avec moi, sauf le comité, ce dont je lui suis reconnaissant.
(0910)
    Certaines des recommandations ont au moins dans une certaine mesure été traitées par la Loi fédérale sur la responsabilité, mais le problème fondamental décrit dans le rapport n'a pas été résolu. Ce problème est le déséquilibre croissant entre le pouvoir exécutif du gouvernement, représenté par le premier ministre et son cabinet, et le pouvoir législatif, représenté par le Parlement.
    Le rapport et les études théoriques l'appuyant expliquent qu'il y a, au fil des ans, eu une concentration de plus en plus grande des pouvoirs et de l'autorité du côté de l'exécutif, accompagnée d'une diminution correspondante du rôle des députés. Ce problème est rendu plus aigu encore par l'expansion du bureau du premier ministre, dont la taille a crû rapidement au cours des dernières années et qui semble jouir d'une influence toujours croissante à l'égard de la politique gouvernementale et du processus décisionnel.
    Il importe de se rappeler que le personnel politique du bureau du premier ministre n'est pas élu. Ces personnes ne sont, que je sache, assujetties à aucune règle ni loi. Elles ont pourtant l'écoute de la personne la plus importante et la plus puissante au sein du gouvernement canadien.
    J'estime que cette tendance est une menace pour la démocratie canadienne et laisse la porte grande ouverte au genre d'ingérence politique dans l'administration au jour le jour des programmes gouvernementaux qui a débouché sur ce que l'on appelle communément le scandale des commandites.
    Les recommandations contenues dans le rapport du 1er février 2006 cherchent à corriger ce problème. Je n'entends pas traiter, dans le cadre de ces remarques liminaires, de chacune des 18 recommandations du rapport, mais je serais heureux de le faire si vous m'en faites la demande pendant la période des questions.

[Français]

    Je vous remercie de votre attention et de m'avoir écouté.
    Merci, monsieur Gomery.
     Nous allons commencer par les questions de l'opposition. Monsieur Holland, vous avez sept minutes.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur Gomery, d'être venu comparaître devant le comité aujourd'hui. Merci également pour le travail que vous avez entrepris pour le compte des Canadiens dans le but de veiller à ce qu'une reddition de comptes du plus haut niveau habite le gouvernement.
(0915)
    C'est la première fois qu'une personne représentant le gouvernement me remercie, alors je vous en suis très reconnaissant.
    Des voix: Bravo! Bravo!
    Nous ne représentons pas le gouvernement.
    J'aimerais bien que nous représentions le gouvernement, mais je tenais absolument à vous remercier, monsieur Gomery.
    J'aimerais commencer par dire que vos recommandations avaient à l'époque été accueillies avec un appui universel, tous les partis disant qu'il importait d'y donner immédiatement suite. De fait, avant que vos recommandations ne sortent lors de la dernière campagne électorale, tous les partis avaient fait campagne en disant qu'ils mettraient immédiatement en oeuvre vos recommandations et qu'ils estimaient qu'elles étaient essentielles pour amener les genres de changements que nous voulions voir.
    Or, voici que cela fait deux ans que vos recommandations ont été dé posées, et vous êtes ici devant le comité en train de nous dire, en gros, que les recommandations ont été ignorées, que toute la rhétorique que nous avons entendue pendant la campagne a été remplacée par une absence totale d'action.
    Ma première question est la suivante: avez-vous jamais eu l'occasion d'avoir une conversation avec le premier ministre au sujet de vos recommandations et de la façon dont elles pourraient être mises en oeuvre?
    J'ai une fois rencontré le premier ministre. C'était le jour du dépôt de mon rapport, le 1er février 2006, je pense, lorsque je me suis présenté au cercle des journalistes. J'avais accepté de donner une conférence de presse. J'avais rencontré le premier ministre par accident — sauf que je ne pense pas que c'était un accident — sur le trottoir, à l'extérieur. Alors que je quittais, il arrivait, pour se faire lui aussi interroger par les journalistes. Nous avons eu sur le trottoir une très brève conversation, qui a, je pense, été filmée. Il m'avait paru très positif, disant que le rapport allait certainement être étudié. J'avais répliqué en déclarant: « C'est bien; c'est tout ce que je demande ».
    C'est la seule fois que je me sois jamais entretenu avec le premier ministre.
    Mis à part cette occasion de filmage pour bulletin télévisé lorsqu'il vous a dit qu'il réagirait positivement, il n'y a pas eu d'autre réaction venant de lui, mais avez-vous jamais reçu de son cabinet ne serait-ce qu'un coup de fil ou un avertissement de rencontre au cours de laquelle ils auraient discuté de la mise en oeuvre de vos recommandations ou de leur plan quant à leur mise en oeuvre?
    Comme je l'ai indiqué dans mes remarques initiales, j'ai reçu un appel de quelqu'un au bureau du président du Conseil du Trésor, qui était à l'époque M. John Baird. Il venait tout récemment d'être... Tout le monde était plus ou moins nouvellement en poste à l'époque. J'avais réagi en me rendant à Ottawa. J'avais eu avec lui une réunion très cordiale, et plusieurs membres de son personnel avaient été présents. Je ne sais dans quelle mesure je pourrais décrire la réunion sauf pour dire, comme je l'ai fait, qu'il y a indiqué que sa tâche, la tâche qui lui avait été confiée par le premier ministre, avait été de veiller à l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité.
    Je n'avais à l'époque même pas vu d'ébauche du projet de loi, alors j'ignorais ce qui s'y trouvait. Il s'agissait clairement d'un projet de loi qui avait été rédigé avant que le gouvernement ne reçoive mon rapport. Lorsque les gens disent que la Loi fédérale sur la responsabilité est une réponse à mon rapport, cela est faux. La Loi fédérale sur la responsabilité avait été rédigée et les décisions quant à son contenu avaient été prises bien avant le dépôt de mon rapport.
    Certaines des dispositions de la loi avaient clairement été inspirées, je pense, par des révélations faites dans le cadre des audiences de la commission et certaines d'entre elles pressentaient quelques-unes de mes recommandations. Mais à mon sens, le fait que vous appeliez une initiative législative une loi sur la responsabilité ne signifie pas forcément que c'est la méthode appropriée pour rétablir la reddition de comptes.
    J'ai intitulé mon deuxième rapport « Rétablir l'imputabilité »; il s'agit de ma recette en vue du rétablissement de l'imputabilité, et cela ne coïncide pas forcément avec la Loi fédérale sur la responsabilité.
    Je pense que la Loi fédérale sur la responsabilité est une fort bonne loi, qui traite de manière très positive de nombreux problèmes. Tout simplement, je ne pense pas qu'il traite du principal problème.
    Il ne traite pas des principaux problèmes.
    Aux fins de confirmation — et je pense que vous nous avez donné confirmation dans ce que vous avez dit —, il n'y a eu aucun suivi après le dépôt de votre rapport. Je vous vois faire signe de la tête qu'il n'y a eu aucun suivi après le dépôt de votre rapport en vue de mettre en oeuvre les recommandations clés, comme vous les appelez, les changements les plus importants devant être apportés.
    Je vais être franc avec vous: je n'en suis pas revenu que je n'aie même pas reçu ne serait-ce qu'une lettre. Il n'y a eu rien du tout. Il n'y a rien eu, et deux années se sont écoulées.
(0920)
    Vous avez également déclaré à Kathryn May, qui est journaliste, que, lors de votre conversation avec le ministre Baird, il vous avait semblé qu'il était davantage préoccupé par la possibilité que vous fassiez du bruit ou que vous créiez des problèmes pour le gouvernement que par les recommandations et les choses devant découler de votre rapport. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous avez voulu dire par là?
    Eh bien, l'une des choses dont je me souviens de cette rencontre est que M. Baird m'avait demandé quelle était la recommandation la plus importante que je faisais. Il m'a demandé: « Sur les 18, laquelle est selon vous la plus importante? »
    Cela m'avait quelque peu pris de court. J'avais répondu en disant que je pensais que toutes les recommandations étaient importantes. Je ne pensais pas qu'il y avait un ordre d'importance. J'estimais qu'il s'agissait d'un ensemble et que toutes les recommandations étaient importantes. Je n'étais pas prêt à dire, eh bien, vous pouvez retenir celle-ci et oublier toutes les autres. J'estimais que chacune des recommandations était importante, pour les raisons que j'ai exposées dans le rapport.
    C'était clair pour moi; il a fait en sorte que ce soit clair... Puis, il m'a posé quelques questions au sujet de ce que j'entendais faire quant à la mise en oeuvre du rapport. Je lui ai répondu en disant que j'étais toujours juge à la Cour supérieure, ce que j'étais à l'époque. Une fois le travail de la commission terminé, j'avais repris mon travail de juge et avais commencé à instruire des procès, et je m'étais de nouveau revêtu de ma réserve judiciaire, voulant que les juges se retiennent de faire des déclarations publiques sur quelque sujet que ce soit.
    J'avais néanmoins signalé à M. Baird qu'au bout des deux ans je ne serais plus juge et serais alors libéré de cette réserve judiciaire. C'est pourquoi je me suis autorisé à venir ici et à comparaître devant vous. Je suis maintenant libre de faire des commentaires qu'un juge serait malavisé de faire.
    Merci beaucoup, monsieur Holland.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Gomery, bonjour.
    Bonjour, madame.
    Le fait de vous rencontrer m'impressionne beaucoup. Vous êtes un sage qui a su passer à travers bien des choses pour être en mesure de remettre ce rapport qui, comme vous le disiez plus tôt, est tombé en quelque sorte entre deux chaises.
    Je voudrais revenir au problème fondamental dont vous parliez plus tôt, à savoir le déséquilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif. Vous dites que le pouvoir est de plus en plus concentré du côté de l'exécutif et que vous êtes un peu exaspéré par l'envergure que prend le bureau du premier ministre. C'est aussi notre sentiment, d'ailleurs. Le personnel politique non élu n'est pas assujetti à des règles, ce qui laisse la porte ouverte à de l'ingérence politique.
    Depuis quelques mois, ce comité subit de l'ingérence de la part du bureau du premier ministre. Que faudrait-il que nous fassions, selon vous, pour que cesse cette ingérence du personnel et des fonctionnaires?
    L'une de mes recommandations était que certaines règles soient établies quant à la conduite des membres du personnel politique. Selon mes informations, il n'existe rien de ce genre actuellement. Il n'y a pas de code de conduite, aucune formation n'est offerte à ces gens. Normalement, ils sont recrutés après l'élection parmi le personnel qui a aidé l'individu en question à être élu. Naturellement, ils ont un certaine préjugé favorable envers leur employeur, mais ils occupent néanmoins une fonction politique.
     Je n'ai absolument rien contre les politiciens ou les gens qui travaillent pour eux, mais je pense que très souvent, ils n'ont pas de formation, ne sont pas au courant de ce qu'est une règle de conduite appropriée. Par exemple, quand un membre de la fonction publique reçoit un appel téléphonique d'une personne qui s'identifie comme faisant partie du bureau du premier ministre et que cette personne demande certaines informations, le fonctionnaire peut très difficilement lui dire de se mêler de ses affaires, de ne pas lui téléphoner pour essayer de l'influencer. C'est presque impossible. Quant à moi, une règle devrait être établie pour interdire ce genre d'appels téléphoniques.
(0925)
    Pourtant, monsieur Gomery, on aurait pu penser que la Loi sur la responsabilité irait plus loin, qu'elle comporterait une recommandation ou des dispositions à cet égard.
    J'aurais voulu au moins qu'une tentative soit faite pour établir des règles de conduite, simplement pour essayer de freiner cette tendance.
    Et il n'y a rien de la sorte dans cette loi?
    J'ai fait une autre recommandation, qui est totalement restée lettre morte. C'était l'une des premières. J'ai suggéré qu'un genre de code de conduite soit établi pour les membres de la fonction publique, de façon à leur permettre de déterminer quels sont leurs droits et à quel moment ils peuvent dire à ces gens de se mêler de leurs affaires. Il n'existe actuellement aucune règle en ce sens. Dans plusieurs pays, un genre de charte, de code, protège les membres de la fonction publique.
    On m'a informé au cours de nos audiences que les membres de la fonction publique avaient été placés devant un dilemme d'ordre moral lors du scandale des commandites. En effet, ils ne connaissaient pas leurs droits et ne savaient pas à quel point ils pouvaient refuser de suivre des directives qui s'avéraient illégales.
    Monsieur Gomery, je voudrais que vous répondiez à ma dernière question en tant que citoyen canadien, mais aussi en tant que juge sage.
    Pendant la campagne électorale, on a grandement fait état du scandale qui a entouré les commandites. Vous en avez touché un mot plus tôt. Vous avez dit qu'on avait même préparé la Loi sur la responsabilité pendant la campagne électorale. Or, on ne l'applique pas maintenant. Pensez-vous que c'était un geste purement électoraliste?
    Je vais laisser à la population du Canada le soin de répondre à cette question.
    Mais, vous m'avez bien répondu que...
    Je vous ai bien compris et je choisis de ne pas répondre.
    D'accord, monsieur Gomery.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Bourgeois.
    Monsieur Angus.

[Traduction]

    Merci, monsieur Gomery.
    Toutes mes excuses, mais j'ai sauté les conservateurs. Je ne voudrais pas faire cela.
    Monsieur Kramp.
    Je pensais qu'ils avaient cédé leur place.
    Je ne le pense pas.
    Toutes mes excuses.
    M. Kramp avait indiqué qu'il allait parler en premier.
    Merci, madame la présidente.
    Juge Gomery, bienvenue.
    Bonjour, monsieur.
    Je parle ici en mon nom personnel, et j'espère parler également au nom du gouvernement du Canada et d'un important groupe de parlementaires, lorsque je dis que nous apprécions très certainement le merveilleux travail que vous-même, la commission tout entière et vos avocats avez effectué en mettant au jour l'énorme scandale des libéraux. Sans vouloir être partisan, cela a manifestement joué un rôle important, non seulement en déterminant quel était le problème, mais en formulant des recommandations. Moi-même et d'autres avons été exposés à vos recommandations, et les Canadiens ont été bien servis par ces dernières.
    Vous avez parlé de la Loi fédérale sur la responsabilité comme si elle avait été faite avant vos recommandations, mais je peux vous assurer, au nom de plusieurs députés de l'opposition et membres du parti au pouvoir siégeant ici et qui ont oeuvré à la campagne sur l'imputabilité et au dossier de la reddition de comptes — le projet de loi C-2 —, que vos recommandations et idées ont été très bien reçues, et ce avec beaucoup de diligence et d'intérêt. Huit de vos 19 recommandations ont été accueillies avec empressement, pour la plupart, ou textuellement ou en principe. Cela témoigne du travail formidable que vous avez fait avec votre groupe.
    J'ai servi au comité des comptes publics avant de siéger à celui-ci, et je constate que vous avez plusieurs recommandations portant directement sur le travail, les moyens et la responsabilité du comité des comptes publics. Mais je m'aventurerais à dire que quatre des recommandations que vous avez faites au sujet des responsabilités et travaux en matière de comptes publics ne peuvent pas être mises en oeuvre par le gouvernement. Il leur faut être mises en oeuvre par le biais du processus parlementaire et non par voie d'une mesure unilatérale du gouvernement — par le comité des comptes publics et les recommandations qu'il fait au Parlement. Nous sommes donc en train de passer à travers vos 19 recommandations, mais ce comité-là va devoir traiter de ces quatre recommandations précises. Nous avons vu des progrès dans ce travail également.
    Quant aux six autres recommandations qui sont restées, il faut le reconnaître, sans suites, certaines préoccupations et réserves ont été exprimées par un important groupe d'éminents canadiens. Vous êtes sans doute au courant de la lettre Ehrenworth. Il s'agit d'une lettre émanant d'un important groupe d'éminents Canadiens et qui a été envoyée au premier ministre et rendue publique au Parlement. Cette lettre a été distribuée aux présidents de tous les comités avec la suggestion que ces éminents canadiens avaient quelques divergences d'opinion quant à votre interprétation des responsabilités parlementaires versus les responsabilités du gouvernement.
    J'aimerais mentionner quelques-unes de ces personnes, car je pense que leur crédibilité n'est pas à établir. Même si elles ne remettent pas en question votre évaluation de ces dossiers, elles contribuent une vaste et riche gamme d'expérience que nous autres, en tant que gouvernement, et, ce qui est plus important encore, le Parlement, devons reconnaître. En votre qualité de magistrat, vous ne soupesez pas vos décisions sur la base d'un seul témoignage ni d'un seul témoin; vous voulez avoir le tableau dans son entier. Il vous incombe donc d'obtenir un maximum de renseignements, et nous autres, comme Parlement — que nous siégions du côté du parti au pouvoir ou en opposition — avons cette même responsabilité.
    Plusieurs recommandations ont été mises de l'avant par ce groupe d'éminents Canadiens. Je vais vous en livrer trois ou quatre sur lesquelles vous voudrez peut-être vous prononcer. Ils parlent de la proposition voulant que la fonction publique affirme une identité constitutionnelle indépendante des gouvernements élus; d'un nouveau système pour la nomination des sous-ministres; et d'un changement dans le rôle du greffier du Conseil privé. Ce sont là d'importants et ambitieux changements. Mais ces personnes disent ceci:
Nous nous opposons à l'accroissement des pouvoirs des fonctionnaires non élus aux dépens des ministres.

D'autre part, pour que cette proposition fonctionne, il serait nécessaire d'effectuer une séparation très nette entre les rôles des ministres et ceux des fonctionnaires.
(0930)
    Nous avons, au comité des comptes publics, effectué une longue étude portant sur les responsabilités des ministres et sous-ministres. Il y a donc eu un long processus évolutif, non seulement pour l'actuel gouvernement, mais pour de nombreux gouvernements antérieurs.
    Permettez que je vous interrompe, car j'attends depuis quelque temps l'occasion d'intervenir.
    Étant donné que vous mentionnez la question, et que vous parlez d'une longue évolution, permettez que je souligne que la recommandation que j'ai faite au sujet de la reddition de comptes des sous-ministres est le reflet presque mot pour mot d'une recommandation faite en 1978 par la Commission Lambert. Il a été recommandé à répétition au gouvernement que ce système soit modifié. Cela est presque unique dans le monde occidental que les sous-ministres n'aient jamais à répondre à la moindre question. Ils ne parlent qu'au nom de leur ministre. Ils ne parlent jamais en leur nom propre.
    Je pensais qu'étant donné que cette question mijotait depuis 1978, le moment était peut-être venu d'en traiter, et c'est ainsi que j'ai recommandé une certaine reddition de comptes de la part des sous-ministres. Les personnes qui ont écrit au gouvernement et qui se sont opposées à cette recommandation proviennent toutes du même groupe. Ce n'a donc pas été une surprise que cette recommandation n'ait pas de suites. Cela fait 30 ans que la même recommandation est faite au gouvernement canadien. C'était sans doute trop espérer, j'imagine, qu'il finisse par enfin y faire quelque chose. Je n'ai pas été déçu, sauf du fait, encore une fois, que la question ait été balayée sans débat.
(0935)
    Merci, monsieur Kramp.
    Monsieur Angus.
    Monsieur Gomery, je suis heureux que vous soyez ici ce matin. Je pense que les Canadiens ont été amenés à croire que les recommandations émanant de votre commission allaient véritablement résulter en une nouvelle façon de faire au Parlement, une nouvelle façon de faire que les citoyens canadiens pourraient comprendre et au sujet de laquelle ils pourraient exiger des comptes.
    Dans vos recommandations, vous ne faites pas du tout état de la question du financement.
    Excusez-moi, mais je n'ai pas entendu.
    Je veux parler de la question du financement des campagnes et de l'électoralisme, et de la façon dont tout cela se déroule. Clairement, l'un des gros éléments, pour pouvoir démêler le scandale des commandites, a été le fait de pouvoir suivre l'argent. À la lumière de la nouvelle enquête sur l'affaire Mulroney-Schreiber, pensez-vous avoir été limité dans votre capacité de suivre l'argent? Auriez-vous quelque recommandation à faire à l'égard de l'enquête qui est actuellement en cours?
    Permettez que j'explique pourquoi je n'ai pas fait de recommandation au sujet du financement électoral. Il s'agit, certes, d'une question qui a été soulevée devant la commission, et il n'y a aucun doute dans mon esprit que la corruption qui a été dévoilée est née d'un problème de longue date lié au financement électoral. Mais avant que la commission ne se lance, je pense que le gouvernement de M. Jean Chrétien, dans le contexte de son legs, avait adopté une vaste réforme des dépenses électorales et des mécanismes pour la levée de fonds. J'avais pensé que la question avait été traitée par le Parlement et qu'il n'était pas approprié pour moi de faire des recommandations au sujet d'une question dont le Parlement s'était déjà occupé. Voilà pourquoi nous avions laissé cela de côté.
    Lorsque je regarde les recommandations, il me semble qu'il y a trois éléments manquants essentiels: le registre des lobbyistes; la commission des nominations publiques; et l'accès à l'information.
    Pour ce qui est de la réforme, il semble que la léthargie ait évolué pour devenir de la rébellion. Le gouvernement n'est pas intéressé et n'empruntera pas cette voie, en ce qui concerne tout particulièrement la question de la commission des nominations publiques.
    Depuis le démantèlement de la commission des nominations publiques, il a été fait plus de 1 000 nominations, dont beaucoup de nature discutable et partisane. Il y a eu au CRTC un candidat conservateur défait. Il y a quelqu'un qui a obtenu un poste à la Monnaie royale et qui a donné de l'argent au ministre des Finances. Dans quelle mesure la commission des nominations publiques est-elle importante pour établir une manière crédible pour le gouvernement de faire affaire?
    Eh bien, cette recommandation que nous avons faite — qu'il y ait une certaine objectivité dans la nomination de titulaires de charge publique par le premier ministre — était clairement très importante.
    Nous n'avons pas recommandé que le droit du premier ministre de faire ces nominations soit modifié, mais nous pensions qu'il devrait y avoir une certaine sélection de candidats et une certaine forme d'ouverture publique en ce qui concerne ces nominations. Lorsque j'ai donc pour la première fois lu la Loi fédérale sur la responsabilité, j'avais été très heureux de constater qu'on avait créé un bureau qui traitait de cette recommandation et ce d'une manière, pensais-je, plutôt réussie, sauf que ce bureau n'a jamais été doté.
    Il est bien d'adopter des textes de loi, mais si vous ne les mettez pas en oeuvre, alors il aurait peut-être mieux valu vous épargner l'effort.
    Il a été dit qu'il n'y avait qu'un seul candidat au pays qui aurait dû obtenir ce poste, et qu'étant donné que le reste du Parlement ne jugeait pas bon de recruter ce candidat, alors il n'y avait pas lieu d'avoir une commission des nominations publiques. S'agit-il là d'un argument crédible?
(0940)
    Cette question est trop politique pour que je puisse y répondre. Je déplore simplement le fait que personne n'ait jamais été nommé.
    Aux États-Unis, pays que nous étudions et qu'il nous arrive parfois d'admirer et parfois de critiquer, si le président des États-Unis, qui est généralement réputé être la personne la plus puissante au monde, propose un candidat à la Cour suprême des États-Unis et que le Sénat décide de ne pas ratifier la nomination, le président ne repart pas dans son coin pour bouder; il fait une deuxième nomination. Il me semble qu'il faudrait à l'occasion écouter la voix des parlementaires.
    Merci.
    J'ai été très intéressé par ce que vous disiez au sujet de vos inquiétudes quant à l'élargissement du pouvoir du BPM, car nous avons certainement constaté une consolidation du pouvoir dans ce bureau. Vous avez parlé du rôle qui revient au personnel politique. Je n'entends pas vous mêler au détail de ce qui se passe ici au comité, mais nous avons eu une situation dans laquelle Dimitri Soudas, qui travaille pour le premier ministre, a organisé une réunion avec des fonctionnaires au sujet d'une transaction immobilière. Lorsque les fonctionnaires ont comparu ici devant le comité, ils ont dit estimer que cette transaction immobilière était une question strictement commerciale, mais le bureau du premier ministre avait dit qu'il s'agissait d'une question politique, et c'est pourquoi il avait apparemment demandé à un membre du personnel politique d'intervenir dans ce dossier. Nous n'avons jamais obtenu de réponse de M. Soudas quant à savoir s'il faisait cavalier seul ou bien s'il avait été autorisé par le premier ministre à téléphoner à des fonctionnaires.
    Quelles recommandations vous feriez-nous en vue de veiller à ce que le personnel politique ne s'immisce pas dans des domaines qui ne le regardent pas et à ce que les fonctionnaires ne se sentent pas indûment intimidés par des personnes travaillant pour le premier ministre?
    L'une des recommandations, comme vous le savez, vise l'établissement d'un code de conduite pour les personnels politiques, chose qui n'existe je pense pas à l'heure actuelle. Ce serait au gouvernement — et au Parlement, je suppose — qu'il reviendrait de décider quelles dispositions devraient renfermer un tel code de conduite, mais l'objectif, je pense, serait d'éliminer toute ingérence politique inopportune de l'administration publique.
    Je ne pense pas que ce soit là le rôle des employés politiques du bureau du premier ministre ou du cabinet de quelque ministre que ce soit. Je pense que leur rôle devrait être de traiter des questions politiques, et non pas des questions administratives.
    Merci beaucoup, monsieur Angus. Vos sept minutes sont écoulées.
    En ma qualité d'ancienne ministre, j'aimerais croire que la fonction publique peut livrer sans crainte des conseils, et que, que le ministre ou le premier ministre aime ou non ces conseils, ceux-ci s'appuient sur des preuves réelles et concrètes. Je pense que c'est là le meilleur mode de fonctionnement pour un gouvernement. Je ne suis pas convaincue que c'est toujours ainsi que les choses se passent, mais je me plais à croire que ce devrait être le cas.
    La parole est maintenant à Mme Folco.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Gomery, d'après ce que je comprends, vous avez vous-même proposé de comparaître à ce comité et je vous en remercie. Évidemment, j'ai moi aussi regardé la télévision pendant bien longtemps et je dois vous dire que comme députée libérale...
    Je n'ai pas demandé de comparaître.
    Ah non?
    Non. M. Marcotte est entré en contact avec moi. C'était totalement inattendu.
    Je vous prie de m'excuser. Je n'étais pas membre de ce comité, je n'étais donc pas au courant. Ce qui importe, c'est que vous soyez ici et que vous puissiez répondre à nos questions. Je voulais ajouter qu'en tant que députée libérale, je vous suis très reconnaissante d'avoir fait la lumière sur ces pratiques illégales. Bien que cela ait fait très mal à notre parti, il fallait faire la lumière. Vous l'avez faite et je vous en remercie.
    J'ai lu le livre de M. Donald Savoie, et je me permettrais ce commentaire. Je remarque que sous le présent gouvernement, la situation n'a pas changé, ou alors elle a changé pour le pire. En effet, non seulement on gouverne à partir du centre, mais une culture du secret a enveloppé cette façon de gouverner. Elle la rend encore plus opaque et plus distante, non seulement du public, mais de la partie législative du gouvernement. Je suis d'accord sur plusieurs des commentaires que vous avez faits.
    Les miens étant faits, j'aimerais revenir à la question qui nous intéresse ici. Pensez-vous que la Loi fédérale sur la responsabilité, cette fameuse loi du gouvernement conservateur, soit une réponse appropriée aux 19 recommandations que vous avez proposées?
(0945)
    Comme je l'ai indiqué, ce n'est pas une réponse parce que le projet de loi était rédigé bien avant que mon rapport ne soit déposé. On ne peut pas répondre à une question qui n'est pas encore posée. Cependant, cette loi s'attaque à plusieurs des problèmes que j'avais constatés dans mon rapport et mes recommandations, et jusqu'à maintenant, c'est une excellente loi. Le fait qu'on appelle une loi Loi sur le responsabilité ne signifie pas que ce soit nécessairement la meilleure façon d'atteindre la responsabilité que tout le monde souhaiterait. Comme je l'ai dit, le problème de base reste intact.
    Voilà. C'est la question majeure qu'il faut se poser et qu'il faut vous poser. Vous avez proposé 19 recommandations; certaines d'entre elles ont été entérinées dans un projet de loi qui venait avant vos propositions. Peu importe qu'elles soient là, certaines d'entre elles existent déjà. D'accord. Cependant, vous avez dit à maintes reprises ce matin que la Loi fédérale sur la responsabilité ne s'attaquait pas au coeur du problème, selon vous.
    Pourriez-vous nous dire quel est le coeur du problème et en quoi cette loi sur la responsabilité ne s'y attaque pas?
    Le coeur du problème, c'est que la tendance va vers un système politique où toutes les décisions, tant législatives qu'exécutives, sont prises par un nombre très restreint d'individus. Il faut reconnaître certaines réalités. Le premier ministre du Canada nomme chacun des membres de son Cabinet. Ces gens doivent donc leur limousine, si vous voulez l'appeler ainsi, à cet individu. Cela leur donne une certaine reconnaissance envers la personne qui les nommés. Ça a toujours été comme ça.
    Ce qui distingue le système du Canada des autres, c'est que le premier ministre ou son bureau nomme aussi tous les sous-ministres. Ces personnes qui dirigent la fonction publique sont aussi reconnaissantes envers le premier ministre des bénéfices qui accompagnent leur poste. C'est déjà une tendance vers la politisation de la fonction publique, et je pense que c'est mauvais. Il faudrait au moins un meilleur système de nomination des sous-ministres que celui des nominations purement politiques et faites en secret, sans aucun concours public. Dans mon rapport, j'ai mentionné que la province de l'Alberta, qui n'a pas la réputation d'être une province très libérale, a instauré un système pour combler ces postes à partir d'un concours ouvert et public. Cela fonctionne très bien dans une province très conservatrice.
    Voilà un exemple...
    Pourquoi ne pourrait-on pas avoir la même chose?
    Vos cinq minutes sont écoulées.
    Madame Faille, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais également vous remercier d'être ici. Vous prenez votre retraite dans la belle région où j'ai grandi.
    C'est une région qu'on admire énormément.
    Je voudrais revenir sur le sujet dont ma collègue vous a entretenu, le déséquilibre entre l'exécutif et le législatif, et sur ce que vous avez dit sur la politisation de la fonction publique.
    Au cours des deux dernières années, il y a eu des tentatives répétées pour changer le processus de nomination des juges, des commissaires à l'immigration et des recommandations de nomination de hauts fonctionnaires.
    Pourriez-vous nous entretenir sur cette question? Ensuite, je poursuivrai sur d'autres questions.
(0950)
    J'ai découvert, au cours des tables rondes que nous avons tenues dans l'ensemble du Canada, que l'endroit que j'admire le plus pour ce qui est de la nomination des sous-ministres est la province de l'Alberta. C'est pourquoi j'ai cité cette province dans mon rapport comme un modèle à suivre. Je ne veux pas dire qu'il faut nécessairement suivre ce modèle parfaitement, mais il faudrait à tout le moins avoir une procédure quelconque pour permettre aux candidats qui sont qualifiés de présenter leur candidature à ces postes, au lieu de laisser le premier ministre décider de tout cela.
    Je ne demande pas que le premier ministre consacre ses journées à la procédure de nomination. Évidemment, il se fiera aux recommandations de ses adjoints politiques. L'influence de ces gens est absolument énorme.
    Sur le plan du contrôle des communications et des activités de relations publiques, comme parlementaires, nous devons souvent réexaminer des décisions prises par les différents ministres. Entre autres, nous avons discuté de la vente des édifices fédéraux. À cet effet, le ministre est venu nous dire qu'il s'agissait d'une décision du Conseil des ministres. Nous avons de la difficulté à savoir si cette décision va réellement bénéficier aux citoyens.
    Les multiples tentatives pour obtenir de l'information entraîne des délais. Il peut arriver que les informations soient contradictoires et fassent l'objet de manipulation. Au cours des dernières années, il semble y avoir une concentration des moyens de communication au bureau du premier ministre. Entre autres, pour ce qui est des ministères, on a dit que tout était concentré au niveau médiatique et qu'il était quasi impossible d'obtenir de l'information sur des rapports de scientifiques, par exemple.
    Lorsque les gens font des demandes d'information, la première réaction semble être de nier l'existence de l'information, de sorte qu'il faut faire beaucoup plus d'efforts pour l'obtenir.
    Pourriez-vous commenter cela?
    Cela ne fait pas l'objet d'une recommandation spécifique dans mon rapport. Cependant, j'ai parlé des réformes proposées à l'époque pour modifier la Loi sur l'accès à l'information. Si je me rappelle bien, le parti qui est actuellement au pouvoir avait l'intention d'être un gouvernement transparent. On voulait être transparent et j'ai espéré que les changements proposés par M. John Reid, qui était à l'époque le commissaire à l'information, soient adoptés. Il y a eu certains changements, et aujourd'hui la loi s'applique à presque toutes les sociétés de la Couronne.
    Les autres changements voulus sont à l'étude depuis deux ans. Je ne sais pas pourquoi. Honnêtement, si le gouvernement pense que les Canadiens vont accepter qu'il ne soit pas transparent, il les juge très mal. Dans les milliers de réponses et commentaires que nous avons reçus au cours de nos travaux, tout le monde, sans exception, était en faveur d'une meilleure transparence. Tout le monde pensait que c'était le moment de tout savoir quant au fonctionnement du gouvernement.
    C'est peut-être simpliste de ma part, mais si on n'a rien fait de mal, pourquoi le cacher?
(0955)
    Merci.
    Monsieur Poilievre, vous avez la parole pour cinq minutes.

[Traduction]

    Monsieur Gomery, vous avez vécu toute une série d'expériences au cours des dernières années. Premièrement, vous avez aidé à exposer ce qu'il est permis de croire a été la plus grosse conspiration criminelle dans toute l'histoire canadienne, le scandale des commandites des libéraux. Vous avez rédigé deux rapports. Vous vous faites maintenant poursuivre par un ancien premier ministre libéral, Jean Chrétien, qui veut vous obliger à répudier vos conclusions à son égard.
    Après que le gouvernement ait tenu sa promesse et déposé la Loi fédérale sur la responsabilité, aucun des députés de l'opposition ne s'est donné la peine de proposer quelque amendement que ce soit pour donner suite à vos recommandations visant le processus envisagé par la loi sur la responsabilité. Chose intéressante, il manifeste maintenant un certain enthousiasme à l'égard de ces recommandations, mais pendant l'examen par un comité, dans cette même salle, de la Loi fédérale sur la responsabilité, aucun de ces partis de l'opposition qui, collectivement, détiennent la majorité, n'a mis de l'avant vos recommandations sous forme d'amendements pour les faire inscrire dans la loi.
    En dépit de tout cela, vous avez indiqué hier avoir été blessé par ce rejet de certaines de vos recommandations. Je peux comprendre pourquoi, ayant vécu ce que vous avez vécu, la chose soit jusqu'à un certain point devenue personnelle.
    Quel a, selon vous, été le motif des parlementaires, dont la majorité siègent dans l'opposition, en ne modifiant pas la Loi fédérale sur la responsabilité pour y inclure vos recommandations?
    Si vous me le permettez, j'aimerais faire un commentaire: je n'ai pas été blessé.
    Je citais un article de l'Ottawa Citizen.
    C'est là le problème avec les articles de journal.
    Je n'ai jamais dit à quiconque que j'avais été blessé.
    Ne vous en prenez pas à l'Ottawa Citizen.
    J'ai dit avoir été déçu. J'ai du mal à avaler la chose, mais il me faut vous dire que je suis en la matière très serein. Je ne suis pas blessé.
    Je ne voudrais pas m'aventurer dans le domaine des motifs politiques, sauf pour dire qu'il a pour moi été évident que, lorsque la Loi fédérale sur la responsabilité a été déposée, il était politiquement impossible pour le Parti libéral de voter contre, compte tenu de ce que j'avais dit au sujet de ce qui s'était passé dans le cadre du scandale des commandites. Je pense qu'ils ont sans doute voulu oublier toute l'affaire le plus rapidement possible. Je crois que c'est là le motif, et ce sans doute aujourd'hui encore. Je ne pense pas que ce soit un sujet populaire que de rappeler aux libéraux le scandale des commandites, alors dans le cas de ce parti-là, à tout le moins, je pense que je comprends parfaitement bien pourquoi ils n'ont proposé aucun amendement. Si vous me demandez pourquoi personne n'a proposé d'amendement, je ne peux réellement pas m'imaginer pourquoi.
    Il semble que si l'opposition appuie maintenant l'ensemble des recommandations que vous avez faites — chose que nous n'avons nous-même jamais prétendue, mais que les députés de l'opposition sont en train maintenant de prétendre de leur propre chef —, elle aurait pu modifier la Loi fédérale sur la responsabilité par le biais du processus législatif afin d'y inclure ces recommandations. Ce n'est pas ce qu'elle a fait.
    Notre promesse, du côté conservateur, a été que nous allions élaborer la Loi fédérale sur la responsabilité, et vous avez, à juste titre dans votre déclaration, souligné que nous avons bel et bien tenu cette promesse. Je pense que vous conviendriez que dans de nombreux cas vos recommandations ont été intégrées à la Loi fédérale sur la responsabilité. Dans d'autres domaines, la Loi fédérale sur la responsabilité est allée plus loin, et je songe notamment à l'interdiction de gros sous et de dons de sociétés dans le processus politique et à une loi en matière de conflits d'intérêt, deux choses qui n'étaient pas contenues dans vos recommandations.
    L'on vous doit nombre des changements législatifs qui ont été amenés par suite de l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité, même si celle-ci ne renferme pas textuellement l'ensemble de vos recommandations. Nous vous sommes très reconnaissants de la contribution que vous avez faite à cet égard.
    Merci, monsieur.
    Appuyez-vous la teneur générale de la Loi fédérale sur la responsabilité qui a, par exemple, augmenté le nombre d'organes gouvernementaux couverts par l'accès à l'information en y ajoutant 20 nouveaux organismes?
    Je pense que c'était une excellente initiative, et je crois avoir souligné qu'il s'agit d'un fort bon texte de loi, pour ce qu'il fait.
(1000)
    Bien.
    J'estime tout simplement qu'il y a un certain nombre de questions qui n'ont pas vraiment été abordées.
    Si le gouvernement se penchait sur ces questions et en arrivait à la conclusion que celles-ci ne cadreraient pas avec sa politique, pour quelque raison, j'en serais satisfait. Je ne prétends pas dicter au gouvernement quelle devrait être sa politique. Mais lorsqu'une recommandation est faite, il me semble qu'elle mérite au moins d'être examinée.
    Je n'ai aucune indication que l'une quelconque de mes recommandations ait fait l'objet d'un examen sérieux, ni même qu'on s'y soit penché. J'ignore même dans quelle mesure mon rapport a jamais été lu.
    Je peux vous assurer qu'il a été largement lu, et nous vous remercions de l'avoir écrit.
    Merci, monsieur.
    Monsieur Poilievre, avant que de poursuivre, j'aimerais tirer quelque chose au clair.
    Il peut être extrêmement difficile de modifier un texte de loi une fois qu'il a franchi l'étape de la deuxième lecture dans des domaines dans lesquels aucune mention n'est faite de...
    Je pense également qu'il renferme 160 dispositions.
    Oui.
    Si ma mémoire est exacte, le Commissaire à l'information a déposé un certain nombre de recommandations. Elles ont été présentées sous forme d'amendements, mais ont été rejetées du fait qu'elles ne s'inscrivaient pas dans le contexte du projet de loi.
    Je pense qu'il est important de se rappeler que lorsqu'un texte de loi est rédigé, il n'est pas toujours si simple que cela de le modifier à ce stade-là. C'est tout ce que j'avais à dire.
    Je tenais simplement à être juste.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Oui, monsieur.
    Il y a des douzaines d'amendements au projet de loi qui ont été acceptés et qui se sont trouvés intégrés dans la Loi fédérale sur la responsabilité.
    Merci.
    Cela ne constitue pas un rappel au Règlement, monsieur Poilievre.
    La parole est maintenant à M. Silva.
    Merci, madame la présidente. Merci, monsieur Gomery.
    Il est important de souligner que ce sont les libéraux qui ont créé la Commission Gomery, et nous sommes tout à fait en faveur de votre présence ici aujourd'hui. Il est également important de souligner que les conservateurs ont refusé des amendements de quelque genre que ce soit à la loi sur l'imputabilité.
    Je devine, à partir de vos remarques aujourd'hui, que...
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Est-ce un rappel au Règlement...
    En effet.
    ... ou bien cherchez-vous tout simplement à semer le désordre?
    C'est un rappel au Règlement.
    Eh bien, faites-le.
    Oui. L'on ne peut pas altérer rétroactivement les procès-verbaux de réunions de comités législatifs. La réalité est que la Loi fédérale sur la responsabilité a été modifiée de nombreuses fois, et il importe que la chose figure clairement au procès-verbal afin d'être fidèle à la réalité.
    Merci.
    Cela ne constitue pas un rappel au Règlement, monsieur Poilievre.
    Je rends la parole à M. Silva.
    Monsieur Gomery, vous avez été totalement ignoré par le premier ministre, dont vous dites qu'il est un « gouvernement d'un seul homme ». Votre rapport a été mis de côté par un premier ministre qui est davantage intéressé par la perception qu'il est en train de faire quelque chose que par le fait de véritablement faire quelque chose.
    Lorsque vous parlez de vos priorités, qu'il s'agisse de la loi sur les dénonciateurs, de l'accès à l'information ou de la suffisance de la reddition de comptes, elles ont toutes été ignorées. N'avez-vous pas le sentiment d'avoir été utilisé par le gouvernement conservateur, et le Parti conservateur, qui a dit appuyer votre rapport, mais qui l'a totalement ignoré dès qu'il est arrivé au pouvoir?
    Eh bien, je ne pense pas que je vais répondre directement à cette question, car je me suis efforcé de demeurer non politique, et mon intention n'est pas de m'attaquer à un parti politique donné ni d'appuyer le programme de quelque Parti libéral. Je préfère envisager le gouvernement du Canada comme représentant l'intérêt public et me cantonner à cela dans mes commentaires.
    Mais permettez que je dise que c'était le gouvernement du Canada; ce n'était pas une seule personne. C'était le gouvernement du Canada. Il y a eu un décret en conseil qui est venu, en gros, du Conseil privé, c'est-à-dire du gouverneur général, et qui me désignait. Le gouvernement du Canada m'a demandé de faire des recommandations, et j'ai fait des recommandations au gouvernement du Canada — pas au Parti conservateur, pas au Parti libéral, mais au gouvernement du Canada.
    J'avais pensé qu'il aurait été approprié, vu le temps et les sommes d'argent considérables qui avaient été consacrés à l'étude de ces questions, que celles-ci soient portées à l'attention du gouvernement du Canada et fassent l'objet de discussions.
    M'appuyant sur les seules preuves, il me faut dire qu'il n'y a eu aucune discussion que j'aie pu voir. Peut-être qu'il y en a eues des discussions, mais s'il y en a eues, elles ont été tenues en secret. Elles n'ont certainement pas été tenues de manière publique, et personne n'est venu me dire que oui, on examinait la chose. J'ai eu cette conversation avec M. Baird, qui n'avait je pense pas lu mon rapport à l'époque, mais qui était très préoccupé par d'autres questions. Il venait tout juste d'être nommé président du Conseil du Trésor. Je suis certain qu'il avait une tonne de choses à lire.
(1005)
    Mais vous êtes frustré. Vous avez vous-même dit être frustré par la façon dont le gouvernement traite de vos recommandations.
    Oui. Je lui avais donné deux ans. Je pensais que cela lui suffirait pour trouver du temps pour faire quelque chose. Je suis peut-être naïf, mais je m'étais attendu à ce qu'à l'issue de cette période de deux ans l'on dirait ou ferait quelque chose pour me signifier que, oui, nous avons examiné votre rapport, nous avons décidé de le rejeter ou bien nous avons adopté ceci ou fait cela ou inversement — mais rien.
    Pensez-vous que l'actuel gouvernement du Canada, le gouvernement conservateur, soit véritablement sincère pour ce qui est de faire quoi que ce soit en matière de reddition de comptes en mettant en oeuvre de quelque manière ou sous quelque forme que ce soit l'une quelconque de vos recommandations?
    Eh bien, j'aimerais simplement savoir quelle est son attitude.
    Vous vous interrogez donc quant à sa sincérité et son...
    Je n'ai aucune raison de penser que l'actuel gouvernement ne souhaite pas sincèrement le bien-être du pays.
    Pourquoi pensez-vous avoir été ignoré?
    J'aimerais simplement qu'il me dise quelle est sa réaction.
    Pourquoi pensez-vous avoir été ignoré par le gouvernement?
    Je ne connais pas la réponse à cette question. Ce serait de la pure conjecture, et je ne pense pas qu'il me faille m'adonner aux conjectures.
    Merci beaucoup, monsieur Silva.
    Allez-y, monsieur Albrecht.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Gomery, d'être des nôtres ici aujourd'hui.
    Je peux certainement me faire l'écho des propos de mes collègues, en ce que nous apprécions le travail que vous avez fait pour mettre au jour beaucoup de corruption et d'arrogance du côté des libéraux et, je dirais même, un certain sentiment d'ayant droit qui avait envahi ce régime tout entier. Mais vous avez souligné, à juste titre, que cette partie était la première partie, et que la deuxième partie de votre rapport était la partie la plus importante. Dans votre rapport, vous avez étayé un certain nombre de recommandations en vue d'améliorer la reddition de comptes et la transparence du gouvernement.
    Dans un article paru hier, on a rapporté que vous auriez dit ceci: « Je crois que c'est au travail de la commission qu'ils doivent d'être au pouvoir. Ce n'était pas l'objectif, mais c'est la conséquence, et je crois qu'ils font preuve d'ingratitude en me traitant de la sorte ».
    Nous pourrions sans doute discuter longuement des raisons pour lesquelles il y a eu un changement de gouvernement en janvier 2006, mais je peux vous dire que sur les pas de porte dans ma circonscription, la principale préoccupation des électeurs avait été que l'on améliore la transparence et la reddition de comptes. Que cela vienne du fait de vos recommandations ou de la Loi fédérale sur la responsabilité n'a jamais fait partie de la discussion. Mais vous avez déclaré aujourd'hui, en réponse à une question, que tout ce à quoi vous vous étiez attendu était que votre rapport soit étudié, et je peux vous assurer que c'est ce qui s'est passé.
    La Loi fédérale sur la responsabilité est, sans conteste, la loi en matière d'imputabilité la plus exhaustive jamais introduite au Canada, et je dirais même que cela a découlé de la promesse faite par le Parti conservateur pendant la compagne électorale de déposer la Loi fédérale sur la responsabilité. Une promesse d'adopter chacune des recommandations du rapport du juge Gomery ne faisait pas partie de notre plate-forme. Mais, pour être juste, nous avons adopté plusieurs des amendements qui avaient été proposés par des députés de l'opposition, et il importe que la chose soit très clairement établie. Il y a eu des douzaines d'amendements qui ont été proposés et intégrés à la nouvelle loi.
    Mais j'aimerais simplement comparer un instant, si vous permettez, certaines des recommandations contenues dans votre rapport, monsieur, avec certains des changements que renferme la Loi fédérale sur la responsabilité. Comme vous l'avez souligné, il y en a beaucoup. Nous pourrions les énumérer en en précisant le numéro, mais je n'entends pas prendre le temps de faire cela. Les recommandations 2, 4 et 5 ont été adoptées, peut-être depuis une perspective légèrement différente, mais elles ont néanmoins été adoptées.
    La question d'un code de conduite pour le personnel exonéré est clairement incluse dans la Loi fédérale sur la responsabilité. De fait, non seulement figure dans la loi, mais des séances de formation ont déjà eu lieu, et le personnel exonéré est inclus.
    En ce qui concerne la recommandation 15, concernant l'enregistrement des lobbyistes, vous avez recommandé que l'on porte de deux à cinq ans le délai de prescription du directeur des lobbyistes pour mener des enquêtes et intenter des poursuites. Nous avons porté ce délai à dix ans.
    Je pense donc qu'à bien des égards nombre de vos recommandations ont été adoptées, possiblement du fait que l'on savait que ces choses feraient partie de vos recommandations, possiblement dans le cadre du processus. Mais ma question est la suivante. Pensez-vous qu'il y ait davantage d'imputabilité au gouvernement aujourd'hui comparativement à la situation qui existait avant l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité?
(1010)
    Je pense que l'on exige davantage de reddition de comptes de la part de la fonction publique aujourd'hui que cela n'a été le cas dans la période couverte par notre enquête. Il n'y a aucun doute là-dessus. Quant à savoir si cela est attribuable aux dispositions de la Loi fédérale sur la responsabilité ou à d'autres facteurs, il est extrêmement difficile de le déterminer.
    On me dit, et je pense que c'est un petit peu la réputation qui s'est généralement établie ici à Ottawa, qu'il existe quelque chose que l'on appelle « l'effet Gomery » — qui fait de moi un adjectif, ce qui me fait une impression très étrange, bizarre —, un genre d'attitude au sein de la fonction publique qui fait que les gens sont très prudents dans ce qu'ils font. Je pense que cela est formidable, mais de là à dire que c'est à cause de la Loi fédérale sur la responsabilité ou tout simplement parce que les gens ont été profondément embarrassés par ce qui s'est passé dans le cadre des audiences de la commission, je n'en sais rien. J'ignore quelle en est la raison.
    Mais je vous répéterai ceci pour vous rassurer. Je pense que la promulgation de la Loi fédérale sur la responsabilité a été un pas très positif en vue d'un meilleur degré d'imputabilité au gouvernement du Canada.
    Nous avançons donc clairement dans la bonne direction.
    Oui.
    Très bien.
    J'aimerais simplement poursuivre un instant, madame la présidente...
    Vous disposez de 30 secondes.
    Oh, je vais dans ce cas changer d'approche.
    Il reste encore un montant d'argent considérable non recouvré — cela est ressorti de la première partie de votre enquête — et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a énuméré plusieurs initiatives qui sont en cours pour essayer de récupérer une partie de l'argent qui est toujours dû aux contribuables canadiens, quelque chose de l'ordre de 40 millions de dollars. Je pense que nous avons pour obligation de rendre cet argent aux contribuables. Ce peut sembler être un petit montant aux yeux des gens de l'autre côté, qui considèrent que c'est l'argent du gouvernement, mais c'est l'argent des contribuables, et je pense qu'il nous faut...
    Merci.
    Nous allons laisser M. Gomery répondre très rapidement.
    D'après ce que je comprends, l'affaire est devant les tribunaux et l'on poursuit vigoureusement les personnes dont il est allégué qu'elles doivent de l'argent au gouvernement par suite du programme de commandites. Tout ce que je peux dire est que j'ai une certaine compassion pour le juge qui va devoir entendre cette affaire.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Albrecht, j'aimerais vous préciser que les documentalistes du comité n'ont pas pu trouver de renseignements sur le code de conduite pour le personnel exonéré. Si cela pouvait être déposé, ce serait fort bien. Merci.
    La parole est maintenant à Mme Bourgeois.

[Français]

    Merci, madame la présidente. Je vais partager mon temps avec ma collègue Mme Faille.
    Monsieur Gomery, pour votre information personnelle, d'après les recherchistes de la Bibliothèque du Parlement — et c'est très rare que ces gens se trompent —, sur 19 recommandations, il n'y en a que sept qui sont en vigueur ou partiellement en vigueur, si cela peut vous conforter.
    Deuxièmement, pour les parlementaires, comme pour les journalistes qui sont ici d'ailleurs, il est très difficile d'obtenir des informations. Ma collègue en a touché un mot plus tôt. Oui, il y a ici une culture de cachotterie, de camouflage, de non-transparence. Nous nous serions attendus à ce que la Loi fédérale sur la responsabilité permette d'obtenir plus d'information, de savoir ce qui se passe et que le citoyen, québécois comme canadien, puisse savoir ce qu'on fait avec son argent.
    Cela dit, dans l'affaire Mulroney-Schreiber, le gouvernement veut établir un mandat très restrictif pour le commissaire qui sera chargé de l'enquête. Dans votre cas, j'aimerais savoir brièvement comment ça s'est passé. Votre mandat était-il très restrictif ou large? Avez-vous pu le négocier? Est-il important d'avoir un mandat large, qui donne toute liberté, par exemple, d'explorer les pistes que l'on juge importantes? Finalement, recommanderiez-vous au gouvernement de nommer le commissaire avant d'établir le mandat de la commission?
    Il y a beaucoup de questions, madame.
    Pour répondre à la partie factuelle, j'ai négocié mon mandat avec le gouvernement à l'époque. Une des dispositions importantes que j'ai négociées a été le droit d'aller où je le jugeais approprié pour connaître la vérité. Je me suis donné, par la négociation, une liberté d'action qui a été très utile au cours de mon enquête.
    Je recommanderais à n'importe quel commissaire d'enquête d'avoir une disposition similaire. Autrement, si le mandat est restreint, certaines personnes pourraient critiquer et dire qu'on n'a pas enquêté ou recherché l'information sur un aspect particulier. À des fins de protection de la crédibilité et de la réputation du commissaire, ce dernier doit disposer d'une certaine liberté d'action au cours de son enquête. S'il est nécessaire de négocier son mandat, il s'ensuit qu'il faut nommer le commissaire avant d'arrêter les termes de son mandat, n'est-ce pas? Si le mandat est préparé à l'avance, le commissaire est un peu prisonnier de ce qui a été décidé à son insu.
(1015)
    Merci beaucoup.
    Mes questions vont porter sur les règles de financement des partis politiques. Vous n'avez pas pu en parler en détail. Des modifications ont été faites. Quelles pourraient être les conséquences des nouvelles règles? Quels changements ou recommandations pourriez-vous faire à ce sujet?
    Je n'ai pas trop bien compris votre question.
    On a dit qu'on avait amélioré les règles de financement des partis politiques. Le projet de loi va-t-il suffisamment loin? Pourrait-on aller encore plus loin? Si c'est le cas, quelles sont vos recommandations?
    Il est difficile pour moi de me rappeler tous les détails de cette réforme, mais elle était très bonne en général.
    Une chose qui nous a frustrés lors de la commission d'enquête a été le fait qu'un grand nombre d'infractions à la Loi sur les élections s'étaient produites à un moment qui ne permettait plus une poursuite pénale.
    Il y avait prescription.
    Il était nécessaire de prolonger la période dans le cas d'une poursuite pénale. Je pense que la loi a été modifiée en ce sens. Presque toutes les infractions qu'on a découvertes s'étaient produites à une date où on ne pouvait plus poursuivre qui que ce soit.
    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Pat Martin, allez-y, je vous prie.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Gomery, et bonjour.
    Monsieur Gomery, d'après ce que je vois, le plus grand préjudice découlant du scandale des commandites, ou de tout scandale, n'est pas forcément l'argent qui a pu être chapardé. C'est le coup porté à la confiance du public à l'égard de ses institutions. Permettez-moi de dire que je pense que cela a rassuré les Canadiens d'allumer leur télé semaine après semaine et d'y voir un homme bon et honnête comme vous faire son maximum pour démêler le scandale. Il y en a un autre qui mijote. Nous venons tout juste, au comité de l'éthique, de traiter de l'affaire Schreiber-Mulroney. J'aimerais vous demander ce que vous comptez faire pendant les 18 prochains mois environ et si cela ne vous ennuierait pas de venir de nouveau en aide au pays, car il y a un trou béant...
    Mes vaches sont sur le point de vêler, et c'est là ma principale préoccupation.
    Je comprends tout à fait.
    J'ai deux petites questions et je dispose de très peu de temps.
    Permettez que je parle de l'une de vos recommandations sur l'imputabilité et la responsabilité des ministres et dont vous avez fait état. Nous sommes au beau milieu, comme vous aurez pu le voir dans les journaux, de ce que les gens ont appelé l'« affaire du NAFTAgate » et au coeur de laquelle se trouvent deux des plus importants hauts fonctionnaires du pays.
    Si les règles que vous recommandez relativement à l'imputabilité ministérielle étaient bel et bien en vigueur, quel effet cela aurait-il eu sur cette affaire, cet exemple dont nous sommes aujourd'hui saisis?
(1020)
    Il s'agit là d'une question très difficile. Je ne sais pas si je pourrais y répondre.
    Ces personnes font partie du personnel exonéré, n'est-ce pas?
    Oui.
    Une voix: Il s'agit d'un ambassadeur et d'un chef de cabinet.
    M. Pat Martin: C'est mon tour et je dispose de très peu de temps.
    Encore une fois, l'un des problèmes dont je pensais que nous avions traité dans le rapport et les recommandations est que le personnel exonéré au bureau du premier ministre, ou dans tout bureau de ministre, ne semble pas être couvert par quelque loi que ce soit.
    M. Pat Martin: Ils font eux-mêmes la loi.
    M. John Gomery: Il me semble qu'il s'agit là d'une situation qui devrait être couverte et réglée par un code de conduite, ou une loi, ou en tout cas un mécanisme tel que les gens ne puissent pas se promener à droite à gauche en disant qu'ils travaillent pour le premier ministre du Canada et qu'il pense ceci ou cela. Qui sait si ces personnes disent la vérité et si en fait elles représentent l'intérêt public ou la volonté du premier ministre et ainsi de suite? Dans la situation actuelle, bien sûr, le premier ministre peut dire « Non, non, je n'ai jamais autorisé une telle déclaration ». Je ne vois tout simplement aucun encadrement pour son personnel. Je pense que ce devrait être là un sujet de préoccupation.
    Merci.
    C'est une culture du secret que vous-même et d'autres avez, je pense, identifiée qui a permis à la corruption de prendre son essor à Ottawa, et pas simplement dans le cadre de l'ancien régime, mais peut-être au fil de plusieurs décennies. Cette liberté d'information, cet accès à l'information, est un pilier essentiel. L'on dit que la lumière du soleil est un puissant désinfectant.
    John Reid a comparu devant votre commission et a étayé un plan d'action très clair. Les conservateurs en ont en fait fait un élément essentiel de leur campagne. Lorsqu'ils disent que la Commission Gomery a défait ce gouvernement-là et a fait élire celui-ci, le premier élément de leur promesse aux Canadiens en matière de responsabilité était une refonte exhaustive de la Loi sur l'accès à l'information. Or, la chose a été carrément retranchée, en bloc, de la Loi fédérale sur la responsabilité. Tout le chapitre a presque été enlevé, pour être remplacé par quelque chose de bien piteux.
    Conviendriez-vous avec nous que la chose la plus importante que nous puissions faire serait de refondre nos lois en matière de liberté d'information en rehaussant les normes d'éthique en braquant la lumière sur les différentes activités?
    Nous avons, bien sûr, recommandé que ces réformes proposées par M. Reid soient dans une très grande mesure adoptées. Quelques réserves ont été exprimées à l'égard de certaines d'entre elles, mais, de façon générale, c'était ce qu'il fallait.
    Je pense que cette ère de secret au gouvernement est chose du passé. Je suis convaincu que tout gouvernement qui cherche à maintenir le secret va finir par semer les graines de sa propre défaite, car le public insistera pour savoir ce qui se passe. Il fut un temps où un électorat moins instruit aurait toléré un certain niveau de secret au gouvernement, mais je pense que cette ère est révolue. Je pense que tous les gouvernements vont devoir accepter cela. Il n'y a pas que le gouvernement qui résiste à cela; je pense que la fonction publique résiste elle aussi, et je crois simplement que cela est bien dommage. Il leur va falloir s'habituer au fait que le public va insister sur son droit de savoir ce qui se passe.
    Le droit de savoir — c'est excellent. Merci.
    La parole est maintenant à M. Brown.
    Merci, madame la présidente.
    Permettez-moi de me faire l'écho des propos tenus par certains de mes collègues et de vous remercier, monsieur Gomery, pour le travail que vous avez fait. Vous inspirez beaucoup de reconnaissance et je pense que les Canadiens ont été bien servis par le travail que vous avez fait en mettant au jour l'un des plus gros scandales de corruption libérale de l'histoire, non seulement du Canada, mais du monde entier.
    J'aimerais mentionner une ou deux choses dans mes remarques et recueillir ensuite vos idées en la matière. Au début de la séance d'aujourd'hui, j'ai entendu M. Holland parler du fait que tous les partis politiques sont en faveur de l'imputabilité. J'aimerais simplement souligner, avant de creuser plus loin, que les libéraux ont été au pouvoir pendant longtemps, et laisser entendre que les libéraux sont, après tous ces mandats, sur le point de faire quelque chose et que si seulement ils avaient eu un cinquième mandat ils auraient bougé en matière d'imputabilité, c'est comme dire que vous allez attendre d'avoir des billets de saison pour les Nordiques de Québec. Nous savons tous quel était le dossier de ce parti, et j'aimerais souligner certaines choses qui ont été réalisées. Il y a un certain nombre de domaines dans lesquels vos recommandations ont résulté en des changements fondamentaux pour le gouvernement du Canada, du fait du travail que vous avez fait.
    J'aimerais en mentionner quelques-uns. Votre recommandation numéro 2 dit ceci:
Le gouvernement devrait adopter une loi pour mettre en vigueur une charte de la fonction publique.
    Eh bien, c'est chose faite, grâce à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.
    Votre recommandation numéro 4 dit ceci:
Afin d'éliminer la confusion entre la responsabilité et l'imputabilité respectives des ministres et des fonctionnaires, le gouvernement devrait modifier ses politiques et ses publications pour reconnaître et déclarer explicitement que les sous-ministres et les hauts fonctionnaires qui détiennent une responsabilité législative sont tenus de rendre compte de plein droit devant le Comité des comptes publics de l'exercice de leurs fonctions législatives et de leurs fonctions déléguées.
    Eh bien, c'est chose faite grâce à la Loi fédérale sur la responsabilité.
    Votre recommandation numéro 5 dit ceci:
La décision du ministre devrait être enregistrée dans une correspondance que le sous-ministre transmettra au contrôleur général du Secrétariat du Conseil du Trésor, où elle pourra être examinée par le Bureau du vérificateur général.
    Cela aussi est couvert par la Loi fédérale sur la responsabilité.
    La recommandation Gomery numéro 10 est la suivante:
Le gouvernement devrait abolir les dispositions de la loi et de ses politiques qui permettent aux employés exonérés d'être nommés à des postes de la fonction publique sans concours après avoir servi pendant trois ans dans un cabinet ministériel.
    Cela aussi est couvert par la Loi fédérale sur la responsabilité.
    La recommandation Gomery numéro 11 dit ceci:
Le gouvernement devrait préparer et adopter un code de conduite du personnel exonéré indiquant que le personnel exonéré n'a pas le pouvoir de donner des ordres aux fonctionnaires et que les ministres sont pleinement responsables et imputables des actions de leur personnel exonéré.
    Cela aussi est fait dans la Loi fédérale sur la responsabilité, et je veux parler du guide pour les ministres.
(1025)
    Il y a un rappel au Règlement.

[Français]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente. Je veux seulement rappeler qu'étant donné que le député d'en face vient de dire que des éléments qui sont faits...

[Traduction]

    S'agit-il d'un rappel au Règlement? Ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Ce n'est pas un rappel au Règlement. Ce n'est pas un point d'ordre.

[Français]

    Qu'est-ce que je peux faire?

[Traduction]

    Attendez votre tour.

[Français]

    Le juge Gomery se fait raconter des blagues. Ce n'est pas vrai.
    On va permettre à M. Brown de poursuivre. M. Gomery est capable de se défendre et de savoir ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas.

[Traduction]

    Monsieur Brown, poursuivez pour encore deux minutes.
    La recommandation Gomery numéro 14 a elle aussi été acceptée et intégrée à la Loi fédérale sur la responsabilité.
    La recommandation Gomery numéro 15, « Le Directeur des lobbyistes devrait relever directement du Parlement pour toute question ayant trait à la mise en oeuvre et à l'exécution de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes », a non seulement été acceptée et mise en oeuvre dans le cadre de la Loi fédérale sur la responsabilité, mais cela a été poussé plus loin encore. On a porté à dix ans la période pendant laquelle les violations peuvent faire l'objet d'enquête et de poursuite.
    La recommandation Gomery numéro 17, « La Loi sur la gestion des finances publiques devrait être modifiée afin d'y ajouter un nouvel article stipulant que toute infraction délibérée à son article 34 par un employé du gouvernement fédéral sera un motif de congédiement sans indemnités », est elle aussi mise en oeuvre par la Loi fédérale sur la responsabilité.
    Ce que j'essaie de faire en soulignant ces exemples c'est vous montrer à vous ainsi qu'à ceux et celles qui nous regardent à la télévision que votre travail a résulté en des changements massifs et que c'est pour cela qu'il est si apprécié que vous ayez pu démêler ce gigantesque scandale libéral d'une manière telle que nous avons pu changer la façon dont le gouvernement fonctionne. C'est pourquoi les gens sont nombreux à dire de la Loi fédérale sur la responsabilité qu'elle est la loi anti-corruption la plus exigeante qui ait jamais été déposée à la Chambre des communes.
    Je tiens à souligner que la Loi fédérale sur la responsabilité est une chose sur laquelle nous avons tous fait campagne. Je me souviens de cette campagne électorale hivernale au cours de laquelle nous avons marché péniblement dans la neige pour aller dire cela aux Canadiens.
    Ce n'est pas une personne seule qui a pondu la Loi fédérale sur la responsabilité. Ce n'est pas une personne seule qui en a décidé. C'était la sagesse collective des Canadiens qui ont appuyé cela et, je pense, qu'en tant que parti politique, lorsque nous avons présenté la chose, et en tant que gouvernement, nous avions cette obligation envers les Canadiens, car ce sont les Canadiens qui ont voté là-dessus et ce sont les Canadiens qui s'attendent à ce que nous livrions la marchandise en ce qui concerne la Loi fédérale sur la responsabilité.
    Pour ce qui est des quatre aspects des recommandations Gomery concernant le comité des comptes publics, il s'agit bien évidemment là d'une décision qui revient au comité des comptes publics. Je sais qu'il est présidé par un député de l'opposition. Je ne peux pas m'imaginer qu'ils saboteraient ces recommandations venues de vous. Je sais qu'ils ont été préoccupés par d'autres choses. Ce serait mon espoir que les députés de l'opposition membres de ce comité adoptent ces recommandations.
    Mais j'aimerais conclure avec une question. Étant donné tout le travail que vous avez déployé, êtes-vous convaincu que nous avançons dans la bonne direction? Et, à y réfléchir, croyez-vous que les libéraux qui ont été mêlés à cet énorme scandale en ont suffisamment été tenus responsables?
    Eh bien...
    Vous ne disposez pas de beaucoup de temps pour répondre, malheureusement.
    Je vais répondre brièvement.
    Je pense avoir déjà répondu que la Loi fédérale sur la responsabilité est certainement un pas dans la bonne direction, mais cette loi n'est pas venue en réaction à mon rapport. Mon rapport n'avait même pas été rédigé ni déposé au moment où cette loi a été élaborée. En d'autres termes, la Loi fédérale sur la responsabilité a anticipé certaines de mes recommandations. Je pense qu'elle n'en a pas anticipé les autres, et les autres ont été ignorées. Je pense que c'est là la réponse à votre question.
    Quant à savoir si les personnes concernées ont été suffisamment tenues responsables, c'est à la police et au Parlement et ainsi de suite de trancher cela. Je n'ai pas été autorisé par mon mandat à décider de responsabilité pénale ou civile. Cela a été laissé aux soins des tribunaux.
(1030)
    Pour être juste, avant d'autoriser quiconque d'autre à poursuivre, il y a un projet de loi qui a été adopté sous les libéraux, le projet de loi C-11. Le projet de loi C-2, leur loi en matière de responsabilité, a modifié certaines dispositions du projet de loi antérieur et en a ajouté, mais il n'a pas tout inventé.
    Je voulais simplement tirer les choses au clair.
    Je pense que tous les partis politiques ont sauté pieds joints sur la question de l'imputabilité par suite de mon premier rapport.
    C'est exact. Absolument.
    J'aimerais maintenant donner la parole à M. Holland, pour cinq minutes.
    Merci.
    Monsieur Gomery, la vérité est que tout acte irrégulier survenant à tout moment nuit non seulement au parti politique du jour, mais également au Parlement ainsi qu'à notre système dans son entier, et, que la chose survienne sous Brian Mulroney ou sous un gouvernement libéral, ou qu'il s'agisse ou non d'affaires auxquelles l'actuel gouvernement est mêlé, cela nuit à nous tous.
    L'une des choses dont je suis fier est que notre gouvernement, en dépit des temps très difficiles qu'il vivait, a pris une décision fort difficile, celle de vous demander d'examiner cette affaire et de veiller à ce que la chose ne se répète plus jamais. En conséquence, pour que les choses soient bien claires, je peux certainement m'exprimer non seulement en mon nom propre mais également en celui de notre parti, et je tiens à vous dire que nous nous ferons un plaisir de discuter n'importe quand et n'importe où de vos recommandations et de la nécessité qu'elles soient mises en oeuvre. Je pense qu'il est essentiel que cela se fasse.
    Je ne veux pas que ma réputation ou que celle de quelque député que ce soit souffre du fait que nous ayons répété les mêmes erreurs. Nous devrions tirer des leçons de l'histoire et ne pas être condamnés à la répéter.
    À cet égard, qu'il s'agisse de combattre pour qu'un commissaire aux plaintes publiques soit immédiatement nommé, de parler des plaintes que le commissaire à l'information a reçues et des recommandations que vous avez faites à cet égard et qui n'ont pas été mises en oeuvre, ces recommandations clés et ces recommandations principales dont vous avez parlé et qui n'ont pas été mises en oeuvre doivent l'être. Lorsque nous les avons mises de l'avant, malheureusement, nous n'avons pas fait les progrès que nous avions souhaités.
    J'aimerais revenir un instant sur ce point, car il est critique. Nous avons entendu de la bouche des députés membres du parti au pouvoir qu'ils apprécient ce que vous avez dit, mais, pour être clair, vous n'avez jamais reçu de lettre disant cela. Vous n'avez jamais reçu de correspondance disant « Nous avons lu votre rapport, nous avons examiné vos recommandations, nous ne sommes pas en faveur de vos recommandations, nous allons en accepter certaines, nous allons prendre encore une année pour les mettre en oeuvre ». Vous n'avez rien reçu vous indiquant ce que l'actuel gouvernement compte faire de ces recommandations, n'est-ce pas?
    C'est exact.
    Je trouve que c'est là un point poignant, car nous sommes tous là à nous demander où nous allons avec tout cela. Vous avez vous-même dit que ce sont là les recommandations clés et que d'autres choses sont demeurées en suspens. Je pense que cela a déjà amené d'autres problèmes et d'autres irrégularités qui nuisent non seulement aux partis politiques mais également au processus politique et à nous tous, en tant que parlementaires.
    J'aimerais revenir sur cette question du pouvoir exécutif versus le pouvoir législatif et sur le fait que nous avons, au cours des dernières années, constaté une accélération de cette tendance vers une concentration du pouvoir aux mains du premier ministre et du bureau du premier ministre, et que vous avez décrite. Vous avez dit que nous tendons vers un gouvernement d'un seul homme, si ce n'est déjà chose faite. Lorsque j'étais à l'école, les gouvernements d'un seul homme s'appelaient des dictatures. Nous tendons donc presque vers une dictature limitée dans le temps.
    Comment faire pour combattre cela au mieux? Car il s'agit d'une chose qui me préoccupe. Conviendriez-vous que cette tendance va s'accélérant depuis quelques années, que nous constatons de plus en plus de concentration au niveau du BPM et que vos inquiétudes, telles que vous les avez exprimées il y a de cela deux ans, seraient peut-être encore plus vives aujourd'hui?
    Je pense qu'il s'agit d'un problème clé, auquel il est difficile de cerner le remède. D'après les renseignements les plus récents dont je dispose, une centaine environ d'employés au bureau du premier ministre étaient exonérés. Et si vous remontez à l'époque de Diefenbaker et de Pearson, je doute que ces hommes aient eu plus de 10 ou 12 employés politiques dans leur bureau. Il y a donc eu une croissance énorme. Je pense que cela mérite notre attention car, comme je l'ai déjà dit, ce sont des employés non réglementés et ils n'ont de comptes à rendre à personne, sauf au directeur de leur bureau, le chef de cabinet, lui-même non élu.
    J'ai choisi d'en traiter en faisant certaines recommandations qui auraient pour effet d'accroître la visibilité et les fonctions des députés, et je pense que le comité est un bon exemple du genre de frein qui peut être appliqué au pouvoir du bureau du premier ministre. J'applaudis donc aux audiences se déroulant aujourd'hui, et j'applaudis aux comités semblables, comme celui des comptes publics, qui traitent de questions financières, et à d'autres comités encore.
    Je pense que ce mécanisme permet aux députés d'exiger des comptes du gouvernement. Le rôle traditionnel du Parlement est d'exiger des comptes du gouvernement. Je ne suis pas aussi définitif pour ce qui est de restreindre ou de contenir l'élargissement de ce personnel exonéré, sauf que je pense que certaines règles devraient s'appliquer à ces personnes. J'ai entendu dire qu'il se donne des séances de formation. J'en suis fort aise. Je ne sais trop quelle formation ces personnes reçoivent, mais il s'agit de toute façon d'un pas dans la bonne direction.
(1035)
    L'une des choses qui...
    Merci, monsieur Holland. Le temps dont vous disposiez est écoulé.
    La parole est maintenant à M. Warkentin.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Gomery, d'être des nôtres ce matin.
    Il y a une seule chose que vous auriez pu dire ce matin pour vous faire aimer encore davantage par les agriculteurs dans ma circonscription, et c'est le fait que vous allez bientôt vous occuper de vêlages. Ces fermiers apprécient un homme qui comprend ce qu'ils vivent eux aussi.
    Je sais ce qui est vraiment important.
    Absolument.
    Je peux vous dire que ces mêmes agriculteurs ont été très intéressés par l'attention que vous ont accordée les médias, il y a de cela quelques années, du fait que vous ayez dévoilé l'énorme scandale des commandites des libéraux. Merci beaucoup d'avoir fait cela pour le compte des Canadiens, vraiment.
    Vous avez dit quelque chose d'intéressant au sujet de la transparence, soit que les Canadiens vont continuer d'exiger de plus en plus de transparence. Je pense que vous avez raison. Je crois que nous vivons à une époque où les choses qui par le passé pouvaient demeurer secrètes ne le peuvent plus. Je pense en tout cas qu'il y a une tendance en matière de disponibilité de médias, et de multiplication des technologies qui informent véritablement l'électorat. Je suis d'accord avec vous là-dessus.
    Je pense qu'il n'y a aucun doute, surtout lorsque je regarde ma génération et les générations à venir, que nous vivons dans un monde complètement différent de celui qu'ont connu nos parents et grands-parents.
    À côté de cela, il y a une responsabilité, en ce qui concerne le gouvernement, de continuer d'assurer la transparence et de s'exposer au public. Il y a bien sûr en la matière des défis.
    Je trouve cela très intéressant. J'ai lu cette lettre qu'ont signée de nombreuses personnes, d'éminents Canadiens, dont un candidat libéral qui se présente en ce moment-même dans le cadre d'une élection partielle, M. Bob Rae. Les signataires de la lettre parlent du rapport et parlent des questions complexes pouvant avoir des effets d'une grande portée.
... des effets qui, dans certains cas, croyons-nous, pourraient être très dommageables. Il est important que vous preniez suffisamment de temps pour faire votre propre évaluation approfondie, avant de décider lesquelles parmi les recommandations du juge Gomery devraient être mises en oeuvre.
    Deux ans plus tard, nous nous penchons sur les recommandations. Nous constatons qu'un grand nombre d'entre elles ont été mises en oeuvre, la majorité d'entre elles, en tout cas en partie. Au fur et à mesure de notre travail, cela va, bien sûr, attirer de plus en plus d'attention. Il y aura un désir de plus en plus grand de voir cela se réaliser.
    À regarder les choses aujourd'hui, pensez-vous avoir omis des recommandations des choses qui auraient pu être ajoutées ou que vous voyez différemment par rapport à l'époque où vous avez rédigé votre rapport?
    Eh bien, je ne vais pas prétendre que mon rapport était parfait, ni que ce que j'y dis est gravé dans la pierre ni ne devrait l'être. Bien évidemment, tout ce que j'ai jamais pu faire aurait pu être mieux fait, j'imagine.
    Lorsque nous discutions de mon rapport avec mon comité consultatif, nous avons parlé de diverses possibilités. L'une supposait un rapport qui aurait contenu des centaines de recommandations, et nous y avons réfléchi. Il aurait été très détaillé. J'ai dit non, qu'il aurait été trop facile pour les gouvernements d'oublier. Lorsque les gouvernements obtiennent des recommandations massives, il est impossible pour eux de les digérer, alors ils ne le font pas.
    Nous avons délibérément limité les recommandations à 18 plus une, avec le délai dans le temps. Je me souviens d'avoir dit que nous devrions viser haut; nous devrions viser haut, nous devrions viser un changement fondamental. Je crains que ce soit le changement fondamental qui n'ait pas eu lieu.
(1040)
    Je ne suis sur ce point pas tout à fait d'accord avec vous. Je ne voudrais pas que vous soyez découragé quant à l'incidence que vous avez eue sur le Parlement, sur la société ou sur la culture du gouvernement. Je pense qu'il est important pour vous de savoir — si personne d'autre ne vous le dit, j'imagine que vous l'ignorez — que le rapport Gomery est souvent examiné. L'on s'y reporte souvent, que ce soit derrière des portes closes ou au sein de comités comme celui-ci. Le rapport est examiné, absolument.
    Il est le thème de cours d'université.
    Il devrait l'être, et je pense que cela en dit long sur l'incidence qu'il a eue et continue d'avoir.
    Bien que vous ayez certaines interrogations quant à sa mise en oeuvre ou quant au moment où a été déposée la Loi fédérale sur la responsabilité, je pense qu'il importe que vous reconnaissiez l'incidence que vous avez eue avant même que le rapport ne soit terminé. Bien sûr, vous pouvez comprendre le fait que l'on faisait la promotion de la Loi fédérale sur la responsabilité et qu'on l'élaborait avant le dépôt de votre rapport. Il y a bien évidemment là une certaine complexité.
    Il est clair que la loi anticorruption la plus exigeante jamais déposée est recouverte de vos empreintes digitales, monsieur Gomery.
    Merci beaucoup, monsieur Warkentin.
    Je ne sais si vous auriez une brève réponse à donner.
    Non, merci; c'est bien.
    Allez-y, je vous prie, madame Folco.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je comprends votre sentiment, monsieur Gomery. En français, on dit que la politesse est importante. À mon avis, le premier ministre ou les personnes responsables auraient pu vous envoyer un accusé de réception, simplement pour vous dire qu'ils l'avaient reçu et qu'ils y réfléchiraient. Cela aurait été la moindre des choses. Si j'ai bien compris, vous n'avez même pas reçu d'accusé de réception. C'est bien cela?
    Je voudrais revenir sur un sujet dont je ne sais pas s'il est plus important ou moins important, soit votre rencontre avec le ministre Baird à l'époque où il était président du Conseil du Trésor. Il a été rapporté dans les journaux que vous aviez donné l'impression que le ministre Baird, à l'époque, était beaucoup plus inquiet de la possibilité que vous causiez du tort au gouvernement conservateur que du sujet de son projet de loi. Vous en avez parlé un tout petit peu il y a un bon moment déjà.
    Je voudrais savoir, de façon très précise puisque le temps compte tellement ici, ce qu'a dit le ministre et quelle était la nature de ses inquiétudes quant aux problèmes que vous pourriez causer à son gouvernement.
    Vous me demandez un effort de mémoire que je ne peux pas faire. Je n'ai pas pris de notes. Je ne peux vous donner que des impressions tirées de ma mémoire.
    C'est quand même très important.
    Je me rappelle très bien — je suis revenu à la maison après cette rencontre — avoir dit à mon épouse que j'avais l'impression que M. Baird était très soulagé de savoir que je resterais juge longtemps et que je ne ferais pas de commentaires politiques sur l'avenir des recommandations de mon rapport. En effet, j'étais obligé de me restreindre à cause de mes fonctions de juge. C'était une impression. Par contre, je ne peux pas citer ce qu'a dit le ministre pour me laisser cette impression.
    Par rapport à vos inquiétudes, monsieur Gomery, pouvez-vous être plus spécifique?
    Évidemment, si je ne n'avais pas été obligé de rester muet au sujet de mes recommandations, j'aurais accepté les mille et une demandes d'entrevues à la télévision, par exemple. Après la production de mon rapport, j'ai été sollicité par des journalistes et toutes sortes de personnes pour faire des commentaires sur la Loi fédérale sur la responsabilité. J'ai refusé toutes ces demandes d'entrevues.
    Il n'est jamais trop tard pour bien faire, monsieur.
    Aujourd'hui, je suis beaucoup plus libre, et c'est la raison pour laquelle je suis ici.
    Madame la présidente, je voudrais partager le temps dont je dispose avec mon...
(1045)

[Traduction]

    Madame la présidente, j'aurai un commentaire et une question.
    Monsieur Gomery, j'ai passé sept années au comité des comptes publics, les deux dernières en tant que président, alors je vis tout ce dossier depuis fort longtemps...
    Ne siégez-vous plus au comité?
    Je siège au comité. J'en suis à l'heure actuelle le président.
    Comme vous le savez, l'une des mes recommandations était que les gens y demeurent pendant longtemps.
    Eh bien, j'y suis depuis longtemps.
    J'ai lu votre rapport plusieurs fois. Vous avez fait 19 bonnes recommandations. Je ne suis pas forcément en faveur de toutes les recommandations, mais le souci principal, l'approche générale, était de tenter de rééquilibrer la relation entre le Parlement et le gouvernement.
    Votre 19e recommandation demandait qu'une réponse soit déposée au Parlement dans les deux ans, et cela n'a pas été fait. Je suis tout comme vous déçu, car les recommandations et la réponse du gouvernement auraient dû faire l'objet d'un débat au Parlement. Le Parlement n'est nullement tenu d'accepter les recommandations, et votre rôle n'est pas de les imposer, mais il y avait là un certain nombre de bonnes recommandations. Malheureusement, votre rapport est aujourd'hui en train d'accumuler de la poussière sur diverses étagères à Ottawa.
    Ma question, monsieur, concerne l'une des réponses. Je veux parler de votre recommandation au sujet de l'imputabilité des sous-ministres devant les comités, et tout particulièrement le comité des comptes publics. Le gouvernement a donné suite. En vérité, j'ai été plutôt satisfait de sa réaction dans le cadre de la loi: les sous-ministres sont responsables devant les ministres appropriés de l'administration financière respectueuse et prudente des ministères, de l'établissement et du maintien de contrôles internes et de l'autorisation de tous les comptes. J'ai été plutôt satisfait, mais une fois la loi proclamée, le texte a été interprété de manière tout à fait différente de ce que dit la loi, les sous-ministres étant responsables seulement devant leurs ministres mais non pas devant quelque comité du Parlement que ce soit — ils ne sont pas du tout responsables devant le Parlement.
    Le comité des comptes publics a adopté un protocole qui correspond à votre recommandation et au libellé véritable de la loi. Je ne sais pas si vous suivez l'évolution de ce dossier, mais auriez-vous quelque commentaire à faire en la matière?
    Oui, avec plaisir.
    Mon souvenir est que le comité des comptes publics a recommandé à l'unanimité au gouvernement que les sous-ministres soient redevables devant le comité des comptes publics et, contrairement à la pratique actuelle, qu'ils répondent au seul nom de leur ministre. Je pensais que cela aurait eu plus de poids que n'a eu cette lettre signée par un certain nombre de gens très haut placés, qui semblent avoir convaincu le premier ministre de décider de ne pas suivre la recommandation, de ne pas suivre la recommandation de ma commission, de ne pas suivre la recommandation du comité des comptes publics, de ne pas suivre la recommandation de la commission Lambert d'il y a 30 ans. Cela semble aller carrément à l'encontre de toutes ces opinions.
    La raison pour laquelle il serait souhaitable qu'il y ait un certain niveau d'imputabilité de la part des sous-ministres est qu'il y aurait lieu de dépolitiser leur rôle. En l'état actuel des choses, la seule personne envers laquelle un sous-ministre doit rendre compte de ses actes, qu'il ait commis une terrible erreur, qu'il ait négligé ses responsabilités ou qu'il ait commis quelque acte illégal, est ou son ministre ou le premier ministre — le ministre, car c'est lui qui est responsable de la politique gouvernementale au sein du ministère qu'il dirige, et le premier ministre, car c'est lui qui nomme le sous-ministre. Le public et les parlementaires n'ont jamais le droit de demander à un sous-ministre pourquoi il a fait telle ou telle chose ni d'expliquer pourquoi il n'a pas fait telle ou telle chose. Personne ne peut poser la question. Il n'y a aucune reddition de comptes.
    Merci.
    Monsieur Poilievre.
    Monsieur Gomery, j'ai tout à l'heure oublié de citer la source de votre déclaration selon laquelle vous aviez été blessé. Je tiens simplement à ce qu'il soit clair que cela provient de l'Ottawa Citizen du 12 mars, dans lequel on peut lire une citation selon laquelle vous avez été blessé. Je ne doute pas un seul instant que ce n'est pas exactement ce que vous vouliez dire. Vous avez mentionné que vous n'êtes pas toujours heureux de...
    Monsieur Poilievre, ce qui s'est passé dans le vrai monde est que j'ai reçu un coup de téléphone dans la cuisine alors que je préparais le souper, et il s'agissait de Kathryn May, que je connais depuis plusieurs années, car elle a suivi les affaires de la commission. J'entretiens avec elle des relations très amicales.
(1050)
    Nous tous la connaissons autour d'ici.
    Elle et moi avons eu une longue conversation au cours de laquelle j'ai parlé de diverses choses et elle en a, comme le veut le métier qu'elle exerce, fait état dans un article de presse. Elle a dit que j'ai été blessé, mais je ne pense pas lui avoir dit être blessé. C'est peut-être ainsi qu'elle a interprété ma réaction. De toute manière, s'il me faut réfuter cela, je le réfuterai. Je n'ai pas été blessé.
    Je pense que nous sommes tous soulagés d'entendre cela. Nous tous autour d'ici connaissons Kathryn May. C'est une journaliste professionnelle très solide, mais je sais qu'elle va faire paraître dans l'Ottawa Citizen de demain un article sur toutes les bonnes choses que vous avez dites au sujet de la Loi fédérale sur la responsabilité.

[Français]

    La Loi fédérale sur la responsabilité dont nous avons parlé est la loi la plus sévère, dans l'histoire du Canada, à l'égard de la corruption. C'est ce que nous avions promis pendant la campagne électorale. Je veux le dire en français parce que nous avons promis une telle loi pendant la campagne électorale de 2005-2006, et c'est exactement ce que nous avons fait en arrivant au pouvoir. Vous avez déjà mentionné que vous étiez d'accord sur plusieurs articles de ce projet de loi et que vous pensiez que cette loi représentait une grande amélioration. Je suis d'accord avec vous.

[Traduction]

    Il a été question de la responsabilité qui était imposée aux membres du personnel politique, et je pense que quelqu'un a indiqué qu'il n'existe pas de règles applicables aux employés politiques. En fait, il y a ici même un guide très exhaustif — c'est un guide pour les ministres et secrétaires d'État — et il contient toute une liste de règles applicables à leur personnel. Ces lignes directrices sont très strictes et elles limitent les possibilités d'emploi que peuvent poursuivre les employés politiques après leur départ.
    Il s'agit, je suppose, de lignes directrices qui ont été rédigées par le Bureau du Conseil privé, vraisemblablement, ou par je ne sais trop qui, mais elles n'ont pas force de loi. Elles n'ont jamais été adoptées par quiconque. Elles n'ont jamais fait l'objet de débat. Excusez-moi de vous interrompre, mais des lignes directrices ne sont que cela. Elles ne sont pas du tout exécutoires.
    Par exemple, nous avons des règles qui interdisent aux membres du personnel politique de devenir des lobbyistes dans les cinq années suivant leur emploi au sein d'un ministère.
    C'est la loi.
    C'est la loi. C'est exécutoire. Oui, c'est la loi. C'est la loi en matière de conflit d'intérêts. On a tiré cela des lignes directrices et on a inscrit cela dans la loi. Cela existe.
    Ces lignes directrices établissent clairement que, par exemple, les employés politiques ne peuvent pas détenir d'actions à la bourse; s'ils en possèdent, ils doivent les placer dans une fiducie sans droit de regard aucun. Je peux vous assurer que cette règle est très strictement imposée.
    Ce sont là des changements qui ont limité la capacité des membres des personnels politiques de se retrouver en situation de conflit d'intérêts ou d'utiliser leur influence pour tirer un profit non éthique après leur départ.
    Ne conviendriez-vous pas qu'il s'agit là de développements positifs?
    Absolument. Je suis tout à fait en faveur de ces changements.
    Bien.
    Je pense que ce qui a été oublié dans le gros de ce débat est le fait qu'un grand nombre de députés de tous les partis représentés au Parlement ont participé à la construction de la Loi fédérale sur la responsabilité. Je pense qu'une cinquantaine, environ, d'amendements de fond émanant de l'opposition — et principalement, il faut le dire, du NPD — ont été apportés au projet de loi, dans le but d'élargir l'accès à l'information et de renforcer la protection des dénonciateurs.
    Et dans tout cela, monsieur, on a largement tenu compte de vos recommandations. Je pense donc qu'il vous faut vous féliciter du fait que vos recommandations se soient bel et bien retrouvées dans le texte de loi que nous appelons la Loi fédérale sur la responsabilité.
    Ne conviendriez-vous pas qu'au moins vos recommandations ont influé sur le comité dans le cadre de ses travaux?
    Je l'espère; je l'espère beaucoup.
    Merci.
    Merci.
    Monsieur Poilievre, je constate que vous avez en mains ce qui semble être un code de conduite que nous n'avons jamais vu. Pourriez-vous, s'il vous plaît, le déposer auprès du comité?
    Avec plaisir.
    La présidente: Très bien.
    M. Pierre Poilievre: J'ai également l'article de Mme Kathryn May. Je vais déposer cela également.
    C'est bien.
    La parole est maintenant à M. Holland.
    Le problème avec ces lignes directrices — et je pense, monsieur Gomery, que vous y avez fait allusion — est que, dans la plupart des cas, elles ne sont que cela. En fait, si nous nous penchons sur le cas de Linda Keen, ce sont ces mêmes lignes directrices qui disent qu'un ministre ne doit pas contacter un titulaire de charge autonome. Or, il n'y a eu aucune conséquence pour M. Lunn. Pourquoi? Parce que cela n'est pas prévu dans la loi.
    Bien qu'il y ait peut-être un ou deux exemples, je pense que la réalité est que, lorsque des violations des lignes directrices surviennent — chose que nous avons constatée récemment —, il y a une grande vulnérabilité du fait que ce ne soit pas explicité dans la loi. Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus?
(1055)
    S'il s'agit d'une ligne directrice, et que l'employé en question fait une chose qu'il ne devrait pas faire, il n'y a aucune conséquence, à moins que le ministre ne choisisse de renvoyer l'employé...
    M. Mark Holland: Ou soi-même.
    M. John H. Gomery: ... oui — ou s'il y a quelque autre mesure disciplinaire.
    Comme je le dis, une chose n'aura de conséquences que si quelque sanction légale est prévue. J'ai appris cela lorsque j'étais juge. Il vous faut avoir des sanctions légales pour pouvoir imposer une ligne directrice. Une ligne directrice peut être appliquée ou ne pas être appliquée.
    Je pense que nous voyons cela avec ce qui s'est passé dans le cas du ministre Lunn.
    Nous allons bientôt manquer de temps, mais je tiens à dire que la chose importante que je retire de tout cela, je pense, est de ne pas dire « Merci et prenez soin de vous » et chacun poursuit son petit bonhomme de chemin. Il faut, au lieu de cela, dire que les principales recommandations que vous avez faites n'ont pas été mises en oeuvre.
    Même si nous avons le projet de loi C-2, qui était essentiellement une version remaniée du projet de loi C-11 du gouvernement antérieur, la réalité est que les principales recommandations que vous avez formulées n'ont pas été adoptées. Je pense qu'une chose qu'il nous faut faire en tant que comité c'est veiller à ce que cela se fasse.
    Pour parler d'autres lignes directrices... Et ceci nous ramène à ce que vous avez dit au sujet du comité. Je pense que le comité joue un rôle essentiel en pouvant exiger des comptes du gouvernement, en posant des questions que les gouvernements ne souhaitent peut-être pas voir posées. Ce que nous avons vu dans le scandale rentrée et sortie, ce que nous avons vu dans l'affaire Cadman, a été l'utilisation des lignes directrices émanant du bureau du premier ministre sur la façon de perturber les réunions de comité, sur la façon d'utiliser les règles de procédure pour frustrer les comités en empêchant les députés de poser les questions qu'ils veulent poser.
    Le dilemme auquel nous nous trouvons confrontés en réunion de comité est que si le gouvernement décide qu'il ne veut pas traiter d'une chose au sujet de laquelle l'opposition veut poser des questions, alors les députés du parti au pouvoir quittent simplement la salle, ou alors le président disparaît dans la nuit, ou encore on ferme les portes ou bien ces députés ne se présentent tout simplement pas.
    J'aimerais savoir si vous auriez en la matière quelque recommandation à faire. Le comité devrait certainement être maître de sa propre destinée. Les partis de l'opposition, vous en conviendrez, j'en suis sûr, doivent pouvoir poser ces questions.
    Auriez-vous des idées quant à ce que nous pourrions faire pour contourner ces jeux de procédure qui ont été mis de l'avant dans ce guide de match qui a été pondu?
    Il vous faut avoir un président très chevronné qui maintient le contrôle, il me semble — comme c'est le cas du président ici présent.
    Nous avons un président formidable et exemplaire, j'en conviens.
    Le problème, monsieur Gomery, se pose lorsque nous avons un président qui s'éclipse au lieu d'être là pour le vote. Nous avons tout juste vécu cela hier au comité de la justice; cela est arrivé deux fois.
    Auriez-vous des idées quant à ce que nous pourrions faire en la matière? Certains comités ne siègent même plus du fait que nous ne puissions pas...
    Il s'agit là d'une question de procédure parlementaire, et je ne suis pas expert en la matière, alors je ne pense pas que je vais répondre.
    Cela relève du débat parlementaire. Je suis certain que des parlementaires traitent de cela depuis des centaines d'années, et que cela continuera d'être le cas.
    Ce que je soulignerai, juste pour conclure, est que vous avez parlé — et vous seriez d'accord — du fait que les comités sont l'un des principaux véhicules dont dispose le Parlement pour exercer cet équilibre dont vous avez fait état. Seriez-vous d'accord avec moi là-dessus? Vous pourriez peut-être faire quelque commentaire à ce sujet.
    Je suis d'accord avec vous là-dessus. Je pense que le système des comités est un moyen extrêmement efficace de contrer toute tendance autocratique de la part du gouvernement.
    Et il serait extrêmement important que cet équilibre soit maintenu et que les comités se voient donner l'occasion d'exercer leur rôle et de faire leur travail.
    Oui.
    Merci beaucoup.
    Il ne nous reste plus que quelques minutes. Il y a un autre comité qui attend de siéger dans cette salle, et je vais autoriser toutes les personnes dont les noms figurent sur ma liste à parler, mais il va falloir faire court. J'ai Mme Faille, M. Kramp et M. Mulcair.

[Français]

    Madame Faille, essayez d'être brève, s'il vous plaît.
    Je voulais ajouter à ce que disait notre collègue M. Holland. Depuis quelque temps, on commence à percevoir que les conservateurs se servent des journalistes pour discréditer les sujets qui les rendent mal à l'aise. Chaque fois qu'on les questionne, ils nous disent qu'ils ont eu de l'information — je ne sais trop où — et ils jettent du discrédit sur ce qui est rapporté dans les médias.
    Aujourd'hui, vous avez exprimé le voeu qu'il y ait un changement fondamental, mais vous savez bien que ce changement ne se fera pas tout de suite.
    On peut lire, dans le premier paragraphe d'un article de journal:
L'homme qui a fait enquête sur le scandale des commandites estime que le premier ministre Stephen Harper semble avoir renoncé à son engagement envers la transparence gouvernementale, lui préférant un style de gouvernement qui concentre le pouvoir entre ses mains.
    Êtes-vous d'accord là-dessus? Je pense que pour résumer, on pourrait dire que partager l'information, c'est partager le pouvoir.
(1100)
    Cette interprétation de mes paroles n'est pas totalement inexacte, j'en conviens. En tant qu'homme de loi, lorsqu'il y a mésentente sur ce qu'un témoin a voulu dire, je lis la transcription de ses remarques. Dans un reportage, le journaliste ne fait pas une transcription, mais une interprétation. Je ne conteste pas cette interprétation.

[Traduction]

    Monsieur Kramp, pour deux minutes.
    Bienvenue, monsieur Gomery. C'est très gentil à vous d'être des nôtres ici aujourd'hui.
    Votre rapport a manifestement fait beaucoup face à l'ancien gouvernement libéral... à la criminalité, au manque de reddition de comptes et au manque d'intégrité. Mais, plus important encore, je pense que les Canadiens d'aujourd'hui ont accepté un très grand nombre de vos recommandations, que l'on parle de l'expérience parlementaire ou de l'expérience de la vraie vie. J'estime que le Canada s'en trouve amélioré.
    Je crois qu'il reste encore du travail à faire. Je pense que nous en conviendrions tous. Il y a une chose à laquelle j'aimerais cependant que vous réfléchissiez, lorsque vous serez assis tranquillement à un moment ou à un autre à Havelock. Je veux parler du nombre de citoyens tenus en haute estime, qu'il s'agisse de Bob Rae, de John Manley, du professeur Tom Courchesne, de Herschel Ezrin, d'Arthur Kroeger — je pourrais vous dresser une liste d'une quarantaine de personnes — , qui ont exprimé des réserves quant à votre perception de la gouvernance. Je crois réellement qu'il s'agit d'une question que nous pourrions fouiller, et que le comité des comptes publics et celui des opérations gouvernementales pourraient s'intéresser sérieusement à essayer d'améliorer la façon dont fonctionne toute cette Chambre du Parlement.
    Ne pensez donc pas que l'affaire soit close. Il s'agit d'un processus permanent. Le gouvernement, le Parlement, c'est précisément cela, et votre contribution a certainement été bien reçue et appréciée.
    Merci, monsieur. C'est très gentil à vous de dire cela.
    Merci, monsieur Kramp.
    Monsieur Mulcair, pour une toute dernière question.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Gomery, bonjour. J'ai écouté attentivement ce que vous avez dit plus tôt sur les sous-ministres, notamment sur le sous-ministre en titre d'un ministère, et j'ai une question à vous poser. On dit parfois qu'une image vaut mille mots. Parfois, un exemple concret joue le même rôle et permet de mieux comprendre.
    À l'heure actuelle, un cas concerne celui qui est ni plus ni moins que le premier des sous-ministres en titre, c'est-à-dire le greffier du Conseil privé. On lui a demandé d'étudier ce qu'avait fait le premier des chefs de cabinet, le chef de cabinet du premier ministre, dans un cas touchant l'ALENA. Il y a aussi, si j'ose dire, le premier diplomate, qui est l'ambassadeur canadien à Washington. Dans ce cas-là, le bureau du premier ministre a décidé de confier l'enquête au greffier du Conseil privé pour savoir ce qu'avaient fait son propre chef de cabinet et l'ambassadeur canadien à Washington.
     Est-ce suffisant? Sinon, pouvez-vous nous suggérer ce qu'on devrait faire pour éclaircir une telle situation, à part bien sûr se lancer dans une enquête beaucoup plus formelle, judiciaire ou non?
    C'est certainement la façon de traiter de telles affaires qui a été instaurée par le passé. Évidemment, cela dépend beaucoup de l'indépendance du greffier du Conseil privé. Si ce dernier est conforme à la fonction remplie par certaines personnes dans le passé, comme M. Gordon Robertson, qui est perçu comme un modèle de greffier du Conseil privé, tant mieux. M. Robertson avait beaucoup d'autorité et d'indépendance.
     J'ai constaté un problème. C'était d'ailleurs le sujet d'une autre recommandation qui n'a pas été suivie. Je recommandais que le rôle et le statut du greffier du Conseil privé soient un peu modifiés. En effet, cette personne est en contact si étroit avec le premier ministre — elle est nommée par celui-ci — qu'il lui est difficile de conserver son indépendance et son objectivité. Cela dit, je ne fais aucun commentaire sur le greffier actuel.
    Je prends un moment pour vous remercier d'être venu passer ces deux heures avec nous. Merci beaucoup.
    La séance est levée.