:
Bonjour. Je m'appelle Louis Beauséjour et je suis le nouveau directeur général de la Politique de l'assurance-emploi. Depuis quatre semaines, je remplace Bill James, qui occupe maintenant de nouvelles fonctions.
J'aimerais vous présenter Mme Sherry Harrison, la directrice générale responsable de la mise en oeuvre de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada. De l'équipe des Politiques sociales du ministère des Finances, M. Yves Giroux et Mme Tamara Miller m'accompagnent également.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous accorder l'occasion de discuter de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada (OFAEC). Comme vous le savez déjà, le gouvernement a pris des mesures, dans le cadre du budget de 2008, afin de concrétiser les engagements qu'il avait pris lors du discours du Trône de 2007 quant à l'amélioration de la gouvernance et de la gestion du compte d'assurance-emploi.
Mes observations préliminaires consisteront principalement en un aperçu de la partie du projet de loi créant la Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada, qui se retrouve à la partie 7 de la Loi d'exécution du budget de 2008. La partie 7 de la Loi d'exécution du budget de 2008 contient trois parties détaillées comme suit. D'abord, nous y retrouvons la Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada qui établit une nouvelle société d'État. Ensuite, il y a les modifications à la Loi sur l'assurance-emploi. Enfin, on y retrouve également les modifications corrélatives de la Loi sur le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences et de la Loi sur la gestion des finances publiques.
La Loi sur l’Office de financement de l’assurance-emploi du Canada prévoit la création de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada, une société d'État relevant du ministre des Ressources humaines et du Développement social et ayant la responsabilité de la mise en oeuvre de l'annonce du budget de 2008 se rapportant à la gouvernance et à la gestion du compte d'assurance-emploi.
Conformément à cette loi et aux modifications à la Loi sur l'assurance-emploi, l'OFAEC sera responsable de fixer les taux de cotisations de l'assurance-emploi en vertu de l'article 66 de la Loi sur l'assurance-emploi, de gérer un compte de banque distinct dans lequel les cotisations excédentaires d'une année donnée seront conservées et investies jusqu'à ce qu'elles soient utilisées pour réduire les taux de cotisations des années subséquentes et, enfin, de conserver une réserve de deux milliards de dollars sous la forme d'un fonds de prévoyance afin de favoriser la stabilité relative des taux de cotisation à l'intérieur des paramètres prescrits par la loi.
[Traduction]
Ces modifications s'inscrivent dans le cadre des mesures prises par le gouvernement en vue de respecter son engagement vis-à-vis de l'amélioration de la gestion et de la gouvernance du Compte de l'assurance-emploi. En tant que petite société d'État indépendante du gouvernement, l'OFAEC s'assurera que les cotisations d'assurance-emploi sont utilisées exclusivement aux fins du régime d'assurance-emploi. Grâce à ces changements, le régime disposera d'une assise financière solide pour l'avenir et sera en mesure de soutenir les fluctuations de la conjoncture économique. L'Office rendra compte au Parlement par l'entremise du ministre des Ressources humaines et du Développement social et fera rapport publiquement de ses activités et de son rendement.
Le gouvernement continuera d'assumer ses responsabilités à l'égard de la gestion des prestations et de l'exécution du régime. L'OFAEC n'effectuera aucune opération ou activité étrangère à sa mission, y compris celles qui pourraient toucher aux prestations et autres versements accordés en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi.
L'OFAEC sera dirigé par un conseil de sept administrateurs, dont un président, qui seront nommés par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre de RHDS et qui occuperont cette charge à titre inamovible. Un conseil d'administration de sept administrateurs fut jugé convenable afin de réaliser le mandat donné et de dûment s'acquitter des responsabilités des trois comités de l'Office comme le requiert la Loi sur l'OFAEC.
Les candidats retenus à une nomination au conseil d'administration seront recommandés par un comité de sélection formé de trois membres comprenant un président nommé par le ministre en se fondant sur le principe du mérite, le commissaire représentant les employeurs et le commissaire représentant les employés. La législation sur l'OFAEC prévoit deux postes au sein de l'organisme, celui de président de l'Office et celui d'actuaire en chef. Le cadre de planification, de présentation de rapports et de gestion financière de l'OFAEC est basé sur les dispositions applicables de la partie X de la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur l'OFAEC comporte des dispositions supplémentaires et plus précises relativement aux comités, aux investissements, à la gestion financière et à la présentation de rapports de l'organisme.
La Loi sur l'assurance-emploi est modifiée pour permettre l'instauration d'un nouveau mécanisme d'établissement des taux de cotisation. Ce nouveau mécanisme d'établissement des taux de cotisation tiendra compte, dorénavant, de tout surplus ou déficit qui surviendront, pour faire en sorte que les revenus du programme s'équilibrent avec les dépenses au fil du temps.
[Français]
À cette fin, la législation prévoit que l'office établira chaque année un taux de cotisation permettant de générer juste assez de revenus durant l'année pour couvrir les paiements prévus et pour veiller à ce que la réserve de l'office soit maintenue à son niveau cible.
En établissant le taux, l'office tiendra compte de l'information fournie par le ministre de Ressources humaines et Développement social Canada relativement aux dépenses antérieures de l'assurance-emploi et aux modifications prévues au régime. Le ministre des Finances fournira les informations concernant les revenus antérieurs reçus et les revenus et dépenses prévus par l'assurance-emploi, ainsi que les prévisions les plus récentes des variables économiques pertinentes dans l'établissement du taux de cotisation. L'office tiendra aussi compte du revenu d'investissement et d'autres informations, y compris tout renseignement jugé pertinent par l'office.
Le gouvernement maintiendra son pouvoir de substituer un taux différent à celui établi par l'office, s'il juge qu'il est dans l'intérêt du public de le faire.
Les modifications à la Loi sur l'assurance-emploi permettront aussi l'établissement d'une réserve grâce au transfert d'un montant de deux milliards de dollars à même les ressources du Trésor. Elle sera indexée tous les ans, tel que défini par le règlement. Ce montant de deux milliards de dollars implique des scénarios économiques variés et des évaluations entreprises conjointement avec le chef actuaire de l'assurance-emploi. Il fut estimé qu'une réserve de ce montant serait adéquate dans le cadre du nouveau mécanisme d'établissement des taux de cotisation, afin de compenser un manque de fonds provenant d'une légère récession comme celle de 2001-2002.
Les transactions reliées à l'assurance-emploi continueront d'être inscrites dans le Compte de l'assurance-emploi. Les prestations de l'assurance-emploi continueront d'être prélevées par l'Agence du revenu du Canada à même les déductions à la source, transférées au Trésor et inscrites au crédit du compte de l'assurance-emploi.
Dans les cas où les revenus de l'assurance-emploi excéderont les paiements de l'assurance-emploi au cours d'une année, des fonds seront transférés du Trésor au compte de l'office, imputés au compte de l'assurance-emploi et gérés jusqu'à ce qu'ils soient utilisés aux fins du programme. Dans les situations où les revenus seront insuffisants, la différence sera couverte par un transfert du compte de l'office au Trésor qui sera porté au crédit du compte de l'assurance-emploi.
La législation autorisera également les avances du Trésor dans les situations où la réserve sera insuffisante pour couvrir les paiements de prestations d'assurance-emploi. Elles seront remboursées au cours des années subséquentes à l'aide du processus d'établissement des taux de cotisation.
[Traduction]
Avec la prise en charge de l'établissement des taux de cotisation de l'assurance-emploi par l'Office, la Commission de l'assurance-emploi du Canada conservera ses autres responsabilités liées au système d'appel de l'assurance-emploi, à l'établissement de règlements avec l'approbation du gouverneur en conseil ainsi qu'à l'examen et à l'approbation des politiques liées à l'administration et à l'exécution du régime.
La Commission de l'assurance-emploi continuera de jouer un rôle important, complémentaire à celui de l'Office. La Commission se verra aussi attribuer le mandat de continuer à produire annuellement le rapport de contrôle et d'évaluation.
De plus, le commissaire représentant les travailleurs et travailleuses et le commissaire représentant les employeurs auront de nouvelles responsabilités: ils seront membres du comité de sélection qui devra recommander des candidats qualifiés pour le conseil d'administration de l'OFAEC. De cette façon, les employeurs et les travailleurs pourront participer à la sélection des personnes les plus qualifiées pour gérer la prise de décisions concernant le financement du régime d'assurance-emploi.
L'objectif du gouvernement est de faire en sorte que l'OFAEC soit fonctionnel le plus tôt possible, de préférence à temps pour qu'il puisse établir les taux de cotisation à l'assurance-emploi de 2009 à l'aide du nouveau mécanisme. La vitesse à laquelle on pourra mettre sur pied l'Office dépendra du temps qu'il faudra aux mesures législatives nécessaires pour traverser le processus parlementaire. Si l'OFAEC n'est pas créé à temps pour qu'il puisse établir les taux de cotisation à l'assurance-emploi de 2009, la Commission de l'assurance-emploi le fera selon la législation actuelle.
Nous serons heureux de répondre à toutes les questions que les membres pourraient avoir au sujet de la mise en oeuvre de l'OFAEC, mais je vais tout d'abord laisser Yves vous présenter son exposé.
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Je vous remercie de nous donner l'occasion d'expliquer les changements à la gestion, au financement et au programme de l'assurance-emploi proposés dans le projet de loi qui porte sur l'exécution du budget.
La mise en oeuvre de l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada et d'un nouveau mécanisme d'établissement du taux de cotisation dans le cadre du budget 2008 répond aux attentes des Canadiens concernant l'assurance-emploi et le taux de cotisation. Elle permet aussi la mise en vigueur de changements requis au programme à un moment où l'économie canadienne entame une période d'incertitude relative. Or, nous entamons cette période dans une position de force relative, comparativement à la plupart de nos partenaires.
[Traduction]
Le gouvernement est toujours déterminé à s'assurer que les bonnes politiques et les bons programmes sont en place pour aider les Canadiens, comme l'ont démontré les nombreuses mesures du budget qui aideront certainement à traverser cette période d'incertitude sur le plan économique. Dans ce contexte, l'Office de financement de l'assurance-emploi du Canada qui est proposé aidera à s'assurer que le programme d'assurance-emploi est bien placé pour résister aux conditions économiques changeantes.
Comme l'a souligné mon collègue M. Beauséjour, le nouvel office représente une importante amélioration dans la gestion et la gouvernance du compte d'assurance-emploi. Il incombera à un conseil d'administration indépendant d'établir chaque année les taux de cotisation à l'assurance-emploi, grâce à un nouveau mécanisme qui permettra de s'assurer que le programme équilibre son budget au fil du temps. Il appartiendra au conseil d'administration de gérer son propre compte bancaire et de maintenir une véritable réserve en espèces dans ce compte.
[Français]
Selon nous, les Canadiens peuvent avoir confiance que le programme d'assurance-emploi sera géré sur une base de recouvrement des coûts pur, dans le temps, et que les taux de cotisation ne seront pas plus élevés que ceux requis pour payer les prestations.
Il me fera plaisir, ainsi qu'à ma collègue Tamara, de répondre aux questions des honorables membres du comité.
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Merci, monsieur le président.
Je veux remercier les témoins d'être venus aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de votre aide alors que nous tentons de comprendre cette nouvelle directive stratégique du gouvernement.
L'assurance-emploi est devenue une partie très importante du tissu social Canada. Lorsque j'ai lu le budget et que je suis arrivé à la page 73 où on parlait de cette nouvelle société d'État, je dois dire franchement que cela m'a rendu quelque peu nerveux, comme c'est le cas également pour bon nombre d'autres Canadiens. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas une bonne cause et qu'il ne devrait pas y avoir une administration plus indépendante de l'assurance-emploi — je pense qu'on peut certainement faire valoir que cela est nécessaire —, mais l'idée d'une société d'État indépendante, tout à fait distincte pour l'assurance-emploi préoccupe quelque peu les gens.
C'est pour cette raison que notre comité a décidé de faire une brève étude de la question pour trouver des réponses aux principales préoccupations et donner plus d'information aux Canadiens. Nous comprenons que nous en sommes peut-être aux toutes premières étapes du mécanisme visant à créer cette nouvelle société d'État, mais il y a d'importantes questions qu'il faut poser.
Notre comité est tout à fait conscient du fait que l'assurance-emploi est une question que nous avons abordée ici à cette table; il y a plus de projets de loi d'initiative privée qui portent sur l'assurance-emploi que sur n'importe quoi d'autre. D'habitude, ils abordent la question des prestations plutôt que des cotisations, je pense, en partie parce que les taux de cotisation pour l'assurance-emploi sont passés de 3 $ par tranche de 100 $ de gains assurables à 1,73 $ pour les employés, et de 4,20 à 2,42 $ pour les employeurs depuis 1993. Donc, les taux de cotisation ont diminué considérablement au cours de la dernière décennie, et le niveau des prestations a également diminué.
Il y a eu de bons projets pilotes qui ont été présentés par le gouvernement précédent et qui ont à mon avis permis de prendre des mesures pour parvenir à cet équilibre dont il est question. Et nous voulons tous nous assurer que l'assurance-emploi fonctionne pour les employeurs et pour les employés, tant en ce qui concerne les cotisations que les prestations. Il y a cependant des régions du pays qui dépendent énormément de l'assurance-emploi, de sorte que nous devons nous assurer de faire les choses comme il faut. Il est donc à mon avis très important pour notre comité de faire cette étude.
Au-delà de cette étude, puis-je demander à M. Beauséjour, à M. Giroux ou à un autre témoin quelle consultation le gouvernement entend faire alors qu'il élabore ce plan pour une nouvelle société d'État? Le public aura-t-il son mot à dire au sujet de la composition de cette nouvelle société d'État?
[Français]
Vous dites que les 54 milliards de dollars devraient être remboursés à la caisse de l'assurance-emploi. Vous semblez aussi indiquer qu'il y a une dichotomie entre ce qu'on prête et ce qu'on avance à la caisse de l'assurance-emploi et ce que celle-ci, selon le projet de loi , devra rembourser.
À des fins d'explication, je crois qu'on devrait laisser de côté les 54 milliards de dollars. Je peux vous expliquer ce que le projet de loi réalisera à l'avenir. On injecte 2 milliards de dollars dans la caisse de l'assurance-emploi. Si des surplus sont générés, on en tiendra compte dans la détermination du taux des cotisations des années subséquentes. Si des surplus surviennent, ils seront retournés aux travailleurs et aux employeurs sous forme de cotisations plus faibles. De la même façon, si un déficit devait malheureusement survenir, le nouvel office de l'assurance-emploi avancera les fonds à même les 2 milliards de dollars, et ceux-ci devront être remboursés au cours des années subséquentes au moyen de cotisations plus élevées.
Pourquoi ne transfère-t-on pas un montant plus élevé? Pourquoi n'utilise-t-on pas une partie des 54 milliards de dollars? Vous avez mentionné que ce serait une bonne question à poser au ministre, et je ne peux qu'être d'accord sur cette affirmation.
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Merci, monsieur le président.
Je dois dire que vous avez un drôle de raisonnement à défendre. Un jour, j'ai assisté à l'audition d'une cause dans le cadre de laquelle un employé était accusé au criminel d'avoir dérobé de l'argent à son employeur. Cet employé alléguait devant la cour qu'il en avait fait bon usage puisqu'il l'avait investi dans l'éducation de ses enfants. Le juge l'a entendu, mais a conclu que c'était quand même un vol. J'imagine que c'est la même chose ici. Alors, il y a là un mauvais usage.
Je comprends vos réponses, ce matin. La loi est ainsi faite et vous n'avez pas le choix. Vous voulez mettre en oeuvre un mécanisme pour assurer une saine gestion indépendante du Trésor. Vous dites que la caisse ne dépendra plus du gouvernement. Le problème n'est pas la façon dont ça a été géré, mais bien l'usage qu'on en a fait. On retrouve, il me semble, la même dynamique pour les raisons suivantes. D'abord, je comprends mal qu'on n'ait pas confié cela à la commission la gestion des cotisations, par exemple. La commission existe, a déjà le mandat — et elle le conserve — d'assumer l'administration de façon à s'assurer que les prestations sont conformes à la réglementation. On s'entend là-dessus?
Or, on confie l'administration des cotisations à l'office. Qu'est-ce que l'office a à voir là-dedans? Le ministre l'a dit clairement, et vous l'avez fait également ce matin: il faut gérer cela de façon à prévoir des cotisations suffisantes pour assumer les responsabilités envers les chômeurs. Cette décision est prise par le ministre. Il est surprenant de constater, cependant, que cette gestion ne peut s'appliquer qu'en fonction d'une baisse des cotisations s'il y a des surplus. M. le ministre nous dit textuellement ceci:
L'Office sera également chargé de gérer un nouveau compte bancaire, distinct de celui réservé aux recettes générales du gouvernement, au sein duquel tout excédent en matière de cotisations d'assurance-emploi pour une année donnée sera conservé et investi jusqu'à son utilisation en vue de réduire les taux de cotisation pour les années suivantes. Le gouvernement du Canada s'est engagé à fournir deux milliards de dollars afin de créer une véritable réserve en espèces, qui sera administrée par l'Office. Bien entendu, le gouvernement du Canada et la Commission de l'assurance-emploi du Canada continueront d'avoir l'entière responsabilité d'exécuter le programme et de verser des prestations d'assurance-emploi, notamment de définir les conditions d'admissibilité et les niveaux de prestations.
Comment ne pas conclure que dorénavant, le régime ne sera pas bonifié?
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Je vais essayer de ne pas susciter trop de controverse, alors.
La raison de mon retard ce matin... Cette question est très importante et je tenais à être présent. Je félicite M. Savage d'avoir proposé que nous étudions cette nouvelle initiative du gouvernement en matière d'AE. J'ai un certain nombre de questions.
J'arrive d'une conférence de presse où il a été question des résultats d'une étude rendue publique ce matin par Statistique Canada et qui indique que 5 p. 100 de Canadiens les plus riches se sont beaucoup enrichis au cours des dernières années alors que les 20 p. 100 les plus pauvres ont encore perdu du terrain. Leurs salaires ont diminué; leur pouvoir d'achat s'est érodé. Ce que nous constatons dans certaines régions — particulièrement en Ontario où le secteur manufacturier a été durement touché — c'est qu'un très grand nombre de personnes qui ont cotisé à l'AE pendant des années ne sont plus admissibles à ces prestations auxquelles ils croyaient avoir droit en cas de difficulté.
Bon nombre d'entre eux sont privés des prestations d'AE beaucoup plus tôt qu'ils ne l'avaient prévu et l'économie ne se rétablit pas suffisamment pour qu'ils puissent se trouver un nouvel emploi, particulièrement un emploi qui correspond à leurs compétences, à leur expérience, à leurs connaissances et à leurs antécédents. Il paraît qu'il y a beaucoup d'emplois qui commencent à être offerts dans le secteur des services, dans les centres d'appels, etc., et qui paient entre 10 et 15 $ l'heure. Mais les emplois à 20 ou 30 $ l'heure semblent disparaître et les gens ont de la difficulté.
Je me demande si quelqu'un a fait une analyse avant que cette décision ne soit prise. M. Giroux a dit tout à l'heure — j'ai été un peu surpris qu'il exprime ce genre d'opinion — que ce serait bon pour les Canadiens. Ce nouveau système de gestion du programme et de la caisse de l'AE sera bon pour les Canadiens. Je pense que c'est une nouvelle manifestation de l'idée selon laquelle il suffit de laisser faire le marché et de mettre en place une stratégie de main-d'oeuvre pour lutter contre le chômage, la pauvreté et les inégalités sociales et que les choses vont s'améliorer. Les statistiques montrent en fait que la situation ne s'améliore pas, et même qu'elle se détériore pour un grand nombre de personnes. L'écart entre les riches et les pauvres se creuse.
Est-ce que quelqu'un a fait une analyse afin de déterminer l'impact social de cette modification dont on nous parle ce matin avant que la décision ne soit prise?
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Cependant, nous connaissons tous la réalité des dernières années. Surtout depuis que nous avons changé la façon de gérer l'assurance-emploi et les règles qui la régissent, l'excédent de l'assurance-emploi a atteint environ 55 milliards de dollars au cours de ces années. De ce fait, on pourrait s'attendre à des réductions.
Je vous dis, monsieur Giroux, que dans notre pays, et je l'ai parcouru au cours de la dernière année afin d'étudier la question de la pauvreté, les gouvernements provinciaux, et surtout les municipalités, sont à court d'argent même si, oui, le gouvernement fédéral transfère régulièrement des sommes aux provinces, mais ces sommes ne sont pas aussi élevées. Ces transferts ont été coupées au cours des 15 dernières années, à commencer par l'élimination du régime d'assistance publique du Canada, et ensuite la réduction des transferts en santé, et ensuite les transferts sociaux. Il y a eu un transfert des responsabilités. Quiconque a observé la scène politique vous dira qu'il y a eu d'importants transferts de responsabilités pour de nombreux programmes sociaux vers les municipalités qui perçoivent l'impôt foncier. La responsabilité de l'exécution de certains de ces programmes retombe donc sur un petit nombre de personnes dans ces collectivités qui sont déjà à court d'argent.
Donc, d'oser dire que d'une certaine façon une réduction de 200 milliards de dollars à la capacité du gouvernement de participer dans la gestion globale de la structure sociale du pays serait compensée par ces très modestes transferts et investissements dans certains domaines, je pense, fait fi de la réalité et de la vérité.
Voici ce que je veux savoir. Est-ce qu'on a analysé cette situation et ses effets sur notre capacité, en tant que gouvernement, d'être présent, surtout lorsqu'on regarde les statistiques publiées aujourd'hui par Statistique Canada nous indiquant que le fossé entre les nantis et les démunis et le fait que la classe moyenne est bloquée...? Leur salaire a augmenté de 1 $ par semaine depuis 1980. Personne dans cette catégorie, et le dernier 20 p. 100 est... Vous savez, nous avons tous des difficultés. Ils ont tous de la difficulté à joindre les deux bouts et ils espèrent que le gouvernement offrira certaines solutions.
Clairement, la dépendance au marché, la stratégie du marché du travail adoptée par le gouvernement au cours des 10 à 15 dernières années ne réussit pas à régler la situation. Est-ce qu'on s'en préoccupe?
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Je pense que je prendrai la parole la première.
Monsieur le président, je pense que ces fonctionnaires ne peuvent répondre à certaines des questions posées par M. Martin, parce que ce sont eux qui nous aideront à mettre en place cette nouvelle commission. Si l'on parle des prestations et de l'écart de prospérité, je pense que ce sont d'autres fonctionnaires qui peuvent répondre. Mise à part la question sur l'analyse qui aurait été faite ou non, je pense que les autres questions ne s'adressent pas à eux.
Je pense que pour parler de la protection des prestations et de leur maintien, il faudrait inviter d'autres fonctionnaires, parce que je suis certaine que ces fonctionnaires ne sont pas ici pour répondre à ces questions. Aujourd'hui, nous devrions parler du compte d'assurance-emploi, et je pense que M. Thibault a posé une bonne question à ce sujet, parce qu'il est important d'être au fait des choses dont il a parlé.
Je veux simplement réitérer que c'est le Parlement, c'est-à-dire nous, l'opposition et le gouvernement, qui continuera de surveiller les prestations. On ne donne pas plus de pouvoirs... En fait, on met en place plus de transparence.
Est-ce exact?
Des voix: Oui.
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Vraiment, c'est lié à ce que j'allais dire. La loi n'a rien à voir avec l'idéologie politique mais tout à voir avec la transparence.
M. Savage a parlé de tous les projets de loi émanant de députés qui ont été étudiés par notre comité, et les libéraux les ont presque tous appuyés. Si jamais les libéraux, Dieu nous en garde, reprenaient le pouvoir et décidaient de mettre en oeuvre tous les changements qu'ils ont appuyés, ils pourraient doubler les prestations et doubler les taux, s'ils le désiraient, par les projets de loi. Si le NPD prenait le pouvoir et voulait réduire la période de référence à trois heures et augmenter les prestations à 120 p. 100, il pourrait le faire par le projet de loi, s'il décidait qu'il voulait le faire.
Quelle que soit la décision prise, nous parlons ici de transparence, c'est-à-dire que les sommes perçues pour l'assurance-emploi seront dépensées pour l'assurance-emploi, c'est tout, rien de plus, et c'est ce que nous avons demandé. Je suis certain qu'il y a des employeurs dans certaines des circonscriptions des libéraux qui leur ont demandé la même chose: ils veulent que ce qui est perçu des employés et des employeurs pour l'assurance-emploi soit dépensé pour l'assurance-emploi.
C'est ce que permettra ce projet de loi. Exact?
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J'ai deux commentaires, car je veux m'assurer de bien comprendre.
Il est facile de comprendre la mise en place de ce fonds d'assurance-emploi, que l'on pense que ce soit une bonne ou une mauvaise idée. Cette question de transparence, c'est facile. On perçoit deux millions de dollars; voilà où ils se retrouvent, et lorsqu'on en a plus, on réduit les cotisations. C'est très simple, n'est-ce pas? Ce n'est pas difficile à comprendre.
Mais voici mon inquiétude: jusqu'à maintenant, lorsque les fonds passaient par le Trésor, à la fin de l'année financière nous avions 50 millions de dollars que nous pouvions réinvestir. Une partie de cet argent provenait des mêmes cotisations payées par les employeurs. Ils avaient le droit de se plaindre parce que les cotisations étaient élevées, mais il y avait des raisons justifiant cette situation. Maintenant les cotisations sont à un niveau beaucoup plus raisonnable, mais une grande partie de l'argent qu'ils paient ne sert pas uniquement à offrir les prestations d'assurance-emploi: on l'utilise pour des programmes de recyclage professionnel et d'autres.
Je ne pense pas que vous pourrez répondre à cette question; c'est une question qui s'adresse vraiment au ministre, et je me demande si on pourrait réinviter le ministre pour une courte période de temps avant de conclure notre étude, pour obtenir des réponses à nos questions.
Je m'inquiète de ce qui se passera avec l'argent. Maintenant nous allons transférer l'argent, l'argent sera là, et nous pourrons réduire les cotisations, ce qui est fantastique, mais où allons-nous prendre l'argent qui jusqu'à maintenant était utilisé pour des programmes de recyclage professionnel et les autres choses merveilleuses que RHDSC fait? Il y aura un manque à gagner comparativement au montant réellement perçu. Je m'inquiète que ce manque à gagner ne nous permettra pas d'offrir aux chômeurs les programmes dont ils ont besoin, comme ceux de recyclage professionnel.
Cette question ne s'adresse pas vraiment aux fonctionnaires devant nous, qui nous disent simplement ce que fait cette société d'État.
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Je crois que Mme Harrison voulait intervenir, c'est donc à elle que je vais poser la question.
L'autre chose qu'il faut garder à l'esprit, c'est le fait que les cotisations ne varieront pas pendant l'année qui suit. S'il y a un tel excédent, il y aura un décalage d'un an avant que les cotisations ne baissent, ce qui donne une mesure de protection contre toute éventualité — par exemple, s'il y avait un déficit ou un ralentissement de l'économie, mais nous n'aurons probablement pas d'autres déficits.
Dans le cas contraire, les cotisations augmenteront si on observe des signes de... Ai-je raison ou n'y a-t-il même pas d'excédent de projeter? Je crois qu'on réfléchira longtemps en avance avant d'établir les taux de cotisation, de manière à ce qu'on dispose toujours d'argent dans la caisse.
À mon avis, les membres du comité doivent d'abord penser différemment. Ils doivent oublier l'excédent de 54 milliards de dollars. Ils semblent toutefois incapables de saisir cela.
J'aimerais maintenant entendre ce que vous vouliez nous dire.