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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 019 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er avril 2008

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Bonjour et bon retour après le congé de Pâques. Ça fait plaisir de voir que vous êtes tous ici.
    Le comité a repris ses travaux, et nous sommes vraiment heureux d'accueillir nos invités ici aujourd'hui. Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais cependant demander aux membres du comité de réserver quelques minutes à la fin de la séance d'aujourd'hui pour parler des travaux du comité et du calendrier proposé. Vous recevrez ce calendrier après que nous aurons entendu nos témoins ce matin.
    Madame Gagnon.

[Français]

    J'aimerais que vous prévoyiez du temps pour discuter de certains points, parce que je ne pourrai pas rester plus longtemps qu'une heure.

[Traduction]

    Pardon?

[Français]

    Je devrai partir après une heure. Donc, s'il y a un vote sur une proposition de travail, il faudrait prévoir du temps pour qu'on puisse en discuter.

[Traduction]

    Monsieur Tilson.
    Nous avons tous des difficultés avec notre calendrier. Si nous avons fini d'entendre nos témoins, je ne vois pas de problème avec cela, mais si nos invités sont toujours ici, je pense qu'il serait tout à fait inapproprié de les faire attendre tout simplement parce qu'un député n'est pas disponible.
    Je comprends que nous ayons tous ces problèmes, mais nous avons invité des témoins à venir ici aujourd'hui, et ils ont la priorité.
    Monsieur Fletcher.
    Les députés du Bloc sont certainement importants pour notre comité, alors je me demande s'il serait possible d'attendre à la prochaine séance pour discuter des travaux futurs afin qu'ils puissent y participer.
    J'aimerais vous expliquer la situation. Notre prochaine séance sera assez chargée, et nous aurons peu de temps. Aujourd'hui, nous avons deux témoins et si nous avons terminé les exposés et la période de questions, nous pourrions aborder les travaux futurs un peu plus tôt. C'est cependant au comité d'en décider.
    Je vais expliquer la situation pour certains membres du comité. J'ai dit qu'à la fin de la séance aujourd'hui nous devions discuter des travaux futurs. Nous recevons deux témoins et nous ne voulons pas écourter le temps qui leur est alloué ni la période de questions, car ils ont des choses très importantes à nous dire. Mme Gagnon doit partir plus tôt, et a demandé que l'on aborde la question des travaux futurs un peu plus tôt. À ce moment-là, deux députés ont dit que nous devons nous assurer de ne pas désavantager les témoins; nous devons entendre tout ce qu'ils ont à dire. M. Fletcher a proposé que nous reportions les travaux futurs à un autre jour.
    Si les témoins ont terminé et si nous n'avons plus de questions à leur poser dans environ une heure, devrions-nous passer directement aux travaux du comité? Est-ce que tout le monde est d'accord pour faire cela?
    Monsieur Tilson.
    Je ne sais pas combien de temps il faudra pour parler des travaux futurs. Nos invités aujourd'hui n'ont pas été avisés du fait que nous aurions peut-être moins de temps à leur consacrer. Nous pourrions peut-être aviser les témoins de la semaine prochaine que la séance prendra fin à une heure donnée.
    Nous perdons un temps fou à l'heure actuelle à parler de tout cela. Je propose que nous attendions à la semaine prochaine pour parler des travaux futurs de façon à ce que Mme Gagnon puisse participer à la discussion. Les témoins pourrons en être avisés.
    Est-ce que tout le monde est d'accord pour reporter à la semaine prochaine la discussion des travaux futurs?
    Des voix: D'accord.
    La présidente: C'est donc ce que nous ferons.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à Mme Madeline Boscoe, directrice exécutive du Réseau canadien pour la santé des femmes et à M. Bruce Carleton, clinicien et scientifique supérieur de l'Université de la Colombie-Britannique, Child and Family Research Institute, B.C. Children's Hospital.
    J'aimerais rappeler aux témoins qu'ils ont dix minutes chacun pour présenter leurs exposés. Les membres du comité leur poseront ensuite des questions.
    Madame Boscoe, je vous prie de bien vouloir commencer.
    Je suis ravie de faire cela, et merci beaucoup de l'occasion qui m'est donnée de venir aujourd'hui.
    Il est aussi très agréable de voir le nombre de Manitobains à ce comité. Je suppose que cela montre jusqu'à quel point nous prenons au sérieux cet aspect de la culture canadienne.
    Une voix: Bravo, bravo!
    Mme Madeline Boscoe: J'allais apporter un gâteau Jeannie, mais je n'ai tout simplement pas eu le temps de le préparer. Je m'en excuse.
    Nous allons devoir vous renvoyer en chercher un, madame Boscoe.
    Très bien.
    Il serait peut-être utile pour vous de savoir que je suis infirmière de formation. Je travaille dans un centre de santé communautaire pour les femmes au Manitoba où, depuis 25 ans, nous nous penchons sur les problèmes liés à la sécurité des médicaments et des appareils, notamment nous faisons le dépistage des femmes qui ont été exposées au diethylstilbestrol ou au DES et nous remettons en question la valeur relative du traitement hormonal substitutif et les torts qu'il peut causer, l'impact des technologies de reproduction sur la vie et le corps des femmes et d'autres questions concernant la réglementation des médicaments.
    À l'heure actuelle, nous avons une équipe qui élabore des outils d'analyse comparative entre les sexes en vue de faire un examen systématique, en espérant améliorer nos connaissances afin de nous aider à prendre une décision, et nous participons au développement du réseau de recherche sur l'efficacité des médicaments qui est proposé, dont je crois vous êtes au courant.
    Le Réseau canadien pour la santé des femmes est un réseau national qui travaille en vue d'améliorer la vie des femmes et des filles au Canada en faisant une synthèse de la recherche et en recueillant et en distribuant de l'information. Nous sommes en fait un courtier de connaissances.
    J'ai eu la chance de participer aux consultations qu'a faites Santé Canada sur sa proposition relative à un régime d'homologation progressive et à l'approche de cycle de vie. Cette initiative est tout à fait louable et montre bien que Santé Canada prend finalement des mesures pour mettre à jour son infrastructure de réglementation.
    Je suis par ailleurs d'avis que le ministère mérite d'être félicité pour ses efforts accrus en vue d'engager le public et les groupes communautaires à participer à ses processus et à ses délibérations. La création du Bureau de la participation des consommateurs et du public est un excellent exemple.
    Je voudrais par ailleurs prendre le temps de remercier le gouvernement d'avoir si vigoureusement défendu sa cause dans l'affaire de CanWest Global qui contestait la réglementation actuelle sur la publicité s'adressant directement aux consommateurs. Bien que, comme d'autres groupes, nous sommes fermement convaincus qu'il y a davantage de travail à faire dans ce domaine, nous sommes ravis du travail que vous faites dans ce domaine et vous en sommes reconnaissants. Empêcher la publicité s'adressant directement aux consommateurs est directement lié au maintien d'un régime d'assurance-maladie qui peut être géré et financé.
    Étant donné tous les témoignages que vous avez déjà entendus, je ne voudrais cependant pas répéter ce qui a déjà été dit. Je voudrais plutôt dire que nous appuyons absolument les recommandations et les observations qui vous ont été faites par PharmaWatch, l'Association médicale canadienne, la Coalition canadienne de la santé, la Women in Health Protection, et Drug Safety Canada. Mes observations visent à les appuyer.
    Tout d'abord, la surveillance post-commercialisation est de plus en plus importante pour les femmes et elle est d'un intérêt particulier car la mise en oeuvre de nos engagements à faire une analyse comparative entre les sexes dans la recherche sur la santé et une évaluation des produits de santé ne se fait pas encore de façon systématique.
    Par exemple, aux États-Unis, huit médicaments d'ordonnance sur dix qui ont été retirés du marché entre 1997 et 2000 causaient davantage d'effets indésirables chez les femmes que chez les hommes, et on a constaté que seulement 22 participants aux essais cliniques étaient en fait des femmes. Cette absence d'analyse de sous-groupe selon les sexes peut mener à des erreurs et causer des torts sur le plan de la réglementation et de la pratique. Les choses s'améliorent. La surveillance post-commercialisation constitue une composante de base essentielle pour les femmes et les hommes. Je dirais par ailleurs qu'il faut toujours inclure le terme « vaccin » dans vos délibérations.
    Ce processus doit cependant être transparent, et il ne doit pas être géré par l'industrie. Tout comme il a été décidé de présenter des rapports au public sur les essais cliniques et les résultats des essais cliniques, la surveillance post-commercialisation, notamment la déclaration des effets indésirables doit être gérée publiquement et être publiquement accessible. Nous devons par ailleurs inclure les produits existants qui sont sur le marché, pas seulement les nouveaux produits. Cela est réellement important en raison du niveau de preuves pour l'évaluation de ces produits.
    Comme vous le dite dans votre rapport intitulé Dans l'armoire à pharmacie — l'un de mes documents favoris de toujours — il sera absolument essentiel d'accroître la capacité de Santé Canada, et d'autres infrastructures également. Les gens ne peuvent pas faire cela à temps perdu. Il faut notamment appuyer le réseau sur l'innocuité et l'efficacité des médicaments qui est proposé et l'élargissement du travail de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé (ACMTS). Par ailleurs, comme on vous l'a dit, les patients ont un rôle important et essentiel à jouer pour ce qui est de la déclaration des effets indésirables des médicaments et de la surveillance post-commercialisation, il est nécessaire de mettre en place un mécanisme de liaison avec les patients.
    Quoi qu'il en soit, l'amélioration de la surveillance post-commercialisation n'est qu'une composante. Je crains cependant énormément que le renforcement de la surveillance post-commercialisation servira d'excuse peut-être même d'écran de fumée pour abaisser la norme relative aux éléments probants en ce qui a trait aux exigences qui s'appliquent aux nouveaux produits de santé.
(1110)
    Les femmes, les enfants et les personnes âgées ont déjà de nombreux problèmes. Je dirais que les normes actuelles pour l'approbation d'un médicament doivent être nuancées et plus robustes. Il faut que les produits soient testés sur les populations qui vont en fait les utiliser. Je sais que cela peut paraître radical, mais c'est un fait. On a besoin d'un cadre qui reconnaît que les normes d'innocuité et d'efficacité doivent être différentes selon l'objectif du produit. Les produits qu'un grand nombre de Canadiens utilisent à titre préventif, notamment le traitement hormonal substitutif pour les femmes, ou les statines, ont besoin d'un ordre de preuves différent de ceux utilisés dans le cas d'affections virtuellement mortelles. Les médicaments utilisés par les personnes âgées et les Canadiens qui utilisent des médicaments multiples doivent être testés sur ces populations avant de les mettre sur le marché. Si on a l'intention de se servir des Canadiens pour faire de la recherche, je pense que nous avons le devoir de les en informer.
    Lorsque nous évaluons des médicaments, nous estimons qu'il est important d'inclure dès le départ l'information au sujet des essais parallèles et l'efficacité en situation réelle. Nous ne voulons pas le faire à la fin. Une façon d'y arriver serait de mettre en place un processus pour les chercheurs, les consommateurs et les citoyens afin qu'ils puissent participer à l'approbation des essais cliniques, et aux consultations préalables à la demande qui seront mis en place avant l'avis de conformité officiel.
    Nous reconnaissons qu'à titre de parlementaires vous subissez des pressions énormes pour que les médicaments soient homologués plus rapidement. Tout le monde vit cette réalité. Cependant, je pense que l'on constate maintenant que certaines exigences quant aux délais qui sont imposés aux Canadiens et aux Américains qui examinent ces demandes causent des préjudices. Une étude récente révèle que les problèmes d'innocuité des nouveaux médicaments sont étroitement liés aux échéanciers d'homologation. J'ai les détails de cette étude, mais je ne prendrai pas le temps de vous les expliquer maintenant.
    La question suivante que je voudrais aborder est sans doute prévisible. Il s'agit de l'amélioration des produits de santé, d'incorporation des analyses sexospécifiques à la réglementation et à la législation sur lesquelles vous vous pencherez. Le sexe et le genre ne sont pas seulement des concepts intellectuels à ce moment-ci. Nous savons que le sexe et le genre ont une importance en ce qui a trait aux données scientifiques de base, au niveau génétique de base. Ils se manifestent de bien des façons différentes. La pharmacocinétique et la pharmacodynamique des médicaments sont importantes. Notons par exemple l'incidence du cycle menstruel sur le métabolisme et l'utilisation de médicaments, et la façon dont l'expression génétique et le sexe sont liés. Par exemple, pour une raison ou une autre, les garçons sont particulièrement vulnérables au risque de cancer, d'asthme, de déficience congénitale et de trouble d'apprentissage et de comportement. Les femmes semblent être davantage à risque que les hommes pour ce qui est des troubles d'immunodéficience et d'immunosuppression. Nous ne faisons que commencer à comprendre ce phénomène.
    Nous savons par ailleurs qu'il y a d'énormes différences dans la façon dont les femmes et les hommes sont touchés par les services de santé et leur utilisation. Je ne répéterai pas tous les articles parus à la une du The Global and Mail sur l'expérience des hommes et des femmes qui ont besoin d'une chirurgie pour le remplacement de la hanche.
    Nous apprenons davantage de choses, mais nous avons encore beaucoup de progrès à faire. Je pense que cela est essentiel, et je vous supplie de songer sérieusement à inscrire dans la loi et dans les règlements une politique qui exigerait une analyse sexospécifique pour tous les aspects du processus de gestion et d'examen des médicaments. Les États-Unis ont pris des mesures à cet effet. Ici au Canada nous avons pris de bonnes mesures. Nous avons maintenant des lignes directrices depuis presqu'une décennie. Des lignes directrices ne sont cependant que des lignes directrices, et ce qui compte réellement c'est la réglementation et la législation.
    J'espère que nous pourrons en parler de façon un peu plus détaillée.
    Me reste-t-il du temps?
(1115)
    Il vous reste environ dix secondes.
    Je dirais que dans mes observations écrites, j'aborde davantage la gestion du mode de vie et tout le concept de l'information et de l'accès en matière de santé. Comme vous le savez peut-être, madame la présidente et membres du comité, j'ai coprésidé le Conseil consultatif du ministre de la Santé sur l'autoroute de l'information sur la santé et sur l'information de santé à l'intention des consommateurs et du public. J'ai certaines observations à faire à ce sujet.
    Merci, madame Boscoe.
    Docteur Carleton, pouvez-vous maintenant nous présenter votre exposé?
    Bonjour, madame la présidente et membres du comité. Je suis clinicien au Children's Hospital à Vancouver et j'aimerais vous parler aujourd'hui de la surveillance post-commercialisation du point de vue de quelqu'un qui travaille quotidiennement avec des patients dans le régime de soins de santé canadien et vous dire ce qui à mon avis peut être fait pour améliorer ce régime.
    Les réactions indésirables sont une cause majeure de morbidité et de mortalité au Canada et dans d'autres pays. Les réactions indésirables ou les effets secondaires des médicaments sont la cinquième cause principale de décès en Amérique du Nord. S'il n'en tenait qu'à moi, j'éliminerais le terme « effets secondaires » du lexique pour parler plutôt de « réactions indésirables à des médicaments ».
    Nous devons comprendre qu'il s'agit là d'un problème majeur de santé publique et qu'il faut faire quelque chose pour le régler. Le problème, cependant, c'est que la réaction idiosyncratique — la réaction d'une personne à un médicament qui constitue un remède efficace pour une maladie particulière alors que pour une autre personne ce médicament est en fait nocif — fait en sorte qu'il est très difficile de tenir compte de ce genre de problème lorsqu'on modifie la réglementation.
    Nous avons un régime de surveillance post-commercialisation au Canada. La plupart des pays dans le monde en ont un. Certains de ces régimes sont obligatoires, d'autres sont volontaires. Dans un cas comme dans l'autre, qu'il s'agisse d'un régime obligatoire ou volontaire, de façon générale il ne fonctionne pas. Au Canada, 95 p. 100 des réactions indésirables ne sont jamais signalées aux organismes de réglementation. Encore une fois, le fait de rendre la déclaration obligatoire ne changera pas ce pourcentage — 95 p. 100 — considérablement.
    Nous avons besoin d'un régime axé sur des solutions, des solutions aux réactions indésirables, et qui ne visent pas seulement à recueillir des déclarations. Nous avons besoin d'une approche axée sur des solutions et malheureusement étant donné que si peu de déclarations sont faites et que celles qui le sont sont en réalité incomplètes — étant donné qu'elles ne contiennent pas suffisamment de détails, il est très difficile d'analyser les déclarations et de trouver des solutions significatives à ces problèmes d'innocuité.
    En tant qu'universitaire, je peux vous dire que l'un des exemples clés de cela est la méthodologie. On ne recueille pas tout simplement des déclarations de réactions indésirables. Il faut recueillir des déclarations des gens qui ont pris le médicament et qui n'ont pas eu de réactions indésirables de façon à pouvoir comparer les deux. On ne le fait pas. C'est là en partie le problème.
    Quelle est la solution? Une solution possible est d'examiner la génétique humaine et le rôle que joue cette dernière dans la biotransformation des médicaments. Les médicaments sont transformés dans le corps. Ils ne sont pas tout simplement consommés puis éliminés comme les aliments que l'on mange, ou les produits qui sont pris par intraveineuse ou injectés autrement. Les médicaments sont transformés, et au cours de ces transformations il y a diverses étapes qui sont contrôlés par les gènes. Certains de ces gènes sont exprimés lorsqu'on est enfant et certains autres plus tard lorsqu'on est adulte, ce qui signifie qu'il est important également pour les enfants d'avoir une approche qui se fonde sur l'âge, sans oublier ce que disait Madeline au sujet de l'approche sexospécifique également.
    La pharmacogénomique peut aider en examinant comment les gènes contrôlent la biotransformation des médicaments et en déterminant si ces produits de biotransformation sont ou non toxiques.
    Il y a environ quatre ans, Michael Hayden, un généticien de Vancouver et moi-même avons entrepris une étude de 10 millions de dollars pour examiner les réactions des enfants aux médicaments fondées sur les gènes. Jusqu'à présent, nous avons recueilli avec notre réseau de surveillance plus de 9 000 cas au Canada avec des contrôles d'Halifax à Vancouver. Nous avons mis en place un régime de surveillance post-commercialisation qui pouvait nous permettre de faire le travail que nous voulions faire puisqu'au Canada il n'en existe pas que nous pouvions utiliser.
    Le régime s'est révélé remarquablement efficace. Nous avons 13 cliniciens rémunérés, que je paie, répartis partout au pays d'Halifax à Vancouver dans tous les hôpitaux pour enfants qui sont les centres spécialisés tertiaires. Nous avons Halifax, Sainte-Justine au Québec, l'Hôpital pour les enfants malades à Toronto, etc. Il y a huit sites. Nous ajouterons neuf sites supplémentaires cette année.
    L'objectif est de trouver des cas de réactions indésirables à des médicaments, de trouver des patients qui n'ont pas eu de réactions indésirables mais qui ont pris le médicament et d'étudier les différences génétiques entre eux. Je peux dire que nous avons trouvé la base génétique, croyons-nous, d'après les données préliminaires, pour trois réactions graves et mortelles à des médicaments, et nous serons en quête de bien d'autres au cours des années à venir.
    Je voulais vous parler un peu de ce que nous avons découvert et aussi vous communiquer certaines idées novatrices sur nos prochaines cibles. Le premier rapport dont je voulais vous parler porte sur la codéine.
(1120)
    Le Tylenol 3 est un analgésique que l'on peut obtenir sans ordonnance et qui est très efficace. Le Tylenol 3 contient en fait de la codéine. La codéine est un faible narcotique. Lorsqu'elle est transformée dans le corps, elle devient de la morphine, qui naturellement est un narcotique beaucoup plus fort. Nous avons découvert le cas d'un enfant qui est décédé en Ontario il y a environ deux ans, présumément un cas de mort subite du nourrisson. Nous avons signalé ce cas dans The Lancet, un journal médical britannique.
    Dans ce cas-ci, l'enfant a été trouvé mort, présumément un cas de mort subite du nourrisson. Il s'agit d'un diagnostic d'exclusion, c'est-à-dire que s'il n'y a pas d'autre raison pour le décès de l'enfant, c'est le diagnostic qui est fait. À la suite d'un dépistage de toxicologie effectué par le coroner de l'Ontario, on s'est aperçu que cet enfant avait en fait des niveaux fatals de morphine dans le sang. Comment un nourrisson de 13 jours se retrouve-t-il avec de la morphine dans le sang? Il n'y avait apparemment aucune raison pour cela.
    Nous avons analysé le lait maternel de la mère et nous avons constaté qu'il contenait 20 fois plus de morphine que le niveau auquel on pourrait à s'attendre à trouver dans le lait maternel. La raison pour cela est en fait génétique. La mère possédait essentiellement deux variantes génétiques qui ont causé la mort de son enfant par l'allaitement, le décès étant le pire événement indésirable possible que je puisse imaginer pour un patient.
    Ces gènes sont en fait des variantes assez communes. Si vous avez déjà pris du Tylenol ou si vous connaissez des gens qui en ont pris, vous savez qu'il y a une grande différence dans la façon dont les gens réagissent. Certaines personnes disent que s'ils prennent un seul cachet, cela les assomme complètement tandis que d'autres disent qu'ils ne voient pas de différence même s'ils en prennent deux ou trois — et c'est mon cas notamment.
    Il y a des différences génétiques. Cette mère a eu ce genre de réaction. En fait, elle souffrait de constipation et de somnolence. Elle était extrêmement fatiguée lorsqu'elle prenait ce médicament. Ce sont des effets bien connus des opiacés que l'on retrouve dans des médicaments comme la morphine et la codéine. Elle est allée voir son médecin; il a réduit la dose de moitié, mais cela a néanmoins causé la mort de son bébé.
    C'est un problème grave. Ce que nous avons trouvé, c'est une façon de prédire chez qui de telles réactions risquent de se produire et d'éviter ainsi que ces patients prennent ces médicaments, ou tout au moins de faire en sorte qu'ils réduisent leur utilisation et les prennent en doses beaucoup plus petites.
    Voilà donc un exemple de ce que nous faisons.
    Nous avons fait du travail avec Motherisk, la ligne d'information sur la grossesse et l'allaitement maternel au Canada, auprès de femmes qui ont téléphoné pour signaler des réactions à la codéine, et nous allons publier ces résultats, nous l'espérons, au cours des prochains mois. Nous les avons présentés en vue de les publier.
    La réaction suivante dont j'aimerais parler est la réaction au cisplatine. Le cisplatine est le médicament de choix pour traiter le cancer des ovaires et bon nombre de tumeurs solides chez les enfants et les adultes. Il s'agit d'un agent anti-cancéreux très efficace. Ce médicament existe depuis les années 1950. Il a un taux de succès de 80 à 85 p. 100 pour induire une rémission ou une guérison.
    Malheureusement, ce médicament cause la surdité. En pédiatrie, cela est très bien compris et très bien accepté. Chez les adultes, on ne surveille même pas cette réaction. Je crois que c'est un problème chez les adultes tout autant que chez les enfants. Je veux des résultats efficaces, et je pense que perdre l'ouïe est un sacrifice raisonnable pour rester en vie, mais j'aimerais vraiment pouvoir sauver des vies sans que les gens ne risquent la perte de l'ouïe et sans leur causer d'autres problèmes.
    Nous avons entrepris une étude pour déterminer s'il y a une différence génétique. Nous avons trouvé un gène qui prédit à 100 p. 100 la surdité grave, la surdité à un niveau où il est nécessaire de faire une implantation cochléaire ou d'utiliser un appareil auditif. Il s'agit d'un lien qui est très fort.
    Il y a un lien entre les maladies cardiovasculaires et le cholestérol. Nous savons tous cela. On nous l'a dit à maintes reprises. Il y a un ratio d'incidences rapprochées, un calcul statistique d'environ 1,7. Dans le cas du cisplatine et de la surdité, le gène que nous avons trouvé est un risque relatif infini, car il permet de faire une prédiction à 100 p. 100: on ne le retrouve que chez les personnes ayant une perte grave de l'ouïe. On ne le retrouve pas chez qui que ce soit d'autre. Un risque relatif infini est considérablement plus grand, naturellement, que même le lien qui existe entre la maladie cardiovasculaire et le cholestérol.
    La troisième réaction dont je veux vous parler est celle des anthracyclines. Les anthracyclines sont les médicaments de choix en cas de leucémie et de bon nombre d'autres cancers. Ils sont utilisés comme médicament supplémentaire pour traiter bon nombre de cancers. La doxorubicine, la daunorubicine et l'épirubicine sont d'autres noms pour ces médicaments qui se trouvent dans cette catégorie de produits chimiques. Ils sont très efficaces — dans 80 à 85 p. 100 des cas, il y a rémission ou guérison — mais encore une fois ils ont une toxicité qui limite leur utilisation. Il s'agit de cardiotoxicité, de toxicité pour le coeur. Environ 3 p. 100 des enfants que nous traitons au B.C. Children's Hospital meurent à la suite de complications cardiovasculaires à la suite de la prise de leur médicament contre le cancer. Environ 8 p. 100 de nos enfants se retrouvent sur la liste de transplantation cardiaque en Colombie-Britannique.
(1125)
    Il y a un pourcentage de mortalité de 61 p. 100 pour cette réaction en particulier. Encore une fois, nous avons trouvé le gène responsable de cette réaction. C'est un agent de transport membranaire qui est responsable de l'élimination des anthracyclines dans la cellule cardiaque. Une fois que le médicament pénètre dans la cellule cardiaque, il ne peut plus en ressortir et cela cause la mort de la cellule. Nous croyons que c'est là le mécanisme responsable.
    Encore une fois, ce sont des résultats préliminaires avec un ratio d'environ 20, c'est-à-dire que le risque de cardiotoxicité est 20 fois plus élevé si on a ce gène en particulier que si on ne l'a pas. Ce sont là des conclusions importantes qui démontrent que lorsqu'on combine la pharmacologie clinique et la biotransformation des médicaments aux profils génétiques humains, il est possible en fait de prédire chez qui les réactions risquent de se manifester. C'est d'ailleurs vers cela que nous nous dirigeons, vers des tests de prédisposition.
    La dernière chose que je voulais dire c'est que nous avons besoin de beaucoup plus de ce genre de tests de prédisposition. Je pense que le Canada est en fait un chef de file dans le monde à cet égard. J'ai passé 20 ans de ma vie à étudier la surveillance post-commercialisation et les systèmes en place dans deux différents pays pour tenter d'améliorer la qualité de ce que nous faisons. Je peux en fait mettre en place un régime de surveillance post-commercialisation qui permet de trouver les gènes, comme je vous l'ai décrit, pour environ 1,5 million de dollars par an. Ce n'est pas là un processus coûteux. Il s'agit tout simplement de trouver les bonnes personnes et d'assurer leur engagement et une bonne attitude pour réellement faire une différence.
    Cela m'a permis de faire intervenir d'autres cliniciens. Lorsqu'on montre aux gens que la déclaration des effets indésirables permet de faire une différence et de trouver une solution, ils participent, ils déclarent. Les gens ne veulent pas d'une réglementation simplement dans le but de réglementer. C'est très bien de parler de l'amélioration de l'innocuité des médicaments pour les Canadiens, mais nous avons besoin de solutions, pas seulement de cadres de travail.
    Enfin, j'aimerais dire que c'est comme construire une voiture. On commence avec une Kia, non pas une Cadillac. Et on commence avec quelque chose de petit et de peut-être un peu moins impressionnant que ce que l'on voudrait finalement créer comme régime de surveillance post-commercialisation. Il faut avoir un régime qui met l'accent sur l'innocuité des médicaments, et qui est axé sur les solutions. Il faut choisir un médicament pour lequel on veut trouver une solution, ensuite on passe à deux, cinq ou quelques-uns, et ainsi de suite.
    Merci.
(1130)
    Merci beaucoup.
    Avec la permission des membres du comité, j'aimerais poser une question avant de commencer le premier tour.
    Ce médicament pour le coeur m'intéresse beaucoup. Comme vous savez, les personnes atteintes de cancer auxquelles on a prescrit une lourde chimiothérapie reçoivent un médicament qui peut avoir des effets très néfastes pour le coeur et qui appartient à la même famille. Comment le savoir? Vous dites qu'à l'heure actuelle, on ne fait pas d'analyse pour détecter ce gène au Canada.
    Autrement dit, même si le patient est prévenu, les scientifiques pourraient prédire le risque d'effets néfastes pour le coeur si on administrait ce test. Ai-je bien compris?
    Oui, nous sommes les premiers à avoir établi ce lien, et nos résultats sont préliminaires. Comme on le sait, les meilleurs travaux scientifiques sont ceux qui sont évalués par les pairs. Nous devrions publier notre étude puis commercialiser cette méthodologie.
    Michael Hayden, le généticien, et moi-même venons de recevoir une subvention de commercialisation de Génome Colombie-Britannique. Nous avons l'intention de commercialiser l'une de ces trois découvertes. Je tiens à ce que cela se fasse rapidement pour diverses raisons, mais surtout parce que cela permettra d'approfondir nos travaux. Il est très difficile pour un universitaire de faire ce travail et d'obtenir les fonds nécessaires pour instaurer un système de surveillance nationale; il faut y travailler sans relâche. En décembre, les trois années de subvention seront terminées, et je n'aurai plus d'argent. Les gens commencent à abandonner les postes de surveillance de six à huit mois avant la date d'échéance de la subvention, pour chercher d'autres emplois. Il est essentiel de bien subventionner ces travaux pour qu'on puisse les poursuivre.
    Merci, docteur Carleton.
    Madame Kadis.
    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue à nos invités.
    J'ai trouvé assez inquiétant d'apprendre que huit personnes sur dix avaient éprouvé des réactions indésirables à des médicaments aux États-Unis. J'aurais besoin d'une précision. Avez-vous dit huit personnes sur dix aux États-Unis ou que huit des dix personnes ayant éprouvé des réactions indésirables étaient des femmes?
    Huit des dix médicaments d'ordonnance qui ont été retirés du marché de 1997 à 2000 avaient provoqué des effets indésirables chez les femmes... par rapport aux hommes. Quand on y a regardé de plus près, on a constaté que cela s'expliquait entre autres par le fait que seulement 22 p. 100 des sujets ayant participé à cette clinique étaient des femmes.
    Dans le même ordre d'idées, y a-t-il une différence entre la façon dont on traite les médicaments pour les femmes et pour les hommes? Vous l'avez laissé entendre dans votre déclaration, mais je veux en être sûre.
    Prenons le cas, par exemple, du vaccin contre le papillomavirus. Sommes-nous assez prudents au sujet de ses effets à long terme? Affectons-nous des ressources à l'étude de ces effets?
(1135)
    Comme vous le savez, le processus d'homologation des vaccins et des médicaments est privé au Canada, sauf dans des circonstances exceptionnelles. Je ne peux donc pas dire ce qui s'est passé à l'intérieur du ministère. Cependant, l'organisme que je représente a réfléchi à la question de l'innocuité des vaccins à long terme.
    Je m'empresse de préciser que rien n'indique que ce vaccin soit plus dangereux que d'autres sur le plan biologique ou physiologique. Nos questions portaient plutôt sur la valeur ajoutée et la rentabilité du vaccin contre le papillomavirus, étant donné le faible taux de cancer du col de l'utérus au Canada et que les décès des femmes par suite de cette maladie sont davantage attribuables à l'absence de soins qu'à la maladie elle-même.
    Vous avez dit qu'idéalement, les médicaments devraient être mis à l'essai chez les personnes qui vont les utiliser, et nous sommes tous d'accord avec cela. Dans le cas du vaccin contre le papillomavirus, il semble d'après les données dont nous disposons que les jeunes enfants n'aient pas subi le test mais qu'on a recommandé de leur administrer le vaccin.
    Serait-ce là un exemple?
    Oui, c'est un exemple à mon avis. Par ailleurs, on n'a pas inclus non plus de jeunes garçons dans ces essais cliniques.
    Du point de vue des femmes, que pourra-t-on faire pour améliorer la surveillance post-commercialisation, à votre avis?
    J'ai effectivement tâché de montrer que les résultats d'une étude dépendent de la qualité de sa méthodologie. Je suis convaincue que nous devons nous arrêter au sexe et au genre au tout début du processus; autrement dit, comment sont effectués les essais cliniques? Que dit l'avis de conformité? Quelles études ont été effectuées? Comme cela ne se fait pas à l'heure actuelle, lorsque nous inciterons les citoyens à participer à des activités de pharmacovigilance, en signalant les effets indésirables de leurs médicaments, nous devrons faire le nécessaire pour rejoindre les femmes.
    Cela dit, ce sont les femmes qui sont les soignantes non rémunérées dans la famille. Inévitablement, ce sont les femmes, qu'on le veuille ou non, qui devront signaler ces effets indésirables.
    Une campagne de sensibilisation et d'éducation qui aiderait la population canadienne à comprendre les différences et les symptômes devrait faire partie du processus. Il faut aussi examiner la qualité des renseignements que les patients obtiennent lorsqu'on leur donne ces médicaments. Souvent, on ne le leur dit pas qu'il s'agit d'un médicament qui a été administré à 5 000 personnes tout au plus, et on ne leur donne pas non plus des renseignements qui les inciteraient à la prudence.
    Les médecins n'ont pas le temps et il y a très peu de documents qui, à mon avis, permettent aux patients de décider vraiment en connaissance de cause. Par conséquent, la surveillance post-commercialisation est très liée à un système d'information sur la santé.
    Je me trompe peut-être, mais vous semblez croire que nombre des lacunes d'un système de pharmacovigilance pourraient être corrigées dès le départ. Autrement dit, le système de surveillance post-commercialisation se trouvera à résoudre des problèmes et les difficultés qui auraient pu être réglés à une étape antérieure.
    En effet, il faut le faire dès le début, mais nous comprenons également que certaines choses, notamment des réactions rares, pourront survenir.
    Par ailleurs, comme nous n'exigeons pas d'études de comparaison directe entre deux médicaments ou deux interventions avant d'homologuer un médicament, la pharmacovigilance pourra nous dire si le produit en question est efficace ou non. Cela semble un peu simplet à dire, mais il faut bien comprendre que la prise de médicaments inefficaces, peu importe la raison pour laquelle on l'a prescrit, n'entraîne pas seulement un effet indésirable, mais aussi un gaspillage énorme d'argent, de temps et de ressources.
    Ma prochaine question s'adresse à notre autre invité. Que doit-on faire en matière de surveillance post-commercialisation dans le cas des enfants?
    Tout comme les femmes, les enfants sont généralement exclus du système pour la même raison tout à fait valable au départ: pour éviter de faire l'essai de médicament sur les enfants, les femmes et foetus, ce qui est probablement une règle d'éthique tout à fait valable. Malheureusement, cela veut dire qu'au moment d'être lancés, les nouveaux médicaments n'ont pas généralement été éprouvés auprès de ces clientèles.
    Je ne crois pas qu'on puisse déterminer l'efficacité et l'innocuité des médicaments sans assurer une surveillance post-commercialisation. Cela ne peut se faire plus tôt. Les essais cliniques nous donnent une certaine idée des conditions dans lesquelles on peut administrer des médicaments sans danger et de façon efficace, mais ce n'est qu'en les donnant à de grandes populations de personnes très différentes qu'on peut vraiment comprendre le mieux leur utilité.
    Dans le cas des enfants, il est également important de bien cerner les déterminants scientifiques de la réaction à un médicament. Dans tout ce dont nous discutions ce matin, la difficulté tient à l'hétérogénéité des réactions. Pour chaque personne qui ne répond pas à un traitement, il y en a trois qui y répondent, et vice versa. Pour cinq personnes qui réagissent bien à un médicament, il y en a une qui éprouve une grave réaction qui lui laissera des séquelles permanentes. La proportion est peut-être inférieure à un sur cinq; je ne donne pas des chiffres réels, mais je veux simplement dire que les réactions varient énormément. En clinique, nous devons constamment prendre des décisions en nous demandant ce qui va être efficace, ce que nous pouvons essayer et ce qui serait le meilleur traitement.
(1140)
    Merci, docteur Carleton.
    Madame Gagnon.

[Français]

    Merci.
     Bonjour, madame Boscoe et monsieur Carleton. On est heureux de vous voir ici aujourd'hui. Vous soulevez une importante question au sujet du nombre d'enfants et de femmes qui participent aux essais cliniques.
    Je voudrais parler d'un vaccin qui a causé la mort de certaines personnes. Il s'agit du Gardasil, utilisé contre le virus du papillome humain. Il a fait des morts en Europe et aux États-Unis; on en compte présentement 11.
    J'aimerais connaître votre avis sur cette situation. Comment pensez-vous que le Canada puisse être davantage proactif pour informer la population? Vous êtes certainement au courant de ce qui s'est passé, n'est-ce pas? Est-ce qu'on a donné de l'information aux parents? Très peu de jeunes de 9 à 15 ans ont subi les essais cliniques. Apparemment, il y a eu 1 200 jeunes, comparativement à 20 000 personnes dans la population féminine en général. Que souhaiteriez-vous? On entend dire qu'il y a eu des morts et qu'il y a eu des conséquences graves. C'est plus que des effets indésirables lorsqu'il a mort de personnes, c'est vraiment à la limite de ce qui est acceptable. Comment un gouvernement pourrait-il être plus proactif par rapport à des situations tragiques telle la mort de personnes?

[Traduction]

    Excellente question et c'est, entre autres raisons, pourquoi je propose que les vaccins restent dans le domaine des médicaments et des produits de santé. En ce moment, ils se trouvent dans une autre catégorie... Leurs antécédents médicaux sont différents et, comme aujourd'hui on les utilise de plus en plus... La dernière fois, c'était contre l'hypertension, et le rapport précédent parlait d'un vaccin contre la nicotine, à l'intention des fumeurs. Comme de plus en plus de ces produits vont être lancés sur le marché, je crois que nous devons établir les balises différentes.
    Comme pour tout autre médicament utilisé en pédiatrie, il n'était pas rare dans le passé d'étudier les médicaments, des instruments médicaux et des vaccins auprès d'une population, puis de les administrer à une autre population. En toute franchise, il faut dire que les règles d'éthique appliquées dans ces cas s'expliquaient par la nature particulière de ces produits. On étudiait l'évolution du virus du papillon humain à l'intérieur du vagin, ce qu'il aurait été difficile de faire chez des fillettes. Je peux alors bien comprendre les enjeux éthiques dont on a tenu compte dans ce cas.
    Ce vaccin semble représenter une véritable percée. Le Réseau canadien pour la santé des femmes estime toutefois qu'il aurait dû faire l'objet de plus de recherches, d'une meilleure modélisation. Nous ne connaissons pas, par exemple, la fréquence d'administration du vaccin contre le papillomavirus qui a eu des effets nocifs ici même au Canada. Il me semble que 16 et 18 cas, ce n'est pas une majorité par rapport à d'autres pays. C'est un élément très important si nous allons dire aux gens qu'ils sont protégés alors qu'ils ne le sont pas.
    Ce qui nous préoccupe grandement aussi, c'est qu'on sait seulement que ce vaccin dure environ six ans, puisqu'il fait l'objet d'essais cliniques depuis six ans. Or, à la lumière de nos connaissances à propos de la varicelle et des oreillons, nous savons que les vaccins perdent de leur efficacité avec le temps. Nous qui travaillons dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, trouvons cela extrêmement inquiétant, car nous pourrions administrer ce vaccin à une fillette de neuf ans alors qu'elle ne deviendra active sexuellement que vers l'âge de 16, 18 ou 19 ans. C'est ce que nous avons constaté dans le cas du chlamydia, qui nous en a beaucoup appris au sujet de la réalité des jeunes, malgré toutes les mises en garde au sujet de l'importance des relations sexuelles protégées.
    Si l'efficacité du vaccin diminue au moment précis où les jeunes deviennent actifs sexuellement, et nous savons par expérience que d'autres vaccins, entre autres celui contre la varicelle, perdent de leur efficacité avec le temps, et que la personne peut même devenir plus gravement malade, que faut-il en conclure du point de vue de la lutte contre un virus infectieux? Moi, je n'ai pas la réponse à cette question. Je ne sais quoi répondre aux femmes et aux mères qui m'interrogent à ce sujet, et nous devrions avoir une réponse à leur donner.
(1145)

[Français]

    Peut-être que M. Carleton pourrait aussi répondre? Je sais que ça fait l'objet d'une enquête en Europe. Le lien de cause à effet sera-t-il prouvé? En pareil cas, quand le Canada procède à une vaccination massive — on parle de Santé Canada —, ne devrait-il pas y avoir une attitude beaucoup plus proactive plutôt que d'attendre de voir ce qui va se passer? Par exemple, ne devrait-on pas suspendre la vaccination, imposer un moratoire sur la vaccination? Pouvez-vous nous donner votre opinion là-dessus?

[Traduction]

    Tout comme les médicaments, les vaccins peuvent provoquer des effets indésirables et même la mort, qui est évidemment l'effet le plus grande qu'on puisse imaginer. Pour que les systèmes de surveillance des vaccins soient efficaces, il faudrait recueillir des données sur les paramètres souhaités aussi bien auprès des personnes qui ont eu une réaction indésirable que des autres.
    Dans notre cas, je me suis adressé aux hôpitaux pédiatriques pour leur demander expressément combien de cas d'ototoxicité attribuables à la cisplatine ils avaient enregistrés. Ils m'ont répondu qu'ils l'ignorent, puisqu'ils n'avaient jamais recueilli de données à grande échelle sur les pertes auditives associées à la cisplatine. Nous avons donc commencé à recenser de tels cas; ils sont là, ils ne sont pas cachés. Je crois qu'on pourrait faire la même chose avec le vaccin contre le papillome humain.
    Au moment d'administrer ce vaccin aux femmes et aux fillettes, on pourrait en étudier les résultats et recueillir systématiquement des données à ce sujet. Nous aurions tôt fait de recueillir un échantillon de plusieurs milliers de personnes. Dans mon étude, nous recueillons des échantillons biologiques — salive, sang ou écouvillon buccal — ce qui nous permet de déterminer si les gènes sont associés aux effets indésirables chez les sujets qui en présentent. Ce serait là une façon de faire.
    Il y a toujours des décès, que les gens soient vaccinés ou prennent ou non des médicaments. Le lien de cause à effet est capital et il est extrêmement difficile à établir. Il est beaucoup plus facile d'établir la causalité quand on dispose de données sur deux groupes de personnes vaccinées: celles qui ont éprouvé des effets défavorables et celles qui n'en ont pas eus. C'est là la méthode que je proposerais pour le Canada.
    Merci, docteur Carleton.
    Madame Wasylycia-Leis.
    J'aimerais pousser l'analyse un peu plus loin.
    À mon avis, le véritable problème c'est qu'on traite les femmes comme des cobayes. Je me demande si les choses ont changé depuis l'époque de la thalidomide, du DES, du Dalkon Shield et de l'implant mammaire Meme, étant donné ce qu'on constate aujourd'hui, par exemple, dans le cas du Gardasil et d'Evra, le contraceptif oral.
    Les femmes sont-elles mieux protégées aujourd'hui qu'elles ne l'étaient par le passé, ou appliquons-nous encore le modèle de gestion des risques sans avoir étudié la causalité, établi les liens nécessaires ni déterminer le rapport coût-efficacité des médicaments? Nous contentons-nous de lancer un traitement en prenant des risques et en nous attendant à ce que les femmes prennent des risques?
    Madeline d'abord, puis Bruce.
    Je ne crois pas que la situation ait beaucoup changé, d'où les propositions que je vous ai présentées ce matin au sujet de l'exigence d'une analyse en fonction du sexe et du genre. Je crois aussi qu'il faudrait enrichir le processus d'évaluation des médicaments avant leur homologation parce que je crois que nous pourrions faire certaines prédictions. Si nous savons que le médicament sera administré à des femmes de 70 ou 80 ans, c'est auprès de cette clientèle qu'il faudrait réaliser les essais cliniques. Si nous comptons utiliser un traitement chez les fillettes de neuf ans, c'est auprès de fillettes de cet âge qu'il faut faire les essais. Bien entendu, ça change notre façon de faire, mais je suis d'accord avec Bruce. Nous devons axer notre approche sur la santé publique et la gestion de la santé d'une population.
    J'avoue qu'à mon avis il serait injuste également de demander à l'industrie de gérer tout ce système. Nous devons concevoir un système qui part d'une démarche de santé publique. Un système qui permettrait de recueillir des données et d'effectuer des recherches qui feraient partie d'un tout, qui seraient un programme complet plutôt qu'un amalgame d'éléments disparates.
(1150)
    Sur ce plan — et Bruce, j'aimerais avoir votre avis aussi — il me semble que les choses n'ont pas beaucoup changé: le gouvernement ne sait toujours pas résister aux énormes pressions des pharmaceutiques qui veulent commercialiser leurs produits sans que les tests voulus aient été effectués et sans appliquer le principe de précaution.
    Je reviens au cas du Gardasil. La première fois que ce sujet a été soulevé auprès de la population et du Parlement, c'est lorsque Merck Frosst a comparu devant le Comité des finances à Montréal, avant le budget fédéral de 2006, pour faire la promotion de son vaccin. Nous n'en avions jamais entendu parler jusque-là. On ne nous avait pas dit qu'il s'agissait de la solution à un grave problème, mais tout à coup, nous avons vu dans le budget, sans qu'on ait procédé à d'autres pourparlers ou études, un montant de 300 millions de dollars pour un vaccin qui n'avait pas fait l'objet de toutes les analyses voulues et qui n'était peut-être pas rentable. Que faut-il faire pour empêcher la répétition de cas comme celui-là, pour éviter qu'un médicament ou un traitement ne soit commercialisé et que les femmes ou même les enfants en soient les cobayes.
    Permettez-moi de dire tout d'abord qu'il est vrai que les femmes servent de cobayes, mais il en va de même des hommes et des enfants dans ce contexte, puisque nous utilisons des médicaments sans connaître parfaitement leur innocuité et leur efficacité. Nous les utilisons non plus dans un contexte d'études scientifiques mais dans le monde réel. C'est ainsi que nous amassons plus de connaissances au sujet de leur valeur ou de leur risque.
    Il est très difficile d'évaluer le rapport coût-efficacité de tels produits. Je siège au Comité consultatif canadien d'expertise sur les médicaments, le CCCEM, qui est le comité consultatif d'experts de l'Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé chargé d'évaluer le rapport coût-efficacité. Je vous avoue que personnellement, je trouve cette tâche extrêmement difficile parce que nous analysons les données issues de ces essais cliniques de courte durée. La plupart des cas, les études réalisées sur un médicament avant sa commercialisation sont d'une durée de huit à douze semaines. Il peut y avoir plus d'une étude de cette durée, et parfois des études plus longues, mais pas souvent. Toutefois, les études non contrôlées — c'est-à-dire sans groupe témoin — qui servent seulement à recueillir des données sur la consommation des médicaments après leur commercialisation, ne sont pas très utiles pour déterminer le rapport coût-efficacité d'un médicament.
    Nous avons besoin de données à plus long terme et beaucoup plus rigoureuses. À mon avis, dans un pays d'environ 30 millions d'habitants, nous ne pouvons pas changer la situation internationale suffisamment tout en continuant, dans bien des cas, de profiter des avantages de produits pharmaceutiques autant que pourraient le faire, par exemple, les États-Unis, avec son pouvoir d'achat colossal et sa grande population.
    Notre approche doit reconnaître l'existence d'un système de santé national, de notre capacité collective de nous entraider, ce qui est extraordinairement utile pour l'établissement de réseaux et la pharmacovigilance. Ainsi, quand ces médicaments seront lancés sur le marché — et nous supposons qu'ils sont rentables — nous pourrions les distribuer dans un cadre qui permettrait d'en évaluer le véritable rapport coût-efficacité. Il vaut mieux savoir dans dix ans qu'un médicament n'est pas rentable et de cesser de le rembourser que de passer les dix prochaines années à se demander s'il l'est, comme nous le faisons à l'heure actuelle.
    J'ai travaillé pendant plus de 15 ans avec le régime d'assurance-médicaments de la Colombie-Britannique, et j'ai souvent éprouvé beaucoup de frustration parce que presque personne ne s'intéresse à cette approche en matière de médicaments.
    J'aimerais poser une autre question à Madeline et Bruce sur ce même sujet, pendant qu'il me reste encore du temps.
    Bien que le travail de notre comité soit important, nous savons qu'en parallèle, le gouvernement élabore son propre système de surveillance des médicaments homologués et qu'il a fait paraître un document sur la consolidation et la modernisation du système de sécurité du Canada qu'il a tenu des consultations à ce sujet et qu'il est en train de préparer un projet de loi.
    Je pose tout d'abord la question à Madeline. Avez-vous participé à ces consultations et est-ce qu'on a analysé les répercussions sexospécifiques de ce système. Deuxièmement, que pensez-vous de cette transition vers un modèle de gestion des risques et d'homologation progressive qui comporte, selon le sous-ministre, l'adoption d'une approche fondée sur le cycle de vie en matière de réglementation des produits de santé? L'accent n'est plus mis sur l'examen avant la mise en marché mais bien sur une démarche d'évaluation continue des risques et des avantages d'un produit.
    Madeline, puis Bruce.
(1155)
    Je crois en fait que nous avons poussé la réflexion un peu plus loin.
    Cela dit, j'ai parlé tout à l'heure de deux aspects que nous avons vraiment besoin d'approfondir. Premièrement, bien sûr, il faut recueillir plus de données sexospécifiques, mais il faut aussi en savoir plus long sur l'approche adoptée jusqu'ici et le cadre de gestion du risque. On peut mettre en place une structure de gestion du risque et une compagnie peut décider de ne pas y donner suite parce que cela risque de lui coûter 10 millions de dollars.
    Comme l'enquête Krever l'a montré, et franchement je crois que c'est pour cela que nous sommes tous ici aujourd'hui — merci monsieur le juge Krever — c'est que Santé Canada a bel et bien essayé de mettre un prix sur la vie humaine, et que cela a eu des résultats désastreux.
    Je suis d'accord avec une structure de gestion du risque qui n'attribuerait pas un coût à la vie humaine. Voilà pourquoi il est important d'inscrire le principe de précaution dans la mesure législative, parce que c'est la seule façon valable de gérer des risques.
    Merci, madame Boscoe.
    Madame Davidson, à vous.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos deux témoins. Vous nous avez présenté un point de vue tout à fait différent sur la surveillance des produits déjà homologués, en abordant la question du sexe et la question des enfants.
    L'analyse comparative entre les sexes m'intéresse beaucoup, d'autant plus que je siège à un autre comité qui étudie l'établissement de budget en fonction de cette analyse. L'analyse sexospécifique des politiques, des programmes et la gestion des risques fait déjà partie du mandat de Santé Canada. Je crois que vous le savez et que vous l'avez signalé tout à l'heure.
    Comment élargir cette obligation de Santé Canada pour que la surveillance de ces produits après leur commercialisation tienne compte de différences importantes entre les hommes et les femmes et les personnes des différents groupes d'âge? Par ailleurs, comment surmonter les obstacles d'ordre éthique dont on a déjà parlé ce matin en ce qui concerne la mise à l'essai de médicaments sur de jeunes enfants ou des femmes enceintes, par exemple?
    J'aimerais connaître votre avis à tous les deux à ce sujet.
    D'une certaine façon, je suis ici parce qu'il y a 20 ans des femmes assises autour de cette table et à la Chambre ont considéré qu'il était important de tenir compte de la différence entre les sexes et qu'il fallait développer une infrastructure et des connaissances qui seraient utiles. Une personne très sage, qui m'a servie de mentor au cours de ma carrière, a dit, « Madeline, vous devez savoir que cela prend une génération », et je suppose que c'est effectivement le cas.
    La raison pour laquelle je pense qu'il est nécessaire que la loi prévoit des examens sexospécifiques des médicaments, c'est parce que c'est difficile à faire et coûteux. Je travaille à l'heure actuelle avec le Canadian Cochrane Collaboration, que, comme vous le savez peut-être, les IRSC ont financé pour aider à améliorer l'analyse des données. L'une des choses que nous constatons c'est qu'étant donné que la Food and Drug Administration des États-Unis exige que l'on tienne compte du sexe dans les essais cliniques, beaucoup de femmes participent à ces essais mais personne n'analyse les données. Je considère que cela n'a aucun sens. On pense qu'on y est arrivé, et qu'on peut désormais passer à autre chose, mais lorsqu'on examine la situation une autre fois, on s'en rend compte.
    Je pense donc qu'il y a encore beaucoup de travail à faire. Nous sommes en train de préparer le terrain. Nous avons quelques chercheurs. Le ministère de la Santé appuie un programme de centres d'excellence pour la santé des femmes lequel je crois était au départ une initiative multipartite, programme qui permet de rassembler les données que je suis en mesure de vous présenter. Nous pouvons donc établir que c'est non pas la chose à faire sur le plan moral, mais que ne rien faire nous coûte de l'argent. Pour ce qui est d'inclure cet aspect dans un règlement, je pense que nous avons besoin de formation. Je pense que nous avons encore besoin d'une analyse de la part de tierces parties et de processus de vérification pour nous permettre de le faire. Ce sont des aptitudes que les gens sont encore en train de développer, qu'il s'agisse d'un responsable de l'examen de médicaments ou d'un analyste des politiques. Je pense que nous devons faire notre part pour contribuer à la formation et au développement des capacités au sein du ministère.
    Personnellement, je considère que lorsque nous avons retiré les femmes des essais cliniques parce qu'elles risquaient de tomber enceintes; il s'agissait d'une approche plutôt paternaliste à un problème très compliqué. Il est vrai que nous avons administré de la thalidomide à des femmes lorsque nous ignorions tout de ses conséquences sur les foetus, et nous l'avons vraiment appris à nos dépens. Mais je pense qu'aujourd'hui les femmes sont bien mieux informées. Il y a des médicaments sur le marché qui causent du tort au foetus si les femmes enceintes les prennent. Touchons du bois — mis à part quelques exemples, cela a assez bien fonctionné.
    Donc j'espère que c'est suffisant.
(1200)
    Je ne comprends toujours pas comment vous surmontez le problème des essais. Comment faites-vous pour éviter les problèmes causés par des médicaments comme le thalidomide, si vous effectuez en fait des essais sur une femme enceinte?
    Il faut d'abord commencer par un modèle animal, et les modèles animaux sont très utiles pour déterminer les effets toxiques des médicaments sur les foetus. C'est l'une des façons de procéder. En ce qui concerne les femmes qui aujourd'hui participent à des essais cliniques, l'autre façon consiste à obtenir leur accord afin qu'elles ne tombent pas enceintes, et si elles tombent enceintes, elles doivent comprendre les risques qu'elles courent. Donc ces méthodes existent.
    Revenons en particulier à l'exemple du Gardasil et aux essais sur de jeunes enfants. Je pense que c'est un domaine beaucoup plus complexe parce que ces effets comportent des examens intimes. Heureusement, il existe certains nouveaux tests sur le marché à l'heure actuelle, par exemple dans les cas du papillomavirus dont on pourrait se servir auprès de ce groupe d'âge sans qu'il soit nécessaire de leur faire subir des examens intimes.
    Je pense que la participation éthique des enfants et des femmes à des essais cliniques lorsque nous connaissons ou soupçonnons l'existence d'un problème dépend de la question que l'on pose. Cela dépend de ce que l'on veut étudier. Si ce que l'on veut étudier, c'est un médicament anti-infectieux efficace pour une infection grave qui se produit au cours de la grossesse, alors la frontière éthique que l'on traverse pour traiter des femmes dans le cadre d'un essai clinique afin de déterminer l'efficacité d'un médicament tout en les exposant à une thérapie susceptible de présenter des risques peut être évaluée en fonction des avantages possibles de cette thérapie. Je pense en fait que sur le plan éthique, cela dépend de la question.
    Les anthracyclines endommagent le coeur. Elles causent un taux de mortalité de 61 p. 100. Elles guérissent également le cancer. Il s'agit donc d'un médicament efficace et nous pouvons surmonter le problème que pose sur le plan éthique leur utilisation si nous établissons que les avantages l'emportent sur le risque de toxicité présumé.
    Puis, il y a la surveillance précoce des essais cliniques. Il existe déjà des conseils de pharmacovigilance chargés d'étudier les données et de s'assurer d'examiner les résultats provisoires. Tout avertissement concernant la sécurité qui se produit tôt dans le cadre d'un essai clinique entraîne l'interruption de l'essai clinique jusqu'à ce qu'une évaluation plus approfondie puisse être faite. Nous minimisons donc ainsi les risques.
    L'administration de médicaments à des êtres humains comportera toujours des risques, tout comme le fait de conduire une voiture comporte des risques d'accident. Nous pouvons rendre les médicaments beaucoup plus sûrs. Je pense qu'il est important de comprendre les différences qui existent entre les sexes. Les différences concernant l'âge sont importantes. Mais je suis vraiment convaincu que les incidences graves dont nous parlons sont en grande mesure des effets génétiques indirects, et c'est sur quoi nous concentrerons nos efforts au cours des années à venir.
    Je vous remercie, Dr Carleton.
    Nous allons maintenant passer à M. Temelkovski.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à nos deux témoins.
    Je trouve cela fascinant, Dr Carleton: vous avez mentionné un type de surveillance différente, qui est génétique. Vous avez terminé en disant que nous suivrons peut-être ce qui se fait. Qui allons-nous suivre? Y a-t-il d'autres pays qui sont beaucoup plus avancés?
(1205)
    Je veux dire que nous allons suivre ce qui se fait sur le plan scientifique. Les données scientifiques existent et les essais ont déjà été effectués. On est en train de faire des tests génétiques concernant le Warfarin. La Carbamazépine, un médicament très bien utilisé et accepté pour traiter l'épilepsie est également utilisée dans certains troubles mentaux, et dispose d'un test génétique permettant de prévoir une réaction rare appelée le syndrome de Stevens-Johnson, qui entraîne la desquamation de la peau. Il y a environ 80 ou 90 médicaments qui peuvent causer cette réaction particulière. Il existe à l'heure actuelle un test génétique pour les Chinois han, dont la population est très importante à Vancouver, qui permet de prédire ce genre de réaction. Le fait est que ce test existe déjà et nous en verrons de plus en plus.
    Il ne s'agit pas vraiment d'un problème de compétence. Il s'agit en fait de l'aspect scientifique.
    Vous avez également indiqué plus tôt que les déclarations obligatoires ne fonctionnent pas. Je pense que c'est la raison pour laquelle nous étudions la question, afin , du moins je l'espère, de faire en sorte que des mesures soient plus efficaces.
    Est-ce qu'il serait utile que l'on déclare davantage les réactions indésirables et, comme vous l'avez mentionné plus tôt, l'absence de réactions indésirables?
    Le système est incomplet à 95 p. 100, donc il faut considérablement améliorer le système de déclaration, et produire des rapports de qualité.
    Je privilégie un modèle selon lequel nous formons des cliniciens qui sont responsables de reconnaître et de déclarer les réactions indésirables, pour qu'ils fassent le travail, c'est-à-dire un modèle qui ne se contente pas de sensibiliser davantage le public à la déclaration de ce genre de réaction. C'est très bien d'avoir des renseignements sur la consommation; il n'y a rien de mal à cela et j'encourage ce genre d'initiative. Mais pour obtenir les rapports de fond dont nous avons besoin, il nous faut des professionnels dévoués qui surveillent et évaluent les réactions aux médicaments. C'est l'information qui sera la plus utile.
    En Espagne, le fait de ne pas déclarer une réaction indésirable d'un médicament constitue un délit mineur, mais cela n'a pas modifié le taux des déclarations. Vioxx a été retiré du marché à cause du propre essai de Merck qui a confirmé le risque cardiovasculaire que représentait ce médicament. Aucun système de surveillance au monde — obligatoire ou volontaire — n'a permis de relever ce risque, même s'il s'agissait du médicament le plus souvent prescrit au monde.
    Je dirais que les systèmes de surveillance administrés par les gouvernements n'ont pas permis historiquement d'atteindre l'objectif consistant à nous aider à déterminer l'existence de risques importants dans de nombreux cas. Ces systèmes peuvent être utiles à bien des égards, mais je pense que nous devons faire appel aux données scientifiques pour nous aider à mieux comprendre comment trouver des solutions éclairées. Si nous pouvons avoir des solutions qui favorisent l'innocuité des médicaments, nous aurons alors un système de déclaration parce que les cliniciens veulent des solutions en ce qui concerne l'innocuité.
    Lorsque j'ai entamé mes travaux, je suis allé voir les oncologues de l'Hôpital des enfants de Vancouver et je leur ai expliqué ce que je proposais de faire. Le chef du service d'oncologie a dit, « Vous savez, il est intéressant d'étudier les bases génétiques des réactions indésirables aux médicaments. En oncologie, il n'y a pas de réactions indésirables aux médicaments ». Cela pourrait être un signe d'ignorance ou d'arrogance, mais ce n'est pas le cas ici; c'est une question de nomenclature. Elle ne considère pas que les réactions prévues, comme une perte d'ouïe et la toxicité cardiaque, sont des réactions indésirables. Elle les considère comme une conséquence de l'utilisation du médicament.
    Maintenant qu'ils constatent que nous pouvons en fait prédire les personnes chez qui les toxicités les plus graves risquent de se produire, c'est là d'où proviennent les déclarations, le financement et le soutien. C'est leur façon d'inciter les intéressés à faire des déclarations. Il faut peut-être rendre cette mesure obligatoire, mais il s'agit d'obtenir la participation des personnes responsables d'obtenir ces rapports de même que les institutions individuelles.
    Vous avez mentionné que vous avez présenté certaines de vos études et qu'elles ne sont pas encore publiées. Existe-t-il un système de filtrage c'est-à-dire de l'étape de la présentation à celle de la publication?
    Nous prenons l'ensemble des données que nous avons recueillies et nous commençons à nous concentrer sur des réactions précises que nous pensons être attribuables à des facteurs génétiques. Nous en avons relevé trois au cours des six premiers mois, et nous avons cessé d'examiner nos données. Nous sommes toujours en train de rassembler et d'accumuler des données, mais nous disposons d'un budget et de ressources limités. Nous avons donc concentré nos efforts sur une solution à ces trois premières réactions.
    Au lieu de continuer par montrer l'existence d'un lien entre les médicaments et les gènes, nous essayons de proposer une stratégie viable axée sur l'innocuité à l'intention des cliniciens et des patients qui utilisent ces médicaments en particulier. Donc nous avons commencé par la morbidité grave, des réactions de mortalité, les médicaments qui sont utilisés par des millions de patients chaque année, et des risques qui sont au moins trois fois plus élevés ou davantage à cause de ce trait génétique caractéristique.
    Je vous remercie, Docteu Carleton.
    Monsieur Brown.
    Je vous remercie.
    Avez-vous de l'information sur la façon dont d'autres pays traitent de cette question en ce qui concerne les femmes et les enfants? Est-on au courant de l'existence d'un système adopté à l'étranger dont le Canada pourrait s'inspirer?
(1210)
    Bien sûr. Je commencerai cette fois-ci.
    En ce qui concerne d'autres pays, aux États-Unis, les National Institutes of Health ont un programme appelé les unités de recherche en pharmacologie pédiatrique, ou PPRU. Ce programme est le résultat de la modernisation du règlement sur les aliments et drogues, la FDAMA, la Food and Drug Administration Modernization Act, et une règle pédiatrique a été créée en particulier pour permettre un plus grand nombre d'essais. Cela a créé en fait un incitatif pour les fabricants de produits pharmaceutique à effectuer davantage d'essais pédiatriques au tout début du développement de médicaments, ce qui a permis de créer une foule de services de recherche partout au pays pour aider à produire de meilleurs renseignements à propos de la cinétique des médicaments.
    Malheureusement, cette initiative se limite essentiellement à la pharmacocinétique des médicaments, la pharmacocinétique étant la façon dont les médicaments sont absorbés, distribués, métabolisés et éliminés par le corps. Pour l'instant, on ne fait pas le lien avec l'aspect génétique, même s'il y aurait intérêt à le faire.
    Je pense que là où le Canada peut être utile aux autres pays, c'est dans des domaines comme la pharmacogénomique, où nous jouons de toute évidence un rôle de chef de file. Je sais que nous jouons un rôle de chef de file dans ce domaine parce que la FDA est venue nous voir en octobre. Avec sept des grandes entreprises pharmaceutiques, elle a formé un organisme à but non lucratif aux États-Unis qui s'appelle le serious adverse events consortium.
    L'innocuité des médicaments est une responsabilité que les fabricants des produits pharmaceutiques tiennent à assumer maintenant que Vioxx a été retiré du marché. La raison pour laquelle ils veulent assumer cette responsabilité c'est qu'ils reconnaissent que leurs produits et leur viabilité financière sont en jeu si leurs médicaments sont retirés du marché que ce soit par eux-mêmes ou par les gouvernements et que l'innocuité des médicaments soit mise en doute. S'ils constatent une approche axée sur une solution, cela semble les intéresser. C'est donc ce qu'ils ont créé en collaboration avec la FDA: cette façon de rassembler toute l'information concernant les patients dont ils ont entendu parler afin d'examiner collectivement s'il existe une raison génétique ou d'autres raisons communes qui pourraient être responsables.
    Ils donc venus ici pour se renseigner parce que nous avons un réseau national intégré et ils s' intéressent à savoir comment nous avons procédé. Ils ne sont pas en mesure de le faire aux États-Unis. Aux États-Unis, les hôpitaux se font concurrence, même au sein de la même ville. Lorsque nous avons commencé notre travail, l'équipe d'examen internationale nous a dit que nous n'arriverions jamais à mettre sur pied un tel réseau même au Canada, et que si nous y parvenions, nous ne trouverions aucun biomarqueur de risque associé aux médicaments. Eh bien, nous avons cessé nos recherches après six mois parce que nous en avions trouvé trois.
    Nous avons effectivement réussi à mettre sur pied le réseau. Cela a pris 18 mois, mais nous y sommes parvenus. Nous considérions que compte tenu de toutes les questions se rattachant à la protection de la vie privée, toutes les préoccupations d'ordre éthique partout au pays, que chaque comité d'examen de la déontologie de chaque hôpital et de chaque université de chaque province devait approuver ce processus, et cela a été fait.
    Je pense que nous avons un système unique ici qui intègre de tels réseaux dans le système de soins de santé, que nous pouvons reproduire dans d'autres provinces, ce que d'autres pays ne peuvent tout simplement pas faire.
    Notre comité a entendu des témoignages à propos d'un processus d'homologation progressive. Comment selon vous pourrait-on y incorporer des tests sexospécifiques et fondés sur l'âge?
    Je commencerai, puis je vous laisserai faire des commentaires, Madeline.
    Très brièvement, j'ai passé beaucoup de temps à travailler avec Santé Canada, de nombreuses années, et également avec les gouvernements provinciaux. J'ai été profondément scandalisé en constatant l'absence de progrès dans bien des dossiers. Nous semblons avoir constamment les mêmes réunions et les mêmes discussions.
    En mars, une réunion a eu lieu, une consultation des intervenants, par Santé Canada sur l'homologation progressive. Je n'ai pas pu y assister. Je leur ai dit que je viendrais leur parler de ce que j'avais fait. J'ai rencontré David Lee, le conseiller principal là-bas de même que Maurica Maher, qui est à la tête du processus d'homologation progressive. Je considère en fait qu'ils adoptent la bonne attitude à cet égard mais qu'ils doivent mettre l'accent sur des solutions. C'est très bien d'avoir un processus, un cadre législatif, mais il doit être axé sur des solutions.
    Si vous voulez que les femmes bénéficient de médicaments plus sûrs, choisissez un médicament, choisissez un groupe de femmes pour en évaluer l'innocuité et pour évaluer le nouveau système de surveillance. C'est la même chose dans le cas des enfants, dans le cas des hommes — il ne faut pas oublier les hommes. L'innocuité des médicaments est une question importante pour l'ensemble des patients. Il y a des aspects importants dont il faut tenir compte en fonction du sexe et de l'âge, mais il est important de décider des solutions en matière d'innocuité auxquelles il faudrait accorder la priorité. Il faut donc mettre au point les solutions voulues et ne pas se contenter simplement d'un cadre d'homologation. C'est une bonne chose, mais c'est un peu comme une Cadillac provenant d'un fabricant automobile qui n'a jamais vraiment construit de voiture de ce genre.
    Il faut qu'ils reconnaissent que nous avons besoin d'objectifs très précis pour améliorer l'innocuité des médicaments. Il faut peut-être un vaccin comme le vaccin du papillomavirus pour comprendre les déterminants des décès qui se sont produits ou d'autres risques qui existent. Il existe de très nombreux médicaments et de nombreuses réactions parmi lesquelles choisir. Nous devons simplement en choisir deux ou trois et commencer notre travail.
(1215)
    Je vous remercie, docteur Carleton.
    Monsieur Malo.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Merci à nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Docteur Carleton, à la lumière des témoignages qu'on a entendus, j'avais l'impression qu'il y avait beaucoup d'information disponible sur les effets indésirables des médicaments. Ce que je comprends de votre témoignage, c'est qu'au fond, on en reçoit très peu. Vous disiez que seulement 5 p. 100 des résultats étaient publiés ou rendus disponibles. Pourquoi?
    Ma deuxième question est un peu le corollaire de la précédente. Vous nous disiez également que ces 5 p. 100 de données disponibles contenaient des informations souvent incomplètes. Étaient-elles incomplètes en raison du type d'étude que vous faites relativement au génome humain ou étaient-elles incomplètes en raison d'autres comparaisons qui pouvaient être faites?

[Traduction]

    Bonnes questions.
    Il y a deux facteurs: il y a d'abord le fait que les rapports ne sont pas complets et ensuite il y a la qualité des rapports, et c'est de cela que nous parlons.
    Parlons tout d'abord de l'aspect incomplet des déclarations. Comment expliquer cela? Bien des raisons sont invoquées. Après avoir examiné la question pendant 20 ans, je suis arrivé à la conclusion que, si les gens ne font pas de rapport, c'est parce qu'ils estiment qu'il n'y a rien à signaler. Qu'arrive-t-il si je signale une réaction indésirable? Santé Canada est déjà au courant de celle-là. C'est un fait bien connu. Voilà certains des arguments que j'entends de la part des cliniciens. Ils ne déclarent pas les réactions parce qu'ils savent que quelqu'un est déjà au courant de ces réactions. Ils ne comprennent pas l'objet de la surveillance. La surveillance vise, non pas à découvrir que tel médicament cause telle réaction, mais bien à découvrir s'il y aurait une solution au problème de l'innocuité des médicaments à laquelle on pourrait arriver du fait de ces déclarations.
    En 2004, un groupe de chercheurs à Toronto, au Canada, a constaté que, dans le cas de la nécrolyse épidermale toxique, la forme la plus sérieuse de réactions cutanées qui découle de l'utilisation de médicaments comme Bactrim ou cotrimoxazole, où la peau devient noire et se détache par grands pans — le résultat est le plus souvent fatal, c'est une affection terrible — la plupart des patients se retrouvent dans un centre pour grands brûlés. Il n'y a presque aucune raison non liée à un médicament qui expliquerait pareille réaction. Les chercheurs sont donc allés dans les centres canadiens pour grands brûlés et ont demandé: combien de « ces cas avez-vous traités au cours des cinq dernières années? » Je crois que c'était là la période visée. Ils ont appris que 4 p. 100 seulement de ces cas avaient en fait été signalés à Santé Canada.
    J'estime donc que le problème tient en partie au fait que les gens ne pensent pas qu'il soit nécessaire de déclarer ces cas-là en vue d'aider à trouver une solution au problème.Ce n'est pour eux qu'une autre déclaration sur une réaction idiosyncrasique, terme qui vient du grec idiosqui signifie « amalgame » ou « mélange » de raisons. Nous n'avons pas d'explication. Alors, moi je veux en trouver une.
    Votre deuxième question portait sur la qualité des rapports. Pourquoi les rapports qui sont faits sont-ils incomplets? Et je ne parle pas ici que de mes rapports à moi, mais aussi de ceux de Santé Canada, de ceux que j'ai vus dans le cadre du programme canadien de surveillance pédiatrique, de ceux que j'ai vu dans le cadre du réseau que j'ai mis sur pied aux États-Unis. S'ils ne sont pas complets, c'est que les médecins ne fournissent que l'information dont ils pensent que vous avez besoin. S'ils pensent que l'objet du rapport, c'est d'établir un lien entre un médicament et une réaction, ils vont indiquer « Paxil: pensées suicidaires », puis ils signeront leur nom. Ils ne donnent pas toutes les autres informations qui sont utiles pour déterminer la raison biologique de la réaction, parce qu'ils ne comprennent pas ce que vous allez faire de l'information ni comment elle sera utilisée.
    C'est donc là une partie du problème. Nous devons faire comprendre aux cliniciens que les déclarations ne sont pas faites uniquement dans l'intérêt public. Nous devons leur faire comprendre ce qui en fait l'utilité, le fait que nous pouvons ainsi trouver des solutions.
    Quand j'ai mis sur pied le réseau à l'échelle du pays, j'ai constaté que les oncologues ne voulaient pas y participer à l'origine. Mais une fois que j'ai commencé à leur montrer les ratios de probabilité élevés, les risques élevés liés à une caractéristique génétique en particulier, ils ont commencé à m'écouter. Ils ont décroisé les bras, ils se sont mis à écouter, ils se sont avancés au bord de leur chaise et ils ont débloqué des fonds. Une fois qu'ils voient la possibilité d'une solution, ils se mettent à envoyer des rapports. Je pense que ce sont donc là les raisons.
    Aviez-vous quelque chose à dire madame Boscoe? Je croyais vous avoir vu lever la main, alors je me demandais.
    Je peux?
    Oui, bien sûr, allez-y.
(1220)
    Je veux aussi faire les liens avec l'autre question. Il y a certaines choses que nous pouvons apprendre au sujet de la surveillance à laquelle Bruce a fait allusion, je crois, et qui font partie de la norme en santé publique. Nous choisissons en fait certains médecins, infirmiers, infirmières et pharmaciens pour faire rapport. Nous les formons. Parfois, nous leur demandons de nous dire combien de cas de rougeole ou de pneumonie ils voient. Ce que nous n'avons pas fait jusqu'à maintenant, c'est de former nos professionnels pour qu'ils fassent ces rapports de façon énergique. C'est sans doute en partie parce que les gens n'en voient pas l'utilité. Ils ne voient qu'un trou noir.
    Je crois que vous vous êtes aussi penchés sur la proposition de créer un réseau de recherche sur les médicaments et leur efficacité, qui se verrait confié le mandat de déterminer comment faire la synthèse de l'information recueillie, comment faire les études de suivi du genre de celles auxquelles participent Bruce et d'établir une hiérarchie des besoins. Mais je ne veux pas trop insister sur l'importance d'avoir un cadre pour que nous soyons sûrs dès le départ d'avoir toutes les informations voulues, comme le sexe, l'âge, etc., sinon il nous faudra revenir ici et repartir à zéro.
    Je crois que le processus de planification est en cours, et je vous inciterais fortement à faire comparaître à nouveau M. Lee.
    Merci, madame Boscoe.
    Monsieur Tilson.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai une question à poser en ce qui concerne les ressources financières et humaines. C'est une question qui a été posée à d'autres aussi.
    Il semble qu'à l'heure actuelle au Canada, les seules qui doivent obligatoirement signaler les réactions indésirables sont les entreprises pharmaceutiques. Bien sûr, d'autres pourraient aussi le faire. Les médecins, par exemple, les pharmaciens, et sans doute aussi que les infirmiers ou infirmières pourraient le faire, je ne sais pas. Mais nous nous heurtons alors au problème — et je vous inviterais tous les deux, vous en tant qu'infirmière et vous en tant que médecin à répondre —de la pénurie de médecins et d'infirmiers ou infirmières. Je suppose que nous avons beaucoup de pharmaciens — ce n'est sans doute pas gentil de dire ça, alors je retire ce que je viens de dire. Mais c'est un problème qu'on soulève, à savoir que nous n'avons pas les professionnels dont nous aurions besoin pour faire les tests.
    Docteur Carleton, vous avez parlé de tests qui suivraient l'administration des vaccins, vous disiez que les médecins devraient dès ce moment-là faire une déclaration, et l'un de vous a parlé de formateurs professionnels pour le faire. A ce sujet — et c'est un fait bien connu, puisqu'on n'a qu'à lire les journaux pour s'en rendre compte —, c'est qu'il n'y a personne pour les faire.
    Vous avez raison. Je crois qu'il faut reconnaître qu'il y a lieu de gérer nos ressources humaines dans le domaine des soins de santé. Il y a des lacunes, et il nous faut élaborer un plan d'action. Je suis entièrement d'accord avec vous.
    Les gens de mon âge espèrent tous prendre leur retraite, je pense, mais cela ne devrait pas être une tâche trop difficile que de signaler les réactions indésirables. De plus en plus, nous travaillons dans un milieu où les dossiers sont tous informatisés. Bien souvent, les médecins facturent le régime des soins de santé par voie électronique. Il ne s'agit donc pas d'une tâche particulièrement difficile.
    La formation professionnelle des médecins, des infirmiers et infirmières et des pharmaciens, pour les tenir au courant de ce qui se fait dans le milieu, c'est quelque chose qui se fait de façon continue. Il suffirait d'y inclure les déclarations comme moyen d'assurer une surveillance efficace, au même titre que d'autres éléments, comme la façon d'établir un dossier médical électronique ou encore l'acquisition de quelque autre nouvelle compétence dont les professionnels ont besoin. Il suffirait à mon avis de l'inclure dans la formation, mais je ne pense pas que ce soit un défi énorme que de faire ces déclarations dans la pratique, puisqu'il y a déjà toutes sortes d'autres choses à déclarer. Nous avons des infirmières qui doivent compter combien d'enfants elles ont vus qui avaient le rhume ou la grippe. Il y a des médecins qui appellent pour signaler des choses bizarres.
    L'Association médicale canadienne ne sera peut-être pas d'accord avec vous.
    Docteur Carleton.
    Moi, je crois qu'elle le serait.
    Nous pouvons former les médecins et les infirmiers et infirmières ainsi que les pharmaciens pour qu'ils fassent les rapports requis. Aux États-Unis, lorsque MedWatch a été lancé en 1996, les attentes étaient grandes pour ce qui est de l'accroissement du nombre de rapports; en 1997, on a noté une augmentation de 50 p. 100 du nombre de cas de réactions indésirables à un médicament qui ont été signalés à la suite de la mise sur pied du registre en ligne créé par la FDA pour que les consommateurs et les professionnels de la santé puissent signaler ce genre de réaction. Cette amélioration, qui a été obtenue au coût de centaines de millions de dollars, a permis d'obtenir un rapport tous les 336 ans par médecin et un rapport tous les 26 ans par pharmacien. Les pharmaciens sont donc un groupe beaucoup plus efficace que les médecins pour ce qui est de signaler les cas de réactions indésirables.
    Mais il y a aussi la question de la qualité des rapports, de l'obtention de rapports complets et normalisés. Il me faut quatre heures pour établir un rapport sur un cas de surdité causé par le cisplatine. C'est là une dépense de temps et d'énergie considérable pour un professionnel de la santé. Nous avons de surveillants professionnels. À l'heure actuelle, tous les hôpitaux du Canada ont un pharmacien clinicien. Les pharmaciens cliniciens ont tous pour mandat de signaler les cas de réactions indésirables. Je parie que cela fait partie de leur description de poste. Sinon, ce devrait l'être. Malheureusement, il s'agit d'une tâche de plus qui vient s'ajouter à la liste déjà longue de leurs travaux.
    La meilleure façon de procéder serait de réunir un petit noyau de personnes auquel d'autres viendraient se greffer avec le temps. J'ai 13 personnes qui font cela au Canada et, en l'espace de trois ans, j'ai reçu plus de 9 000 cas et contrôles, plus de 1 000 cas de réaction indésirable grave à un médicament et plus de 8 000 contrôles, et c'est ce qu'il me faut pour examiner l'hétérogénéité et les réactions — 13 personnes.
(1225)
    J'ai une question, Docteur Carleton. Un médicament est homologué...
    Je suis désolée, monsieur Tilson, mais votre temps de parole est presque écoulé. Je voulais simplement vous le faire savoir. Il vous reste environ quatre secondes.
    Quatre secondes.
    Voilà.
    C'est impossible.
    D'accord, merci. je croyais que rien ne vous était impossible, monsieur Tilson.
    Madame Wasylycia-Leis.
    Merci.
    Je veux revenir aux réactions indésirables et aux rapports. Nous avons entendu beaucoup de témoignages selon lesquels les rapports obligatoires ne seraient peut-être pas la solution la plus efficace et qu'ils ne permettraient peut-être pas d'utiliser au mieux le temps des professionnels. Pourtant, il est arrivé — et il y a certains des cas dont on nous a déjà parlé aujourd'hui — que des entreprises pharmaceutiques aient recueilli des informations dans le monde entier et qu'elles aient choisi de ne pas les communiquer. Certaines des informations concernant le décès de Vanessa Young ont été utiles à cet égard. L'état dont on a entendu parler et qui met en cause le contraceptif oral EVRA, où des femmes meurent à la suite de la formation de caillots de sang, montre qu'il faudrait qu'il y ait un moyen d'exiger des comptes des entreprises pharmaceutiques en ce qui concerne les informations qu'elles recueillent.
    Quel serait le meilleur moyen de se faire? La solution sera-t-elle d'exiger une divulgation complète? Si nous décidons de ne pas opter pour les rapports obligatoires, quelle serait alors la meilleure façon de nous assurer que les informations soient communiquées et que les consommateurs aient au les informations dont ils ont besoin pour prendre des décisions éclairées?
    Pour ma part, j'estime que les rapports obligatoires doivent faire partie de la solution. Si j'ai consacré mon énergie à appuyer le réseau de recherche sur les médicaments et leur efficacité, c'est parce que j'y voyais une armature qui pourrait appuyer des chercheurs comme Bruce dans leur travail auprès des groupes de praticiens; autrement dit, nous nous servirions des méthodes de surveillance déjà en place pour faire comprendre à ces groupes, qu'il s'agisse de ceux qui fournissent des contraceptifs, dans le cas d'EVRA, ou qu'il s'agisse des oncologues, dans le cas du cancer — qu'ils ont un rôle à jouer dans l'effort de postcommercialisation. Cela ne voudrait pas dire pour autant que nous n'aurions pas une base de données contenant des informations générales.
    Mais l'autre volet — et c'est ce que j'appellerais la phase deux si j'avais un plan d'action sous les yeux, c'est la création de communautés de pratique, et j'utilise ces termes à dessein, parce que je pense qu'il faut de la réflexion, de la discussion et une boucle à l'intérieur de laquelle circule l'information. C'est ce que nous, les courtiers du savoir, appelons des communautés de pratique, parce que ce sont là les personnes susceptibles de fournir des données bien précises et détaillées, mais qui peuvent aussi jouer un rôle de sentinelle. Quand on envoie un canari dans une mine de charbon, on ne sait pas ce qui a tué le canari. On sait seulement que le canari est mort. Les rapports sur les réactions indésirables aux médicaments sont un peu comme le canari dans la mine de charbon, mais il nous faut appuyer ces communautés de pratique qui feront la collecte au jour le jour des informations détaillées qui permettront d'effectuer les analyses en profondeur dont nous avons besoin.
    Je pars du principe que le travail du Dr Carleton s'articule également autour des données biologiques qui doivent faire partie des informations recueillies, il faudrait également inclure cela dans notre plan d'action, ainsi que l'analyse comparative entre les sexes.
(1230)
    Je dirais que la surveillance obligatoire est un excellent principe, mais que les choses se gâtent au niveau de l'exécution. C'est très difficile à faire. Comment allons-nous pouvoir réglementer cela? Comment allons-nous savoir si quelqu'un quelque part n'a pas signalé un cas de réaction indésirable? Comment allons-nous assurer le respect de l'obligation de le déclarer?
    Le problème pour les médecins, les infirmiers et infirmières et les pharmaciens, c'est que dans le cas, par exemple, de quelqu'un qui prend des antidépresseurs et qui a des pensées suicidaires, ce sont là des pensées qui peuvent aussi être une conséquence de la dépression sous-jacente, si bien qu'il est difficile de faire la distinction entre ce qui serait réellement une réaction indésirable au médicament — une incidence défavorable sur la santé — et la maladie sous-jacente? Il est très difficile de faire la part des choses. Nous passons énormément de temps à tenter d'obliger et d'encourager les cliniciens à déclarer des choses dont nous ne comprenons pas vraiment les fondements.
    Je préfère une démarche axée sur la découverte de solutions, qui permet de dire que telle réaction est une source de préoccupation. Dans le cas d'EVRA, je pense que nous allons sans doute apprendre que le problème est lié à la façon dont le médicament est administré — que ce timbre fait augmenter de façon marquée la production d'hormones. Je ne sais pas ce qu'il faut faire pour régler le problème, mais une démarche axée sur la découverte de solutions chercherait à cerner les problèmes particuliers liés à l'utilisation d'EVRA. Le plus utile, à mon avis, serait de nous concentrer sur le dépistage de certains problèmes de santé liés à l'utilisation de certains médicaments qui nous causent des inquiétudes, et que nous cherchions à trouver des solutions bien précises. Les solutions varieront selon le problème.
    Je ne suis pas pour la surveillance obligatoire, parce que je ne crois pas qu'elle pourra fonctionner. La quantité ne suffit pas, il faut aussi la qualité. Ce n'est pas seulement le nombre de cas signalés qui est important, il faut que les informations soient des informations de qualité, sinon les rapports seront inutiles.
    Vous n'avez qu'à voir le nombre de rapports que produisent déjà les fabricants, parce qu'ils sont tenus de le faire. Il y en a des centaines de milliers aux États-Unis, mais ces rapports ne sont pratiquement d'aucune utilité surtout parce qu'on n'y retrouve pas d'information clinique sur les patients.
    Merci, docteur Carleton.
    Vous avez la parole, monsieur Fletcher.
    Merci, madame la présidente.
    Si vous cherchez un canari, je peux toujours vous proposer mon collège David.
    Je vais laisser transparaître mon parti pris pour le Manitoba en posant plusieurs questions à Mme Boscoe. Je vais poser toutes mes questions, après quoi mon temps de parole sera sûrement écoulé.
    Le HPV est un problème que le gouvernement prend très au sérieux. Nous avons investi 300 millions de dollars dans le vaccin. Vous avez dit quelque chose au début de votre témoignage qui a piqué mon attention, et c'était que — j'espère l'avoir bien noté — « ils meurent, non pas de la maladie, mais du manque de soins ». Je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet. Peut-être que le vaccin n'est qu'une partie de la solution. Et si le vaccin était administré et qu'il était suivi de soins diligents, cela réduirait considérablement le taux de mortalité, il me semble. J'aimerais vous entendre là-dessus.
    Dans votre exposé préliminaire, vous avez également dit que vous aviez coprésidé un comité sur l'Inforoute. Je crois que tout le monde serait d'accord sur l'importance de la surveillance après la mise sur le marché; ce sont les mécanismes par lesquels cela pourra se faire...
    Avez-vous des observations ou des recommandations à faire au comité en ce qui concerne l'Inforoute ou la pharmacie électronique ou encore les dossiers de santé électroniques, observations ou recommandations que nous pourrions inclure dans notre rapport et qui favoriseraient l'exploitation des données ou qui faciliteraient la tâche aux praticiens du domaine de la santé qui doivent faire des rapports? Quatre heures passées sur un cas, c'est beaucoup de temps. Vous pourriez voir beaucoup de patients en ces quatre heures, et vous n'êtes sans doute pas rémunéré pour le temps que vous passez à faire des rapports. Y aurait-il moyen, en faisant appel à l'Inforoute et à la technologie électronique, de rendre tout cela plus facile? Vous semblez être bien placé pour nous en parler étant donné vos antécédents.
    Voilà mes questions.
    D'accord.
    En ce qui concerne le HPV, comme je l'ai déjà dit, la mesure s'avérera peut-être des plus efficace. Nous estimons à notre clinique qu'il était prématuré d'avoir proposé le vaccin à l'ensemble de la population avant de savoir quelle serait sa durée ou si les virus qu'il contient sont effectivement ceux auxquels les femmes et les hommes sont exposés. Nous avons des raisons de croire au Manitoba que ce n'est peut-être pas le cas.
    Ce sont là des points d'interrogation importants, car si le vaccin s'estompe, qu'allons-nous faire? Si nous nous reportons aux modèles de la varicelle et d'autres maladies, les sujets devenaient en fait plus malades une fois que l'efficacité du vaccin s'estompait. Comme vous le savez peut-être, il y a un lien très direct entre la vaccination chez les adultes, une fois qu'ils ne sont plus à l'école, et la classe socioéconomique; autrement dit, les pauvres et les enfants des pauvres sont bien moins susceptibles d'être vaccinés ou revaccinés. C'est une question d'égalité en matière de santé, et si cela est important dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, c'est que les moins nantis sont aussi affligés d'autres fardeaux liés à la santé sexuelle et reproductive.
    Ce que nous savons au sujet du cancer du col de l'utérus et de l'accès... et nos efforts ont vraiment porté fruit. Les taux de mortalité au Canada ont chuté. Au Manitoba nous avons maintenant entre huit et 11 décès par an. La grande majorité de ces femmes recevaient des soins médicaux mais n'avaient pas eu un test Pap dans le délai voulu. Comment cela se peut-il?
    Je vous supplierais de faire en sorte qu'une part de cet argent soit investie dans des endroits où les femmes se sentent bien accueillies, où il y a des femmes médecins, où l'on cherche à joindre les femmes pour les amener à se faire examiner. Voilà ce que j'ai voulu dire quand j'ai dit qu'elles étaient mortes faute de soins. Elles avaient vu un médecin, mais elles n'avaient tout simplement pas obtenu ce dont elles auraient eu besoin. Les femmes handicapées, les femmes pauvres et les femmes toxicomanes sont tout particulièrement défavorisées à cet égard.
    En ce qui concerne l'Inforoute, il y a deux éléments dont je peux vous parler — et cela m'amène à quelque chose que je n'ai même pas eu l'occasion d'aborder. Ça ne pouvait pas mieux tomber, n'est-ce pas?
    Il est vrai que les dossiers médicaux électroniques nous aideront à ce chapitre. Les investissements qui sont en train d'êtres faits pour favoriser la mise sur pied de ces systèmes seront utiles.
    L'autre élément, c'est le processus en tant que tel qui permettra de faire des rapports par voie électronique — non pas par le Web, mais en remplissant un formulaire à l'aide d'un ordinateur de poche, tout comme cela se fait déjà lorsque les médecins veulent envoyer une facture au gouvernement provincial.
    J'espère avoir répondu à la question, mais je voulais aussi parler un petit peu d'accroître la capacité des Canadiens à comprendre la politique relative aux médicaments.
    À l'heure actuelle, les Canadiens estiment que, quand un médicament a été approuvé pour utilisation, c'est un excellent médicament et qu'il devrait se retrouver sur le formulaire provincial — j'en suis sûre, et vous n'avez qu'à le confirmer auprès de vos homologues des provinces. Les Canadiens n'arrivent pas à croire et ne croient pas qu'un médicament dont l'utilisation a été approuvée puisse vraiment présenter un risque pour eux, parce qu'ils considèrent que les évaluations ont été faites.
    Alors, nous avons un énorme problème du fait que cela veut dire qu'un médicament a été « approuvé » n'est pas du tout ce que nos patients pensent que cela veut dire. Aussi il faut accroître leur capacité à être des consommateurs éclairés et à comprendre ce qui se passe dans leurs corps.
(1235)
    Il ne reste presque plus de temps. Pourriez-vous...?
    Oui.
    L'autre chose importante que nous pourrions faire serait d'éliminer les droits de propriété intellectuelle à l'égard de la note d'information à l'intention du patient et de l'étiquette sur le médicament pour en faire un bien public. Santé Canada pourrait afficher l'information sur le site Web, la modifier au besoin et envoyer des avertissements relativement à cette information.
    Merci, madame Boscoe.
    Monsieur Thibault.
    Je tiens à vous remercier tous les deux de vos exposés.
    La semaine dernière, j'étais convaincu que nous n'entendrions rien de nouveau, mais il y avait un peu de nouveau dans ce que vous nous avez dit, docteur Carleton. Il me semble que vous nous avez présenté sous un nouveau jour quelque chose que nous avions déjà entendu.
    Beaucoup de praticiens nous ont dit que si les rapports étaient obligatoires et qu'ils n'étaient pas utiles, cela ne servirait à rien et que s'ils étaient utiles, ils ne seraient pas nécessaires de les rendre obligatoires puisque les gens participeraient volontairement s'ils y voyaient un avantage pour eux. Si les praticiens pouvaient, lorsqu'ils sont en présence d'un phénomène, aller consulter une page ou un site Web et dire « Voici la réaction indésirable que je constate chez ce patient » pour ensuite obtenir des informations utiles, ils participeraient.
    Mais il me semble que ce que vous préconisez, c'est quelque chose d'un peu différent. Vous semblez dire qu'il nous faudrait des spécialistes dans tout le pays qui ferait de la recherche en profondeur sur des cas individuels afin de bâtir la base de données.
    Avez-vous pensé à la possibilité de faire un pas de plus pour marier les deux, si bien que les praticiens pourraient faire rapport des incidents en ligne et avoir accès en retour à l'information que vous auriez recueillie? Cela pourrait vous servir de base de données pour savoir où envoyer vos spécialistes pour faire ces études de cas. Il se pourrait que vous constatiez l'existence de grappes ou d'éléments communs. Vous concentreriez d'abord votre attention sur ces cas-là.
(1240)
    L'objectif est louable, et ce serait quelque chose qu'il vaudrait la peine de faire. Le problème, c'est d'obtenir les ressources voulues, parce que les médecins, les pharmaciens et les infirmiers et les infirmières signalent les informations dont ils pensent que nous avons besoin. Les quatre heures qu'il m'a fallu pour faire un rapport sur un cas de cysplatine, c'est à cause de l'expérience que j'aie, parce que j'ai examiné une multitude de ces cas et que je sais quelle est l'information dont j'ai besoin et que je suis aussi sensible aux différences qu'il peut y avoir dans l'information recueillie. Les audiogrammes, qui mesurent l'acuité auditive, sont faits à l'aide de matériel différent, en utilisant des normes et des seuils différents dans les différents hôpitaux du Canada. Ces différences doivent être prises en compte. Si les médecins ne font que signaler les réactions ou remplir des rapports sur leur ordinateur de poche, cela ne serait pas très utile. Il nous faut des informations approfondies relativement au cas. S'il y avait un moyen d'identifier les cas, si les médecins pouvaient nous aider à les identifier, ce serait bien, mais je peux en fait faire cela de façon assez efficace maintenant grâce aux renseignements que j'obtiens des hôpitaux.
    Je voudrais qu'il y ait autant de personnes que possible qui participent à l'établissement de rapports sur les réactions indésirables aux médicaments, mais j'estime qu'il vaut mieux commencer par un petit noyau pour ensuite étendre l'effort à l'échelle du pays tout entier et y inclure de plus en plus de praticiens. Si nous pouvons montrer que nous avons enregistré des réussites clés avec un petit noyau de personnes, avec des petits projets, nous susciterons de plus en plus d'intérêt et de participation et cela fera boule de neige. Cela vaudrait beaucoup mieux à mon avis que de mettre sur pied un système national de rapports et de devoir faire ensuite faire appel à une équipe pour trier et classer les rapports. Le problème, c'est que nous n'obtiendrions pas ainsi toutes les informations dont nous avons besoin.
    L'autre difficulté, c'est la définition de l'expression « renseignements utiles ». Qu'est-ce qui est utile pour le praticien dans ses activités quotidiennes et qu'est-ce qui est utile pour le patient qui doit décider quel niveau de risque il est prêt à assumer? Je me rappelle qu'au début de votre exposé, vous avez fait la distinction entre effets secondaires et effets indésirables, mais les deux ne sont pas mutuellement exclusifs. Si j'ai un enfant qui a un risque élevé de mourir du cancer, et s'il existe un médicament qui peut le soigner, mais qui comporte un risque de 60 p. 100, pour reprendre le chiffre que vous avez utilisé, de causer une maladie cardiaque, et si ce médicament lui offre une chance raisonnable de vivre, je vais considérer cela comme un effet secondaire. Si je sais d'avance que ma décision comporte un risque, tout dépend alors des renseignements dont on dispose en tant que praticien ou patient. Si ma douleur est suffisamment intense, il se pourrait fort bien que je veuille prendre du Vioxx, et que j'accepte le risque de crise cardiaque qui pourrait en découler.
    L'aboutissement ultime de la pharmacogénomique serait d'établir exactement quel médicament ou quel dosage précis d'un médicament doit être utilisé en fonction du profil génétique du patient et de la manière dont celui-ci métabolise le médicament. Nous sommes toutefois encore loin d'avoir résolu ce problème.
    Même le fait de prédire chez quelles personnes un médicament provoquera une réaction est avantageux, car dans nos très grandes provinces, il nous est un peu difficile d'amener les gens à se présenter pour subir des tests de routine, à des tests de dépistage cardiaque, par exemple quand il faut amener des gens des Îles de la Reine Charlotte jusqu'à Vancouver. Il nous est parfois impossible de les amener à Vancouver pour subir des tests de dépistage cardiaque et nous devons donc attendre à leur prochain rendez-vous. Si nous savions de manière prévisible que des gens posaient un risque plus élevé de réaction à un médicament, nous leur ferions subir davantage de tests et aurions peut-être même des installations et des professionnels compétents dans des cliniques plus rapprochées des populations visées afin que les tests puissent être faits plus régulièrement.
    Merci, docteur Carleton.
    Je tiens à remercier nos deux témoins d'aujourd'hui, madame Boscoe et le docteur Carleton. Nous avons eu un échange tout à fait intéressant et très instructif. C'était passionnant d'entendre les nouvelles idées qu'on nous a exposées. Je pense que tous les membres du comité seront d'accord avec moi là-dessus, parce que nous avons vraiment été captivés par vos exposés à tous les deux.
    Nous avons maintenant des affaires du comité à régler et je vous demanderais donc de quitter la salle assez rapidement pour que nous puissions le faire, car nous devons être de retour à la Chambre à 13 heures pile.
    Je vous remercie encore une fois énormément pour votre contribution d'aujourd'hui. Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos]