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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 017 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 mars 2008

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Bienvenue à vous tous. La séance est ouverte.
    Je voudrais souhaiter la bienvenue aux invités qui se joignent à nous aujourd'hui. Il s'agit des représentants de la Cancer Advocacy Coalition of Canada, du Comité consultatif d'experts sur la vigilance des produits de santé, de l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada, et de l'Université de Montréal.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement, je vous souhaite la bienvenue à cette septième réunion du comité sur la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques, des médicaments d'ordonnance et des médicaments en vente libre.
    Je vais céder la parole à nos témoins pour faire un exposé de 10 minutes. Quand nous aurons entendu tous les exposés, nous ouvrirons la période des questions.
    Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris le temps de vous joindre à nous ce matin, et nous avons hâte d'entendre tous les renseignements que chacun d'entre nous va nous fournir. Pourrions-nous commencer par entendre l'exposé de la Cancer Advocacy Coalition of Canada?
    Je voudrais vous remercier d'avoir reconnu l'importance de la pharmacovigilance et de donner l'occasion à de nombreux groupes, comme le nôtre, de faire des recommandations sur les améliorations à apporter au régime actuel.
    Nous sommes très heureux de constater que vous avez cru bon de retenir une de nos recommandations précédentes, recommandations que nous avons faites au moment de témoigner devant le comité dans le cadre de vos audiences sur l'examen des médicaments courants l'année dernière. À ce chapitre, nous vous félicitons pour le rapport que vous avez déposé en décembre 2007 sur cette même question. D'après nous, vos recommandations, si l'on y donne suite, permettront d'améliorer considérablement la procédure d'homologation des médicaments utilisés dans le traitement des cancers.
    La Cancer Advocacy Coalition of Canada est un groupe à but non lucratif enregistré menant ses activités à plein temps, composé de médecins, de patients, et de chefs d'entreprises venant de toutes les régions du Canada, qui sont tous des bénévoles non rémunérés. Chaque année, nous publions un Bulletin sur le cancer au Canada, et il s'agit de l'unique évaluation indépendante de la performance de notre système de traitement des cancers au Canada. Dans le bulletin de 2007 qui vient d'être diffusé — et que vous devrions recevoir d'ici un jour ou deux, étant donné qu'il a déjà été mis à la poste — nous avons examiné la répartition des crédits dévolus à la recherche, les besoins des jeunes adultes atteints d'un cancer, le processus entourant les essais cliniques menés pour des fins de recherche, les ressources humaines dans le domaine de la santé, l'accès aux services de diagnostic et aux médicaments et le rôle du personnel infirmier dans la fourniture de soins de soutien. Nous publions ces rapports afin de recenser les obstacles à la lutte contre le cancer et de présenter des solutions constructives qui soient à la fois réalistes et réalisable.
    Depuis trois ans, nous recommandons, dans les articles publiés sur l'accès aux médicaments utilisés dans le traitement des cancers, l'exécution d'essais pendant la quatrième étape — c'est-à-dire, post-homologation — en vue de confirmer les résultats des traitements chez les malades cancéreux en général; et depuis deux ans, nous recommandons un accroissement de la recherche translationelle afin de déterminer quels sous-groupes de patients bénéficient de ces nouveaux médicaments. La surveillance post-commercialisation constitue donc un mécanisme approprié par lequel ces propositions pourraient se concrétiser, et ceci pourrait comprendre un système plus complet de renseignements qui seraient analysés, partagés et diffusés afin d'aider les patients.
    Lorsqu'un nouveau médicament utilisé dans le traitement de cancer est homologué, la seule obligation à l'heure actuelle consiste à signaler aux autorités les effets indésirables non prévus — et même là, il ne s'agit pas d'un système exhaustif. Dans l'optique du médecin, un manque d'efficacité constitue justement un événement iatrogène médicamenteux, notamment lorsque le traitement médicamenteux crée des toxicités et d'autres risques pour la santé des patients, sans qu'il y ait des résultats positifs.
    D'ailleurs, il arrive souvent que les renseignements auxquels ont accès les médecins au sujet d'un nouveau médicament pour les patients cancéreux ne soient pas bien utiles dans une situation clinique. Les patients qui participent aux essais cliniques de préhomologation représentent au mieux 3 p. 100 de la population en général; lorsqu'on administre ces traitements médicamenteux aux patients qui sont en phase avancée d'une maladie dans le contexte des essais cliniques, ces derniers ont généralement un taux de réponse de 20 p. 100 ou moins. Les données probantes laissent supposer que les taux de réponse en situation clinique peuvent tomber à 10 p. 100. Par contre, pour ceux et celles qui réagissent de façon positive aux médicaments il peut s'agir d'un remède.
    Il existe des exceptions notables, comme le médicament Herceptin, pour lequel un marqueur tumoral a été isolé qui permet d'améliorer la sélection des patients. Dans de tels cas, le taux de réponse est impressionnant et le médicament peut éventuellement guérir le patient. Cependant, la plupart des médicaments n'ont pas de biomarqueur, et pour la majorité des patients qui ne réagissent pas, force est de constater que nous leur administrons un médicament dont les effets indésirables peuvent être graves, sans qu'ils puissent espérer en bénéficier. À ce moment-là, il convient de prendre tous les moyens possibles pour déterminer quels patients en bénéficieront et pour épargner ceux qui ne profiteront certains du temps qu'ils auront perdu et d'effets indésirables qui peuvent être évités.
    Si la surveillance post-commercialisation était plus méthodique, de façon à saisir des données sur les résultats positifs, de même que sur les événements iatrogènes médicamenteux, il serait possible de connaître les caractéristiques des patients qui réagissent et de ceux qui ne réagissent pas pour des fins d'analyse. Les avantages immédiats seraient tout à fait remarquables. Une meilleure sélection des patients devant essayer ces nouveaux médicaments très coûteux permettrait d'économiser des sommes très considérables, sommes qui seraient dépensées inutilement autrement. Afin d'atteindre cet objectif, la surveillance post-commercialisation doit prévoir la collecte de données additionnelles, dont la grande majorité sont entre les mains des médecins, qui peuvent fournir d'importants détails cliniques pour des fins d'analyse. Ainsi il conviendrait que les médecins présentent un rapport au sujet de chaque patient traité à l'aide d'un médicament nouvellement homologué pour le traitement d'un cancer dans les 12 semaines qui suivent le début du traitement, afin de garantir l'exactitude des renseignements.
(1110)
    Les médecins et d'autres intervenants n'accepteront pas de participer à un exercice bureaucratique lourd qui n'apporte rien du point de vue de leurs connaissances ou du bien-être de leurs patients. Le formulaire de déclaration que nous avons à l'esprit remplirait un seul écran d'ordinateur; il faut bien comprendre que ce projet sera compromis si nous leur imposons un exercice qui prend plus de temps. De plus, le système d'information que cela suppose devra être relié au recueil d'études appropriées d'entités qualifiées comme l'Institut national du cancer du Canada, et garantir la production de rapports en temps opportun qui seront facilement accessibles en ligne. À ce moment-là, l'effort consenti par les participants en vaudra la peine.
    De plus, les données rassemblées devraient être facilement accessibles en ligne et être présentées de façon à ce qu'on retienne plus facilement les éléments les plus essentiels, comparativement aux rapports qui ne font qu'énumérer les événements iatrogènes médicamenteux. En fait, si cette entreprise atteint l'objectif fixé, les médecins et les administrateurs de services de santé trouveraient de multiples usages à ces données, y compris pour la préparation des lignes directrices et la recherche sur les biomarqueurs.
    En dernière analyse, au fur et à mesure que ces nouvelles connaissances se diffuseront, il sera possible de réaliser le véritable potentiel de chaque médicament conçu pour traiter un cancer, d'améliorer l'accès des patients à de tels médicaments et surtout d'améliorer les résultats des traitements médicamenteux.
    Une augmentation de trois mois du taux de survie moyen correspond à plusieurs années de vie de plus pour les 15 p. 100 des patients qui réagissent bien à un médicament. À ce chapitre, citons le cas de trois patients qui sont encore vivants trois ans après avoir pris un de ces nouveaux médicaments et dont l'expérience est relatée dans le rapport de cette année. Leurs récits sont tout à fait fascinants. Donc, quand vous recevrez le rapport d'ici quelques jours, je vous encourage à examiner leurs propositions.
    La Cancer Advocacy Coalition vous encourage donc à vous concentrer sur ce qui est réalisable et nécessaire, plutôt que sur ce qui a déjà été fait. Un système robuste de surveillance post-commercialisation pourrait constituer un outil essentiel qui fournit des renseignements utiles tout en renseignant les personnes directement concernées, si bien que tous les Canadiens en profitent et que l'on économise de l'argent.
    Je vous remercie d'avoir bien voulu m'écouter et de l'intérêt que vous portez à cette question.
    Merci infiniment de votre exposé, monsieur Gowing.
    La parole est maintenant à Mme Diane Brideau-Laughlin, présidente du Comité consultatif d'experts sur la vigilance des produits de santé.
    Bonjour, madame. Merci beaucoup. Mon exposé liminaire sera très bref.
    Je voudrais, tout d'abord, vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de participer aux audiences du comité.

[Français]

    Je m'appelle Diane Brideau-Laughlin et je suis présidente du Comité consultatif d'experts sur la vigilance des produits de santé. Je voudrais profiter de ce moment pour vous parler du mandat du comité ainsi que de sa composition actuelle.

[Traduction]

    Le Comité consultatif d'experts sur la vigilance des produits de santé représente une partie essentielle de la stratégie de surveillance post-commercialisation des produits de santé et des aliments de la Direction générale. Son mandat consiste à fournir en permanence les conseils d'experts externes sur les politiques stratégiques générales touchant l'innocuité et l'efficacité thérapeutique des produits de santé destinés aux humains qui sont mis sur le marché. Il fournit également un mécanisme par lequel le public peut participer au débat, en fournissant aux citoyens une tribune où ils peuvent se faire entendre par les experts, de façon à ce que ces derniers puissent discuter de leurs vues et en tenir compte dans les recommandations qu'ils élaborent. En d'autres termes, nous parlons de vrais experts qui travaillent dans le vrai monde et qui ont l'occasion de parler à de vraies personnes au sujet des enjeux les plus importants qui les préoccupent en matière de santé.
    Ce comité a été mis sur pied en novembre 2007 et s'est réuni à deux reprises jusqu'à présent. La réunion inaugurale était une séance d'orientation sur les diverses stratégies post-commercialisation de la Direction générale. La deuxième réunion, qui s'est tenue en février à Longueuil, Québec, a permis de discuter de questions liées principalement à la déclaration des effets indésirables des médicaments.
    À l'heure actuelle, le Comité est composé de huit femmes et de neuf hommes venant de toutes les régions du Canada. Ainsi nous avons des représentants de la région de l'Atlantique, du Québec, de l'Ontario et des provinces de l'Ouest. Nous avons également un membre individuel ayant l'expérience de la situation des Autochtones dans les réserves et en milieu rural. Notons aussi que les membres du Comité comprennent des professionnels de la santé, des défenseurs des patients et des consommateurs, des chercheurs universitaires, de même que des représentants de l'industrie. Les membres individuels s'intéressent à des questions diverses, y compris la déontologie, l'épidémiologie, les sciences biologiques, la médecine humaine, la vigilance des produits de santé, la santé publique, les sciences sociales, l'évaluation des risques, et la gestion des communications et des risques.
    C'est un vrai privilège d'être présidente de ce comité; permettez-moi donc de vous remercier.
(1115)
    Merci beaucoup de votre exposé, madame Laughlin.
    Nous accueillons maintenant Mme Sylvia Hyland, vice-présidente de l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada.
    Madame Hyland, vous avez la parole.
    Carmen, avez-vous les documents à faire distribuer aux membres?
    Tout le monde en a déjà une copie. Merci.
    Merci, madame la présidente.
    Au nom de l'Institut pour l'utilisation sécuritaire des médicaments du Canada, je tiens à vous remercier de nous avoir invités à participer à votre étude de la surveillance post-commercialisation des produits pharmaceutiques. L'IUSMC est un organisme à but non lucratif indépendant et national mis sur pied en vue d'analyser les erreurs médicamenteuses ou les rapports sur les événements iatrogènes médicamenteux. Notre mission consiste à mettre le doigt sur les causes ou les facteurs contributifs et à faire des recommandations générales permettent d'améliorer la sécurité des patients.
    Nous travaillons de pair avec l'Institut canadien d'information sur la santé et Santé Canada afin d'élaborer un système canadien de déclaration et de prévention des événements iatrogènes médicamenteux. De plus, nous travaillons en étroite collaboration avec l'Institut canadien pour la sécurité des patients et d'autres organismes et associations dont la mission consiste à faire avancer la cause de l'innocuité des médicaments et de la sécurité des patients aux niveaux provincial, national et international.
    Notre domaine d'expertise est l'analyse du sous-ensemble des événements iatrogènes médicamenteux évitables. Grâce à plusieurs études différentes, y compris l'étude canadienne sur les événements iatrogènes médicamenteux et deux études menées au Royaume-Uni, nous savons pertinemment qu'une forte proportion des événements iatrogènes médicamenteux peuvent en réalité être évités.
    Grâce aux informations que nous avons glanées dans les rapports sur les événements iatrogènes médicamenteux que nous avons reçus, environ 195 recommandations ont été élaborées à l'intention des hôpitaux pour leur permettre d'introduire certaines mesures de protection dans leurs systèmes d'utilisation des médicaments. Sur ce nombre, environ 50 ont été adoptées par le CCASS, soit le Conseil canadien d'agrément des services de santé, comme pratiques essentielles.
    Votre exposé est très intéressant, mais vous parlez un peu trop vite pour les interprètes.
    Ah, bon; mes excuses.
    Pourriez-vous donc ralentir un peu? Merci.
    Oui, certainement.
    Le fait qu'une cinquantaine de nos recommandations ont été retenues par l'organe d'accréditation signifie que notre influence se fera sentir dans 3 700 lieux où se dispensent les soins de santé et indique bien que les connaissances que renferment les rapports, de même que leur analyse, peuvent faciliter l'application des connaissances et l'amélioration proactive des systèmes.
    Je voudrais saisir cette occasion de vous en citer quelques exemples qui concernent le mandat de réglementation de Santé Canada.
    La première photographie que je voudrais vous montrer représente un timbre transdermique qui a été mis sur le marché. Comme ce timbre était presque invisible, les praticiens des services d'urgence nous ont fait savoir qu'ils ignoraient que leurs patients recevaient un stupéfiant très puissant; autrement dit, les praticiens ne se rendaient pas compte de la présence de ces timbres transdermiques. Le fabricant a donc réagi très rapidement en colorant le timbre et en y ajoutant le nom du médicament, comme vous le voyez à la page suivante. Les timbres transdermiques sont relativement nouveaux, et ces incidents prouvent bien la nécessité de prévoir des directives réglementaires sur l'étiquetage des timbres.
    À la page suivante, vous allez voir deux sacs. Le sac à droite, à utilisation pharmaceutique seulement, a été injecté par voie intraveineuse à la place de la solution intraveineuse que vous voyez sur la gauche. Nous avons reçu trois déclarations, dont une sur un incident qui a causé de graves préjudices, et nous savions déjà qu'un décès lié à une erreur semblable avait été signalé aux États-Unis. Nous avons donc travaillé avec le fabricant, qui a changé son étiquette, comme vous le voyez à la page suivante. Voilà donc une amélioration importante.
    Mais, on peut encore améliorer l'emballage du sac. Tant qu'il ne sera pas devenu impossible d'introduire dans une ligne intraveineuse un produit qui n'est pas prévu pour cet usage, les mêmes dangers continueront d'exister.
    À la page suivante, vous allez voir qu'il est question de deux ampoules qui ont été échangées par inadvertance et cet incident a été qualifié d'accident évité de justesse. Le risque de conséquences néfastes est élevé. Nous avons donc travaillé avec les fabricants individuels afin d'améliorer l'étiquetage, et nous avons fourni un exemple de la façon d'améliorer l'étiquetage à la page suivante, où nous voyons au haut une ampoule dont les informations sont imprimées directement sur le verre et l'autre en dessous.
    À notre avis, il devrait être interdit d'imprimer les données critiques directement sur le verre. Il faudrait que cette nouvelle méthode soit inscrite dans le règlement d'application ou les lignes directrices pour que ces nouvelles connaissances soient prises en compte dans les pratiques actuelles et futures des fabricants.
    Le prochain exemple est intéressant parce que l'étiquette répond aux exigences du règlement actuel en ce qui concerne la mention de la concentration. Mais ce produit n'est pas prescrit en millimoles; les médecins le prescrivent en grammes, et la conversion suppose un calcul compliqué. Nous avons pris des mesures après avoir reçu une seule déclaration signalant un problème. Le fabricant a rapidement modifié l'étiquette et nous a remerciés d'avoir non seulement découvert ce problème mais d'avoir fait des recommandations sur la façon d'améliorer l'étiquette. Il convient de vous faire remarquer que l'entreprise concernée a fait quelque chose de tout à fait exceptionnel en acceptant de supprimer son logo de l'étiquette afin de mettre en relief les renseignements critiques.
    Le dernier exemple concerne cinq agents bloquants neuromusculaires. Les agents bloquants neuromusculaires sont qualifiés de médicaments de niveau d'alerte élevé, ce qui signifie que lorsqu'une erreur se produit, les risques de préjudices sont élevés. Trois fabricants du produit en question ont décidé volontairement de suivre notre conseil consistant à mettre un avertissement sur le bouchon du flacon, mais deux fabricants ne l'ont pas fait. Voilà donc l'exemple d'une situation où nous pourrions évaluer ensemble la recommandation et, si elle est jugée raisonnable, on en ferait une exigence — encore une fois, afin que ces nouvelles connaissances puissent influencer la fabrication de produits futurs.
    Le message clé que nous cherchons à vous communiquer est que les erreurs de pratique représentent l'occasion d'améliorer le système de façon à éviter que ces erreurs se reproduisent. À moins d'atténuer les risques sous-jacents, on peut supposer que les mêmes erreurs seront commises à répétition.
    Un élément clé des programmes de déclaration est le suivi et l'analyse des données, de même que la nécessité d'y réagir. Lorsqu'il s'agit d'incidents liés aux médicaments, il s'agit de déterminer si on peut élaborer des stratégies de prévention. Il importe également de faire comprendre aux journalistes qu'ils peuvent faire évoluer positivement la situation en faisant l'effort de transmettre les informations au public, ce qui va donner lieu à un nombre accru de déclarations.
    L'IUSMC est au courant des projets et initiatives de Santé Canada visant à renforcer la pharmacovigilance, y compris des pouvoirs de réglementation accrus en ce qui concerne l'étiquetage des produits après leur mise en marché, et nous sommes désireux de collaborer à cette démarche dans la mesure du possible.
    Je vous remercie.
(1120)
    Merci beaucoup.
    Notre dernier témoin est Mme Yola Moride, professeure agrégée à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal.
    Bienvenue, madame Moride.
    Merci infiniment de l'occasion qui m'est donnée ce matin de présenter mes vues sur la question à l'étude. Je voudrais simplement mentionner que je suis l'actuelle présidente de la Société internationale de pharmacoépidémiologie, et que depuis plusieurs années, j'agis à titre d'experte conseil auprès d'organismes de réglementation comme Santé Canada, l'Agence européenne des médicaments, ou l'AEM, et de l'industrie pharmaceutique également. Je tiens également à préciser que mes observations représentent mes vues personnelles, et non celles des organismes auxquels je suis affiliée.
    Dans le contexte post-commercialisation à l'heure actuelle, la pharmacovigilance passe surtout par les déclarations spontanées. Même si l'on reconnaît que les déclarations spontanées représentent la meilleure méthode de découvrir un problème de sécurité précédemment inconnu au niveau de la population générale, cette méthode ne permet pas de quantifier les risques. Les déclarations spontanées sont très efficaces pour ce qui est de donner un signal, mais non pour évaluer les risques. Par conséquent, à l'heure actuelle, les données relatives à l'innocuité des médicaments proviennent principalement d'essais cliniques contrôlés et randomisés, au moment de l'homologation du produit, et des déclarations spontanées reçues par la suite comme principal mécanisme de surveillance des préjudices causés par les médicaments.
    Ce modèle nous a permis de constater que, au cours des 30 dernières années au Canada, 121 médicaments ont été retirés du marché pour des questions de sécurité. Il s'agit de décisions réglementaires extrêmes, sinon catastrophiques, qu'il convient d'éviter en raison de leurs conséquences fort négatives à plusieurs niveaux, c'est-à-dire pour les compagnies pharmaceutiques, les organismes de réglementation et éventuellement le public, qui cessent de faire confiance au système.
    Dans d'autres pays, notamment les États-Unis et l'Union européenne, on reconnaît que le modèle actuel ne permet pas de surveiller correctement les bienfaits des médicaments, de même que les préjudices qu'ils peuvent causer. En conséquence, le modèle de pharmacovigilance a été considérablement modifié. Au lieu de s'appuyer exclusivement sur les données provenant d'essais cliniques randomisés pour évaluer les bienfaits et les risques d'un médicaments dans un premier temps, et sur le système de déclaration spontanée, dans un deuxième temps, les autorités ont incorporé dans leurs règlements des exigences en matière de gestion des risques pour toutes les phases de la mise au point d'un médicament.
    Depuis 2005, un produit pharmaceutique est homologué si, en fonction des indications fournies au moment de l'homologation, le bilan avantages-risques est favorable pour la population cible. En même temps, on sait que tous les risques réels ou potentiels peuvent ne pas avoir été recensés au moment de la demande initiale d'homologation. De plus, il peut y avoir des sous-groupes de patients pour qui les risques sont plus élevés que pour la population cible dans son ensemble, ou il peut y avoir des sous-groupes de patients à l'égard desquels nous sommes disposés à accepter un niveau de risque plus élevé parce que l'affection pour laquelle le traitement médicamenteux concerné est grave et parce qu'ils ne répondent pas aux autres thérapies disponibles.
    De plus, il est possible que certains risques potentiels méritent d'être examinés de plus près alors que la conduite d'essais randomisés additionnels, avant le dépôt de la demande d'homologation, n'est pas susceptible de produire les réponses que l'on cherche, étant donné que certains de ces événements iatrogènes médicamenteux sont extrêmement rares. Ainsi un système de pharmacovigilance actif qui s'enclenche dès la mise sur le marché du produit nous permettrait de surveiller efficacement ces risques potentiels.
    Enfin, il convient également de surveiller les bienfaits d'un médicament dans un contexte post-commercialisation car, même si un médicament a été jugé efficace en fonction des résultats d'essais cliniques, ces bienfaits peuvent être bien inférieurs en situation réelle. C'est le cas des antidépresseurs, par exemple, puisque plus de 50 p. 100 des patients abandonnent leur traitement avant que le délai de six mois — la durée minimale recommandée — ne soit écoulé. Ainsi les patients sont exposés aux risques qui sont présents au début du traitement sans en connaître ses bienfaits, puisqu'il faut prendre le médicament sur une assez longue période. Encore une fois, ce n'est pas le genre d'information qu'on peut obtenir par l'entremise d'essais cliniques.
    Par contre, il existe un certain nombre d'outils, tels que les études épidémiologiques d'observation, permettant de combler les lacunes en matière d'information et de s'assurer que le bilan avantages-risques favorable du médicament se maintient. Si l'on observe des problèmes en ce qui concerne l'utilisation des médicaments ou si l'on constate que les risques sont plus élevés chez certains patients, on peut rapidement prendre des mesures afin que la fourchette des avantages et des risques soit de nouveau acceptable. De telles interventions sont qualifiées de plans d'action en vue de la minimisation des risques.
    Donc, l'actuel modèle de gestion des risques comporte différentes phases, soit la détection, l'évaluation, la minimisation et la communication.
(1125)
    Au sein de l'Union européenne, toute nouvelle demande d'homologation d'un médicament doit être accompagnée d'un plan de gestion des risques. Aux États-Unis, même s'il n'est pas obligatoire, la FDA s'attend à le recevoir. En fait, l'homologation d'un médicament peut même être retardée si le plan n'est pas jugé satisfaisant.
    Les compagnies pharmaceutiques commencent à comprendre que les conséquences économiques pour elles sont très considérables si elles n'assument pas la responsabilité de bien gérer les risques. Nous abandonnons progressivement un processus réactif en faveur d'une démarche beaucoup plus proactive qui s'appuie sur un éventail beaucoup plus large de données probantes et une plus vaste gamme d'expertise, de ressources et de méthodologies. Des études sont menées à la suite de l'homologation conditionnelle du médicament, et on refuse l'autorisation de le mettre en marché si les engagements ne sont pas respectés.
    Depuis bien des années, le Canada est un chef de file dans le domaine de la recherche pharmacoépidémiologique, grâce à une des plus fortes concentrations d'experts du monde et l'accès à des ressources inestimables, comme les bases de données sur les ordonnances et les services médicaux qui sont disponibles par l'entremise de notre régime de soins de santé publique. Mais, les études menées au Canada sont en fonction des priorités du chercheur. En l'absence d'une loi, les études en question ne sont pas menées en même temps que la commercialisation d'un médicament, afin de s'assurer que des données sur l'innocuité du médicament en situation réelle sont générées le plus rapidement possible et communiquées aux organismes de réglementation, qui peuvent ensuite réévaluer ses avantages et ses risques. En l'absence d'une loi rendant obligatoire ce genre d'études, les organismes de réglementation comme Santé Canada peuvent difficilement demander de telles études.
    Enfin, un aspect important de la gestion des risques est la communication des risques. En plus des notices d'accompagnement du produit, il faut que les données qui sont générées soient communiqués aux professionnels de la santé et aux patients dans les plus brefs délais. En outre, le processus de gestion des risques doit être transparent et ne plus s'appuyer sur une approche en cascade.
    En conclusion, le modèle actuel — comme celui utilisé au Canada — est jugé insuffisant pour optimiser les avantages et minimiser les risques des médicaments dans le contexte post-commercialisation. La gestion des risques repose à présent sur un nouveau modèle prévoyant le recours à des sources de données et méthodes complémentaires. Même si les méthodes et l'expertise nécessaires sont disponibles au Canada depuis nombreuses d'années, elles n'ont toujours pas été incorporées officiellement dans le système de réglementation des médicaments.
    De nombreuses ressources continuent d'être sous-utilisées au Canada, comme les bases de données sur les demandes de règlement, qui pourraient être utiles pour améliorer l'analyse des déclarations spontanées et évaluer les risques qui sont présent dans le contexte post-commercialisation.
    Je vous remercie.
(1130)
    Merci beaucoup.
    Il est clair que nous avons aujourd'hui un groupe d'experts exceptionnels, et nous vous remercions pour toute vos observations.
    Nous allons maintenant ouvrir la période des questions, et la parole est à M. Thibault.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous tous pour vos exposés. Je les ai trouvé très informatifs.
    Un certain nombre de thèmes semblent revenir dans tous les exposés sur le sujet. Comme nous l'a fait remarquer Mme Moride, le problème n'est pas nécessairement le manque d'information au Canada; c'est plutôt la façon de l'utiliser et de relier les différentes sources d'information. Il y a aussi la question de savoir dans quelles mesures les praticiens communiqueraient volontairement aux autorités leurs information sur les essais indésirables des médicaments — ou même sur la question plus générale de la surveillance post-commercialisation — s'ils recevaient de la part des autorités des renseignements utiles qui puissent éventuellement les aider à soigner leurs patients. Je trouve dommage que nous n'en soyons pas encore là.
    Nous essayons maintenant de déterminer si une loi est nécessaire ou non. Faut-il rendre obligatoire le signalement aux autorités des effets indésirables? Serait-ce utile? c'est une question difficile qui l'est encore plus maintenant, étant donné que la définition des effets indésirables du Dr Gowing est un peu différente de celle qu'on a utilisé jusqu'ici. On ne parle plus uniquement d'une situation où quelqu'un est transporté d'urgence à l'hôpital. On inclut aussi les cas où le patient n'a pas bénéficié du traitement médicamenteux.
    Donc, ma question s'adresse à vous tous. On nous a parlé de deux éléments de changement possibles, en dehors de l'aspect technologique. Il s'agit, d'une part, de l'homologation progressive des médicaments, ce qui veut dire que le médicament serait commercialisé en plusieurs étapes et serait homologué progressivement au fur et à mesure que les données nécessaires deviennent disponibles. L'autre élément dont on nous a beaucoup parlé est celui de l'usage non prévu des médicaments. On nous a dit qu'il faut autoriser l'usage non prévu des médicaments, étant donné notre système d'homologation des médicaments et les thérapies pour lesquelles ils peuvent éventuellement être utiles.
    Il me semble que ces deux méthodes permettraient de mettre la main sur une bonne partie des données dont vous parliez tout à l'heure, madame Moride, puisqu'on parlerait d'usages pour lesquels le médicament n'était pas nécessairement prévu au moment de l'homologation. Donc, on pourrait s'attendre à ce que les professionnels de la santé communiquent plus d'informations aux autorités s'ils avaient la certitude que ce système leur permettrait de recevoir des renseignements utiles.
    Je vous invite tous à réagir.
    On sait que la question de l'usage non prévu des médicaments est extrêmement importante. Dans le contexte actuel, le système de déclaration spontanée règle le problème de l'usage non prévu des médicaments, en ce sens que tous les événements iatrogènes médicamenteux doivent être signalés aux autorités, quelle que soit l'utilisation prévue au départ.
    Oui, mais si seulement 10 p. 100 des événements iatrogènes médicamenteux sont signalés aux autorités et les médicaments sont utilisés pour des fins qui n'étaient pas prévues au départ, on peut supposer que ce système n'est pas efficace.
    Parlez-vous du système de déclaration spontanée? Au contraire, il est très efficace parce qu'il atteint son objectif, c'est-à-dire de générer un signal. On ne voudrait pas que le système soit inondé d'information sur des événements courants qui ne sont pas graves.
    Donc, en ce qui me concerne, cet aspect du système fonctionne bien. Il vise l'ensemble de la population, mais ne permet pas de régler les autres difficultés liées à l'innocuité des médicaments. Nous avons besoin de données sur les risques et sur les populations à risque.
    La question de l'usage non prévu des médicaments fait partie de la planification de la gestion des risques. Il faut prévoir des interventions précises dès la phase deux en ce qui concerne la possibilité d'usage non prévu.
    Selon moi, l'usage non prévu des médicaments est très positif. Par exemple, l'un des médicaments que nous prescrivons pour contrôler la douleur, la gabapentine, est utilisé, dans 90 p. 100 des cas, pour des fins pour lesquelles il n'était pas prévu. L'étiquette indique que c'est un médicament utilisé pour traiter l'épilepsie, mais lorsqu'on s'en sert pour contrôler la douleur chez les cancéreux, les patients à qui l'on administre gabapentine n'ont souvent besoin que de 10 p. 100 de la quantité normale de morphine et des autres médicaments qu'ils utilisent.
    Par contre, il faut rassembler des données à ce sujet. C'est pour cette raison que, en ce qui concerne notre proposition relative aux nouveaux médicaments utilisés dans le traitement des cancers, il est préférable de ne pas faire intervenir la question de l'usage prévu ou non prévu du médicament. Par contre, il convient tout à fait de rassembler des données sur la questions, alors que ce n'est pas ce qui se fait actuellement. Nous n'apprenons absolument rien au sujet des résultats de cette pratique. Le fait est que certains usages non prévus sont en réalité bien plus intéressants que ceux pour lesquels le médicament a été conçu et étiqueté au départ.
(1135)
    Tel est justement mon propos. Nous avons entendu parler de médicaments homologués pour être utilisés chez les adultes qui sont très efficaces chez les enfants, mais qui ne sont pas homologués pour cet usage. Dans presque tous les cas, l'utilisation thérapeutique n'est pas prévue sur l'étiquette, en raison des problèmes liés aux effets cliniques, etc.
    Je me demande simplement s'il y a de bonnes communications entre les médecins et les professionnels de la santé en ce qui concerne ces utilisations non prévues. Sont-ils en mesure de connaître le potentiel de ces médicaments?
    Nous savons que les compagnies pharmaceutiques vont toujours promouvoir l'utilisation du médicament prévue sur l'étiquette, mais il leur est plus difficile de promouvoir son utilisation à d'autres fins.
    Le fait est qu'elles n'ont pas le droit de promouvoir l'usage non prévu d'un médicament. Dans le milieu de l'oncologie, comme nous ne sommes pas très nombreux, nous apprenons très rapidement ce qui marche et ce qui ne marche pas. Mais, il convient de rassembler ces données et de les diffuser plus largement, alors que ce n'est pas ce qui est fait actuellement.
    Nous avons entendu… Excusez-moi.
    Il faut aussi comprendre qu'il y a une certaine réticence à publier les données sur l'usage non prévu des médicaments, si bien que les communications entre professionnels au sujet de l'usage non prévu des médicaments sont restreintes, ce qui entrave les communications entre professionnels au sujet des usages non prévus et de leur efficacité. Mais si un tel mécanisme devait être établi, cet obstacle disparaît d'office.
    Et on aurait ainsi accès aux données.
    La semaine dernière, nous avons reçu un témoin qui laissait entendre que bon nombre de médicaments qui sont actuellement disponible sur le marché ont un faible taux d'efficacité; autrement dit, ils aident un infirme pourcentage de la population. Dans certains cas, le taux d'efficacité est de 15 p. 100, ce qui nous amènerait à conclure que le médicament n'est pas du tout utile chez 85 p. 100 des patients ou encore que ces effets positifs sont de l'ordre de seulement 15 p. 100.
    Pourriez-vous nous expliquer ce phénomène en fonction de ce que vous avez observé comme oncologue? Avez-vous observé ce phénomène?
    Dans ma pratique d'oncologie, lorsqu'on constate qu'un médicament administré à un patient n'est pas efficace, on cesse de l'administrer. C'est ce qu'exige la bonne pratique de la médecine, à mon avis. N'importe quel autre médecin vous dirait la même chose.
    Mais, si j'ai voulu comparaître devant le comité, c'est parce que j'estime qu'il faut apprendre des expériences des uns et des autres, alors que ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Pour ma part, j'inscris ces éléments d'information dans mes notes informatisées sur mes patients. Cette information est donc consignée, et elle n'est pas utilisée. C'est un terrible gaspillage.
    Il est essentiel que nous profitions des renseignements au sujet de ce qui marche et de ce qui ne marche pas. Nous pourrions en savoir beaucoup plus long sur les effets indésirables des médicaments et d'autres problèmes si nous faisions la collecte des données appropriées. Voilà pourquoi nous sommes là aujourd'hui.
    Une amélioration de 15 p. 100 du taux de survie n'est qu'une simple statistique; cela ne correspond pas à ce qui arrive en réalité. Il est possible que 85 patients n'aient pas répondu et que 15 p. 100 aient très bien répondu et sont donc en mesure de vivre exempts de maladie pendant de nombreuses années; je dirais même que c'est la règle.
    Chez les humains, la notion d'une amélioration de 15 p. 100 de la survie médiane ou moyenne des patients est un non-sens. Il faut surtout savoir qui sont ces 15 patients qui répondent bien aux médicaments et qui vivront le reste de leur vie en santé, plutôt que de traiter les autres 85 patients. C'est ça le véritable problème, et non la notion d'une amélioration de 15 p. 100 du taux de survie moyen.
    Merci pour cette précision, parce que l'information qu'on nous a fournie à ce sujet était quelque peu décourageante, du moins en ce qui concerne ma façon de l'interpréter — qui était que certains de ces médicaments sont presque inutiles même s'ils continuent d'être vendus.
    Pour moi, l'un des problèmes liés à l'évaluation de la documentation et des résultats est le fait qu'on se concentre sur le résultat obtenu dans le cadre des essais cliniques. C'est peut-être cela qui induit en erreur la population.
    En réalité, nous n'examinons, non pas des données probantes, mais ce que nous qualifions de marqueurs de substitution. Par exemple, si un médicament utilisé dans le traitement de l'hypertension permet de faire diminuer la tension artérielle, nous disons que ce médicament est efficace. Mais savons-nous réellement si l'utilisation de ce médicament va se traduire par un taux de mortalité inférieur en fin de compte.
    Voilà le genre d'information qu'on n'examine pas à l'heure actuelle. Avec ce système de surveillance post-commercialisation, nous pourrons commencer à rassembler ces données, à les analyser et à voir si, grâce aux médicaments, l'état de santé de nos patients s'améliore en fin de compte. Mais il nous manque ces renseignements sur les résultats. À moins d'avoir quelqu'un qui assume la responsabilité de cette surveillance post-commercialisation ou qui mène une étude à la quatrième phase, dans l'intention de connaître les résultats du traitement, nous ne saurons jamais si le médicament que nous administrons à nos patients va vraiment leur être bénéfique.
    D'après vous, qui devrait assumer ce rôle?
(1140)
    Il faut une multiplicité de participants, à mon avis. L'industrie a certaines responsabilités à cet égard, de même que les cliniciens. Nous nous servons de divers produits pour nos patients pour diverses raisons. Nous sommes tous des parties prenantes. Pour moi, ce n'est pas le rôle d'un groupe particulier par rapport aux autres; tous sont concernés. Mais, en fin de compte, il faut bien que quelqu'un rassemble toutes ces informations et les fournisse aux praticiens et au secteur pharmaceutique, pour que nous ayons accès à des renseignements de qualité supérieure.
    Merci. Je pense que votre temps est écoulé.
    Madame Gagnon.

[Français]

    J'aimerais revenir aux médicaments prescrits à d'autres fins que celles prévues. Quand on prescrit un médicament pour un usage non prévu à un patient, celui-ci est-il suffisamment informé des effets secondaires indésirables ou d'une certaine dangerosité? Quand on lit dans les journaux qu'un médicament a causé la mort d'une personne, on se demande comment c'est possible. Les gens entourant le patient, les parents, sont choqués et veulent souvent contester une telle utilisation du médicament.

[Traduction]

    Il incombe au médecin — en réalité, c'est une obligation légale — d'informer le patient des bienfaits et des méfaits potentiels d'un médicament. C'est la seule façon de s'assurer du consentement éclairé du patient. Il y a de nombreuses opinions juridiques sur la question. Mais, en tant que médecin praticien, je suis obligé d'informer les patients des effets possibles du médicament que je leur prescris.
    L'un des problèmes que vous évoquez est le fait que la famille peut ne pas être au courant. Dans ma pratique, j'essaie de faire participer la famille, mais cela présente un problème au niveau du devoir de confidentialité du médecin envers son patient. Le patient peut ne pas vouloir que la famille soit informée, et à ce moment-là, j'ai l'obligation de ne pas l'informer. Par contre, j'ai l'entière obligation de dire au patient ce à quoi il peut s'attendre par rapport à tout acte médical, y compris l'administration d'un médicament.

[Français]

    Je suis très contente que vous parliez de cela parce que maintenant, il est clairement démontré qu'en donnant de l'information au patient, il est forcément plus impliqué dans le suivi de son traitement. C'est le principe de la prise en charge de soi du patient, et il est très clair que les patients, surtout après la couverture médiatique des dernières années, demandent beaucoup plus d'information. D'ailleurs, on a constaté que les notifications spontanées des médecins sont souvent faites à la suite de la visite d'un patient qui va voir son médecin en se plaignant d'effets indésirables. C'est ce qui incite le médecin à déclarer cet événement.
    Il est donc très important que le patient soit informé. Évidemment, dans un cabinet médical, le médecin n'a pas le temps de donner toute l'information. C'est ce qui s'est passé dans le cas des antidépresseurs. On a donc besoin de programmes supplémentaires pour fournir aux patients ce genre d'information.
    D'ailleurs, en ce qui concerne les antidépresseurs, je me souviens qu'il y a quelques années, les patients ne savaient pas que ça prenait une période de désensibilisation avant d'interrompre le traitement, qu'on ne pouvait pas arrêter subitement de prendre des antidépresseurs. Ça peut même conduire au suicide parce que le patient se sent très mal, ça a des effets psychologiques et sur l'équilibre mental. Peu de médecins le disaient à leurs patients. Ça aussi, ça a fait la une des journaux et c'est de cette façon qu'on a appris que certains patients éprouvaient des effets plus qu'indésirables, qui pouvaient même causer leur mort.
    J'aimerais revenir au docteur Gowing, qui nous dit colliger beaucoup d'information, avoir beaucoup de données sur les effets indésirables des médicaments qui, finalement, ne circulent pas. On semble avoir mis en place plusieurs façons de transmettre de l'information pour que l'ensemble des effets indésirables de différents médicaments soit connu. Je suis un peu étonnée d'entendre ça parce qu'on dit toujours que ce sont les praticiens, souvent dans le domaine professionnel, qui envoient le plus d'information à Santé Canada par l'entremise des différentes banques de données, entre autres MedEffet, mais il y a aussi le Réseau canadien de la santé qui collige certaines informations.
    Pouvez-vous nous suggérer une manière de procéder pour que ce soit plus efficace, car l'information ne semble pas circuler et c'est ce qu'on souhaiterait?
(1145)

[Traduction]

    À mon avis, il faut surtout voir à rassembler et à diffuser de façon appropriée l'ensemble des renseignements sur les soins de santé. On peut dire que le secteur de la gestion des soins de santé a 10 ans de retard, par rapport aux autres composantes du système, en ce qui concerne l'utilisation des technologies de l'information. Je ne peux pas vraiment vous dire pourquoi c'est le cas, mais il semble étrange que je puisse sortir de l'argent de mon compte en banque dans la jungle en utilisant une carte à puce, alors que je ne peux pas me renseigner sur l'état d'un patient qui a été examiné par un médecin dans la localité d'à côté. On peut dire qu'il y a quelque chose qui ne va pas en ce qui concerne notre système.
    Ce n'est pas ce qui m'a amené devant vous aujourd'hui, puisque nous discutons de la surveillance post-commercialisation des médicaments, mais c'est un problème de taille sur lequel vous venez de mettre le doigt. Malheureusement, je n'ai pas de solution à proposer.
    J'ai deux fils qui sont informaticiens. Peut-être pourraient-ils vous répondre mieux que moi.

[Français]

    C'est vrai qu'il y a les essais cliniques avant la commercialisation, mais on voudrait être plus vigilants. L'un des buts du comité est d'accroître la pharmacovigilance. Donc, il faut aussi connaître les détails de ce qui se produit à la suite de la prise de médicaments, quand le produit est sur le marché. Vous êtes des acteurs très importants, au même titre que les patients, pour livrer toute cette information afin que les gens sachent mieux à quoi s'attendre d'un médicament. Bien souvent, les essais sont peut-être écourtés, dans le cas de certains médicaments; je pense au Gardasil, qui aurait provoqué des morts en Europe et aux États-Unis. Présentement, il est sur le marché mais il faut continuer à se montrer vigilants.
    C'est le principe aussi de la pharmacovigilance active. Par exemple, on peut faire appel à des réseaux de médecins sentinelles quand il y a de nouveaux produits, justement. On peut aller voir des spécialistes susceptibles de prendre en charge ce type de patients et rechercher activement les notifications plutôt que de faire appel au système passif.
    Mais, pensez-vous que les...

[Traduction]

    Votre temps est écoulé, madame Gagnon.
    Madame Wasylycia-Leis.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous tous pour vos exposés.
    Je voudrais aborder brièvement la question de l'usage non prévu des médicaments, de même qu'une situation qui me semble problématique, à savoir la participation de l'industrie pharmaceutique à toutes les activités de surveillance post-commercialisation des médicaments.
    Certaines préoccupations ont été exprimées au sujet de la nouvelle orientation du gouvernement en matière de gestion des risques et d'homologation progressive des médicaments, notamment par rapport à l'usage non prévu des médicaments. On craint effectivement que de nouvelles utilisations de médicaments déjà homologués soient autorisées sans que la compagnie pharmaceutique soit obligée de passer par le processus rigoureux d'essais cliniques et les mesures de contrôle ou d'avoir à divulguer toutes les données pertinentes avant de pouvoir faire autoriser un médicament déjà homologué pour de nouveaux usages.
    Est-ce qu'il n'y en a pas parmi vous qui y voit un problème?
    C'est un problème majeur, notamment lorsqu'il s'agit de médicaments qui sont sur le marché depuis plusieurs années. La majorité de ces médicaments ne sont même plus disponibles par l'entremise de la compagnie qui a créé la molécule. L'exemple qui me vient à l'esprit est celui de l'aspirine. C'est un médicament qui existe depuis très longtemps, mais l'usage qu'on en fait actuellement est complètement différent de celui pour lequel il a été conçu il y a bien des années.
    À ce moment-là, il s'agit de savoir qui est responsable des essais cliniques, qui doit mener les recherches, et d'où proviendront les fonds permettant de financer les recherches. Donc, c'est certainement un problème.
    S'agissant des nouveaux médicaments, selon moi, ces derniers devraient être visés par le processus d'homologation progressive. Comme le disait mon collègue, si au départ, lors des essais qui se déroulent à la deuxième phase, on laisse entendre qu'il y aurait d'autres usages du médicament qui devraient être envisagés, il faut absolument que tout cela soit consigné dans le plan de suivi du produit, pour qu'on continue à l'évaluer.
(1150)
    Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, l'historique des indications thérapeutiques des médicaments démontre qu'une fois qu'un produit se trouve sur le marché, les praticiens constatent qu'il marche bien non seulement pour l'usage prévu au départ, mais pour toutes sortes d'autres usages dont les conséquences étaient tout à fait imprévues. Donc, il n'est pas toujours possible de prévoir quelles autres utilisations du produit devraient faire partie du plan post-commercialisation. Voilà la bonne nouvelle.
    La mauvaise nouvelle, comme vous venez de le dire, est la possibilité que cela se produise où il n'y a pas de restrictions et qu'aucun plan ne soit prévu à ce sujet, si bien qu'il convient d'en arriver à un juste équilibre entre ces deux extrêmes. Je n'aimerais pas qu'on interdise l'usage non prévue de médicaments, surtout que — et cela répond à une autre question qui a été posée — bon nombre de ces autres indications thérapeutiques concernent des maladies rares ou des affections peu courantes, alors que des essais cliniques ne seraient pas normalement menés en vue de ces usages potentiels. Ou alors ces essais seraient trop longs ou trop coûteux, et il faudrait éviter d'empêcher l'utilisation des médicaments concernés pour d'autres fins si l'on découvrait tout d'un coup qu'ils étaient efficaces dans ce contexte. En conséquence, il s'agit d'établir un juste équilibre entre les deux dans la loi et dans le traitement de cette question.
    Je comprends qu'il faut en arriver à un juste équilibre. Mais, ce qui m'inquiète, c'est que tout le processus d'homologation des médicaments est fortement influencé par les fabricants des médicaments de marque. Je veux m'assurer que nous en arrivions à des recommandations qui nous protègent contre ce genre de choses. Donc, je voudrais que vous tous m'indiquiez comment nous pouvons y parvenir. Quel est le meilleur moyen d'atteindre cet objectif?
    Je voudrais surtout entendre les représentants de la Cancer Advocacy Coalition of Canada à ce sujet, puisque cet organisme est fortement financé par les compagnies pharmaceutiques. Je ne crois pas me tromper en disant qu'à peu près toutes les compagnies pharmaceutiques implantées dans l'hémisphère occidental ont fait des dons à votre organisme.
    S'agissant du Comité consultatif d'experts sur la vigilance des produits de santé, je ne sais pas si c'est le cas de votre comité, mais les membres de certains comités consultatifs mis sur pied par Santé Canada nous ont fait savoir que des représentants de l'industrie siègent à ces comités-là. Comment donc s'assurer que, si nous optons pour ce modèle de gestion des risques et ce système d'homologation progressive, nous aurons la garantie de recevoir des opinions impartiales et de pouvoir contrôler l'ensemble du processus, à chacune des étapes?
    Voilà ce qui intéresse les Canadiens, à mon avis et nous nous interrogeons donc sur l'opportunité d'un conseil ou organe indépendant qui serait chargé d'évaluer l'innocuité des médicaments d'ordonnance. Nous nous sommes demandé s'il ne faudrait pas que le site Web du gouvernement comprenne une liste exhaustive de tous les médicaments qui ont été homologués, de même que ceux qui n'ont pas été homologués. Nous nous demandons dans quelle mesure il conviendrait de prévoir l'examen complet de l'ensemble des données des essais cliniques qui ont influencé la décision et de mettre ces dernières à la disposition du milieu universitaire.
    Voilà donc quelques idées qu'on pourrait éventuellement explorer. Y en a-t-il parmi vous…
    Madame Wasylycia-Leis, je voulais simplement vous dire qu'il ne vous reste plus que deux minutes pour obtenir la réponse.
    Qui voudrait répondre à la question de Mme Wasylycia-Leis?
    Je voudrais réagir à l'un des points que vous venez de soulever.
    La Cancer Advocacy Coalition of Canada reçoit des subventions de la part des compagnies pharmaceutiques qui ne font l'objet d'aucune restriction. Nous leur fournissons une liste des activités que nous avons prévues, et elles peuvent ou non décider de faire un don. Comme vous le constaterez en lisant le bulletin de cette année, seulement deux articles sur 10 concernaient les médicaments, car notre sphère d'activité est beaucoup plus large que cela.
    Ceci dit, il convient de dire, à la décharge des compagnies pharmaceutiques, que tout ce qu'elles font n'est pas nécessairement mauvais. Elles ont leurs intérêts à défendre, et nous vivons dans une société capitaliste, après tout. Si elles n'existaient pas, nous n'aurions pas de médicaments. Donc, je trouve injuste de leur prêter des intentions qui seraient contraires à la déontologie.
    Ceci dit, je suis d'accord avec vous. Il faut un organe indépendant pour assurer cette surveillance, mais pour qu'une telle initiative réussisse, il faudra aller chercher les données saisies dans des systèmes électroniques qui consignent les renseignements inscrits dans les dossiers médicaux des patients d'un bout à l'autre du Canada, notamment en ce qui concerne les médicaments utilisés dans le traitement des cancers. Cette information existe; il s'agit simplement de la récupérer pour des fins de surveillance et pour régler les problèmes que vous avez soulevés.
    Plusieurs points ont été soulevés, et je ne pense pas pouvoir aborder chacun d'entre eux; mais, le premier concernait les nouvelles indications thérapeutiques. Vous disiez qu'il est possible que ces nouvelles indications thérapeutiques soient évaluées trop rapidement en vertu du système actuel.
    Ce que j'ai observé jusqu'ici — et là je me fonde sur mon expérience au sein d'autres organismes internationaux — c'est que les évaluateurs s'attendent à la même rigueur en ce qui concerne les données des essais cliniques. Il faut savoir également que les plans de gestion des risques post-commercialisation comprennent à la fois les nouvelles et les anciennes indications thérapeutiques. Donc, les compagnies pharmaceutiques doivent être sûres de vouloir vraiment faire homologuer les nouvelles indications, étant donné que les ramifications sont très importantes au niveau du contrôle de l'innocuité des médicaments.
(1155)
    Merci, madame Moride.
    La parole est maintenant à M. Tilson.
    Merci, madame la présidente.
    J'essaie de voir quels sont les problèmes les plus importants, parmi ceux que vous avez soulevés. Il est évident que vous êtes tous d'accord pour dire qu'il faut améliorer le système actuel; il faut essentiellement l'élargir.
    Les questions que j'aimerais vous poser vous ont peut-être déjà été posées sous une autre forme par certains de mes collègues. Mais, j'ai plusieurs questions. Qui devrait se charger de ce travail? Le gouvernement? Santé Canada devrait-il assumer l'entière responsabilité de toutes ces activités? Faudrait-il privatiser cette activité? L'un d'entre vous devrait-il s'en charger?
    Je vous dis cela avec un pétillement dans les yeux. Convient-il qu'une instance autre que le gouvernement s'en charge, ou faudrait-il qu'il existe un partenariat pour mener à bien l'ensemble de ces activités?
    À qui adressez-vous votre question, monsieur Tilson?
    À tous les témoins.
    Vous avez aussi parlé de la protection des renseignements personnels. Supposons que cette tâche soit confiée à une instance autre que le gouvernement. Y a-t-il des questions de protection des renseignements personnels auxquelles il faut être sensible? Personnellement, je n'en sais rien. Et, enfin, y en a-t-il parmi vous qui savent combien tout cela va nous coûter?
    Commençons par la professeure.
    Entre le fait de savoir qui devrait s'en charger et qui devrait payer, il y a une nuance. À l'heure actuelle, d'après l'évolution que nous avons observée, les organismes de réglementation établissent dès le départ un service de gestion des risques au moment de négocier un plan avec les compagnies, et ensuite, les deux parties s'entendent sur la nécessité de mener telle ou telle autre étude.
    Mais, il faut contrôler la façon dont s'effectue l'étude parce qu'il convient de s'assurer que cette étude va permettre d'obtenir des données de grande qualité. Ce que nous avons vu ailleurs, et ce qui pourrait tout à fait convenir à la situation canadienne, ce serait l'établissement d'un réseau de centres d'excellence en pharmacoépidémiologie, par exemple, ou en études d'observation. À mon avis, ce genre de choses est déjà prévu. Certes, les études pourraient être menées par le biais de ce réseau tout en étant financées par les compagnies, et nous avons justement observé l'implantation de ce modèle aux États-Unis et au sein de l'Union européenne.
    Professeure, j'ai l'impression que vous avez examiné la situation dans d'autres pays. Avez-vous une idée du coût éventuel d'un tel système pour Santé Canada? Je suppose que vous allez me dire: « C'est le gouvernement qui devrait tout payer ».
    En fait, non. C'est ça la différence. Le modèle que les États-Unis envisagent d'appliquer prévoit des frais modérateurs pour l'évaluation des plans, simplement pour administrer les services de gestion des risques des organismes de réglementation, alors que les études individuelles sont payées par l'industrie en vertu des engagements pris par cette dernière. Sinon, la demande d'homologation est refusée.
    Mais, comment pouvons-nous être sûrs que l'industrie va nous communiquer les informations recherchées? À l'heure actuelle, l'industrie est tenue de faire des déclarations. Il n'y a qu'elle qui soit obligée de le faire, alors qu'il est question maintenant de faire participer les hôpitaux; il reste que ni les médecins, ni les pharmaciens ne sont tenus de le faire. Donc, comment peut-on vraiment savoir ce qui se passe? Mettons qu'un médecin remplisse une déclaration et l'envoie en bonne et due forme aux autorités. Comment pouvons-nous être sûrs que cela donne quelque chose?
    Mais c'est justement ça le système actuel — c'est-à-dire, la pharmacovigilance passive.
    Selon l'évolution actuelle, au lieu de dépendre d'un système passif de déclaration spontanée, nous allons introduire de nouveaux outils, tels que les registres, les études épidémiologiques, les études de bases de données, la surveillance active et le contrôle des événements iatrogènes médicamenteux. Aucune de ces activités ne s'appuie sur le système des déclarations spontanées.
    Y en a-t-il d'autres qui voudraient intervenir?
(1200)
    Pour ce qui est du coût, j'avoue que ce n'est pas ma spécialité, mais je me dis que le coût ne devrait pas être si élevé. Si on suppose qu'il faut un écran d'ordinateur pour saisir toutes les données, de façon à ce qu'elles puissent être rassemblées par voie électronique, on peut imaginer que la mise sur pied du programme représenterait la dépense la plus importante. Je n'en ai aucune idée, mais j'ai l'impression que les analyses — notamment en ce qui concerne les médicaments utilisés dans le traitement des cancers — pourraient éventuellement être effectuées par l'Institut national du cancer et d'autres organismes universitaires de ce genre.
    Il s'agit surtout de faire en sorte que les données soient disponibles. Il y aura certainement des frais de démarrage à supporter pour mettre en place les systèmes électroniques, mais une fois qu'ils seront établis… Comme je l'ai dit dans mon exposé, si vous demandez à des médecins comme moi et mes collègues de remplir un formulaire de 18 pages, c'est fini: nous n'allons pas le faire. Par contre, les moyens technologiques permettant de rassembler toutes ces données existent déjà et, à mon avis, on peut s'en prévaloir à peu de frais.
    Madame Hyland, souhaitez-vous intervenir?
    Oui, et merci pour cette question.
    À mon avis, l'approche adoptée par Santé Canada en ce qui concerne la collaboration avec ces partenaires et la coordination des efforts des différents groupes qui s'intéressent à l'innocuité des médicaments et à la pharmacovigilance est tout à fait appropriée, et je pense qu'il mérite d'être félicité. Comme nous l'avons déjà vu, il existe des ensembles de renseignements dans différentes bases de données, et on peut en coordonner la production. On nous a parlé de bases de données sur les demandes de règlement, des rapports des bureaux du coroner et il y a aussi les centres antipoison; donc, nous savons qu'il y aura toujours des ensembles de données que nous pouvons analyser différemment et coordonner du point de vue des extrants. Je crois savoir que Santé Canada envisage de regrouper les diverses bases de données pour que nous en profitions tous.
    Pour ce qui est de la protection des renseignements personnels et de la transparence, je pense, là aussi, qu'il convient de féliciter Santé Canada pour les efforts qu'il a déployés afin de mettre en ligne les déclarations au sujet des événements iatrogènes médicamenteux. Il est vrai que le ministère envisage d'améliorer la base de données et la facilité de recherche de cette information; il reste que ces données sont maintenant disponibles en ligne, et qu'il s'agit d'un système transparent. La transparence est tout à fait indiquée; en ce qui concerne les lois sur la protection des renseignements personnels, il sera toujours possible de partager les informations, à condition qu'elles soient anonymisées et factuelles. Il y a en effet moyen d'échanger des renseignements importants de façon transparente tout en respectant les conditions des lois sur la protection des renseignements personnels et le secret professionnel.
    Comme d'autres l'ont déjà dit, nous progressons bien, et il faut surtout privilégier la collaboration.
    Merci, madame Hyland, pour vos réponses très intéressantes.
    Je suis désolée de vous interrompre, mais nous n'avons plus de temps. Je m'en excuse.
    Nous allons maintenant ouvrir le deuxième tout de questions, et je me permets de rappeler aux membres qu'il s'agit d'un tour de cinq minutes. La première intervenante sera Mme Kadis.
    Mme Kadis n'est pas là? Dans ce cas, y en a-t-il d'autres qui voudraient commencer?
    Docteur Bennett, voulez-vous commencer?
    Bien souvent les membres du comité voudraient savoir en réalité ce que vous diriez si vous deviez rédiger le rapport. Autrement dit, quelles recommandations aimeriez-vous y voir qui nous faciliteraient la tâche, et qui vous permettent de dire que le comité a tout compris — à savoir, qu'il faut telle infrastructure et que le gouvernement fédéral devrait assumer tel rôle pour bien coordonner l'action des provinces, de l'industrie et des cliniciens? À votre avis, comment pourrait fonctionner un tel système? En existe-t-il ailleurs qui donnent de bons résultats?
    Je dirais, pour répondre à la question du dernier intervenant, qu'il faut surtout une approche très pratique.
    Ce n'est jamais le coût qui prime; il s'agit plutôt de savoir si vous voulez vraiment agir et dans quelle mesure vous voulez le faire. Si vous aviez mené une étude pilote des médicaments chers utilisés dans le traitement des cancers depuis deux ans, afin de savoir comment les grands centres anticancéreux se servent de ces médicaments, compte tenu des événements iatrogènes médicamenteux et de leur efficacité, et si vous aviez appris des choses grâce à cette étude pilote, vous auriez déjà fait des progrès importants pour ce qui est du rôle de ces médicaments coûteux mais efficaces qui sont utilisés dans le traitement des cancers.
    Je voudrais ajouter quelque chose.
    L'une des recommandations qui ont été faites par le Comité consultatif d'experts à notre dernière réunion correspondait en tous points à ce qui vient d'être dit. En d'autres termes, nous disions qu'au lieu d'opter pour une action de grande envergure, il conviendrait mieux de travailler à petite échelle au début, histoire de cerner les problèmes et de voir ce qui marche et ce qui ne marche pas. Nous n'avions pas vraiment…
    Nous n'entrons pas dans les détails; nous nous contentons de faire des recommandations générales sur les éléments de la politique, mais nous étions d'avis que, pour que ce soit aussi efficient et efficace que possible, il fallait éviter de tout faire en même temps, car chaque aspect des soins médicaux est tellement complexe et tellement axé sur les besoins précis du patient. Si vous ciblez un petit groupe, vous pourrez au moins cerner les problèmes qui vous empêchent d'en arriver à une solution plus globale.
(1205)
    Mais, je pensais justement que c'était ça le rôle des organismes de lutte contre le cancer au Canada. Que font donc ces organismes et qu'est-il advenu de la stratégie anticancer, s'il s'avère que nous ne cherchons pas à suivre en permanence les médicaments qui marchent et ceux qui ne marchent pas?
    Pour moi, la stratégie n'a rien à voir avec cela, étant donné le mandat qui la sous-tend.
    Mais, pour répondre à votre question, le programme précis dont nous vous parlons n'existe pas pour le moment, mais il pourrait facilement être exécuté. Toutes les provinces de l'Ouest possèdent à présent des systèmes de données électroniques qu'on pourrait facilement interroger — pour répondre à une question précédente — de façon à isoler les données pertinentes pour que l'on puisse immédiatement connaître les effets indésirables des médicaments et savoir quels patients ont bien réagi. Ce ne serait vraiment pas difficile à accomplir dans les provinces de l'Ouest.
    Par contre, pour les provinces qui n'ont pas d'agences de lutte contre le cancer ou qui ne possèdent pas des systèmes de données électroniques, ce ne serait pas facile. Mais, comme je le disais tout à l'heure, à petite échelle — c'est-à-dire, si vous commencez par faire une étude pilote sur ces médicaments très coûteux utilisés pour le traitement des cancers en isolant les informations que renferment les divers systèmes de données électroniques, vous aurez l'occasion de voir ce que cela vaut.
    Très bien.
    Madame Hyland, voulez-vous intervenir?
    En ce qui concerne votre rapport et vos recommandations, ce que souhaite notre organisme, c'est que là où il existe des bases de données de déclarations au sujet des préjudices causés par les médicaments qu'il est possible d'éviter ce serait qu'on adopte une méthode d'analyse qui tienne compte des préoccupations des praticiens, de la signification clinique des résultats, des problèmes systémiques et du potentiel d'éventuelles mesures de prévention, parce qu'il y a deux façons différentes d'analyser les informations que nous recevons au sujet des événements iatrogènes médicamenteux.
    Ma recommandation serait de reconnaître que les Canadiens méritent mieux et qu'il faut à présent envisager d'élaborer des lignes directrices. Il conviendrait de commencer par élaborer des lignes directrices et de proposer ensuite des mesures législatives permettant de contrôler efficacement l'innocuité des médicaments dans le contexte post-commercialisation.
    Il vous reste environ 50 secondes, docteur Bennett.
    J'insiste simplement sur le fait qu'il n'y a pas que les effets indésirables qui nous intéressent; nous voulons aussi savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas, et s'il n'y a pas une autre formule qui donnerait de meilleurs résultats.
    Un témoin: Vous avez parfaitement raison. Il s'agit du profil avantages-risques…
    Selon moi, le fait de parler constamment d'effets indésirables entraîne de la confusion car, en réalité, nous voulons savoir de façon générale ce qui existe et ce qui est économique — autrement dit, le bilan avantages-risques; c'est tout à fait ça.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Mme Davidson.
    Je voudrais remercier les témoins pour leur présence parmi nous ce matin. On dirait que nous tournons un petit peu en rond dans cette discussion au sujet de la surveillance post-commercialisation, surtout que nous entendons toutes sortes de choses différentes.
    Ma première question est celle-ci: qui devrait être chargé de définir les effets indésirables? Il existe différentes définitions du phénomène.
    Y en a-t-il parmi vous qui voudraient répondre? Et, d'après vous, quelle définition devrait être retenue?
    Pour moi, les effets négatifs sont tous des effets indésirables. Voilà pourquoi j'inclus l'inefficacité d'un médicament comme effet indésirable. Tout effet non recherché est un effet indésirable. C'est ainsi que je définirais ce terme.
    Pour moi, il y a deux catégories: les effets connus et inconnus. Par le passé, nous avons toujours pensé que les effets indésirables correspondaient à des réactions imprévues qui pouvaient surgir dans un contexte d'utilisation chronique et qu'on n'aurait pas pu prévoir en se fondant sur les études initiales. Voilà pour la première catégorie.
    Mais, la catégorie la plus importante, dans l'optique du médecin, est celle des effets indésirables auxquels on peut s'attendre d'après les résultats des études initiales — effets qui peuvent se manifester si vous dépassez une certaine dose.
    Mais, Jim a raison de dire qu'un autre effet indésirable est l'absence de réponse chez le patient. Donc, les trois catégories sont les suivantes: les effets indésirables connus, les effets indésirables inconnus et inattendus, et l'absence de réponse chez le patient.
    Les autres sont-ils d'accord pour dire que ces trois éléments devraient être compris?
    Oui. Je voudrais simplement ajouter que vous avez raison: la définition est très importante. Les études et les programmes de déclaration s'appuient effectivement sur des définitions différentes. Donc, il faut surtout retenir que, quel que soit le programme de déclaration, il faut une définition claire des éléments d'information qui doivent être consignés sur la déclaration, des personnes qui sont censées faire des déclarations et de la manière dont les données vont être analysées.
    Il est vrai qu'il existe différentes définitions, et la clarté de la définition revêt une très grande importance pour le succès des programmes de déclaration.
    Par exemple, y a-t-il une différence entre le programme de déclaration des incidents critiques en Saskatchewan et le programme de déclaration des effets indésirables des médicaments à Santé Canada? Dans l'affirmative, quelles sont ces nuances et ces différences? Comment peut-on donc normaliser les informations pour que les données émanant des différents programmes de déclaration puissent être rassemblées?
(1210)
    Est-ce que cela passe par Santé Canada?
    Eh bien, c'est Santé Canada qui a mis sur pied le programme MedEffet qui est justement un programme de déclaration des effets indésirables des médicaments. Il existe une définition réglementaire du terme « effet indésirable ». En même temps, le programme accepte qu'on déclare des effets indésirables qui vont éventuellement au-delà de la définition réglementaire.
    Donc, c'est possible d'examiner toutes ces données de diverses façons.
    J'adresse cette question à qui voudrait répondre. Nous avons parlé longuement des avantages d'un système de déclaration obligatoire, par opposition à un système facultatif, et de qui devrait relever la responsabilité de faire ces déclarations. Je pense que nous avons exploré en long et en large qui participe et qui ne participe pas.
    Selon vous, qui devrait faire ces déclarations, et faudrait-il que ce soit obligatoire?
    J'aimerais répondre, si vous permettez.
    Quand il a d'abord été question d'un système obligatoire de déclaration des événements iatrogènes médicamenteux auquel participeraient tous les professionnels de la santé, ma première réaction était négative, que cela créerait peut-être plus de bruit que de données de grande qualité. Je craignais que nous finissions par avoir trop d'éléments d'information ou éventuellement des éléments qui n'apportent peut-être rien par rapport aux connaissances actuelles. Par contre, l'une des observations faites lors de notre dernière réunion concernait le fait que lorsqu'on prescrit certaines activités, on fait savoir aux gens qu'elle est importante, et en ce qui nous concerne, cette activité est importante. Donc, dans cette optique-là, je peux dire que je suis tout à fait favorable à l'idée de rendre obligatoire la déclaration des effets indésirables.
    Par contre, nous voulons nous assurer que les déclarations que nous allons recevoir sont bel et bien celles qu'on veut recevoir.
    Mais comment peut-on s'assurer de ne pas s'enliser dans un véritable cauchemar bureaucratique?
    Voilà justement qui va être difficile. De plus, il faudra rééduquer les gens. Les fournisseurs de soins et les gens qui travaillent dans le secteur depuis de dizaines d'années n'ont jamais appris à déclarer aux autorités les effets indésirables des médicaments. Nous savions bien que cela s'inscrivait dans notre examen du patient, qu'on parle d'un manque d'efficacité ou d'un événement iatrogène médicamenteux. Nous savions que ce risque est toujours présent dès lors qu'on parle d'un traitement médicamenteux, mais l'étape suivante — c'est-à-dire, de transmettre ces renseignements à un organe officiel, quel qu'il soit — n'a jamais fait partie de nos méthodes de travail.
    À mon sens, il faut penser cette façon de faire, retourner aux universités et apprendre aux étudiants à faire cela. Il faut absolument que cela fasse partie intégrante du stage pratique. Nous avons été négligents sur ce plan-là.
    Il y a évidemment un certain nombre de personnes qui ont déjà eu à mener des essais cliniques. Elles ont donc les connaissances et les capacités requises. Elles font ça régulièrement, puisque cela fait partie intégrante d'un essai clinique. Mais la grande majorité des praticiens ne sont pas mêlés à ce genre d'activité. Il faut que cela fasse partie de leur routine quotidienne. Si les praticiens du pays dans son ensemble pouvaient transmettre cette information aux autorités par voie électronique, nous serions à même de recueillir une vaste gamme de données, que quelqu'un devrait ensuite analyser, évidemment, pour que cela puisse aider les praticiens.
    Merci, madame Brideau-Laughlin.
    La parole est maintenant à M. Malo.

[Français]

    Professeur Moride, y a-t-il, parmi toutes les expériences qui sont faites à l'échelle internationale, un pays dont on pourrait s'inspirer? Peut-être connaissez-vous une législation qui correspondrait à ce que vous aimeriez voir adopter ici?
    On en est encore au tout début, même dans les pays où le concept de la gestion du risque a été introduit. Ça remonte seulement à 2005 aux États-Unis, et en 2007, les derniers guidelines finaux ont été établis en Europe. Évidemment, ce qu'on pourrait dire, c'est qu'au Canada il y a 10 provinces culturellement différentes, en ce sens que les procédures de minimisation des risques diffèrent probablement d'une province à l'autre. C'est donc un défi. Par contre, en Europe, il y a quand même 27 pays, et eux aussi doivent faire face à ce genre de situation. Alors, y a-t-il un pays en particulier où la situation ressemble à celle du Canada? Je crois que le concept du risque en tant que tel n'est pas un enjeu global. Le Canada doit demander des mesures qui diffèrent probablement de celles en place dans d'autres pays.
    J'essaie de faire un lien correct entre deux informations qui nous ont été fournies. Tout d'abord, un peu plus tôt, vous disiez qu'en ce qui concerne les antidépresseurs, souvent le traitement ne fonctionne pas car il est interrompu avant une période de six mois. Par ailleurs, dans les notes préparées par nos recherchistes, Santé Canada dit que chez les patients souffrant de dépression modérée, les médicaments n'ont pas d'effet, que leur effet se compare à celui des placébos. Je me demande, lorsque des informations semblent contradictoires à première vue, si c'est parce qu'on ne fait pas assez d'études en situation réelle ou parce que, au fond, chaque groupe d'individus est complètement différent. La semaine dernière on recevait des médecins. Ils nous ont dit que parmi les effets indésirables des médicaments, il pouvait s'en trouver qui soient totalement contraires, comme la somnolence et l'insomnie, la constipation et la diarrhée. Dans le fond, on pourrait mener toutes les études qu'on veut, au bout du compte, on se retrouverait avec des individus différents, donc ayant des effets indésirables différents selon chacun.
(1215)
    Ça résume exactement le problème. Quand on a des données qui proviennent uniquement des essais cliniques, on a des groupes de patients très restreints. En pratique réelle, on parle plutôt de sous-groupes de patients qui ne vont pas tous réagir de la même façon. On n'est pas capables de fouiller les subtilités et les petits détails uniquement à partir des résultats de recherches cliniques. Donc, c'est pour ça que c'est très important d'avoir cette quantité d'information en condition réelle ou en situation observationnelle. Maintenant, les données dont vous faites état doivent, je pense, être interprétées avec précaution, parce qu'il faut comparer des pommes avec des pommes. En fait, ce ne sont pas tout à fait les mêmes concepts auxquels je faisais référence.
    Donc, le citoyen ordinaire qui reçoit ces informations peut, lui aussi, s'y perdre facilement.
    Oui, absolument. On a besoin de meilleurs systèmes de communication. Il ne faut pas attendre que ça soit repris dans les journaux et que ça devienne sensationnaliste. C'est un gros effet pervers de la surveillance des risques. Il faut que les gens soient très bien informés, de façon adéquate.
    Qui doit mener les études en sous-groupes? Qui doit avoir la responsabilité de mener ces études?
    On parlait justement de ça tout à l'heure. Il faut faire la différence entre qui doit payer pour ces études et qui doit les mener, parce que le but principal est de mener des études qui soient valides, avec la meilleure expertise possible. Il y a donc plusieurs modèles, des centres d'excellence en pharmaco-épidémiologie, par exemple, qui mèneraient des études financées par ceux qui détiennent les produits, c'est-à-dire les compagnies pharmaceutiques. Ce serait souhaitable.
    Je me tourne vers les médecins. Messieurs, observez-vous chez vos patients des effets complètement contraires d'un patient à l'autre, comme je le disais tout à l'heure, des effets extrêmement différents chez deux patients qui reçoivent un traitement identique?

[Traduction]

    Docteur Hryniuk.
    Oui. En fait, je pourrais vous citer l'exemple d'un médicament qu'on donnait aux cancéreux afin de relever le niveau d'hémoglobine et d'atténuer ainsi l'anémie causée par la chimiothérapie, sans avoir à recourir à une transfusion, mais il a été constaté par la suite que ce médicament qui améliore la qualité du sang fait également grossir le cancer plus rapidement. C'est la raison pour laquelle on peut décider de retirer un médicament ou d'apposer un avertissement « boîte noire » sur le paquet.
    Merci beaucoup, docteur Hryniuk.
    La parole est maintenant à M. Fletcher.
    Madame la présidente, je vais céder mon temps de parole à Patrick Brown. J'aurai mon tour après lui.
    Très bien.
    Monsieur Brown, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente. Je pensais bien que c'était cet ordre-là qui était prévu, mais j'ai l'impression qu'on s'est un peu embrouillé à un moment donné.
    J'ai deux ou trois questions à poser. Je vais vous les poser tout d'un coup, et vous pourrez ensuite répondre si vous le souhaitez.
    J'ai déjà posé cette question à d'autres témoins experts qui nous conseillaient sur l'utilisation des nouvelles technologies et leur rôle dans ce contexte. On nous a justement parlé d'un appareil électronique portatif qui permettrait d'accéder en temps réel aux bulletins actualisés de Santé Canada. Les représentants de l'Association médicale canadienne nous ont dit que ces bulletins sont parfois envoyés par la poste ou par télécopieur, si bien qu'il peut s'écouler pas mal de temps avant qu'on les reçoive. Je voudrais donc savoir si vous avez des suggestions à faire à ce sujet.
    Un autre témoin, Terence Young, qui représentait un groupe de défense des victimes nous a parlé de la nécessité d'assurer un meilleur échange de données internationales et il était d'avis que si une compagnie pharmaceutique mène une étude, il conviendrait que cette dernière communique les résultats de cette étude à Santé Canada dans un délai de 48 heures. Si ces compagnies fabriquent des produits pharmaceutiques au Canada, elles devraient également être tenues de lui communiquer les résultats d'études menées à l'étranger. Je voudrais savoir ce que vous en pensez et si vous estimez ou non que ce serait utile.
    Je vous invite également à commenter la liste Beers. On nous a expliqué ici en comité qu'on rassemble des renseignements sur l'effet d'un produit pharmaceutique particulier sur une certaine catégorie de personnes — en l'occurrence, les personnes âgées. Est-ce que Santé Canada devrait avoir la possibilité d'établir d'autres listes, et est-ce un rôle approprié pour le gouvernement fédéral? Devrait-il y avoir une liste de médicaments qui peuvent susciter des effets indésirables chez les femmes ou les enfants, un peu comme cette liste Beers?
(1220)
    Dans la vraie vie, je suis pharmacienne spécialisée dans l'information sur les médicaments. Donc, j'évalue les renseignements qui me sont fournis. Nous avons observé qu'il est important, du point de vue de l'appui que nous fournissons à nos cliniciens, que ces derniers puissent accéder le plus rapidement possible à des données concrètes. Donc, tout outil permettant d'acheminer rapidement ce genre d'information aux praticiens qui sont sur la première ligne ne peut qu'être bénéfique.
    Il y a des gens qui ont leur PDA ou assistant numérique et qui peuvent donc avoir accès aux informations sur les médicaments et prendre connaissance des avertissements de la FDA ou de Santé Canada, ce qui est très utile, et je sais que les cliniciens apprécient beaucoup ce genre d'appareil.
    Mais, je ne suis pas sûre de savoir en quoi consisterait la formule idéale. Qui devrait financer ces activités? Je n'en sais rien. Mais, je pense que les praticiens qui sont sur la première ligne ont besoin de recevoir cette information sous une forme succincte et aussi rapidement que possible, pour qu'elle puisse bénéficier à leurs patients.
    Si vous avez une question sur quelque chose — n'importe quoi — il suffit d'aller sur Google pour trouver la réponse. Donc, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas recourir au même mécanisme pour obtenir les réponses à nos questions de Santé Canada.
    Nous avons examiné le site Web de Santé Canada. Nous y avons souvent eu recours au cours des trois ou quatre dernières années, en vue de faire des recherches sur l'efficacité des médicaments utilisés dans le traitement des cancers et la procédure d'homologation de ces médicaments, et je peux vous dire que ce site n'est pas convivial. Il n'est pas très facile de naviguer dans ce site. Si on y apportait certaines améliorations, surtout au niveau de sa convivialité, il serait possible de régler ces problèmes assez facilement, si bien qu'un médecin dans son cabinet pourrait simplement aller directement sur le site de Santé Canada pour obtenir la réponse à une question.
    Je voudrais apporter un complément d'information à ce sujet.
    Je pense que le fait de faire participer les pharmaciens permettraient d'assurer très efficacement l'échange de renseignements actualisés. Par exemple, lorsqu'un pharmacien exécute une ordonnance, il verrait tout de suite sur son écran qu'il y a eu un nouvel avertissement et il pourrait en discuter avec le patient. Donc, on ne devrait pas s'en tenir au médecin prescripteur ou au praticien; il conviendrait également d'inclure les pharmaciens, qui constitueraient une voie d'échange d'information très efficace.
    Avez-vous des commentaires à faire au sujet de la création d'une liste précise pour certaines catégories de Canadiens, comme la liste Beers pour les personnes âgées?
    Vous parlez de la liste Beers. Mais, il existe d'autres sources d'information sur les médicaments, y compris sur les interactions médicamenteuses relatives à certaines catégories de maladies. Ces informations existent.
    Santé Canada devrait-il être chargé de préparer de telles listes?
    Je ne sais trop quoi vous répondre. La liste Beers est une liste connue mais, en même temps, nous savons fort bien qu'il y a beaucoup de nuances dans ce genre de situation. C'est malheureusement le cas constamment quand on exerce la médecine. Oui, la liste existe. Oui, nous savons que les patients à risque s'exposent à un plus grand danger en prenant ces médicaments, mais cela ne veut pas dire nécessairement que ces médicaments sont tout à fait contre-indiqués chez ces patients.
    Est-ce une liste qu'il faut ou devrait-on plutôt chercher à sensibiliser les gens au fait que certains groupes de patients peuvent être à risque?
    Nous n'avons plus de temps, madame Laughlin. Est-ce que vous posez cette question à M. Brown?
    Très bien; merci.
    Madame Wasylycia-Leis.
    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais en revenir à la question de l'indépendance dans la prise de décisions, car tous les témoins ne se sont pas prononcés sur la question et je voudrais donc y revenir.
    Tout ce que j'ai lu à ce sujet m'amène à dire qu'il faut, tout d'abord, régler le problème du secret qui entoure tout le processus d'homologation des médicaments. On peut donc envisager maintenant d'appliquer les critères du processus d'homologation précommercialisation aux activités de surveillance post-commercialisation. Mais comment le faire de la façon la plus efficace possible? Comment peut-on s'assurer que toutes les décisions liées aux essais cliniques et aux événements iatrogènes médicamenteux sont communiquées aux universitaires, pour qu'ils puissent examiner ces problèmes et exprimer leurs préoccupations, ainsi qu'au public, qui voudrait pouvoir se renseigner avant de prendre ces décisions difficiles?
(1225)
    Eh bien, la Cancer Advocacy Coalition est aux prises avec ces mêmes questions de transparence et de responsabilité envers le public, pour les raisons que vous venez d'évoquer.
    Le mécanisme qui semble donner de bons résultats — au moins, il évolue, et je pourrais vous citer l'exemple du processus d'examen conjoint des médicaments oncologiques — prévoit la nomination de représentants des patients aux différents comités, si bien que ces personnes participent aux discussions et au processus décisionnel, et elles ont accès aux données. Les membres de ces comités qui représentent les patients — le public, essentiellement — établissent également des relations avec les organisations non gouvernementales représentant d'autres patients cancéreux. Ainsi ils peuvent présenter l'opinion de ces autres organisations au comité et transmettre les renseignements obtenus au sein du comité à ces mêmes organisations. Donc, il est tout à fait possible d'établir des mécanismes de ce genre.
    Et que pensez-vous de l'idée d'un site Web qui présenterait tous les renseignements pertinents sur les médicaments qui ont ou non été homologués? Cela poserait-il problème?
    Il y aura toujours des renseignements que les compagnies pharmaceutiques ne voudront pas divulguer. Nous espérons qu'il serait possible de réduire cela au strict minimum, car nous sommes d'avis que le secret entourant ce processus a gravement entravé la transparence. S'agissant d'un site Web, il s'agira toujours de savoir qui va l'alimenter et qui va lire les informations qui s'y trouvent? En fin de compte, il est préférable d'avoir des gens qui se réunissent en comité, qui peuvent écouter ce qui est dit et ensuite transmettre ces informations aux personnes qu'ils représentent.
    Très bien. Je vais donc poser la question suivante, et je sais que vous voudrez répondre.
    À l'heure actuelle, tout le processus de réglementation des médicaments au Canada se déroule sous le voile du secret. Ce dont nous parlons aujourd'hui représenterait un changement très marqué par rapport à la situation actuelle. En ce moment, même le nom des médicaments dont on demande l'homologation n'est pas divulgué. Tous les renseignements fournis par la compagnie, y compris les données provenant des essais cliniques au sujet de l'innocuité et l'efficacité du produit, sont jugés confidentiels, et ne peuvent être divulgués qu'avec la permission de la compagnie concerné, même si vous présentez une demande d'accès à l'information. Donc, nous parlons d'un mécanisme complètement différent.
    Je voudrais donc savoir si vous êtes d'accord, puisque ce point est fondamental dans toute discussion des problèmes liés à la pharmacovigilance.
    Yola… et les autres voudront peut-être répondre également.
    Le problème à l'heure actuelle est le manque de transparence entourant le processus d'évaluation des avantages-risques lors de l'examen des demandes d'homologation. Normalement, un groupe d'experts doit mettre en balance les bienfaits et les méfaits d'un médicament et prendre une décision sur son homologation. Il n'y a pas de formule magique. Ils n'obtiennent pas un chiffre magique au terme de leur examen qui leur permet de savoir s'il faut ou non homologuer le médicament. Et, c'est sans doute cet élément-là qui dérange le plus — c'est-à-dire, la façon dont les décisions sont prises.
    Ayant travaillé dans ce domaine, je peux vous dire qu'il n'y a pas de mécanisme ou système à l'heure actuelle permettant d'obtenir des renseignements supplémentaires. Par contre, je participe à diverses initiatives en ce moment qui visent à définir les paramètres du processus décisionnel de façon à pouvoir communiquer des critères explicites soit aux praticiens, soit aux citoyens.
    C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Elle est tout à fait pertinente, mais je n'ai pas de réponse à vous fournir pour le moment.
    Y en a-t-il d'autres qui voudraient intervenir?
    Permettez-moi de vous poser une question, docteur Gowing. À votre avis, si nous devions abandonner cette approche axée sur le secret en faveur d'un processus exigeant la pleine divulgation des renseignements à chaque étape, cela risquerait-il de poser problème étant donné la nature fort compétitive de cette activité commerciale?
    En ce qui me concerne, plus de transparence serait une bonne chose. D'ailleurs, c'est ce que nous préconisons depuis fort longtemps. En Ontario, le projet de loi 102 devait justement garantir cette transparence. À mon avis, ce n'est toujours pas le cas, mais tous les règlements n'ont pas encore été déposés, et nous attendons donc de voir ce qui va arriver.
    Il est évident que le secret qui entoure toutes ces activités n'est pas approprié. J'aimerais savoir comment ces groupes d'experts en arrivent à leurs décisions. Un praticien prescripteur n'a aucune possibilité de savoir comment ils ont pris la décision qui lui permet par la suite de prescrire le médicament en question. Je suis souvent en désaccord avec leurs décisions, d'ailleurs. Mais, il n'existe pas de mécanisme me permettant de contester leur décision, étant donné que je ne sais pas comment ils l'ont prise.
(1230)
    Merci, docteur Gowing.
    Monsieur Fletcher.
    Une bonne partie de la discussion d'aujourd'hui a été de très haut niveau. Pour ma part, je voudrais vous poser des questions qui concernent la situation sur le terrain.
    Il y a 12 ans, lorsque j'étais à l'hôpital en train de regarder les notes du médecin, je me disais que les médecins devaient savoir écrire, mais qu'on n'aurait jamais pu le deviner en regardant leur écriture. Mais, parlons maintenant du présent. Les médecins que j'ai consultés au fil des ans n'ont vraiment pas une grande expertise technologique. Aujourd'hui même, les médias nous signalent que les médecins sont l'une des principales sources de propagation des supermicrobes dans les hôpitaux, parce qu'ils n'ont pas le temps de se laver les mains.
    Il a été question de rémunération tout à l'heure. Comment les médecins seront-ils rémunérés pour le temps qu'ils passeront à remplir les déclarations?
    Comment tout cela va-t-il fonctionner sur le terrain? Que pourrait-on faire pour encourager les médecins? C'est bien beau de parler d'un changement de culture, mais là il est question d'un changement énorme en ce qui concerne la façon dont les médecins mènent leurs activités.
    Nous sommes à l'ère électronique, et tout médecin qui ne s'est pas adapté à la technologie électronique est un dinosaure. D'ailleurs, la question que vous soulevez est liée à bon nombre des sujets que nous avons examinés aujourd'hui. J'ai un ordinateur sur mon bureau. Je m'en sers tout au cours de la journée. Mais, il n'y a pas si longtemps, je ne savais pas me servir d'un ordinateur. Je pense que mes petits-enfants ont encore une longueur d'avance sur moi.
    La technologie existe et elle est très simple. Voilà justement notre argument. Il faut qu'on puisse remplir le formulaire de déclaration sur un seul écran d'ordinateur pour transmettre les données. Si vous allez plus loin, les médecins préféreront se laver les mains que remplir vos formulaires.
    Madame la présidente, si j'ai bien compris, on vient de me conseiller de me rendre à la clinique médicale du parc Jurassique.
    Des voix: Oh, oh!
    Vous avez tous levé la main, mais vous pourriez peut-être commencer, madame Hyland.
    Je voulais simplement dire que le secteur des soins de santé a un peu de retard pour ce qui est de l'utilisation des nouvelles technologies, mais des efforts sont actuellement déployés en vue de mettre en oeuvre des systèmes informatisés de saisie des commandes, étant donné que les notes manuscrites posent problème. De plus, certaines initiatives ont été prises de concert avec les fabricants en vue d'en arriver à des normes volontaires sur les codes à barres, de manière à pouvoir utiliser la technologie des codes à barres dans le secteur des soins, le cas échéant. Cela nous donne également l'occasion d'examiner l'étiquetage des produits, étant donné que beaucoup de produits n'ont pas de codes à barres. Nous avons maintenant la possibilité d'améliorer la situation sur ce plan-là.
    Nous avons pris une autre mesure — et cet élément pourrait éventuellement être incorporé dans les normes d'accréditation des hôpitaux — concernant l'utilisation d'abréviations dangereuses. Nous savons que certaines abréviations peuvent être dangereuses soit sous forme manuscrite, soit sous forme électronique. Il convient donc de les éviter.
    En outre, j'estime que le patient devrait être en mesure de lire ce qui est écrit sur son ordonnance; il faudrait que l'écriture soit lisible et que les médecins évitent d'écrire en latin. C'est une question de sécurité, pour le pharmacien aussi. En tant que pharmacienne, je voudrais pouvoir lire l'ordonnance.
    Je voulais simplement ajouter cet élément.
    Le gouvernement a investi 1 milliard de dollars dans Inforoute; en fait, il a prévu un financement additionnel de 400 millions de dollars dans l'avant-dernier budget. Cet organisme semble constituer un véhicule naturel pour faciliter l'adoption des mesures dont nous avons parlé aujourd'hui.
    Quels ont été vos expériences avec Inforoute jusqu'ici?
(1235)
    Dans ma province du Nouveau-Brunswick, nous en sommes au point où l'ensemble de nos régies de santé régionales seront bientôt reliées grâce à la mise en oeuvre des dossiers de santé électroniques, et nous sommes tout à fait ravis de cette initiative. Nous souhaitons élargir ce réseau afin d'inclure, non seulement les établissements de santé, mais les cabinets de médecins et les pharmacies, afin que tout le monde puisse avoir accès à cette information.
    Bien entendu, il y a certaines inquiétudes concernant la confidentialité des renseignements personnels mais, en même temps, nous savons que les personnes qui devraient pouvoir accéder à cette information sont des professionnels qui devraient, grâce au contrôle exercé par leur ordre professionnel, savoir utiliser cet information de façon appropriée.
    Ce serait un énorme progrès pour ce qui est d'assurer un meilleur échange d'information.
    Merci, madame Laughlin, et merci, monsieur Fletcher.
    Si vous permettez, j'aimerais poser une question en tant que présidente du comité. Je m'interroge sur une chose en particulier. S'agissant de médicaments, je sais que ceux qui sont utilisés pour la chimiothérapie coûtent très cher. Normalement, on vous prescrit quatre, cinq ou même six médicaments différents, selon la force du traitement. Et parfois, ces médicaments ne sont pas efficaces.
    Est-ce qu'on sait qui est responsable du coût de ces médicaments qui ne marchent absolument pas? Si vous essayez différents médicaments, que ce soit pour traiter un cancer ou une autre maladie qui peut être traitée seulement de cette façon, par exemple, savez-vous si le milieu médical s'est penché sur cette question?
    Un médecin pourrait décider de prescrire un médicament, en pensant que c'est le meilleur traitement qu'il puisse offrir au patient, et ce patient pourrait découvrir, après avoir investi beaucoup d'argent dans ce médicament, qu'après avoir pris une seule pilule, doit l'abandonner en faveur d'un autre médicament. Avez-vous examiné le genre de difficulté que cela présente pour les patients?
    Voilà justement le travail quotidien du personnel des organismes de remboursement provinciaux; c'est ça qu'ils font. Ils mettent en balance les bienfaits et les risques du médicament. Bien sûr, si un médicament ne donne pas le résultat escompté et coûte très cher ou est très risqué, l'organisme d'ailleurs refusera de le payer — ou encore, il établira des restrictions relatives au remboursement.
    Le vrai problème se pose, toutefois, lorsque l'organisme qui finance — en l'occurrence, le gouvernement provincial — refuse dès le départ de supporter le coût du médicament pour l'ensemble de la population. Ce qui a été proposé…
    Je pense que vous avez mal compris ma question. Je vous parle de médicaments homologués qui sont prescrits au patient, mais ensuite, le patient doit changer de médicament.
    Je suis au courant d'au moins un exemple d'une compagnie qui s'est entendue avec l'organisme payeur pour ne pas facturer ce dernier s'il s'avère que le médicament ne donne pas le résultat escompté après quelques premiers cycles. Si le médicament s'avère efficace, à ce moment-là, l'organisme payeur accepte de le payer.
    Dans le cas de ces médicaments très coûteux qui sont utilisés dans le traitement des cancers, c'est peut-être ce mécanisme-là qu'il faut privilégier.
    Je pensais que vous parliez des médicaments non utilisés.
    C'est exact.
    Eh bien, c'est un vrai problème, et chacun a sa propre méthode. Dans la clinique où je travaille, nous sommes ravis d'avoir des médicaments inutilisés, car nous pouvons les donner aux patients qui ne pourraient pas en avoir autrement. Donc, si un médicament ne donne pas le résultat escompté, nous le gardons au réfrigérateur et nous le donnons à quelqu'un qui en a besoin.
    Très bien. Merci beaucoup.
    Madame Kadis.
    Merci, madame la présidente.
    Ma question pour les témoins est la suivante: selon vous, dans quelle mesure les événements iatrogènes médicamenteux constituent-ils un danger grave pour la santé et le bien-être des Canadiens? Est-ce que vous en observez beaucoup dans vos secteurs et organismes respectifs, et combien d'événements de ce genre tombent entre les mailles du filet?
    En cancérologie, la maladie que nous traitons est à ce point grave — et les médicaments que nous utilisons ont de nombreux effets secondaires qui sont connus — que les patients sont prêts à supporter ces effets secondaires. Donc, les effets indésirables des médicaments utilisés en oncologie ne constituent pas un problème aussi grave que pour d'autres maladies et d'autres médicaments qui sont plus couramment utilisés.
    Ceci dit, l'effet indésirable le plus grave, si vous voulez, est l'absence de résultats, et c'est justement cela dont nous parlons aujourd'hui, étant donné le coût de ces médicaments.
    Donc, votre seuil et votre contexte sont différents.
    Oui.
    Merci.
    Pour répondre à votre question, je dirais que nous sommes tous d'avis pour dire que c'est très important et qu'il y a effectivement un problème. Et vous avez raison de dire que tous les effets désirables ne sont pas déclarés, alors qu'ils devraient l'être, et ça, aussi, c'est un problème. Mais il y a une si vaste gamme, comme viennent de vous l'indiquer les oncologues dans la salle. En oncologie, c'est tout à fait différent par rapport à un médicament utilisé pour contrôler l'hypertension, par exemple, où votre seuil de tolérance à l'égard des événements iatrogènes médicamenteux sera minime, sinon nul.
    Encore une fois, il s'agit de savoir ce qui est significatif. Malheureusement pour la personne qui est soignée, ce qui lui arrive personnellement est ce que cette dernière jugerait « significatif ».
(1240)
    Je viens de penser à autre chose. En réponse à votre question, il y a effectivement un grave problème, et nous utilisons un assez grand nombre de médicaments au Canada. Nous avons un système de soins de santé exceptionnel, mais nous avons également accès à beaucoup de médicaments différents. Par contre, il y a un domaine intéressant à propos duquel nous ne possédons pas de données, et c'est l'utilisation — c'est-à-dire, le fait de savoir combien de médicaments sont utilisés et dans quelle mesure. S'il était possible d'avoir accès un jour à des renseignements transparents sur l'utilisation des médicaments, cela nous serait grandement utile pour ce qui est de bien comprendre le contexte des événements iatrogènes médicamenteux et de l'utilisation des médicaments au Canada.
    À mon avis, les événements iatrogènes médicamenteux correspondent en réalité à une question de santé publique. Nous parlons de populations. Même si un médicament comporte un faible risque, si 10 p. 100 de la population est exposé à ce risque, cela va nécessairement donné lieu à un très grand nombre absolu de cas.
    Éventuellement, les graves effets secondaires seront observés par l'entremise des mécanismes de pharmacovigilance. Le problème c'est que cela ne se fait pas assez rapidement. Si d'autres mesures pouvaient être introduites dès la commercialisation du produit, il serait possible de connaître ces effets indésirables beaucoup plus rapidement.
    J'aimerais savoir également si vous estimez que les citoyens ont un accès suffisant à des forums où ils peuvent faire part de leurs expériences avec certains médicaments? Nous savons que les communications constituent un enjeu majeur dans ce contexte.
    C'est une bonne question. Dans l'ensemble, les citoyens ne sont pas bien souvent au courant du fait qu'ils peuvent signaler aux autorités les effets indésirables des médicaments qu'ils prennent. Je pense bien que cet élément fait partie de la stratégie de surveillance post-commercialisation de Santé Canada: sensibiliser le public, pour que les gens sachent qu'ils peuvent eux-mêmes signaler aux autorités les effets indésirables d'un médicament qu'ils ont utilisé.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Keddy.
    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue à tous nos témoins.
    Je ne suis pas un membre usuel du comité, et j'avoue que la discussion d'aujourd'hui m'intéresse et m'inquiète en même temps.
    D'abord, il y a eu toute la discussion sur la prise de décisions éclairée. Si le processus n'est pas parfaitement transparent et si vous n'avez pas accès au bilan avantages-risques, comment pouvez-vous prendre une décision éclairée? Je suppose que c'est un commentaire plutôt qu'une question, mais cela me semble très problématique. Je ne vois pas comment c'est possible.
    Et il y a une autre chose qui me choque: la question du dossier de santé électronique. J'écoutais mes collègues qui parlaient de l'écriture des médecins, qui est la cible de plaisanteries depuis longtemps, mais le fait est qu'ils ne sont pas seuls. La plupart des gens n'ont pas une écriture lisible. Vous auriez du mal à trouver un jeune à l'école qui soit capable d'écrire quelque chose que vous pourriez réellement lire; mais, tout le monde peut se servir d'un clavier.
    Pour moi, nous avons fait fausse route. Nous blâmons les médecins alors que nous devrions les aider davantage à préparer leurs dossiers sous forme électronique. Ils sont très occupés; ils essaient de voir autant de patients que possible dans la journée. Et le fait est qu'un médecin devrait pouvoir dire à son adjoint de préparer sous forme dactylographiée l'ordonnance qui sera transmise à la pharmacie.
    Je ne comprends pas pourquoi les dossiers de santé complets ne sont pas déjà disponibles sous forme électronique, notamment dans le contexte hospitalier. Cela n'a pas de sens. Ce serait si facile à faire. Vous n'auriez même pas besoin d'un papier pour le faire. Il vous suffirait d'utiliser un clavier. Les données apparaîtraient sur l'écran et seraient automatiquement transmises à qui de droit.
    Je ne sais pas combien de médicaments sont homologués et autorisés au Canada chaque année, mais je présume qu'on parle de plusieurs centaines.
    Il y en a 23 000.
    Il y en a 23 000, vous dites; donc, il est évident que personne ne pourrait se souvenir du nom de tous ces médicaments ni connaître les éventuelles interactions médicamenteuses entre tel médicament et les 22 999 autres médicaments qui sont disponibles sur le marché. Si vous avez un patient qui prend plusieurs médicaments différents pour ses différents problèmes de santé, comment pouvez-vous le savoir en l'absence d'une base de données électroniques?
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    Je pense que nous sommes tous d'accord avec vous à ce sujet.
    Je ne sais pas si c'est une question ou un commentaire, mais j'avoue être étonné de constater que ce genre de choses n'existe pas déjà.
    Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Étant donné les difficultés rencontrées dans le milieu hospitalier, il est évident que le dossier de santé électronique est la solution à privilégier. Dans quelle mesure sera-t-il facile de l'adopter? Dans un petit hôpital comme le nôtre, notre effectif est de 3 000 personnes. Sur ces 3 000, environ 1 500 doivent pouvoir utiliser ce système, et ce dernier doit leur être facilement accessible au moment où ils en ont besoin. Nous ne donnons pas de formation de ce genre à notre personnel, et c'est justement ça le problème. C'est un défi parmi d'autres, et la solution consiste à prévoir cette formation dès le départ.
    Il y a aussi de dinosaures qui…
    Une voix: Attention en regardant autour de vous.
    Des voix: Oh, oh!
    Silence, s'il vous plaît.
    Il y a 13 ans, je n'aurais jamais accepté de brancher un ordinateur; je n'en aurais pas été capable. Maintenant, tous les jours je me dis: « Comment ai-je pu m'en passer? » Il faut s'y adapter progressivement.
    Quand vous apprenez à un clinicien à faire son travail clinique, vous ne lui apprenez pas à devenir un spécialiste des TI. Cela ne fait pas partie de ses tâches usuels, et il faut donc l'incorporer dans sa formation. Il faut que cette formation soit incluse. Il faudrait peut-être même les obliger à le faire. Quand les établissements se lancent dans ce genre de choses, la courbe d'apprentissage est très raide dès le départ. C'est là qu'il y a une forte résistance de la part des employés.
    Mais, il n'y a absolument rien d'obligatoire dans tout cela. En conséquence, 23 000 nouveaux médicaments sont homologués chaque année au Canada, et il y a… À mon avis, il ne faut pas rejeter toute la responsabilité sur les médecins. J'estime que nous avons tous à prendre nos responsabilités.
    Au Québec, il y a un intérêt grandissant pour ce qu'on appelle les soins intégrés ou la gestion des maladies chroniques, ce qui veut dire que le patient navigue, non seulement à travers un système de soins fragmentés, mais à travers une équipe. Pour que cette équipe soit fonctionnelle, tout doit se faire par voie électronique, puisque cette équipe comprend le médecin, le gestionnaire de cas, le personnel infirmier, les pharmaciens, etc. À cause de cela, par définition, ce que vous proposez va se concrétiser.
    Vous avez raison de dire que nous n'en sommes pas encore là. Nous commençons à peine à mettre en oeuvre ce système.
    L'autre question qui a été débattue ce matin concerne ce qui arrive après la commercialisation. Le médicament est mis en marché, on le prescrit à de plus en plus de patients et, tout d'un coup, nous constatons… vous savez, comme ce qui est arrivé avec Vioxx, et d'autres médicaments encore. À mon avis, la seule façon réaliste de suivre la situation en temps réel serait de passer par un système de surveillance électronique. Tout d'un coup, vous verriez les avertissements. On en parlerait, et on saurait qu'il y avait eu des événements une douzaine de fois, plutôt que 12 000 ou 50 000 fois.
    Voilà.
    J'aimerais réagir à un de vos commentaires.
    Pour moi, la solution pratique du problème des 23 000 nouveaux médicaments qui sont commercialisés est une solution que j'ai connue au moment d'exercer la médecine au centre de cancérologie de Detroit. Le pharmacien se trouvait à nos côtés dans la clinique, et lui ou elle avait accès à la base de données électroniques. Tous les deux patients, les membres de l'équipe devait se parler afin de s'assurer que les médicaments étaient appropriés — pas uniquement ceux utilisés pour traiter le cancer, mais tous les autres médicaments. Donc, en ce qui concerne ce problème-là, il existe effectivement des solutions pratiques.
    Pour répondre à la question de M. Fletcher, qui dit avoir tout juste quitté le parc Jurassique, étant donné que j'ai promis d'utiliser des systèmes électroniques, je tiens à lui dire que le système de rapports synoptiques qui est en train d'être mis en oeuvre dans beaucoup de contextes cliniques différents va beaucoup simplifier les choses. Il suffira de cocher les cases, et les questions sont posées de telle façon qu'on ne peut éviter de donner la bonne réponse. C'est un système qui donne d'assez bons résultats.
    Je tiens à remercier tous nos témoins. Voilà qui termine la période des questions aujourd'hui.
    Je voudrais remercier chacun d'entre vous d'être venu partager avec nous aujourd'hui votre expertise et vos conseils. Il s'agit d'une étude très importante, et vos observations étaient à la fois très intéressantes et bien utiles. Donc, je vous remercie pour votre contribution et je vous souhaite bonne chance. J'espère pouvoir profiter à l'avenir de votre expertise sur d'autres questions également.
    Je rappelle aux membres du comité qu'un autre comité arrive très bientôt, et nous devons donc lever la séance.
    À la prochaine réunion du comité jeudi, nous recevrons un petit groupe de témoins, et nous devrons également traiter des affaires courantes du comité.
    Merci, mesdames et messieurs.
    La séance est levée.