:
Merci beaucoup. Je suis très content d’être ici au Parlement du Canada.
Ayant suivi de près les relations entre le Canada et la Chine depuis tant d’années, je suis particulièrement heureux de voir que le Parlement, qui est bien sûr notre plus haute institution politique, examiner la question de la Chine. Donc, j’ai de grands espoirs en vous et j’espère que ma déclaration vous sera utile.
La greffière du comité m’a demandé de faire une déclaration sur la situation actuelle concernant le Tibet et les Jeux olympiques, les droits de la personne en Chine et faire quelques commentaire sur le projet de rapport que le MAECI m’a demandé de préparer pour évaluer le dialogue bilatéral Canada-Chine sur les droits de la personne qui a lieu en 2005. Comme M. Sorenson l’a indiqué, l’étude faite entre octobre 2006 et mai 2007 par le Sous-comité des droits internationaux de la personne est axée sur ce rapport.
Quant à mon expérience dans ce domaine, j’étais professeur à l’Université Brock quand j’ai été « prêté » à deux reprises par l'université au ministère des Affaires étrangères à l’époque où M. Chan était secrétaire d’État, puis au ministère des Affaires étrangères qui a suivi pour travailler à l'ambassade canadienne à Beijing au poste de sinologue à la section politique du fait que j’ai suivi des études en Chine, que je parle la langue et que j’ai des connaissances qui manquent, me semble-t-il, au sein de ce gouvernement
Au plan de la crise actuelle dans la Région autonome du Tibet, dans les régions tibétaines des provinces de Quinhai, Gansu et Hunan en Chine, le gouvernement chinois maintient sa propagande officielle, soit que l’agitation politique ne provient pas de l'insatisfaction des Tibétains quant à leur situation, mais des services de renseignements et des médias occidentaux qui agissent de connivence avec le dalaï-lama pour pousser la population ethnique tibétaine à la révolte afin de saboter les Jeux Olympiques de Beijing en 2008, que la Chine perde la face et ne soit pas considérée comme une grande puissance.
Comme le montrent les manifestations de Canadiens d’origine chinoise et d’étudiants chinois participant à un programme d’échange ici au Canada, bon nombre de Chinois hans que je connais personnellement sont de manière générale furieux, parce qu’ils suivent la ligne officielle de la Chine, contre les Occidentaux. L’Occident fait l’objet d’une campagne de diabolisation en Chine, campagne qui joue admirablement en faveur du Parti communiste chinois puisqu’elle rallie le peuple chinois derrière le parti qui prétend défendre la Chine contre les critiques d’un Occident hostile. Cette diabolisation et la situation qui a abouti à la divergence de vues entre les citoyens chinois, dont les opinions sont très nationalistes, et les Occidentaux qui se soucient des droits des Tibétains au Tibet, retardent jusqu'après les Olympiques la possibilité d’engager avec les Chinois un dialogue sur les droits de la personne car pour les Chinois, la prise de position des Occidentaux concernant les droits de la personne est un moyen d’attaquer la Chine dans le but de la diviser.
À mon avis, le Parti communiste chinois et le régime au pouvoir ont réussi à exploiter la situation en leur faveur et à l’encontre de notre volonté de voir l’instauration de la primauté du droit, de la démocratie et des droits de la personne en Chine.
Nous ne sommes pas d’accord avec cette position des Chinois. Le Canada a invité la Chine à dialoguer avec le dalaï-lama, et je pense que la plupart d’entre nous s’accorderont à dire que la crise actuelle au Tibet a pour origine l’échec de la politique du gouvernement chinois au Tibet, politique visant à supprimer systématiquement les droits des Tibétains à parler leur langue, ce qui nie leur droit de pratiquer librement leur religion, leur droit à une culture et une société distinctes. En limitant l’éducation au Tibet et le nombre de Tibétains pouvant entrer dans des monastères, le gouvernement chinois veut reléguer la grande civilisation, l’histoire et la tradition religieuse des Tibétains à une sorte de folklore.
La position officielle des Chinois est de considérer la tradition remarquablement riche des Tibétains comme rétrograde et superstitieuse. J’ai entendu des Chinois qualifiaient le dalaï-lama de « sale moine ».
On voudrait que les Tibétains, comme les 55 minorités ethniques reconnues en Chine, jouent le rôle de personnes simples et heureuses — heureuses d’être des citoyens chinois aimant le chant et la danse. Leur avenir est de se moderniser, de s'intégrer à la société chinoise, d’étudier le mandarin, qui est de plus en plus employé dans l'enseignement dans les régions tibétaines et de favoriser en tant que locuteurs mandarins modernes la montée au pouvoir des Chinois hans.
En passant, je voudrais rappeler qu’il est prévu que des Tibétains chinois chantent et dansent à la cérémonie d’ouverture des Olympiques. Je ne crois que les Canadiens, dans leur majorité, veulent que leurs dirigeants assistent à une cérémonie d’ouverture qui vise à célébrer le statut de grande puissance mondiale de la Chine. L’accent n’est pas mis sur le sport, car à ma connaissance, aucun dirigeant politique n’a auparavant assisté aux cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques.
Malgré nos demandes aux communistes chinois pour qu’ils rencontrent le dalaï-lama, je doute fort qu’ils le fassent. À leurs yeux, rencontrer le dalaï-lama signifierait une reconnaissance et une confirmation de l’identité tibétaine non contrôlée par le Parti communiste chinois, une identité tibétaine qui n’est pas chinoise puisqu’ils vivent en Inde. Aussi, je ne crois pas que cette rencontre se fera. Il ne faut pas croire sur parole le gouvernement chinois quand il déclare être ouvert à une rencontre avec le dalaï-lama.
Les prochains Jeux Olympiques ont aussi poussé les Chinois à réprimer les défenseurs des droits de la personne en Chine. Le gouvernement de ce pays fait tout son possible pour cacher aux autres pays du monde la facette déplorable de son régime, la triste réalité. Mais, je doute énormément qu’ils y arriveront avec la tenue des Olympiques au mois d’août.
Franchement, je regrette beaucoup que ces Jeux Olympiques aillent dans le sens contraire voulu, soit de projeter une image de la Chine comme pays responsable au plan du civisme international. Plus que jamais, j’aurais voulu Toronto pour ville hôte de ces Jeux Olympiques et elle était à deux doigts de l'être.
Quel est le rôle du Canada dans tout cela? Il y a 10 ans que notre gouvernement mène des discussions avec les autorités chinoises sur les droits de la personne. En avril 1997, notre ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy avait rencontré son homologue chinois, Tang Jiaxuan et le Premier ministre du Conseil d’État, Li Peng qui lui ont signifié que si le Canada voulait maintenir de bonnes relations avec la Chine, il ne devrait pas s’aligner sur la position de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et de l’Espagne, car ces pays avaient décidé de ne pas parrainer la résolution de la Commission des droits de l’homme de l’ONU en mars 1998 demandant à la Chine de promouvoir les droits de l’homme.
M. Axworthy a décidé de mettre fin à la confrontation, ce sont ses propres mots, en établissant des dialogues bilatéraux qu’il qualifie de similaires à ceux entamés avec Cuba, les discussions ont commencé à ce moment. Neuf dialogues bilatéraux se sont tenus entre juillet 1997 et novembre 2005.
En 2005, le MAECI a décrit les dialogues de la façon suivante:
... le Canada et la Chine ont utilisé le dialogue comme un instrument pour aborder la question des droits de la personne; un forum pour partager des points de vue et l'expérience issue des politiques et des pratiques liées aux droits de la personne; un moyen pour les deux pays d'exprimer leurs opinions et leurs préoccupations au regard de la situation des droits de la personne dans l'autre pays et de se rappeler mutuellement leurs obligations internationales.
Pour permettre aux négociateurs de parler en toute franchise, ces dialogues étaient supposés être confidentiels. Ils n’ont donc jamais été rendus publics, mais ils ont été archivés. Les médias et les ONG qui se préoccupent de la situation des droits de la personne en Chine n’ont jamais reçu de compte rendu transparent ou détaillé de ces conversations.
En fait, un ministre pourrait faire référence, à la Chambre des communes, à ces dialogues quand une question sur les droits de la personne en Chine est posée et dire que ces questions ont été discutées confidentiellement, mais il ne pourrait pas donner des détails. C’est devenu un précieux outil pour régler les questions en matière de droits de la personne.
Aussi, on ne peut vraiment pas dire que c'est un dialogue car, le côté canadien n’envisageait aucunement recevoir des leçons de la Chine sur les droits de la personne. Autrement dit, nous souhaitions que le Congrès national populaire de Chine apprenne le fonctionnement d'un parlement démocratique; voilà ce que nous espérions. Aucun d’entre nous ne pensait sérieusement que les informations fournies par les Chinois dans ce dialogue influenceraient notre politique. Le Congrès national populaire ne se réunit que deux semaines par an; il est improbable que le Parlement canadien fasse de même. Ce n’est donc pas un dialogue d’égal à égal; nous essayons par le dialogue leur faire découvrir notre système en espérant qu’ils le comprendront, qu’ils diront que c’est le meilleur système et qu’ils voudront l’adopter.
Mais 10 ans plus tard, nous cherchons des résultats objectifs suite à l’investissement considérable du gouvernement canadien en temps et en ressources. Or, nous ne trouvons aucune indication vérifiable d’un avantage pour le peuple chinois et qui aurait servi les intérêts du Canada de quelle que façon que ce soit durant les 10 années de ce dialogue.
Je pense que le problème se situait au niveau de la conception du dialogue. Nos interlocuteurs travaillaient à la section des organisations internationales du ministère chinois des Affaires étrangères. Cette section a pour mandat de défendre les intérêts chinois à l’étranger, mais le ministère chinois des Affaires étrangères n’a pas pour mandat la promotion de la justice sociale, la primauté du droit et les droits de la personne en Chine. Nous dialoguons donc avec des gens qui ne peuvent pas élaborer des politiques sur les sujets pertinents, leur travail est de tout simplement apaiser les préoccupations de l’Occident au chapitre des droits de la personne en Chine. Ils n’avaient donc pas d’intérêt institutionnel à promouvoir le respect des droits de la personne dans leur pays.
Rien ne prouve que notre dialogue et nos discussions ont été communiqués à l'extérieur du service des organisations internationales du ministère chinois des Affaires étrangères. Quand je suis allé en Chine, j'ai rencontré différents ministres et responsables, comme le ministre de la Propagande du Comité central du Parti communiste chinois, le ministre chinois de la Justice, du Bureau de l'administration pénitentiaire, de la police, de la Commission d'État pour les affaires des ethnies minoritaires; mis à part leurs représentants qui ont participé aux discussions, ces personnes n'avaient aucune information sur les dialogues. Les principaux décideurs aux plus hauts échelons du Parti communiste chinois qui ont le pouvoir de prendre des décisions sur ces questions n'avaient manifestement pas encore participé aux dialogues sur les droits de la personne.
Des responsables du gouvernement chinois et du Parti communiste qui avaient participé au dialogue m'ont dit que le ministère chinois des Affaires étrangères ne leur signalait pas à l'avance les points qui seront soulevés dans leur travail quotidien. Le ministère chinois des Affaires étrangères fournit seulement à ces ministères, comme celui de la Justice, de la Police ou de la Santé, des renseignements sur le sida, etc. Le ministère des Affaires étrangères leur donne des renseignements sur les sujets et leur demande d'étudier la situation au Canada dans ces domaines, de préparer des questions et des observations sur les manquements du Canada au chapitre des droits de la personne afin qu'ils aient l'occasion de parler.
L'autre chose qu'ils m'ont dite et que j'ai constatée personnellement — étant donné que j'ai probablement participé à ces dialogues plus que tout autre citoyen canadien — est que ce sont les représentants du ministère chinois des Affaires étrangères qui prennent le plus la parole en lisant des textes, préparés par l'Académie chinoise des sciences sociales, que nous connaissions tous bien et qui étaient très peu intéressants. Donc une grande partie du dialogue consistait à parler de choses que nous connaissions déjà. Les sujets soulevés dans la discussion étaient en général une répétition des questions déjà soulevées, notamment les pactes de l'ONU, qui revenaient incessamment, comme le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
De manière générale, les Chinois trouvent nos déclarations et nos exposés trop superficiels pour en tirer un avantage substantiel. Par exemple, durant le dialogue tenu en 2005, auquel j'ai assisté à Ottawa, la GRC a fait un exposé en PowerPoint qu'ils utilisent pour leurs nouvelles recrues avec pour sujet l'utilisation appropriée de la violence. Franchement, je ne crois que cet exposé ait suscité un grand intérêt chez les principaux membres du ministre chinois de la Justice et de la Police, sans mentionner les représentants de la Fédération des femmes chinoises.
Il faut aussi dire que le nombre des Chinois qui participent à ces dialogues est petit et qu'il n'y a pas de mécanisme en place pour divulguer l'information à l'extérieur de ce groupe.
En outre, le Canada ne fournit l'information qu'en anglais et en français; nous n'avons rien fourni dans une langue pouvant être lue par un Chinois.
Depuis la fin des années 1990, le ministère chinois des Affaires étrangères a engagé des dialogues bilatéraux sur la question des droits de la personne avec au moins 11 gouvernements occidentaux, ainsi qu'avec l'UE et le Japon. Le but étant de permettre aux gouvernements occidentaux d'entreprendre une diplomatie discrète pour encourager le régime chinois à respecter les normes et les droits de la personne tels que définis par l'ONU. Plus de 200 dialogues se sont tenus avec pratiquement toujours les mêmes interlocuteurs du côté chinois. Rien ne montre que ces dialogues ont eu des répercussions importantes sur les organismes, les politiques, les pratiques ou sur le gouvernement chinois, en fait les Chinois ont expressément dit que leurs citoyens jouissent déjà d'une protection totale des droits de la personne. C'est ce que M. Yang Jiechi a dit à Condoleezza Rice le mois dernier. Donc, ils estiment ne pas avoir besoin d'apprendre des choses dans ce domaine.
Entre-temps, des questions importantes nous préoccupent. La liberté d'association en est une. Il y a très peu d'ONG en Chine. Il n'y a pas de parti politique indépendant. Les travailleurs migrants ne sont pas protégés par des associations de travailleurs. La presse n'est pas libre. Le système judiciaire n'est ni indépendant ni impartial.
Cela conduit à des problèmes, l'affaire Lai Changxing par exemple dans laquelle un Chinois est accusé de ne pas avoir payé 19,8 milliards de dollars américains en droits de douanes en dirigeant un vaste réseau de contrebande. Il vit aujourd'hui confortablement à Vancouver, il est associé à des membres présumés d'une triade chinoise appelée « Big Circle Boys » et il a pu acheter de nouvelles automobiles. Nous n'avons aucun moyen de le rapatrier en Chine pour se défendre de toute accusation de crimes qu'il a pu commettre là-bas car les règles de la présentation de la preuve ne sont pas les mêmes qu'au Canada. Les étrangers jouissent de la protection de notre Charte des droits et libertés. En raison de l'incompatibilité de nos systèmes, les criminels chinois peuvent venir ici et y vivre en toute liberté.
Finalement, j'aimerais donner l'exemple de l'actuel premier ministre australien qui parle très bien le mandarin, j'encourage les premiers ministres à suivre son exemple. Il a fait un discours à l'université de Beijing où il était question de l'amitié telle que définie dans la langue mandarine. Ce n'est pas un premier ministre conservateur, mais je pense que les relations avec la Chine passent au-dessus de la politique partisane.
Il a dit qu'en Chine, l'amitié comporte une sorte un chantage émotif. Pour être l'ami d'un Chinois, il faut se retenir de parler et être poli. Quand vous n'êtes pas d'accord avec lui sur certains points, vous ne devez pas le dire en public, mais prudemment en privé, ce que votre ami chinois ignorera complètement. M. Rudd a dit que des liens d'amitié solides et véritables se construisent en engageant un dialogue direct, sincère et permanent sur nos intérêts fondamentaux et notre vision de l'avenir.
Donc, à mon avis, le Canada sera plus respecté par les Chinois s'il entretient des rapports francs et ouverts avec le gouvernement chinois. Bien sûr, nous devons les respecter. Bien sûr, nous devons les écouter attentivement. Mais si, à l'écoute de rapports de violations des droits de la personne, nous restons silencieux, nos amis chinois pourront interpréter notre silence comme un accord tacite de leurs politiques et de leurs pratiques que beaucoup de Canadiens trouvent choquantes. Je crois que même en diplomatie, l'honnêteté est la meilleure des politiques.
Je vous remercie.
Tout d'abord, je voudrais rectifier les propos de mon ami assis en face. Nous ne sommes pas ici pour nous acharner sur la Chine; nous sommes ici pour discuter de la meilleure façon de travailler là-bas en Chine. Nous avons des préoccupations au sujet de la Chine, des droits de la personne et de la façon dont sont traitées ces minorités, qu'elles soient au nombre de 53 ou non.
Sont-ils chinois ou non? C'est aux Chinois et à leur gouvernement de décider la façon dont ils veulent traiter leurs minorités. Ce n'est pas au Canada de prendre ces décisions. C'est comme les Canadiens français que nous avons ici et la façon dont nous traitons nos minorités. Donc, en parler est un peu hors sujet.
Vous avez tout à fait raison de dire que la manifestation des Tibétains et tout le reste est une affaire intérieure chinoise et aussi leurs réactions à cette manifestation. Mon ami a été pendant de nombreuses années secrétaire d'État. Il a participé au dialogue et je suis d'accord avec lui quand il dit que les droits de la personne posent beaucoup de problèmes que nous devons aborder. Et c'est le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
Personne ne conteste la puissance économique de la Chine. Personne ne conteste le succès remarquable de la Chine ni qu'elle a sorti son peuple de... Il s'agit d'une économie émergente à laquelle tout le monde participe. Mais nous ne pouvons pas oublier les autres valeurs qui comptent énormément pour les Canadiens. Cette manifestation des Tibétains concerne la façon dont la Chine traite ses citoyens. S'ils avaient fait plus...
Vous avez signalé très justement que la question des droits de la personne n'a pas été résolue sous ce gouvernement; parce que nous n'avons pas été fermes. À un certain moment, je me trouvais avec le premier ministre Martin en Chine. Je crois que vous y étiez aussi avec moi. Les Chinois, impassibles, nous ont dit: « Ne parlez pas des droits de la personne ici, un point c'est tout. »
Ma question est la suivante: comment changera la société en Chine, par comparaison à la communauté chinoise très dynamique de Taïwan, qui parle la même langue, qui a la même culture, qui est complètement libre au plan culturel et religieux et qui est une civilisation vieille de 1 000 ans? On peut voir des changements à Taïwan. On peut les voir à Hong Kong, si vous voulez aller à Hong Kong.
Puis vous allez à Beijing où tout est contrôlé. Pourtant il y a ces deux pays, si on peut les appeler des pays, des territoires ou quoi que ce soit — il faudra éventuellement prendre une décision. Leur influence sur la société chinoise et, tout aussi importante, l'influence des Canadiens chinois...
À partir de quand verrons-nous ces changements dans le système chinois? Nous sommes à l'extérieur de la Chine, et je pense que vous l'avez bien dit, mais quand verra-t-on ces changements là-bas? Dans combien de temps verrons-nous la grande guerre sur la place de Tiananmen, ou ailleurs...? À partir de quand cela peut avoir lieu étant donné que c'est un marché émergent? Qu'en pensez-vous?
:
Je commencerais par dire, en ce qui concerne notre diplomatie par rapport à la Chine, que nous avons des relations avec la République populaire de Chine, le gouvernement de Beijing, et que nous reconnaissons tous les territoires qu'ils contrôlent. Ils revendiquent certains territoires, des îles par exemple, qu'ils ne contrôlent pas et aussi Taïwan, qui est à l'origine d'un conflit classique entre des groupes ethniques ayant deux interprétations de l'histoire d'un même territoire.
Pour le système d'enseignement taiwanais, Taïwan n'a jamais fait partie de la Chine. Le territoire n'a été contrôlé par la Chine que temporairement pendant une courte période, mais que c'était une colonie japonaise abandonnée à son sort, etc. Le gouvernement chinois déclare de manière tout à fait catégorique que Taiwan est une province de la Chine et fait partie du continent sacré de la Chine.
La situation du Tibet est similaire. L'histoire tibétaine est interprétée de deux manières, une où les Chinois sont en fait des colonisateurs et une où le Tibet a toujours fait partie de la Chine.
Je pense que le Canada ne devrait pas trancher sur cette question. Il y a quelques semaines, M. Bernier a mentionné, dans un discours à des dirigeant asiatiques d'une commission, la politique d'une seule Chine. Il en a reparlée en réponse à une question posée à la Chambre des communes. Le lendemain, l'Agence d'information sur la Chine nouvelle publiait un communiqué de presse saluant notre politique. À ma connaissance, la Chine n'a pas de politique d'un seul Canada.
Ces questions relèvent de la compétence d'un pays. Nous entretenons des relations avec ceux qui contrôlent le territoire, mais je ne pense pas qu'il soit approprié de notre part de se faire une opinion sur le statut exact de Taïwan, des revendications sur le Tibet, la Mongolie, le Xianjiang ou le Turkestan. Ce sont des affaires intérieures et le Canada, en tant que partenaire diplomatique, n'a pas le droit de... Prendre parti serait une ingérence dans leur politique intérieure.
Mais nous pouvons les tenir responsables au chapitre des droits de la personne, parce que nous avons tous signé les mêmes pactes sur les droits de la personne et nous nous attendons à ce que la Chine les respecte tout comme le Canada. En signant des ententes internationales, nos deux pays ont cédé une part de leur souveraineté.
En ce qui concerne le rythme de changement en Chine. Il n'y a, aujourd'hui, pas d'autre alternative au Parti communiste. Il n'y a pas d'opposition. Il n'y a pas de syndicat comme c'était le cas avec Solidarité en Pologne. Il n'y a pas d'équivalent au mouvement que l'on a vu en République tchèque. Le Parti communiste chinois est vraiment tout ce qu'il y a. Donc, pour moi, la seule chose qui pourrait susciter un vrai changement efficace en Chine sera soit une crise soit le sentiment que la situation conduira au démantèlement de l'État.
Je pense que nous devrions tenir les Chinois responsables au chapitre des droits de la personne. Je pense qu'il devrait y avoir un juste équilibre entre notre engagement et l'expression libre de nos préoccupations. Mais ce se sera finalement les Chinois qui décideront de la situation politique dans leur pays et non pas les Canadiens.
:
Merci, monsieur le président.
D'abord et avant tout, je vais mentionner que j'ai commencé ma carrière politique en tant que défenseur des droits de la personne. Il semble difficile de défendre le gouvernement chinois sur le plan du respect des droits de la personne, et je ne veux pas le faire. En même temps, notre approche... J'ai été secrétaire d'État pour l'Asie-Pacifique de 1993 à 2000, c'est-à-dire pendant sept ans, et le gouvernement libéral a continué de gouverner jusqu'en 2006. Pendant toutes ces années, je pense que notre façon d'aborder les droits de la personne et différentes questions avec la Chine en mettant l'accent sur la participation a été très productive. Je dirais qu'il continue certes d'y avoir beaucoup de problèmes de violation des droits de la personne, de problèmes politiques, de problèmes de corruption et de problèmes de disparité sociale que nous devons les aider à surmonter. En même temps, j'estime que si nous laissons tomber maintenant notre approche axée sur l'engagement, nous allons nous tromper.
En 1991, j'ai risqué ma vie et mené une délégation internationale en Chine. Je me suis faufilé. J'ai été détenu pendant cinq heures, après quoi on m'a demandé de partir. À mon retour de la Chine, j'ai décidé que le problème des droits de la personne en Chine n'était pas seulement lié au gouvernement. Le simple fait de remplacer le gouvernement, de remplacer les dirigeants ne garantirait pas le respect des droits de la personne et l'avènement de la démocratie en Chine. Il faut commencer par la base. Il faut commencer par les gens. C'est pourquoi l'engagement est efficace.
Pendant les 12 ou 13 ans du régime libéral, nous n'avons pas utilisé les droits de la personne comme vitrine politique, mais chaque fois que je participais à une réunion bilatérale avec la Chine, j'en parlais. À la fin de ces réunions, en conférence de presse, je parlais des droits de la personne. Je suis le premier ministre d'une démocratie occidentale à avoir visité le Tibet, et j'ai rencontré les dissidents au Tibet. Nous soulevions tout le temps ces questions. Je tenais à ce que ce soit bien consigné au compte rendu.
L'autre chose, c'est que par ce type de dialogue entre les deux pays, nous appuyons beaucoup d'ONG locales et d'universités, pour qu'elles travaillent avec la Chine, et c'est grâce au travail de nos éminents juristes auprès de l'administration judiciaire de la Chine que nous avons réussi à convaincre le gouvernement de la Chine d'intégrer le concept de la présomption d'innocence au système juridique. C'est un changement majeur dans leur processus de réforme judiciaire.
De plus, si vous vous rendez en Chine aujourd'hui, vous verrez qu'à la télévision, il y a beaucoup d'émissions gouvernementales qui visent à informer les civils de leurs droits et à leur dire comment éviter Kwan Si pour résoudre leurs problèmes. De plus, à la radio, les gens peuvent téléphoner pour se plaindre aux autorités locales.
Jonathan Manthorpe, journaliste du Vancouver Sun pour l'Asie-Pacifique, a écrit récemment, il y a peine deux semaines, un article sur les plus de 130 000 ONG ou sociétés civiques actives à l'intérieur de la Chine. Ces 130 000 sociétés civiques ont une grande incidence sur la vie des citoyens qui vivent en Chine.
Il a cité un bel exemple. Dans la province de Fujian, les autorités s'apprêtaient à bâtir une usine chimique près d'un centre urbain, et les citoyens de la ville ont utilisé leurs téléphones pour s'envoyer des messages courts afin de réunir plus de 110 000 personnes dans une protestation le long des rives de la rivière. Les représentants du congrès et de l'assemblée consultative du peuple de la ville ont ensuite réussi à convaincre le gouvernement de revenir sur sa décision. Il va donc essayer de construire son usine ailleurs. En ce moment, les gens de cet autre endroit essaient de faire de même.
Ce que j'essaie de dire, monsieur le président, c'est que l'engagement porte fruit. Il reste encore bien des obstacles en Chine, mais nous ne devrions pas nous détourner de la stratégie très fructueuse que nous utilisons en ce moment.
:
Pour ce qui est du cas Celil, je ne voudrais pas me prononcer après coup... Mais lorsque je travaillais à Beijing pour l'école du comité central du parti, j'ai profité de l'occasion pour me rendre au bureau du service de liaison internationale du Comité central du Parti communiste chinois, une importante institution de politique étrangère pour ce pays. Ils se sont dit très heureux de m'accueillir et aussi très surpris qu'aucun représentant de l'ambassade canadienne ne leur ait rendu visite depuis plusieurs années. Je crois que M. Gordon Houlden les a rencontrés par la suite. Nous devrions maintenir des liens avec les instances de cette nature, car ce sont elles qui détiennent le véritable pouvoir et qui prennent les décisions politiques.
Pour ce qui est de la religion, il y a en Chine une administration nationale des affaires religieuses dont les représentants viennent de temps à autre dans notre pays et demandent à rencontrer leurs homologues canadiens. Eh bien, quelle est la contrepartie canadienne de l'administration nationale des affaires religieuses? Nous n'en avons pas, parce que le gouvernement ne se prononce pas sur la définition de religion légitime, de culte ou de concepts de cette nature.
Si l'on examine la situation religieuse dans une perspective générale, on note une croissance exponentielle de l'Église protestante en Chine, avec plus d'un million de nouveaux convertis chaque année. Chaque dimanche matin, il y a plus de gens qui assistent à une cérémonie religieuse en Chine que dans l'ensemble de l'Europe. La situation progresse bien. En Chine, les religions doivent être enregistrées et le parti approuve des formes de plus en plus diverses de dévotion à titre de religions légitimes. Les Chinois semblent désormais convaincus que les adeptes d'une religion font de bons citoyens et j'estime qu'ils sont par conséquent de moins en moins répressifs à l'égard des croyances religieuses.
C'est en tout cas la situation pour les protestants. Il y a certains problèmes avec les catholiques, car le gouvernement chinois refuse de reconnaître le rôle du pape. Ils voudraient que Dieu traite directement avec un représentant au sein même de la République populaire de Chine, plutôt qu'au Vatican. Ainsi, la plupart des catholiques chinois sont dans l'illégalité. La situation peut varier selon le moment, d'un endroit à l'autre, mais il demeure possible pour les gens de pratiquer leur religion et d'établir la connexion spirituelle avec leur Créateur.
La situation des Ouighours est plus désespérée. Elle est semblable à celle des Tibétains. Le gouvernement chinois ne veut pas reconnaître que ces gens ont une langue, une culture et une histoire bien à eux. Leur langue s'apparente au turc moderne et le gouvernement chinois s'inquiète de la possibilité que leurs pratiques religieuses dans les mosquées mènent à la création d'une identité distincte. C'est donc une situation qui les préoccupe beaucoup.
Il va de soi que nous ferons de notre mieux pour améliorer les choses dans le cadre du Conseil des droits de l'homme en 2009. C'est une nouvelle institution qui n'a pas encore fait ses preuves. Nous ne savons pas exactement comment cela va se passer. D'ici là, je crois que nous devons tourner les projecteurs vers la situation des droits de la personne en Chine.
Le gouvernement chinois n'est pas à l'abri de la mise au jour de mauvais agissements. Il y a quelques années, en passant par hasard devant un poste de police de Shanghai, une équipe de CTV a été témoin de la torture d'un prisonnier qui a été battu et menotté à un cadre de fenêtre. Le gouvernement chinois n'était pas très fier de la situation. Les Chinois n'ont jamais cherché à faire valoir que la torture était acceptable, qu'elle avait bien servi leur pays au fil de nombreuses générations, que c'était une réalité propre à leur culture. Ils savent qu'il existe certaines limites à ne pas franchir en matière de droits de la personne. Je pense d'ailleurs que c'est la même chose pour ce qui est de la liberté de religion.
J'estime que le Canada est tenu de réagir face à de tels comportements. Lorsque nous prenons connaissance de certaines situations, nous devrions interpeller nos amis chinois pour leur dire: « Nous avons entendu dire que les choses se passaient comme ça et nous ne pensons pas que cela soit acceptable. Ne croyez-vous pas que vous devriez songer à agir différemment? » Nous espérons seulement qu'ils en conviendront avec nous. Je n'ai jamais compris la raison pour laquelle les démarches d'Amnistie internationale et les lettres adressées au président chinois pour l'exhorter à relâcher une personne avaient un tel impact, mais il apparaît manifeste que même les premiers dirigeants du Parti communiste chinois sont prêts en prendre en compte les opinions exprimées par les Canadiens de Saskatoon, Moose Jaw ou Grande Prairie, quant à la manière dont ils traitent leurs propres citoyens. Et ils réagissent en conséquence.
Je crois donc qu'il est sain de mettre en lumière les situations semblables dans le cadre d'une relation bilatérale. Nous pourrons ensuite intervenir avec plus d'autorité, de concert avec les autres pays des Nations Unies, pour agir dans le même sens.