Passer au contenu
;

CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 041 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 12 mai 2008

[Enregistrement électronique]

(1005)

[Traduction]

    Je pense que nous devrions peut-être ouvrir la séance. Il est 10 heures passées. Nous avons le quorum.
    Nous accueillons notre premier groupe de témoins — en fait, le terme « groupe » n'est pas exact; à mon avis, on ne peut pas dire que deux personnes constituent un groupe. Nous accueillons donc aujourd'hui Mme Jenna Hennebry, professeure adjointe aux départements de communication et de sociologie de l'Université Wilfrid Laurier. Jenna, si je ne m'abuse, nous vous avons rencontrée à Toronto la première fois.
    De plus, nous accueillons François Crépeau, professeur de droit international. M. Crépeau devait participer à notre vidéoconférence la semaine prochaine, mais cela n'a pas marché. Je suis désolé. Ce n'était certainement pas de votre faute. Je crois que c'est à notre bout que le problème s'est posé. Nous ne savons même pas ce qui l'a causé. Quoi qu'il en soit, nous ne prévoyons pas de difficultés aujourd'hui — Dieu merci.
    Bienvenue donc à tous les deux.
    Nous sommes lundi, et les députés prévoient généralement de prendre leurs vols et de voyager le lundi. Donc, il y en a qui vont peut-être arriver un peu en retard, mais je pense qu'on peut commencer quand même, étant donné que nous avons le quorum.
    Je vous cède donc la parole. J'imagine que vous avez tous les deux des exposés liminaires à faire. Si l'un d'entre vous veut commencer, je vous cède la parole pour présenter vos vues sur la partie VI du projet de loi C-50.
    Vous avez la parole.
    Merci infiniment de m'avoir invitée à comparaître. Même si je voudrais vous faire part de diverses préoccupations au sujet du projet de loi C-50 — et, notamment la partie VI, bien sûr — je vais me concentrer sur une population au sujet de laquelle j'ai fait beaucoup de recherches et sur une série de questions liées à la migration, et surtout la migration temporaire. Si je tiens à vous en parler, c'est parce que, selon moi, le projet de loi C-50 est susceptible d'avoir des conséquences majeures pour les programmes de travailleurs étrangers temporaires et pour la migration temporaire en général. J'ai plusieurs préoccupations à cet égard, mais je vais vous les présenter rapidement, et ensuite nous aurons l'occasion de revenir sur des éléments particuliers, si vous souhaitez obtenir un complément d'information.
    Selon moi, le budget prévu pour Citoyenneté et Immigration et les modifications que le gouvernement propose d'apporter à la LIPR encourageront la migration temporaire au lieu d'éliminer l'arriéré. Si cela risque de se produire, à mon avis, c'est parce que cela prend moins longtemps de faire venir des travailleurs étrangers temporaires, par opposition aux immigrants, et cela permet de contourner le système des points. À mon avis, ça augmente la possibilité que l'on fasse de la discrimination fondée sur la race, le pays d'origine, le sexe — étant donné que la majorité des travailleurs étrangers sont des hommes — l'affiliation politique, l'identité sexuelle, etc. des demandeurs.
    Si le projet de loi C-50 est adopté, un plus grand nombre d'employeurs sont susceptibles de recourir au Programme des travailleurs étrangers comme solution de rechange, encore plus que le nombre qui y a eu recours au cours de la dernière année. J'aurai l'occasion d'y revenir. Je crois que les employeurs auront recours à ce programme plutôt que d'attendre, surtout qu'ils en ont déjà assez d'attendre que le gouvernement admette au Canada des travailleurs très qualifiés et peu qualifiés dont la demande n'est toujours pas traitée et fait partie de l'arriéré, comme on dit, alors que bon nombre d'entre eux sont des parents d'immigrants déjà établis au Canada. Je trouve intéressant, étant donné les pénuries de main-d'oeuvre qui existent et sur lesquelles on insiste beaucoup, que l'on considère l'arriéré des demandes comme un problème, au lieu d'y voir une ressource potentielle pour l'économie canadienne.
    Je trouve également intéressant que, en 2007, nous n'ayons pas atteint nos objectifs en ce qui concerne le nombre d'immigrants permanents admis au Canada, alors que le nombre de personnes admises en vertu du Programme des travailleurs étrangers temporaires a augmenté en flèche. Au cours de cette période, plus de 150 000 travailleurs étrangers ont été admis au Canada.
    Ce qu'il y a de vraiment inquiétant, me semble-t-il, c'est que le nombre de travailleurs étrangers admis par l'entremise du Programme des travailleurs étrangers n'est pas plafonné, et il est évident qu'il ne peut y avoir d'arriéré, étant donné que tout dépend de la demande des employeurs. Il s'agit d'un programme entièrement axé sur les besoins des employeurs. Selon Ressources humaines et Développement social Canada, entre 2005 et 2007, la demande de travailleurs peu spécialisés a augmenté de 122 p. 100, alors que la demande de travailleurs très spécialisés a augmenté de 39 p. 100. Cette pression va certainement augmenter et, si notre régime incite les employeurs à chercher des travailleurs étrangers, au lieu d'attendre que les demandes d'autres travailleurs soient traitées, il est évident que ce nombre va augmenter.
    Je suis également convaincue que le projet de loi C-50 permet aux intérêts privés et économiques d'influencer davantage la politique d'immigration. Comme je l'ai déjà dit, pour moi, cette mesure législative encourage le recours aux travailleurs étrangers, ce qui finit par créer un système d'immigration axé sur les besoins des employeurs. De même, ce projet de loi crée la possibilité qu'il y ait un plus grand nombre d'organismes de recrutement et de bureaux de placement tiers, alors que ces derniers jouent déjà un rôle important pour ce qui est de trouver des travailleurs étrangers et d'établir leurs contrats. On s'inquiète déjà beaucoup du fait que ces organismes ne sont pas réglementés, ce qui présente un potentiel d'exploitation accrue des travailleurs et même de comportements criminels. Dans la plupart des provinces, ces organismes ne sont pas réglementés. En tout cas, c'est certainement le cas de l'Ontario.
    Il y a également eu beaucoup de discussion au sujet de la possibilité d'exécuter le Programme des candidats des provinces de concert avec le Programme des travailleurs étrangers. Même si cela permet aux travailleurs de pouvoir obtenir éventuellement le statut de résident canadien, ce sont toujours des intérêts privés qui décident qui deviendra immigrant canadien. De plus, ce système n'apporte aucune régularisation ou normalisation des procédures comme, par exemple, le fait d'établir un délai de trois ans pour tous les travailleurs. Les critères varient selon le programme, mais en général, il n'y a pas de filière directe pour les travailleurs étrangers. Cela veut donc dire qu'un travailleur étranger peut travailler au Canada pendant deux ou trois ans et, au moment de conclure son contrat, s'il souhaite rester au Canada en permanence — peut-être a-t-il un conjoint canadien ou un fiancé canadien, comme moi, ou peut-être a-t-il reçu une offre d'emploi — aux termes du projet de loi C-50, le ministre ne serait aucunement obligé d'examiner sa demande. Voilà qui me semble problématique, et ce pour plusieurs raisons.
    À mon avis, le projet de loi C-50 aggrave la vulnérabilité des travailleurs étrangers à cause de ce problème justement, à savoir qu'il ne sert à rien, si on est travailleur étranger temporaire, de demander à devenir résident permanent car une demande est examinée uniquement si le ministre juge approprié de le faire — voilà mon interprétation du projet d'article 87.3, qui prévoit que le ministre peut décider d'examiner ou non la demande d'un travailleur étranger.
    Il convient de noter à ce chapitre que bon nombre de travailleurs étrangers demandent le statut de réfugié après avoir travaillé au Canada pendant plusieurs années, et c'est notamment le cas des travailleurs étrangers peu qualifiés. De plus, bon nombre d'entre eux, s'ils peuvent bénéficier d'un autre statut, restent au Canada sans papiers ou dépassent le délai prévu du séjour, d'après ce que nous avons appris, et cela crée un vrai problème en ce sens que, étant donné qu'il n'y a pas de contrôle et que des statistiques ne sont pas établies sur ces personnes, nous ne savons pas vraiment où se trouvent les membres de ce groupe-là ni quel genre de risques ces derniers peuvent présenter en matière de santé. S'agissant de travailleurs étrangers, il existe différentes méthodes d'évaluation et de contrôle de leur état de santé — notamment dans le cadre des programmes de travailleurs étrangers temporaires — par rapport à celles prévues pour les immigrants permanents. Tout dépend de la durée du séjour et, bien entendu, rien ne permet de garantir que ce séjour ne finira pas en réalité par être beaucoup plus long que prévu.
    S'agissant de santé, je voulais également vous faire part de mon inquiétude du fait que la ministre, ou plutôt le projet de loi C-50, ne tient aucun compte des éventuelles conséquences que peuvent avoir les mesures proposées pour le contrôle et l'évaluation de l'état de santé des personnes qui présentent une demande dans le cadre des programmes d'immigration et de travailleurs étrangers. Il faut reconnaître, à mon avis, que les travailleurs étrangers, et tout particulièrement ceux qui sont peu qualifiés, auront nécessairement travaillé dans d'autres pays avant d'arriver au Canada. Leur situation est donc différente de celle de la population immigrante, si bien que les risques en matière de santé sont différents et nécessitent que l'on soit sensible à d'autres considérations en matière de santé.
    Dans l'ensemble, le projet de loi C-50 présente des défis de taille pour ce qui est du multiculturalisme canadien et de la cohésion sociale. Comme je l'ai déjà dit, les programmes de travailleurs étrangers favorisent un régime hiérarchique fondé sur le pays d'origine et, bien souvent, sur le sexe du demandeur et, de toute façon, établir un système qui favorise de plus en plus le recours aux travailleurs étrangers temporaires me semble problématique. Je ne pense pas non plus que ce soit idéal de créer un système où les membres de différents groupes travaillent ensemble, c'est-à-dire des travailleurs étrangers, des immigrants et des citoyens canadiens qui briguent tous les mêmes emplois et qui ont tout du mal. Dans une situation où on empêche un immigrant de parrainer un membre de sa famille, alors qu'il constate que des travailleurs étrangers sont admis temporairement pour combler des postes, selon moi, cela crée des conditions qui favorisent le conflit, le racisme et des difficultés potentielles en ce qui concerne le multiculturalisme canadien.
(1010)
    Je vous remercie.
    Vous avez la parole, monsieur Crépeau.

[Français]

[Traduction]

Mais je peux répondre aux questions et aux commentaires en anglais, si vous préférez.

[Français]

    J'ai eu l'avantage de lire la lettre que vous a écrite le Barreau du Québec ainsi que celle de l'Association du Barreau canadien. Je fais partie du Comité consultatif en droit de l’immigration et de la citoyenneté du Barreau du Québec. Je n'ai pas participé à ses travaux parce que j'étais à l'étranger, mais je partage ses préoccupations. Les gens du Barreau du Québec vont comparaître cet après-midi, je crois. Je vais donc les laisser parler des points qu'ils ont soulevés.
    Puisque vous m'avez invité à intervenir à titre personnel, je vais le faire. Je voudrais parler du contexte et du principe des droits des migrants. À l'heure actuelle, une tendance lourde amène les gens à considérer que les étrangers ont moins de droits que le reste de la population, qu'ils méritent moins de voir leurs droits respectés. Cela vaut pour le Canada ainsi que pour la plupart des pays qui accueillent des immigrants. On observe cette tendance lourde dans les politiques gouvernementales et les discours médiatiques ainsi que dans la société. Je pense qu'il faut en discuter.
    Les étrangers sont titulaires de droits. Selon la Charte canadienne des droits et libertés, les étrangers ont les mêmes droits que les autres personnes protégées par la Charte, sauf celui de voter, d'être élu, d'être instruit dans la langue de la minorité, d'entrer et de rester au Canada. La totalité des autres droits s'applique à tous, et ça inclut toute personne qui se trouve au Canada, y compris les étrangers. L'étranger n'est pas moins un être humain que nous du point de vue de la protection des droits de la personne, des droits fondamentaux. À cet égard, l'absence de droit d'entrer et de rester au Canada ne signifie pas qu'on peut faire n'importe quoi de leur dossier. On ne peut pas les traiter n'importe comment du fait qu'il s'agit d'une question d'immigration.
    Depuis les années 1950, le droit administratif, dont fait partie le droit de l'immigration, s'est sophistiqué à un point tel qu'il est aujourd'hui au moins aussi susceptible de violer les droits fondamentaux que le droit criminel. Quand je faisais mes études il y a 30 ans, on parlait de duty of fairness et de procedural justice. Les garanties juridiques comprises dans le droit administratif étaient établies en faveur de l'administré. Avec l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés en 1984, on a mis en oeuvre la notion de justice fondamentale, qui s'applique évidemment au droit à la vie, à la sécurité et à la liberté pour tous, qu'il s'agisse d'étrangers, de citoyens ou de résidents permanents, notamment.
    En vertu d'une conception progressiste des droits et libertés, nous avons établi pour nous-mêmes, au Canada, un ensemble de garanties individuelles qui obligent l'État à rendre compte de ses actions. C'est le devoir de motiver les décisions; c'est l'ensemble des recours que le système juridique a offert aux administrés, citoyens ou étrangers, de manière à faire réviser des décisions administratives qui les concernent, qui affectent leurs droits. La Charte, entre autres, oblige donc l'État à justifier chacune des décisions susceptibles d'affecter les droits des administrés.
    Or, on a tendance à considérer que les étrangers n'ont pas droit à ce traitement en matière d'immigration. On a tendance à fragiliser, à précariser leur statut juridique. On constate dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés que le droit de l'immigration est en effet le seul domaine du droit fédéral où pratiquement tous les recours d'appel ont disparu. Il n'y en a plus. Il y a de la révision judiciaire, mais seulement sur autorisation. Les appels de droit sur des questions de fait ont disparu. En revanche, dans le domaine de la protection des réfugiés, les questions de fait sont fondamentales. Il n'y a jamais de révision.
    En droit criminel, on estime normal qu'il y ait deux degrés d'appel, mais en droit de l'immigration, on n'en offre même pas un. Le fait que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié n'ait toujours pas de division d'appel est lui aussi représentatif de cet état de choses. Il n'y a pas de recours d'appel sur les faits, et pourtant, il s'agit de la seule décision au Canada qui puisse mener à la mort, à la torture, à la détention arbitraire d'une personne. Au cours des 20 dernières années, on n'a pas considéré qu'il serait normal de créer un niveau d'appel pour s'assurer que l'appréciation des faits était adéquate.
(1015)
    Le projet de loi C-50 contient également plusieurs dispositions qui vont dans le même sens. Une disposition permet de ne pas rendre de décision, ni positive ni négative, ce qui a pour effet, a priori — on verra si les tribunaux acceptent le mécanisme —, d'interdire la révision judiciaire. Puisqu'il n'y a pas eu de décision, il n'y aura pas de révision judiciaire. On estime que l'intéressé n'a pas droit à la révision judiciaire.
    C'est la même chose en ce qui concerne la possibilité pour le ministre de ne pas rendre de décision sur des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire faites hors du Canada, et celle pour l'agent de ne pas délivrer de visa en ne prenant pas de décision.
    Il y a également la possibilité, pour le ministre, de prendre des instructions qui vont donner, entre autres, un ordre de priorité quant aux décisions à prendre concernant les dossiers. Cependant, ces instructions ne vont pas passer par les processus normaux de délibération et de consultation — comme c'est le cas de votre comité lorsqu'il étudie des projets de loi ou de règlement —, lesquels ont été mis en place pour s'assurer qu'ils tiennent compte de l'intérêt public. Ces instructions ne passeront pas par le mécanisme normal de reddition de comptes.
    Selon la prémisse qui sous-tend toutes ces questions, l'étranger n'a pas droit aux mêmes garanties que les citoyens, il n'est pas digne de la même protection de ses droits, il peut être traité avec discrétion, voire arbitrairement, d'une manière que nous considérerions inacceptable pour nous-mêmes. Je suis ici pour contester cette prémisse.
    L'étranger a le même droit à la dignité que nous. Dans le traitement des dossiers qui le concernent, il devrait avoir droit aux mêmes garanties procédurales. Il n'a certes pas le droit d'entrer et de rester au Canada. Mais dans la manière dont on arrive à des décisions d'expulsion, de renvoi, de refus de visa et de refus du statut de réfugié, il devrait avoir le même genre de garanties procédurales que nous exigerions pour nous-mêmes dans des circonstances similaires. Pourquoi? Parce que ces garanties procédurales assurent la crédibilité du système envers les administrés et tous les citoyens. On peut croire au système parce que celui-ci prévoit un mécanisme d'appel pour des décisions individuelles et un processus de consultation, comme celui-ci sur des directives.
(1020)

[Traduction]

    Que la justice soit non seulement rendue, mais qu'il soit évident qu'elle est rendue.

[Français]

    Il faut reconnaître que c'est une question de justice et pas uniquement de commodité administrative, d'autant plus que l'étranger est déjà dans une situation où il est beaucoup plus vulnérable, en raison de son statut, à des violations de droits fondamentaux. Ma collègue en a parlé plus tôt.
    C'est ce que la Cour suprême a rappelé dans l'affaire Charkaoui, après que plusieurs ministres successifs nous aient dit que les dispositions de la loi respectaient la Charte. Je trouve dommage, particulièrement en matière d'immigration, même si ce n'est pas le seul domaine, qu'on laisse le soin aux tribunaux de rappeler l'importance de la protection des droits fondamentaux, comme ce fut le cas pour les Autochtones, les détenus, les gais et lesbiennes.
    C'est aujourd'hui le cas pour les immigrants. Ce sont les tribunaux qui vont dire aux parlementaires, au gouvernement, ce qu'il faut faire. Cela envoie une image du Canada dans le monde qui est, à mon avis, extrêmement contre-productive et certainement contraire à son image des 30 dernières années.
    Si on considère la démocratie comme une relation complexe entre la représentation politique, la protection des droits fondamentaux et l'État de droit, la rule of law, c'est-à-dire l'accès à des recours, on voit bien que les immigrants, qu'il s'agisse de travailleurs temporaires ou de clandestins, ne bénéficient pas de la représentation politique.
    Que leur reste-t-il? La protection des droits fondamentaux et les recours en vertu de l'État de droit. Si on leur enlève ces recours, les discussions et les délibérations sur les instructions qui les concernent, il n'y a plus de garantie démocratique qui les protège. De ce point de vue, je pense qu'il faudrait offrir à chacun, et particulièrement aux populations vulnérables que sont plusieurs catégories d'immigrants, un statut qui comporte des garanties juridiques précises.
    En somme, nous avons créé pour nous-mêmes une société qui s'efforce de respecter toujours plus l'État de droit. La Commission de l'immigration et du statut de réfugié est le premier tribunal administratif au Canada en termes de nombre de cas traités. C'est un groupe important. Je trouve très préoccupant de voir que, pour une catégorie qui comprend plusieurs personnes au Canada, nous prévoyions un traitement que nous n'accepterions pas pour nous-mêmes dans des circonstances similaires et qui nous fait faire, en matière de droit administratif, un recul de plusieurs décennies.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci, monsieur Crépeau.
    Je vais maintenant donner la parole à M. Telegdi, qui voudrait intervenir.
    J'apprécie beaucoup vos observations au sujet de droits fondamentaux et de la nécessité de recourir aux tribunaux en fin de compte pour qu'ils établissent les normes à suivre concernant le processus de certificat de sécurité. Comme vous le savez, ce processus a été créé pour les personnes qui n'ont pas de statut officiel. Il a été créé pour les immigrants. Ensuite, on a cherché à établir un processus de certificat de sécurité pour les citoyens également. Il s'agissait du projet de loi C-16 ou C-18.
    Je doit dire que l'idée de faire venir de plus en plus de travailleurs étrangers temporaires au lieu de permettre aux gens de venir au Canada comme citoyens pouvant apporter leur contribution au pays, me trouble beaucoup. Le fait est que ce pays a été édifié par des gens ayant des niveaux de compétences différents. Il y a longtemps, moins on avait de compétences, plus on était intéressant. Je me rappelle des hommes qui portaient des manteaux en peau de mouton qu'on a fait venir au Canada pour établir l'ordre dans les Prairies. Maintenant, évidemment, si vous êtes comme ça, on ne veut pas de vous — sauf si vous êtes prêt à travailler dans des conditions d'esclavage.
    Et, s'agissant de l'évolution qui s'est produite depuis l'époque de l'esclavage… Quand vous êtes lié à un seul employeur, quand vous êtes défavorisé sur le plan économique et quand votre pays d'origine ne vous offre plus aucune possibilité, vous êtes essentiellement dans un état de servitude. Cela me dérange beaucoup de penser que nous, Canadiens, voudrions créer ce genre de société chez nous. Je trouve tout à fait inadmissible que l'on ait recours de plus en plus à cette solution-là, au lieu de faire venir au Canada des immigrants qui vont nous aider à édifier une nation.
    Je voudrais savoir ce que vous en pensez.
(1025)
    D'abord, comme vous nous l'avez rappelé, ce pays a été édifié par toutes sortes de personnes différentes. Pour ma part, j'ai toujours pensé qu'il nous faut beaucoup plus de réfugiés que nous n'en avons actuellement, et si telle est ma conviction, c'est parce que les réfugiés seront reconnaissants d'avoir été sortis de leur situation difficile dans leur pays d'origine ou dans des camps quelque part et seront ravis d'avoir l'occasion de recommencer leur vie ici avec leurs enfants. Pour moi, c'est un bon point de départ. Même si on ne les qualifiait pas de « réfugiés » par le passé et qu'ils sont venus comme colons, plutôt que comme réfugiés, les doukhobors étaient très contents de pouvoir vivre dans un pays où ils pourraient pratiquer librement leur religion. C'est un élément tout à fait primordial, selon moi.
    Je pense qu'il faut être prêt à répondre à une diversité de besoins. Entrer au pays comme travailleur temporaire n'a rien de mal en soi, si les conditions sont telles que le travailleur étranger ne finit pas dans un état de servitude, comme vous le disiez. Cela signifie peut-être que certaines conditions doivent être remplies: premièrement, il faut leur donner un statut juridique assorti de garanties juridiques, pour qu'ils puissent se protéger contre les conditions de vulnérabilité que l'on associe au travail temporaire et, deuxièmement, il faut leur accorder un statut qui leur permet d'espérer.
    Voilà donc deux éléments clés. Premièrement, il leur faut des garanties juridiques; nous devons nous assurer qu'ils ne sont pas à la merci d'un employeur capricieux. Nous avons déjà vu des cas de ce genre.
    De plus, dans le cadre du processus décisionnel, il y a lieu, selon moi, d'écouter davantage les sociologues — alors que je suis avocat. Selon moi, les sociologues pourront nous parler du degré de vulnérabilité de ces personnes. Les sociologues nous ont appris, par exemple, que beaucoup de personnes qui gardent les enfants à domicile ne se plaignent jamais, par exemple; elles serrent les dents et attendent de pouvoir obtenir leur statut de résidente permanente et de passer à autre chose.
    Nous en sommes tout à fait conscients au Barreau. Nous avons eu un problème semblable au Barreau du Québec au cours des dernières années. Le problème, c'est que les immigrants ne se plaignent pas quand leur avocat fait quelque chose de mal. Ils ne le font pas. Ils s'arrangent pour obtenir 2 000 $ de plus et ils trouvent un autre avocat, à qui ils donnent leur 2 000 $. Ils ne se plaignent pas. Le mécanisme prévu pour traiter les plaintes contre les avocats ne marche pas chez les immigrants, parce qu'ils sont vulnérables, ils sont convaincus qu'ils ne vont pas gagner et ils préfèrent ne pas trop se faire remarquer. C'est un gros problème, et il importe de comprendre cette vulnérabilité et leur fournir les garanties nécessaires, y compris une procédure de recours et la possibilité d'interjeter appel. Il faut aussi que les ONG aient les outils nécessaires pour défendre les gens individuellement. Voilà la premier élément.
    Cela peut comprendre les aides familiaux résidents, pour citer un exemple de personnes vulnérables. Bon nombre d'ONG rejettent d'office ce programme, même s'il est utile, car beaucoup de familles sont très contentes d'avoir une personne à domicile qui garde les enfants. Par contre, il faut beaucoup plus de contrôle. Il est vrai que cela suppose certaines dépenses, mais il faut des contrôles beaucoup plus stricts et il faut aussi que les lois soient applicables. Cela me choque chaque fois que je dois faire remarquer que les lois québécoises sur la sécurité au travail ne s'appliquent pas aux personnes qui travaillent à domicile, et je trouve que c'est vraiment dommage. Il nous faut beaucoup plus de garanties qui les protégeront tant qu'ils seront au Canada.
(1030)
    Deuxièmement, il faut leur donner une porte de sortie — vers le haut, et non pas vers le bas. Il ne s'agit pas simplement de leur dire qu'ils peuvent retourner chez eux avec le peu d'argent qu'ils auront gagné. Le Programme des aides familiaux résidants pourrait être un modèle dans ce contexte. Par exemple, nous pourrions établir une règle visant les travailleurs étrangers temporaires qui serait semblable à celle qui s'applique aux personnes qui demandent la citoyenneté: autrement dit, si vous avez travaillé au Canada comme travailleur temporaire pour une période correspondant à trois ans en tout — c'est-à-dire, environ 1 093 jours — au cours des cinq ou six dernières années, vous pouvez demander le statut de résident permanent. Il faut nécessairement subir les vérifications de sécurité, examens médicaux et d'autres contrôles qui sont prévus, mais vous pourriez présenter une demande. Vous aurez permis à notre pays d'être plus concurrentiel et vous l'aurez rendu plus riche et plus prospère, et en conséquence, nous allons reconnaître votre contribution. Vous n'avez pas enfreint des lois, vous avez été bon citoyen, et nous allons vous permettre d'améliorer votre situation au sein de la société, parce que vous avez fait la preuve que vous êtes un bon citoyen. Ce genre de formule renforcerait l'autonomie de ces migrants, qui pourraient se dire: « Je peux devenir citoyen canadien. S'il existe des contrôles appropriés, je vais m'assurer que mon statut est respecté. »
    Merci.
    Je dois m'en tenir à un maximum de sept minutes pour chaque intervenant, car tous les membres ont demandé la parole et ils voudraient avoir leur tour.
    Monsieur Carrier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Bonjour à tous les deux. Vous tenez des discours très intéressants. C'est bien qu'on ait encore au moins une demi-heure pour discuter avec vous. Les questions pourraient être nombreuses.
     Je commencerai par m'adresser à vous, madame Hennebry. J'ai manqué une partie de votre présentation parce que vous parliez très vite et que l'interprète avait du mal à vous suivre. Comprenez-vous le français?
    Je le comprends, mais je ne le parle pas très bien.
    Monsieur le président, on va ajouter une minute au temps dont je dispose, afin de donner à Mme Hennebry le temps de s'installer pour entendre l'interprétation.
    Je disais que j'ai manqué une partie de votre présentation, car vous aviez un débit très rapide et l'interprète avait du mal à vous suivre. Je parle d'ailleurs un peu plus lentement pour vous donner la chance de suivre.
    Vous parliez de l'article du projet de loi C-50 qui causerait des problèmes sur le plan du multiculturalisme. En ce qui a trait au multiculturalisme, le Canada est une terre d'accueil pour plusieurs communautés étrangères.
    Si ce projet de loi accordait un pouvoir discrétionnaire, surtout dans le cas des travailleurs temporaires qui pourraient être choisis, en quoi cela créerait-il des conflits, selon vous? Y a-t-il déjà une déficience d'intégration au Canada? Voyez-vous certains problèmes à cause d'une particularité du projet de loi?

[Traduction]

    S'agissant de multiculturalisme, mes préoccupations relatives à une éventuelle augmentation du nombre de travailleurs étrangers temporaires sont de plusieurs ordres. À l'heure actuelle, bon nombre de ces travailleurs se trouvent dans une situation vulnérable. Ils n'ont pas accès aux services d'établissement dont peuvent bénéficier les immigrants. Ils sont largement exclus de la société canadienne, et ils ont du mal à s'y intégrer parce qu'ils ne sont pas réellement censés s'y intégrer; ils sont censés venir au Canada, travailler un certain temps, et repartir. Voilà essentiellement la situation de tous les travailleurs étrangers peu qualifiés dont je vous parle.
    Donc, il y a déjà des problèmes importants sur ce plan-là, sans que le projet de loi C-50 soit en vigueur. Mais, si le projet de loi C-50 est adopté, je crains que ce phénomène soit encore plus prononcé, alors qu'aucune mesure n'aura été prise pour régler les problèmes actuels, qui sont très préoccupants et dont des ONG, des migrants et d'autres chercheurs vous ont déjà parlé.
    L'autre difficulté que présente ce pouvoir discrétionnaire est le fait que les travailleurs étrangers n'ont pas de filière particulière pour devenir résidents permanents. Supposons qu'ils présentent une demande. Il leur arrive souvent d'être sans leur famille pour de longues périodes. On les voit comme travailleurs, et non pas comme immigrants ou personnes qui ont leur propre famille — on ne les considère pas comme des gens qui ont des liens avec autrui. En ce qui concerne le multiculturalisme, si vous avez des gens qui restent au Canada pendant deux ou trois ans, au même plus tard — dans le cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers, la moyenne se situe entre huit et 10 ans; à ce moment-là, ces personnes ne sont pas intégrées dans la société. Voilà qui crée plus de conflit, car il existe des groupes qui sont essentiellement exclus du système. C'est un vrai problème.
    De plus, les travailleurs étrangers ne peuvent pas parrainer des membres de leur famille, et en vertu du projet de loi C-50, le ministre ne serait aucunement obligé d'examiner une telle demande.
(1035)

[Français]

    Je vous arrête ici parce que le temps passe vite.
     Pourquoi insistez-vous particulièrement sur les travailleurs temporaires? Le projet de loi parle sûrement d'un pouvoir discrétionnaire pour accepter des demandes de résidence permanente. Il ne parle pas spécifiquement de travailleurs temporaires, qui représentent déjà un problème en soi, je vous l'accorde. Le pouvoir discrétionnaire s'appliquera aussi à des demandes de résidence permanente. Ce sera un choix discrétionnaire, mais il ne s'agira pas nécessairement de nouveaux travailleurs temporaires.

[Traduction]

    Eh bien, mes préoccupations sont de deux ordres. Premièrement, les intentions ne sont pas des lois. Elles peuvent néanmoins facilement encourager certains groupes à rester au Canada en permanence. Mais, existerait-il un mécanisme juste leur permettant de le faire? Et la décision serait-elle prise en fonction des impératifs de la sécurité ou des préoccupations du ministre à l'égard des allégeances politiques du demandeur? Nous n'en savons rien, et le fait qu'il n'existe aucune disposition législative à ce sujet m'inquiète.
    Deuxièmement, on a répété à maintes reprises qu'il s'agit d'un moyen de réagir plus rapidement aux besoins du marché du travail. Donc, on a recours à cette méthode pour faire venir provisoirement des gens qui peuvent répondre à certains besoins, au lieu d'aiguiller les gens vers le système d'immigration permanent pour ensuite les intégrer au marché du travail.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup.
    Je vais utiliser le peu de temps qu'il me reste pour poser une question à M. Crépeau, qui a aussi fait une présentation très intéressante. On aura sûrement l'occasion d'y revenir.
    Concernant le droit international ou le droit de toute personne humaine, vous dites que les étrangers et les immigrants ont moins de droits ou n'en ont pas, c'est-à-dire qu'ils en ont, mais que ceux-ci ne sont pas respectés dans le cadre de la loi actuelle. Considérez-vous que les nombreux demandeurs de résidence dont la demande n'a pas encore été étudiée, qui ne sont pas encore retenus et qui pourraient être facilement mis de côté par ce projet de loi qui propose un choix discrétionnaire, ont des droits, puisqu'ils ne sont pas encore immigrants? Trouvez-vous qu'on leur nie un droit inné? J'aimerais entendre votre définition.

[Traduction]

    Soyez bref, je vous prie.

[Français]

    Selon la règle actuelle, avant même ce projet de loi, les dossiers sont étudiés dans l'ordre dans lequel ils sont déposés, et une décision est prise. Nous connaissons tous ce mécanisme parce que c'est la règle que nous apprenons en garderie, et il s'appelle « chacun son tour ». Derrière cela, il y a une règle de justice élémentaire qui veut que tous les dossiers soient étudiés.
    Ce qui me préoccupe, c'est que nous aurons un système dans lequel des instructions n'auront pas été discutées collectivement ni débattues démocratiquement dans les forums. Elles seront prises discrétionnairement et changeront cette règle. Un nombre probablement important de personnes n'auront jamais de réponse à leur demande. Il n'y aura pas de règle, les gens vont dépenser du temps et de l'argent pour déposer des demandes. Ils vont essayer d'imaginer un avenir à partir des demandes qu'ils auront déposées, et on ne leur donnera jamais de réponse, puisque ce projet de loi prévoit qu'on pourrait ne pas donner de réponse.
    Pour moi, c'est une violation d'un traitement digne, même pour quelqu'un qui est à l'étranger. Évidemment, il n'y a pas de droit au sens de la Charte pour ceux qui sont à l'étranger, mais pour moi, c'est une question de dignité élémentaire.

[Traduction]

    Merci.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais il y a encore au moins trois intervenants.
    Monsieur Komarnicki.
(1040)
    Merci, monsieur le président.
    C'est intéressant. Quand nous faisions le tour du Canada pour examiner la question des travailleurs étrangers temporaires, les gens voulaient nous parler du projet de loi C-50; maintenant que nous étudions le projet de loi C-50, les gens veulent nous parler des travailleurs étrangers temporaires. C'est un phénomène intéressant.
    Madame Hennebry, s'agissant du projet de loi, l'objectif premier consiste à s'assurer que les personnes ayant les compétences dont nous avons besoin au Canada puissent faire traiter leurs demandes et être admises plus rapidement. Il me semble que cela devrait donner lieu à une diminution du nombre de travailleurs étrangers temporaires. Êtes-vous en train de nous dire qu'il va y en avoir davantage, ou êtes-vous d'accord avec moi pour dire que, si nous adoptons le projet de loi C-50, moins de travailleurs étrangers temporaires seront admis au Canada?
    D'après mon interprétation du projet de loi C-50, rien ne garantit qu'il s'agira de travailleurs étrangers ou de personnes demandant le statut d'immigrant permanent. Mon inquiétude concerne la possibilité que l'on admette un plus grand nombre de travailleurs étrangers temporaires à qui on laissera entrevoir la possibilité de devenir résidents permanents, alors qu'il n'y aurait aucun mécanisme leur permettant de le faire.
    Il existe trois catégories en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés: la catégorie « immigration économique » — c'est-à-dire, les travailleurs qualifiés ou peu qualifiés; la réunion des familles; et, les réfugiés. Il me semble que si l'on admet plus de travailleurs qualifiés grâce au projet de loi C-50, le nombre de travailleurs étrangers temporaires est susceptible de diminuer. Êtes-vous d'accord?
    Il me semble que ce sont les travailleurs étrangers temporaires peu qualifiés qui augmentent en nombre, alors que ce n'est pas nécessairement le genre de personnes qu'on cible lorsqu'on est à la recherche de travailleurs qualifiés qui passent par…
    Pourriez-vous me dire où il est question de travailleurs étrangers temporaires au projet d'article 87.3? Ce n'est pas du tout mon impression. Peut-être pourriez-vous me dire à quel endroit précis, à l'article 87.3, vous avez l'impression qu'on parle des travailleurs étrangers temporaires, où l'endroit précis où il en est question?
    Pendant que vous regardez l'article, je pourrais peut-être poser une question à M. Crépeau et vous revenir ensuite.
    Monsieur Crépeau, s'agissant des instructions du ministre, êtes-vous d'accord pour dire que ces dernières devraient respecter la Charte ou qu'elles seraient assujetties aux conditions qui y sont énoncées?
    Je l'espère; oui, absolument. Mais, il s'agit de savoir comment on peu le garantir.
    Donc, le premier critère serait la conformité avec la Charte, et ensuite, les personnes qui doivent suivre les instructions — il ne s'agirait pas d'un ministre, mais plutôt des responsables ministériels dans les cas concrets — devraient également s'assurer d'agir conformément à la Charte, n'est-ce pas?
    Oui, absolument.
    Donc, à la fois l'instruction et la demande devant être traitées par le ministère devraient respecter la Charte. Êtes-vous d'accord?
    Oui.
    Dans ce cas, êtes-vous d'accord pour dire que le projet de loi C-50 ne s'applique pas aux réfugiés ou à d'autres personnes protégées?
    Je ne vois pas cette mention ici, à part pour les réfugiés qui seraient choisis à l'étranger et à qui l'on accorderait un visa de résident permanent. Il serait possible de traiter ces demandes en priorité — si tel était notre voeu — ou encore de les traiter en dernier.
    Essayons d'être encore plus précis. Vous nous dites que les réfugiés choisis à l'étranger ne sont pas touchés par le projet de loi C-50; en d'autres termes, le projet de loi C-50 exclut les réfugiés et les personnes protégées. C'est bien ça?
    Oui.
    Et, êtes-vous en train de nous dire que les réfugiés qui présentent une demande au Canada ne sont pas exclus en vertu du projet de loi C-50?
    C'est une bonne question. Vous voulez parler de personnes dont le statut de réfugié a été reconnu par la CISR qui demandent ensuite la résidence permanente?
    Ma question est simple. Est-ce que les demandes faites au Canada…
    C'est une bonne question. Je n'y avais pas pensé.
    … seraient exclues du projet de loi C-50 ou non? Le savez-vous?
    Non, je ne le sais pas. Je ne vois pas pourquoi elles seraient exclues. Il faudrait que je vérifie…
    Très bien. Pendant que vous y réfléchissez, je vous pose une autre question: pour que les instructions et le traitement de la demande présentée par suite des instructions, respectent la Charte, il faudrait que le processus soit non discriminatoire, c'est-à-dire qu'il ne devrait pas être fondé sur la race, la religion ou l'appartenance à une ethnie particulière. Vous êtes d'accord avec moi?
(1045)
    Ce serait un élément parmi d'autres, oui.
    Je reviens à Mme Hennebry: avez-vous eu l'occasion d'examiner l'article 87.3 où, d'après vous, il est question de travailleurs étrangers temporaires?
    Oui. Je ne parlais pas nécessairement du fait que cela pourrait donner lieu à une augmentation, mais dans cet article, on parle bien de demandes qui, selon le ministre, vont être traitées. Ce qui m'inquiète…
    Une seconde. Vous parlez de quelle ligne précise à l'article 87.3?
    À l'article 87.3, il est question de demandes de résidence permanente au paragraphe 21(1) et de demandes de résidence temporaire à l'article 22…
    Où est-ce qu'on parle ici de travailleurs étrangers temporaires? Ce dont vous venez de parler ne comporte aucune mention des travailleurs étrangers temporaires.
    Non, cela ne s'applique pas spécifiquement aux travailleurs étrangers; cela s'applique aux personnes qui présentent une demande pour…
    Oui, mais je vous demande de m'indiquer avec précision où il est question de travailleurs étrangers temporaires à l'article 87.3, car c'est cela que vous prétendiez tout à l'heure.
    On parle ici de « demandes de visas et autres documents » — c'est-à-dire de visas de travail ou de demandes de résidence temporaire.
    Et, quels sont les termes précis?
    Il est question de visas de travail ou de demandes de résidence temporaire.
    Où est-ce que vous voyez cela? Dans quelle partie de l'article 87.3 voyez-vous cela?
    Au début, au paragraphe 87.3(1), on lit ceci: « Le présent article s'applique aux demandes de visas et autres documents visées au paragraphe 11 »…
    Oui, mais après il est question de « demandes de statut de résident permanent visées au paragraphe 21(1) »…
    Et plus loin, de demandes de « résident temporaire ».
    Oui, « de résident temporaire », ce qui n'a rien à voir avec les travailleurs étrangers temporaires.
    On leur accord tout de même un statut de résident temporaire, ou on pourrait le leur accorder.
    Donc, vous nous dites que, par extension, ce paragraphe s'applique aux travailleurs étrangers temporaires?
    Je crains que le ministre puisse exercer son pouvoir discrétionnaire pour décider quels travailleurs étrangers seront admis ou ne seront pas admis.
    Je crois savoir que le projet de loi C-50 ne s'applique pas aux travailleurs étrangers temporaires.
    Votre temps est écoulé. Il n'y aura pas de dernières observations.
    Je donne la parole à Mme Beaumier, pour cinq minutes.
    Je suis très heureuse de vous accueillir tous les deux au comité.
    En tant que députés représentant des zones à forte densité de population, nous avons beaucoup d'immigrants, si bien que nous avons déjà vécu personnellement le genre de situations que vous nous avez décrites. Mais, vous l'avez fait de façon beaucoup plus éloquente que je n'aurais pu le faire…
    Si le projet de loi C-50 me déplaît — et je vous invite à me dire ce que vous en pensez — c'est parce qu'il donne plus de pouvoir aux bureaucrates. On a beau parler du « ministre »; nous savons tous qu'il est question des bureaucrates, plutôt que du ministre. Nous qui avons traité directement avec les bureaucrates les avons déjà entendu faire des commentaires racistes, et je peux même vous en citer quelques-uns.
    J'ai appelé au sujet de Jalandhar, et on m'a dit que, si un aussi grand nombre de demandes venant de Jalandhar est rejeté, c'est parce qu'il s'agit de Punjabis, et que les Punjabis sont plus susceptibles de mentir que d'autres. Si ce n'est pas un cas flagrant de discrimination ouverte, je ne sais pas ce que c'est. Nous avons un avocat à Hamilton qui nous a parlé des remarques racistes qu'il a lues dans la correspondance qu'il a reçue de la part des bureaucrates.
    Je ne suis pas en train de vous dire que tous les bureaucrates sont racistes. Il s'agit probablement d'un infime pourcentage. Mais, s'agissant de la Commission du statut de réfugiés… dans le magazine The Walrus, nous avons appris qu'il y avait eu des incidents d'intervention politique. Et là, je ne parle pas d'interventions de la part des élus; je parle de l'intervention des bureaucrates, qui avaient une prévention très claire contre les Roms.
    Le fait est qu'en conférant plus de pouvoir au ministre, nous conférons en réalité plus de pouvoir à la bureaucratie. Quand on décide d'ignorer l'égalité, la première victime est la justice.
    Je voudrais parler à M. Crépeau d'accommodement raisonnable et connaître ses vues sur la question, car j'estime qu'il s'exprime avec beaucoup de véhémence sur la question de l'assimilation et le traitement des immigrants.
    Voilà ce que je voudrais savoir: à votre avis, la Charte a-t-elle eu pour effet de créer des politiciens paresseux? Souvent nous adoptons un projet de loi nous disant: s'il y a un problème, la Charte va le régler. Mais, quand tout le monde qui se présente devant nous est du même avis que vous, pourquoi ne le ferions-nous pas? Y a-t-il un inconvénient?
    Vous me posez une question qui pourrait faire l'objet de tout un colloque pour les étudiants de deuxième et de troisième cycles: l'effet de la Charte sur le système politique au Canada.
    Un élément qui me semble primordial, et c'est également un élément de réponse aux autres observations qui ont été faites… En réalité, la Charte exige que le gouvernement justifie chaque décision qui peut influer sur les droits et libertés d'une personne. Cela signifie que, au cours des deux ou trois années qui ont suivi l'adoption de la Charte, par exemple, le gouvernement a dû réexaminer toutes les lois actuellement en vigueur afin de s'assurer qu'elles étaient conformes à la Charte.
    De nos jours, cela veut dire que, bien souvent — et c'est sans doute normal, étant donné qu'il s'agit d'une norme — les gens jouent à une sorte de jeu qui consiste à voir ce que signifie cette norme et comment on peut l'éviter — pas nécessairement la contourner, mais l'éviter — ou encore comment on peut arriver à faire ce qu'on veut faire tout en respectant la norme. Voilà ce que font les avocats fiscalistes tous les jours. En soi, cela ne pose pas problème.
    Par contre, cela a pour résultat de toujours mettre le gouvernement, et les bureaucrates, comme vous le disiez, sur la défensive. Pour en revenir à la question des certificats de sécurité, par exemple — il me semble que c'est un cas très instructif — plusieurs ministres d'affilée, représentant différents partis politiques et différents gouvernements, nous ont dit: « Il n'y a pas de problème. Nous avons fait les vérifications nécessaires auprès de nos avocats, et il n'y a pas de conflit avec la Charte. » Et nous avons entendu cette même affirmation au sujet de nombreuses lois du Parlement.
    Mais, lorsqu'on s'adresse aux tribunaux par la suite, ces derniers nous disent: « Non, vous vous trompez. Encore une fois vous vous trompez, et nous allons vous expliquer pourquoi. » La balle est donc renvoyée dans le camp politique, et c'est le régime politique qui doit répondre et proposer un deuxième mécanisme, pour voir s'il est satisfaisant. Ensuite, on s'adresse à la Cour suprême, et ce mécanisme est accepté, ou peut-être pas.
    La nature de ma préoccupation, notamment en ce qui concerne les immigrants… et il suffit de voir le nombre d'affaires jugées par la Cour suprême dernièrement qui concernaient des questions d'immigration ou de multiculturalisme touchant des gens récemment arrivés au Canada, etc. Nous avons tendance à croire que les étrangers devraient avoir moins de droits. C'est une croyance courante. Lorsque j'étais jeune, on ne voyait pas d'Autochtones nulle part — ils n'avaient pas de droits — les gens tenaient cela pour acquis. Il a donc fallu modifier de fond en comble notre schéma conceptuel à cet égard, et je pense que nous avons atteint ce même point en ce qui concerne les immigrants. Il faut commencer à réfléchir — et les gouvernements surtout doivent commencer à réfléchir de façon proactive à ce qu'ils peuvent faire pour protéger les droits de ces personnes. En quoi consistent les problèmes? Le fait est qu'en essayant constamment de limiter leur accès à la justice — et surtout à des recours — nous nous mettons devant une bombe à retardement en attendant qu'elle explose; les tribunaux vont finir par nous dire: « Non, vous ne pouvez pas faire cela. Nous vous l'avons déjà dit à maintes reprises. » Dans une démocratie, cela me semble problématique.
(1050)
    Merci.
    Merci, madame Beaumier.
    Pour conclure ce tour de questions, je vais donner la parole d'abord à M. Komarnicki, et ensuite, à M. Bevilacqua.
    Monsieur le président, n'est-il pas vrai qu'on essaie normalement de donner la parole à tous les membres, avant de donner un autre tour à quelqu'un? C'est cette règle-là que nous avons adoptée. Donc, M. Komarnicki…
    Non, ce n'est pas…
    C'est la règle que nous avions adoptée.
    Non, pas du tout. Ce n'est pas la règle. Nous avons parlé de cette règle à plusieurs reprises, mais ce n'est pas la règle qui s'applique actuellement.
    Ai-je raison de dire cela, monsieur le greffier?
    [Note de la rédaction: Inaudible] … une limite de temps de cinq minutes pour chaque tour de questions, et qu'aucun membre soit autorisé à intervenir plus d'une fois à chaque tour de questions, à moins qu'un autre membre ne lui accorde son temps de parole. Comme nous ouvrons un nouveau tour de questions, il ne devrait pas y avoir de problème.
    M. Komarnicki, suivi de M. Bevilacqua.
    M. Carrier n'a pas levé la main. Voulez-vous intervenir? Très bien. C'est donc à M. Carrier.
    J'essayais de donner un tour à M. Bevilacqua, étant donné qu'il avait, lui aussi, levé la main, mais M. Carrier est le prochain membre sur la liste, d'après la liste que j'ai sous les yeux et d'après mon interprétation des règles. Mme Beaumier vient d'avoir un tour.
    Monsieur Carrier, vous avec la parole.
    Une voix: C'est complètement fou, ça.
    Monsieur Carrier.

[Français]

    Merci.
     Monsieur Crépeau, j'ai une brève question à vous poser sur l'ensemble des droits que vous avez énumérés. Vous parliez des droits des immigrants à la langue d'enseignement de leur choix. C'est un beau principe qui existe...
    Les immigrants ont tous les droits prévus par la Charte, sauf le droit à l'enseignement dans la langue de la minorité, qui est réservé aux citoyens canadiens.
(1055)
    Ils n'ont donc pas ce droit.
    Ils ne l'ont pas. C'est l'un des trois droits qu'ils n'ont pas. Les autres sont le droit de vote et le droit d'entrer et de rester au Canada.
    En ce qui a trait au projet de loi C-50, compte tenu de tout ce que vous nous avez décrit, y a-t-il une possibilité d'amendement ou de modification de la partie 6, qui porte sur l'immigration, même si c'est tout à fait contraire aux droits des individus que vous nous avez si bien décrits?
    Pour moi, la question se posera et sera amenée devant les tribunaux. Ceux-ci devront décider, par exemple, quel sera le mécanisme qui fait qu'on pourrait ne pas prendre de décision, puisque c'est un des mécanismes prévus dans le projet de loi C-50. Jusqu'à aujourd'hui, on peut soit accepter, soit refuser une demande. Dorénavant, on pourrait accepter, refuser ou ne pas prendre de décision.
    Comme cela a été souligné par l'Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec, etc., ne pas prendre de décision signifie qu'il n'y a pas de révision judiciaire possible, puisqu'il n'y a pas eu de décision. On supprimerait donc un recours possible face à une décision. Il est possible que les tribunaux décrètent que, puisqu'ils sont garants du respect des droits des individus, si aucune décision n'est prise après deux, trois ou quatre ans, ils présumeront que la décision est négative et accorderont le recours aux individus.
    Je trouve extrêmement dommage de laisser, encore une fois, aux tribunaux le soin de faire ce travail. Je suggérerais donc un amendement, soit celui de supprimer cela et de faire en sorte qu'on rende une décision et qu'on accorde ainsi un recours potentiel à tous les intéressés.
    En d'autres mots, vous proposez qu'on revienne à ce qui existe actuellement...
    On devrait garder ce qui existe actuellement, c'est-à-dire qu'il y ait une décision, positive ou négative. Si on ne peut pas faire cela, on pourrait rajouter un petit paragraphe disant que s'il n'y a pas eu de décision positive ou négative après trois ans, la décision est présumée négative. Cela voudrait dire que, trois ans plus tard, la personne aurait droit à un recours. Dans tous les cas, il ne faut pas supprimer le recours, qui constitue une garantie juridique importante.
    À votre connaissance, y a-t-il un précédent, y a-t-il d'autres exemples ailleurs au monde d'un tel pouvoir discrétionnaire qui serait laissé au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration relativement au choix des demandes étudiées? Cela existe-t-il dans d'autres pays?
    C'est une bonne question. Je sais que cela existe dans des systèmes qui ne sont pas comparables. Par exemple, dans le cadre du système français, qui n'est pas un système d'immigration de peuplement comme le nôtre, des décisions sont prises sans recours, mais ce n'est pas un système comparable. Il faudrait aller voir, par exemple, ce que dit la loi australienne ou britannique, mais je n'ai pas fait ce travail.
    Cela démontre-t-il qu'en droit international, il s'agit d'un processus qui serait valable?
    Le droit international est un système imparfait qui ne donne pas la solution. La solution ne se trouve pas dans le droit international, et ce, pour plusieurs raisons. On n'y trouve pas de réglementation détaillée en matière d'immigration, cela n'existe pas. On trouvera de la réglementation sur la protection des droits, entre autres en matière administrative. Là encore, on trouvera des éléments, mais vous ne trouverez pas la solution dans le droit international. Vous allez pouvoir voir certains éléments en droit comparé, mais cela ne veut pas dire que c'est valable en fonction de la Charte. Ce n'est pas parce que les autres le font que nous devrions le faire aussi.
    Je comprends. Merci.

[Traduction]

    Je vais maintenant… Mme Grewal a cédé son temps de parole à M. Komarnicki, mais je voudrais donner quelques minutes à M. Bevilacqua également.
    Monsieur Komarnicki, vous allez disposer de trois ou quatre minutes. Ensuite, je vais donner la parole à M. Bevilacqua, qui aura deux ou trois minutes.
    J'ai deux points à soulever. À la conclusion de mon dernier tour, vous deviez vérifier l'article concerné pour voir si les réfugiés ou les personnes protégées sont exclus ou non du projet de loi C-50. Avez-vous pu tirer des conclusions à ce sujet?
    Non. Il faudrait que je revoie toute la Loi pour être en mesure de vérifier cela avec précision. Or je n'ai pas cela sous les yeux et je ne peux donc pas vous le dire pour le moment.
    Très bien. Donc, s'ils sont exclus, et si l'on présume qu'ils le sont, il est évident que toute observation touchant les réfugiés ne s'appliquerait pas. Vous êtes d'accord?
    Oui.
     S'agissant maintenant des demandes présentées pour des raisons d'ordre humanitaire à l'extérieur du Canada — pas au Canada, car je crois comprendre qu'au Canada, il est possible de présenter une ou plusieurs demandes pour des raisons d'ordre humanitaire, et que cela continuerait d'être le cas, étant donné que le projet de loi C-50… Je sais que certains ont laissé entendre que, si une demande visant la catégorie des travailleurs qualifiés présentée à l'extérieur du Canada n'était pas acceptée — supposons que ce soit par suite d'instructions que prévoit le projet de loi C-50… En l'absence du projet de loi C-50, êtes-vous d'accord pour dire qu'il serait possible de présenter une demande pour des raisons d'ordre humanitaire?
(1100)
    Oui.
    Mais, pour une personne appartenant à cette catégorie-là, le projet de loi C-50 précise qu'il est possible de présenter une demande et que le ministre peut examiner cette demande, mais n'est pas tenu de le faire.
    Voilà. C'est ce que j'ai cru comprendre.
    Donc, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que, si la demande d'une personne appartenant à la catégorie des travailleurs qualifiés est rejetée, en vertu du projet de loi C-50, cette personne ne pourrait pas présenter une demande pour des raisons d'ordre humanitaire?
    D'après ce que j'ai compris du mécanisme, oui.
    Êtes-vous également d'accord pour dire que, contrairement au système actuel, le projet de loi C-50 n'exigerait pas que chaque demande soit traitée du début à la fin?
    C'est-à-dire qu'il ne serait pas obligatoire de traiter les demandes dont vous venez de parler.
    Et, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que, en vertu du système actuel, qui a donné lieu à une accumulation de plus de 900 000 demandes, chaque demande doit être traitée, quelle que soit la limite établie par le Parlement — disons, 265 000 personnes ou moins?
    Oui, je suis tout à fait d'accord. Mais, je voudrais préciser que le fait qu'il existe une accumulation de demandes constitue un inconvénient administratif, mais nous en sommes toujours au niveau de l'administration, et non pas à celui de la justice. C'est un peu comme si on disait qu'on allait empêcher les gens d'interjeter appel dans des affaires criminelles parce que cela va nous permettre de régler ces dossiers plus rapidement.
    Nous parlons ici d'un système par l'entremise duquel les gens présentent une demande, et doivent investir beaucoup d'argent et d'énergie dans la préparation de leurs demandes d'admission au Canada, alors qu'on ne leur donne même pas une réponse. Et lorsqu'ils sont… Il peut y avoir des considérations d'ordre humanitaire, et il est important qu'on en tienne compte.
    J'ai un ou deux autres points…
    Non, je vous coupe la parole tout de suite. Votre temps est écoulé.
    M. Ed Komarnicki: Je n'ai pas l'impression d'avoir eu quatre minutes.
    Le président: Si, vous avez eu quatre minutes.
    M. Ed Kamarnicki: Ah, bon?
    Le président: Oui.
    Je vais donner la parole à M. Bevilacqua, qui sera le dernier intervenant. J'espère que vous aurez l'occasion d'aborder cette même question plus tard, avec le prochain groupe de témoins.
    Monsieur Bevilacqua, je vous donne environ quatre ou cinq minutes. Vous n'êtes pas beaucoup intervenu précédemment.
    On dirait que nous consacrons beaucoup de minutes à la question de savoir combien de minutes nous devrions avoir.
    Vous avez tout à fait raison.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier pour vos exposés.
    Il est évident que ce comité vise à trouver le moyen d'améliorer un projet de loi qui semble comporter de graves défauts. Dans les deux ou trois minutes dont je dispose, j'aimerais vous donner l'occasion de nous dire quelles améliorations et quels changements vous souhaitez qu'on apporte au projet de loi.
    Dans la partie VI, il n'y a pas grand-chose qui me plaît. Je dirais qu'il faudrait sans doute la supprimer complètement.
    Je me rends bien compte des problèmes administratifs considérables que présente l'accumulation de demandes. Il faut absolument faire quelque chose pour éliminer l'arriéré, qui constitue en soi une injustice envers les dizaines de personnes qui attendent une décision depuis cinq, six, sept ou même huit ans. Mais, conférer des pouvoirs accrus aux bureaucrates ou au ministre n'est pas la bonne solution, à mon avis. Dépenser davantage serait une solution possible, surtout à CIC qui d'après ce que j'ai pu comprendre, constitue une source de crédits pour le gouvernement. En ce qui concerne ce problème particulier, dépenser davantage et recruter plus d'employés pour traiter les demandes serait une solution à envisager.
    À la place, nous consacrons de l'argent à des mesures qui visent à faciliter la vie aux employeurs en leur permettant d'obtenir plus rapidement des travailleurs étrangers. Service Canada est en place et peut aider les travailleurs migrants et étrangers à s'intégrer plus rapidement à l'économie canadienne, mais malheureusement, nous n'avons pas voulu consacrer les sommes nécessaires à l'amélioration du processus de traitement des demandes de résidence permanente présentées par bien des gens, dont la demande fait partie de l'accumulation, ayant les mêmes compétences que de nombreux travailleurs étrangers qu'on admet au Canada pour travailler dans les secteurs exigeant un faible niveau de compétences.
    Pour moi, l'idée de traiter chaque dossier selon le moment de son arrivée constituait un excellent principe. Je ne suis pas contre l'idée d'établir des priorités, mais il faut en discuter de façon démocratique. Il ne devrait pas être possible de donner des instructions sans que l'on en discute au préalable. S'il est question de faire des exceptions, en ce qui concerne l'ordre de traitement des demandes, il faut absolument qu'on comprenne le pourquoi de ces exceptions et qu'on en débatte.
    Quand on donne la priorité à certaines personnes, d'autres tombent au bas de la liste. Et ce ne sont pas les personnes qui ont la priorité qui me préoccupent; ce sont plutôt celles qui se trouvent au bas de la liste.
(1105)
    Professeure Hennebry, quels changements convient-il d'apporter au projet de loi, selon vous?
    Je dois admettre, moi aussi, qu'il n'y a pas grand-chose que j'aime dans ce projet de loi. L'attribution de pouvoirs discrétionnaires n'est pas le seul mécanisme qui permettrait de régler le problème de l'arriéré. D'ailleurs, pour moi, l'arriéré n'est pas un gros problème; pour moi, c'est plutôt positif, en ce sens que beaucoup de gens voudraient venir au Canada, et j'estime qu'il faut donc examiner de façon juste et équitable chacune des demandes qui sont présentées. C'est leur droit.
    En fin de compte, vous nous dites tous les deux que vous préféreriez qu'on se débarrasse complètement de ce projet de loi.
    Et qu'on le remplace par d'autres dispositions qui permettraient d'accélérer le traitement de toutes les demandes accumulées, mais pas de cette façon. Il existe d'autres moyens.
    Je suis d'accord.
    Comme…? Quels sont ces autres moyens?
    Investir davantage dans le système, par exemple, et engager plus de fonctionnaires pour traiter les dossiers. Qui a jamais dit que la justice ne coûte pas cher?
    Il serait possible de tout numériser…
    Il y a moyen d'accélérer les choses. Nos universités ont bel et bien réussi à accélérer le traitement des demandes d'admission. Je suis convaincu qu'on peut le faire.
    Merci, monsieur Bevilacqua, et merci à nos deux témoins, Mme Hennebry et M. Crépeau, pour leurs témoignages. Comme vous le savez, nous allons préparer un rapport sur la question, et nous vous conseillons donc de suivre ce dossier.
    J'invite maintenant les représentants de l'Association du Barreau canadien à s'avancer. Il s'agit de Stephen Green, qui en est le trésorier, et de Kerri Froc, l'analyste des politiques juridiques.
    Je voudrais commencer immédiatement. Nous avons environ 10 minutes de retard. Je suis désolé, monsieur Green et madame Froc, de vous avoir fait attendre, mais les membres avaient des questions et voulaient absolument les poser. Je voudrais donc souhaiter la bienvenue aux représentants de l'Association du Barreau canadien. Je pense que vous avez déjà comparu devant le comité, et je n'ai donc pas besoin de vous expliquer la procédure.
    Je vous invite à faire vos exposés liminaires, après quoi les membres du comité voudront faire des observations et vous poser des questions.
    Bienvenue. Merci de votre présence.
    L'Association du Barreau canadien est très heureuse de comparaître devant le comité aujourd'hui pour discuter de la partie VI du projet de loi C-50, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    À la fin mars, le président de la Section de la citoyenneté et de l'immigration de l'ABC a comparu devant vous pour discuter de nos préoccupations relatives aux instructions ministérielles que prévoyait le projet de loi C-17. Notre mémoire écrit sur le projet de loi C-50 s'appuie sur les arguments avancés précédemment à ce sujet, qui vous a d'ailleurs été envoyé à l'avance.
    L'Association du Barreau canadienne est une association nationale composée d'environ 38 000 membres vivant dans toutes les régions du pays. Les principaux objectifs de l'Association sont l'amélioration des lois et de l'administration de la justice.
    C'est dans cette optique que nous avons préparé notre mémoire écrit et que nous nous exprimons aujourd'hui au sujet du projet de loi.
    Je vais maintenant demander à M. Green, qui est membre de l'exécutif de la Section du droit de la citoyenneté et de l'immigration, de vous présenter nos vues sur le projet de loi proprement dit.
    Si vous me permettez, je voudrais vous faire un bref historique de l'état du droit dans ce domaine. Selon moi, il est important de comprendre l'objectif de la partie VI.
    Avant l'adoption de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, la délivrance de visas relevait du pouvoir discrétionnaire des agents. Même des personnes qui répondaient aux conditions se voyaient refuser un visa. La LIPR nous a permis d'établir la même politique que dans d'autres pays en établissant le principe de la primauté du droit dans notre système d'immigration, afin d'éviter les difficultés que le Canada a connues par le passé en ce qui concerne l'admission de membres de divers groupes.
    Au moment où elle a été adoptée, la LIPR constituait une loi cadre. Bon nombre d'entre vous étiez membres du comité au moment où il en a été question. Comme c'est le cas de la Loi actuelle et des lois récentes, cette loi cadre établissait de vastes pouvoirs de réglementation. Il serait désormais possible d'établir des règlements très généraux, et le comité avait reçu beaucoup de témoignages au sujet de la transparence du nouveau règlement d'application qui devait suivre l'adoption de la LIPR.
    Donc, comment peut-on s'assurer qu'il existe un certain contrôle en ce qui concerne l'application du Règlement? L'article 5 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés répond à cette question. Cet article prévoit le contrôle rigoureux des pouvoirs du ministre de prendre des règlements. Il prévoit que chaque Chambre reçoit une copie des règlements en question, et que ces derniers soient étudiés par les comités appropriés.
    Quelle est donc la situation à l'heure actuelle? À mon avis, le contrôle du Parlement de l'utilisation du pouvoir réglementaire du ministre est suffisant par rapport aux principes du gouvernement responsable et ceux qui sous-tendent notre démocratie. Notre système est transparent. Il permet aux citoyens d'avoir voix au chapitre et d'être consultés, par l'entremise de la publication dans la Gazette du Canada, et on n'a pas l'impression que les règlements qui sont adoptés ont un caractère arbitraire. Par contre, tout cela change dans la partie VI du projet de loi. Il prévoit la possibilité de donner des instructions sur tous les aspects de la délivrance des visas, en dehors du processus de sélection des réfugiés à l'extérieur du Canada. Il fournit des instructions pour toutes les catégories: celles du regroupement familial, de l'immigration économique, des travailleurs temporaires et des personnes admises pour des raisons humanitaires. Toutes les catégories sont touchées.
    Et quel est le résultat de ces instructions? Eh bien, pour être franc avec vous, des instructions seront données sans qu'il y ait le moindre contrôle. Contrairement aux règlements qui, à mon humble avis, sont extrêmement puissants, puisqu'ils nous indiquent comment il convient d'interpréter la Loi, ces instructions qui sont données ne feront l'objet d'aucune contrôle.
    Quels sont les dangers d'une telle approche? Qu'elles en seront les conséquences? À notre humble avis, l'un des éléments les plus dangereux est sans doute la possibilité pour les gens de faire pression sur le gouvernement au pouvoir concernant les instructions qui seront élaborées et données aux personnes appropriées. Tout cela sera secret. Personne ne sera au courant. On nous a dit qu'il y aura des rencontres avec des syndicats et divers autres organismes, mais tout cela va se faire à huis clos. Les citoyens ne sauront pas pourquoi ces instructions ont été données.
    S'agissant de révision judiciaire et de la possibilité de réexaminer la décision d'un agent des visas à l'étranger, on nous dit, dans la partie VI, que la décision de retourner ou de ne pas traiter une demande n'est pas une décision. Donc, comment sera-t-il possible de contrôler le travail des agents des visas si nos tribunaux n'ont pas la possibilité de réexaminer la décision d'un agent de retourner une demande si, d'après la partie VI du projet de loi, cette décision n'en est pas une?
    Nous avons beaucoup entendu parler de l'accumulation de demandes. Précisons bien à ce sujet que la partie VI n'aura aucune incidence sur les demandes accumulées. À notre avis, elle n'aura aucun effet sur l'arriéré. À l'heure actuelle, il existe des mécanismes qui permettent de s'attaquer au problème de l'accumulation des demandes, mécanismes qui sont actuellement utilisés par le gouvernement actuel, ce qui est tout à fait à son honneur. Les demandes de personnes ayant un permis de travail sont traitées sur une base accélérée, qui est de l'ordre de quatre à six mois dans certains pays, et ainsi elles peuvent être admises comme immigrantes. Il y a également le programme des candidats des provinces en vertu duquel des visas d'immigration sont délivrés — encore une fois, dans un délai de six mois. Il y a en outre les équipes spéciales envoyées par le gouvernement dans certains bureaux de visas en vue de s'attaquer au problème actuel. Donc, selon nous, il n'est pas nécessaire d'adopter ce nouveau projet de loi pour s'attaquer à cette difficulté-là. Le ministre ou le gouvernement au pouvoir pourrait simplement augmenter le nombre de points exigés, en vertu du système de sélection en ce qui concerne les ressortissants étrangers de la composante économique, de façon à réduire le nombre de personnes qui finissent par être admises.
(1110)
    En ce qui nous concerne, si ce projet de loi est adopté, il va ramener le Canada à la période sombre d'antan du point de vue de notre système de sélection et de traitement des demandes d'immigration. Il permettra au ministre de mener ses activités sans contrôle aucun, et donc de laisser entrer par la porte arrière les membres de nombreux groupes d'intérêt. Il y a d'autres initiatives que le gouvernement a prises afin d'accélérer le traitement des demandes. Nous avons entendu parler de la nouvelle catégorie « expérience canadienne ». Il y a eu des consultations à ce sujet. C'est ainsi qu'il faut faire les choses, et nous avons hâte de voir les résultats, lorsqu'ils seront diffusés.
    Voilà qui termine mon exposé sur la situation actuelle.
(1115)
    Monsieur Bevilacqua, vous avez la parole.
    Je pense que votre position est assez claire. Cette question nous inquiète beaucoup. Nous estimons que le projet de loi comporte de graves défauts. Il ne répond même pas à l'objectif établi au départ, à savoir de régler le problème de l'arriéré. De plus, nous ne voyons pas pourquoi il faut accorder autant de pouvoir au ministre.
    Nous nous permettons également de remettre en question le sérieux du gouvernement — sachez que le financement ministériel dans ce domaine a augmenté de seulement 1 p. 100. Nous remettons également en question le sérieux et la sincérité du gouvernement lorsqu'il prétend vouloir admettre un plus grand nombre de travailleurs qualifiés, alors que 36 000 immigrants de moins ont été admis au cours des deux dernières années. Voilà en quoi consiste le cadre actuel.
    Je voudrais vous poser la même question que j'ai posée à un groupe antérieur. L'un des rôles du comité consiste à trouver le moyen d'améliorer le système actuel. Pourriez-vous nous faire part de vos idées à ce chapitre?
    À mon avis, le gouvernement améliore le traitement de demandes de personnes ayant reçu une offre d'emploi au Canada. Je l'en félicite. Pour que ces travailleurs puissent arriver au Canada plus rapidement, on repère leurs demandes dans le système et on en accélère le traitement.
    Peut-être serait-il possible de revoir le nombre de points exigés pour être admis. Si nous n'arrivons pas à réduire le nombre de demandes, nous pourrions éventuellement faire diminuer le nombre de personnes admises. Et comme l'a proposé un autre témoin, il serait également possible de prévoir de plus amples ressources afin d'éliminer l'arriéré. Mais, comme pour tout règlement, il faut faire une véritable analyse pour pouvoir élaborer des solutions. C'est une question à laquelle il est difficile de répondre. Par contre, je ne suis pas du tout convaincu que la partie VI soit le moyen de régler le problème actuel.
    Supposons que des Canadiens lisent le compte rendu de vos témoignages et se posent des questions au sujet du système d'immigration canadien comme outil permettant d'édifier une nation. J'aimerais que vous essayiez de leur expliquer pourquoi il est dangereux de concentrer trop de pouvoir entre les mains des ministres responsables de l'immigration. Pourquoi est-ce dangereux?
    C'est dangereux parce que le ministre peut ainsi fermer la porte à n'importe quel moment. N'importe quel gouvernement pourrait faire de même. Il n'y aurait plus aucune prévisibilité. Le principe de la primauté du droit n'existerait pas. Il serait possible de dire aux familles qui présentent une demande qu'on ne veut pas d'elles, parce qu'elles ne constituent pas la priorité à ce moment-là. Voilà pourquoi il est si important que l'on débatte de cette loi cadre et du règlement d'application. Ainsi les Canadiens pourraient participer au débat avant que vous ne décidiez du contenu du Règlement. Les Canadiens pourraient entendre et comprendre ce que vous avez à dire et avoir voix au chapitre. Peut-être que le Canada dans son ensemble dirait qu'il faut fermer la porte, mais au moins les citoyens auraient eu l'occasion de participer à la décision. Si le ministre a le pouvoir de donner des instructions, ce n'est ni vous ni moi qui allons prendre la décision. C'est une seule personne qui va la prendre.
    S'agissant des instructions du ministre, que signifient-elles sur le plan juridique?
    C'est une question intéressante. Ont-elles le poids d'un règlement? Peut-être pas. C'est intéressant parce que l'article 93 du projet de loi prévoit que les instructions ne sont pas visées par la Loi sur les textes réglementaires, qui concerne justement les règlements d'application.
    Pour moi, c'est une question qu'il faudra soumettre aux tribunaux: quel est le poids de ces instructions? Je vous dirais que, dans la pratique, elles auront le même effet qu'un règlement. Par contre, elles ne seront pas passées par le processus auquel on pourrait normalement s'attendre dès lors qu'il est question de modifier un règlement.
(1120)
    Permettez-moi donc de vous poser une autre question.
    Pourquoi pensez-vous qu'un ministre ou un gouvernement voudrait qu'on lui confère tous ces pouvoirs?
    Je ne peux pas vraiment me prononcer sur cette question-là, mais je peux vous affirmer que nous avons déjà un système en place permettant d'examiner et d'adopter des règlements. Peut-être devrions-nous adopter l'approche réglementaire dans ce contexte — surtout que le gouvernement réagit assez rapidement aux règlements.
    Vous avez l'esprit d'analyse d'un avocat, évidemment, puisque vous en êtes un. Si vous étiez le ministre — et je sais que vous ne voudrez peut-être pas répondre à des questions hypothétiques, mais on sait jamais — pourquoi voudriez-vous détenir de tels pouvoirs? Pourquoi serait-il intéressant de détenir ces pouvoirs-là?
    Vous savez, je ne peux pas vous répondre. Je ne sais pas pourquoi.
    Je vous dirais simplement que nous avons déjà un système de réglementation qui a fait l'objet de discussion, et qui prévoit le contrôle et l'équilibre nécessaires, et pour moi, c'est ce système-là qui est le plus approprié.
    Mais quelle pourrait être la motivation?
    Eh bien, nous avons entendu dire que le gouvernement souhaite que les choses se fassent plus rapidement, et ce moyen-là est effectivement plus rapide. Mais il est possible que, en agissant plus rapidement, nous jetions d'abord l'eau du bain.
    Comment décririez-vous les pouvoirs du ministre, si vous deviez le faire? À quoi ressemblent-ils d'un point de vue purement juridique?
    D'un point de vue juridique, ces pouvoirs sont les mêmes aujourd'hui qu'ils l'étaient lorsque la Loi a été adoptée.
    Mais si les changements proposés sont retenus, quel genre de ministre aurions-nous?
    Nous aurions un ministre — du moins, nous l'espérons — qui exercerait ces pouvoirs avec une très grande prudence, mais il reste que nous n'aurions pas la possibilité de discuter de l'utilisation de ces pouvoirs ou de nous prononcer là-dessus. Voilà qui fait peur.
    Pourquoi êtes-vous inquiet à l'idée que le ministre ait autant de pouvoir?
    Parce que, conformément au principe de la primauté du droit, vous et moi, et tous les citoyens, avons le droit de participer à la modification d'une politique qui revêt une aussi grande importance pour le Canada.
     En ce qui concerne les instructions, ce qui est intéressant, c'est que si l'on examine les observations qui ont été faites concernant l'élaboration de ces instructions, on nous dit que ces dernières cadreront avec la politique du gouvernement de l'époque. On ne dit pas qu'elles doivent atteindre les objectifs de la Loi sur l'immigration; le projet de loi prévoit plutôt qu'elle soit conforme aux « objectifs fixés par le gouvernement fédéral ». Donc, une distinction est établie entre les objectifs du gouvernement au pouvoir et ceux établis dans la Loi.
    Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Belivacqua.
    La parole est à M. Carrier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, madame et monsieur. C'est intéressant de vous écouter, surtout que vous représentez le Barreau canadien. À mes yeux, vous représentez la bonne exécution de la loi au pays. Vous vous sentez concernés par la partie 6 du projet de loi C-50. Avant de présenter ce projet de loi prévoyant une modification majeure à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, le ministre ou les gens du ministère vous ont-ils consultés?

[Traduction]

    Pourrais-je demander à Kerri de vous répondre?
    Si je ne m'abuse, il n'y a pas eu de consultations au sujet du projet de loi C-50 avant que ce dernier ne soit déposé à la Chambre.

[Français]

    Vous êtes de l'Association du Barreau canadien, qui représente l'ensemble du pays, Vous arrive-t-il parfois d'être consultés par le gouvernement au sujet de modifications à des projets de loi?

[Traduction]

    Oui, nous avons été consultés à de maintes reprises sur d'éventuelles modifications législatives dans de nombreux domaines différents. Une disposition législative qui est actuellement à l'étude prévoit que tous les travailleurs qualifiés soient tenus de passer un test de langue en anglais, qu'ils aient ou non vécu toute leur vie aux États-Unis. Sur cette question, nous avons été consultés; il y a eu de vastes consultations à ce sujet. Il y a aussi la question de la catégorie « expérience canadienne », sur laquelle nous avons également été grandement consultés.
    Donc, la réponse est oui. Mais, à ma connaissance, nous n'avons pas été consultés au sujet de ce projet de loi.
(1125)

[Français]

    M. Crépeau, professeur de droit international, a dit plus tôt que ce projet de loi est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés. Êtes-vous d'accord avec lui? Si c'est le cas, votre association prendra-t-elle des mesures pour contester l'application de cet article, si toutefois il s'appliquait?

[Traduction]

    Je ne suis certainement pas un expert sur les questions liées à la Charte, donc, je ne peux malheureusement pas me prononcer sur cette question-là.
    Pour ce qui est de contester certaines dispositions du projet de loi, je suppose que nous le ferions si un demandeur à l'étranger nous autorisait à le faire. Comme nous traitons avec un groupe très vulnérable, il est difficile de mettre bon nombre de dispositions de ce genre à l'épreuve, étant donné que les principaux intéressés se trouvent à des centaines de milliers de kilomètres. Mais, je présume que bon nombre de nos membres essaieraient de les contester.

[Français]

    J'ai l'impression que vous connaissez le domaine de l'immigration. Vous savez qu'il y a une accumulation de demandes d'immigration. Par contre, vous rejetez la façon proposée pour tenter de régler ce problème. Avez-vous une idée pour régler ce problème?
    Ce sont les commissaires qui étudient les demandes d'immigration. Or, 50 postes de commissaire sont vacants. La dotation de ces postes constitue-t-elle une solution assez simple pour accélérer l'étude des demandes?

[Traduction]

    Oui, tout à fait. En ayant accès à plus de ressources pour traiter les demandes, le gouvernement pourrait avoir plus rapidement accès aux personnes dont les compétences sont requises au Canada, parce que tout passerait par un système de numérotation.
    Par exemple, si le Canada avait besoin de plus de personnel infirmier, nous pourrions extraire les demandes appropriés du système et les traiter de façon à combler les postes actuels. C'est ce qui se fait déjà, et cette méthode donne d'assez bons résultats pour ce qui est de réduire le nombre de demandes accumulées. Si quelqu'un a une offre d'emploi au Canada, sa demande est extraite presque immédiatement et est traitée très rapidement. Sur ce plan-là, le gouvernement fait un excellent travail en ce moment.
    Nous entendons tellement parler de cet arriéré, et loin de nous l'idée de nier l'importance de ce problème, mais combien de personnes veulent toujours venir après avoir attendu sept ans? Voilà la question. Même si c'est un demi-million, c'est encore trop.

[Français]

    Ça va.

[Traduction]

    Vous pouvez utiliser le temps restant. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

    Le fait que le gouvernement décide de procéder de cette façon pour tenter de régler l'arriéré m'intrigue. Si j'en juge par la façon dont ça va fonctionner, l'arriéré va continuer. Il y aura de plus en plus de demandeurs. Sachant qu'un pouvoir discrétionnaire existe quelque part, on va simplement transférer les demandes d'un endroit à un autre.
    Si j'étais un demandeur de statut d'immigrant, je vous assure que le jour où j'apprendrais qu'il existe un pouvoir discrétionnaire quelque part, je tenterais par tous les moyens d'utiliser ce nouveau système. Non seulement on ne fait que déplacer le problème, mais on crée une certaine injustice. De toute manière, on ne pourra jamais rattraper l'arriéré des demandes, parce qu'il ira sans cesse en augmentant.
    La situation d'autres pays va continuer de s'aggraver, comme on le constate à l'heure actuelle. Plus la situation va être difficile dans certains pays, plus le nombre de demandeurs d'immigration va augmenter. Je ne pense pas qu'on puisse régler un jour le problème des longues listes d'attente en matière d'immigration.
    Êtes-vous d'accord avec moi?

[Traduction]

    Oui, mais lui ou elle peut également dire non tout de suite. Ce sera presque possible d'atteindre le point d'équilibre parce que, si ces dispositions sont adoptées, les demandes ne pourront plus continuer à s'accumuler, étant donné que le ministre pourra recourir à cet instrument pour dire: « Désolé, mais nous n'allons plus accepter de demandes de cette région de l'Asie ou de cette région du monde. »
    Pour moi, c'est vraiment la pente savonneuse, car l'utilisation de toutes sortes d'instruments de ce genre devient possible, alors que nous n'avons pas notre mot à dire, contrairement à ce qui devrait être le cas.
    Merci.
    Madame Chow, vous avez sept minutes.
(1130)
    Il y a plusieurs éléments. Une fois que les changements auront été adoptés, ils seront publiés dans la Gazette du Canada sans consultation aucune. À l'heure actuelle, il y a au moins la période de consultation de 30 jours. Donc, en ce qui vous concerne, le fait que la notification se fera après coup risque-t-il de poser problème?
    Oui. Comme nous l'avons dit dans notre mémoire, quand il s'agit de règlements, nous nous présentons devant vous pour en parler, mais quand il s'agit d'instruments de ce genre, nous attendons qu'on nous annonce quelque chose.
    Exact, et c'est justement cela le problème.
    Pour ce qui est de modifier le système des points, le modèle australien est un cas intéressant. Au lieu de conférer beaucoup de pouvoir au ministre, ils ont modifié le système des points de façon à faire entrer beaucoup plus de gens dont le profil correspond parfaitement aux compétences qui sont demandées. En conséquence, bon nombre d'immigrants réussissent à trouver un emploi dans leur domaine de spécialisation dans les cinq ou 10 ans qui suivent leur arrivée.
    Nous savons que le Canada fait face à une pénurie de main-d'oeuvre. Comme vous dites, il faut tout simplement éliminer la partie VI. Pour ce qui est des modifications éventuelles à apporter au système des points, avez-vous quelque chose à proposer à la ministre de l'Immigration — par exemple, si tel est votre objectif, voici une meilleure façon de l'atteindre? Pouvez-vous faire des suggestions qui constitueraient une solution de rechange par rapport à ce qui est proposé, c'est-à-dire, beaucoup de pouvoir, aucune consultation, aucun droit d'appel, aucun accès à la justice, et la conviction qu'on est au-dessus de la loi?
    Pour moi, il y a deux éléments importants. Premièrement, quand la LIPR a été adoptée, le Canada a complètement éliminé cette idée que si vous êtes ingénieur, vous êtes sur la liste, et un emploi vous est garanti. Nous avons plutôt opté pour le modèle du capital humain, qui nous amène à tenir compte de votre âge, des études que vous avez faites et de vos antécédents de travail et, nous espérons que, étant donné vos atouts et vos compétences, vous réussirez à trouver du travail au Canada.
    On entend toutes sortes d'histoires au sujet de gens qui sont ingénieurs mais doivent travailler comme chauffeurs de taxi. À mon avis, le nouveau système a changé cette réalité; il a introduit le concept du capital humain. Peut-être devriez-vous travailler comme chauffeur de taxi au départ, mais il n'était pas prévu que vous travailliez nécessairement comme ingénieur. Le nouveau concept est bien clair, étant donné que nous avons éliminé cette liste.
    Donc, nous avons recours à ce nouveau concept qu'est le capital humain. De plus, il y a les gens qui ont déjà décroché un emploi au Canada et qui ont obtenu un permis de travail, et dont nous pouvons extraire les demandes de l'arriéré actuel. Pour moi, ce système a permis de régler le problème des personnes dont les compétences sont requises de toute urgence au Canada.
    Par contre, il y a le débat habituel sur la définition du terme « urgent ». Est-ce qu'un délai de cinq mois est trop long pour l'admission d'un immigrant? Il faut s'assurer de faire toutes les vérifications nécessaires, de faire faire l'examen médical… Je ne sais pas. Peut-être pourrions-nous les faire venir plus rapidement s'ils ont un permis de travail, s'ils ont déjà décroché un emploi au Canada et veulent simplement obtenir… Mais, à mon avis, la catégorie « expérience canadienne » va nous aider sur ce plan-là également.
    Dans les années 1970, nous parlions de volets et de bassins, et de certaines occupations qui étaient en demande, si bien qu'on pouvait dire aux gens qu'un emploi les attendait au Canada.
    À mon avis, il faut examiner tous ces éléments, mais en même temps, il est très difficile de trouver une solution. Les gouvernements actuel et antérieurs ont tous été confrontés à ces problématiques. Pour moi, il est temps de réfléchir ensemble pour… Le Canada est un pays merveilleux qui offre des possibilités merveilleuses et il y a des gens merveilleux à l'extérieur du Canada qui voudraient nous aider; donc, que faut-il faire pour trouver une solution qui réunit tous les différents éléments? J'estime qu'il faut cesser de faire l'autruche et chercher sérieusement à élaborer une solution démocratique et responsable.
    En 2002 — je crois que le député libéral, Joe Fontana, était président du comité et que M. Coderre était le ministre à l'époque — le système des points a été modifiés pour mieux refléter les compétences requises au Canada. Par conséquent, à cause des discussions avec les parties intéressées et le temps qui s'est écoulé avant que les changements soient officiels, l'arriéré a beaucoup augmenté. En dehors de la question de savoir si, rétrospectivement, il aurait fallu rajuster les points de telle ou telle autre façon, à votre avis, le changement opéré en 2002 a-t-il été positif, étant donné qu'on donne à présent beaucoup plus de points aux personnes qui ont des diplômes et qui parlent couramment l'anglais? En conséquence, des gens qui sont menuisiers, par exemple — et dont il existe une véritable pénurie — ne seront sans doute pas admis en vertu du système des points, car ils n'auront pas suffisamment de points s'ils ne parlent pas couramment l'anglais, ou s'ils ont 45 ans plutôt que 35 ans, par exemple.
(1135)
    Comme c'est le cas de toute loi, certains aspects sont positifs et d'autres ne le sont pas. L'un des aspects positifs est le fait que les demandeurs ayant fait beaucoup d'études, et dont nous avons vraiment besoin, sont plus facilement admis au Canada, mais la situation n'a pas vraiment changé pour les travailleurs qualifiés de cols bleus. Faut-il baisser l'exigence relative au niveau d'instruction? Encore une fois, c'est quelque chose dont il faut discuter, plutôt que d'imposer des instruments particuliers comme solution.
    Merci.
    Eh bien, nous, les néo-démocrates, n'avons aucunement hésité à déclarer que nous ne sommes pas en faveur de ce projet de loi. Pour vous, ce n'est pas uniquement la partie VI qui pose problème. Peu importe les modifications qu'on pourrait y apporter, il ne donnera jamais satisfaction, et donc il vaudrait mieux le laisser complètement tomber.
    Je ne sais pas si on devrait le modifier, car on ne peut jamais savoir ce que peut donner une modification, mais dans sa forme actuelle, nous aurions beaucoup de mal à appuyer ce projet de loi , comme nous l'avons précisé dans notre mémoire.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Chow.
    Monsieur Komarnicki, pour sept minutes.
    Merci.
    J'ai quelques questions à vous poser. Au départ, vous avez dit qu'il serait possible d'augmenter le pourcentage exigé en vertu du système des points, de façon à admettre moins de gens, et à n'admettre que des gens plus instruits, mieux qualifiés, si vous voulez. C'est bien ça que vous avez proposé?
    Non, je vous dis qu'en augmentant le nombre de points exigés, les candidats devront peut-être avoir des parents au Canada ou avoir déjà reçu une offre d'emploi, ce qui compenserait l'augmentation. Donc, les personnes qui n'ont pas le capital humain précis que nous souhaitons contourneraient le problème du nombre accru de points exigés en ayant des parents au Canada ou en ayant déjà reçu une offre d'emploi au Canada. En vertu du système des points, ils auraient une prime de 15 points.
    Donc, vous proposez de prévoir des primes dans le cadre du système des points, de façon à en exclure certains et à inclure certaines catégories de personnes?
    Oui, afin de réduire la possibilité que l'accumulation de demandes continue.
    En ce qui concerne la Loi et le Règlement actuels, il est évident que le statu quo — c'est-à-dire, la Loi ou le Règlement qui s'appliquent depuis 10 ou 15 ans, n'a pas permis de régler le problème de l'arriéré. Êtes-vous d'accord avec moi? Il est passé d'environ 50 000 demandes il y a 10 ou 11 ans à plus de 900 000 aujourd'hui.
    C'est complexe. Vous comparez des pommes et des oranges, car le système avant l'adoption de la LIPR était totalement différent; nous avons un système différent en vertu de la LIPR. Mais, il ne fait aucun doute que la Loi actuelle pose problème, et nous sommes tous d'accord pour reconnaître qu'il faut prendre des mesures pour éviter qu'il y ait une accumulation de demandes.
    Les modifications apportées au Règlement, même si elles peuvent être examinées par un comité, doivent finalement être renvoyées à la Chambre, ou le gouvernement les adopte ou ne les adopte pas. Vous êtes d'accord?
    Oui.
    En fin de compte, c'est le gouvernement au pouvoir qui prend la décision stratégique concernant ce qui sera adopté ou non dans le domaine de l'immigration.
    C'est exact.
    Et, en fin de compte, le gouvernement au pouvoir est comptable envers les électeurs canadiens, qui décident s'ils sont ou non en faveur des politiques proposées par le gouvernement. Vous êtes d'accord?
    Oui.
    Donc, c'est le gouvernement au pouvoir qui décide en fin de compte si la Loi ou le règlement d'application doit être changé, n'est-ce pas?
    Oui.
    Bien sûr, avec un gouvernement minoritaire, il peut ne pas être très facile de modifier une loi ou un règlement d'application, de sorte qu'on serait éventuellement dans l'impossibilité de répondre aux besoins qui existent.
    Oui.
    L'ancien ministre libéral responsable de la Citoyenneté et de l'Immigration était d'avis que le système était mal servi si on acceptait des demandes alors qu'on savait qu'il serait impossible de les traiter pendant des années et des années. Il est vrai que cela n'a pas donné de sens de continuer à accepter ces demandes. Le fait est qu'il faut modifier le système actuel. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il faut surtout modifier le système actuel?
    Je suis d'accord; nous sommes favorables à un changement qui permettra de faire disparaître l'arriéré.
    Et les instructions données par le ministre doivent, à son avis, correspondre aux objectifs établis par le gouvernement au pouvoir. C'est bien ça?
(1140)
    Oui, du gouvernement au pouvoir, mais non de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
    Non, du gouvernement au pouvoir.
    C'est exact — du gouvernement au pouvoir. Mais, selon ce projet de loi, elle ne serait pas obligée de solliciter les vues d'autres personnes.
    Que l'on passe par une loi, un règlement d'application ou des instructions, on sollicite toujours les vues des personnes intéressées, quel que soit l'organisme concerné, mais vous êtes d'accord, je suppose, pour reconnaître que ses vues sont ensuite transmises au gouvernement au pouvoir qui décide des mesures à prendre, n'est-ce pas?
    Pour le règlement d'application, oui. Pour les instructions, non. Rien dans ce projet de loi ne prévoit que le ministre devra solliciter les vues d'autrui.
    Mais, il est évident que, si elle doit rendre des comptes au Cabinet ou au gouvernement au pouvoir — et c'est le gouvernement qui est responsable devant les électeurs canadiens — elle devra nécessairement tenir compte des vues des uns et des autres au sujet d'une instruction particulière.
    On peut espérer qu'elle le fasse, mais on peut aussi se demander… Du point de vue du pouvoir législatif, rien dans le projet de loi ne prévoit une telle chose. Elle nous a dit à maintes reprises qu'il n'est pas question de toucher à la catégorie du regroupement familial, mais il est clair que les instruments proposés dans ce projet de loi influent sur la catégorie du regroupement familial. Donc, en ce qui nous concerne, il faut que ce soit écrit noir sur blanc dans le projet de loi, comme c'est le cas du règlement d'application.
    Mais, vous êtes d'accord avec moi pour dire que ni la Loi, ni le règlement d'application n'a permis au cours des 10 dernières années d'opérer les changements précis qui s'imposent afin de réduire l'accumulation de demandes.
    Je ne peux pas me prononcer là-dessus. Sur le plan purement factuel, il est évident que l'arriéré n'a cessé d'augmenter.
    L'un des résultats du projet de loi C-50, avec les modifications qu'il propose, serait de mettre fin à l'accumulation de demandes. Vous êtes d'accord?
    Oui, et l'autre monsieur a cité l'excellent exemple tout à l'heure de nos tribunaux pénaux et du fait que les gens attendent pour passer devant un juge. Devrions-nous nous contenter de dire qu'ils sont tous coupables et de les mettre en prison?
    Non, mais le fait est que les demandes cesseraient de s'accumuler, étant donné qu'il ne serait plus nécessaire d'examiner chaque demande. Vous êtes d'accord?
    Aux termes de ce projet de loi, c'est exact; il ne serait pas nécessaire d'examiner toutes les demandes.
    Et, comme nous l'a fait remarquer l'ancien ministre libéral de l'Immigration, continuer à accepter de nouvelles demandes ne permet pas non plus de régler le problème, n'est-ce pas?
    Non, mais si nous laissions le système tel quel… Si au moins on prévenait les gens à l'avance, comme le font les États-Unis, en leur disant qu'ils auront à attendre 10 ans avant de pouvoir faire venir leur frère et leur soeur, ce serait déjà un progrès.
    Êtes-vous d'accord avec moi pour reconnaître que les instructions données par le ministre devraient être conformes aux dispositions de la Charte?
    Oui.
    Et la mise en oeuvre des mesures précises contenues dans les instructions devraient également respecter la Charte.
    Oui.
    Donc, à la fois pour les instructions elles-mêmes et l'application des mesures qu'elles prévoient, il ne pourrait pas y avoir d'éléments de discrimination. Il ne serait pas possible de faire intervenir l'ethnicité, étant donné qu'on pourrait invoquer la Charte. Êtes-vous d'accord avec moi à ce chapitre — oui ou non?
    Oui, mais malheureusement, l'opinion d'avocats travaillant en dehors du ministère ne serait pas sollicitée en vue de déterminer si elles sont conformes à la Charte ou non, et nous avons de nombreux exemples de cas où la rétraction n'a pas du tout été sollicitée.
    Je ne vous ai pas parlé de la sollicitation de vues de la part d'autres personnes; je vous ai simplement demandé si les instructions et les mesures qu'elles prévoient devraient être conformes à la Charte pour être jugées valables. Voilà ma question. Êtes-vous d'accord avec moi?
    Selon le ministère.
    Non, pas selon le ministère; selon les tribunaux.
    D'accord. Selon les tribunaux.
    Nous devrons poursuivre cette discussion une autre fois.
    Les tours de sept minutes sont maintenant terminés.
    Monsieur Telegdi, vous avez cinq minutes.
    S'agissant du respect de la Charte, il a fallu attendre 2006 pour obtenir un jugement de la Cour suprême sur les certificats de sécurité, qui les a déclarés inconstitutionnels. C'était 25 ans après l'adoption de la Charte. Donc, monsieur le secrétaire parlementaire, j'espère que vous allez trouver une autre méthode pour ce qui est de respecter la Charte, car il est tout à fait possible d'enfreindre pendant très longtemps les droits que protège la Charte, en attendant que les tribunaux se prononcent là-dessus.
    J'étais là en 2002 quand ils ont adopté ce truc-là, et je peux vous affirmer que le comité était tout à fait contre. Je me fiche complètement de l'opinion des ministres de l'Immigration à ce sujet car, depuis que je suis là, ils sont tous assez incompétents, selon moi. Ce sont les bureaucrates qui dirigent le ministère. Donc, quand on parle du pouvoir d'un ministre, on devrait plutôt parler du pouvoir des bureaucrates.
    Tout ce système est une véritable catastrophe. Il est vrai qu'il existe une grande accumulation de demandes, mais imaginez ce que ce serait s'il n'y avait pas d'accumulation. Quelle impression cela donnerait-il du Canada? Le fait est que l'arriéré actuel compte les demandes de personnes dont nous avons désespérément besoin pour faire marcher l'économie. C'est à ce niveau là que se situe la crise actuelle. Et nous l'avions prévue en 2002; nous avions dit à ce moment-là que les immigrants « cols bleus », les travailleurs, n'arriveraient plus à se faire accepter.
    En réalité, ce sont le système des points et l'attribution des points qui posent vraiment problème. Si nous voulons conserver le système des points, qui nous a valu les félicitations de tous les pays que nous avons étudiés, que ce soit l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Grande-Bretagne ou les États-Unis, qui ont mené eux-mêmes des études à ce sujet pour en arriver à une évaluation objective et claire, je pense qu'il y a lieu de rectifier ce système en modifiant la façon d'attribuer les points.
    Vous avez mentionné la possibilité d'en attribuer davantage pour les gens qui font partie de la catégorie du regroupement familial. Pour moi, c'est logique. En donner davantage pour quelqu'un qui a déjà une offre d'emploi me semble également logique. Notre système des points est tout à fait détraqué, comparativement à celui d'autres pays, pour ce qui est de sa capacité de répondre aux besoins.
    Donc, si nous décidons de conserver le système des points parce que nous aimons son caractère objectif, il faudra adapter le système des points pour qu'une offre d'emploi soit beaucoup plus valorisée pour ce qui est de se mettre dans la file d'attention. Une fois qu'on est dans la file d'attente, il y a moyen d'extraire des demandes — par exemple, s'il nous faut une centaine de soudeurs, nous pouvons aller chercher les demandes de ces 100 soudeurs parmi les demandes accumulées. Pour le moment, il n'y a pas de demandes de soudeurs parmi celles qui sont en attente de traitement, et c'est justement cela le problème. Le gouvernement s'adresse donc aux travailleurs étrangers temporaires, alors que, selon moi, ce n'est vraiment pas la bonne méthode si nous souhaitons combler les lacunes du système actuel des points.
    Si nous voulons améliorer ce système tout en conservant ses aspects positifs, il faudra qu'on soit beaucoup plus efficace pour ce qui est de faire adapter le système des points aux besoins économiques du pays. Nous avons besoin d'ouvriers au Canada, et la seule façon d'en obtenir consiste à les admettre comme réfugiés qui sont en même temps des ouvriers… Mais pour ce qui est de la catégorie économique, la seule façon de les faire entrer au Canada consiste à passer par le Programme des travailleurs étrangers temporaires, ce qui crée toutes sortes d'autres problèmes, étant donné que ces personnes travaillent dans des conditions de servitude et d'exploitation, etc.
    Je vous dis simplement que le système des points doit beaucoup mieux réagir aux besoins de l'économie, afin qu'on puisse traiter rapidement les demandes des personnes dont nous avons besoin. Le traitement d'une demande n'est pas si long. Si nous avons cette accumulation, c'est parce que, quand nous recevons 500 000 demandes, nous en acceptons seulement 250 000. Qu'est-ce que cela veut dire au juste? Eh bien, cela veut dire que l'arriéré augmente de 250 000. À ce moment-là, on a une accumulation. Mais le vrai problème, en ce qui concerne les demandes accumulées, c'est que nous n'avons pas de soudeurs ni d'ouvriers.
    Les gens s'attendent, s'ils connaissent la langue et sont munis d'un diplôme, à obtenir un emploi qui correspond à leur expérience. Or nous avons reçu des témoignages en comité concernant la situation d'ingénieurs qui viennent au Canada, ne peuvent pas trouver d'emploi et sont très malheureux. Entre-temps, il y a des briqueteurs qui arrivent, qui trouvent un emploi et sont très contents.
    Je vous invite à réagir.
(1145)
    À mon avis, il faut s'assurer de faire bien concorder les migrations temporaires et les migrations permanentes. Et, s'agissant des employeurs canadiens, je dirais que même un délai de six mois doit leur sembler long. Donc, il faut faire concorder et examiner les deux. Le traitement des demandes d'immigration devient très difficile pour les agents de visas à l'étranger, en ce qui concerne à la fois la sécurité et les examens médicaux.
    À mon avis, il faut s'appuyer sur les migrations à la fois temporaires et permanentes pour répondre aux besoins du marché du travail au Canada.
    Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi il faut 30 jours pour faire admettre un travailleur étranger temporaire mais beaucoup plus longtemps pour faire admettre un immigrant? Cela ne devrait pas être le cas. Les exigences en matière de sécurité et tout le reste…
    Qu'on parle d'immigrants permanents, rappelez-vous qu'il faut vérifier leurs documents et s'assurer qu'ils ne sont pas frauduleux, etc. L'examen de la demande est beaucoup plus approfondi. La personne qui fait la demande pourra rester au Canada à tout jamais. Parfois nos agents ont beaucoup de mal à faire cette évaluation, et c'est la raison pour laquelle les migrations temporaires sont très positives, puisqu'elles permettent de répondre rapidement aux besoins des employeurs. À sa décharge, le gouvernement a vraiment fait un excellent travail pour ce qui est des migrations temporaires.
    Très bien. Merci.
    D'après ma liste, c'est de nouveau le tour de M. Komarnicki.
    Chers membres du comité, pourriez-vous rester environ cinq minutes après la fin de la réunion, si possible? Je voudrais obtenir vos conseils sur la façon de répartir le temps de parole pour les questions.
    Monsieur le président, Nina me donne son temps de parole. C'est pour cette raison que j'interviens de nouveau.
    Peut-être pourrions-nous simplement en discuter pendant cinq minutes.
    Qui vient de finir? C'est M. Telegdi qui vient de finir, et c'est donc le tour de M. Carrier.
    Comme il n'était pas sur la liste, je pense que c'est M. Carrier qui devrait avoir un tour.
(1150)
    Ai-je cinq minutes?
    Oui.

[Français]

    D'accord. Merci.
    Monsieur Green, plus tôt, j'entendais votre discussion avec le secrétaire parlementaire. Cela me déçoit de parler de transformations si importantes sur le plan de l'immigration alors que lorsque les conservateurs sont arrivés au pouvoir, il n'y avait que cinq postes de commissaire à combler et que maintenant, il y en a 50. On parle de problèmes dans le traitement des demandes, mais il faudrait au moins commencer par nommer des commissaires et même en augmenter le nombre pour essayer de régler le problème. Quoi qu'il en soit, on est coincés avec le projet de loi actuel.
    Plus tôt, vous disiez aussi que vous seriez d'accord pour trouver une autre façon de réduire la liste d'attente, en fixant d'autres critères. Je veux connaître votre point de vue. Vous dites bien qu'il est antidémocratique que le choix soit fait et que les priorités soient établies de façon discrétionnaire par une personne, la ministre dans ce cas-ci.
    Si certaines priorités étaient discutées par un comité pour établir de nouvelles grilles d'analyse pour les demandes, serait-ce une solution envisageable? Vous avez parlé des familles. La réunion des familles pourrait être une priorité. Cela vous semblerait-il un processus acceptable pour établir les priorités, ou maintenez-vous que toute demande doit être étudiée selon sa date d'entrée, quel qu'en soit le but? M'avez-vous bien compris?

[Traduction]

    D'abord, s'agissant de la catégorie du regroupement familial, c'est quelque chose qui échappe totalement au contrôle du ministère — c'est-à-dire le nombre de fois où un Canadien tombera amoureux d'une autre personne, et j'ai toujours trouvé intéressant que les chiffres pour cette catégorie-là soient inclus avec les autres. Si nous sommes une nation où règne l'amour et, parce que les gens tombent amoureux les uns des autres, nous accueillons 60 000 personnes de plus, eh bien, c'est ce qu'il faut faire. Donc, je n'ai jamais très bien compris pourquoi nous mettons ensemble les statistiques pour la catégorie du regroupement familial et celles de cette autre catégorie.
    Je pense que ce serait plus positif d'en débattre et de soumettre la question au comité, mais encore une fois, il faudrait s'assurer que la règle actuelle est bel et bien appliquée — un demandeur à l'étranger a présenté une demande — et je pense que les tribunaux nous l'ont déjà fait savoir. Donc, si nous optons pour un système différent, il faudra qu'il soit toujours prospectif.

[Français]

    Vous seriez donc d'accord pour que la liste de priorité d'étude des demandes soit établie par l'ensemble des partis dans un comité pour ensuite devenir une loi. Vous seriez d'accord avec l'application de ce principe voulant qu'on applique des priorités établies par un processus parlementaire réglementaire.

[Traduction]

    Je suis d'accord, mais c'est ce que nous faisons déjà. La demande d'une personne qui a déjà une offre d'emploi au Canada, et qui est toujours à l'étranger, est extraite et traitée immédiatement. Donc, c'est une mesure positive qui est déjà prise par le gouvernement.
    Il reste environ une minute et demie, si cela vous intéresse. Non?
    Monsieur Komarnicki, vous avez la parole.
    Je vous remercie.
    Je voudrais rapidement soulever un ou deux points.
    Depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons fait plus de 100 nominations. C'est donc un nombre important.
    Premièrement, les réfugiés et les personnes protégées sont-ils exclus de l'application du projet de loi C-50?
    Je dirais qu'en vertu de ce projet de loi, les personnes qui revendiquent le statut de réfugié depuis l'étranger sont effectivement exclus. Et il semble que, étant donné que le projet de loi mentionne à plusieurs reprises les demandes de visas, les réfugiés au Canada dont les demandes sont acceptées ne demandent pas de visas. On dirait donc que cela ne touche pas les réfugiés.
    Donc, nous sommes d'accord; vous qui êtes avocat reconnaissez que ce projet de loi ne s'applique pas aux personnes protégées et aux réfugiés qui présentent une demande, soit au Canada, soit à l'étranger.
    Cela semble être le cas, effectivement.
    Est-ce qu'il s'applique aux travailleurs étrangers temporaires?
    Oui, tout à fait.
    De quels articles précis parlez-vous en affirmant cela?
    Le projet de paragraphe 87.3(1) nous renvoie au paragraphe 22(1) de la Loi, et le paragraphe 22(1) de la Loi concerne les travailleurs temporaires. Il ne fait aucun doute qu'il est question dans cet article des travailleurs temporaires.
(1155)
    Et que prévoit-il en ce qui concerne les travailleurs étrangers temporaires?
    Si un instrument est établi, le ministre peut faire exactement ce qu'il veut.
    Pour ce qui est d'accepter toutes les demandes, comme je l'expliquais tout à l'heure, cela voudra simplement dire que vous aurez plus de demandes à traiter, si vous n'établissez pas un ordre de priorité quelconque. Je pensais vous avoir entendu dire que vous aimez l'idée de la catégorie « expérience canadienne ». Vous aimez aussi l'idée du Programme des candidats des provinces et d'autres programmes du même genre qui permettent à certaines personnes d'être mises en tête de liste.
    Mais, en mettant certaines personnes en tête de liste, si vous vous contentez de faire cela, n'est-il pas vrai que les demandes des personnes qui ne sont pas en tête de liste vont continuer de s'accumuler?
    Il faudrait trouver le moyen d'empêcher l'accumulation actuelle de devenir encore plus importante, mais je pense que la formule actuelle consistant à extraire certaines demandes est très bonne. Pour moi, elle répond aux objectifs de la Loi, où il est question de l'atteinte des objectifs économiques et de la catégorie du regroupement familial, car il y a un système de traitement accéléré pour cette dernière catégorie également.
    Donc, la priorisation des demandes de travailleurs qualifiés, qui seraient mises en tête de liste, si le projet de loi C-50 permet effectivement de faire cela, cadreraient tout à fait avec cet objectif-là.
    Le problème, c'est que nous ne savons pas du tout comment seront choisies les personnes qui finissent en tête de liste.
    Permettez-moi de vous poser la question que voici: est-ce que la création de la catégorie « expérience canadienne » et du Programme des candidats des provinces s'est opérée par voie réglementaire ou législative, ou par suite de l'adoption d'une politique?
    La création éventuelle de la catégorie « expérience canadienne » a fait l'objet de vastes consultations dans l'ensemble du Canada, et je crois savoir que cela va se faire par voie réglementaire. Nous n'avons encore rien vu à ce sujet.
    Très bien. Et le Programme des candidats des provinces?
    Le Programme des candidats des provinces fait partie de l'entente qui a été conclue. Le gouvernement organise des négociations avec la province. Il y a énormément de négociations.
    Donc, il y a des négociations entre les provinces et le gouvernement fédéral, mais cela ne se fait pas par voie législative ou réglementaire. C'est bien cela que vous nous dites?
    C'est possible parce que la LIPR permet au gouvernement fédéral de conclure des ententes avec les provinces. Cette question a déjà fait l'objet d'un débat, et il a été déterminé que ce mécanisme était le plus approprié pour permettre ce genre de choses.
    La catégorie « expérience canadienne » est un autre exemple d'une politique établie dans le cadre d'un programme qui aura pour résultat de mettre certaines personnes en tête de liste.
    Ce n'est pas une politique; ce sera une mesure législative. Cette dernière donnera la priorité aux personnes qui ont fait leurs études ici et qui ont supporté leurs propres dépenses, oui.
    Donc, comme les négociations qui se déroulent en vertu du Programme des candidats des provinces, les instructions ministérielles, si elles sont autorisées par la Loi, pourraient donner un résultat semblable, en permettant à des travailleurs qualifiés ou peu qualifiés d'être en tête de liste.
    Mais il n'y a pas de discussion de ce en quoi consisteront ces instructions, contrairement au Programme des candidats des provinces, qui a fait l'objet d'énormément de discussions. Il y a l'Entente Canada-Québec. Toutes sortes d'ententes ont été conclues.
    Rien ne nous empêche de discuter du contenu des instructions, avant qu'elles ne soient données. En fait, d'après ce que j'ai pu voir, la ministre a déjà déclaré que les provinces seront consultées. Les parties prenantes seront consultées. Il y aura de vastes consultations avant que des instructions ne soient données.
    Dans ce cas, précisez-le à l'article 5, pour que ce soit une condition législative en bonne et due forme.
    Donc, vous conviendrez avec moi que le projet de loi C-50 n'est pas une instruction; il permet simplement de donner des instructions. C'est de cela qu'il s'agit.
    Oui.
    Nous ne parlons d'une instruction précise, mais plutôt de la possibilité de donner des instructions.
    Exact.
    Donc, quand la ministre affirme que les provinces et les parties prenantes seront consultées avant que des instructions ne soient données, acceptez-vous cette affirmation? La croyez-vous?
    La question n'est pas de savoir si on la croit ou non. Je préfère que ce soit prévu dans le projet de loi, car le ministre aura désormais le pouvoir de dire: « Votre opinion ne m'intéresse pas » — en ces mêmes termes, d'ailleurs.
    Merci.
    Notre temps est à peu près écoulé.
    Monsieur Green, madame Froc, je voudrais vous remercier de votre présence aujourd'hui. Comme vous le savez, nous allons rédiger un rapport, et j'espère que certaines de vos recommandations s'y trouveront.
    Je voudrais faire une observation au sujet de la façon d'organiser la période des questions en comité. Nous n'en avons pas discuté depuis un moment, mais tout me semble clair maintenant.
    Le problème, Andrew, me semble-t-il, c'est que vous voyez cela au niveau individuel, alors qu'on parle bien ici du « parti ». Dix minutes, ou parfois sept minutes, sont accordées aux témoins et, durant l'interrogation des témoins, sept minutes sont accordées au premier intervenant de chaque parti et, par la suite, cinq minutes aux autres intervenants, jusqu'à ce que chacun soit intervenu, dans l'ordre suivant — et vous avez sur la feuille l'ordre qui doit être suivi.
    J'ai donné la parole à Nina, par exemple, parce qu'elle n'avait pas encore eu de tour, mais elle était tout à fait libre de donner ses cinq minutes à Ed, si elle le voulait.
(1200)
    Oui, mais on lit ici que « par la suite, cinq minutes aux autres intervenants, jusqu'à ce que chacun soit intervenu », et là on indique l'ordre à suivre… après quoi, cette séance se répétera avec une limite de temps de cinq minutes pour chaque tour. C'est là que le tout devrait s'arrêter. Ce que vous venez de dire est tout à fait contraire à ce qui est écrit dans la section qui précède.
    Je sais que nous avons déjà eu de grands débats sur la question, et l'idée a toujours été de s'assurer que chacun puisse avoir un tour.
    Si chacun veut avoir un tour. Si je donne la parole à une personne qui me dit: « C'est mon tour et, même si je n'ai pas encore participé, je voudrais laisser passer mon tour »… c'est justement pour cette raison qu'on parle de chaque « parti ».
    Non, c'est ce qui est indiqué au début. Mais ensuite, on lit: « sept minutes soient accordées au premier intervenant de chaque parti et, par la suite, cinq minutes aux autres intervenants, jusqu'à ce que chacun soit intervenu, dans l'ordre suivant ». Cela veut dire que tous ceux qui ne sont pas encore intervenus peuvent avoir un tour.
    Là où cela se complique, c'est où on lit ceci, « et qu'aucun membre ne soit autorisé à intervenir plus d'une fois par ronde ».
    Nous avons déjà revu tout cela tellement de fois.
    Si nous avons voulu qu'il en soit ainsi, c'est parce que nous voulions éviter une situation où le secrétaire parlementaire poserait toutes les questions, parlerait tout le temps et…
    Mais, de votre côté, si Maurizio décide qu'il ne veut pas participer au débat et nous dit: « Andrew est l'expert sur la question et je préfère donner mon temps de parole à Andrew », il pourrait effectivement vous donner son temps de parole une dizaine de fois s'il voulait le faire. Ce genre de chose se fait couramment.
    Non. Je vous dis que chacun doit pouvoir intervenir une première fois, et c'est seulement par la suite qu'on peut ouvrir un nouveau tour.
    Oui, si tous les membres veulent intervenir. C'est comme ça que nous nous sommes organisés jusqu'ici. C'est en fonction du parti.
    Oui, mais après la mention du « parti », on parle de chaque « membre ». On ne parle plus du « parti »; c'est seulement pour le premier tour de questions que l'on doit tenir compte du parti du membre.
    Voilà ce que dit le texte: « et qu'aucun membre ne soit autorisé à intervenir plus d'une fois ».
    Oui, mais on y lit aussi que « sept minutes soient accordées au premier intervenant de chaque parti et, par la suite, cinq minutes aux autres intervenants ».
    Oui, aux autres intervenants qui ne sont pas encore intervenus. Je suppose qu'on parle de chaque intervenant du parti.
    Nous nous sommes contentés de dire « aux autres intervenants ». Donc, les membres qui n'ont pas encore posé des questions peuvent le faire, et on évite que quelqu'un puisse poser deux fois des questions avant que chacun ait eu l'occasion de le faire une fois. Voilà de quoi il s'agit. Et voilà ce que dit le texte. Regardez-le et lisez-le attentivement. C'est ça l'idée.

[Français]

    Monsieur le président, je pense que le problème vient du fait que l'article en question ne précise pas l'obligation de chaque membre du comité de prendre la parole. Le Règlement ne parle pas des cas où un membre du comité transfère à un collègue son droit de parole. Ce qui fausse un peu l'intention de cet article, c'est que chacun peut parler. Pour avoir une meilleure discussion démocratique, je pense qu'il serait bien que chacun s'exprime et que le secrétaire parlementaire ne force pas sa collègue à lui céder son temps de parole.

[Traduction]

    Nous en avons déjà discuté à maintes reprises. On dirait que les gens ne souhaitent plus en parler, puisque tout le monde est parti.
    Nous allons essayer de donner un tour à tout le monde — tenons-nous en à cela.
    La séance est levée.