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Bonjour à tous. Nous allons commencer.
Avant de présenter nos invités, j'aimerais d'abord attirer l'attention des députés sur l'ordre du jour. Il y a un petit changement au programme. Nous allons entendre deux groupes de témoins aujourd'hui, soit la nation naskapie, à partir de maintenant jusqu'à 16 h 25, et la Société Makivik, de 16 h 25 à 17 h 15.
Vous noterez que de 17 h 15 à 17 h 30, le comité devra discuter de ses travaux à huis clos. Il y a deux questions à traiter. Dans un premier temps, nous examinerons la motion présentée par Mme Neville, et ensuite, j'aimerais parler des demandes que j'ai reçues de plusieurs membres concernant la tenue d'une réunion supplémentaire cette semaine. Nous allons terminer à 17 h 15. J'espère que nous aurons le temps de discuter de tout cela en 15 minutes, mais si certains de mes collègues souhaitent s'éterniser un peu plus, j'ai amplement le temps ce soir. Il n'est pas nécessaire de tout précipiter pour 17 h 30.
Une voix: Y a-t-il des votes ce soir?
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À ma connaissance, non. Je sais que nous avons beaucoup de temps devant nous. Nous sommes ici jusqu'à vendredi, 14 heures. Par conséquent, je suis certain que nous pourrons tenir les votes plus tard cette semaine, si c'est nécessaire.
J'aimerais accueillir aujourd'hui les représentants de la nation naskapie de Kawawachikamach: le chef Philip Einish; Robert Pratt, conseiller juridique; et Paul Wilkinson, conseiller spécial.
Je tiens à signaler qu'il y a plusieurs autres représentants de la nation naskapie présents dans la salle: MM. Paul Mameanskum, Edward Shecanapish et Isaac Pien, tous trois conseillers, et John Mameanskum, directeur général. Soyez les bienvenus. Aujourd'hui, à Ottawa, il fait aussi froid que chez vous.
Nous allons donner la possibilité à nos témoins de présenter leur exposé. Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir limiter votre présentation à 10 minutes, qu'il y en ait une ou plusieurs. Nous enchaînerons ensuite avec nos questions.
Cette partie de la séance se terminera à 16 h 25. Cela dit, qui souhaite faire l'exposé aujourd'hui?
[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]
Mon nom est Philip Einish et je suis le chef de la nation naskapie de Kawawachikamach. À l'occasion d'événements spéciaux, tels que des réunions avec des représentants du gouvernement, quand je dois présenter quelque chose, je commence toujours à m'exprimer dans ma langue maternelle, car la langue est un enjeu important dans ma communauté. C'est une priorité.
Je suis très heureux que le comité ait accepté d'entendre notre présentation. Nous voulons assurer un meilleur avenir à notre peuple. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est particulièrement grâce aux efforts de M. Yvon Lévesque. Mille mercis à vous, monsieur Lévesque. D'autres membres se sont également déjà intéressés à la question de nos droits, c'est-à-dire Jean Crowder, Nancy Karetak-Lindell, Rod Bruinooge, Todd Russell et Marc Lemay.
M. Paul Wilkinson, qui travaille avec nous depuis plus de 30 ans, présentera notre mémoire, et Robert Pratt, notre conseiller juridique depuis 1970, l'aidera à répondre aux questions que vous poserez.
[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]
Merci beaucoup.
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Merci, monsieur le président.
Mesdames et messieurs, je vais présenter le mémoire des Naskapis en anglais, mais s'il y a des questions ou des commentaires en français, il nous fera plaisir de répondre dans la langue de Molière ou de Gilles Vigneault, selon le cas.
[Traduction]
Il sera difficile de comprimer 5 000 années d'histoire naskapie et 17 années de travail sur ce dossier en 10 minutes, mais je ferai de mon mieux.
Avant toute chose, sachez que les Inuits du Québec, particulièrement ceux de la région de la baie d'Ungava, ont toujours été un peuple côtier. Il en est de même pour les Inuits de la Sibérie et de l'Alaska.
À la première page de notre mémoire, vous trouverez une carte, préparée par la Société Makivik, qui montre que dans la région de la baie d'Ungava, la présence des Inuits était limitée à la côte. À la page 2, vous constaterez que, pour la même raison, toutes les communautés contemporaines des Inuits sont établies le long de la côte ou très près. À la page suivante, vous verrez que les Naskapis occupent l'intérieur des terres au sud de la baie d'Ungava depuis environ 5 000 ans, soit peu de temps après que les glaciers s'eurent retirés de la région.
Par ailleurs, vous devez absolument savoir que, contrairement à certains autres groupes autochtones du Québec, les Naskapis ont voulu signer la Convention de la Baie James et du Nord québécois et, en 1975, dirigés par l'Association des Inuit du Nouveau-Québec, le prédécesseur de la Société Makivik, les Naskapis ont déployé beaucoup d'efforts pour devenir un signataire de la convention. Cependant, ils en ont été exclus. Le temps s'est écoulé, et les parties tenaient à signer la convention avant la date limite de novembre 1975 qui avait été convenue dans l'accord de principe de 1974.
Par conséquent, en vertu de la convention, des droits sur la plus grande partie des terres ancestrales des Naskapis ont été accordés aux Inuits, même si ceux-ci n'avaient jamais utilisé ni même occupé ces terres, et je parle ici de la région illustrée à la page précédente, au nord du 55e parallèle.
De plus, la compétence de l'Administration régionale Kativik s'étendait au sud du 55e parallèle, même si ces terres n'avaient jamais appartenu aux Inuits, et cela est projeté sur la carte de la page suivante.
Les Naskapis ont été exclus de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, mais les signataires se sont engagés à négocier une entente comparable avec eux. Mais tout d'abord, les Naskapis devaient aller rencontrer les Inuits et leur demander de reprendre leurs terres de même que leurs droits. C'était humiliant, parce que la nation naskapie est une première nation — reconnue comme telle par l'Assemblée nationale en 1985 — au même titre que la première nation inuite.
Les Inuits n'ont pas voulu redonner aux Naskapis la plus grande partie de ce qu'ils leur avaient pris. À cette époque, les Inuits subissaient d'énormes pressions. La Convention de la Baie James avait été appuyée par une très faible minorité d'Inuits, et les trois communautés inuites soi-disant dissidentes, Puvirnituk, Akulivik et Ivujivik, menaçaient d'intenter des poursuites afin d'annuler cette convention. Pour des raisons politiques, les Inuits ont donc refusé de se retirer d'une grande partie du territoire naskapi et de redonner à cette nation les droits qui lui revenaient.
Cela a eu pour conséquence qu'on n'a reconnu les droits des Naskapis, en vertu de leur accord — la Convention du Nord-Est québécois de 1978 —, que sur une petite partie de leurs terres ancestrales, au nord du 55e parallèle.
À la page suivante, la région illustrée en rouge représente les terres traditionnelles des Naskapis que les Inuits ont refusé de redonner à cette nation. Dans notre mémoire, nous avons employé le terme « expropriées ». Même si les Naskapis avaient conclu un accord visant le règlement de leurs revendications territoriales, l'Administration régionale Kativik a conservé ses compétences sur toutes les terres naskapies. On leur a attribué un siège sur 14. Vous êtes des politiciens; vous savez donc à quel point un groupe qui ne détient qu'un seul siège a du pouvoir et de l'influence sur la prise des décisions.
Ce qui a été particulièrement difficile pour les Naskapis, c'est que les Inuits les ont exclus de toute représentation utile au sein des comités chargés de la protection de l'environnement et du milieu social, même si ceux-ci avaient été créés, aux termes de l'article 23 de la Convention de la Baie James, notamment pour protéger les droits ancestraux de pêche, de chasse et de piégeage.
Paradoxalement, depuis 1990, année où les Naskapis ont commencé à intervenir dans ce dossier, cette nation a toujours appuyé les Inuits dans leur volonté d'obtenir de plus vastes pouvoirs administratifs, mais à une condition. Ces nouveaux pouvoirs devaient s'exercer seulement sur le territoire traditionnel des Inuits, et non sur les terres ancestrales des Naskapis. Ceux-ci se trouvent de plus en plus dans une relation où les Inuits sont la puissance coloniale.
La nation naskapie réclame depuis 1990 un siège à la table de négociation Makivik-Québec-Canada, ou du moins, une représentation significative. Elle croit que le Canada a un devoir spécial de protéger les droits et intérêts des Naskapis, mais il s'est toujours dérobé.
Comme je l'ai dit plus tôt, la nation naskapie occupe un siège sur 14 au conseil de l'Administration régionale Kativik. Les Naskapis reprochent d'ailleurs à cette dernière de les avoir toujours discriminés et d'avoir négligé leurs intérêts. Si cela vous intéresse, nous pouvons vous donner des exemples qui le prouvent.
La nation naskapie, malgré toutes les lacunes de l'accord — c'est-à-dire l'autorité de l'Administration régionale Kativik, aucune représentation au sein des comités clés, etc. — a signé la Convention du Nord-Est québécois en 1978, car celle-ci lui procurait de grands avantages. Premièrement, les Naskapis avaient la possibilité de négocier un nouveau village, qu'ils ont obtenu, et qui a transformé leur qualité de vie. Deuxièmement, ils pouvaient présenter une mesure législative visant l'autonomie gouvernementale, ce qui s'est concrétisé en 1984 par l'adoption de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec au Parlement. On leur a entre autres accordé 9 millions de dollars, en compensation de la perte de leurs droits et territoires ancestraux.
La nation naskapie craignait qu'un nouveau gouvernement dominé par les Inuits se voit accorder de plus grands pouvoirs. Étant donné que le gouvernement sera dirigé en grande majorité par des Inuits pour des décennies, voire des siècles, les Naskapis s'inquiétaient du fait qu'il exerce ses pouvoirs de façon à nuire à leur culture, à leur économie et à leur société.
En échange de nouveaux pouvoirs, ils réclamaient que l'Administration régionale Kativik se retire entièrement de leurs terres traditionnelles. Ils ont maintenu cette position pendant de nombreuses années, mais il était devenu évident qu'ils avaient peu de chances de réussir.
Le compromis qu'ont accepté les Naskapis, c'est qu'aucune nouvelle compétence dans certains domaines, notamment les ressources naturelles, la gestion de la faune, la fiscalité, l'aménagement du territoire, la culture, les toponymes et la langue, ne devrait être dévolue au nouveau gouvernement régional sans le consentement préalable des Naskapis.
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Il y a tout de même un peu d'espoir. M. Pelletier, ministre responsable des Affaires autochtones du Québec, a visité Kawawachikamach en août 2007. Il a réagi positivement et avec sensibilité lorsque les Naskapis lui ont expliqué leur compromis relativement à l'attribution des nouveaux pouvoirs.
Dans sa lettre de suivi datée du 3 octobre, il s'est engagé à accorder à la nation naskapie un rôle important dans les étapes suivant la signature de l'entente de principe. Le chef et moi-même avons assisté à la signature de cet accord à Québec, mercredi dernier. Nous croyons comprendre que le 28 novembre, si je ne me trompe pas, le cabinet des ministres du gouvernement québécois a entériné l'engagement du ministre Pelletier, même si, pour des raisons de confidentialité, nous n'avons pas encore vu le document qui a été autorisé.
Chaque ministre des Affaires indiennes, depuis 1990, a promis aux Naskapis de protéger leurs droits et intérêts. Je dirais qu'aucune de ces promesses n'a été respectée. Nous estimons que le sort des Naskapis serait amélioré si le cabinet fédéral, à l'instar de son homologue québécois, adoptait une stratégie visant à protéger, de façon raisonnable, les droits et les intérêts de notre nation. Nous prions votre comité de soumettre une recommandation unanime au cabinet fédéral à cet effet.
J'ai un peu débordé, mais il y a beaucoup à dire en 5 000 ans d'histoire.
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Je pense que je peux répondre à votre question.
Si les gouvernements du Québec et du Canada et les Inuits ont exclu les Naskapis, c'est parce que tous affirment que les droits issus de traités conférés aux Naskapis dans la Convention du Nord-Est québécois et de la Convention de la Baie James et du Nord québécois ne sont pas touchés par l'expansion des pouvoirs accordés au gouvernement du Nunavik. Autrement dit, on affirme que les droits de chasse, de pêche et de piégeage, entre autres, ne sont pas compromis étant donné que le prévoyait la cession de tous les droits ancestraux dans le territoire et la possibilité d'exproprier des terres, dans le nord du Québec, et qu'il s'agissait de nouveaux pouvoirs.
Les Naskapis ne disent pas que leurs droits issus de traités sont compromis comme tels; ils ne souhaitent tout simplement pas être dominés par un autre groupe ethnique, en l'occurrence les Inuits. En ce qui a trait à leur territoire traditionnel, ils aimeraient que les pouvoirs prévus par la loi continuent de relever du gouvernement du Québec. Ils se sentent protégés par le Québec, mais une fois que ces pouvoirs sur les ressources et d'autres questions délicates seront accordés aux Inuits, ils croient qu'ils feront de nouveau l'objet de discrimination. Voilà la raison.
Pour ce qui est des consultations, comme je l'ai dit, les gouvernements du Québec et du Canada sont d'avis que des consultations ne sont pas requises étant donné que les droits issus de traités ne sont pas menacés. Nous parlons ici d'intérêts. C'est une question de gouvernance, et ce sont de nouveaux pouvoirs.
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Effectivement, mais ce que je n'ai pas dit, c'est que si la nation naskapie a signé la Convention du Nord-Est québécois, malgré ses lacunes, c'était en partie parce que les pouvoirs de l'Administration régionale Kativik, tels qu'ils sont aujourd'hui, sont très limités, au point où ils ne portent aucunement atteinte aux intérêts des Naskapis.
Toutefois, je vais vous donner un exemple d'une situation cauchemardesque. Imaginez que ce nouveau gouvernement ait des pouvoirs sur les ressources naturelles et, en particulier, sur l'exploitation des mines. Supposons qu'il y ait deux mines potentielles, une à Kuujjuaq et une à Kawawachikamach, mais que pour quelque raison que ce soit, une seule des deux mines peut être exploitée, étant donné qu'il n'y a pas assez d'électricité et qu'il serait impossible de transporter le minerai des deux mines. Si un gouvernement dominé par les Inuits devait choisir entre ces deux mines, nous craignons qu'il favorise celle près de Kuujjuaq, étant donné les avantages — les emplois, le contrat — dont jouiraient les Inuits. Il n'autoriserait pas l'exploitation de la mine située près de Kawawachikamach étant donné qu'il n'en tirerait aucun bénéfice.
C'est pourquoi nous sommes préoccupés par ce genre de pouvoirs. Mais, en 1978, les Naskapis ont convenu d'accepter l'Administration régionale Kativik telle quelle et ils ne veulent pas reculer. Ils sont parfois mécontents, mais ils doivent respecter l'entente.
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Je suis Phil Einish, chef de la nation naskapie.
Nos aînés, particulièrement ceux qui exploitent le territoire depuis la nuit des temps, ont exprimé leurs opinions concernant ce nouveau gouvernement du Nunavik. Ils disent qu'ils ont toujours partagé leurs terres ancestrales, situées juste au-dessous des limites de ce qu'on appelle maintenant Kuujjuaq, avec leurs voisins du Nord, les Inuits. Il y a toujours eu un partage entre ces deux cultures, et ils souhaitent entretenir cette relation pour les générations à venir. Par contre, ils ne veulent pas d'un gouvernement dominé par les Inuits. Ils aimeraient conserver cette tradition afin que cette relation qui existe entre les deux cultures ne s'estompe pas. De ce point de vue, les Naskapis eux-mêmes veulent que leurs intérêts traditionnels demeurent les mêmes qu'avant.
Nous appuyons les Inuits pour qu'ils obtiennent des pouvoirs plus vastes sur leurs terres côtières traditionnelles, mais pas sur nos terres ancestrales. C'est la vision qu'ont les aînés pour les générations futures. Cela fait seulement 45 ans que le gouvernement nous vient en aide. Par le passé, nous n'avons bénéficié de rien du tout, si ce n'est que la terre elle-même, et nous voulons qu'il adopte cette vision pour assurer l'avenir de notre peuple.
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Merci, monsieur le président.
Merci aussi aux témoins de votre présence aujourd'hui.
J'aimerais brièvement revenir sur le rapport qui a suscité cette discussion. Il s'agit du rapport de 2006 de la Commission crie-naskapie, et il y a deux sujets que je veux aborder.
Tout d'abord, à la suite d'une représentation de la nation naskapie, la commission a décidé de mener une enquête. Cependant, des représentants du ministère des Affaires indiennes ont refusé de se présenter à une audience de la commission à ce sujet en invoquant l'article 167 de la loi.
Par la suite, la commission a formulé la recommandation 25, qui se lit comme suit:
Le gouvernement du Canada doit assumer ses responsabilités adéquatement et prendre des mesures opportunes et adéquates en consultation avec la nation naskapie pour garantir les droits et intérêts des Naskapis dans les actuelles négociations concernant l'établissement d'un gouvernement du Nunavik.
Plutôt que de lire au complet la réponse du gouvernement, je vais paraphraser. En gros, le gouvernement a répondu qu'il y aurait un processus impliquant quatre parties, c'est-à-dire les Inuits, les Naskapis et les gouvernements du Québec et du Canada, au cours duquel il discuterait de ces questions. Ensuite, il a dit qu'il s'attendait à obtenir des résultats positifs. La commission a plus tard indiqué que cela n'avait pas donné les résultats souhaités.
Le comité a été mis au parfum de ces préoccupations; par conséquent, le gouvernement fédéral a-t-il fait quelque chose pour les dissiper depuis la publication du rapport de 2006?
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De toute évidence, nous ne survivrions pas, étant donné les aspects économiques et la dégradation des communautés des Premières nations. Je crains que mon peuple ne soit plus jamais le même, car sans la terre...
Les jeunes représentent la majorité de notre population, et beaucoup d'entre eux pratiquent encore nos activités traditionnelles. Mon peuple vit de la terre et a besoin de ce territoire pour assurer sa survie. Nous exploitons encore beaucoup les terres ancestrales, particulièrement les jeunes qui nous arrivent et qui constituent la plus grande partie de notre population.
Si on commet une autre injustice, cela entraînera des disparités et du désespoir au sein de notre communauté. Notre nation s'est toujours battue, et nous voulons, plus que jamais, assurer un meilleur avenir pour notre peuple. C'est ce que nous demandons.
J'apprécie les remarques qu'ont faites tous les témoins jusqu'à maintenant. Je pourrais peut-être commencer par mentionner qu'évidemment, lorsqu'il est question du délai de règlement de vos revendications, il faut se rappeler que l'ancien gouvernement a passé la majeure partie de son temps enfermé dans ses bureaux — et je parle ici du Parti libéral. Toutefois, je pense que c'est un fait bien connu et qu'il n'est pas nécessaire de le répéter, mais je me plais à le mentionner à l'occasion. C'est un peu décevant; il n'y a aucun doute là-dessus.
Je pourrais peut-être revenir sur votre document. Vous avez certes fait plusieurs observations.
Premièrement, vous avez indiqué que la nation naskapie voulait signer la Convention de la Baie James et du Nord québécois, mais qu'elle en avait été exclue. Pour ma gouverne, pourriez-vous m'expliquer brièvement pourquoi les Naskapis n'ont pas pu signer cette convention?
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Je pense que vous devez savoir que les Naskapis ont dû quitter Fort Chimo pour s'établir dans la région de Schefferville, en 1956, sous l'influence du gouvernement fédéral. À cette époque, pratiquement aucun Naskapi ne parlait anglais ni français, ou n'avait un niveau d'instruction souhaitable.
Par conséquent, lorsqu'on a entrepris les pourparlers entourant la Convention de la Baie James, au début des années 1970, les plus vieux Naskapis ne parlaient ni anglais ni français. Ils vivaient à Schefferville. Autant que je me souvienne, à l'époque, la radio émettait à Schefferville depuis Corner Brook. On était donc au fait, sans vouloir manquer de respect envers qui que ce soit, du hockey local, mais on n'avait aucune idée de ce qui se passait concernant la politique au Québec.
Par conséquent, les Naskapis n'ont rien su à propos de la première année de négociations tenues entre les Cris et les Inuits. L'accord de principe en vue de la Convention de la Baie James a été exécuté en novembre 1975, et les Naskapis n'en savaient rien.
Peu importe, l'accord de principe prévoyait seulement l'extinction des droits des signataires, c'est-à-dire les Cris et les Inuits. Les Naskapis ont été mis au courant des pourparlers au début de l'année 1975, lorsque ces deux nations leur ont rendu visite. Celles-ci leur ont expliqué ce qui se passait et demandé s'ils souhaitaient représenter leur nation.
Les Naskapis ont décidé de se faire représenter par l'Association des Inuit du Nouveau-Québec, et ce, même s'ils sont Indiens et plus étroitement liés aux Cris. Pendant de nombreuses années, les Naskapis ont vécu près des Inuits et ont échangé avec eux à Fort Chimo; par conséquent, ils entretenaient des liens plus étroits avec la nation inuite qu'avec la nation crie et ont décidé de laisser les Inuits négocier pour leur compte. Ils les ont d'ailleurs grassement payés pour cela.
Étant donné que la date butoir pour la signature de la Convention de la Baie James approchait à grands pas, les Naskapis ont appris que l'Association des Inuit du Nouveau-Québec n'avait pratiquement rient fait en échange de l'argent qui lui avait été versé pour que le nom de la nation naskapie soit mentionné dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Les Naskapis ont donc commencé par embaucher Robin. Je suis arrivé au conseil un peu plus tard, et ils ont formé leur propre équipe de négociation. L'accord de principe de 1974 stipulait que la convention finale devait être signée en novembre 1975; on n'avait donc pas assez de temps pour intégrer les Naskapis, et les autres parties ne voulaient pas retarder la signature.
Si vous vous rappelez bien, la Convention de la Baie James garantissait au gouvernement du Québec et à Hydro-Québec qu'ils avaient le droit de développer le territoire. Les gouvernements ne voulaient donc pas attendre plus longtemps pour obtenir cette certitude, et les Naskapis ont été exclus.
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Au cours des quelque 20 dernières années, l'Administration régionale Kativik a fait preuve de discrimination à l'égard des intérêts des Naskapis. Je peux vous donner deux exemples.
Tout d'abord, on a reçu une importante somme d'argent destinée à aménager des parcs dans la partie du Québec au nord du 55e parallèle. Il y a de merveilleux sites potentiels de parc sur le territoire naskapi. La nation naskapie a demandé qu'au moins un de ses sites devienne un parc. L'Administration régionale Kativik a refusé. Pourquoi? C'est parce que les parcs procurent des avantages économiques. Les Inuits se sont assurés que les parcs qui avaient été créés profiteraient aux communautés inuites. D'ailleurs, il y en a un, Pingualuit, qui a été inauguré il y a environ une semaine ou 10 jours. Il est situé près de Kangiqsujuaq et amène des retombées économiques aux communautés inuites. L'autre, qui n'est pas encore tout à fait aménagé, se trouve au nord de Kangiqsualujjuaq, sur la côte est de la baie d'Hudson.
Le deuxième exemple, c'est que les Inuits ont pu conclure une entente semblable à celle de La paix des braves. Il s'agit de l'entente Sanarrutik, qui a été signée en 2002 et dont l'Administration régionale Kativik est signataire. Cet accord confère aux Inuits des droits en matière de développement économique sur les terres naskapies. Encore une fois, l'Administration régionale Kativik a pris part à une entente qui portait atteinte aux intérêts des Naskapis. Comme nous l'avons dit plus tôt, cette nation occupe un siège sur 14 au conseil de l'ARK. Un parti politique qui ne détient que 7 p. 100 des votes, au sein de n'importe quel parlement, n'a pas beaucoup d'ascendant ni de pouvoir.
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Nous allons reprendre la séance et suivre la même procédure. Nous aurons un exposé d'une durée d'environ 10 minutes, suivi probablement d'une seule ronde de questions.
Pourrais-je demander aux personnes à l'arrière de poursuivre leur conversation à l'extérieur? Je vous serais reconnaissant.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos deux autres témoins, Harry Tulugak et Michael McGoldrick, de la Société Makivik.
Comme je l'ai dit plus tôt, nous vous allouons 10 minutes pour votre exposé, qu'il soit présenté par l'un d'entre vous ou vous deux, puis nous enchaînerons avec nos questions.
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[
Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]
Je vous remercie infiniment de nous donner la possibilité de comparaître devant vous aujourd'hui, au nom de la Société Makivik.
D'emblée, j'aimerais rectifier quelque chose. Étant moi-même issue de la communauté dissidente de Puvirnituk, je peux vous dire que notre très cher ami, M. Wilkinson, a fait une déclaration inexacte, lorsqu'il a dit que les communautés de Puvirnituk, d'Akulivik et d'Ivujivik étaient des communautés dissidentes. Il s'agit en fait de Puvirnituk, d'Ivujivik et de la moitié de la population de Salluit.
Je tenais à faire cette rectification d'entrée de jeu, et j'aimerais aussi rétablir les faits concernant le gouvernement inuit. En fait, c'est un gouvernement non ethnique. Il s'agit d'une forme de gouvernement public auquel les gens de Nunavik aspirent.
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La Société Makivik est également le successeur de l'Association des Inuit du Nouveau-Québec, comme on l'a déjà mentionné. C'est l'organisation qui a négocié la partie sur les revendications territoriales des Inuits dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Les institutions régionales établies en vertu de cette convention ont compétence sur presque toute la partie continentale du Québec, au nord du 55
e parallèle, ou si vous préférez, sur le premier tiers de la province. C'est un territoire que nous appelons Nunavik, qui a été officiellement reconnu dans la toponymie fédérale des cartes géographiques de l'électorat.
Les seules régions de ce territoire qui sont exclues de la compétence de nos institutions sont les parcelles de terres relativement petites qui appartiennent aux Cris ou aux Naskapis. Il n'est pas nécessaire de préciser que les Inuits constituent la plus grande majorité de la population du Nunavik. Sachez que seules des communautés inuites se sont établies au nord du 55e parallèle, à une exception près. Il y a d'importantes populations qui ne sont pas inuites dans certains grands centres, mais elles habitent essentiellement au sein de communautés inuites. La seule exception, c'est la communauté crie de Whapmagoostui, qui est située près de la communauté inuite de Kuujjuarapik, dans le sud-ouest du Nunavik.
Dans ce contexte, il convient de noter que la communauté naskapie de Kawawachikamach réside au sud du 55e parallèle. Cette communauté naskapie relativement nouvelle, qui s'est établie dans les années 1980 dans une région au sud de Schefferville, ne fait pas partie du Nunavik. Les Naskapis possèdent une municipalité inhabitée au nord du 55e parallèle, mais on n'y compte aucun résident permanent. Par ailleurs, nous reconnaissons également que les Naskapis ont des terres ancestrales qui s'étendent jusqu'au nord du 55e parallèle. On a clairement défini leurs droits légaux, et il n'y a pas si longtemps, la nation naskapie résidait au nord du 55e parallèle.
Au cours de notre exposé, nous parlerons de ce qui a mené à la signature de l'accord de principe en vue de la création du gouvernement du Nunavik. Cela impliquera des questions complexes qui tracent l'origine des décisions prises il y a 35 ans, lorsque la Convention de la Baie James et du Nord québécois a été négociée.
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Permettez-moi de vous interrompre quelques instants.
Je constate que nous n'en sommes qu'à la page 3 d'une présentation de 13 pages, et déjà cinq minutes se sont écoulées. Je comprends que vous lisiez lentement pour aider les interprètes, mais s'il y a un moyen...
Je suis désolé. On a fourni au président ainsi qu'au personnel à l'avant des copies de votre présentation, bien qu'elles soient uniquement en anglais, mais du moins, j'ai une copie.
Je vous demanderais donc de poursuivre, et je comprends que vous ne puissiez pas lire rapidement en raison des interprètes, mais si vous avez la possibilité d'abréger, ce serait apprécié.
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En tant que peuple autochtone au sens du paragraphe 91(24) de la Loi, les Inuits se sont fait offrir que leurs terres et leurs institutions soient de compétence fédérale.Toutefois, il est rapidement devenu évident, aux yeux des négociateurs inuits, que cet arrangement reposerait sur la Loi sur les Indiens et que les institutions inuites auraient une autorité seulement sur des parcelles de territoire relativement petites. Cela paraissait absurde, étant donné que les Inuits formaient la majorité écrasante dans ce vaste territoire. Comme solution de rechange, Québec leur offrait un modèle non ethnique s'appuyant sur des institutions publiques qui auraient compétence sur la quasi-totalité du territoire au nord du 55
e parallèle.
À la surprise des gouvernements fédéral et provincial, nous avons opté pour le modèle de gouvernement populaire. Bien qu'il présente l'avantage de fournir aux Inuits des institutions ayant autorité sur un vaste territoire, ce modèle a fait l'objet de débats relativement à certains risques qui lui sont associés, car les institutions publiques sont ouvertes à la participation de tous les résidents permanents. S'ils devenaient minoritaires sur leur territoire, les Inuits pourraient se retrouver à perdre le contrôle des diverses institutions qu'ils avaient négociées.
Lors des négociations, les Inuits se sont concentrés sur la création d'institutions publiques telles que la Commission scolaire Kativik, l'Administration régionale Kativik et le Conseil Kativik des services de santé et des services sociaux. Les négociateurs inuits avaient l'intention de réunir toutes ces institutions sous un gouvernement dirigé par une assemblée élue. Quelques années après la signature de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, des voix se sont élevées pour réclamer des efforts renouvelés en vue de regrouper les institutions régionales du territoire sous une seule autorité.
Dans les années 1980, un certain nombre de tentatives de rapprocher ces institutions ont eu lieu, mais elles ont avorté, faute d'un intérêt politique nécessaire pour les mener à bien. Pour lancer les négociations, Makivik et les gouvernements du Québec et du Canada ont convenu d'établir la Commission du Nunavik, que j'ai coprésidée. À l'issue de consultations exhaustives auprès d'intervenants du Nunavik et de communautés autochtones voisines, cette Commission a publié son rapport, qui renfermait une série de recommandations ambitieuses en vue de la création d'un gouvernement du Nunavik doté de pouvoirs étendus.
En principe, ce que nous nous préparons à faire en vertu de l'entente de principe est très simple. Les commissions et conseils de l'Administration régionale Kativik, de la commission scolaire et de la Régie régionale de la santé et des services sociaux Nunavik seront remplacés par une seule assemblée élue. De plus, certaines fonctions administratives communes aux trois organisations, comme les services d'achat et comptables, seront centralisées dans un gouvernement du Nunavik.
Avec l'adoption de la Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, le Canada a respecté l'engagement découlant de la Convention du Nord-Est québécois relativement à la mise en vigueur de la législation sur l'autonomie gouvernementale chez les Naskapis.
L'administration autonome des terres et institutions naskapies relève du fédéral. Il s'agit essentiellement de l'arrangement relatif à l'autonomie gouvernementale offert aux Inuits et rejeté par eux lors de la négociation de la Convention de la Baie James et du Nord du Québec, au début des années 1970.
À titre de membre de la Commission du Nunavik, je me rappelle avoir eu, au début des années 1990, des discussions au sujet de ces nombreuses questions avec des représentants naskapis en présence de fonctionnaires fédéraux et provinciaux. Je me souviens également que les Naskapis avaient fait un long exposé à l'une de nos audiences, où ils avaient déclaré qu'ils tiendraient compte des invitations lancées seulement après que les parties aux négociations aient nommé des émissaires pour se rendre à Kawawachikamach.
Ensemble, Makivik, le Canada et le Québec ont nommé ce que nous avons appelé un groupe de personnalités éminentes pour entendre les opinions des Naskapis. Plus tard, afin de faciliter les discussions et de rédiger ce qui constitue essentiellement l'article 6.5 de notre entente de principe, on a transmis les conclusions du groupe aux Naskapis. Cela a été suivi d'une réunion entre les négociateurs et les dirigeants de cette nation à Kawawachikamach, le 5 mai 2005. On a convenu qu'un comité rassemblant les quatre parties serait formé pour assurer le suivi des questions soulevées par la nation naskapie.
La première réunion du comité a eu lieu à Montréal, en juillet 2005. À cette occasion, les Naskapis ont affirmé qu'ils n'étaient pas prêts à entreprendre des discussions formelles sur des sujets de fond avant que le gouvernement fédéral ait officiellement répondu à une liste de questions qu'ils lui soumettaient.
Depuis, entre les parties aux négociations et les Naskapis,on a échangé une série de lettres concernant divers sujets dans le but de faire avancer les discussions.
Je suis quelque peu déstabilisé, monsieur.
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Je vais maintenant faire un résumé des dispositions de l'entente de principe (EP) qui sont directement en lien avec les Naskapis.
Premièrement, le territoire sur lequel l'Administration régionale Nunavik aurait compétence au nord du 55e parallèle est défini de manière à ne pas inclure les terres IB-N des Naskapis.
Deuxièmement, l'article 3.1.13 de l'EP établit clairement que rien, dans les ententes visant l'établissement d'un gouvernement du Nunavik, « n'affectera, ne modifiera ou ne portera atteinte ou ne devra être interprété comme affectant, modifiant ou portant atteinte aux droits, privilèges et avantages des Naskapis tels qu'établis dans la CBJNQ et la CNEQ ou en vertu de toute autre entente ou de tout autre engagement où le gouvernement du Québec et celui du Canada constituent une partie ».
Troisièmement, aux termes de l'EP, les Naskapis conserveraient leur représentation au Nunavik, avec un siège à l'Assemblée du Nunavik.
Enfin, au sens de l'article 6.1 de l'EP, le comité bilatéral pourra être établi en que partie du gouvernement du Nunavik pour traiter de questions particulières en lien avec les Naskapis. Ce comité bilatéral pourra être composé de trois membres nommés par le gouvernement régional du Nunavik, de trois membres nommés par la nation naskapie de Kawawachikamach et d'un président nommé par le Québec, dont la nomination sera acceptable pour le gouvernement régional du Nunavik et pour la nation naskapie de Kawawachikamach. L'entente de principe prévoit la participation des Naskapis à un groupe de travail mixte afin de finaliser l'article 6.5 et de définir clairement le mandat du comité bilatéral.
J'aimerais également souligner que les dispositions de l'article 6.5 vont au-delà du statu quo sur le plan des actuelles obligations de l'Administration régionale Kativik de traiter des questions concernant les Naskapis au Nunavik.
En conclusion, j'aimerais faire valoir les points suivants.
Premièrement, il est important de se rappeler que les Inuits du Nunavik ont opté pour un gouvernement populaire ou, faute d'un meilleur terme, une administration non ethnique. Cela signifie que l'ensemble de nos municipalités et de nos institutions régionales sont ouvertes à la participation de tous les résidents, Inuits ou non. Ainsi, contrairement à bien d'autres peuples autochtones, notre modèle de gouvernement ne s'appuie pas sur des institutions autochtones contrôlées exclusivement par les Inuits. Cela implique également que la compétence de nos institutions n'est pas limitée aux terres contrôlées par les Inuits.
Deuxièmement, en examinant notre EP, il est important de ne pas perdre de vue qu'elle vise à créer un gouvernement du Nunavik grâce à un amalgame d'institutions déjà existantes. Abstraction faite des mesures nécessaires pour fusionner les commissions et conseils ainsi que certaines fonctions administratives des organisations existantes, notre initiative n'a pas pour objectif de modifier les pouvoirs ou compétences des institutions déjà en place au Nunavik.
Troisièmement, nous avons toujours reconnu que les Naskapis avaient des droits au nord du 55e parallèle, et qu'il est nécessaire d'entrer en dialogue avec eux au sujet de la création d'un gouvernement du Nunavik. Même s'il a fallu un certain temps avant d'en arriver au quorum requis pour permettre de telles discussions, nous croyons que l'échange de lettres en cours permettra la tenue, au début de l'année prochaine, d'une réunion des quatre parties à laquelle participeront les Naskapis, Makivik, le Québec et le Canada.
Quatrièmement, par-dessus tout, il est important de reconnaître que des négociations en vue de la création d'un gouvernement du Nunavik ont lieu parce que les Inuits ont choisi un gouvernement populaire comme moyen d'exercer leurs droits relatifs à l'autonomie gouvernementale au sein du Québec et du Canada. Bien que nous ayons opté pour un modèle populaire, nous, les Inuits, avons confiance que le gouvernement du Nunavik nous fournira une organisation unifiée qui nous permettra de nous rassembler pour administrer nos affaires, établir nos priorités et déterminer notre avenir. En ce sens, c'est une continuation du travail commencé par les Inuits il y a 35 ans avec la négociation de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Merci de votre compréhension.
Je suis conscient que vous tentiez de nous transmettre toute l'information.
Ce n'est pas une pratique normale, mais nous tenterons de faire traduire ce document et de le distribuer aux membres du comité, car à la fin de votre déclaration, des points ont été soulevés, mais vous avez dû omettre une partie du contexte. Les membres du comité pourraient donc apprécier cette mesure.
Nous aurons deux séries de questions de sept minutes. Chers collègues, je vous demanderais de vous montrer coopératifs et d'éviter de poser des questions trop longues ou compliquées quand je vous avertirai qu'il ne reste qu'une minute.
Monsieur Russell.
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En fait, la communauté naskapie se trouve juste à l'extérieur du Nunavik, au sud du 55
e parallèle. Les terres traditionnelles naskapies se trouvent clairement au nord, au Nunavik, mais la communauté elle-même n'est pas sur le territoire du Nunavik.
Il est selon moi essentiel de soulever la question des revendications territoriales, car elles ont été réglées en vertu d'accords. Quand on parle de l'utilisation des terres et de l'application des lois, les Naskapis ont des droits particuliers en matière de chasse, de pêche et de piégeage. Les lignes sur des cartes indiquent leurs droits et la manière de les respecter.
Ici, nous ne parlons pas de revendications territoriales, mais de gouvernance. Quand l'Association des Inuits du Nouveau-Québec, le négociateur inuit, a participé à la négociation de la Convention de la Baie James et du Nord du Québec, au moment d'aborder la gouvernance, on a opté pour un gouvernement populaire, qui relevait de la compétence provinciale. Les Naskapis ont dit non. Ils avaient une option, et ils ont choisi que leurs terres soient strictement sous le contrôle des Naskapis, et non du gouvernement populaire, et que leurs institutions relèvent du fédéral.
Il y a deux conceptions différentes. L'un est un concept public élargi, où la portée territoriale d'une juridiction ne se limite pas aux terres réservées pour le peuple autochtone concerné. Toutes les communautés inuites sont publiques. En cas d'afflux de gens pour de l'exploitation minière ou quoi que ce soit d'autre, les Inuits pourraient perdre la maîtrise de leurs institutions. D'un autre côté, comme il s'agit d'institutions publiques, la portée territoriale de leur juridiction va au-delà de ce qui serait considéré comme des terres de catégorie 1A. Et ces dispositions sont mises en oeuvre par le Québec. C'est le seul domaine où les Inuits sont un peuple autochtone en vertu du paragraphe 91(24) de la Constitution, mais ces lois sont mises en vigueur par l'Assemblée nationale du Québec car elles sont des lois d'application générale; elles s'appliquent donc à l'ensemble de la population du territoire. Par conséquent, la Commission scolaire, la Régie de la santé, l'Administration régionale Kativik, ou l'administration supramunicipale, ont tous été mises en place en tant qu'institutions publiques élargies. Le seul exercice auquel on procède aujourd'hui consiste simplement à unifier les organisations existantes.
C'est quelque peu radical, car on ne retrouve dans aucune autre province ou territoire une institution qui reflète d'une quelconque manière ce que fait la province. Mais il n'y a aucun ajout; on utilise seulement ce qui existe déjà. Et le territoire, l'Administration régionale Kativik, la Commission scolaire Kativik, la Régie de la santé, etc. ont une autorité sur la région au nord du 55e parallèle...
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J'ai seulement la version anglaise de ce qu'a rédigé le ministre québécois, M. Pelletier, mais d'après ce que je comprends de cette version, il s'engage à consulter les Naskapis quand de nouveaux pouvoirs arriveront à la table de négociations.
Nous avons établi une table de discussion en marge, et les négociateurs les ont, à de nombreuses reprises, invités à participer aux négociations. Ils ont été consultés. Jusqu'ici, je crois qu'il y a eu quatre réunions distinctes entre les négociateurs et les représentants naskapis. Il y a donc eu beaucoup de débats, mais aucun engagement véritable sur le fond de la question pour le moment, car les Naskapis, je crois, ne sont pas convaincus du mandat ou de la portée des discussions. On en discute encore. Il y a eu un échange de lettres qui, nous l'espérons, permettra d'autres discussions, même maintenant, et on a déjà tenu une série de rencontres entre les négociateurs et les représentants naskapis en ce qui concerne l'objet de nos négociations.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier de comparaître devant notre comité. Les discussions que nous avons eues aujourd'hui montrent à quel point la situation est difficile quand on a des personnes possédant des bagages différents, soit, d'une part, des gens ayant une conception européenne du gouvernement et, d'autre part, des peuples qui, traditionnellement et depuis de nombreuses années, ont partagé des territoires, se sont épaulés, ont pris soin les uns des autres et se sont mariés entre eux. Arrive alors un système qui définit les droits et la propriété et qui, dans une certaine mesure, ne correspond pas au mode de vie traditionnel de ces peuples. Je pense qu'il est très malheureux que nous nous retrouvions dans cette position, car il est clair que la nation naskapie ne se sent pas écoutée.
Pour en revenir au rapport de 2006, celui-ci révèle que le sentiment des Naskapis de ne pas véritablement avoir voix au chapitre est un problème qui ne date pas d'hier, et qui n'est pas survenu en 2006. Je crois donc que cela place tout le monde dans une position très malaisée, puisque je ne doute pas que les Inuits veulent en arriver au développement économique et à l'administration de leur territoire, tout comme le fait la nation naskapie sur son territoire.
J'aimerais savoir si vous entrevoyez un certain espoir pour ce qui est de trouver une solution pour que les familles ne se dressent pas les unes contre les autres. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
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Je dirais qu'en aucune façon nous ne voyons comme un problème les préoccupations des Naskapis par rapport à nos aspirations. Dans la région du Nunavik, pendant plus de 30 ans, nous avons aspiré à établir une forme de gouvernement populaire, mais dans le cadre du processus et des structures existantes du traité de la CBJNQ et de la Convention du Nord-Est québécois, nous serons toujours ouverts à la discussion et à la recherche de solutions à des problèmes liés aux préoccupations des Naskapis. Cela ne fait aucun doute.
Notre dirigeant politique, M. Pita Aatami, président de la Société Makivik, a toujours tendu la main et tâché de trouver des moyens pour qu'il y ait un dialogue entre les gouvernements fédéral et provincial et la société Makivik, la composante du Nunavik, pour s'assurer que nous ayons toujours...
Nous voulons trouver une solution avec les Naskapis, mais nous avons réitéré cette invitation de nombreuses fois, et elle n'a pas toujours été bien reçue. Nous voulons maintenir un bon dialogue. En collaboration avec eux, nous voulons trouver des solutions en ce qui a trait à des questions directement liées à leurs préoccupations, car je suis certain qu'ils nous ont affirmé qu'ils souhaitaient que nos aspirations se concrétisent également.
Donc, nous tâchons de trouver des moyens d'être conciliants les uns envers les autres, à mesure que nous avançons. Dans notre entente de principe, nous avons l'article 6.5, qui traite du comité bilatéral et, par ailleurs, dans l'avenir, la porte sera toujours ouverte. Nous continuerons à le répéter.
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On l'a dit au départ, lorsque la Convention de la Baie James et du Nord québécois était en cours de négociation.
À l'époque, nos négociateurs et dirigeants subissaient des pressions. Néanmoins, ces dirigeants, avec leur présence d'esprit et en s'inspirant du mouvement coopératif ayant amené cette notion de gouvernance, avaient choisi la forme de gouvernement populaire longtemps auparavant, à la fin des années 1960, car ils avaient entendu appris et constaté — lorsqu'ils avaient commencé à voyager — la situation des Premières nations dans leurs réserves. Cette expérience a inscrit dans la tête de nos dirigeants d'alors qu'ils devaient être des citoyens payant des impôts, et que cela entraînait davantage de responsabilités pour les gens qui avaient décidé de vivre ensemble.
On avait, je crois, la conviction très simple et fondamentale, mais néanmoins profonde, que c'était la seule voie à emprunter à l'époque, quand on s'est exprimé. La notion de démocratie était déjà présente à l'esprit de ceux qui dirigeaient de façon autonome auparavant, alors qu'ils n'avaient à rendre de comptes à personne; avant que n'arrivent les qallunaaq, les Européens; et ils ont choisi cette forme de gouvernement populaire.
Je pense que c'est assez simple.