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Merci, monsieur Tweed. Bonjour, mesdames et messieurs.
Je suis le commandant Dan Adamus et je suis ici à titre de représentant de l'Association des pilotes de ligne, International, que nous appelons aussi ALPA. Je suis le président du Conseil canadien de l'ALPA et pilote d'Air Canada Jazz.
Je suis accompagné aujourd'hui par Art LaFlamme, le représentant senior d'ALPA au Canada. Nous apprécions grandement l'occasion de nous présenter devant vous aujourd'hui pour exprimer notre opinion sur le .
L'Association des pilotes de ligne, International, représente plus de 60 000 pilotes professionnels qui volent pour 40 lignes aériennes au Canada et aux États-Unis. À titre d'unité de négociation certifiée et de représentante de ses membres pour tous les aspects touchant la sécurité et le bien-être professionnel de ces derniers, l'ALPA est la principale porte-parole des pilotes de ligne en Amérique du Nord. Par conséquent, l'ALPA démontre un intérêt considérable pour toute loi touchant l'aviation au Canada.
L'ALPA appuie cette loi, plus spécifiquement les dispositions qui permettraient l'application efficace de systèmes de gestion de la sécurité, appelés SGS, pour les compagnies d'aviation régies et certifiées par Transports Canada. L'ALPA a accueilli le SGS comme le prochain grand bond en avant en matière de sécurité aérienne. Nous considérons cette loi comme une approche corporative globale à la sécurité qui fait participer la direction et les employés à l'élaboration et à l'application d'un système de gestion de la sécurité pour la compagnie.
Vous devez vous demander pourquoi l'ALPA appuie aussi vigoureusement le SGS et cette loi. Nous sommes en accord pour plusieurs raisons. Cette loi établit clairement la responsabilisation des hauts paliers de direction de la compagnie en matière de sécurité. Elle permet de rapporter des événements et de l'information reliés à la sécurité sans crainte de représailles. Cela exige notamment la participation des employés et un processus formel d'évaluation des risques et de prise de décisions.
L'ALPA conçoit le SGS comme un cadre de protection sur les règlements de sécurité actuels. En vertu du SGS, une compagnie ne pourra plus ignorer un problème au niveau de la sécurité en affirmant qu'elle se conforme à la réglementation. Si un danger au niveau de la sécurité est connu ou a été identifié, la compagnie concernée devra procéder à une évaluation des risques et prendre une décision consciente quant aux mesures d'atténuation nécessaires pour régler ce problème.
Le SGS établit clairement à qui revient la responsabilité de la sécurité: à l'industrie de l'aviation. Le Ministère a la responsabilité d'assurer une surveillance minutieuse et efficace et de prendre les mesures nécessaires lorsque cette responsabilité n'est pas assumée. La méthode traditionnelle de surveillance de la sécurité selon des inspections techniques détaillées peut remplacer l'assurance de la sécurité opérationnelle et l'industrie de l'aviation peut avoir tendance à penser que la sécurité est la responsabilité du gouvernement. L'ALPA croit que cette loi établit clairement à qui revient la responsabilité et la responsabilisation en matière de sécurité et elle fournit tous les pouvoirs nécessaires au Ministère pour prendre les mesures adéquates lorsque c'est nécessaire.
L'ALPA n'a pas seulement accepté le SGS au Canada, mais elle l'a également adopté aux États-Unis comme voie d'avancement. L'ALPA l'a activement défendu auprès de la Federal Aviation Administration (FAA) et auprès des lignes aériennes dont les pilotes sont représentés par l'ALPA. En fait, l'ALPA a été un élément clé pour que la FAA accepte le SGS, ce qui a été à la base de la publication d'un bulletin de renseignements de la Division des normes aériennes de la FAA au sujet des normes pour les lignes aériennes qui désirent mettre en application le SGS.
Comme vous le savez probablement, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a adopté le SGS et cela deviendra une norme internationale en 2009. À ce sujet, la International Federation of Air Line Pilots Association (IFALPA) — dont je suis membre fondateur — a travaillé en étroite collaboration avec l'OACI pour établir les normes et les pratiques recommandées de l'OACI, et appuie fortement cette initiative internationale.
Nous comprenons les inquiétudes exprimées en ce qui concerne les protections contre les sanctions à des fins de confidentialité proposées dans le projet de loi. Nous croyons que ces dispositions sont absolument essentielles au succès du SGS d'une compagnie.
Nous pouvons expliquer notre position comme suit. Pour régler de façon proactive les problèmes au niveau de la sécurité, des données sont nécessaires. Les stratégies pour améliorer les besoins en matière de sécurité doivent être guidées par des données. En cas d'absence d'accident, des données adéquates sont nécessaires. Les facteurs humains et organisationnels créent des erreurs ou des dangers qui demeurent inaperçus jusqu'à ce qu'un ensemble de circonstances propices résultent en un grave événement. Un environnement organisationnel, où les gens sont à l'écart de conséquences négatives lors de rapports d'erreurs, de déficiences et de dangers, est essentiel pour obtenir toutes les données disponibles. Par conséquent, un programme de déclaration doit offrir la confidentialité et l'immunité contre toute forme de sanction pour être efficace. Bien sûr, des délits volontaires et délibérés, des fautes lourdes ou des actes criminels seraient des exceptions.
En résumé, l'ALPA croit qu'un programme de signalement volontaire, confidentiel et non punitif est un élément essentiel d'un SGS et de cette loi.
L'ALPA aimerait faire des commentaires sur une autre disposition du projet de loi, à savoir l'article 12, qui concerne le pouvoir du ministre de désigner des organismes pour agir en son nom dans certains cas. L'ALPA est convaincue que ce pouvoir de désignation ne devrait pas être accordé à des transporteurs de passagers et de marchandises commerciaux. Nous constatons que le langage législatif est d'une portée très générale et qu'il est assujetti aux règlements sur lesquels les intervenants doivent être consultés par l'entremise du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC). Des fonctionnaires de Transports Canada nous ont expliqué que cette disposition ne vise que des secteurs à faible risque de l'industrie de l'aviation et ne concernant pas le transport aérien. Nous recommandons que le comité obtienne à ce sujet un tel engagement de la part du ministre.
Nous vous remercions encore pour cette occasion de nous présenter devant vous aujourd'hui et il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
Merci.
Merci, monsieur Tweed.
Je signale que nous avons eu un très court préavis d'environ une journée seulement pour nous présenter. Nous n'avons pas de mémoire écrit. Mon collègue, Gerry Einarsson, qui est notre expert en matière de sécurité aérienne, n'a malheureusement pas pu m'accompagner aujourd'hui, mais je l'ai consulté assidûment au cours des deux derniers jours. J'espère que mon exposé vous sera de quelque utilité.
Vous pensez peut-être que Transport 2000 est normalement un organisme de défense des consommateurs s'intéressant surtout aux questions concernant le transport urbain et le transport ferroviaire. La dernière fois que nous avons témoigné devant votre comité, en octobre 2006, c'était pour discuter de questions concernant le transport ferroviaire. Depuis un certain nombre d'années, nous nous intéressons toutefois de très près au transport aérien, surtout du point de vue des consommateurs. En fait, nous avons témoigné devant ce comité en novembre 1999, alors que nous faisions partie d'une coalition de neuf organismes de défense des consommateurs qui était vivement préoccupée par les problèmes que pouvait poser aux consommateurs la fusion d'Air Canada et de Canadian Airlines.
Un des organismes qui faisait partie de la coalition, avec le Centre de la défense de l'intérêt public et d'autres organismes, était le Groupe de sécurité des passagers aériens, un groupe d'experts en matière d'industrie du transport aérien s'intéressant particulièrement aux questions de sécurité. Ce groupe est devenu par après un groupe associé à Transport 2000. Grâce à ses compétences, nous nous sommes investis considérablement dans les questions concernant les lignes aériennes au cours des sept ou huit années suivantes. En fait, des médias nationaux nous appellent souvent pour nous demander de faire des commentaires, surtout à l'occasion de problèmes de sécurité aérienne ou d'un accident aérien majeur. Dans l'intérêt public, nous espérons faire des commentaires éclairés et soigneusement pesés, qui pourraient aider à comprendre les circonstances entourant divers incidents.
Un bon exemple est l'écrasement et l'incendie du vol d'Air France à l'aéroport Pearson, occasion à laquelle nous avons joué un rôle très actif. Des représentants du Bureau de la sécurité des transports nous ont dit qu'ils avaient trouvé les interviews que nous donnions aux médias très pertinentes et très appropriées. Cela vous donne donc une idée.
Nous participons en outre de façon très active, à titre consultatif, à l'administration de l'industrie aérienne, avec divers autres groupes, avec Transports Canada et avec des organisations du secteur du transport aérien comme le CCRAC, à savoir le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne.
En ce qui concerne le , nous appuyons vigoureusement les principes sur lesquels reposent les modifications qu'il contient. Des questions comme le règlement sur les émissions provenant des aéronefs rejoignent intimement nos engagements en matière de transport durable et de transport écologique.
Je ferai encore quelques commentaires. Nous sommes très préoccupés au sujet de la capacité du ministre de gérer les mesures concernant la fatigue. Les dispositions relatives aux délateurs ont une importance cruciale.
Toute la question des SGS et des dispositions concernant une autoréglementation accrue par l'industrie en est une dont nous comprenons très bien l'importance économique, mais nous estimons qu'elle doit être équilibrée par un souci non seulement de la sécurité absolue — qui est toujours, bien entendu, un sujet de préoccupation pour Transports Canada —, mais aussi de la perception du public. L'industrie comme telle a intérêt à ce que le public ait la perception que le transport aérien continue d'être soumis à des normes de sécurité d'un niveau très élevé et maintienne la cote de sécurité qui a fait sa renommée. En fait, nous estimons que c'est une question de meilleur choix pour les consommateurs.
On peut discuter tant qu'on veut d'un marché libre, mais pour cela, il est primordial que les consommateurs aient l'information nécessaire pour faire des choix sur le marché; en outre, un aspect important de ce choix éclairé des consommateurs est la connaissance des mesures de sécurité, voire des dossiers concernant la sécurité.
Je sais que je dois m'efforcer d'être bref mais, en ce qui concerne les SGS, nous estimons qu'il est essentiel que le ministère continue de disposer de ressources suffisantes pour assurer la contrôle, la surveillance et l'évaluation des programmes de sécurité. La responsabilité en matière de sécurité et de maintenance a été donnée en sous-traitance dans un trop grand nombre d'autres pays. La Grande-Bretagne, où la maintenance des chemins de fer a été entièrement confiée au secteur privé, est un exemple de très mauvais choix car cette décision a eu pour conséquence un nombre élevé d'accidents graves à la suite desquels plusieurs personnes ont perdu la vie. À la suite d'un accident dû à des décisions de maintenance dans un contexte d'autoréglementation, il a fallu bloquer pratiquement tout le réseau ferroviaire. Le gouvernement britannique a donc été obligé de renationaliser l'infrastructure et la maintenance ferroviaires.
Après la mise en place des programmes de gestion de la sécurité et des régimes d'autoréglementation, il est très important que le gouvernement conserve la capacité de comprendre l'efficacité du système car s'il a des défaillances, la rectification des problèmes et la reprise en main du système sont des opérations très coûteuses et très complexes.
La surveillance publique est absolument essentielle. De nombreux accidents auraient pu être évités si ce type de protection, fondée sur la délation, avait été en place. Je peux remonter par exemple jusqu'à l'accident de Dryden, en 1989, dû à l'absence de dégivrage. Il a été clairement établi que si certains employés avaient pu parler sans crainte de représailles, les 24 pertes de vie survenues au cours de cet accident auraient pu être évitées. Nous avons tiré des leçons de cet événement; en fait, les procédures de dégivrage se sont améliorées à l'échelle mondiale à la suite des enseignements tirés de ces types d'accidents, mais les pertes de vie auraient en fait peut-être pu être évitées si un système de protection des délateurs avait été en place.
Ce n'est pas une situation typiquement canadienne, car l'écrasement d'un appareil d'Alaska Airlines, survenu en janvier 2000, était un cas où des problèmes de maintenance connus avaient été occultés, parce que les employés qui auraient pu fournir cette information ne bénéficiaient d'aucune protection. L'appareil s'est écrasé à cause d'une défaillance de son empennage de queue et les 88 pertes de vie auraient pu être évitées.
Nous avons cru comprendre que ce projet de loi est examiné dans le contexte d'une diminution des ressources à Transports Canada; même si c'est le cas et que le ministère éprouve des difficultés importantes parce que des inspecteurs expérimentés prennent leur retraite ou pour d'autres raisons — et qu'il a de la difficulté à les remplacer —, ce n'est pas une excuse pour diminuer le niveau de sécurité dans l'industrie. Si des ressources sont nécessaires pour assurer la sécurité, il est essentiel de les trouver d'une façon ou d'une autre.
Enfin, nous avons découvert d'excellents commentaires; j'espère que les membres du comité les ont lus ou en ont pris connaissance, sinon, je vous recommande de les lire; il s'agit des commentaires faits par le juge Moshansky en novembre 2006. C'est lui qui a fait l'enquête sur l'écrasement de Dryden, en 1989. Au mois de novembre, il a fait un discours dans lequel il a encore exprimé de vives préoccupations au sujet de l'état de la gestion de la sécurité aérienne au Canada, au sujet des leçons qui avaient été apprises mais qui n'avaient pas toujours entraîné des améliorations. Il a surtout insisté sur les problèmes d'une capacité insuffisante en matière d'inspection, d'un nombre d'inspecteurs insuffisant à Transports Canada.
Il est en effet approprié d'améliorer la loi en s'inspirant des modifications proposées dans ce projet de loi et de déléguer les tâches de façon à maintenir la sécurité et la capacité de Transports Canada de surveiller l'efficacité des mécanismes de sécurité, mais aussi de façon à s'assurer que le public continue d'avoir confiance dans la sécurité du réseau de transport aérien et qu'il puisse faire des choix éclairés.
Merci.
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Le problème est que si l'industrie était la seule à avoir les compétences voulues en matière de sécurité, Transports Canada deviendrait, dans une large mesure, un outsider. Si Transports Canada n'a pas à l'interne des experts ayant au moins la même capacité que maintenant d'évaluer les mécanismes et les dispositions mis en place par l'industrie par le biais des SGS, le gouvernement sera dans l'impossibilité de savoir si ces systèmes sont efficaces.
Je m'excuse de revenir à un mode de transport différent, mais le gouvernement britannique n'était pas du tout conscient de l'étendue de la détérioration de la maintenance ferroviaire au Royaume-Uni jusqu'à l'accident de Hatfield, avec les pertes de vie corrélatives, ce qui a eu pour conséquence l'imposition de limitations de vitesse très strictes sur la quasi totalité du réseau ferroviaire britannique pendant plusieurs mois, en attendant qu'on ait réglé les problèmes de maintenance qui avaient été négligés à l'échelle nationale.
Le problème était que la bureaucratie nationale qui était en place lorsque les chemins de fer étaient nationalisés et qui avait la compétence nécessaire pour régler les questions de maintenance ferroviaire, n'avait pas été remplacée par des équipes ayant des compétences suffisantes pour maintenir au moins une surveillance gouvernementale permettant d'évaluer l'efficacité de l'autoréglementation de l'industrie. Le savoir nécessaire pour jeter un regard critique sur cette autoréglementation de la sécurité et sur la maintenance dans le secteur ferroviaire n'existait plus dans la fonction publique.
Les chemins de fer ont accueilli tous les experts lorsqu'ils ont été privatisés. Avec le temps, ces experts ont pris leur retraite et n'ont pas été remplacés. Le profit était la règle maîtresse; les pratiques en matière de maintenance se sont dégradées et le gouvernement n'a pris conscience de la gravité de la situation qu'au moment d'organiser une enquête exhaustive pour découvrir les raisons pour lesquelles le réseau ferroviaire national s'était complètement dégradé.
Par chance, l'industrie aérienne n'a pas été aussi loin et elle ne devrait pas commettre la même erreur. Il faut procéder de façon rationnelle et pondérée pour veiller à ce que la surveillance gouvernementale soit maintenue lorsqu'on fera la transition à un système d'autoréglementation des processus de sécurité.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vais poursuivre dans la même veine parce que nous avons tous un problème. En tout cas, pour ma part, le projet de loi pose problème. On peut être d'accord pour avoir un système de gestion de sécurité, mais il y a deux grands bémols.
Le premier bémol, c'est le fait de confier à des organismes indépendants une partie de la surveillance. Vous nous dites qu'on vous a dit qu'on ne pouvait pas modifier la loi, qu'il faut attendre les règlements. Moi, je vous dis qu'en tant que parlementaires, nous pouvons la modifier la loi. Nous pouvons décider d'enlever toute cette partie, tout simplement. Nous pouvons faire des modifications, des amendements.
Si vous aviez des suggestions à nous faire par rapport à cela, je pense qu'il serait temps de les faire. Vous ne pouvez pas les faire aujourd'hui, mais vous pourriez nous les envoyer, car nous pouvons très bien apporter des modifications.
Donc, mon premier problème est que l'on veut confier à des organismes indépendants le soin de la surveillance de l'application, dans certains domaines.
Croyez-vous que nous devrions, si nous en avons le pouvoir, apporter tout de suite des amendements à la loi?
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Je vous comprends bien. Si on pouvait le faire tout en maintenant une certaine latitude, vous seriez d'accord; j'ai compris.
Mon deuxième point porte sur la page 2 du texte que vous avez déposé, où vous dites:
La méthode traditionnelle de surveillance de la sécurité selon des inspections techniques détaillées peut prendre le rôle d'assurance de la sécurité opérationnelle et l'industrie de l'aviation peut se perdre à penser et à croire que la sécurité est la responsabilité du gouvernement.
Or, vous suggérez que l'industrie soit un peu responsable; c'est la raison pour laquelle vous appuyez cela.
Mon problème relève du fait que vous mettez en doute la méthode traditionnelle d'inspection et de surveillance. Tel que vous l'avez bien dit tout à l'heure, monsieur Jeanes, il faut que le ministère continue d'assurer la surveillance. Or, dans ce projet de loi, il n'y a absolument rien qui vient renforcer le travail des inspecteurs pour assurer que cette politique soit appliquée. On crée quelque chose de neuf, mais on ne clarifie pas la position de Transports Canada et du service d'inspection, des inspecteurs, des pilotes fédéraux, etc.
Cette façon de faire m'inquiète. Dans votre texte, vous semblez dire que ce qui s'est passé avant et les inspections systématiques ne sont pas une bonne solution, qu'il faut confier cela à l'industrie. Je suis très réticent à confier cette responsabilité à l'industrie, parce que cela devient de l'autoréglementation. Je veux bien que vous vous autodiscipliniez, mais que vous soyez chargés vous-mêmes d'appliquer la réglementation, cela me préoccupe beaucoup. Je veux que vous le fassiez, je veux que l'industrie se discipline, mais je ne pense pas que c'est à elle de décider si ça va bien ou non. Je pense qu'il faut avoir un service indépendant d'inspection qui soit maintenu et renforcé, pour nous assurer et assurer la population que le service ou ce qui a été mis en place est bien respecté.
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Nous pensons que Transports Canada continuerait d'assurer la surveillance en matière de sécurité. Il y aurait les vérifications régulières concernant les systèmes de gestion de la sécurité des compagnies qui sont en place. Si l'on y relevait des irrégularités, on procéderait alors à un type de vérification plus traditionnelle.
Transports Canada aurait encore un rôle très important à jouer. J'estime que le ministère a fait de l'excellent travail jusqu'à présent lorsqu'il s'agissait d'identifier les secteurs dans lesquels des améliorations pouvaient être apportées.
Je pense que grâce à la technologie moderne, les systèmes de formation aérienne se sont considérablement améliorés. On n'arrivera à les améliorer davantage que si l'on est capable d'identifier les problèmes en vol en tant que pilote, sans craindre des représailles. Si nous faisons remarquer quelque chose qui n'a pas été fait correctement, cela améliorera la sécurité. C'est ainsi que l'on procédera.
Voici un exemple. Une des compagnies que nous représentons au Canada a un vol à destination de St. John's (Terre-Neuve) qui part de Toronto assez tard la nuit. Il fait escale deux heures puis revient à Toronto. Les pilotes n'ont cessé de dire qu'ils étaient très fatigués pendant le voyage de retour. La première réaction de la compagnie a été de signaler que cette façon de procéder était conforme aux règlements de Transports Canada, que c'était dans les 14 heures de temps de service prévues, ce qui était tout à fait exact. Cependant, dans le contexte du système de gestion de la sécurité de cette compagnie, les pilotes ont discuté avec les dirigeants et signalé que la période d'attente de deux heures à 4 h 30 du matin n'était probablement pas idéale. L'horaire du vol a été réorganisé pour éviter cette période d'attente.
C'est donc un domaine où le SGS est parfaitement efficace. Transports Canada approuverait certainement ce système dans ce type de situation.
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Je comprends que c'est ainsi dans un monde où l'économie va bien ou dans une entreprise qui fonctionne bien, mais on a vu souvent des compagnies naître et disparaître en l'espace de deux ans.
J'appuie le principe du système de gestion de sécurité. Toutefois, il faut un service d'inspection efficace, avec des pilotes fédéraux, et prêt en tout temps à intervenir directement au sein d'entreprises n'ayant pas déposé de plaintes, et ce, pour toutes sortes de raisons. Par exemple, ce pourrait être ainsi parce que la compagnie va mal et que les employés supportent certaines choses parce qu'ils constatent que ça ne va pas bien au sein de la compagnie.
Je suis préoccupé par la sécurité de la population. C'est pourquoi nous avons besoin d'un système indépendant. Il faut que Transports Canada maintienne un service d'inspection de haut niveau.
Si le projet de loi demeure tel qu'il est présentement, la sécurité pourrait même être confiée à des entreprises indépendantes, comme cela a été fait en Grande-Bretagne. Ce n'est pas ce que je souhaite. Rien ne me garantit qu'il y aura un service d'inspection indépendant de fonctionnaires de Transports Canada pouvant intervenir à n'importe quel moment lorsqu'ils penseront que quelque chose ne fonctionne pas. Comprenez-vous ma crainte.
Pensez-vous que j'ai raison de continuer à penser ainsi?
a soulevé la question des inspections. D'après la plupart des chiffres estimatifs, environ 40 p. 100 des inspecteurs de Transports Canada prendront leur retraite au cours des cinq prochaines années; on a en outre procédé à des compressions budgétaires. On craint que les SGS se substituent aux inspecteurs dans les cas où la base en matière d'inspection aura disparu.
Êtes-vous préoccupés par l'exemple qui a été cité par , à savoir la situation concernant les SGS au Royaume-Uni? Nous avons entendu des commentaires concernant l'Australie et la Nouvelle-Zélande et les problèmes qui s'y posent, ainsi que sur les problèmes qui se posent au Canada, dont nous avons pleinement conscience.
En ce qui concerne les SGS, nous avons constaté notamment une forte recrudescence du nombre d'accidents sur le réseau ferroviaire. En Colombie-Britannique, plusieurs pertes de vie et de graves accidents sont survenus. D'après certaines personnes, les normes de sécurité ne sont plus respectées dans la même mesure qu'avant.
En ce qui concerne le transport maritime, il y a eu également le naufrage du Queen of the North. Au cours des témoignages, certaines préoccupations ont été exprimées au sujet de l'équivalent d'un SGS pour le transport maritime.
Êtes-vous préoccupés au sujet des autres cas dans lesquels les SGS n'ont pas eu pour résultat un système plus efficace et mieux géré mais où il semblerait qu'ils aient produit un système géré de façon moins efficace?
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Merci, monsieur le président.
Mes idées sont un peu confuses. Je pense que le Canada est un des pays où la sûreté aérienne est la plus élevée. Les règlements qui sont actuellement en place seront maintenus et d'après d'autres témoignages, ils seront même plus stricts; ce projet de loi va plus loin que les règlements actuels et le SGS est une structure encore plus stricte que les règlements actuels. Il ne s'agira pas d'autoréglementation, mais plutôt des règlements actuels de Transports Canada auxquels s'ajoutera un système de gestion de la sécurité. Ce n'est pas un système d'autoréglementation, mais un système qui accroîtra l'efficacité et la sécurité dans ce milieu, d'après moi. Je vois que vous approuvez.
J'aurai bientôt fini, monsieur Jeanes, mais j'ai encore un autre commentaire à faire. Je pense que le système de vérification et d'inspection ne changera pas et que nous voulons instaurer un système encore plus strict, en tout cas pas moins sévère. Avec les autres membres assis de ce côté-ci de la table, je suis très préoccupé par certains des commentaires qui ont été faits par M. Julian et M. Laframboise.
Monsieur le président, il y a quelqu'un à Transports Canada qui pourrait peut-être répondre à ces questions. Bien que cela dépende de ce que le comité veut faire, je serais tout disposé à ce qu'on l'invite à la table pour répondre à certains commentaires de ce genre, car j'avoue qu'ils me préoccupent.
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J'ai trouvé intéressant votre commentaire au sujet du bilan très enviable du Canada en matière de sécurité aérienne; c'est exact, par ailleurs. Le public a confiance dans la sécurité et doit continuer d'avoir confiance en elle. Mes vis-à-vis ont fait allusion aux problèmes qui se sont posés à la suite de la déréglementation dans le secteur ferroviaire, en conséquence de quoi la perception du public est — et en tout cas celle des médias, comme vous avez pu le constater si vous avez regardé la semaine dernière l'émission
W-FIVE sur CTV — que les normes de sécurité se sont considérablement relâchées dans le secteur ferroviaire au Canada depuis la déréglementation.
Je signalerais toutefois qu'une forte proportion des mesures responsables du niveau de sécurité très élevé dans l'industrie du transport aérien au Canada sont malheureusement le résultat d'enquêtes sur des accidents tragiques. La plupart des mesures de prévention des incendies appliquées actuellement à l'échelle mondiale, en ce qui concerne notamment les détecteurs de fumée dans les toilettes et le système d'éclairage des issues de secours, ont été mises en place à la suite de l'enquête sur l'incendie du DC-9 d'Air Canada survenu à Cincinnati en 1983 qui a causé 23 pertes de vie. Il a fallu qu'un accident survienne pour améliorer considérablement la sécurité aérienne. Il en est ainsi également en ce qui concerne l'écrasement de Dryden; en effet, la sécurité des procédures actuelles de dégivrage est en grande partie le résultat de ce tragique accident à la suite duquel 24 personnes ont perdu la vie.
Un des chefs de file en matière de sécurité, M. W.O. Miller, du National Transportation Safety Board des États-Unis, a suggéré que les pays pensent à instaurer régulièrement, tous les dix ans, par exemple, une enquête du type de celle faite par le Transportation Safety Board, comme si une catastrophe s'était produite, pour s'assurer... Il faut des experts pour pouvoir faire une telle enquête.
Il ne s'agit pas de l'industrie ferroviaire, en l'occurrence. Il ne s'agit pas du même contexte de déréglementation. Dans le cas de l'industrie ferroviaire, il s'agissait d'un cas d'autoréglementation alors que ce n'est pas cela en l'occurrence.
Je pense que l'Australie a suivi le même genre de cheminement en ce qui concerne son industrie du transport aérien... Ce pays l'a déréglementée ou l'a laissée s'autoréglementer, puis a constaté que c'était une erreur et a rétabli les règlements en y ajoutant un système de SGS, ou un système analogue, après quoi tout a très bien fonctionné. Ce n'est donc pas un cas comparable à celui de l'industrie ferroviaire.
Ce que je serais curieux de savoir, monsieur le président, c'est si les autres membres du comité permettraient à Transports Canada de faire des commentaires, car c'est une situation dans laquelle nous pourrions demander aux témoins de donner de l'information.
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Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je voudrais revenir à la remarque que vous avez faite, monsieur Adamus, à savoir que vous estimez que le libellé du projet de loi est d'une portée très large, et qu'il laisse une ouverture à des organismes autoréglementés ou à des tiers.
Si une affaire doit un jour être portée devant les tribunaux, ce qui sera important, c'est probablement le but initial du législateur.
J'ai relu l'article 12 pendant que la discussion se poursuivait. Si vous dites que c'est là le but du législateur, il ne transparaît pas dans l'article sous son libellé actuel. Par conséquent, il faut que je sache si vous pouvez nous dire... et je vous cite:
Des fonctionnaires de Transports Canada nous ont expliqué que cette disposition ne vise que des secteurs à faible risque de l'industrie de l'aviation et ne concernant pas le transport aérien.
J'aimerais que vous donniez des informations plus précises à ce sujet. Qui sont ces fonctionnaires et quels conseils vous ont-ils donnés?
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Nous ne suivons pas le nombre d'inspecteurs à Transports Canada. L'information que nous avons vient des commentaires qui ont été faits par le juge Moshansky en septembre 2006.
J'insiste sur le fait que ces idées ne viennent pas de nous. Je voudrais citer un passage du document dans lequel il a dit ceci:
Je pense que de hauts fonctionnaires du ministère des Transports ont reconnu publiquement qu'une nouvelle pénurie de fonds est à la base de la promotion actuelle du concept du Système de gestion de la sécurité qui, de prime abord, prévoit au moins une certaine réglementation de la part des transporteurs.
C'est la perception du juge Moshansky. Nous voyons ce type de commentaires et nous les examinons.
Nous avons tiré des avantages de notre participation à un groupe de consultation comme le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne, notamment en ayant accès aux comptes rendus quotidiens des événements, dans lesquels même les petits incidents se produisant dans l'industrie étaient signalés régulièrement, pour permettre de prévoir les tendances.
Ensuite, depuis environ deux ou trois ans, la diffusion de ce type d'information a été réduite à cause des possibilités que l'information soit confidentielle, qu'elle soit exploitée à de mauvaises fins ou qu'elle porte préjudice aux transporteurs.
Nous n'avons jamais abusé de la possession de ce type d'information. Elle nous a permis de faire exactement ce que vous présentez comme un avantage du SGS, à savoir permettre aux employés, et surtout à ceux ayant des responsabilités en matière de sécurité, d'éviter des accidents graves. Cela fait partie de la culture d'ouverture qui, à notre avis, doit être maintenue.
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Merci, monsieur le président.
Je veux seulement que mes collègues conservateurs me comprennent bien. J'écoutais et les autres. Je pense qu'on peut dire que le système de gestion de sécurité peut constituer un élément de sécurité supplémentaire, à condition qu'on soit capable de bien surveiller le système.
Vous l'avez dit un peu plus tôt, on a besoin de surveillance. Quand je vous ai questionné, vous m'avez dit que la façon de travailler des inspecteurs allait changer. Ils ne feront plus d'inspections comme par le passé, ils ne feront plus d'inspections techniques détaillées conformément à la façon traditionnelle. Cela m'inquiète un peu.
Je veux que mes collègues conservateurs comprennent bien. Si on ne fait plus appel à la fonction publique, si on n'a plus l'expertise chez nous, quand surviendra un problème, il faudra faire une inspection systématique, comme vous l'avez dit. Si on n'a plus le personnel pour le faire, va-t-on confier le mandat à l'entreprise privée?
Il faut s'assurer de tout cela pour que la sécurité soit encore meilleure. Si on laisse faire l'industrie et qu'on n'assure pas l'inspection, on risque d'avoir un problème de sécurité. C'est le problème. Je pense que les autres témoins qui comparaîtront devant nous, entre autres les inspecteurs qui viendront nous rencontrer, le diront. On pourrait également inviter de nouveau les représentants de Transports Canada; je suis d'accord avec mes collègues.
Pour ma part, tant et aussi longtemps qu'on s'assure d'avoir le personnel requis pour intervenir, et capable de faire une inspection, cela me va. Par contre, si les inspecteurs ne deviennent que des vérificateurs et qu'ils n'ont plus la compétence parce qu'ils n'auront pas été formés pour faire des inspections techniques, il y aura un problème. Je pense que vous aussi aurez un problème.
C'est bien que vous fassiez confiance à tout le monde et à vous-mêmes, mais comme je vous le disais plus tôt, plusieurs compagnies vont arriver dans le marché et plusieurs d'entre elles fermeront leurs portes. C'est avec ce genre de compagnies qu'on risque d'avoir des problèmes de sécurité. Ce ne sera pas le cas d'une compagnie fiable et bien en place. Il faut donc surveiller tout cela.
J'espère que vous serez d'accord avec moi qu'il faut d'abord s'assurer d'avoir un système de surveillance qui soit conforme aux attentes des usagers.
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Merci, monsieur Laframboise.
Tout à fait. Il est essentiel d'assurer la surveillance du système de gestion de la sécurité des compagnies tout en continuant de faire des inspections régulières. En ce qui concerne votre commentaire sur l'arrivée de nouveaux inspecteurs non qualifiés, il faudrait s'adresser à Transports Canada. Nous avons entièrement confiance dans le ministère; nous sommes par conséquent convaincus que toute personne recrutée a reçu une formation adéquate et fera les inspections correctement.
Vous avez fait mention des compagnies établies, qui sont sûres, et ce n'est pas l'objet de nos principales préoccupations, mais plutôt les nouvelles compagnies qui arrivent sur le marché. Si je travaillais à Transports Canada, je suggérerais probablement de surveiller davantage une nouvelle compagnie. C'est probablement ce que fait déjà le ministère. C'est une question qui concerne les fonctionnaires de Transports Canada, mais je présume que c'est ainsi que ça se passe actuellement. On exigerait que les nouvelles compagnies aient mis en place un système de gestion de la sécurité avant de leur accorder un certificat d'exploitation, et le ministère procéderait à des inspections. Je le répète, j'ai entièrement confiance dans le système. J'ai dit de nombreuses fois, et continuerai de le dire, qu'il s'agit uniquement d'un palier supplémentaire, destiné à accroître la sécurité.
Les pilotes sont des perfectionnistes; ils veulent que tout soit fait absolument dans les règles. Je vous assure que s'ils attirent l'attention sur un problème et que la compagnie ne fait pas de suivi dans le cadre du SGS, ils le signaleront dans les plus brefs délais — c'est garanti; par conséquent, cela se saura et le programme de la compagnie sera compromis. Je vous assure donc que le système ne présentera pas de failles; il sera efficace et Transports Canada le saura si un problème se pose.
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Merci, monsieur le président.
J'ai deux ou trois commentaires à faire avant de poser mes questions. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus aujourd'hui, car vous apportez un point de vue intéressant, mais le contexte de ces témoignages sont les commentaires qui ont été faits par le gouvernement lui-même. Le sous-ministre adjoint a déclaré, le 25 avril 2006 qu'il était essentiel que l'organisme de réglementation — c'est-à-dire Transports Canada — cesse de participer aux activités courantes de la compagnie pour permettre aux organisations de gérer elles-mêmes leurs activités et les risques qui y sont associés. En voulant permettre aux organisations de gérer elles-mêmes les risques, le gouvernement a clairement l'intention de ne pas ajouter un palier supplémentaire de sûreté et de sécurité, mais plutôt de limiter son intervention. C'est ce qui nous préoccupe. D'ailleurs, quand nous pensons à l'absence de planification de la relève en ce qui concerne les inspecteurs, à la suite de la réduction naturelle des effectifs, ce projet de loi suscite de réelles préoccupations.
L'année dernière — et je suis certain que vous êtes au courant —, The Toronto Star et The Hamilton Spectator ont publié une série d'articles extrêmement intéressants sur les pratiques à Air Canada Jazz qui avaient engendré des problèmes de sécurité qui n'avaient pas été réglés à l'interne, mais seulement après avoir été révélés au public. Par conséquent, la question soulevée est très claire, à savoir qu'il est essentiel de s'assurer qu'un transporteur ne tentera pas de rogner sur les coûts dans le contexte d'un système comme celui-ci. Nous voulons éviter cette éventualité.
Pour en revenir aux exemples que nous avons cités concernant la sécurité maritime et la sécurité ferroviaire, en Australie et au Royaume-Uni, avez-vous examiné toutes les faiblesses de ce projet de loi qu'ont fait ressortir les exemples précédents de SGS? Est-ce que vous pouvez affirmer avec une assurance totale que vous estimez que toutes les bases ont été prévues ou devons-nous examiner de près ce projet de loi et vérifier s'il est possible de remédier aux lacunes qu'il présente?
Je m'adresse d'abord à vous, monsieur Jeanes, car vous avez exprimé plusieurs préoccupations au sujet de ce projet de loi. Vous avez dit que vous l'appuyiez, et je ne sais pas très bien pourquoi, car les préoccupations que vous avez exprimées sont importantes.