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SDIR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 31 octobre 2006

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Soyez les bienvenus à la réunion du Sous-comité des droits internationaux de la personne du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Ce matin, nous allons entamer une étude du dialogue Canada-Chine sur les droits de la personne. En fait, il s'agit de la première audience de notre comité durant la présente législature.
    Nous accueillons donc avec plaisir nos témoins.
    Je demanderais à ce qu'on sorte tout le matériel d'enregistrement vidéo de la salle dès maintenant. Les représentants des médias peuvent rester, mais il ne pourra y avoir d'enregistrement vidéo de la séance du comité parce qu'il n'a pas adopté de motion en ce sens.
    Nous accueillons aujourd'hui, de Montréal, le directeur, Politiques, programmes et planification, du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, M. Razmik Panossian, et le secrétaire général de la section canadienne d'Amnistie internationale, M. Alex Neve, et enfin, M. Charles Burton, professeur à l'université Brock.
    L'ordre du jour ne le précise pas, mais j'aimerais demander à M. Burton de prendre la parole le premier, étant donné que les autres témoins feront en partie connaître leurs réactions à son rapport.
    Nous disposons de 10 minutes environ.
    Monsieur Burton, si vous voulez bien. Et je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation.
    Monsieur Kenny, je vous remercie beaucoup. C'est avec beaucoup de plaisir que je viens discuter avec le sous-comité de mon rapport d'évaluation.
    Le comité a, je crois, reçu des exemplaires du rapport en anglais et en français. Si je puis me permettre, je suis très heureux qu'il existe une version française du rapport, grâce au Parlement du Canada. Le rapport a en effet été diffusé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, mais seulement en anglais.
    Le rapport comme tel est le résultat d'un appel téléphonique que j'ai reçu d'Henri-Paul Normandin, chef de la section des droits de la personne aux Affaires étrangères. Il m'a demandé de rédiger un rapport d'évaluation du dialogue sur les droits de la personne en cours depuis 1997 entre le Canada et la Chine. Il y a eu neuf cycles, mais il n'y en a pas eu en l'an 2001.
    J'ai une certaine expérience dans le domaine, en ce sens qu'après être devenu membre du Département des sciences politiques de l'université Brock, j'ai travaillé deux fois pour le compte du ministère des Affaires étrangères à l'ambassade du Canada à Beijing. Ma seconde affectation a débuté en 1998, soit tout juste après le début de ce processus de dialogue sur les droits de la personne. J'étais donc présent au troisième, au quatrième et au cinquième cycles. En ma capacité de porte-parole de la société civile, je parlais au nom du Conseil canadien des Églises. J'étais aussi présent au neuvième cycle, dans le cadre de mon rapport d'évaluation.
    Avant de préciser ce que dit le rapport, j'aimerais commencer par vous dire ce qu'il n'est pas. Je l'ai rédigé dans le cadre d'un marché de services conclu vers la fin de juillet. J'ai présenté le rapport aux Affaires étrangères à la fin décembre, mais le ministère ne l'a pas diffusé immédiatement. Une partie du rapport suscitait en effet des préoccupations, et il m'a demandé d'y apporter des changements avant la diffusion d'une version publique.
    J'ai donc produit une autre version le 1er février, mais celle-là non plus n'a pas été diffusée tout de suite. Plus de discussions ont eu lieu, et il a été décidé que le rapport serait scindé en deux versions, une version classifiée et une version publique. Je suppose que vous avez les deux. Quoiqu'il en soit, il y avait un supplément classifié.
    Au début d'avril, j'ai produit une autre version, puis d'autres changements ont été apportés. Enfin, la version que j'ai présentée le 19 avril a été diffusée par le ministère en mai, je crois.
    Selon moi, bien que le rapport ait fait l'objet d'un examen de la part du gouvernement du Canada, j'estime que l'essentiel de mon évaluation du dialogue sur les droits de la personne s'y trouve toujours. Naturellement, quand je répondrai à vos questions, je pourrai donner des précisions sur toute incertitude qui pourrait subsister en raison des passages qui en ont été retirés. Quelque 1 200 mots en ont été retranchés en tout.
    Par ailleurs, je tiens à signaler que le rapport est uniquement une évaluation du dialogue sur les droits de la personne. Au terme du marché de services passé avec le gouvernement du Canada, je n'étais pas censé faire des recommandations sur ce que devrait faire le Canada lorsqu'il participe à ce genre de dialogue. En fait, quand l'ambassade du Canada à Beijing a appris que j'essayais d'organiser des réunions en vue d'examiner les possibilités futures, elle a laissé entendre que j'excédais mon mandat et que je ne devrais peut-être plus le faire. Elle l'a fait à très bon droit, car je devais me conformer aux modalités du contrat.
    Pour ce qui est du rapport comme tel, j'ai commencé par aller au ministère des Affaires étrangères où j'ai essayé de lire tous les documents classifiés et non classifiés portant sur le dialogue sur les droits de la personne. C'était en août, l'an dernier. En septembre, je me suis rendu en Chine et j'ai rencontré quelque 40 Chinois qui avaient participé aux dialogues sur les droits de la personne. Certains d'entre eux avaient participé jusqu'à 16 fois à des dialogues avec plusieurs pays parce qu'en Chine, le nombre de personnes participant aux dialogues bilatéraux, non seulement avec le Canada mais avec beaucoup d'autres pays, est plutôt limité.
(1110)
    À mon retour au Canada, j'ai rencontré des fonctionnaires et des membres d'ONG qui avaient participé au dialogue, de même que des membres d'ONG qui n'y ont pas participé directement, mais qui ont peut-être été consultés par le gouvernement à cet égard. En tout, j'ai rencontré 74 personnes.
    Le rapport que j'ai rédigé a suscité un certain intérêt. Je crois qu'il a fait l'objet d'une diffusion plutôt étendue dans le monde parce que le genre de points qui y sont abordés ne sont pas uniques au dialogue avec le Canada. On les retrouve dans ceux d'autres pays industrialisés de l'Occident.
    Il existe un consortium appelé le processus de Berne qui chaque année accueille, sous le parrainage des Suisses, une rencontre annuelle en vue de discuter des dialogues sur les droits de la personne des divers pays avec la Chine. Le Canada a quelque peu pris l'initiative d'évaluer le dialogue et de communiquer de l'information qui pourrait être utile pour l'élaboration non seulement des programmes futurs de notre gouvernement dans ce domaine, mais également pour ceux d'autres pays.
    Quant à mes constatations, si je peux simplement les caractériser très brièvement durant les quelques minutes qui restent, je dirais tout d'abord que j'ai constaté avec étonnement que les représentants chinois des différents ministères et organismes qui ont participé au dialogue sur les droits de la personne exprimaient très franchement leur insatisfaction à l'égard de certaines lacunes du processus. Quand j'étais allé en Chine, je m'attendais, parce que le ministère chinois des Affaires étrangères était bien conscient des évaluations et avait facilité certaines rencontres avec les porte-parole d'organismes chinois, que je me ferais servir l'éternelle réponse concernant l'importance d'une participation plutôt que d'un affrontement, de l'utilité de l'activité et de l'opportunité de la poursuivre. En fait, ce que m'ont dit les porte-parole des organismes chinois, c'est que selon eux, le dialogue ne cadre pas avec leurs propres priorités de modernisation et de démocratisation de leurs institutions. Les tribunaux, les corps policiers, le parquet populaire estimaient que les thèmes abordés dans le dialogue ne leur procuraient pas d'information utile pour leurs travaux en cours.
    Quand je me suis rendu au ministère des Affaires étrangères de la Chine et que j'ai expliqué à ses représentants les propos entendus de la part des autres fonctionnaires chinois, ils m'ont affirmé que c'était attribuable au fait que les autres ministères abordaient les dossiers de leurs propres points de vue — trop étroits — et ne comprenaient pas que le processus était une activité dirigée par le ministère des Affaires étrangères, qu'il s'agissait d'une activité politique et diplomatique de gouvernement à gouvernement concernant la façon dont le Canada encourage la Chine à respecter les droits de la personne et qu'elle est expressément liée à nos activités sur le plan des droits de la personne au sein des Nations Unies.
    Le dialogue tire ses origines du fait que le Canada a cessé en 1997 d'appuyer la résolution condamnant la feuille de route de la Chine en matière de droits de la personne. Il estimait qu'un dialogue bilatéral avec la Chine et la diplomatie discrète seraient plus efficaces comme moyens de promouvoir la cause du respect des droits de la personne là-bas. En règle générale, à mon avis, bien que le processus, dans sa phase initiale, ait été entamé avec optimisme et enthousiasme, au fil des ans, il est devenu évident qu'il ne donnait de résultats visibles et vérifiables.
    Il est très difficile d'établir un lien entre des changements survenus en Chine et le processus de dialogue comme tel. Le ministère des Affaires étrangères de la Chine a affecté des représentants moins importants au dialogue et a réduit le personnel du service qui s'en occupe, et les Canadiens que j'ai rencontrés ont tous dit craindre que cette activité ne cadre pas avec la raison d'être du projet.
    Je crois pouvoir m'arrêter ici et, grâce à vos questions, je pourrais apporter des précisions.
    Nous en viendrons aux questions plus tard. Monsieur Burton, je vous remercie beaucoup.
    La parole va maintenant à M. Panossian — j'espère que je prononce bien votre nom —, du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique.
    Monsieur Kenney, je vous remercie beaucoup, vous et les membres du sous-comité, de m'avoir invité. Habituellement, ce serait le président de Droits et démocratie ou du Centre international des droits de la personne et du développement de la démocratie, Jean-Louis Roy, qui viendrait témoigner devant vous. Toutefois, il est en voyage, de sorte que c'est moi qui le remplace.
    Droits et démocratie estime que le dialogue bilatéral sur les droits de la personne entre le Canada et la Chine devrait se poursuivre, mais sous une autre forme. Il est préférable de dialoguer, plutôt que de ne pas le faire; cependant, il faut que le dialogue aboutisse à des résultats et qu'il ne serve pas à tromper quant à ce qui est réellement fait en matière de droits de la personne. C'est dans ce contexte que Droits et démocratie aimerait faire les suggestions qui suivent en vue d'améliorer l'efficacité du dialogue.
    Tout d'abord, il faudrait clairement définir la raison d'être du dialogue. Quels en sont les objectifs? Qu'est-il censé produire? Après neuf séances, les réponses à ces questions essentielles sont toujours floues. Il règne une certaine confusion, sans mentionner des écarts, entre les vues des autorités chinoises et celles des représentants canadiens. Il serait propice selon nous de cesser de simplement parler boutique et d'adopter une approche plus ciblée dont les objectifs sont clairement énoncés.
    Une des principales constatations du rapport de M. Burton, c'est qu'après 10 ans presque de dialogue, on ne peut même pas faire état d'un seul résultat important. Chacune des séances de dialogue avait un thème tout au long, soit l'égalité, les mécanismes des Nations Unies, le racisme, les conditions de détention, les droits des femmes et ainsi de suite, et pourtant, il n'y a pas de résultat concret. Par conséquent, on aurait tout avantage à asseoir le dialogue sur un plan d'action à long terme qui soit accepté par les deux pays — accepté, de toute évidence, par le Canada et par la Chine. On permettrait ainsi aux deux d'évaluer les résultats, d'évaluer la progression en fonction de points repères et d'établir un lien entre la discussion générale qui a eu lieu dans le cadre d'un dialogue et des changements précis survenus sur le terrain.
    Ainsi, on peut prendre des mesures précises à l'égard des listes de prisonniers et de l'appui aux défenseurs de droits de la personne. Nous recommandons donc que le Canada et la Chine commencent par définir la raison d'être du dialogue, puis qu'ils élaborent un plan d'action visant à obtenir des résultats précis et mesurables. Donc, si jamais des progrès survenaient dans un dossier, on pourrait en faire la preuve. S'il n'y a pas de progrès ou une régression dans un dossier, on pourrait également en faire la preuve et prendre les mesures qui s'imposent.
    Ensuite, il faudrait que le dialogue ait lieu avec les interlocuteurs compétents en Chine et dans le cadre d'une approche pangouvernementale au Canada. Pour cela, trois éléments sont requis.
    Tout d'abord, il faudrait que le dialogue se tienne entre représentants de haut niveau des deux pays, soit à tout le moins au niveau des sous-ministres.
    Ensuite, il faudrait que les ministères chinois qui ont réellement un mandat intérieur y participent, et M. Burton a parlé de certains de ces problèmes. Le ministère des Affaires étrangères de Chine n'est pas mandaté pour améliorer la situation des droits de la personne au sein du pays, mais bien pour défendre les intérêts du pays à l'étranger. C'est parfaitement compréhensible. D'autres ministères de Chine peuvent jouer un rôle plus pertinent, comme le ministère de la Justice, celui de la Sécurité publique, de l'Éducation ou des Communications.  
    Le troisième élément, enfin, c'est qu'à notre avis, une approche pangouvernementale rendra le dialogue beaucoup plus efficace. La coordination entre les divers services du gouvernement du Canada mettra en relief le message canadien. Par exemple, les programmes de l'ACDI en matière de droits de la personne en Chine peuvent être adaptés ou un lien peut être établi entre eux et les sujets abordés dans le cadre du dialogue.
    Nous recommandons donc que le dialogue soit élargi de manière à inclure divers autres ministères chinois compétents en la matière et à adopter au Canada une approche pangouvernementale.
    Enfin, des communications ouvertes et efficaces sont la clé du succès de tout dialogue, qu'il s'agisse de la publication de documents dans les langues appropriées à de bons services d'interprétation en passant par l'échange d'information avec les parties intéressées à l'extérieur du processus officiel de dialogue.
    Cet élément a deux composantes: d'une part, le processus de dialogue a plutôt été opaque jusqu'ici, donnant lieu au partage de très peu d'information avec la communauté élargie qui pourrait en profiter; d'autre part, la participation officielle de la société civile au processus de dialogue a été insuffisante — par exemple, le manque de suivi auprès de la société civile au Canada et, du côté de la Chine, des ONG soigneusement choisies et progouvernementales comme représentants.
(1115)
    Nous estimons que les organismes de société civile spécialisés dans les questions de droits de la personne devraient jouer un rôle utile dans le processus de dialogue. De plus, on ouvrirait ainsi la porte à la création de liens directs et à de la collaboration entre la société civile canadienne et les organismes de la société civile chinoise.
    Par conséquent, nous recommandons que les participants au dialogue de part et d'autre échangent périodiquement de l'information avec leurs sociétés respectives, qu'ils incluent la société civile dans le processus de dialogue de manière plus soutenue et qu'ils encouragent l'établissement de liens directs entre la société civile de l'un et celle de l'autre.
    Le quatrième point que j'aimerais faire valoir, c'est que le dialogue devrait se situer dans le contexte plus général des préoccupations relatives à la situation des droits de la personne en Chine. Il ne devrait pas être le seul moyen pour le Canada d'aider à améliorer le respect des droits de la personne dans ce pays. Des mécanismes multilatéraux comme le Conseil des droits de l'homme demeurent des instruments efficaces.
    Par ailleurs, d'autres pays sont en pourparlers avec la Chine concernant des enjeux analogues en matière des droits de la personnes — les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Norvège, la Suède, l'Allemagne et le Japon, pour n'en nommer que quelques-uns. La coordination du Canada avec ces pays concernant le dialogue, connue sous le nom de processus de Berne, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, a de l'importance sur le plan de l'efficacité et devrait être renforcée.
    Nous recommandons donc que le gouvernement du Canada ne voit pas le dialogue bilatéral comme une politique du tout ou rien et qu'il explore d'autres moyens de poursuivre avec la Chine le dialogue sur les droits de la personne. Il faudrait aussi continuer d'améliorer la coordination dans le cadre du processus de Berne.
    Enfin, comme cinquième point — c'est un point évident, mais il mérite d'être souligné —, si l'on veut que le processus de dialogue bilatéral soit efficace et qu'il ait un impact réel, il faut que le gouvernement du Canada y investisse plus de ressources.
    En guise de conclusion, Droits et Démocratie estime que les droits de la personne devraient être au coeur des relations sino-canadiennes. Il n'y a pas selon lui d'opposition entre les droits de la personne et les possibilités commerciales, et il ne croit pas qu'il n'existe pas de rapport entre les droits de la personne et les intérêts nationaux. En fait, il soutiendrait au contraire que les droits de la personne, la règle du droit, l'application régulière de la loi et d'autres pratiques démocratiques sont bonnes pour le commerce, pour l'investissement, les échanges et le développement, en Chine et ailleurs.
    Le dialogue bilatéral actuel entre le Canada et la Chine n'améliore pas la situation des droits de la personne là-bas. Cela ne signifie pas qu'il faut y mettre fin ou le suspendre provisoirement, mais il faudrait le remodeler et le renforcer en lui donnant une vision et une organisation bien ciblées.
    Enfin, dire que la Chine est en train d'émerger comme superpuissance est un lieu commun. Il faut que le Canada dialogue avec elle de manière constructive grâce à un partenariat stratégique clair, et le dialogue offre un éventuel moyen de le faire, mais pas dans sa forme actuelle qui est inefficace.
    C'est tout ce que j'avais à dire.
(1120)
    Monsieur Panossian, je vous remercie.
    Monsieur Neve.
    Merci beaucoup, monsieur Kenney. Bonjour, madame et messieurs du comité.
    J'aimerais tout d'abord commencer par rappeler ce qui est en jeu lorsqu'on parle de la situation des droits de la personne en Chine.
    Husein Dzhelil est un citoyen canadien, un Ouïgour originaire de la province de Xinjiang en Chine. Il a été arrêté en Ouzbékistan plus tôt cette année alors qu'il rendait visite à la famille de sa femme. Il a été déporté en Chine il y a quatre mois. Il a été détenu secrètement, accusé de terrorisme, une accusation courante portée à l'encontre des activistes ouïgours qui défendent les droits et l'autonomie du peuple ouïgour aux abois. Il y a de très fortes chances qu'il ait été torturé.
    Le 30 septembre, Kelsang Namtso, une nonne tibétaine âgée de 17 ans, a été sommairement exécutée par les gardes-frontières chinois qui ont ouvert le feu sur elle et sur un groupe d'environ 70 autres Tibétains, dont beaucoup de jeunes enfants, qui ont emprunté le col d'une montagne isolé pour s'enfuir du Tibet et se rendre au Népal.
    Gao Zhisheng, un avocat qui défend les droits de la personne,a été arrêté pour incitation à la subversion. Il a été détenu dans un endroit secret pendant deux mois et demi sans avoir pu parler à son avocat ni recevoir des visites de sa famille. Gao Zhisheng a défendu un certain nombre d'activistes courageux des droits de la personne en Chine. Il risque certainement la torture.
    Le 19 juin, Bu Dongwei à reçu une peine de deux ans et demi de rééducation par le travail en raison de ses activités en tant que pratiquant du Falun Gong. On ignore où il est détenu. Il fait partie des dizaines de milliers d'adeptes du Falun Gong détenus arbitrairement en Chine au cours de ces sept dernières années. Jusqu'à 2 000 adeptes du Falun Gong ont pu mourir suite à la torture.
    Ce ne sont que quatre petits exemples de la gravité de la situation des droits de la personne en Chine. J'ai cité ces quatre cas simplement parce qu'ils font l'objet de quatre actions d'urgentes récentes d'Amnistie internationale.
    Il y a beaucoup d'autres graves préoccupations: le recours massif à la peine de mort, la répression contre les journalistes et les internautes, les mesures de répression contre ceux qui font campagne pour le VIH/sida, la répression contre les militants syndicaux et les défenseurs des droits de la personne, la restriction de la liberté de religion, les évictions forcées à l'approche de la tenue des Jeux olympiques de Beijing, la violence contre les femmes et beaucoup d'autres problèmes.
    Il est clair que la communauté internationale devrait avoir de graves préoccupations par rapport à la situation des droits de la personne en Chine. Il est clair que le Canada devrait avoir de graves préoccupations. Husein Dzhelil, Kelsang Namtso, Gao Zhisheng, Bu Dongwei et les milliers d'autres femmes, hommes et jeunes gens des quatre coins de la Chine qui sont menacés d'arrestation arbitraire, d'emprisonnement injustifié, de torture et d'exécution brutale en raison de leur croyance, de leur origines ethnique et de leur engagement pour la justice ne méritent moins de rien. Mais, franchement, il n' a été que trop évident, surtout ces derniers temps, que les préoccupations par rapport à la situation des droits de personnes en Chine passent après les efforts des gouvernements ici au Canada et dans le monde visant à augmenter leurs échanges commerciaux et leurs investissements en Chine. La campagne pour l'amélioration des droits de la personne en Chine est perçue comme un sujet de contrariété quand des contrats commerciaux attendent d'être signés.
    On nous dit que le développement de l'économie chinoise est la meilleure façon d'améliorer la protection des droits de la personne, mais cela n'est vrai que s'il y a en même temps un effort concerté pour les droits de la personne. Le fait de se croiser les doigts et de croire que ce qui est bon pour le commerce est bon pour les droits de la personne n'est tout simplement pas suffisant.
    Je suis très heureux d'être ici. Amnistie internationale et d'autres organisations basées au Canada qui se préoccupent de la situation des droits de la personne en Chine réclament depuis plus de cinq ans un examen parlementaire de la politique du Canada à l'égard de la Chine. Nous nous réjouissons de la séance d'aujourd'hui et espérons qu'elle marquera le commencement d'un examen approfondi des relations entre le Canada et la Chine.
    Je ferai, à la fin de ma déclaration, quelques suggestions relatives à l'attention que, nous l'espérons, le comité continuera à porter à cette très urgente question des droits de la personne.
    L'organisation de M. Panossian, Droits et démocratie, et la mienne, Amnistie internationale, font partie d'une coalition de treize organisations canadiennes préoccupées par la situation des droits de la personne en Chine. ARC International, Canada-Tibet Committee, le Réseau juridique canadien VIH/sida, le Congrès du travail du Canada, Democracy China-Ottawa, l'Association Falun Dafa du Canada, Human Rights Watch Canada, PEN Canada, Students for a free Tibet, Toronto Association for Democracy in China et Uyghur Canadian Association comptent parmi les autres organisations de la coalition.
(1125)
    Ces organisations collaborent depuis 1993 à la promotion des droits de la personne en Chine et se sont engagées, il y a longtemps, en particulier avec le gouvernement canadien, à proposer une série de recommandations visant un renforcement dont nous avons, à notre avis, cruellement besoin de l'approche par rapport aux droits de la personne dans les relations du Canada avec la Chine.
    Les violations graves et massives des droits de la personne en Chine, existent, bien sûr, depuis plusieurs décennies et depuis de longues années, les organisations de défense des droits de la personne réclament à la communauté internationale l'assurance que la Commission des droits de l'homme des Nations Unies examine la situation des droits de la personne en Chine. La tentative faite, année après année, à la Commission d'adopter une résolution concernant la violation des droits de la personne en Chine a toujours échoué.
    Le Canada a appuyé ces efforts jusqu'en 1997, année où il a fait un revirement important de sa politique. Le Canada n'essaie plus de presser la question des droits de la personne en Chine que ce soit à l'ONU ou dans tout autre contexte multilatéral. Le Canada a décidé de s'en 'occuper en coulisses, d'en discuter questions en privé, de gouvernement à gouvernement.
    Cela a marqué le début du dialogue sur les droits de la personne entre le Canada et la Chine, une réunion annuelle durant laquelle les deux gouvernements discuteront de la question des droits de la personne. L'approche a été radicalement changée. Depuis 1997, le Canada n'a plus jamais appuyé les efforts visant à porter, devant la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, la situation des droits de la personne en Chine.
    Amnistie internationale et d'autres ONG ne sont pas opposées au dialogue, même en privé. Un dialogue bien structuré et bien mené peut jouer un rôle important dans l'amélioration des droits de la personne. Nous avons, cependant, souligné que pour que le dialogue soit efficace, il faudrait que l'opinion publique exerce en même temps des pressions appropriées des cadres multilatéraux, tels que l'ONU, et qu'il devait y avoir des objectifs clairs et un processus pour déterminer si le dialogue facilitait la réalisation de ces objectifs. Autrement, le dialogue risquerait d'être un exercice vide faisant croire que l'on s'intéresse à la question des droits de la personne. En bref, pour nous, un dialogue sans substance ne serait qu'une supercherie.
    Nous avons donc plusieurs fois demandé que si l'on voulait rendre le dialogue plus efficace, il fallait en même temps une diplomatie au niveau de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Il n'y en a pas eu, pas au Canada et pas dans un certain nombre d'autres pays qui ont choisi d'ouvrir des dialogue similaires en privé sur les droits de la personne.
    Malheureusement, ces dialogues bilatéraux n'ont pas amélioré la situation des droits de la personne en Chine. En fait, à plusieurs égards, la situation s'est détériorée au cours de ces neufs années. Nous avons assisté au lancement de la campagne d'arrestations massives et de torture des pratiquants du Falun Gong, à la persécution accrue des Ouïgours dans la province de Xinjiang, à des mesures de répression contre les utilisateurs d'Internet, pour ne nommer que trois récentes violations aux droits de la personne.
    La torture reste courante. Plusieurs milliers de personnes ont été exécutées, habituellement après des procès extrêmement injustes. Des centaines de milliers de personnes demeurent en détention pour être rééduquées dans des camps de travail partout dans le pays.
    Aujourd'hui, finalement, nous avons devant nous, sous la forme du rapport du professeur Burton, l'évaluation approfondie du du dialogue. Il avait déjà donné un aperçu. Selon nous, le rapport montre que le dialogue ne fonctionne pas. Même les intéressés ne le considèrent pas comme un processus sérieux et authentique
    Parmi les nombreuses lacunes identifiées par le professeur Burton, il souligne que les questions soulevées dans le dialogue sont considérées hors de propos par les organismes et ministères chinois concernés, que les questions soulevées ne sont pas les mêmes d'une année à l'autre, que les personnes concernées sont mal choisies, que les exposés manquent de profondeur et ne reflètent pas une connaissance de la situation en Chine, qu'il y a un manque de suivi et que les ressources affectées au processus sont insuffisantes.
    Où en sommes-nous alors? Il est évident que le dialogue ne devrait pas se poursuivre sa forme actuelle. C'est un gaspillage de ressources et de temps. Permettre que ce processus, qui n'est en fait qu'une mise en scène, continue serait rendre un très mauvais service à la cause en jeu: c'est-à-dire l'amélioration de la protection des droits fondamentaux de la personne.
    En conséquence, la coalition des organisations canadiennes préoccupées par la Chine a écrit une lettre au premier ministre Harper le 6 octobre -- je pense que vous avez une copie de cette lettre -- lui demandant de suspendre provisoirement le dialogue, du moins, jusqu'à ce que les graves lacunes identifiés par le professeur Burton soient comblées.
    Mais, le moment est vraiment venu pour le Canada d'aller plus loin. Il est temps que la question des droits de la personne soit au centre de tous les aspects des relations entre le Canada et la Chine. Il est tout à fait inapproprié et insuffisant de continuer à reléguer les questions des droits de la personne à un dialogue, même s'il est amélioré. Les relations du Canada avec la Chine sont complexe et touchent plusieurs domaines et ministères, y compris du commerce international, du développement international, de la justice et de l'immigration. Les relations s'appliquent dans des contextes bilatéraux et multilatéraux. Les droits de la personne devraint façonner les relations qu'entretient le Canada avec la Chine dans tous ces domaines.
(1130)
    Il est temps d'adopter une approche pangouvernementale globale dans les relations entre le Canada et la Chine sur la question des droits de la personne, Une approche qui ne mette pas de côté les droits de la personne et qui profite pleinement de toute l'interaction entre les deux pays et de tous les domaines potentiels d'influence pour préparer systématiquement une réforme efficace des droits de la personne en Chine et le faire de manière constructive avec d'autres pays.
    Le moment est opportun. Le rapport du professeur Burton établit clairement que le changement du dialogue est capital et nécessaire. Il est plus probable que durant ces deux prochaines années, en raison des Jeux olympiques de 2008, le gouvernement chinois se soucie plus de son image internationale.
    L'intérêt croissant que portent les Chinois à l'industrie canadienne d'exploitation des ressources naturelles peut donner plus d'influence au Canada que dans le passé. Les changements à l'ONU, avec le nouveau Conseil des droits de l'homme en remplacement de la Commission des droits de l'homme de l'ONU, offrira de nouvelles possibilités par rapport aux problèmes des droits de la personne en Chine. En Chine même, une communauté des droits de la personne naissante, comprenant des avocats et des militants des droits de la personne, lutte pour résoudre les problèmes, mais elle est victime d'une répression sévère et a grand besoin d'un appui international.
    Votre travail offre une extraordinaire occasion de lancer un processus qui pourrait mener à l'élaboration d'une nouvelle politique globale canadienne à l'égard de la Chine, une politique fermement ancrée sur les principes des droits de la personne. Nous espérons que vous relèverez ce défi. Il y a longtemps que nous attendons que le Parlement s'engage entièrement et de façon responsable pour aider à façonner et définir les relations qu'entretient le Canada avec la Chine.
    Bien que nous soyons heureux, bien sûr, que vous entendiez le témoignage de nous trois ce matin, nous vous exhortons à continuer et à approfondir ce travail. Une étude réfléchie et globale du comité pourrait beaucoup aider à prendre de nouvelles directions et adopter de nouvelles approches, ce qui entraînera nécessairement des témoignages de beaucoup d'autres personnes des diverses branches du gouvernement canadien -- d'entrepreneurs canadiens travaillant en Chine, d'universitaires et d'autres spécialistes qui étudient et suivent de près la situation dans ce pays, et bien sûr des diverses organisations des groupes ethnoculturels canadiens qui représentent certains des secteurs les plus persécutés de la société chinoise comme les Tibétains, les Ouïgours et les pratiquants du Falun Gong.
    Les organisations canadiennes préoccupées par la situation des droits de la personne en Chine devraient appuyer entièrement un tel processus. Nous l'attendons depuis trop longtemps et il pourrait vraiment améliorer la situation des droits de la personne.
    Merci.
(1135)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Neve.
    Nous allons maintenant passer aux questions.
    Monsieur Silva, vous avez sept minutes.

[Traduction]

    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je vous prie de m'excuser pour mon retard, mais je fais partie du Comité de l'environnement. Normalement, les séances se terminent à 11 heures, mais il y a un autre obstructionnisme, donc nous ne savons pas combien de temps durera la réunion. J'ai dû me faire remplacer car je voulais être ici pour entendre votre témoignage.
    Évidemment, quand vous mentionnez les relations bilatérales entre le Canada et la Chine et leur rapport aux droits de la personne et l'intérêt suscité, il y a de bonnes nouvelles là, car les membres du comité se sont entendus, au-delà de leur sensibilité politique, pour aborder cette question aujourd'hui et la mettre au devant de la scène.
    Comme pour beaucoup de personnes qui ont témoigné avant, et certainement M. Neve d'Amnistie internationale, le dialogue bilatéral sur les droits de la personne est sujet qui nous préoccupe beaucoup. Il est évident qu'il n'a donné les résultats escomptés. Nous espérions qu'il le ferait, c'est pour cela qu'il a été instauré. Mais quand nous consultons tous les rapports qui proviennent de Chine, au sujet du Falun Gong, du prélèvement d'organes, qui nous inquiète tous beaucoup, de la tuerie de Tibétains ou même la pratique de différentes religions -- l'Église catholique n'a pas été mentionnée, mais elle est aussi persécutée en Chine -- tout nous pousse tous à nous inquiéter de la question des droits de la personne.
    Que va faire le gouvernement? Que sommes-nous prêts à faire en tant que députés? Voilà les questions qu'il faut poser. Des tentatives ont été faites sans succès. Je veux savoir ce que vous pensez de certains outils dont nous disposons.
    L'ACDI en est un et son rôle en Chine. Mon honorable collègue qui occupe le fauteuil du président a certainement critiqué l'ACDI dans le passé ou le gouvernement canadien de l'époque, d'avoir versé de l'argent à la Chine. J'aimerais savoir ce que vous pensez de l'ACDI, qui est un outil très important du gouvernement au niveau du développement, cette agence devrait être là-bas ou non? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
    L'un d'entre vous...?
    Je peux peut-être commencer puis laisser la parole à mes collègues.
    Amnistie internationale ne se prononce pas sur le fait que le Canada offre ou non une aide par l'intermédiaire de l'ACDI. Cependant, elle dit que si ce genre d'aide doit être fournie, ce doit absolument être dans le cadre d'une approche pangouvernementale globale. Elle doit être reliée à tous les autres aspects de la tentative d'amélioration des droits de la personne entreprise par le Canada. Il est sûr que si nous arrivons à remanier et à améliorer le dialogue, les objectifs visés par le dialogue et ceux de l'aide au développement devraient être intégrés.
    Il faut tout simplement ne pas poursuivre l'ancienne approche adoptée par rapport aux droits de la personne en Chine et qui, selon nous, était un ensemble de mesures éparpillées et isolées proposées par différents organismes et ministères.
    En ce qui concerne la relation entre les programmes de l'ACDI et le dialogue, c'est l'ACDI qui finance cette activité depuis le début. Mais au cours des premières rondes du dialogue, l'ACDI hésitait à faire savoir au gouvernement chinois qu'elle assurait ce financement, parce que dans le contexte du temps, elle craignait que le gouvernement chinois commence à la percevoir comme un organisme politique.
    Des incidents sont survenus. Par exemple, lorsque je travaillais dans la section politique, nous avons demandé au chef de la section de l'ACDI qu'il apporte une liste de prisonniers dans un voyage au Tibet, et il a estimé que ce n'était pas approprié.
    Maintenant, l'ACDI a modifié son approche en Chine. Comme vous le savez, à cause de sa relative prospérité, la Chine ne figure plus parmi les 25 pays de base et les programmes de l'ACDI portent sur les droits de la personne, la bonne gouvernance, le développement démocratique et l'environnement.
    Voyant que maintenant l'ACDI utilise explicitement l'expression « droits de la personne » -- au début des années 90, à cause de la nature délicate de cette expression en Chine, l'ACDI avait l'habitude de parler de ses programmes sur les droits de la personne comme les « programmes sur la gestion publique », et maintenant, nous pouvons effectivement dire droits de la personne --, il serait possible à l'ACDI d'utiliser ses ressources substantielles pour donner suite à certaines des initiatives de collaboration technique possibles que le Canada pourrait vouloir entreprendre avec la Chine en matière des droits de la personne.
    Mais à l'heure actuelle, un des aspects de cette activité que je signale dans le rapport, c'est que les ressources consacrées à cette fin sont limitées. La division des droits de la personne des Affaires étrangères n'a pas suffisamment de ressources pour concevoir véritablement des projets d'envergure et pour fouiller les questions qui devraient être explorées dans le cadre du dialogue. L'ACDI n'a pas ces ressources et pourrait être en mesure de jouer un rôle utile, mais l'ACDI oeuvre également dans de nombreux autres domaines.
    Je pense qu'un autre aspect de cette activité, comme c'est le cas de son activité de gouvernement à gouvernement, c'est que, de toute évidence, le Canada ne veut pas s'engager dans une collaboration avec les autorités chinoises, étant donné que cela est vu comme un accroissement de la capacité d'État d'un régime qui se comporte d'une façon qui ne respecte pas les normes internationales. Il y a une nuance très fine entre coopération au développement et se ranger du côté des citoyens chinois qui estiment souffrir d'injustice sociale.
    De ce point de vue, il est important que les programmes de l'ACDI soient examinés. Les intentions du gouvernement en matière de droits de la personne en Chine doivent être comparées aux programmes pour voir si les programmes de l'ACDI défendent effectivement les valeurs canadiennes et servent effectivement les intérêts canadiens, et j'ose dire que cela arrivera.
    En général, tous les Canadiens et Canadiennes veulent se ranger du côté des citoyens chinois qui estiment souffrir d'injustice sociale. La question qui se pose vraiment, c'est quel est le mécanisme approprié et s'il y a des mécanismes par lesquels le Canada peut interpeller la Chine sur la question des droits de la personne sans avoir à passer par le régime chinois, qui est un régime qui, à notre avis, présente des lacunes pour ce qui est de sa conformité avec l'engagement des Nations Unies en matière de droits de la personne.
    Serait-il possible d'organiser les activités dans ce nouveau contexte en Chine, où il y aurait de nouvelles possibilités qui n'existaient pas lorsque nous avons commencé ces activités il y a 15 ans, pour entreprendre de nouveaux types de projets qui, authentiquement, serviraient mieux les intérêts des gens en Chine que nous voulons aider?
(1140)
    Je vais autoriser M. Panossian à faire une brève observation.
    C'est très bref, juste pour dire que je suis tout à fait d'accord au sujet de l'ACDI, concernant l'aide ciblée. Mais dans le contexte chinois, il y a également un écart énorme qui apparaît entre le droit réel et ce qui se passe en clandestinité. Je pense que nous pourrions tirer beaucoup d'avantages en ciblant le système et que nous pourrions essayer de faire quelque chose à propos de cet écart. Les droits de la personne font partie de la constitution chinoise; ce n'est pas quelque chose de clandestin.
    Je m'arrête ici.

[Français]

    Merci.
     Madame St-Hilaire.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, messieurs.
    Au sous-comité, on a convenu d'étudier ce qui se passait en Chine. Je pense que nous sommes à l'endroit idéal pour se dire les choses comme elles sont. Monsieur Burton, vous avez parlé de votre premier rapport, qui semble avoir été aseptisé, pour ne pas utiliser un terme moins gentil. D'après ce que j'ai compris, 1 200 mots en auraient été retirés, essentiellement des recommandations.
    Je sais que votre employeur est propriétaire de votre premier rapport et je ne voudrais pas vous mettre dans l'embarras. Je me demandais néanmoins si vous pourriez partager avec le sous-comité, dans des termes différents, le contenu de vos recommandations. Ça pourrait nous guider un peu. Vous possédez une expertise, et il serait dommage que le sous-comité ne puisse pas en bénéficier. Je vais immédiatement passer à ma deuxième question, de façon à être sûre que le président ne me coupe pas la parole.
    Monsieur Neve, vous avez aussi beaucoup parlé de l'ACDI. Corrigez-moi si je fais erreur, mais j'ai cru comprendre que la Chine était un des principaux bénéficiaires de l'aide de l'ACDI, pas nécessairement en termes financiers, mais en termes de programmes. Je ne sais pas si vous êtes au courant de cette situation.
    Comment croyez-vous, concrètement, que l'ACDI puisse aider la Chine? Vous avez tous trois dit clairement que le dialogue n'était pas concluant. Le Canada semble encore y croire alors que de votre côté, vous dites que ça ne donne pas de résultats et qu'il faudrait faire autre chose. Cela étant dit, quel genre d'autre chose faudrait-il tenter? Qu'est-ce que l'ACDI peut faire?
    Enfin, j'aimerais savoir si d'autres pays font des choses concrètes, outre maintenir un dialogue.
    Merci beaucoup.
(1145)

[Traduction]

     Ce qui a été supprimé de mon rapport, ce n'était pas, en fait, des recommandations concernant la politique. Ce genre de choses n'aurait jamais pu être autorisé à faire partie du rapport, parce que mon rapport touchait à des domaines qui sont classés secrets. Je lis beaucoup de matériel, et une grande partie de ce matériel est confidentiel. Mon point de vue personnel, c'est que je ne comprends pas pourquoi ce matériel n'est pas rendu public, mais la tendance du gouvernement, c'est de classer les choses confidentielles, alors le matériel qui semble indiquer des choses qui constituent des secrets du Canada ne serait pas inclus dans le rapport public.
    De plus, une bonne partie de la discussion détaillée du processus concernant les listes de prisonniers que nous présentons à la Chine a été supprimé. Il y a eu des demandes pour supprimer d'autres aspects, parce que le ministère estimait que cela pourrait mettre en danger des personnes en Chine si, d'une façon quelconque, on parvenait à déterminer qui m'a dit quoi. Considérant que ces réunions ont eu lieu avec des gens du gouvernement et que le ministère des Affaires étrangères en avait pleinement connaissance, je n'ai pas vu cela de cette manière. Je pense qu'en grande partie, on s'inquiétait de la façon dont j'ai exprimé les choses ou de la possibilité que les renseignements que j'ai consignés dans ce rapport puissent gêner nos relations bilatérales en matière de droits de la personne. Je pense que c'est là la raison principale: on s'inquiétait de la réaction du gouvernement chinois à ce rapport.
    Je spécule en grande partie sur les raisons. On m'a simplement remis des copies du rapport annotées au crayon rouge et ainsi de suite. Je dirais qu'ils ont fait un bon travail d'édition également, et qu'ils ont amélioré certaines passages; il y avait quelques interventions pour modifier l'accent.
    Je ne voudrais pas que l'on s'attarde trop longtemps sur ce point. J'estime vraiment que le rapport est ce qu'il est. Je n'ai jamais entendu quelqu'un en Chine ou au Canada dire qu'il n'est pas d'accord pour ce qui est d'un renseignement quelconque contenu dans le rapport ou qu'une information quelconque est partiale ou inexacte, et je pense qu'à la lecture du texte, vous avez, fondamentalement, une idée assez juste de ce qui se passe.
    Je pense que l'aspect le plus intéressant, c'est qu'est-ce que le Canada peut faire pour être plus efficace dans ce domaine et cette question, vous la poseriez à M. Neve. Je serais heureux d'en discuter à fond, mais je ne pense pas que vous vouliez m'accorder toute la journée.
    En ce qui concerne la question sur l'ACDI, oui, absolument, pendant plusieurs années, il y a eu un appui considérable de l'ACDI pour les programmes axés sur les droits de la personne, la primauté du droit et la bonne gouvernance en Chine.
    Premièrement, je pense que l'appui dans le cadre de ces programmes pourrait presque certainement profiter du même genre d'évaluation et d'examen que celui qui a été réalisé grâce aux bons soins de M. Burton dans le cas du processus de dialogue, que ce soit lui ou un autre qui le fasse. Mais un examen de ce genre serait nécessaire et très utile ici.
    Pour revenir au second élément, à savoir à quel point il est déterminant que nous commencions à intégrer l'élément de l'ACDI dans la question plus vaste de ce que devrait être la stratégie globale du Canada, je ne pense pas que nous puissions créer, concevoir et appliquer une stratégie en matière de droits de la personne à l'ACDI sans être certains qu'elle est entièrement reliée à tous les autres aspects de la politique du Canada envers la Chine, pour lui donner un titre bref.
    Il serait très bien de voir le présent comité commencer à faire des pressions pour qu'il se fasse une étude générale sur la façon dont tous les éléments s'agencent entre eux et pour déterminer dans quelle mesure le financement de l'ACDI vient compléter ce que le dialogue tente de réaliser, comment cela est intégré dans l'élaboration des politiques commerciales du Canada et comment cela éclaire et renforce ce que nous pouvons vouloir essayer de faire devant le Conseil des droits de l'homme qui aura de nouvelles possibilités d'action multilatérale. Je pense que l'élément déterminant à partir d'ici, c'est que tout cela se fonde ensemble pour former un tout.
(1150)
    Si vous voulez, monsieur...
    S'il y a du temps, j'aimerais ajouter quelque chose.
    Laissez-moi voir si Mme Saint-Hilaire a une autre question.
    Très bien, alors, allez-y.
    Je veux faire valoir trois points rapidement. Le dialogue ne fonctionne pas; nous le savons. Mais ce que nous disons, c'est qu'on pourrait l'améliorer. Cela pourrait fonctionner et, par conséquent, nous formulons des recommandations visant à faire en sorte que nous puissions essayer d'en tirer certains résultats et que nous suspendions le dialogue jusqu'à ce moment-là.
    La deuxième chose, c'est que le dialogue ne devrait pas être le seul mécanisme qui fait participer la Chine. Nous pourrions certainement voir le dialogue comme une solution de rechange au fait de saisir le Conseil des droits de l'homme des problèmes en matière de droits de la personne.
    Le troisième point concernant l'ACDI, dont vous avez parlé et qui fait l'objet de la discussion, c'est que nous encourageons fortement la participation directe avec les organismes de la société civile chinoise pour essayer d'amener la société civile chinoise et le secteur public à intégrer les principes démocratiques et à travailler dans ce sens également.
    Voilà les trois points.
    Merci.
    Merci à tous.
    Notre temps est écoulé.
    Nous cédons la parole à M. Sorenson pour sept minutes.
    Merci d'être ici.
    Je peux dire, au nom du comité des affaires étrangères, que je préside, que lorsque nous avons créé le présent comité, à voir le grand nombre de gens qui ont demandé à comparaître, nous avons reconnu que ce comité serait très important.
    Encore une fois, je veux souligner les propos de M. Silva: nous travaillons ensemble de manière non partisane, par consensus, et je pense que tous les partis reconnaissent l'importance de l'étude portant sur la Chine.
    Une bonne partie du rapport de Droits et démocratie traite de quantification, ou cherche à quantifier exactement ce qui se passe. Je reconnais que, dans votre rapport, on peut lire: « En dépit de l'utilité des indicateurs et des critères », au sujet des droits de la personne, « le recours à cette approche dans le cadre d'un processus tel que le dialogue bilatéral sur les droits de la personne présente d'énormes inconvénients. En effet, certains résultats en matière de réalisation des droits humains ne sont pas quantifiables ».
    Toutes les questions posées jusqu'ici ont, en quelque sorte, porté sur la façon de quantifier ces choses et de les reconnaître. Mais ma question est la suivante: y a-t-il d'autres pays, y a-t-il d'autres modèles internationaux qui, à partir d'une position de principe, parviennent à faire mieux que nous? Y a-t-il certains pays qui traitent avec la Chine et, peut-être, avec des points de politiques qui ont une approche différente, comparativement à ce que le Canada a comme politique et comment nous traitons de cette question?
    Je viens juste d'apprendre certaines choses dans la dernière réponse concernant l'ACDI. L'ACDI investit de l'argent dans des domaines où les questions liées aux droits de la personne peuvent être abordées, mais elle investit également dans d'autres régions de la Chine où il y a des besoins réels. Il y a de la pauvreté réelle et des choses du genre. Est-ce que vous supprimez les programmes dans ces régions à cause des violations des droits de la personne? Est-ce que vous tournez le dos aux gens qui utilisent abondamment ces programmes?
    Peut-être que je peux parler de la première partie concernant les choses quantifiables et les autres modèles internationaux. Je peux ensuite céder la parole à Charles.
    La question des critères et de ce qui est quantifiable vient hanter toute forme de programmation qui traite de démocratisation et de droits de la personne. Comment mesurer ces choses?
    Cependant, il y a une façon d'essayer de concentrer la discussion de manière à poser des questions précises sur des sujets précis et à demander des améliorations dans ces secteurs. Prenons l'exemple des droits des enfants. Si le sujet du dialogue est le droit des enfants ou le racisme ou quelque chose du genre, alors, vous pouvez demander quels programmes précis la Chine est prête à mettre en oeuvre au cours des trois prochaines années pour atténuer ou améliorer la situation. Dans ces programmes, quels sont les choses sur lesquelles nous pouvons travailler ensemble pour améliorer la situation?
    C'est une chose que de s'asseoir dans une pièce pendant que le dialogue semble prendre place et de discuter de façon générale des droits des enfants, de la stérilisation forcée, des droits de la femme, du racisme ou de quoi que ce soit d'autre. C'en est une autre que de dire qu'ils vont élaborer un plan d'action -- cette décision ne nous appartient pas; vous élaborez un plan d'action et nous aurons des critères. Nous allons réfléchir à ce que devrait être la situation en 2008, en 2009 ou en 2010, comparativement à ce qu'elle est à l'heure actuelle. Je pense qu'il y a des façons de mesurer le progrès réalisé par tout pays par étapes de cette nature.
    Concernant l'aspect international, je pense que M. Burton est mieux placé que moi pour répondre à la question.
(1155)
    Concernant votre question sur les programmes de l'ACDI, les programmes qu'elle a en Chine portent largement, comme je l'ai dit, sur les droits de la personne, le développement démocratique, la bonne gouvernance -- c'est un élément -- et sur l'environnement.
    Nous avons certains petits programmes comme le Fonds canadien, qui est un petit programme conçu pour des projets précis surtout dans les régions frontalières de la Chine. Cela représente une très faible proportion de notre programme de développement global en Chine. Évidemment, vous pourriez avoir cette information plus clairement d'un des représentants de l'ACDI. Je n'en sais pas plus que ce que je sais.
    Pour ce qui est de savoir si d'autres pays font mieux en Chine, en tant que Canadien qui a parlé aux gens là-bas, je suis très déçu de voir qu'il semble que les programmes canadiens en Chine soient dépassés. Nous n'avons pas été aussi innovateurs et aussi vigoureux pour défendre nos intérêts en Chine que d'autres pays comme, plus précisément, l'Australie, les États-Unis et les pays scandinaves.
    Je vois que cela ne s'applique pas uniquement aux programmes portant sur les droits de la personne. Je pense que cela se reflète dans tous les aspects de nos programmes -- l'immigration, le commerce, les relations politiques, le développement. Il semble tout simplement que nous ne répondions pas aux changements spectaculaires qui ont eu lieu en Chine au cours des dernières années.
    Je serais très heureux d'en parler, mais je pense qu'il s'agit du mauvais comité pour le faire. J'ai des points de vue très tranchés sur tous les aspects de nos programmes et je ne pense pas que le Canada ait besoin d'innover; je pense que nous devons regarder ce que d'autres pays font, apprendre de leur expérience et peut-être faire quelque chose qui est adapté aux intérêts du Canada en Chine -- faire une utilisation plus efficace de nos ressources nationales pour être plus présent là-bas et faire un meilleur travail pour ce qui est de faire participer la Chine.
    Dans le dialogue sur les droits de la personne, tous les pays ont les mêmes problèmes, mais certains pays ont fait preuve d'un peu d'innovation.
    Le Danemark, je crois, se concentre en grande partie sur les questions tibétaines, alors, il a centré son dialogue sur cette question, sur laquelle il revient année après année.
    L'Australie accorde beaucoup plus de ressources à la question. Cela se déroule à un niveau plus élevé, celui de ministre adjoint. Ce pays lie la question beaucoup plus étroitement à l'aide technique et fait un suivi. Comme je l'indique dans mon rapport, je trouve que le dialogue a lieu un jour et disparaît ensuite pour le reste de l'année; d'autres pays ont des activités plus soutenues à cet égard et d'autres pays ont fait preuve de plus d'esprit d'innovation dans leurs programmes de développement, pour ce qui est de faire participer la société civile en Chine et d'être du côté des agents du changement qui font la promotion de la citoyenneté et des valeurs démocratiques dans ce pays.
    Le Canada a lui aussi un programme axé sur la société civile, un programme de l'ACDI qui est axé spécifiquement sur le secteur des ONG en Chine, mais je pense que si nous faisions une étude comparative entre le programme canadien en Chine et celui de pays comparables, nous constaterions qu'il y a de nombreux domaines où le Canada pourrait, en fait, envisager de renouveler et d'innover et d'être davantage au diapason avec les nouvelles possibilités qu'il y a en Chine, pour mieux défendre nos intérêts dans ce pays.
    Je suis désolé. C'était une réponse longue à une question courte.
    Je pense que le temps de Kevin vient de se terminer là-dessus. Désolé.
    J'aimerais donner la parole à M. Marston.
    Merci, monsieur le président.
    Je dois dire que je suis nouveau au comité et nouveau au Parlement également, mais une chose qui me frappe, c'est que l'engagement du Canada à l'égard des droits de la personne en Chine a cédé le pas aux impératifs commerciaux. Cela m'inquiète.
    J'ai écouté les observations formulées plus tôt concernant les groupes de la société civile et sur la façon de contourner le régime. Plus récemment, vous avez parlé de la façon dont d'autres pays ont tendance à encourager cela. Est-ce que nous pouvons mettre des gens à risque si nous faisons cela?
    Deuxièmement, j'ai affirmé au sein de mon caucus il y a déjà un certain temps que les Jeux olympiques nous offraient une occasion unique d'influencer le régime que nous ne reverrions pas avant quelques générations. Peut-être que vous pourriez avoir certaines recommandations sur la façon dont nous pourrions profiter de cette occasion. Une des choses que nous pourrions faire, je crois, c'est de faire comparaître les commanditaires et le CIO devant le comité, car cela serait peut-être un endroit pour semer des graines et cela pourrait être utile.
(1200)
    À mon avis, il n'y a absolument aucun lien entre le commerce et les programmes sur les droits de la personne.
    Les Chinois vont toujours vouloir acheter les meilleurs produits au meilleur prix, d'où qu'ils viennent, donc je ne pense vraiment pas que cela va faire une différence. Les Chinois nous disent, lorsque nous faisons des choses, qu'ils préféreraient que nous ne les fassions pas; par exemple, lorsque nos hauts dirigeants ont rencontré le Dalaï-Lama, l'ambassade chinoise nous a promis de graves conséquences, mais depuis le départ du Dalaï-Lama vers un autre pays, nous n'avons pas encore subi de telles conséquences.
    Je ne pense pas qu'il y ait de lien. Les Chinois sont pragmatiques, et je ne crois pas qu'ils se risqueraient à nuire à leurs intérêts économiques en n'engageant pas pleinement le Canada en matière de commerce et d'investissement.
    Pour ce qui est de la perspective de mettre des personnes en danger, je serais enclin à penser le contraire. Par exemple, dans l'affaire des Dzhelil, si c'était moi qui décidait (c'est probablement aussi bien que ce ne soit pas moi), j'enverrais les diplomates canadiens rendre visite à la famille de M. Dzhelil pour envoyer un signal fort au gouvernement chinois que nous sommes inquiets, que nous remarquons ces personnes, que nous les appuyons. Je ne vois aucune raison pour qu'un diplomate canadien ne puisse pas frapper à la porte de qui que ce soit en Chine pour prendre le thé, pendant que les agents chinois restent à l'extérieur à se demander ce qui se passe. J'ai l'impression que plus nous collaborerons avec ces personnes, moins elles seront en danger, donc je serais porté à faire ce qu'il faut.
    Au sujet du commerce et des droits de la personne, je pense qu'on a toujours exagéré la présomption que le commerce allait s'épuiser ou souffrir si nous parlions des droits de la personne. On exagère cette crainte dans beaucoup de relations et on l'exagère aussi dans la relation entre le Canada et la Chine. La présomption inverse que si l'on se concentre simplement sur le bon fonctionnement du commerce, les problèmes des droits de la personne vont se régler d'eux-mêmes est elle aussi sans fondement. Les droits de la personne nécessite une attention concertée, dans tous les événements et les tribunes possibles, ce qui comprend les échanges en matière de commerce et d'investissement.
    Pour ce qui est du risque de mettre des personnes en danger, je suis tout à fait d'accord avec M. Burton. Je pense que ce peut être extrêmement utile. Évidemment, il faut intervenir de façon responsable et prudente et non n'importe comment, mais ce peut être vraiment utile. Nous en voyons des exemples partout dans le monde lorsque des gouvernements étrangers s'intéressent activement aux groupes locaux ostracisés qui défendent les droits de la personne, qu'ils leur donnent des ressources pour les aider dans leur travail ou qu'ils les appuient moralement et en toute solidarité en assistant à des procès ou en essayant de rendre visite aux familles. Cela ne signifie pas qu'il sera toujours facile de le faire en Chine, et on nous refusera parfois l'accès aux personnes ou aux lieux, mais il serait très bon de voir ces efforts commencer à être plus autoritaires et constants.
    Enfin, au sujet des Olympiques, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je vais vous donner un article en anglais et en français qu'Amnistie internationale a publié il y a quelques semaines. L'organisme fait des recommandations en vue des Olympiques. Il s'adresse à divers acteurs clés, dont le Comité International Olympique. Nous pensons qu'ils commencent à cafouiller. Le gouvernement chinois et les autres ont dit beaucoup de choses, surtout lorsque le CIO a désigné la Chine pays hôte des prochains Jeux olympiques, sur l'effet que les Olympiques auraient pour les droits de la personne, mais nous n'avons encore aucune preuve qu'ils ont de bonnes incidences sur les droits de la personne.
    De bien des façons, c'est tout le contraire, étant donné qu'il y a beaucoup de violations des droits de la personne dans les évictions forcées liées directement à la construction en vue des Olympiques, par exemple. Il y a donc des violations inquiétantes des droits de la personne qui émergent, et il serait temps que la communauté internationale, par le CIO, commence à s'en occuper plutôt que d'attendre une semaine avant l'arrivée de tout le monde à Beijing, en 2008.
    Il vous reste du temps, monsieur Marston.
    C'est très bien. Merci.
    Merci.
    Nous allons donc revenir à M. Menzies.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de cet après-midi.
    Je pense que nous sommes tous d'accord qu'il y a d'horribles atrocités commises. Nous reconnaissons aussi que notre ministre des Affaires étrangères a récemment fait une déclaration en ce sens, et je pense qu'elle va aider à faire avancer ce dialogue.
    J'aimerais clarifier certaines choses au sujet de l'ACDI. On a laissé entendre que la Chine était l'un des plus grands bénéficiaires de l'aide de l'ACDI; c'est faux. Je pense que M. Burton, ou peut-être M. Neve, a mentionné que ce n'était en aucun cas l'un de nos pays de concentration.
    M. Sorenson s'est probablement déjà avancé sur ce terrain, et les chiffres ne sont peut-être pas exacts en ce moment, mais il y a énormément de pauvres qui vivent avec moins d'un dollar par jour. Je crois que c'est le cas des deux tiers des pauvres du monde. Nous ne pouvons pas les abandonner; l'ACDI doit le reconnaître. Je vous demande comment nous pouvons faire pour nous assurer de ne pas nous laisser distraire par la mauvaise méthode, si l'on veut, par le mauvais objectif?
    Nous y travaillons depuis de nombreuses années, et honnêtement, la ministre prend la chose très au sérieux, parce que certains d'entre nous, lorsque nous étions députés de l'opposition, avons critiqué officiellement ce fait...
(1205)
    Même depuis que nous sommes au pouvoir.
    Même depuis que nous sommes au pouvoir. Nous voyons donc les deux côtés, étant donné que nous avons été dans l'opposition et que nous sommes maintenant au pouvoir.
    Comment pouvons-nous faire, compte tenu qu'il y a des personnes qui ne sont pas traitées équitablement? Allons-nous dire à l'ACDI de s'en aller et de les abandonner totalement? Comment allons-nous, en tant que gouvernement, trouver le juste équilibre dans le dilemme qui se pose à nous?
    Comme je l'ai dit, la ministre prend la chose très au sérieux, parce que l'ACDI est là pour aider les gens. Si nous disons que nous allons réduire l'aide parce que le gouvernement ne travaille pas avec nous... Comment trouver l'équilibre dans le dilemme qui se pose à nous?
    Sur le plan de l'aide, je pense que l'ACDI parle de coopération au développement et qu'elle ne considère pas que nous donnons de l'argent au régime chinois.
    Je ne devrais pas utiliser le mot « aide », vous avez raison.
    Bien sûr, comme vous le savez, l'économie chinoise connaît une croissance fulgurante. Elle investit intensément au Canada. Elle a lancé un homme dans l'espace. Les villes côtières de Chine sont des villes très modernes.
    Le problème de la pauvreté en Chine persiste parce que le gouvernement chinois, qui n'est pas un gouvernement démocratique, ne répartit pas les ressources nationales de façon juste. Pour les Canadiens, il n'est clairement pas acceptable qu'il y ait de tels extrêmes entre les riches et les pauvres. Ce n'est pas notre philosophie.
    Donc pour ce qui est de l'aide canadienne, compte tenu de l'étendue de la Chine, il n'est pas possible pour nous d'investir là pour aider le peuple chinois à se sortir de la pauvreté. Nous sommes peut-être en mesure de proposer des mesures pour améliorer la productivité agricole ou offrir une aide technique au pays, mais nous ne pourrons pas résoudre le problème.
    Je pense que la solution est véritablement d'inciter le gouvernement chinois à adopter des principes de justice et à redistribuer la richesse chinoise pour venir en aide aux personnes qui vivent dans une grande pauvreté.
    Je dirais, à la défense du gouvernement chinois, qu'il s'est beaucoup amélioré à cet égard. Le nombre de personnes qui vivent dans une pauvreté absolue a diminué énormément depuis les années 70, où je vivais en Chine, où tout était rationné et où la pauvreté était terrible, même relativement près des villes.
    Nous devons préciser que c'est notre préoccupation centrale. Tout ce que l'ACDI fait aide à favoriser un système judiciaire qui aiderait et encouragerait la société civile. C'est un aspect fondamental de la solution, je pense que vous le reconnaissez tous, de même que la bonne gouvernance. C'est le défi que nous avons à relever.
    Si je peux ajouter une dernière chose en réponse à votre question, la chose la plus importante qui pourrait arriver en Chine serait que la Chine adopte la liberté d'information et de presse pour que ces problèmes soient portés à l'attention de toute la société. Ensuite, la liberté d'association permettrait aux ONG de se développer librement. Actuellement, elles sont en grande partie illégales en Chine en raison de la réglementation du gouvernement chinois sur l'enregistrement des associations. Si la Chine autorisait la liberté d'association et d'expression, les autres droits suivraient. C'est mon avis.
(1210)
    Merci.
    Le temps est écoulé pour ce tour.
    Monsieur Lee, vous êtes le suivant sur ma liste.
    Monsieur Burton s'est approché du sujet que je voulais soulever et sur lequel je voulais poser une question. Dans les pays occidentaux, la discussion sur les droits de la personne se fonde souvent sur un certain mythe qu'on peut exporter les droits de la personne dans un autre pays, tout comme le droit de vote. Il suffit de les exporter et tout ira bien, mais les choses ne fonctionnent pas de cette façon. Il ne s'agit pas d'exporter la démocratie de Londres, de Paris ou de Washington. C'est très difficile à faire, et les sociétés doivent faire leurs propres classes.
    Le respect des droits de la personne repose sur deux principes fondamentaux: le développement économique (M. Burton en a parlé, et la Chine se débrouille plutôt bien à ce chapitre) et la primauté du droit, l'infrastructure juridique réclamée ici. Pour reprendre l'exemple de M. Neve, une jeune femme s'est fait tirer dessus à la frontière. Quelle est l'infrastructure judiciaire en Chine? Est-elle suffisamment développée pour assurer le respect des droits de la personne? Ce coup de fusil était-il un homicide? Était-ce un meurtre? Était-ce un homicide involontaire coupable? Selon la loi chinoise, comment qualifie-t-on cette mort? Là est toute la question des lois qui s'appliquent à la vie humaine.
    Ensuite, quelle est l'infrastructure juridique ou judiciaire qui existe pour faire respecter la loi sur la vie humaine? À mes yeux, c'est un meurtre, mais il y a 1,3 milliards de personnes environ, donc il y a 1,3 milliards de vies humaines dans ce pays, qui peuvent se multiplier exponentiellement.
    Quelle est l'infrastructure? Notre relation actuelle, de même que tout l'effort de dialogue, contribuent-il à aider la Chine à se doter d'une infrastructure juridique et de procédures de droit solides pour protéger les droits de la personne davantage selon les normes mondiales?
    Je suppose que je devrais adresser ma question à M. Burton.
    Je peux peut-être vous répondre brièvement, puis céder la parole aux experts aux droits de la personne qui sont ici.
    Pour commencer, concernant la première partie de votre question, lorsque je me suis lancé dans ce travail, il me faisait penser à la chanson: «  To know know know her/Is to love love love her. » Si nous avions un dialogue et expliquions aux Chinois nos institutions politiques et nos valeurs, dès qu'ils les auraient comprises, ils en voudrait eux aussi, parce que nous avons créé un pays merveilleux sur la base des valeurs des droits universels de la personne. Il se trouve que ce n'est pas vraiment le cas. J'attends depuis longtemps. J'ai 50 ans et je me demande combien d'années je devrai attendre encore avant de voir les Chinois décider de se convertir à une démocratie libérale.
    Concernant les personnes qui sortent du pays, j'aimerais préciser que nous sommes inquiets de la migration illégale de Chinois vers le Canada. Notre gouvernement s'efforce en partie d'inciter la police frontalière chinoise à faire respecter les lois chinoises sur la sortie illégale du pays. Il semble y avoir une tension entre notre volonté de dire aux Chinois qu'ils ne devraient pas permettre aux gens de Fujian de quitter le pays et d'embarquer sur des bateaux à destination du Canada (c'est là l'objet, en partie, de notre interaction avec les autorités chinoises) et le droit de la personne de voyager librement, si elle le souhaite.
    Concernant le fait qu'on tire sur ces personnes, en tant que Canadien, j'ai tout simplement été consterné de ce que j'ai vu. Il n'y a absolument aucune justification au fait que les policiers à la frontière utilisent des armes et tirent sur les personnes qui essaient simplement de quitter le pays pour se rendre au Népal afin d'y recevoir l'éducation religieuse à laquelle ils n'ont pas accès en Chine.
    Pour commencer, je ne saurais être plus d'accord avec votre observation que le changement en faveur des droits de la personne le plus efficace est celui qui vient du pays lui-même. C'est vrai partout dans le monde, et c'est certainement vrai en Chine. C'est l'une des raisons qui explique l'un des enjeux que j'ai brièvement souligné dans ma déclaration préliminaire.
    Depuis quelques années, en Chine, il y a de nouveaux défenseurs des droits de la personne qui nous donnent beaucoup d'espoir mais qui sont terriblement persécutés. Ils essaient de faire plein de bonnes choses devant les tribunaux, dans les événements publics, dans des manifestations et de diverses façons. Il y a toutefois des avocats qui se font emprisonner pour avoir essayé de défendre les droits de la personne devant les tribunaux, par exemple. C'est l'une des raisons pour lesquelles le Canada devrait mettre particulièrement l'accent là-dessus dans ses efforts pour défendre les droits de la personne en la Chine. Nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour aider les personnes qui essaient de faire avancer cette cause en Chine et dire très explicitement au gouvernement chinois que la persécution de ces personnes est absolument inacceptable.
    Je suis aussi tout à fait d'accord avec vous qu'évidemment, nous voulons favoriser de véritables réformes de l'architecture des institutions et des droits pour protéger les droits de la personne et faire en sorte que les droits de la personne ne soient pas des mots vides, qu'ils soient vraiment protégés. Nous devons veiller à ce qu'il y ait des mécanismes en ce sens et à ce que ces mécanismes fassent en sorte que les personnes qui bafouent les droits de la personne soient tenues responsables de leurs actes et en subissent les conséquences.
    Encore une fois, devant la tragédie des tueries à la frontière entre le Tibet et le Népal, nous voyons bien que ce n'est pas le cas. Le gouvernement chinois a simplement répété qu'il s'agissait d'auto-défense, un point c'est tout, et rien d'autre ne semble arriver.
    Amnistie internationale, les organisations tibétaines et beaucoup de gouvernements exercent des pressions sur le gouvernement chinois pour qu'il commande une enquête indépendante sur les événements. En continuant nos pressions entourant cette tragédie et en exigeant une réaction appropriée, conforme aux normes internationales, peut-être pourrons-nous avoir un bon exemple de cas où nous pouvons non seulement prendre des mesures contre les choses terribles qui sont arrivées, mais faire un premier pas vers la naissance d'une nouvelle philosophie, d'une nouvelle culture dans le système de justice chinois. Il faudra beaucoup de pressions concertées de la part des autres gouvernements pour que la Chine prenne des mesures de la sorte, mais nous ne pouvons certainement pas tolérer la réponse que nous avons obtenue jusqu'à maintenant.
(1215)
    Merci.
    M. Abbott ne peut pas voter étant donné qu'il n'a pas prêté serment, mais il a demandé la parole au prochain tour du gouvernement. Je pense que nous pouvons la lui donner.
    Merci, monsieur le président.
    Il y a environ trois semaines, j'ai participé à une réunion organisée à Beijing avec M. He Yafei, un fonctionnaire du gouvernement chinois. Les membres de l'Association législative Canada-Chine, qui étaient en visite en Chine à ce moment-là, participaient eux aussi à la réunion.
    He Yafei y a dit une chose particulièrement effrayante. Il a parlé de notre reconnaissance récente du Dalaï-Lama. Il a également soulevé la question du nombre de députés de notre Parlement et de sénateurs qui voyagent à Taïwan. Il a fait un commentaire très effrayant. Il a dit qu'ils se demandaient pourquoi leurs amis canadiens leur faisaient cela. C'est exactement les mots qu'il a utilisés, et je vous dirais que le reste de la délégation canadienne et moi-même sommes restés un peu cois.
    Compte tenu que les positions que vous avez exprimées ici aujourd'hui semblent susciter énormément d'empathie, à ce que je présume, nous avons à peu près le même point de vue. J'aimerais donc vous demander si d'après vous, d'après votre expérience avec les Chinois, M. He était en train d'exprimer la position chinoise?
    Je dois souligner que les gens de l'ambassade m'ont également fait part du fait que les personnes avec qui ils ont parlé leur ont dit que la relation de la Chine avec le Canada était à son niveau le plus bas. C'est ce que les gens de l'ambassade canadienne m'ont dit, et c'était comme une continuité. Croyez-vous qu'il exprimait la position des Chinois?
    Ensuite et surtout, la société canadienne se préoccupe vivement des droits de la personne. Cela fait partie des traits distinctifs des Canadiens. Comment pouvons-nous, dans la pratique, communiquer avec lui et les autres représentants de ce régime pour réussir à le changer? Il est très bien d'avoir une position, mais en pratique, comment pouvons-nous faire en sorte que les choses changent?
(1220)
    C'est une très bonne question.
    Pour ce qui est des échanges législatifs entre le Parlement du Canada et le Congrès national du peuple, je peux vous dire tout de suite que l'engagement des parlementaires en Chine est, selon moi, une bonne chose. Il faut cependant faire bien attention de ne pas se laisser manipuler par les Chinois qui pourraient essayer d'établir une équivalence morale entre nos institutions parlementaires démocratiques et le Congrès national du peuple qui, d'un point de vue qualitatif, n'est aucunement comparable au Parlement du Canada. Il ne s'agit pas d'une institution démocratique. Le Congrès n'est pas l'organe suprême du pouvoir politique en Chine comme il prétend l'être. Dans nos relations avec eux, nous ne devrions pas leur permettre d'affirmer que nous sommes tous des parlementaires travaillant ensemble, parce qu'ils ne peuvent pas se comparer aux distingués membres de cette Chambre.
    En deuxième lieu, je crois que le respect vaut mieux que l'affection. En diplomatie internationale, on ne devrait pas avoir d'amis, mais bien des intérêts à défendre. J'estime préférable à long terme d'être francs, transparents et honnêtes dans nos relations avec la Chine, plutôt que d'agir en craignant d'offenser les dirigeants du Parti communiste chinois. Je ne veux pas dire par là que nous devrions nous montrer insultants ou y aller de critiques personnelles, mais je crois qu'il est important d'être francs et honnêtes avec eux. Nous gagnerons ainsi davantage leur respect et les intérêts du Canada seront mieux servis à long terme.
    Bien évidemment, tous les Chinois que j'ai personnellement rencontrés sont d'accord avec ce que j'ai écrit dans mon rapport. Ils comprennent bien ces réalités.
    Si vous voulez mon avis, je crois qu'il faut rencontrer M. He et discuter avec lui. Mais nous devons nous assurer de bien exprimer notre point de vue lors de cette rencontre. Il ne faut pas se demander si ce qu'on va lui dire va plaire ou non au gouvernement chinois. Et pour leur part, laissons-les s'exprimer avec honnêteté sur des questions comme les raisons pour lesquelles leur gouvernement croit qu'on est justifié d'abattre les Tibétains qui traversent la frontière; ainsi nous travaillerons d'égal à égal en sachant bien comment s'enracine le point de vue de chacun. C'est la façon la plus saine pour nous d'entretenir des relations avec la Chine.
    Merci.
    Madame St-Hilaire.

[Français]

    Merci, monsieur Burton.
    C'est très intéressant et rafraîchissant de vous entendre. En effet, chaque fois qu'on parle de la Chine, on a l'impression de marcher sur des oeufs et on craint les réactions que ça peut susciter. J'ose espérer, dans toute ma naïveté, que le gouvernement saura s'inspirer de vos propos.
    M. Menzies a laissé planer un doute. Or, j'ai vérifié dans les rapports qu'on a reçus des attachés de recherche et j'ai découvert que même M. Stockwell Day avait dit, le 15 novembre dernier, que la Chine avait reçu près d'un milliard de dollars au cours des 10 dernières années. Le Canada n'a pas donné comme tel un milliard de dollars à la Chine, je le comprends bien, mais il reste que la mise en oeuvre de ces programmes ne s'est certainement pas faite sans frais.
    Compte tenu de vos propos, je pense que le comité n'aura pas le choix que d'inviter l'ACDI incessamment. Je n'ai aucune objection à ce qu'on mette en oeuvre des programmes en Chine, au contraire. C'est très important, et vous l'avez démontré encore une fois. Par contre, c'est une autre histoire quand j'entends dire qu'on a mis fin à des programmes en Éthiopie parce que les droits de la personne n'y étaient pas respectés alors que face à la Chine, on n'ose presque rien. On nous dit que c'est avant tout pour des questions d'intérêt économique. Monsieur Burton, je pense que vous avez éclairé le sous-comité cet après-midi.
    Monsieur Neve, vous avez fait parvenir une lettre à M. Harper le 6 octobre dernier. Je voulais savoir si vous aviez reçu une réponse de la part du premier ministre ou du ministre des Affaires étrangères.
    D'autre part, on a beaucoup parlé des prochains Jeux Olympiques. Advenant que les droits de la personne ne s'améliorent pas, mais qu'au contraire, ils se détériorent, pensez-vous que le Canada devrait aller jusqu'à menacer de ne pas y envoyer d'athlètes?
    Merci.

[Traduction]

    Pour répondre à votre première question, nous n'avons pas encore reçu de réponse du premier ministre ou du ministre des Affaires étrangères. Notre lettre remonte à trois ou quatre semaines, ce qui fait que le retard à répondre n'est pas si marqué.
(1225)

[Français]

    C'était plus rapide quand tu étais dans l'opposition.

[Traduction]

    Il est bien certain que nous avons formulé quelques recommandations très concrètes, bien précises et, dans certains cas, assorties d'un échéancier. Par exemple, nous ne croyons pas que l'on devrait aller de l'avant à ce moment-ci avec la prochaine session de dialogue bilatéral. Par ailleurs, nous entendons dire que les plans iraient justement en ce sens. Il est donc bien évident que nous souhaiterions obtenir une réponse dans les plus brefs délais.
    Pour que tout soit bien clair, voulez-vous dire qu'il faut le faire, ou ne pas le faire?
    Désolé, nous estimons qu'il ne faut pas aller de l'avant à ce moment-ci.
    D'accord.
    Pour ce qui est des Olympiques, Amnistie internationale ne préconise pas de boycott par le Canada ni par tout autre pays d'ailleurs, mais nous sommes d'avis que le gouvernement canadien et la communauté internationale dans son ensemble sont en train de manquer une excellente occasion en ne profitant pas de la tenue de ces Jeux olympiques pour faire avancer le dossier des droits de la personne. Comme je l'ai déjà indiqué, le moment est venu d'agir concrètement. Nous avons encore deux ans avant les Jeux, ce qui nous laisse tout le temps voulu pour faire valoir certaines préoccupations très spécifiques. Si nous attendons qu'il ne nous reste que quelques semaines avant les Olympiques pour intervenir, il sera trop tard.
    Je vais vous laisser le document produit par Amnistie internationale concernant les Olympiques. Vous y trouverez différentes recommandations. Il ne fait aucun doute que les préoccupations en matière de droits de la personne sont vastes et variées en Chine. Dans ce document, nous avons mis en lumière certains dossiers que nous estimons reliés d'une manière ou d'une autre aux Jeux olympiques eux-mêmes, et que nous jugeons donc prioritaires.
    Pourrais-je ajouter très brièvement quelque chose au sujet des Olympiques? Je suis absolument d'accord avec Alex Neve, mais nous ne devrions pas voir les Olympiques comme un point final. La situation en Chine après les Jeux pourrait être bien pire que celle qui prévaut actuellement, car ils se servent de cet événement comme d'une vitrine.
    L'évolution de la situation après les Olympiques devrait être prise en compte dans tous les efforts d'élaboration de politiques ou d'établissement de partenariats stratégiques. Je pense que la question deviendra encore plus fondamentale lorsque tous les yeux de la planète ne seront plus tournés vers Beijing.
    Si cela convient aux membres du comité, je vais poser quelques questions, après quoi nous entendrons M. Silva.
    Ma première question s'adresse à tous, mais j'aimerais particulièrement connaître le point de vue de M. Burton à ce sujet.
    En 1997, le gouvernement du Canada a décidé de cesser de coparrainer ou d'appuyer les résolutions de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies sur la situation des droits de la personne en Chine. M. Burton, vous avez indiqué qu'on avait choisi de recourir plutôt au dialogue bilatéral dans un souci d'efficacité. Est-ce que tous nos témoins croient que cette décision a bel et bien été prise afin d'être plus efficace, ou visait-elle plutôt — comme vous venez de le laisser entendre, monsieur Burton — à éviter d'offusquer nos interlocuteurs chinois en les critiquant publiquement à partir de Genève?
    Il m'est difficile de répondre étant donné que je traite de cette question dans la partie confidentielle du rapport en référence à des renseignements que je ne peux pas divulguer ici. Si vous avez la possibilité d'examiner cette section du rapport, vous y verrez bien le genre de discussions que M. Axworthy a eues avec les dirigeants chinois à ce sujet. Quand j'ai parlé d'accroissement de l'efficacité, je reprenais un peu ce qu'avaient écrit MM. Axworthy et Chan dans leur communiqué de 1997.
    Monsieur Neve, avez-vous une idée à ce sujet?
    Nous estimons que cette décision a été prise afin que le délicat sujet des droits de la personne ne soit plus abordé dans le cadre des relations Canada-Chine. Bien que la supposée efficacité de ce mécanisme de dialogue ait pu être étayée par des opinions bien intentionnées et peut-être même bien éclairées, il faut malheureusement admettre que le processus qui a été conçu et mis en oeuvre ne pouvait tout simplement pas permettre le genre de dialogue susceptible d'assurer une efficacité accrue par rapport à ce qui se faisait auparavant.
    Vous avez tous laissé entendre qu'il fallait trouver des moyens d'améliorer le dialogue. Croyez-vous que le Canada devrait dorénavant s'abstenir de coparrainer ou d'appuyer les résolutions critiques votées par la nouvelle Commission des droits de l'homme des Nations Unies à l'égard du dossier de la Chine en matière de droits de la personne?
    Absolument pas. Nous avons toujours cru et nous continuons de croire que la meilleure stratégie consiste à combiner toute une gamme d'approches différentes.
(1230)
    Y compris les résolutions adoptées par...
    Y compris ces mesures multilatérales.
    On peut se demander si les résolutions demeurent le mode d'intervention à privilégier dans le cadre des Nations Unies. Ainsi, la Commission des droits de l'homme offre un tout nouvel éventail d'outils et de possibilités, notamment dans le cadre de l'examen périodique universel qui verra désormais la Commission se pencher sur le dossier de tous les pays en matière de droits de la personne, probablement en suivant un cycle de trois ans. La Commission s'intéressera donc au dossier de la Chine d'une manière plus soutenue que jamais auparavant.
    J'estime que le Canada, de concert avec d'autres gouvernements, et certainement en tout cas avec les autres membres de la Commission des droits de l'homme, mais aussi en dehors de ce cadre, devrait commencer à songer sérieusement à une façon plus constructive d'utiliser ce mécanisme. Nous ne savons pas encore comment les choses vont tourner. C'est peut-être dans dix mois ou encore dans deux ans et demi que la Chine comparaîtra pour la première fois devant la Commission. Le moment sera critique et les gouvernements devraient déjà commencer à élaborer une stratégie pour optimiser les résultats de ce processus.
    Je voudrais faire écho à ces commentaires. Nous ne considérons pas devoir choisir entre le dialogue et d'autres avenues; toutes ces mesures devraient être complémentaires. Si la situation s'envenime au point qu'une résolution de la Commission est nécessaire, alors on n'a pas le choix.
    Nous avons entendu ici de nombreuses questions concernant le financement fourni par l'ACDI. Il semblerait que la plus grande partie du soutien offert pour les droits de la personne ou les ONG va à des organisations qui oeuvrent en Chine. Dans quelle mesure ces organisations peuvent-elles agir indépendamment du contrôle du régime chinois? Peut-on dire qu'il existe vraiment des organisations non gouvernementales en Chine?
    Par ailleurs, étant donné que d'autres pays comme les États-Unis soutiennent des ONG véritablement indépendantes qui défendent les droits de la personne en Chine en travaillant à l'extérieur de ce pays au sein de la diaspora chinoise, croyez-vous que le Canada devrait faire de même en appuyant le développement d'organisations non gouvernementales à l'extérieur de la Chine qui essaient de soutenir des groupes chinois qui ne sont pas nécessairement contrôlés par le régime?
    J'étais à Beijing il y a environ deux mois. Droits et démocratie travaille à l'élaboration d'un programme modeste en Chine. Je peux vous dire qu'une société civile est en train d'émerger dans ce pays. Ce n'est pas encore une société très forte. Elle ne peut pas s'appuyer sur des bases d'indépendance solides. On se heurte à différents problèmes d'ordre juridique, mais on assiste quand même à la formation d'un bon noyau de gens très compétents avec lesquels nous pouvons collaborer directement, pas nécessairement pour dénoncer le gouvernement chinois et parler des droits de la personne du haut d'une tribune, mais pour les aider à se donner les moyens de mieux s'organiser et de mieux faire valoir leurs droits dans certains dossiers.
    Comme Alex le soulignait, nous devons faire montre d'une très grande prudence quant aux intervenants que nous mobilisons, à la manière dont nous nous y prenons, à ce que nous disons et à ce que nous faisons publiquement. Nous ne voudrions surtout pas placer nos partenaires dans une situation périlleuse. Quoi qu'il en soit, la situation a évolué à un point tel en Chine qu'il n'est désormais plus nécessaire de toujours s'adresser aux agences gouvernementales pour mener des activités dans ce pays.
    Pour ce qui est des organisations qui oeuvrent au sein de la diaspora, j'estime qu'il est difficile pour le Canada d'être aussi efficace qu'il le voudrait en Chine, notamment en raison du fait que ses efforts s'appuient sur des diplomates qui, dans la plupart des cas, n'ont pas une maîtrise suffisante du mandarin ou une connaissance assez approfondie de la conjoncture chinoise, une situation attribuable à la formule de rotation adoptée pour le service diplomatique; vous pouvez être trois ans en Chine, puis revenir travailler à Pittsburgh, avant de... Je crois en fait que les Affaires étrangères devraient faire meilleur usage des quelques personnes parlant le mandarin qui sont à leur service. Je connais des gens maîtrisant parfaitement le mandarin qui ont eu une affectation en Chine, mais n'y sont pas retournés avant une quinzaine d'années.
    Par ailleurs, le chinois est la troisième langue la plus parlée au Canada et nous avons ici des gens qui possèdent une très bonne connaissance de la situation chinoise. Il faut donc se demander si nous sommes en mesure d'exploiter au mieux cette ressource naturelle que représentent ces personnes d'origine chinoise qui ont immigré au Canada et dont les connaissances pourraient nous permettre de mieux défendre les intérêts du Canada en Chine. Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, j'ai l'impression que ces gens aimeraient pouvoir apporter une plus grande contribution et appuyer le gouvernement du Canada dans toutes ses initiatives en Chine. J'espère bien que cela pourra se réaliser.
    Merci.
    Monsieur Silva, vous serez le dernier intervenant, après quoi nous devrons passer aux travaux du comité.
    Merci.
    Traditionnellement dans les relations bilatérales avec la Chine en matière de droits de la personne, on s'est limité à la situation en Chine même. Mais voilà que d'autres cas nous ont été signalés. Ainsi, ma circonscription de Davenport compte une communauté angolaise qui connaît une croissance très rapide. Ces gens m'ont raconté que les Chinois s'étaient rendus en Angola avec des travailleurs réduits à l'esclavage pour y construire des autoroutes et des aéroports. Les Chinois n'avaient pas recours à la main-d'oeuvre locale pour ces travaux de reconstruction qu'ils réalisaient en échange de pétrole.
    La croissance de l'économie chinoise fait en sorte que le pays a besoin de plus en plus de ressources. Je pense que la Chine est maintenant le troisième ou le deuxième plus important investisseur en Afrique et joue un rôle de premier plan sur ce continent dans de nombreux dossiers, notamment au Soudan et avec les résolutions au Darfour. La Chine ne favorise pas la protection des droits de la personne et la viabilité économique de ces pays; elle leur nuit plutôt en puisant dans leur pétrole et leurs ressources pour répondre à ses besoins nationaux. On fait valoir à ces pays qu'on va leur construire un aéroport et une autoroute en deux ans, plutôt qu'en cinq, et ce, en faisant appel à des travailleurs qui ne sont pas assujettis aux mêmes normes que les nôtres pour ce qui est des conditions d'emploi. La population locale en souffre également. Lorsqu'il est question des droits de la personne, nous ne pouvons plus nous intéresser uniquement à la situation à l'intérieur du territoire chinois; il faut aussi se pencher sur les répercussions des politiques chinoises sur un grand nombre de pays du tiers monde ainsi qu'en Afrique.
(1235)
    Je suis tout à fait d'accord avec vous. Nous avons longuement discuté ce matin et cet après-midi de notre engagement à l'égard de la Chine pour ce qui est des préoccupations touchant les droits de la personne à l'intérieur de ce pays. Il est tout aussi important que cet engagement vise aussi la politique étrangère de la Chine et les considérations touchant les droits de la personne qui s'y rattachent, car cette situation est problématique dans bien des pays, et pas seulement en Afrique, bien que la situation africaine soit certes une grande source de préoccupation.
    Amnistie internationale a rendu public récemment un rapport sur la mesure dans laquelle les armes chinoises ont alimenté le conflit au Darfour et les conclusions sont aberrantes. Il ne faut donc bien sûr pas se surprendre du fait que la Chine ne figure pas — et je suppose que c'est la façon polie de présenter les choses — parmi les plus ardents défenseurs d'une intervention musclée des Nations Unies pour régler la crise du Darfour. Il s'agit bien évidemment d'une situation inacceptable.
    L'engagement à l'égard de la Chine en matière de droits de la personne devra donc aussi tenir compte de cet aspect international.
    C'était ma question et mon commentaire.
    Un grand merci à vous, messieurs Neve, Burton et Panossian, pour les exposés très intéressants que vous nous avez présentés aujourd'hui.
    En conclusion, j'aimerais rappeler tout particulièrement l'intervention de M. Neve en faveur d'une étude plus approfondie et plus vaste de notre comité quant aux aspects d'ordre plus général.
    Juste avant que nous poursuivions nos travaux à huis clos, je peux vous dire en toute franchise que nous n'avons pas encore tout à fait déterminé la portée de notre étude. Il s'agissait simplement d'une première séance d'information pour nous.
    Mais il va de soi qu'à titre de président, je prends bonne note, monsieur Neve, de votre suggestion voulant que le comité profite de l'occasion pour examiner de façon plus générale différentes questions connexes en invitant d'autres témoins qui pourront nous présenter le point de vue d'autres ONG, du ministère des Affaires étrangères, de l'ambassade chinoise ainsi que de la diaspora, de manière à ce que nous puissions mener une étude approfondie de toutes ces questions cruciales.
    Je veux donc tous vous remercier pour nous avoir mis sur la piste de cet examen très important d'une question aussi primordiale. Un grand merci à tous.
    Le comité va maintenant poursuivre ses travaux à huis clos. Tous nos invités sont donc priés de quitter la salle.
    [La séance se poursuit à huis clos]