Passer au contenu

HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité permanent des ressources humaines, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 046 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 7 décembre 2006

[Enregistrement électronique]

(1045)

[Traduction]

    Conformément à l'ordre de renvoi de la Chambre du 25 octobre et à la motion adoptée par notre comité le 23 novembre, le comité reprend son étude du projet de loi C-257. La réunion sera d'une durée maximale de 75 minutes.
    Chaque groupe de témoins aura sept minutes pour faire son exposé. Il y aura deux rondes de questions, une de sept minutes et une de cinq minutes. Je vais faire de mon mieux pour garder un oeil sur l'horloge.
    Je rappelle à tous que les questions doivent passer par moi, le président. Je comprends en effet que tous les groupes sont assez passionnés relativement à cette question, dans un sens ou dans l'autre.
    Deborah, peut-être que vous pourriez commencer. Je vous remercie de votre présence ici aujourd'hui. Vous avez sept minutes.
    Je m'appelle Deborah Bourque. Je suis présidente nationale du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. Au nom de nos 54 000 membres, je vous remercie de l'occasion que vous nous offrez de présenter notre point de vue sur le projet de loi C-257. À titre d'information, la majorité de nos membres travaillent à Postes Canada. Nous représentons certaines unités de négociation du secteur privé, dont certaines relèvent de la loi fédérale, d'autres de la loi provinciale, mais la grande majorité de nos membres travaillent pour Postes Canada et relèvent de la loi fédérale.
    Les membres du STTP ont vu notre principal employeur, Postes Canada, utiliser des briseurs de grève au cours des débrayages de 1987 et 1991. Par conséquent, nous sommes très bien placés pour savoir que le recours à des briseurs de grève cause de la souffrance, divise les collectivités, prolonge les grèves et entraîne de la violence sur les lignes de piquetage. Je sais que votre comité a déjà entendu nombre d'exemples d'expériences semblables, de la part du Congrès du travail du Canada et d'autres organisations.
    Je tiens à dire que le Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes appuie sans réserve la présentation faite par le Congrès du travail du Canada hier.
    D'un autre côté, il existe de nombreux avantages liés à l'adoption d'une loi antibriseurs de grève. Je suis certaine qu'on vous en a déjà fait la liste, mais je vais quand même vous donner quelques exemples. Au palier provincial, le Québec a interdit le recours aux briseurs de grève en 1977, ce qui a entraîné une diminution du nombre moyen de jours de travail perdus en raison de conflits de travail. En 1993, la Colombie-Britannique a mis fin à l'utilisation des briseurs de grève, et le nombre d'heures de travail perdu en raison de grèves ou de lockouts a chuté de 50 p. 100 l'année suivante.
    Je crois qu'il est ironique que, au Québec et en Colombie-Britannique, les principales grèves qui ont le plus gravement perturbé les lieux de travail ont eu lieu à TELUS et à Vidéotron. Ces deux grèves relevaient du Code canadien du travail, et non du Code provincial.
    À l'échelle internationale, nous avons les exemples des lois antibriseurs de grève de l'Allemagne, de la France, de l'Italie et de l'Europe du Nord. Les recherches effectuées par Travail Canada, Statistique Canada et le Conseil canadien des relations industrielles démontrent que les diverses lois antibriseurs de grève adoptées à divers endroits au Canada n'ont pas nui à l'équilibre des milieux de travail, n'ont pas entraîné d'augmention des arrêts de travail et n'ont pas non plus amené les négociateurs syndicaux à présenter des revendications irréalistes en matière de salaire.
    Je vous ferai remarquer que notre employeur, Postes Canada, est l'un des signataires de l'annonce pleine page parue dans le numéro de lundi dernier du Hill Times, qui vise à exercer des pressions en faveur de l'abandon du projet de loi C-257. Une telle chose ne devrait pas me surprendre compte tenu de l'attitude conflictuelle adoptée par Postes Canada dans le cadre des négociations et de son recours à des briseurs de grève en 1987 et 1991. J'ai toutefois été choquée de constater que Postes Canada n'a pas tiré les leçons qui s'imposaient de ces expériences amères, qui comportaient des actes de violence. Évidemment, le courrier n'était pas livré ni traité durant cette période. C'était tout simplement une confrontation. On voulait simplement briser le syndicat et miner les négociations collectives. Au bout du compte, il y a eu de nombreuses mises à pied. La plupart de ces gens ont été réinstallés dans leurs fonctions après avoir eu recours à l'arbitrage, mais il y a eu de graves conséquences sur l'avenir des relations de travail aux postes, sans oublier l'exploitation des travailleurs au chômage et pour la plupart immigrants qui ont été forcés de travailler à titre de briseurs de grève.
    Garth Whyte, premier vice-président de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, affirme que ce projet de loi rendra la Canada moins concurrentiel et menacera la survie des petites entreprises qui dépendant des services régis par le gouvernement fédéral, tels les services postaux dont Postes Canada assure la prestation.
    Je tiens à dire que ce n'est pas la première fois que la FCEI exagère les conséquences des grèves postales pour ses membres.
    En 1981, la FCEI a déclaré publiquement que notre grève avait causé 3 000 faillites. Selon les statistiques fournies par le surintendant des faillites, cette déclaration est complètement fausse. Au contraire, ces statistiques indiquent plutôt que la grève n'a eu aucun impact significatif sur les faillites d'entreprise. En 2002, M. Whyte a mentionné à la publication Direct Marketing News que selon un sondage mené par la FCEI auprès de 15 000 de ses membres, les répondants à ce sondage avaient affirmé, sans toutefois fournir la moindre donnée pour étayer cette information, que la grève des postes avait touché, directement ou indirectement, leur entreprise. Il en a conclu que la grève de 1997 avait coûté 300 millions de dollars par jour aux petites entreprises. J'ajouterais que récemment, dans le cadre d'articles parus en regard de pages éditoriales et de lettres ouvertes, il dit que le coût était de 200 millions de dollars par jour. En 2003, au sujet d'une grève possible qui n'a pas eu lieu, M. Whyte a même déclaré ce qui suit : « Pour nos membres, cette grève des postes pourrait s'avérer aussi destructrice que les effets combinés du SRAS et de la maladie de la vache folle. » Il s'agit d'une prédiction complètement démesurée.
    Votre comité devrait sérieusement examiner les déclarations de la FCEI au sujet des grèves des Postes.
    Je tiens également à mentionner que Postes Canada n'est pas un service essentiel. Je dirais qu'il s'agit d'un service extrêmement important pour les Canadiens, les collectivités et les entreprises partout au Canada et au Québec, mais il ne s'agit pas d'un service essentiel.
    Je veux vous parler brièvement de la notion des services essentiels. Les syndicats négocient les services essentiels avec leurs employeurs, parce qu'ils comprennent l'importance de leur travail. La loi ne devrait pas avoir d'incidence à cet égard. Il y a une grande différence entre offrir des services essentiels et travailler à titre de briseur de grève. Les membres qui offrent les services essentiels sont loin d'être des briseurs de grève—il est très facile de rétablir ces faits. Nous sommes en faveur des services essentiels.
    Le STTP comprend que les grèves des Postes ont un impact sur les utilisateurs des services postaux. Nous avons toujours essayé de réduire au minimum les conséquences de nos grèves sur les groupes les plus vulnérables, comme les personnes âgées et les personnes à faible revenu. Durant une grève des postes, nos membres assurent d'ailleurs la livraison des chèques destinés à ces groupes de personnes. Avant la tenue possible d'une grève, le syndicat se réunit pendant des mois avec Postes Canada pour veiller à ce que ces chèques soient traités et livrés par nos membres en dépit de tout conflit de travail nous opposant à l'employeur. Nous procédons d'ailleurs de cette façon depuis 1981.
    En terminant, les membres du STTP appuient ce projet de loi parce qu'ils ont directement fait l'expérience des travailleurs et travailleuses de remplacement et parce qu'ils savent que le recours aux briseurs de grève fragilise gravement la libre négociation collective et toute notion d'équilibre des pouvoirs dans le cadre des relations de travail.
    Je veux aussi profiter de l'occasion pour remercier les députés qui ont appuyé ce projet de loi et qui se battent depuis des années, ainsi que les nombreux militants qui font du lobbying, recueillent des signatures et mobilisent l'appui à ce projet de loi.
    Je vous remercie de m'avoir permis de vous présenter ce bref exposé. C'est avec plaisir que je répondrai maintenant à vos questions.
(1050)
    Merci, madame Bourque. Je vous remercie de vous en être tenue au temps accordé. Vous êtes un excellent exemple pour les autres témoins.
    Nous allons maintenant passer à M. Vaudreuil.
    Monsieur Vaudreuil, vous avez sept minutes.

[Français]

    Dans un premier temps, la CSD accueille favorablement l'initiative du dépôt du projet de loi C-257 ayant pour objet d'interdire aux employeurs visés par le Code canadien du travail d'embaucher des travailleurs de remplacement pour remplir les fonctions des salariés en grève ou en lock-out.
    Nous nous réjouissons aussi de son adoption en deuxième lecture par la Chambre des communes, parce que nous croyons que son adoption en troisième lecture permettrait d'établir un meilleur équilibre du rapport de force entre les employeurs et les syndicats à l'occasion d'une grève ou d'un lock-out.
    Rappelons, aux fins de ce débat, que le droit à la grève et au lock-out demeure la pierre angulaire de notre régime de négociations collectives au Canada, et que cette négociation collective doit se faire avant tout entre deux parties qui ont par ailleurs l'obligation de négocier de bonne foi.
     À l'exception de quelques dispositions qui sont prévues dans la loi, nous croyons qu'aucun tiers ne doit intervenir et, en conséquence, que s'il y a une grève ou un lock-out, le conflit de nature économique doit se faire uniquement entre les deux parties, c'est-à-dire l'employeur et le syndicat.
    Nous croyons que l'utilisation de travailleurs de remplacement est contraire au principe de base de notre régime de relations de travail qui consacre l'appartenance aux parties en présence de la négociation collective. En effet, si on agit avec des travailleurs de remplacement, il s'agit, selon nous, d'une ingérence qui déséquilibre le rapport de force économique entre l'employeur et les salariés. La logique à la base de ce raisonnement veut que les salariés étant privés de salaire et l'employeur privé d'activités commerciales font en sorte que les parties devront, le plus rapidement possible, en venir à un règlement acceptable pour les deux parties. Dans cette logique, chaque partie se retrouve dans une situation de survie.
    Telle est l'économie de notre régime de relations de travail. Il y a d'autres caractéristiques qu'il est important de considérer dans la question qui nous préoccupe. Je voudrais insister sur les frustrations qu'éprouvent les travailleuses et les travailleurs en grève qui, à l'occasion d'embauche de travailleurs de remplacement, ont tout simplement l'impression de se faire voler leur emploi. Cette situation génère évidemment beaucoup de frustration, mais elle apporte aussi très souvent du ressentiment qui pourra durer parfois des années. Pour le climat dans un milieu de travail, il n'y a rien de plus mauvais que des travailleuses et des travailleurs qui sont habités par un ressentiment.
    Cela génère aussi des tensions dans les communautés qui peuvent parfois prendre des décennies à s'estomper. J'ai personnellement vécu — et on pourra en discuter, si vous voulez, lors des questions — le cas de la grève de l'amiante. J'ai entendu, des décennies après la grève, des témoignages prouvant que les communautés étaient profondément marquées principalement en raison de l'utilisation de travailleurs de remplacement.
    Évidemment, dans une telle situation, quand on utilise des travailleuses et des travailleurs de remplacement, c'est plus difficile, quand vient la fin du conflit, de tourner la page et de créer un climat de travail satisfaisant pourtant essentiel à la vie de l'entreprise.
    En terminant, je voudrais vous parler de l'expérience du Québec. Depuis 1977, les dispositions du Code du travail du Québec empêchent l'utilisation de travailleuses ou de travailleurs de remplacement. Cela a permis, selon nous, de rétablir le nécessaire équilibre qui doit exister dans notre régime de relations de travail.
(1055)
    Nous avons pu observer une autre caractéristique très importante relativement à l'inclusion de ces dispositions. Cela a considérablement diminué la violence en milieu de travail et a également facilité un meilleur climat au retour dans le milieu de travail, et cela n'a surtout pas eu d'effets négatifs sur la fréquence, la durée des conflits ni sur la survie de l'entreprise.
    En conclusion, l'adoption de ce projet de loi par la Chambre des communes, que nous souhaitons ardemment, permettra de renforcer la cohésion, si nécessaire, de notre régime de relations de travail, en assurant un meilleur équilibre du rapport de force entre les parties.
    Je vous remercie, monsieur le président.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à notre prochain témoin, de la Chambre de commerce. Madame Hughes Anthony et monsieur McKinstry, vous avez sept minutes.
    Je suis accompagnée de Rob McKinstry, analyste principal en matière de politiques à la Chambre de commerce du Canada. Quant à moi, je suis présidente et chef de la direction de la Chambre. Nous représentons plus de 170 000 entreprises de toutes les industries, de toutes les régions du Canada, et de tous les secteurs. Nos membres sont très préoccupés par les conséquences de ce projet de loi.
    Vous avez reçu une copie de notre mémoire; je ne vais donc pas entrer dans les détails. Il y a cependant quelques points que j'aimerais mettre en évidence.
    D'abord, je vais faire quelques commentaires sur les conséquences de ce projet de loi. J'écoutais d'autres témoins parler de ses répercussions. Nous avons lu le paragraphe 94(2.4) du projet de loi, et selon nous, en cas de grève, aucune mesure ne sera permise pour continuer la production de biens et services. Voilà notre interprétation de cette disposition.
    Je vous ferais remarquer que les entreprises qui sont régies par la loi fédérale le sont pour une raison. Elles constituent la base d'une série de services essentiels offerts aux Canadiens.

[Français]

    Les Canadiens s'attendent à ce que les entreprises et le gouvernement dispensent les services essentiels à leur santé et à leur bien-être. Or, le projet de loi C-257 entraverait leurs attentes, car les entreprises seraient forcées d'interrompre leurs activités durant un arrêt de travail. Les entreprises de compétence fédérale sont chargées, entre autres, de livrer les aliments consommés par les Canadiens, de s'assurer que les services d'urgence 911 sont opérationnels et accessibles et d'exécuter les transactions financières.
     Selon la Chambre de commerce du Canada, il serait abusif d'adopter une telle loi susceptible de mettre en jeu les services essentiels dispensés aux Canadiens sans motif démontré.

[Traduction]

    Voici quelques faits. Je crois que votre comité est au courant d'une étude menée en octobre 2006 par RHDCC qui indique que : « Il n'y a pas de preuve que la législation sur les travailleurs de remplacement réduise le nombre d'arrêts de travail. » De plus, on y donne des statistiques indiquant que le nombre d'arrêts de travail en vertu du Code du travail du Canada est de loin inférieur au nombre d'arrêts de travail au Québec.
    De plus, il n'y a aucune preuve que la législation sur les travailleurs de remplacement produise une diminution de la durée des arrêts de travail. Encore une fois, selon les données de RHDCC, malgré la législation québécoise, la durée moyenne des arrêts de travail dans cette province est passée de 37 jours en moyenne entre 1975 et 1977 à environ 47 jours en moyenne entre 2003 et 2005.
    Monsieur le président, j'allais vous parler de l'histoire de l'élaboration de politiques entourant le Code canadien du travail. Je crois comprendre que le prochain témoin en parlera en détail. Voici donc quelques notes.
    Nous connaissons tous le groupe de travail qui a mené la modification de la partie I du Code canadien du travail, soit le groupe de travail Sims.
(1100)

[Français]

    Le groupe de travail Sims voulait avant tout créer un équilibre entre les intérêts des employeurs et les intérêts des travailleurs. Son rapport s'intitulait d'ailleurs « Vers l'équilibre ». M. Sims tenait à ce que son rapport reflète les intérêts de toutes les parties, et non pas uniquement ceux des intervenants. Malheureusement, à mon avis, le projet de loi dont nous sommes saisis détruirait cet équilibre.

[Traduction]

    Monsieur le président, pendant les 20 années qui ont précédé la création du groupe de travail Sims, le Parlement a été forcé de légiférer pour mettre fin à des arrêts de travail relevant du fédéral à 17 occasions. Depuis les modifications de 1999, il n'y pas eu lieu d'adopter d'urgence des lois imposant un retour au travail, donc je dirais que les amendements liés aux travailleurs de remplacement ont atteint leur objectif.
    Le Code canadien du travail est une loi cadre qui régit le marché du travail canadien, et les Canadiens dépendent de cet équilibre. Il en est de même pour les investisseurs internationaux qui examinent le Canada comme un endroit où faire des affaires. Ça fait partie de notre cadre de concurrence internationale.
    Pour terminer, monsieur le président,

[Français]

le système actuel est équitable et équilibré. Il a été élaboré en collaboration avec les employeurs et les syndicats, et il respecte les intérêts des employeurs et des employés au regard des arrêts de travail. La Chambre de commerce du Canada croit que le projet de loi détruirait l'équilibre actuel.

[Traduction]

    Monsieur le président, je voulais dire que je suis très préoccupée par le fait que de nombreux membres de la Chambre de commerce du Canada aimeraient comparaître devant votre comité mais n'en ont pas la chance. Toutefois, je crois comprendre que votre comité a adopté un motion qui vise à permettre la comparution d'autres témoins. Je félicite le comité de cette initiative, parce que je sais que de nombreux Canadiens veulent exprimer leur point de vue.
    En gros, le Code du travail est juste. Il n'est pas nécessaire d'apporter des changements qui avantageraient une partie au détriment de la société dans son ensemble.
    Je serais heureuse de répondre à vos questions. Merci beaucoup.
    Merci encore une fois, madame Hughes Anthony.
    Nous allons maintenant passer à vous, monsieur McDermott. Vous avez sept minutes pour nous donner vos explications. Je sais que sept minutes n'est peut-être pas suffisant, mais faites votre possible pour respecter le temps qui vous est accordé.
    Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître ce matin.
    Je suis ici à titre personnel, mais dans une autre vie, j'ai beaucoup travaillé dans le domaine de l'administration du travail et de l'élaboration de politiques et de lois en matière de relations de travail. Je tiens à vous dire tout de suite que je n'ai pas l'intention de prendre position quant à l'inclusion de dispositions concernant les travailleurs de remplacement dans le code, tel que le propose le projet de loi C-257.

[Français]

    Monsieur le président, il parle tellement vite que l'interprète n'a pas le temps de faire l'interprétation.

[Traduction]

    Excusez-moi, madame, mais je vais prendre mon temps.
    Je vais témoigner à titre personnel et je n'ai pas l'intention de prendre position sur le projet de loi proprement dit. Je vais parler du processus qui devrait idéalement être suivi pour modifier les lois du travail.
    Ayant passé 33 ans au ministère du Travail, j'ai vu se réaliser deux grands examens, le premier vers le milieu des années 1960 et le deuxième, auquel j'ai participé étroitement en tant que sous-ministre adjoint, était l'examen Sims et les changements législatifs qui viennent d'être évoqués.
    L'expérience m'a appris que, pour que les lois sur les relations de travail soient viables, elles doivent établir des règles offrant stabilité et équilibre à la partie syndicale et à la partie patronale. Or, des changements trop fréquents, opérés au coup par coup ne contribuent pas à assurer la stabilité. Les 25 ans qui se sont écoulés entre les deux examens approfondis ont été suffisants pour déterminer quelles mesures donnaient de bons résultats et lesquelles requéraient un examen plus attentif, à la lumière de l'évolution de la conjoncture nationale et mondiale.
    Si les lois du travail de compétence fédérale se sont avérées durables, c'est parce qu'elles sont le fruit d'un examen approfondi et parce que les syndicats et les employeurs ont pu contribuer amplement au processus d'examen, avant que les règles ne soient établies ou rajustées.
    J'ai inclus dans mon document un long paragraphe décrivant l'expérience de l'Ontario pendant les années 1990. Je peux le résumer en disant qu'on a écarté du revers de la main à l'époque une longue tradition de modifier les règles s'appliquant aux relations de travail après une planification réfléchie et des consultations. C'est ce qu'a fait le gouvernement du premier ministre Rae en adoptant après très peu de consultations une loi biaisée en faveur d'un groupe. Le résultat a été que lorsque le premier ministre Harris a été élu, il a inversé la situation sans la moindre consultation et le pendule est allé loin de l'autre côté, ce qui, selon certains, a eu des effets très néfastes. Une bonne part des conflits de travail et des divisions que l'Ontario a connus durant les années 90 peuvent être attribués à ce processus déficient.
    Ledit processus contraste avec ce qui se passait en même temps au niveau fédéral : l'examen de la partie I du Code canadien du travail, auquel j'ai participé. L'examen s'est étendu sur près de quatre ans, puisqu'il a commencé vers la fin de 1994 et a pris fin avec l'adoption d'une loi révisée en juin 1998. Essentiellement, cet examen reposait sur une analyse de fond effectuée par un comité d'experts présidé par Andrew Sims, de l'Alberta, qui était accompagné par Paula Knopf de l'Ontario et de Rodrigue Blouin du Québec.
    Le comité a tenu des audiences d'un bout à l'autre du pays et son rapport, intitulé Vers l'Équilibre ou Seeking a Balance, a fait l'objet de consultations publiques dirigées par le ministre du Travail, qui ont également eu lieu partout au Canada.
     Le comité et les ministres responsables ont adopté une approche axée sur la plus grande consultation. M. Sims a lui-même assuré les syndicats et les employeurs que toutes les questions sur lesquelles les deux parties s'entendraient auraient de fortes chance de figurer dans les recommandations du comité. J'ai eu le privilège d'être chargé de former un comité de consensus mixte dans ce but précis et j'ai eu le plaisir de constater que les deux parties ont pu s'entendre sur un certain nombre de points qui se sont finalement retrouvés non seulement dans les recommandations du comité mais aussi dans la nouvelle loi.
    Le train de mesures législatives qui en a résulté était le fruit d'un compromis considérable entre les syndicats et les employeurs. Comme la plupart des compromis, il contenait des éléments que l'une ou l'autre des parties aurait préféré ne pas inclure et ne contenait pas d'autres éléments que l'une ou l'autre partie aurait voulu inclure. Cependant, c'était un ensemble de mesures équilibrées et assez attrayantes pour les syndicats et les employeurs pour que les principales associations représentant les intérêts des organisations du ressort fédéral le jugent acceptables.
    Ces mesures ont recueilli l'appui des deux parties sous réserve qu'elles forment un tout indissociable, qui serait à l'abri de l'ajout ou du retranchement de mesures pour des raisons opportunistes. Le mouvement syndical aurait voulu que la question des travailleurs de remplacement fasse partie de ce train de mesures. Par contre, les organisations patronales auraient préféré qu'il n'en soit pas du tout question. Cependant, c'était litigieux.
    De 1991 à 1994, année où s'est amorcé l'examen législatif, il y a eu en tout 48 grèves légales dans des organismes sous juridiction fédérale et dans 12 de ces cas, on a recruté des travailleurs de l'extérieur pour remplacer les grévistes. Les grèves où l'on a recouru à des travailleurs de remplacement ont duré en moyenne cinq fois plus longtemps que les autres. Il fallait donc prendre en considération la durée des arrêts de travail, mais on a également constaté que des pratiques de travail illégales avaient eu cours dans un certain nombre de grèves. Les conflits de travail à la mine Giant de la société Royal Oak Mines et chez Nationair en étaient des exemples évidents.
    En plus de diviser les syndicats et les employeurs, la question des briseurs de grève est la seule qui n'a pas abouti à une recommandation unanime du comité Sims.
(1105)
    Dans sa recommandation minoritaire, Rodrigue Blouin a opté pour l'interdiction totale du recours aux travailleurs de remplacement. Cependant, la recommandation majoritaire ciblait expressément les pratiques de travail déloyales. Elle prévoyait le recours à des travailleurs de remplacement pendant une grève légale, mais prévoyait également un recours précis que la Commission de travail pouvait invoquer si elle jugeait que les travailleurs de remplacement étaient utilisés pour miner la capacité de représentation du syndicat plutôt que pour réaliser des objectifs légitimes de négociation —, en langage clair, si l'employeur essayait de briser le syndicat. Cette recommandation majoritaire a été incorporée à la partie I modifiée du Code canadien du travail et en fait toujours partie.
    Comme je l'ai dit au début de ma déclaration, je ne vais pas prendre position sur la teneur éventuelle d'une disposition relative aux travailleurs de remplacement dans le Code canadien du travail, mais je rappelle que la partie I renferme déjà une disposition traitant du recours à ce genre de travailleurs. À mon avis, toutefois, la démarche suivie en ce qui concerne le projet de loi C-257 risque de compromettre la stabilité des règles qui encadrent les relations entre syndicats et employeurs lors des négociations collectives.
    Contrairement au processus suivi lors des modifications antérieures des lois du travail, processus qui comportait des consultations intensives, on semble n'avoir fait aucun effort pour concilier des points de vue divergents. Ce processus risque de mener à l'exercice de représailles et à des mouvements de pendule très dommageables si la conjoncture politique devait changer. Il fait manifestement abstraction du délicat équilibre atteint lors du dernier examen approfondi de la partie I. Il entraîne un ajout unilatéral et fragmentaire à la loi qui n'accorde aucune disposition en contrepartie à ceux qui ne sont pas d'accord.
    Les modifications de 1998 ont donné de bons résultats. À ce qu'il paraît, les statistiques sur le règlement de différends sont positives et, hormis quelques exceptions, les arrêts de travail ont été de courte durée. Le Parlement n'a pas eu besoin d'adopter des lois d'urgence pour forcer le retour au travail depuis l'entrée en vigueur de ces modifications. Somme toute, les membres du comité Sims semblent avoir atteint l'objectif énoncé dans le rapport : « Nous visons une structure stable à l'intérieur de laquelle les parties pourront librement négocier collectivement et une législation du travail viable, pertinente et d'application facile. Nous nous sommes penchés sur les changements susceptibles de faciliter l'adaptation et l'essor des travailleurs et des employeurs dans un marché du travail mondialisé ». Et ils l'ont fait avec l'entière collaboration des syndicats et des employeurs.
    Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs du comité.
(1110)
    Je vous remercie d'être présent, monsieur McDermott. Vous avez présenté un des meilleurs survols de la partie I que nous ayons entendus et nous aurions dû l'entendre avant de commencer notre étude de cette question.
    Je vais vous poser une question, moi qui n'ai pas posé beaucoup de questions encore. Sachant que des experts ont mis quatre ans à examiner la partie I, et que nous n'avons jamais fait ce genre de tâche, combien de temps nous faudra-t-il pour examiner un projet de loi comme celui-ci, étant donné qu'il n'y a pas eu de consensus à ce sujet la première fois?
    Permettez-moi de préciser que si notre examen a pris quatre ans, c'est qu'il y a eu une élection entre temps. Le projet de loi C-66 était rendu à l'étape de la troisième lecture au Sénat lorsque les élections ont été déclenchées, si bien que nous avons dû tout reprendre à zéro avec le projet de loi C-19. En réalité, le processus a pris deux ans.
    De ces deux ans, six ou sept mois se sont écoulés — au début, j'ai sondé les parties dans l'espoir d'en arriver à une entente sans avoir à former un comité en bonne et due forme; ensuite, je leur ai demandé quel genre de processus elles souhaitaient. Cela a pris trois ou quatre mois, et ensuite le groupe de travail a siégé pendant six ou sept mois. Après cela, il y a eu une période de consultation de quatre mois, puis le processus parlementaire. Cela s'est fait en deux ans mais il faut dire qu'il s'agissait d'un projet de loi de grande ampleur. Pour des questions d'une portée moindre, je crois qu'il faut prévoir au moins 18 mois pour un processus législatif sérieux.
    C'est bien ce que je pensais. Merci beaucoup.
    Je vais donner la parole à M. Coderre, pour sept minutes.

[Français]

    En étant aussi sérieux, vous avez fait toute la partie I, mais c'est une oeuvre inachevée. Vous avez donc beaucoup discuté et vous avez déjà mis en branle votre processus de consultation sur la question des travailleurs de remplacement. En fait, vous avez eu une position dissidente, mais comme je l'ai dit l'autre fois, on ne réinventera pas les boutons à quatre trous.
    Autrement dit, on a déjà des arguments pour et contre des deux côtés et on a vraiment ventilé l'ensemble de cette argumentation. On n'aura pas besoin de former un autre groupe de travail pour débattre la question des travailleurs de remplacement, parce que vous avez déjà envisagé cette question, par le travail d'Andrew Sims et de Rodrigue Blouin.
     Je comprends que toujours les syndicats seront favorables et que les employeurs s'y opposeront parce qu'ils ont des intérêts précis.
     Cependant, madame Hughes Anthony, vous posiez une question très pertinente sur le paragraphe proposé (2.4). Nous sommes prêts à l'amender pour assurer la concordance effective de ce paragraphe et des besoins de l'article 87.4. Toutefois, le libellé de cet article, que je vais vous lire, est très clair. De plus, cela répond à votre question. Je peux donc vous aider aujourd'hui.
    87.4 (1) Au cours d’une grève ou d’un lock-out non interdits par la présente partie, l’employeur, le syndicat et les employés de l’unité de négociation sont tenus de maintenir certaines activités — prestation de services, fonctionnement d’installations ou production d’articles — dans la mesure nécessaire...
    Voilà qui important pour vous.
... pour prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public.
    Cela dit ce que cela veut dire. Cela signifie que, dans un cas de grève ou de lock-out, si des problèmes peuvent occasionner un risque relatif à la sécurité ou à la santé, on est tenu de produire des services et des biens. En ce sens, cela répond à votre question. Le problème est que c'est en matière de télécommunications. En passant, le 911 est de compétence provinciale; ce n'est donc pas de notre ressort. La loi provinciale est déjà claire à ce sujet.
    Toutefois, si vous avez un problème de diffusion à cause d'une question en matière de télécommunications, étant donné que la société évolue et qu'il y a de nouvelles façons de faire, il faudra redéfinir ce qu'on entend par services essentiels. C'est dans ce sens qu'on devrait aussi miser et travailler sur une expertise.
    Je veux poser deux ou trois questions rapides. M. Vaudreuil et Mme Bourque, du côté syndical, pourraient nous répondre; par la suite, Mme Hughes Anthony pourra répondre pour le côté patronal.
    Qu'entendez-vous par équilibre? En effet, je me demande ce qu'il y a d'équilibré quand je vois d'un côté un employeur qui a un droit de lock-out et qui, dans le fond, peut faire durer le lock-out longtemps parce qu'il peut disposer de briseurs de grève.
     Du côté syndical, comment pouvez-vous nous rassurer sur la question d'équilibre en répondant aux questions sur les travailleurs de remplacement et sur les briseurs de grève? Au fond, les briseurs de grève ne donnent-ils pas plus de pouvoir aux syndicats?
    Je me fais l'avocat du diable parce que je trouve que le recours aux travailleurs de remplacement n'a pas de bon sens pour toutes sortes de raisons. C'est probablement un phénomène culturel: c'est parce que je viens du Québec, que j'ai vécu le dilemme et qu'il y a une normalité qui n'est pas la même parce qu'il n'y a pas vraiment eu, peut-être, le même débat dans le reste du pays, sauf en Colombie-Britannique et en Ontario.
    Je demanderais à M. Vaudreuil et peut-être à Mme Bourque et à Mme Hughes Anthony de nous expliquer très rapidement leur principe d'équilibre. Que signifie-t-il?
(1115)
    Merci.
    On peut faire ce constat: nous n'avons pas nécessairement le même point d'équilibre entre les représentants syndicaux et les représentants patronaux.
     Cela étant dit, le point d'équilibre se situe dans le cadre suivant: historiquement, les travailleuses et travailleurs ont choisi de se regrouper pour négocier collectivement leurs conditions de travail avec les employeurs, afin d'établir un rapport de force plus équilibré. Seul, je n'ai pas le même pouvoir que si on se regroupe. C'est le fondement même qu'on a retenu dans notre régime de relations de travail.
    Dans ce régime de relations de travail, il y a deux types de résolution de conflit: la résolution à caractère juridique et la résolution de nature économique. Par exemple, la reconnaissance syndicale est à caractère juridique. L'interprétation, l'application des conventions collectives sera confiée à des tribunaux quasi judiciaires. Toutefois, quand vient le temps de la négociation des conventions collectives, le mode de confrontation est de nature économique.
    Il faut donc s'assurer d'un véritable équilibre. Pour nous, cet équilibre passe par l'empêchement du recours à des travailleurs de remplacement, compte tenu de tout ce qu'on a vécu au Québec depuis 1977.
    Madame Hughes Anthony.
    Je pense que je vois la question d'équilibre sous un autre angle. Une grève ou un lock-out n'est jamais souhaitable pour des employés ou des employeurs, et il n'est jamais souhaitable d'avoir à embaucher des travailleurs de remplacement.
    D'après ce que je vois, ce projet de loi vise à éliminer la possibilité pour une compagnie relevant de la compétence fédérale de continuer à produire ses biens ou services.
    Mme Carole Lavallée: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. On revient encore à ce dont on a discuté l'autre jour. C'est une mauvaise interprétation de la loi.
    M. Denis Coderre: C'est son point de vue.
    Mme Carole Lavallée: C'est insensé!
    Mme Nancy Hughes Anthony: C'est ainsi que je vois la situation.
    Alors, il y a évidemment un équilibre entre les employeurs et les employés, mais il y a aussi un équilibre dans la société.

[Traduction]

    Tout en respectant entièrement les droits des deux parties en cause, il faut éviter que les Canadiens soient privés des services essentiels ou des services dont ils ont besoin. Je rappelle, comme M. McDermott l'a confirmé, que le Code canadien du travail comporte déjà certaines limites au recours de travailleurs de remplacement. Le Code canadien des relations industrielles peut également intervenir dans certains cas. Je crois qu'il y a déjà là l'équilibre que la société canadienne jugerait raisonnable.
(1120)

[Français]

    Monsieur McDermott, j'ai une question d'ordre technique à vous poser.
    Le noeud gordien de ce projet de loi, c'est la question des services essentiels, on s'entend. Trouvez-vous nécessaire d'avoir des mesures d'amendement ayant trait à l'industrie, en concordance avec l'article 87.4, ou pensez-vous que Santé et sécurité au travail peut couvrir l'ensemble?
    Deuxièmement, quel est l'impact, par rapport à la jurisprudence et aux ententes déjà établies dans le code? Par exemple, pour les transporteurs de grain, il y a déjà eu des ententes dans l'Ouest. Voyez-vous la nécessité ou le besoin d'apporter des amendements? Si oui, de quel type?

[Traduction]

    Veuillez être bref, monsieur McDermott, parce que notre temps est presque écoulé.
    Les dispositions du code relatives aux services essentiels ont été interprétées de façon assez large. Elles n'étaient pas censées englober les préjudices économiques; il est clair qu'il s'agit d'assurer la sécurité du public. Mais on a peut-être eu tendance à leur donner une interprétation un peu plus large.
    Par exemple, je crois que chez Marine Atlantic, tous les services ont été déclarés services essentiels en vertu de cette disposition, même si les services ne sont offerts que pendant l'été, ce qui veut dire qu'en hiver, nous n'avons pas de services essentiels. Quoi qu'il en soit, je pense que le code est trop précis pour s'appliquer à certains des cas dont on a parlé ce matin.
    Merci...
    Puis-je répondre à la question au sujet de l'équilibre?
    Non, car malheureusement, nous avons déjà dépassé de beaucoup le temps prévu. Je vais donner la parole au prochain intervenant. Vous pourrez peut-être y répondre en répondant à la question d'un autre député.
    Avant de donner la parole à Mme Lavallée, j'aimerais demander aux membres du comité leur consentement pour libérer M. Toupin. Étant greffier législatif, il est très occupé, mais il a quand même bien voulu venir nous aider ici ce matin. Si le comité consent à le libérer, je suis sûr que nous pourrons l'inviter de nouveau dans l'avenir.
    Les membres du comité sont-ils d'accord?
    Non, je suis désolé. Je voudrais lui parler brièvement après avoir entendu les témoins.
    Vous pouvez sortir de la salle et revenir plus tard, mais nous aurons quelques questions à vous poser.
    Ne pourriez-vous pas les lui poser mardi?
    Je veux les lui poser aujourd'hui. Pourrions-nous lui demander de revenir à une heure donnée aujourd'hui? Avons-nous le temps de le faire?
    Pourrait-il revenir, disons vers 12 h 45?
    Merci.
    Merci.
    Madame Lavallée, vous avez la parole pour sept minutes.

[Français]

    Madame Hughes Anthony, dans votre exposé, vous avez parlé du paragraphe (2.4) proposé dans le projet de loi. Vous avez sorti cet article de son contexte, de l'ensemble du paragraphe (2.2), pour lui donner un tout autre sens.
    Plus tôt, j'ai fait un rappel au Règlement à ce sujet auprès de mon collègue Mark Lake, qui l'a reconnu. Je pense que vous étiez dans la salle à ce moment-là. J'espère que vous-même et les gens qui sont dans la salle et qui m'écoutent ne reviendrez pas là-dessus, parce que vous ne pouvez pas extraire le paragraphe (2.4) proposé. Les mots « Ces mesures ne peuvent être que des mesures de conservation » se rapportent au paragraphe (2.3) proposé qui précède et qui se lit comme suit:
    (2.3) L’application du paragraphe (2.1) n’a pas pour effet d’empêcher l’employeur de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires pour éviter la destruction ou la détérioration grave de ses biens.
    Or, le paragraphe (2.1) proposé porte sur l'interdiction relative aux travailleurs de remplacement.
    Ensuite, le paragraphe (2.4) dit, et je cite:
    (2.4) Ces mesures ne peuvent être que des mesures de conservation et non des mesures permettant la continuation de la production [...]
    Les mesures dont on parle sont les mesures que l'employeur va prendre, c'est-à-dire qu'il va sans doute engager du personnel supplémentaire.
    Alors le paragraphe (2.4) proposé ne s'applique pas à l'ensemble du paragraphe (2.1) proposé, il est conséquent au paragraphe (2.3) proposé.
    Est-ce clair, madame Hughes Anthony?
    Non, pas du tout.
    Relisez-le. Je n'ai que sept minutes pour vous poser des questions, alors, prenez le temps de le lire chez vous ou à votre bureau, et vous reviendrez m'en parler plus tard. Vous pourrez aussi demander à vos conseillers juridiques...

[Traduction]

    On invoque le Règlement, madame Lavallée. Cela ne comptera pas dans votre temps.
    Je ne vois pas très bien ce à quoi vous renvoyez, parce que vous parliez du paragraphe 94(2.4) du projet de loi et vous avez dit qu'il a un rapport avec le paragraphe 94(2.3), si je ne m'abuse. Je pense qu'on n'a jamais parlé du paragraphe 94(2.5).
    Pourriez-vous préciser de quel article il s'agit? Il n'y a absolument aucun rapport entre les paragraphes 94(2.4) et 94(2.3).

[Français]

    J'espère qu'il ne prend pas mon temps de parole pour intervenir.
    Comme je l'ai dit plus tôt, le paragraphe (2.4) proposé s'adresse au paragraphe (2.3) proposé, parce qu'on dit au paragraphe (2.2) proposé, et je cite:
    
    (2.2) Malgré le paragraphe (2.1), l’employeur peut utiliser les services des personnes suivantes pendant la durée d’une grève ou d’un lock-out:
     Alors, il peut utiliser les cadres. C'est ce que cela dit.
    Nous, du Bloc québécois, souhaitons que la loi fédérale soit identique à la loi qui est appliquée au Québec depuis 30 ans. S'il faut y apporter un éclaircissement pour qu'elle soit identique et pour que les cadres puissent travailler pendant un conflit de travail ou un lock-out, on pourra l'amender la semaine prochaine, lors de l'étude article par article.
    Cela étant dit, le Bloc québécois n'a jamais eu l'intention d'empêcher la production. D'ailleurs, madame Hughes Anthony, si vous vous appuyez sur l'expérience des 30 dernières années au Québec, vous verrez que les cadres ont toujours pu travailler. Pensez à la grève de la SAQ il y a deux ans. Les cadres ont opéré la SAQ pendant trois mois, fournissant à la population tout l'alcool qu'elle a bien voulu acheter, et ce, même pendant le temps des Fêtes. Alors, ne vous en faites pas.
    Vous faites dire à cet article des choses qu'il ne veut pas dire. En outre, vous parlez du service 911, qui est de compétence provinciale, d'ailleurs. Malgré le fait qu'il soit soumis à la loi antibriseurs de grève, cela n'a jamais donné lieu à des catastrophes. Vous reprenez exactement les mêmes arguments que cette annonce publicitaire qui a paru dans le Hill Times cette semaine, dans laquelle on prédit les pires catastrophes dans les services de santé et de transport. Cela me fait dire que ce ne sont pas des arguments très solides. Par conséquent, on n'a pas envie d'écouter les autres arguments que vous pourriez vouloir nous présenter.
    Monsieur McDermott, j'ai beaucoup de respect pour tout ce que vous avez fait et je pense effectivement que la loi, la refonte de la partie I du Code canadien du travail, a été bien faite à l'époque. Cela s'est échelonné sur quatre ans, mais les travaux ont eu lieu sur deux ans. Ensuite, Rodrigue Blouin a déposé un rapport minoritaire qui faisait état de choses très importantes concernant l'équilibre. Rodrigue Blouin, un professeur d'université, est une personne très respectée et très respectable qui a décrit, dans son rapport, ce qu'est l'équilibre.
    L'équilibre, ce n'est pas le droit de l'employeur de continuer sa production. Ce n'est pas ça, l'équilibre, mais c'est la signification que m'a déjà donnée le ministre, dans un autre lieu. L'équilibre des relations entre les employeurs et les employés, c'est quand les deux parties peuvent négocier sans qu'il y ait un troisième joueur. Les travailleurs de remplacement sont des intrus dans les négociations entre la partie patronale et la partie syndicale. C'est aussi pour cette raison que cela fonctionne si bien et qu'il y a un équilibre au Québec. De plus, cette façon de faire régularise les relations à long terme entre employeurs et employés, ce qui n'a pas prouvé la loi actuelle, le Code canadien du travail.
    Vous dites que les preuves sont faites et que l'équilibre existe, mais ce n'est pas vrai. Prenez par exemple la grève chez Vidéotron, qui a duré 22 mois; Cargill, à Baie-Comeau, 36 mois; Radio-Nord, en Abitibi, deux mois. Et je ne parle pas de la grève des 12 employés de la station de radio de Bonaventure, en Gaspésie, qui a duré 36 mois. Après deux ans, les 12 travailleurs de remplacement ont demandé leur accréditation syndicale. Alors, on voit bien qu'il n'y a pas d'équilibre et que les intrus forment une sous-catégorie de travailleurs. En effet, les 12 travailleurs de remplacement n'ont jamais obtenu leur accréditation syndicale, alors que normalement, ceux qui travaillent pendant deux ans à un même endroit peuvent l'obtenir. Donc, cette situation n'est pas normale.
    Vous dites également qu'on n'a pas beaucoup de temps pour étudier le projet de loi. Il reste tout de même que des projets de loi du même type ont été déposés au Parlement depuis 1990. Le Bloc québécois en a déposé 10. Le dernier a été déposé le 4 mai dernier. Tout le monde a eu largement le temps de faire des annonces publicitaires, d'en discuter, d'en débattre et de prendre part au débat. En outre, cette loi s'appuie sur 30 ans d'expérience.
(1125)
    À ce sujet, madame Bourque, j'aimerais beaucoup que vous nous parliez des impacts à long terme d'une loi antibriseurs de grève.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    En effet, mon syndicat vient d'être confronté au recours à des briseurs de grève dans deux de nos grèves. Quand les employeurs emploient des scabs pour briser des grèves, cela peut avoir des effets désastreux sur les relations de travail à long terme. Il faut des décennies pour que les syndicats et les employeurs se remettent de ce genre de conflits. Il est toujours difficile pour les syndicats et les employeurs de rétablir leurs relations après une grève ou une négociation difficile, mais c'est particulièrement difficile lorsque l'employeur a fait appel à des scabs, à cause de l'intensité du conflit, de la violence potentielle ou réelle sur les lignes de piquetage et du ressentiment qu'éprouvent les uns et les autres après le retour au travail. La dernière fois que les employeurs ont embauché des scabs dans une de nos grèves remonte à 1991 et il nous a fallu au moins 10 ans pour nous en remettre et pour rétablir de bonnes relations de travail dans cette organisation.
(1130)
    Le temps est écoulé.
    Merci, madame Bourque.
    Madame Hughes Anthony, avez-vous une courte réponse à donner?

[Français]

    Je veux simplement signaler à Mme Lavallée que dans notre présentation, aux pages 6 et 7, on cite des chiffres qui établissent la différence entre la situation au Québec et la situation des industries qui relèvent de la compétence fédérale. C'est peut-être quelque chose que vous pouvez regarder.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je tiens à signaler que la confusion vient en partie de la différence entre la traduction, en français, du paragraphe (2.4) et la version anglaise. Le comité devra y réfléchir, puisque la version française ne fait pas référence au paragraphe (2.2). C'est une chose qu'il nous faudra régler. Je sais que cela a semé un peu la confusion.

[Français]

    Alors, nous avions raison tous les deux. Mais j'ai davantage raison parce que le projet a été rédigé en français.

[Traduction]

    Bien entendu, merci pour vos observations.
    Nous passons maintenant à M. Hiebert, qui aura sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Avant de passer à mes questions et commentaires, j'aimerais signaler deux choses. Premièrement, Mme Lavallée a fait allusion au fait que le projet de loi avait été déposé à 10 reprises. S'il n'a pas été adopté les 10 fois, c'est peut-être parce qu'il y a une bonne raison. S'il n'a pu être adopté après un certain nombre de fois, c'est peut-être parce que cette mesure législative comporte des failles importantes.
    Ensuite, pendant nos discussions, pour le temps qu'il nous reste, je préférerais qu'on parle de travailleurs de remplacement et non de « scabs » puisque ce terme ne figure pas dans le projet de loi et a une connotation péjorative. C'est un terme déshumanisant qui ne devrait pas être de mise dans cette discussion.
    Je veux en parler dans le contexte global, vu d'en haut.
    J'écoute depuis quelque temps les témoignages et j'entends les syndicats dire que l'avantage de ce projet de loi, c'est une harmonie accrue et une réduction de la violence. Pourtant, les statistiques qu'on nous présente disent pour la plupart le contraire: l'harmonie ne sera pas plus répandue dans le milieu des relations de travail. Au contraire, tout tend à prouver qu'il y aura davantage d'arrêts de travail et de grèves si ce projet de loi est adopté.
    Au sujet de la violence, l'un des témoins précédents a dit que nous avions passé ce stade, et que la violence n'était plus un problème.
    J'ai donc bien du mal à comprendre les raisons du dépôt de ce projet de loi et les raisons pour lesquelles certains groupes l'appuient si fermement quand tout prouve qu'ils ont tort.
    Par ailleurs, les gens nous disent souvent, notamment dans leurs témoignages ici, que l'adoption de ce projet de loi aurait des conséquences désastreuses, tant au niveau national qu'international.
    Les services essentiels pourraient être compromis. Nous parlons des services d'urgence, nous parlons de l'accès à des collectivités isolées, comme le disait le témoin précédent et nous parlons du transport d'aliments. Les lignes aériennes et toutes sortes d'autres entreprises seraient à risque. Les conséquences semblent énormes.
    Bien entendu, de l'autre côté, les syndicats nous disent qu'il s'agit d'exagération et que ces déclarations sont irréalistes.
    Il me semble qu'il y a ne serait-ce qu'une faible possibilité que ces conséquences soient avérées et il faut y réfléchir très sérieusement. J'ai bien du mal à faire fi de ces déclarations.
    N'oublions pas non plus les conséquences possibles sur la compétitivité. Des témoins nous ont dit que si le projet de loi était adopté, ils ne seraient plus aussi compétitifs face à leurs concurrents américains et mexicains.
    Cela aura un effet marqué sur l'investissement. Avec la mondialisation de l'économie, les investisseurs cherchent partout dans le monde les pays où ils investiront. Nous voulons que le Canada demeure compétitif dans le secteur des affaires. Or, on nous a dit à maintes reprises que cela nuirait à la compétitivité.
    Enfin, tout récemment, M. McDermott et d'autres ont dit que l'adoption de ce projet de loi nuirait au fragile équilibre obtenu après des années dans le cadre des relations entre le gouvernement, les syndicats et les entreprises. Ce serait une incitation à des mesures de représailles et à un retour du balancier dans les relations de travail.
    Cela étant dit, je veux savoir si les témoins pensent que c'est vrai. Ai-je bien compris les avantages et les conséquences possibles de ce projet de loi, dans le contexte qu'il fallait? Avant d'aller de l'avant, je veux m'assurer que nous avons bien compris.
    Madame Nancy Hughes Anthony ou monsieur McDermott, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
(1135)
    Je vais tenter une réponse.
    Je suis d'accord avec ce que vous dites, monsieur Hiebert. Certains pourraient dire que ça ne touche que les entreprises relevant de la loi fédérale. Ce n'est pas le cas. Si ces entreprises sont régies ainsi, ce n'est pas sans raison. Mme Lavallée parle de la Société des alcools du Québec, mais nous ne parlons pas de cela; nous parlons des entreprises qui offrent le genre de services cadres dont les Canadiens dépendent.
    Les autres pays nous regardent et se disent « Voici un pays qui sait ce qu'il fait ». Nous ne parlons donc pas seulement de perturbation sociale; il s'agit aussi d'une importante loi cadre qu'on ne peut pas simplement changer du jour au lendemain, parce que le monde nous regarde.
    Je suis très préoccupée par les perturbations de l'ordre social et du commerce, par l'effet domino que ça pourrait avoir pour tous les fournisseurs qui offrent des services aux entreprises qui relèvent de la loi fédérale. Et comme je l'ai dit, ce n'est pas de bon augure non seulement pour les Canadiens, mais également pour le reste du monde.
    Allons-nous convoquer le Parlement toutes les fois que l'un de ces problèmes surgit? Parce que c'est ce qui arrivera, et, avec tout le respect que je dois aux députés du Parlement et de votre comité, c'est une solution extrêmement inefficace aux problèmes.
    Vous êtes donc d'accord avec mon sommaire?
    Monsieur McDermott.
    Pour ce qui est de la question de retour du pendule, je crois que l'expérience de l'Ontario est un exemple classique. Il y a toutefois un risque. Dans le cas des amendements de l'ancien premier ministre Rae, les deux parties n'ont simplement pas participé suffisamment au processus.
    Je peux vous renvoyer à un article issu de la 16e Conférence commémorative Sefton, donnée à l'Université de Toronto par Kevin Burkett, un arbitre neutre et respecté qui travaille toujours en Ontario. Lors de cette conférence, dont le texte a été publié en 1998, il a traité de cette question en détail. Ça vaut la peine d'y jeter un coup d'oeil. Je peux vous donner la référence plus tard, si vous le voulez.
    Le gouvernement de M. Rae est intervenu et a présenté un projet de loi partial. On a entamé un semblant de processus de consultation, et M. Burkett a refusé d'agir à titre de président. Le gouvernement a transmis une liste; il n'y avait pas place à la consultation. Lorsque le premier ministre Harris a été élu, il a fait volte-face. Il a même irrité le patronat tellement son changement de cap était important.
    On peut donc toujours prévoir des problèmes si on ne tente pas d'inclure les parties patronales et syndicales et de les rapprocher autant que possible. C'est en fait ce qu'a fait Sims à plusieurs égards, parce qu'il s'est concentré sur les pratiques déloyales de travail que constitue le recours aux travailleurs de remplacement dans le but de briser le syndicat.
    Voilà la principale lacune, que...
    Monsieur Hiebert, je suis désolé, c'est tout le temps que nous avons. Les sept minutes sont écoulées. Nous allons passer au tour suivant.
    Monsieur D'Amours, vous avez sept minutes.

[Français]

[Traduction]

    Avez-vous dit sept minutes? Merci beaucoup.
    Non, je me suis trompé. Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
     Avant de poser mes questions, j'aimerais faire un commentaire.
    J'ai hâte de voir comment mes collègues conservateurs vont voter aujourd'hui sur le projet de loi qui vise à refaire l'étude d'une loi qui a été adoptée par le Parlement lors de la législature précédente. On verra s'ils sont cohérents et de quelle façon ils voteront.
    Qu'il y ait eu 10 ou 25 projets de loi sur les travailleurs de remplacement, si on suit leur logique, il ne faudrait pas, après le vote d'aujourd'hui, rouvrir le projet de loi. Donc, j'ai hâte de voir si mes collègues d'en face vont suivre leur logique, s'ils vont faire ce qu'ils ont dit qu'ils feraient.
    Ma question s'adresse à madame Hughes Anthony. J'ai écouté votre présentation et j'ai lu votre document, pour être certain d'avoir bien compris. Lorsque je vote à la Chambre, ma décision est basée sur des faits. Or, je n'aime pas quand on essaie de distordre les faits.
    Avez-vous lu la loi en entier, avant votre présentation d'aujourd'hui?
(1140)
    Le projet de loi...
    Non, la loi au complet et le projet de loi.
    J'ai lu attentivement le projet de loi, évidemment.
    D'accord. Avez-vous lu la loi?
    Je pense que mon collègue M. McKinstry est assez conscient des détails contenus dans la loi.
    D'accord.
    Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous parlez du service d'urgence 911 dans votre présentation, alors que ce service est de compétence provinciale?
    Également — mon collègue en a parlé tout à l'heure, et ce sont des choses qui me dérangent —, la loi actuelle et le projet de loi ne retranchent pas les articles se rapportant aux services d'urgence et aux services essentiels.
    Alors, pourquoi avez-vous dit dans votre présentation qu'ils allaient être affectés? Pourquoi dites-vous cela, alors qu'il n'y aura aucun impact sur les services d'urgence, la livraison des biens et les services essentiels? Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous avez dit cela alors que le projet de loi n'affecte pas ces services?

[Traduction]

    Monsieur le président, j'aimerais revenir au libellé que nous proposons pour le paragraphe 94(2.4) et le fait qu'une entreprise, par exemple une entreprise de télécommunications, ne peut pas continuer à livrer des biens et services. Le réseau ne fonctionnerait donc plus, en théorie, pour assurer les services d'urgence. Si l'entreprise ne fonctionne plus, ces services ne sont pas fournis.

[Français]

    Oui, je comprends.
    Madame Hughes Anthony, je veux seulement qu'on se comprenne.
    L'alinéa (2.1)c) proposé dans le projet de loi fait en sorte de respecter l'article 87.4 de la loi, qui se rapporte aux services d'urgence. Cet article n'est pas modifié. Son alinéa se lit comme suit:
    
    87.4 (1) Au cours d’une grève ou d’un lock-out non interdits par la présente partie, l’employeur, le syndicat et les employés de l’unité de négociation sont tenus de maintenir certaines activités — prestation de services, fonctionnement d’installations ou production d’articles — dans la mesure nécessaire pour prévenir des risques imminents et graves pour la sécurité ou la santé du public.
    Pour que ce soit bien clair, s'agit-il de mesures soi-disant de conservation qui sont citées au paragraphe (2.4)? Parce que je dois dire...
    Nous ne parlons pas de conservation, nous parlons de maintenir certaines activités. Or, les activités, ce sont des biens ou des services. Il ne s'agit donc pas de maintenir les équipements ou les bâtisses. Il s'agit d'être en mesure d'assurer la prestation de services. Madame Hughes, l'article 87.4 de la loi dit qu'on doit continuer à assurer la prestation de services dans les cas d'urgence.
    Si les services sont maintenus en cas d'urgence, pourquoi dites-vous qu'en pareil cas, les gens seront touchés? Pourquoi essayez-vous de transmettre un message? Je vais faire attention à mes mots, mais pourquoi ce message est-il véhiculé alors que ce n'est pas ce qui est écrit dans la loi actuelle? Je ne parle pas du projet de loi, mais de la loi actuelle. De plus, il y a une protection, dans le projet de loi, relative à la loi actuelle et à cet article.

[Traduction]

    Mon interprétation du paragraphe 2.4 du projet de loi est différente de celle du député. On y interdit le maintien de la production de biens et services, et c'est la raison des commentaires que j'ai formulés. Si je me trompe ou si le comité propose des amendements, je n'aurai plus d'objections.
    Monsieur D'Amours, votre temps est écoulé.

[Français]

    Je vais le relire: « [...] le syndicat et les employés de l'unité de négociation sont tenus de maintenir certaines activités — prestation de services, fonctionnement d'installation ou production d'articles — [...] ». Or, la production d'articles ne consiste pas simplement à laisser les lumières allumées, mais à produire des articles.

[Traduction]

    Merci, monsieur D'Amours.
    Nous passons maintenant à M. Lessard qui a cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président. Je vous remercie également d'être ici ce matin, d'apporter votre contribution.
    Je vais également m'adresser à vous, madame Hughes. Je ne parlerai pas de statistiques, mais je vais essayer de cerner votre intention réelle par rapport à ce projet de loi. Vous dites que vous représentez 170  000 entreprises et que vous regroupez également 350 chambres affiliées. Cela représente beaucoup de personnes.
    Madame Hughes, de toutes ces entreprises, combien sont syndiquées?
(1145)
    Je ne connais pas exactement le pourcentage d'entreprises syndiquées.
    Sont-elles toutes des entreprises relevant de la compétence canadienne en ce qui concerne le Code canadien du travail?
    Évidemment, elles sont régies par les lois du Canada, lorsqu'elles sont au Canada.
    Ces entreprises ont-elles des activités pancanadiennes? Certaines de ces entreprises ont-elles seulement des activités provinciales, couvertes par un code du travail provincial?
    Absolument. Parmi nos membres, beaucoup de compagnies sont pancanadiennes; d'autres fonctionnent à l'échelle locale, dans une municipalité, une région. Il y en a beaucoup.
    Combien y en a-t-il? Êtes-vous en mesure de nous dire cela? Combien relèvent strictement de la compétence provinciale?
    Je ne peux pas vous donner le nombre exact.
    Vous ne pouvez pas le dire.
    Vous avez manifesté, comme d'autres intervenants avant vous, un souci de l'équilibre. Vous savez qu'en matière de relations de travail, il existe également le souci de démocratie. Vous êtes intervenue relativement à tout ce qui entoure le caractère secret du vote. Ainsi, toute notre société repose sur des relations qui sont, selon moi, guidées par la démocratie, ce qui fait que tout s'appuie sur un rapport de forces, y compris la Chambre des communes et dans les assemblées provinciales, où il y a le gouvernement et l'opposition, de même que les tribunaux, où il y a un procureur de la Couronne et un avocat de la défense, etc. Chaque partie essaie de faire valoir les meilleurs arguments, qui vont primer.
    Or, la même dynamique existe sur le plan des relations de travail. Je crois que vous l'admettrez avec moi. L'employeur a ses prétentions, et le syndicat a ses prétentions.
    Lorsqu'on a le souci de l'équilibre et que la partie est en cours, par exemple une négociation, êtes-vous d'opinion que le fait de faire intervenir un tiers afin d'appuyer un des joueurs aide à conserver l'équilibre?
    Écoutez, monsieur Lessard, cela peut être utile dans certaines circonstances et ne pas l'être dans d'autres. J'insiste simplement sur le fait que le Code canadien du travail, dans le moment, permet ce recours. Toutefois, tel que mentionné par M. McDermott et par d'autres, il y a des restrictions qui visent à assurer que ce pouvoir ne soit pas utilisé de façon abusive. Je suis d'avis que l'équilibre dans le code actuel est juste, et c'est l'opinion que j'ai exprimée aujourd'hui.
    Cela peut-il vous aider, si je vous réfère à votre rapport, au mémoire que vous avez présenté ici, ce matin. Je l'ai lu en diagonale. Cela pourrait vous aider. Par exemple, vous dites que le projet de loi C-257 aurait un impact négatif sur les travailleurs. Donc, la meilleure façon d'assurer l'équilibre serait de permettre à une entreprise de rester en activité durant une grève.
    Est-ce bien ça, l'équilibre?
    On parle ici des compagnies qui relèvent du gouvernement fédéral. Ce n'est pas comme la Société des alcools. Je le dis avec respect.
    Alors, je pense que pour avoir un équilibre, il faut donner aux dirigeants de la compagnie suffisamment de pouvoir, s'ils le jugent nécessaire, pour qu'ils puissent poursuivre certaines activités pour le bien des Canadiens.
    Vous en parlez à la page 4 de votre mémoire, et je comprends bien cela.
    Avançons-nous un peu plus loin. Puisqu'il est question d'équilibre et de rapport de force, je vais illustrer mon propos. Dans différentes compétitions, par exemple la lutte, la boxe ou le hockey, il y a deux parties, donc, deux équipes. C'est la même chose en négociation. Comment un rapport de force serait-il jugé par la population?
    Prenons un exemple. Une partie de hockey est en train de se dérouler et une des deux équipes a le droit de doubler le nombre de ses joueurs. Seriez-vous d'accord pour dire que le public huerait cette équipe? Il ne serait pas d'accord. Je ne dis pas ça pour vous mettre en boite ou pour vous créer des embêtements, j'essaie seulement de comprendre votre logique.
    Prenons un autre exemple. Vous êtes en train de regarder un match de boxe. Personnellement, je trouve que c'est violent, mais peu importe, c'est permis. Si, à un certain moment au cours du combat, un des deux boxeurs a le droit de se faire aider par un autre, trouvez-vous que cela se tient?
(1150)

[Traduction]

    Monsieur Lessard, votre temps est écoulé, mais nous allons écouter une brève réponse de Mme Hughes Anthony.
    Je ne voudrais en aucun cas comparer les relations de travail à un match de boxe.
    Je l'ai déjà dit, je crois qu'il existe des dispositions dans le Code canadien du travail Il y a un recours possible devant le Conseil canadien des relations industrielles, qui existe précisément pour ce genre de plaintes ou pour écouter ceux qui croient avoir été traités injustement. À mon avis, il existe donc un recours.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant au dernier intervenant. Madame Yelich, vous avez cinq minutes.
    Parlons des petites entreprises, dont beaucoup se sont adressées à moi.
    À votre avis, les petites entreprises seront-elles touchées d'une manière disproportionnée par ce projet de loi?
    Quelqu'un de ma circonscription me dit qu'il veut vraiment que je vote contre le projet de loi C-257, que le principal problème pour les petites entreprises, ce sont les relations de travail et les syndicats qui sont favorisés et qui ont déjà le pouvoir législatif de fermer les portes d'une entreprise ou de nuire sérieusement à ses activités.
    Et je ne parle que d'une personne. Je sais que vous en représentez 170 000, et je n'ose imaginer combien de personnes vous représenteriez en cas de fermeture dans un domaine de compétence fédérale.
    Je pense que c'est ce qui manque dans les arguments des bloquistes. On parle toujours d'une société des alcools de cette province. Il ne s'agit pas de bloquer tout le pays, puisque dans ce cas, on pouvait traverser la frontière pour s'approvisionner en Ontario, je pense. Je trouve que ce n'est pas une raison valable et que ce n'est pas un argument qui veut dire que cela bloque l'économie.
    J'aimerais savoir ce que vous avez à dire au sujet des craintes, du climat. Je pense que de bonnes entreprises peuvent garder de bons employés, qu'il y a moyen d'avoir de bonnes relations avec ses employés. Je peux citer nombre d'entreprises de ma circonscription qui sont syndiquées et qui n'ont pas connu de grèves depuis de nombreuses années. À une époque, c'était des sociétés d'État, c'était un service public, et maintenant les choses se passent très bien.
    Je veux savoir si cela créerait aussi un climat hostile, plutôt qu'un climat propice.
    Oui, je pense comme vous.
    Revenons aux raisons pour lesquelles certains secteurs sont de régie fédérale. C'est parce qu'ils sont si importants pour l'ensemble des services auxquels s'attendent les Canadiens et que de petites entreprises en dépendent. Qu'il s'agisse du camionnage interprovincial, des services ferroviaires, des services portuaires ou des lignes aériennes, des millions d'entreprises et de citoyens canadiens dépendent de leur bonne gestion, et de leur respect des horaires.
    Cela a un effet considérable, non seulement sur les citoyens, dont certains ne pourront aller se procurer des couches ce jour-là parce qu'elles ne sont pas arrivées, mais aussi sur le commerce lui-même, qui n'aura rien à vendre parce que les marchandises ne sont pas arrivées à cause de la grève d'un secteur. Je pense comme vous que cela a un effet très dommageable pour les petites entreprises qui sont à la base même de notre économie.
    Mais qu'en est-il des investissements? Beaucoup des groupes que vous représentez nous ont parlé de l'effet possible sur la compétitivité, sur les investissements. Pensez-vous qu'une telle loi décourage l'investissement dans les pays où elle fait partie de la législation des relations de travail?
    Les investisseurs étrangers, quand ils songent à investir dans un pays, que ce soit le Canada, les États-Unis, la Suède ou Singapour, tiennent compte de certains facteurs. Quel est le régime fiscal? Quel est le régime réglementaire? Comment se passent les relations de travail? Combien de journées de travail ont été perdues à cause de grèves? Quelle est la situation et puis-je fonctionner facilement dans cet environnement? Le système est-il juste et équilibré?
    Les Canadiens veulent un système équilibré mais ils veulent aussi certainement montrer au monde leur compétitivité. Nous avons ici un système équilibré qui est juste pour tous. À mon avis, le système actuel est juste et équilibré.
(1155)
    Pourquoi pensez-vous que les provinces n'adoptent pas toutes ce régime? Nous savons que des lois semblables existent dans deux provinces, mais il doit y avoir une raison pour laquelle les autres provinces n'ont pas emboîté le pas. Qu'en pensez-vous?
    Dans mon mémoire, je présente des statistiques qui démontrent qu'au Québec, cela n'a pas amélioré le compte du nombre de jours perdus ni la longueur des arrêts de travail. Je pense que vous avez aujourd'hui un autre témoin du Conseil du patronat du Québec qui pourra vous en dire davantage sur la situation de cette province. Je pense que les autres provinces ont observé la situation, l'ont comparée à la leur et se sont dit que ce n'était pas la solution.
    Je pose la question à Deborah Bourque qui a contesté les statistiques de M. Whyte. Je pense qu'on peut dire que vous avez bien compris, en termes de dollars, mais que ce qui est injuste, c'est que vous ne compreniez peut-être pas combien de... Est-ce qu'on peut mesurer en dollars les effets de la fermeture de Postes Canada? Il faut trouver une autre solution...
    Pour moi, le courrier est essentiel. Dans ma province, il y a eu des réductions de service postal et des décisions qui nous ont stressés indûment. Je ne sais pas si l'on peut traduire cela en statistiques. Pouvez-vous comprendre l'effet sur les entreprises, comme celle de la personne qui m'a écrit. Ce n'est même pas de Postes Canada qu'il parlait. Il parlait d'un service dont il dépend pour beaucoup de chose essentielles, pour l'approvisionnement et pour l'expédition.
    Madame Bourque, je vous demande une réponse courte puisque le temps accordé est largement dépassé.
    Je voulais simplement dire que la FCEI joue avec les chiffres et qu'il faut se méfier de ceux qu'elle présente. Nous comprenons l'incidence d'une grève postale sur les collectivités, les entreprises et les particuliers et c'est la raison pour laquelle nous prenons au sérieux le droit de grève. Au cours des 15 dernières années, il y a eu une grève aux Postes. Nous sommes actuellement à négocier une convention collective et nous avons pour objectif d'en venir à une entente sans recourir à la grève. Nous comprenons l'importance de ces services pour le milieu des affaires.
    On comprend facilement que si les employeurs peuvent recourir à des travailleurs de remplacement, l'effet d'une grève sur eux est diminué, ce qui risque de prolonger les grèves et le courrier ne sera pas livré par les travailleurs de remplacement. Nous avons eu deux exemples où on a essayé de faire circuler le courrier avec des travailleurs de remplacement, et cela n'a pas marché. Il n'est pas dans l'intérêt des entreprises de faire durer les grèves à Postes Canada, du simple fait qu'il n'y a pas d'incidence économique.
    Merci.
    Je suis désolé, madame Yelich, votre temps est écoulé depuis longtemps.
    J'aimerais bien ajouter une chose. Je suis étonné que les députés ne vous aient pas davantage parlé du processus, monsieur McDermott. J'en ai parlé un peu au début.
    Vous avez parlé de 18 mois. Je pense qu'au moyen d'experts, en quatre ans... Je me rends compte qu'il y a peut-être deux ans. Nous ne sommes que des députés qui essaient de comprendre une mesure législative, et non des experts.
    Monsieur McDermott, un dernier mot au sujet du processus et de l'importance d'écouter des témoins qui ont l'expertise nécessaire, afin de trouver la solution équilibrée qui convient pour aller de l'avant. Un dernier mot.

[Français]

    Votre observation est très pertinente, monsieur le président, et je pense qu'il ne faut pas se priver de cette expertise. On pourra peut-être convenir entre nous de prendre le temps d'entendre un ou deux autres experts. Il y a une personne à laquelle on a fait souvent allusion ici. Il s'agit de Me Rodrigue Blouin, qui, au Québec, est une sommité en matière de relations de travail. Je pense qu'il faudrait peut-être examiner entre nous la possibilité de l'entendre. Il faudra en convenir entre nous, mais je considère très opportune votre observation.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Coderre, vous avez la parole.

[Français]

    Je pense également que ce serait important parce qu'on va recevoir un autre groupe de témoins plus tard. On a entendu le point de vue syndical et le point de vue patronal. On a entendu des arguments, nécessairement, mais je pense que le témoignage de M. McDermott, et peut-être ceux de M. Simms et de M. Blouin, seraient utiles, en autant que M. McDermott puisse revenir la semaine prochaine.
    Je pense qu'on est parvenus à une étape où on va avoir besoin d'un overview de l'impact d'une modification à tel ou tel article, en s'appuyant sur des expertises. On ne veut pas réinventer le groupe de travail, mais il faut vraiment se concentrer sur l'impact, notamment, de la question des services essentiels, sur sa définition.
    Je reviens un peu à ce que mon ami D'Amours a dit tout à l'heure. On n'en est pas à se demander si on est pour ou contre les travailleurs de remplacement. Dans notre cas, c'est clair. Ce qui est important pour nous, c'est de nous assurer des tenants et des aboutissants en ce qui concerne le Code canadien du travail et d'obtenir une expertise au sujet de la définition même de ce qu'on entend par services essentiels.
    Vous avez déjà entendu notre point de vue, madame Hughes, au sujet du paragraphe (2.4), qui traite de la production de biens et services. Je pense qu'on est parvenus à une autre étape.
    Monsieur McDermott, si vous êtes disponible, on aimerait bien vous entendre de nouveau la semaine prochaine, avec d'autres experts, pour tenir une discussion après avoir entendu, cette semaine, le point de vue des deux parties les plus concernées. Il faut penser aussi aux citoyens et avoir un overview de la question à l'aide de gens qui ont une expertise. Je ferai une proposition à cet effet tout à l'heure.
(1200)

[Traduction]

    Bien, merci beaucoup.
    Une fois encore, je remercie les témoins qui sont venus aujourd'hui.
    La séance est levée.