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La séance est ouverte. Membres du comité et invités, bonjour.
Conformément à l'ordre de renvoi du lundi 14 mai 2007, nous sommes réunis pour étudier le projet de loi , Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne les entités de placement étrangères et les fiducies non-résidentes ainsi que l'expression bijuridique de certaines dispositions de cette loi, et des lois connexes.
Comparaît ce matin notre collègue, l', secrétaire parlementaire du ministre des Finances.
Je mets en délibération l'article 1.
Diane, avez-vous quelques remarques liminaires à nous faire?
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Oui, monsieur le président. Merci beaucoup.
Bonjour à mes collègues, qui vont sans aucun doute être suspendus à mes lèvres.
J'aimerais juste dire quelques mots pour situer en contexte ce projet de loi. J'espère que mes collègues trouveront ces précisions utiles.
Le projet de loi introduit certaines mesures fiscales et modifications de la Loi de l'impôt sur le revenu. Plus précisément, il propose des mesures concernant l'imposition des fiducies non-résidentes et des entités de placement étrangères, aussi connues sous les sigles FNR et EPE. Il contient également un certain nombre de modifications techniques à la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le projet de loi dont le comité est saisi aujourd'hui vise à renforcer notre régime fiscal en garantissant son équité et son intégrité.
Premièrement, pour ce qui est des fiducies non-résidentes et des entités de placement étrangères, les mesures contenues dans le projet de loi sont destinées à prévenir le report et l'évitement d'impôt par le recours à des entités de placement étrangères et des fiducies non-résidentes. Je pense que cela nous intéressera tous au sein de ce comité, car nous étudions précisément toute cette problématique.
Les activités de cette nature ont beaucoup diminué ces dernières années, mais le projet de loi fera en sorte que si quelqu'un cherche à éviter de payer des impôts en faisant des placements à l'étranger, tout revenu généré par ces placements sera imposé comme s'il avait été gagné au Canada. Pour cela, le projet de loi propose de modifier les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu portant sur l'imposition du revenu provenant de fiducies non-résidentes et d'entités de placement étrangères, deux instruments de placement auxquels les contribuables canadiens ont parfois recours.
Je tiens à mentionner que les modifications figurant dans le projet de loi ont été élaborées en concertation avec des fiscalistes-conseils professionnels, les autorités fiscales et les contribuables eux-mêmes. Ces modifications répondent aussi directement aux préoccupations exprimées par le vérificateur général.
Ces propositions ont été publiées sous forme d'avant-projet de loi en juin 2005, il y a presque deux ans maintenant, ce qui a donné amplement de temps à tous les intéressés de faire connaître leur avis. Ces dispositions ne vont donc prendre personne par surprise.
Les changements sont importants et nécessaires pour une excellente raison, qui tient à l'équité de notre régime fiscal. Comme vous le savez, en temps normal, le Canada assujettit à l'impôt uniquement le revenu de provenance canadienne dans le cas des contribuables qui ne résident pas au Canada. Cela peut inciter les résidents canadiens à gagner un revenu de placement en ayant recours à des fiducies non-résidentes et à des entités de placement étrangères situées dans un pays qui n'applique pas d'impôt ou dont les taux d'imposition sont bas. En d'autres termes, les résidents du Canada qui utilisent de tels instruments de placement pour gagner un revenu pourraient être à même de reporter indûment ou même d'éviter carrément le paiement des impôts canadiens.
Monsieur le président, notre régime fiscal ne sera pas concurrentiel s'il donne à des contribuables canadiens un moyen de ne pas payer leur juste part d'impôts. Non seulement cela occasionne-t-il une érosion de l'assiette fiscale canadienne, mais cela engendre aussi des injustices qui portent atteintes à l'intégrité de notre régime fiscal. Et bien entendu, lorsque d'aucuns se soustraient à l'impôt, les autres contribuables doivent payer davantage pour financer les programmes publics auxquels tiennent les Canadiens.
Tout compte fait, monsieur le président, les changements contenus dans le projet de loi établiront un terrain de jeu égal. Ils permettront aux instruments de placement canadiens de lutter à armes égales avec la concurrence étrangère dans ce domaine.
Pour parler brièvement des amendements techniques, comme je l'ai mentionné au début, le projet de loi contient également un certain nombre de modifications techniques de la Loi de l'impôt sur le revenu qui sont principalement des mesures administratives. Ces modifications ont pour but de rectifier ou de préciser l'application de dispositions fiscales existantes, ou encore de mettre en oeuvre des mesures déjà annoncées par ce gouvernement et le gouvernement précédent, et règlent aussi d'autres situations fiscales qui nécessitent la prise de mesures législatives.
Les projets de loi apportant des modifications fiscales techniques sont chose assez courante. Il en arrive tous les deux à trois ans et ils servent à apporter de petits changements qui, typiquement, précisent les dispositions de la loi de façon à mieux les aligner sur les objectifs. La plupart de ces changements sont recommandés par les fiscalistes qui détectent les adaptations nécessaires.
Ces changements ne sont pas litigieux. La plupart apportent des allègements et quelques-uns sont neutres. Ils portent sur des points tels que l'élargissement des options de transfert de REER après le décès du parent ou conjoint d'une personne ayant une déficience mentale. Un autre exemple est l'exonération fiscale de sociétés appartenant à des municipalités ou des organes publics exerçant une fonction gouvernementale.
Avant de répondre à vos questions, je réitère que le but de ce projet de loi est d'améliorer l'équité et l'intégrité de notre régime fiscal.
Je serais maintenant ravie de répondre aux questions des membres du comité sur le projet de loi . Je suis heureuse d'être entourée des meilleurs et des plus compétents fonctionnaires de Finances Canada, M. Lalonde et M. Conway.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Madame Ablonczy, dans vos notes de présentation sur le chapitre Fiducies non-résidentes et entités de placement étrangères, vous dites, en parlant du projet de loi:
Les mesures qu'il contient visent plutôt à prévenir les manoeuvres de report de l'impôt et d'évitement fiscal faisant appel à des entités de placement étrangères et à des fiducies non-résidentes.
Les activités de cette nature ont beaucoup diminué ces dernières années. Le projet de loi fera en sorte que si quelqu'un cherche à éviter de payer de l'impôt en faisant des placements à l'étranger, tout revenu généré par ces placements sera imposé comme s'il avait été gagné au Canada.
Est-ce que vous, ou les experts, pouvez nous dire de quel ordre a été la diminution des activités de ce type au cours des dernières années? Vous nous dites qu'on utilise beaucoup ce moyen. J'aimerais voir si vous avez un ordre de grandeur de la diminution de cette brèche qui démontrerait qu'elle a été colmatée en partie ou en totalité.
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Comme je l'ai mentionné, le vérificateur général a exprimé des préoccupations au sujet de ce type d'évitement fiscal. Les mesures contenues dans le projet de loi sont dans une large mesure notre réponse. La raison d'être de ces inquiétudes, bien entendu, est que si certains Canadiens peuvent se réfugier dans les paradis fiscaux ou se soustraire en partie à l'impôt, les autres contribuables vont devoir combler le manque à gagner. Nous bénéficions tous des mêmes services, mais si certains seulement en payent le coût et que d'autres se défilent, alors vous imposez un fardeau injuste à ceux qui n'ont pas structuré leurs affaires de manière à éviter l'impôt. C'est donc important sur le plan de l'équité fiscale.
En outre, lorsque nous parvenons à la justice fiscale, c'est-à-dire lorsque chacun paie ce qu'il doit — ni plus ni moins, bien entendu, comme l'affirme maintenant la Charte des droits des contribuables — nous pouvons commencer à accorder des allègements à tout le monde. Par exemple, dans notre plan de justice fiscale, nous avons pu accroître de 1 000 $ par an le crédit de personne âgée; cela fait 1 000 $ de plus. Nous avons pu introduire le fractionnement du revenu de pension pour les retraités. Nous avons pu réduire d'un autre demi pourcent le taux d'imposition des sociétés.
Voilà le genre de choses que nous pouvons faire pour tout le monde une fois que nous percevons tous les revenus fiscaux qui sont dus au gouvernement et qui sont parfois indûment mis à l'abri par ce genre de mécanisme.
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Je peux répondre un peu plus rapidement à cette question car je me souviens des circonstances particulières.
La Cour canadienne de l'impôt, dans une affaire appelée Otineka — le vrai titre est bien plus long que cela, mais on la désigne en bref par le nom Otineka — jugée en 1994 a conclu qu'une municipalité, lorsqu'il s'agit de déterminer si une filiale à part entière d'une municipalité peut être exonérée d'impôt... La cour a tranché qu'une municipalité pouvait être jugée exempte ou non selon les fonctions remplies par l'entité considérée. En l'occurrence, il s'agissait d'une bande indienne et la question était de savoir si elle répondait à la définition d'une municipalité et pouvait de ce fait avoir des sociétés municipales exonérées d'impôt.
La Loi de l'impôt sur le revenu a été administrée sur cette base pendant quelque temps, jusqu'à ce qu'un autre jugement soit rendu, Tawich Development Corporation c. sous-ministre du Revenu du Québec, qui a tiré une conclusion contraire. De ce fait, nous avions à partir de là une situation où certaines municipalités ou entités qui s'estimaient être des municipalités — des bandes indiennes ou autres qui étaient traitées comme des municipalités sur la base des fonctions qu'elles remplissaient — n'étaient plus admissibles à l'exonération et, par voie de conséquence, leurs sociétés à part entière ne l'étaient pas non plus.
La modification dans le projet de loi rétablit la situation antérieure de façon à ce que les fonctions exercées par une entité déterminent si elle est une municipalité aux fins de l'exonération fiscale d'une filiale à 100 p. 100 d'une municipalité.
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J'ai beaucoup de questions.
Je vais commencer par dire que le fait qu'il s'agisse ici en très grande partie d'une initiative libérale ne me rassure guère. Au contraire, je suis d'autant plus inquiète.
Mes questions sont en rapport avec la possibilité de régler, au moyen de ce projet de loi, ce que le comité a perçu être un problème majeur et croissant. Nous avons passé beaucoup de temps à parler de paradis fiscaux et d'évitement de l'impôt. Nous sommes maintenant saisis d'un projet de loi et nous avons l'engagement, donné dans le budget, de réaliser une étude à plus long terme de cette question.
Pouvez-vous me donner un exemple concret de ce que ce projet de loi va faire, de l'effet qu'il aura sur l'investissement étranger direct du Canada? Quelles seront les répercussions probables?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais profiter de l'occasion, au nom de tous les membres du comité, pour souhaiter un bon retour de vacances à notre greffière. J'espère qu'elle a beaucoup apprécié son congé. Je ne sais pas si son retour coïncide avec la belle unanimité qu'il y a aujourd'hui au comité. Espérons que cela va durer.
Pour revenir au sujet du jour, j'aurais une question à poser qui ne porte pas tellement sur le projet de loi comme tel, mais sur l'évitement fiscal en général. Lors des séances précédentes de ce comité, des présentations nous ont été faites. On a beaucoup parlé du double dipping. Les membres du comité ont eu l'occasion de voir comment cela fonctionnait et quelles sont les stratégies qui sont utilisées.
Des officiels nous ont aussi parlé de tower structure. Je ne me souviens plus du terme équivalent en français. L'un de vous trois peut-il expliquer un peu quel est ce mécanisme et nous dire comment il permet, sur le plan de la mécanique, à une entreprise de diminuer l'impôt qu'elle doit payer?
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Le risque d'être pris implique qu'il y a évasion fiscale plutôt qu'évitement fiscal, je pense, mais peut-être ai-je mal compris.
Ces dispositions ne portent pas sur l'évasion fiscale. Si vous cachez de l'argent à l'étranger et ne le déclarez pas, cela est déjà contraire à la loi. Ces dispositions ne concernent pas cela. L'Agence du revenu du Canada s'occupe de dépister l'évasion fiscale.
Dans le budget de 2007, nous avons proposé d'autres mesures relatives aux accords d'échange d'information fiscale avec les pays étrangers et les effets de l'absence d'un traité ou accord d'échange d'information fiscale ou AEIF. Ces propositions sont très intéressantes en ce sens qu'elles offrent une carotte, si vous voulez, pour encourager les pays à conclure des AEIF. En substance, ils retirent les mêmes avantages que s'ils avaient conclu un traité fiscal. Par contre, s'ils ne concluent pas d'AEIF, les filiales étrangères de sociétés canadiennes qui font affaires dans ces pays devront déclarer leur revenu au Canada selon une comptabilité d'exercice.