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Bonjour, chers collègues, bienvenue à la 49
e séance de notre comité.
Nous continuons aujourd'hui notre enquête sur le rapport interne du ministère des Affaires étrangères intitulé « Afghanistan 2006: Bonne gouvernance, démocratie et droits de la personne ».
Nous accueillons aujourd'hui, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Lillian Thomsen, directrice générale, Direction générale des services exécutifs, et Jocelyne Sabourin, directrice, Direction de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels.
Bienvenue à nos témoins.
Avant de leur accorder la parole, j'aimerais rappeler aux membres du comité que j'ai reçu, et vous devriez en avoir reçu copie, une lettre du sous-ministre des Affaires étrangères. Je voulais vous rappeler son contenu, que je vais vous résumer.
En gros, il avise le président du comité que le Comité permanent des affaires étrangères et du développement international a adopté une motion exigeant d'obtenir la version intégrale et non censurée du document que nous étudions en ce moment. Il a évidemment refusé de fournir le document, car il estime qu'il doit respecter son interprétation de la Loi sur l'accès à l'information.
J'attire votre attention sur cette lettre, et je pense que nous pouvons en traiter à un autre moment, mais il est évident que les témoins d'aujourd'hui respecteront la consigne de leur sous-ministre relativement à ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas nous fournir comme documents ou comme information au sujet d'une version non censurée du rapport.
Je voulais vous le signaler, parce que les membres du comité voudront peut-être poser certaines questions et pourraient être frustrés des réponses des témoins, mais compte tenu de la lettre du sous-ministre, nous pourrons choisir de nous adresser à lui, ou encore de poser des questions aux témoins prévus pour jeudi, soit le commissaire à l'information et notre légiste, M. Rob Walsh. Jeudi, nous voudrons peut-être demander conseil au légiste sur tout cela. Il y a bien d'autres choses sur lesquelles nous pouvons interroger nos témoins d'aujourd'hui.
Monsieur Martin, avez-vous quelque chose à dire avant que nous ne commencions?
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Je ne crois pas que nous puissions faire autrement. Ma mémoire est aussi bonne que la vôtre, c'est-à-dire que je ne pourrai pas vous répéter mot pour mot les paroles de M. Rob Walsh et même si je pouvais le faire après la séance, je n'aurais pas l'autorité du comité pour le faire, car les autres membres du comité n'étaient pas là et ne l'ont pas entendu. Par conséquent, le comité ne peut pas me demander de procéder de cette façon. J'ai bien peur qu'il ne faille attendre jeudi pour obtenir les conseils du légiste, après quoi nous pourrons prendre une décision.
Évidemment, si le Parlement ajourne, nous pourrions tenir une séance du comité, si vous le souhaitez. Si la session est prorogée, c'est autre chose. Mais cela ne dépendra pas de nous.
Quoi qu'il en soit, il s'agissait de questions d'ordre administratif.
Je m'excuse auprès de nos témoins, je voulais simplement préciser certaines choses. Je vous souhaite la bienvenue, soyez à l'aise, je veux que vous ayez l'impression d'être dans notre salon. Vous avez entendu les membres du comité. Écoutez bien les questions et répondez dans la mesure du possible. Je vais écouter attentivement les questions et les réponses. Si vous avez des questions ou un problème, dites-le, et j'essaierai de rendre une décision, ou de vous conseiller, selon le cas.
Allons-y. Madame Thomsen, je crois que vous avez une déclaration liminaire, n'est-ce pas?
Merci, monsieur le président, et bonjour à tous et toutes. Je suis la directrice générale des Services exécutifs au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui comprend la Direction de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels.
J'ai aujourd'hui à mes côtés Mme Jocelyne Sabourin, qui est directrice de cette direction depuis septembre 2003. Mme Sabourin et moi-même nous réjouissons de l'occasion qui nous est donnée de fournir de l'information au comité permanent ainsi que des éclaircissements concernant le traitement des demandes d'accès à l'information au ministère.
Je vous présenterai d'abord le contexte général et certaines informations sur le sujet, puis nous nous ferons un plaisir de répondre aux questions des membres du comité.
La Loi sur l'accès à l'information et le Règlement d'application énoncent les exigences juridiques relatives au traitement des demandes d'accès à l'information, que le dirigeant de chaque ministère ou organisme gouvernemental est tenu d'appliquer au sein de son organisation. Au ministère, la loi est administrée par la Direction de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. La directrice, Mme Sabourin, en est la coordonnatrice pour le ministère.
Actuellement, la Direction est composée de 17 analystes de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels, qui sont également chargés des demandes en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, ainsi que du personnel de soutien. À ce jour, la Direction traite plus de 500 dossiers d'accès à l'information, ce qui représente plus de 63 000 pages de renseignements à examiner ainsi que 200 autres fichiers, y compris des demandes présentées en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Au cours des dernières années, la conformité globale du ministère à ses obligations en vertu de la Loi sur l'accès à l'information a été régulièrement inférieure aux normes, selon les conclusions du commissaire à l'information, énoncées dans ses « fiches de rendement » et dans son rapport annuel au Parlement. Par suite d'un plan d'action mis en oeuvre en 2006 et avec le soutien du sous-ministre et de la haute direction, le ministère a doublé le nombre de ses employés affectés à la Direction de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels. Il a également obtenu et mis en service une technologie plus récente pour traiter les demandes.
Par suite de ces mesures, on a enregistré une amélioration significative du rendement du ministère. Ainsi, alors qu'en mars 2006, le ministère ne pouvait répondre qu'à 39,1 p. 100 des demandes d'accès à l'information dans le délai réglementaire, au 31 mars 2007, le ministère répondait à 81,3 p. 100 des demandes d'accès à l'information dans le délai prescrit. Le commissaire à l'information a qualifié ce « résultat d'amélioration très importante » du rendement du ministère en vertu de la loi. Ce résultat a été obtenu malgré une augmentation de 30 p. 100 du volume des demandes d'accès à l'information enregistrée au cours de l'année dernière.
[Français]
Monsieur le président, j'aimerais maintenant vous dire quelques mots au sujet du traitement des demandes d'accès à l'information.
Lorsqu'une demande est reçue, un dossier est ouvert et la demande est examinée par les chefs d'équipe de la Direction de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels, qui déterminent à quel analyste leur dossier sera attribué.
Tout d'abord, l'analyste prépare et envoie une lettre d'accusé de réception standard au client. Il détermine ensuite quelle information est requise et s'adresse aux différents bureaux de première responsabilité qu'il a identifiés afin de déterminer s'ils détiennent des dossiers et où ces derniers sont détenus. Lorsque la recherche de documents s'avère laborieuse ou que le nombre de documents est volumineux, la direction informe le client qu'un prolongement du délai normal de 30 jours est requis. Le Commissariat à l'information est également avisé.
Une fois que les documents sont recueillis et que l'on a reçu les renseignements transmis par le bureau de première responsabilité, l'information contenue dans les documents est examinée ligne par ligne par l'analyste qui fait par la suite des recommandations sur les renseignements qui sont admissibles à une exemption ou à une exclusion en vertu de la loi. Le document retouché est ensuite examiné par le chef d'équipe, qui en fait une analyse critique. Une fois que les documents retouchés sont acceptés, un examen final est effectué par le directeur de la direction ou, en son absence, par le directeur adjoint, avant que l'information ne soit transmise au client.
Le cabinet du ministre et la Direction générale des communications reçoivent, une fois par semaine, une liste des titres des nouvelles demandes d'accès à l'information, et sur réception de cette liste, ils indiquent s'ils sont intéressés à recevoir une copie finale de l'information rédigée. S'ils font part de leur intérêt à l'égard d'une demande en particulier, ils reçoivent une copie de l'information rédigée à la fin du processus, de façon à permettre au ministre et au ministère de se préparer aux questions qui pourraient être posées à la Chambre ou par les médias sur le sujet visé. L'identité du demandeur n'est révélée ni au cabinet du ministre ni à la Direction générale des communications du ministère.
[Traduction]
Si un client n'est pas satisfait du temps que met le ministère pour répondre, des exemptions de divulgation invoquées par le ministère en vertu de la loi pour rédiger l'information ou de tout autre aspect de l'administration de son dossier, il peut déposer une plainte auprès du Commissariat à l'information.
Le commissaire à l'information mènera ensuite une enquête qui comprend normalement un entretien avec les fonctionnaires de la Direction de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels qui ont traité le dossier et avec tout autre fonctionnaire qui pourrait être en mesure de l'aider, y compris des membres du bureau de première responsabilité. Une fois qu'il a terminé son enquête, le commissaire à l'information communique ses conclusions et ses recommandations au ministre ou à son délégué. Je crois comprendre que le comité entendra le commissaire à l'information à l'une de ses réunions ultérieures.
Comme vous le savez, M. Jeff Esau et le professeur Amir Attaran ont déposé des demandes d'accès à l'information auprès du ministère. Ils ont discuté de ces demandes en détail lorsqu'ils ont comparu devant le comité, à sa dernière séance. Une de ces demandes fait l'objet d'une plainte auprès du commissaire à l'information. Ce dernier mène actuellement une enquête à ce sujet.
Mme Sabourin et moi-même serons heureuses de répondre aux questions des membres du comité au sujet du traitement des demandes d'accès à l'information par le ministère. En ce qui concerne les demandes de M. Esau et du professeur Attaran, nous serons heureuses de répondre aux questions dans la mesure où nous croyons pouvoir le faire sans violer la nature confidentielle de l'enquête qui est actuellement menée par le commissaire à l'information au ministère.
Je vous remercie de votre attention.
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Comme je l'ai déjà dit, je n'ai pas les dossiers sous les yeux. Dans la demande initiale que M. Esau a adressée au ministère, il voulait obtenir un rapport général. La division de l'accès à l'information s'est adressée à la division chargée des droits de la personne qui a répondu ne pas avoir ce genre de rapport, similaire à celui que les États-Unis et le Royaume-Uni préparent.
La division de l'accès à l'information a alors décidé de vérifier la chose en consultant le Bureau des affaires juridiques du ministère qui compte un service qui s'occupe de droit humanitaire international et de droits de la personne; ce bureau a répondu la même chose.
Nous avons alors répondu au client en lui indiquant que ce rapport n'existait pas. Le dossier a alors été fermé.
Par la suite, des courriels et je crois des appels téléphoniques ont été échangés entre M. Esau et des agents de la division de l'accès à l'information pour apporter des précisions supplémentaires. M. Esau a indiqué qu'il croyait à un certain moment — je paraphrase légèrement — qu'il existait un rapport général qui comportait des chapitres, selon lui, qui portaient particulièrement sur la Chine et l'Iran, je crois.
Nous ne préparons pas de rapports généraux. Nous lui avons également expliqué que s'il souhaitait avoir des exemplaires des rapports que nous préparons sur tous les pays, étant donné qu'il s'agissait d'une recherche exhaustive, cela comportait des frais pour le client. Mais on lui a dit que s'il souhaitait que l'on fasse une recherche pour lui fournir des rapports sur la situation des droits de la personne d'un pays ou d'un certain nombre de pays en particulier — et les années de ces rapports, de toute évidence — nous nous ferions un plaisir de le faire. Si je me souviens bien, il nous a alors indiqué qu'il avait déjà présenté une demande séparée pour le rapport sur la situation des droits de la personne en Afghanistan.
Je vous remercie.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'essaierai d'enchaîner sur les questions précédentes posées par mes collègues sans les répéter, mais je n'arrive pas à comprendre pourquoi vous n'avez pas apporté avec vous les dossiers et les documents complets concernant ces deux demandes. Vous avez retardé votre comparution devant nous de deux semaines afin d'avoir le temps de vous préparer. Notre argument à l'époque c'était que... Et j'ai été très mécontent que vous refusiez notre invitation à comparaître, parce qu'en fait il ne faut pas beaucoup de préparation pour dire la vérité à propos de ce qui s'est passé.
Je trouve très exaspérant qu'aujourd'hui, deux semaines plus tard, vous n'ayez pas apporté les dossiers mêmes à propos desquels nous posons des questions, parce que j'ai des questions précises à propos de dates précises. Alors je ne sais pas comment m'y prendre.
Permettez-moi simplement de résumer ce qui nous pose problème ici. Le et le n'ont cessé de déclarer à la Chambre des communes qu'ils n'étaient pas au courant de cas de mauvais traitements ou de torture de prisonniers afghans. Ils n'ont cessé de répéter qu'ils n'étaient pas au courant de la situation, qu'ils n'avaient aucune information à ce sujet, que personne ne leur avait dit que des prisonniers étaient maltraités, car si cela avait été le cas, ils ne les auraient pas remis aux Afghans. C'est la raison pour laquelle nous sommes exaspérés.
Puis, nous apprenons que pendant cinq années de suite, ils recevaient des renseignements très précis à propos de cas fréquents d'exécutions sommaires, de disparitions, de tortures et de détentions sans procès en 2002, en 2003 et en 2004. Donc, ils nous ont menti.
Vous ne pouvez donc pas nous reprocher de croire que l'information provenant de la Division de l'accès à l'information a été censurée pour éviter d'embarrasser le gouvernement — cela n'a rien à voir avec la sécurité nationale. C'est ce que nous pensons et c'est la raison de notre exaspération.
Donc, ma question est la suivante: veuillez m'indiquer une fois de plus le nom des personnes qui auraient contribué tout d'abord à nier l'existence même des rapports et deuxièmement qui vous ont aidé à censurer quels passages et à choisir les prétextes qui ont été invoqués. Énumérez tous les noms de ces personnes. Et j'aurais aimé que vous ayez apporté vos dossiers avec vous parce que ces renseignements se trouvent probablement dans ces dossiers. Je peux vous voir en train d'écrire dans un cahier. Mais dites-nous je vous prie, selon ce dont vous vous souvenez, qui a pris part à la censure de ces paragraphes et à cette mésinformation concernant l'existence de ces documents.
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Monsieur Martin, malheureusement, votre temps de parole est écoulé.
Madame Sabourin, je dois reconnaître que vous nous auriez rendu service en nous apportant vos dossiers, que vous soyez préoccupée par leur confidentialité ou non. Vous n'auriez pas nécessairement été obligée d'en révéler le contenu, seulement, ils auraient été à votre disposition au cas où vous auriez pu répondre à des questions précises au sujet de dates et de noms, ce qui vous aurait évité de devoir nous répondre ultérieurement. En l'occurrence, il faudra peut-être que nous vous reconvoquions et que vous participiez donc à un processus qui, de votre propre aveu, est très inhabituel et vous met sans doute mal à l'aise, or nous ne tenons pas à vous faire subir cela une seconde fois.
C'était donc une erreur que de ne pas apporter les dossiers. Cela étant dit, eh bien, ce genre de chose arrive, et nous allons faire de notre mieux. Je le répète, toutefois, il faudra peut-être que nous vous reconvoquions et que, cette fois-là, vous apportiez vos dossiers, selon le genre de réponses que vous nous fournirez par écrit si vous n'êtes pas en mesure de répondre de vive voix aujourd'hui.
Nous allons maintenant donner la parole à M. Reid.
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Je vous remercie beaucoup de votre question.
Il est vrai qu'au cours de ma carrière, j'ai collaboré avec diverses administrations. La Loi sur l'accès à l'information comporte une disposition permettant au ministre de déléguer cette fonction à des hauts fonctionnaires. Dans tous les cas auxquels je songe, cette fonction a été déléguée au bureau dans lequel je travaillais ou à la gestion duquel je participais. À l'heure actuelle, j'exerce le pouvoir délégué au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. L'année précédente, je travaillais à titre de simple agent.
Les hauts fonctionnaires qui oeuvrent dans des services chargés de l'accès à l'information prennent leurs obligations très au sérieux. Lorsque je parle de « hauts fonctionnaires », je m'inclus. Or, il s'agit là de fournir des renseignements avec l'autorisation de la loi. Dans le cadre de mon travail, j'examine les exclusions afin de m'assurer qu'on les invoque pour des motifs fondés et qu'elles se conforment aux autres dispositions de la loi.
Je n'ignore pas que certains processus exigent que nous avisions le cabinet du ministre. Dans le cas de nouvelles demandes ou lorsqu'il y a communication d'une réponse, les demandes en question et les renseignements communiqués sont fournis au cabinet du ministre afin qu'il soit en mesure de répondre à toute question.
Pour ce qui est du fait qu'un ministre nous envoie une directive en matière de rédaction, à ma connaissance, ça ne se fait pas. Nous sommes indépendants, et cela n'arrive tout simplement pas.
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Merci, monsieur le président.
Le professeur Attaran a comparu lors de la dernière séance du comité et a fait un certain nombre de déclarations qui étaient, bien franchement, désobligeantes à l'égard de votre bureau. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'examiner les témoignages, mais je suis certain que vous l'avez fait.
Le déclaration la plus grave, selon moi, a été faite lors d'un échange avec le président Wappel. Je vais vous lire la partie en question et vous demander si vous avez des commentaires à faire. Selon moi, c'est la déclaration la plus grave. Voici ce que le professeur a dit:
J'aimerais également ajouter que dans la série d'événements que je viens de vous décrire, on semble observer une tendance à vouloir cacher les éléments du rapport de 2006 et des autres rapports précédents sur l'Afghanistan, voire même des rapports américains sur les droits de la personne. Si c'est le cas, c'est une infraction criminelle en vertu de l'article 67.1 de la Loi sur l'accès à l'information. La dissimulation de dossiers est une infraction criminelle. Je n'accuse personne personnellement. Je ne sais pas qui a pu demander cette dissimulation, mais je crois que les circonstances indiquent que cela s'est sans doute produit, ce qui exige une enquête criminelle.
Je recommande donc que la GRC et que le directeur des poursuites publiques se penchent sur la question dès maintenant et fasse enquête pour déterminer si des personnes, qu'il s'agisse de fonctionnaires ou d'hommes politiques, ont participé à cette dissimulation d'information, à la suite de ma demande. Je ne vous dirai pas d'inclure la demande de M. Esau, parce que c'est à lui d'en décider, mais je crois que nos trois ou quatre demandes — je ne me souviens plus combien il y en a — montre qu'il y a eu dissimulation.
Voilà donc ce qu'il pense. Il ne dispose pas vraiment de faits, mais c'est son impression personnelle. Il s'agit d'une allégation grave. Avez-vous eu l'occasion de réfléchir à ces allégations, et avez-vous une réponse à y formuler? Il s'agit vraiment d'un dur coup porté à votre bureau — pas nécessairement à vous personnellement, mais à votre bureau.
Monsieur le président, ma prochaine question est complètement différente. On a mentionné que le commissaire à l'information mène actuellement une enquête. Que se passe-t-il dans votre bureau?
Mon collègue M. Martin a mentionné que vous n'avez pas amené vos dossiers. Je comprends que vous avez d'un côté la Loi sur l'accès à l'information, et de l'autre la Loi sur la protection des renseignements personnels, et que, en même temps, vous ne voulez pas nuire à l'enquête du commissaire à l'information.
Ma question est la suivante: Lorsque le commissaire à l'information entreprend une enquête, quel est le processus, du point de vue de votre bureau et de celui du commissaire?
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Merci de votre question.
Premièrement, nous recevons un avis. Mon bureau a reçu un avis. Il s'agit d'un avis écrit du Commissariat à l'information selon lequel une plainte a été déposée. Ensuite, il y a une réunion avec l'enquêteur. Celui-ci remet au bureau un résumé de la plainte, indiquant les questions devant être clarifiées, que ce soit des dossiers manquants, des exemptions, des inclusions ou tout ce qui a trait à l'administration de la loi. Nous avons reçu un avis du Commissariat et nous travaillons avec lui pour lui fournir tous les renseignements provenant des témoins, des dossiers ou des documents que le commissaire à l'information souhaite examiner, en vertu de ses pouvoirs.
Je crois comprendre qu'il se peut que vous rencontriez des représentants du Commissariat cette semaine. Vous pouvez demander des détails supplémentaires au commissaire à l'information, qui sera libre de vous fournir ces détails.
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Madame Thomsen, je vais être clair. Essayez de l'être, vous aussi, et d'être brève également.
Vous êtes la supérieure de Mme Sabourin, vous discutez dans le bureau du ministre et vous parlez sûrement de ce dossier précis dont il est question aujourd'hui, soit celui de l'Afghanistan. Vous dites n'avoir parlé de rien. Alors, expliquez-moi comment il se fait que vous surveilliez ce que dit Mme Sabourin.
Le commissaire a dit, quand il a comparu, que la dernière personne autorisée à suggérer, dire ou faire quelque chose afin d'hachurer les documents était le ministre. C'est lui qui a le dernier mot. Que le commissaire hachure un document en vertu du paragraphe 15(1) ou d'une autre disposition ne change pas le fait que la dernière personne à lire les documents est le ministre. S'il y a autre chose qu'il n'aime pas, il le censure. C'est ce qu'il nous a dit.
Est-ce la façon dont les choses fonctionnent? Non?
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Merci, monsieur le président.
Merci à nos témoins d'être ici aujourd'hui pour faire la lumière sur ce sujet.
Lors de notre réunion du 17 mai, M. Esau, un des témoins, a parlé de la culture au sein du ministère, de son expérience de travail dans un environnement d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels lorsqu'il travaillait, je crois, au ministère de la Défense nationale. Je ne veux pas paraphraser ce qu'il a dit, de sorte que j'utiliserai ses propres mots. J'aimerais par la suite vous poser une question.
Pour l'essentiel, voici ce qu'il a dit:
... quand vous êtes fonctionnaire fédéral, militaire ou civil, et que le ministre pour lequel vous travaillez est sur la sellette jour après jour à propos d'une affaire quelconque, vous abordez cette affaire avec plus de délicatesse et de prudence que d'ordinaire.
Il a poursuivi en disant ce qui suit:
Loin de moi l'idée de formuler des hypothèses sur d'éventuels motifs malveillants, car je ne suis pas convaincu que ce soit le cas ici. Selon moi, — et quelqu'un a utilisé l'expression tout à l'heure — il s'agit d'un excès de prudence. Je pense que les gens sont en quelque sorte frappés de stupeur quand ce genre de chose se produit... Les documents sur les détenus que j'ai reçus en juin
— je présume que c'est juin 2006 —
sont beaucoup moins censurés que les documents que je reçois actuellement.
Il indique donc que lorsqu'un ministère est aux prises avec certaines circonstances, cela peut en quelque sorte se traduire par une approche différente. Toutefois, je ne veux pas paraphraser.
En vous fondant sur votre grande expérience du travail dans l'environnement de l'accès à l'information au ministère, pourriez-vous commenter le phénomène expliqué par M. Esau?
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Tout ce que je peux dire, c'est que les dispositions de la loi sont demeurées les mêmes, mais des décisions ont été rendues par des tribunaux afin de nous guider dans l'application de certaines dispositions. Lorsque nous recevons une demande, nous examinons les documents dans le contexte actuel et nous tentons de comprendre ce que signifient ces renseignements. À mes yeux, un document est un document. Mais lorsqu'on commence à l'examiner de plus près, mes employés et moi devons examiner les obligations juridiques, le cadre juridique, ce qui permet de prendre une décision au sujet de la divulgation.
Il s'agit du principe de l'accès, il y a une certaine ouverture, et c'est ainsi que nous voyons les choses. L'accès est le concept prioritaire ici; tous les employés sont parfaitement au courant. Nous examinons les renseignements, ligne par ligne, et nous les faisons correspondre avec des exemptions possibles ou avec les exemptions prévues par la loi, puis nous prenons une décision en fonction de cela.
Nous pensons bien entendu que c'est tout. Voilà mon opinion d'un document. Au bout du compte, lorsqu'une réponse est envoyée, le demandeur peut déposer une plainte. Oui, nous faisons l'objet de plaintes au sujet des exemptions et de tout ce qui peut figurer dans les dossiers. C'est là que le commissaire à l'information entre en jeu et prend une décision ou rédige un rapport sur l'utilisation de ces exemptions et sur le fait de savoir si l'institution ou le ministère a pris la bonne décision.
Les dispositions de la loi ont évolué. Mais au bout du compte, il s'agit du cadre juridique sur lequel nous nous fondons. Tout est fait au cas par cas, en examinant chaque ligne.
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Pouvez-vous m'expliquer, alors? Étant donné que c'est vous qui avez censuré, laissez-moi lire un paragraphe qui n'a pas été censuré, qui a été communiqué librement en 2002.
Voici ce qu'on disait en 2002:
... un certain nombre d'exécutions sommaires continuent d'être effectuées en toute impunité. [...] La détention sans jugement, les châtiments corporels et l'utilisation de la torture en vue d'obtenir des aveux de culpabilité continuent d'être choses courantes. Le rapport de Human Rights Watch sur l'intimidation, les arrestations arbitraires et la torture dans la région occidentale d'Herat peut, semble-t-il, s'appliquer également à d'autres régions de l'Afghanistan...
Il s'agit d'une citation du rapport « Afghanistan 2006: Bonne gouvernance, démocratie et droits de la personne ».
Toutefois, le rapport de 2005 — et je crois que l'on peut trouver la même formule dans le rapport de 2006 — indique que « les exécutions sommaires, les disparitions, la torture et la détention sans jugement sont choses courantes ». Ça a été censuré.
Ainsi, pourquoi pouvait-on dire au gouvernement précédent qu'il y avait de la torture, mais maintenant, il semble que des termes presque identiques ne puissent pas être divulgués en vertu de raisons liées à la sécurité nationale?
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Je soutiens que c'est une décision arbitraire et non pas fondée sur un cadre juridique.
Vous avez pris connaissance de la version non expurgée, non censurée; évidemment, nous avons tous la version censurée. Dans la dernière minute qu'il me reste, je voudrais vous poser la question suivante: Auriez-vous l'obligeance de confirmer que vous avez expurgé le passage suivant? C'est dommage que vous n'ayez pas vos dossiers sous la main, vous pourriez y lire ce passage: « Les exécutions extrajudiciaires, les disparitions, la torture et la détention sans procès sont choses fréquentes et la liberté d'expression n'est toujours pas généralement respectée. »
Avez-vous noirci ce passage qui se trouve au paragraphe 1 de la page 1 du document intitulé « Afghanistan 2006: Bonne gouvernance, démocratie et droits de la personne »? Avez-vous, oui ou non, expurgé ce passage?
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Monsieur le président, je serai très bref et j'inviterais les témoins à répondre par oui ou par non à la plupart de mes questions, pour que je puisse les poser toutes.
Premièrement, je vous fais mes félicitations. Contrairement à ce que l'opposition affirme, votre bilan est assez bon puisqu'en un an, vous êtes passé d'un taux de 40 p. 100 pour le respect des échéances à 80 p. 100. Je vous en félicite.
Vous avez dit clairement que M. Esau a présenté deux demandes. À la première, vous avez répondu par la négative, parce que le document n'existait pas. Est-ce exact, oui ou non? Vous répondez oui, très bien.
On a fait appel au commissaire à l'information au sujet des documents qui ont été remis. Est-ce exact?
Madame Sabourin, la Loi sur l'accès à l'information est une loi importante pour les consommateurs, pour la population, pour le public, pour les citoyens et pour les électeurs. C'est pour eux que cette loi est faite et c'est une loi qui vise à assurer la transparence du gouvernement.
Depuis tout à l'heure, vous nous répétez que vous avez restreint vos critères, que vous avez rédigé vos propres directives afin de vous imposer vous-mêmes des limites. Vous nous dites aussi qu'en 2006, vous avez rayé le mot « torture » parce qu'il serait illégal de dévoiler le fait qu'il y a de la torture en Afghanistan. Par contre, en 2004, vous aviez conservé ce mot. Était-ce en 2004 ou en 2006 que vous étiez vous-mêmes dans l'illégalité?
Ensuite, vous vous vantez du fait que 81,3 p. 100 des demandes qui vous sont faites sont traitées à temps, alors que la loi demande un résultat de 100 p. 100. Il s'agit d'une autre forme d'illégalité. Vous arrivez ici sans dossier; je n'en reviens pas. Vous n'avez même pas le texte de loi entre les mains. Cela m'apparaît incroyable. Je ne sais pas qui vous a conseillée avant votre comparution, madame Sabourin, mais sachez que je suis très déçue.
De plus, vous répondez à M. Attaran que ce genre de rapport n'existe pas alors que vous savez que des rapports sont produits mais par pays, alors que lui vous demande un rapport sur les droits humains dans le monde. Vous ne lui dites même pas que de tels rapports existent par pays. C'est la réponse la plus détestable qu'un citoyen puisse obtenir. Vous le savez et vous ne lui dites pas. Vous attendez qu'il pose la question juste, comme s'il s'agissait d'un quiz. C'est inacceptable.
Ce qui est bizarre dans votre cas, madame Sabourin, c'est que vous attirez sur vous tous les blâmes qu'on s'apprête à émettre. C'est comme si vous vous apprêtiez à connaître une fin carrière très difficile, dramatique même, je dirais. Vous semblez essayer, depuis tout à l'heure, de nous démontrer que vous êtes incompétente. Les félicitations de M. Wallace, c'est le baiser de Judas des conservateurs. Je vous le dis, ce ne sont pas de vraies félicitations.
Je ne peux pas croire que vous vous autoflagelliez comme cela sur la place publique et que vous décidiez de terminer votre carrière sur la note du rapport interne du ministères des Affaires étrangères sur les prisonniers torturés en Afghanistan. Je ne peux pas croire cela. Je me dis que vous devez avoir reçu des instructions de quelqu'un. Cela ne se peut pas. Quand vous ou quelqu'un de votre équipe a-t-il décidé de revoir vos directives pour rayer le mot « torture »? Quand avez-vous décidé cela? Avez-vous un courriel ou un document à nous soumettre à ce sujet? Avez-vous peut-être le compte rendu d'une rencontre, que vous auriez intérêt à nous faire parvenir? Les gens qui y participaient, pouvez-vous me jurer — parce que vous êtes sous serment — qu'ils n'ont parlé à personne du Cabinet de façon directe ou indirecte? Êtes-vous absolument certaine que durant tout le processus, il n'y a eu aucune ingérence politique d'une façon ou d'une autre?
Au paragraphe 15(1) — je sais que vous n'avez pas apporté le texte de la loi parce que vous, vous allez à la guerre sans fusil —, il y a exactement 10 alinéas, de a) jusqu'à i). Le premier traite de renseignements d'ordre tactique ou stratégique. Est-ce que la torture pourrait faire partie de cette définition? Est-ce qu'elle fait partie des matériels de défense? Non. Est-ce qu'elle fait partie des caractéristiques, des capacités, du rendement, du potentiel, du déploiement, des fonctions, du rôle des établissements de défense? Non. Est-ce que la raison peut se trouver dans l'alinéa d): des éléments d'information recueillis ou préparés aux fins du renseignement relatif à la défense du Canada? Non. Est-ce qu'elle fait partie des éléments d'information concernant les renseignements relatifs aux autorités étrangères? Non. Je pourrais tous les mentionner. Il n'y a pas de raison.
La seule raison qu'on peut imaginer, c'est que quelqu'un de source politique a dit qu'il ne serait pas très bon que le Canada et nos ministres soient au courant que des prisonniers afghans envoyés dans les prisons afghanes se fassent torturer au vu et au su du Canada, parce que cela va à l'encontre de la Convention de Genève. C'est la seule raison pour laquelle on peut penser, madame Sabourin, que vous ou quelqu'un de votre équipe, avez soudainement décidé... Si c'est vous qui l'avez fait, je vous jure que ce n'est pas brillant.