:
Oui, monsieur le président.
Merci beaucoup, et merci de votre invitation.
[Français]
Je salue les membres du comité.
Je suis accompagnée de John Reed, directeur principal au Bureau du commissaire à l'environnement et au développement durable. Il a joué un rôle prépondérant, au cours des dernières années, dans le dossier des substances toxiques.
Mon exposé a pour but de vous aider à évaluer la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, en récapitulant pour vous certains de nos travaux antérieurs qui influent sur la loi. Nous soulignerons notamment certaines de nos principales constatations et de nos préoccupations qui perdurent quant à la manière dont le gouvernement évalue et gère les substances toxiques.
Je ne lirai pas tout le texte de ma présentation, qui vous a été remise, parce que je voudrais laisser le plus de temps possible à M. Reed. Permettez-moi simplement de vous mentionner que jusqu'à présent, nous avons fait deux vérifications et un suivi de vérification. Les deux premières ont eu lieu en 1999.
À l'époque, il y avait deux chapitres, dont l'un était intitulé « Comprendre les risques associés aux substances toxiques: des fissures dans les fondations de la grande maison fédérale ». Nous avons mis l'accent sur la façon dont les ministères fédéraux fournissent des renseignements scientifiques à l'appui de la prise de décision.
[Traduction]
Le quatrième chapitre du rapport de 1999 était intitulé « Gérer les risques associés aux substances toxiques: les obstacles au progrès ». Il focalisait sur la gestion par les ministères fédéraux des risques posés par les substances jugées toxiques.
Enfin, dans le rapport de 2002, nous avions un chapitre intitulé « Les substances toxiques - Suivi » où nous examinions les ministères qui avaient fait l'objet de la première vérification afin d'évaluer leur progrès dans la mise en oeuvre de nos 27 recommandations.
Nos travaux sur les substances toxiques portaient certes sur certains aspects de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, mais leur étendue dépassait largement le champ d'application de la loi. Bien que nos constatations datent quelque peu, nous espérons qu'elles seront utiles au comité pour son évaluation.
John Reid, le directeur principal qui a dirigé nos travaux sur les substances toxiques en 1999 et 2002 va présenter un bref exposé à l'aide de diapositives, dont vous avez copie. Ensuite, nous serons plus que ravis de répondre à vos questions.
Merci de votre attention.
John.
:
Merci, madame Gélinas et bon après-midi à tous.
Pour mon exposé, je vais m'appuyer sur un jeu de neuf diapositives. Quatre d'entre elles font un peu l'historique des vérifications menées en 1999 et 2002. Pour les cinq dernières, nous avons choisi cinq aspects qui sont apparus au cours de notre travail de vérification. Il s'agit là de domaines auxquels nous accorderions certainement notre attention si nous devions refaire une vérification similaire, et nous avons isolé un certain nombre de questions que nous poserions dans le contexte de ce genre de vérification.
Permettez-moi de récapituler très brièvement le travail que nous avons effectué en 1999. Comme Mme Gélinas l'a dit, ce travail a fait l'objet de deux chapitres du rapport. Ces chapitres scindaient le sujet des substances toxiques en deux parties, les activités d'évaluation traitées au chapitre 3 et les activités de gestion des risques au chapitre 4.
Pour cette vérification, nous avons défini le sujet que représentent les substances toxiques de manière assez large. Il ne s'agissait donc pas seulement des substances toxiques telles que définies dans la LCPE, car nous avons examiné tant les produits chimiques industriels qui, d'une manière ou d'une autre, étaient qualifiés de toxiques par différents programmes, politiques et lois fédérales, que les pesticides. Je ne traiterai aujourd'hui d'aucune de nos conclusions relatives aux pesticides. Nous avons étudié différents aspects de la LCPE qui, en 1999, était encore la loi de 1988. La nouvelle loi n'était pas encore adoptée mais elle l'était au moment de notre examen de suivi. Nous nous sommes penchés sur six ministères fédéraux différents et avons formulé, au total, 27 recommandations.
Donc, encore une fois, le chapitre 3 portait sur l'évaluation des substances toxiques. Il avait pour titre « Comprendre les risques associés aux substances toxiques: des fissures dans les fondations de la grande maison fédérale ». Nous avons choisi ce titre parce que l'une des grandes conclusions de la vérification était l'existence d'un écart important et croissant entre les exigences imposées aux ministères sur le plan de l'évaluation des substances et la quantité d'information et de connaissances scientifiques disponibles. Autrement dit, alors que l'on demandait de plus en plus aux ministères d'évaluer les substances, en même temps des coupures étaient apportées à la recherche scientifique et à la surveillance, si bien que les ministères étaient directement confrontés à un manque de ressources. Les vérifications elles-mêmes ont mis à jour un certain nombre d'exemples de cette pénurie de ressources conduisant à des problèmes au niveau de la prise de décisions.
La deuxième grande conclusion qui se dégageait de ce travail était que la surveillance de l'environnement en particulier -- c'est-à-dire la surveillance de substances toxiques ambiantes dans l'environnement -- se portait mal. Nous avons identifié des lacunes importantes de la surveillance, des problèmes en matière de coordination de la recherche et un aspect secondaire qui peut aujourd'hui encore vous concerner: en 1999, il n'y avait pas de procédures claires sur la manière dont les ministères pourraient incorporer des renseignements nouveaux dans les évaluations anciennes. C'était une faiblesse que nous avions déjà signalée dans notre rapport de 1999.
Le chapitre 4 portait sur la gestion des risques. Excusez-moi d'aller vite, mais nous voulons simplement signaler les points saillants.
La conclusion générale de ce chapitre était que le gouvernement ne prenait pas les mesures adéquates en vue de gérer les substances toxiques. Pour ce qui est des substances visées par la LCPE et les listes 1 et 2 de substances prioritaires, la vérification a mis en lumière l'extrême lenteur des progrès; après dix ans, certaines substances ne faisaient toujours pas l'objet de mesures de gestion du risque. Là encore, des manques de ressources ont été mis en évidence. Par exemple, bien que les ministères aient adopté des recommandations en vue de gérer nombre des substances toxiques déclarées, il n'y avait aucune ressource prévue pour la mise en oeuvre de ces mesures.
En 1999, le gouvernement s'en remettait lourdement aux programmes volontaires pour gérer les substances toxiques. Nous ne nous sommes pas prononcés sur l'opportunité de cette politique et restons toujours neutres à cet égard, mais nous avons indiqué que si l'on va utiliser des instruments facultatifs pour gérer les substances toxiques -- des substances qui posent des problèmes sanitaires et écologiques -- alors ces instruments doivent être robustes et fiables et conduire aux résultats voulus. Nous avons formulé un certain nombre de recommandations sur la façon d'améliorer le recours aux instruments volontaires.
Dans le chapitre 4, pour ce qui est du suivi des rejets, nous avons relevé l'absence de toute information de suivi et de toute donnée de rejet à l'égard d'un grand nombre de substances toxiques, dont certaines couvertes par la LCPE. L'inventaire national des rejets polluants ne nous apprenait tout simplement rien sur les quantités rejetées.
Nous avons entrepris notre travail de suivi en 2002, qui fait l'objet du chapitre 1 du rapport de 2002 de la commissaire. Je ne sais pas si vous en avez des copies, mais à la fin vous verrez un tableau faisant le bilan de chacune des 27 recommandations dans les six ministères. Si vous parcourez cette matrice, vous y verrez énormément de cercles vides, ce qui est notre code pour désigner l'absence de toute action. Il y a beaucoup plus de cercles vides que de cercles cochés et donc, pour ce qui nous concerne, lorsque nous ferons un nouveau suivi, nous commencerons par certaines de ces recommandations.
Les progrès étaient mitigés. À l'époque, la LCPE de 1999 avait été promulguée et les ministères s'efforçaient de l'appliquer et de cerner les exigences de la nouvelle loi. C'est peut-être pour cette raison que beaucoup d'autres ministères sont devenus beaucoup moins engagés dans la gestion des substances toxiques et c'est ce qui explique à mon avis le grand nombre de cercles blancs, mais nombre des causes profondes que nous avions identifiées dans le travail original de 1999 persistaient en 2002: manque de ressources, écarts entre les connaissances requises et celles disponibles et, dans une certaine mesure, lourdeur des mécanismes consultatifs et réglementaires.
Voilà un court résumé de notre travail de 1999 et 2000. Je vais passer le restant de mon temps à récapituler brièvement les cinq domaines thématiques que nous examinerions si nous devions refaire un travail dans ce domaine.
Le premier n'est pas nécessairement lié à la LCPE: il s'agit de la recherche scientifique et de la surveillance. Vous n'ignorez pas, mesdames et messieurs, que virtuellement toutes les décisions requises par la LCPE sur le plan de l'évaluation et de la gestion passent par de bonnes connaissances scientifiques. À défaut de celles-ci, vous ne prendrez probablement pas le genre de décisions qui s'impose. Nous examinerions la situation probablement substance par substance pour déterminer dans quelle mesure des changements sont intervenus sur le plan de la surveillance, de la recherche et du suivi des rejets.
En particulier, je pense que nous voudrions aussi déterminer ce qu'il est advenu des recommandations issues de ce que l'on appelle le Système canadien d'information pour l'environnement, ou SCIE. Au moment où nous achevions notre travail en 2002, le gouvernement avait créé un groupe d'experts chargé de se pencher sur l'état des connaissances, de la recherche et de la surveillance. Il a formulé une série de recommandations au gouvernement, mais d'après ce que nous avons pu voir sur son site Internet, aucune n'a été mise en oeuvre. Nous ne savons pas si des ressources ont été dégagées à cet effet, mais nous commencerions certainement par interroger le gouvernement sur le bilan du SCIE.
Nous avons également soulevé en 2002 la question de la biosurveillance. Nous en avons surtout relevé l'absence. Quelques annonces ont été faites récemment, crois-je savoir, et je sais que votre comité a parlé de la biosurveillance, et c'est un autre sujet auquel nous nous intéresserions.
Le domaine thématique suivant serait le principe de précaution. Nous n'avons pas fait beaucoup de travail à ce sujet en 1999 mais avons signalé tout de même que sur les 44 substances figurant sur la liste prioritaire 1 initiale, 13 n'avaient pas de conclusion en raison d'un manque d'information. En 1999, nous avons demandé si le principe de précaution ne devrait pas jouer un rôle dans la prise de ces décisions.
Nous sommes revenus là-dessus en 2002 et avons recommandé à Environnement Canada d'élaborer des lignes directrices opérationnelles sur la façon d'appliquer le principe de précaution comme le requiert la loi. Ce travail était en train -- ils avaient commencé à élaborer ces lignes directrices -- mais non terminé à la fin de notre vérification. Dans le même temps, le Bureau du Conseil privé avait entrepris un examen pangouvernemental du principe de précaution; là encore, cela n'était pas terminé à la fin de notre vérification. Par conséquent, je crois que nous irions voir auprès de ces deux là -- le BCP et Environnement Canada -- où en sont ces lignes directrices opérationnelles. Je crois que c'est particulièrement important, non seulement pour l'évaluation des substances prioritaires figurant sur les listes, mais particulièrement maintenant pour le travail de sélection qui va être entrepris sur la liste intérieure des substances. Je sais que vous avez déjà eu de bonnes discussions sur le principe de précaution.
Le domaine thématique suivant est celui des substances des listes prioritaires 1 et 2. Franchement, les progrès réalisés jusqu'en 1999 étaient très, très minces et peu de choses avaient bougé en 2002. Cette année-là, le Ministère -- Environnement Canada -- a remanié les processus utilisés pour gérer les substances de la LSIP2 par rapport à celle de la LSIP1, mais les nouveaux mécanismes n'étaient pas encore en place. Si nous devions faire un suivi à cet égard, nous viserions clairement un inventaire substance par substance des mesures qui ont été recommandées, des mesures mises en place, des ressources dégagées pour les réaliser et des réductions obtenues dans l'environnement, des façons de les vérifier, etc. Je pense que nous ferions un examen pratiquement substance par substance.
Nous nous demanderions également, je crois, si l'on réussit véritablement à prévenir la pollution. Lorsque je dis « véritablement », je ne parle pas du contrôle de la pollution, mais bien de la prévention, de la prévention à la source, avant qu'un polluant ne soit produit en premier lieu. Cela est prévu dans le préambule de la loi et c'était certainement une caractéristique majeure des politiques suivies avant la promulgation de la nouvelle loi. Je pense qu'il s'agit réellement de savoir si le système fonctionne et si les substances sont efficacement gérées.
Le quatrième domaine thématique serait l'élimination virtuelle. Là encore, je sais que vous avez eu quelques présentations sur ce sujet. À l'époque de la vérification de 1999, la quasi-élimination était un objectif global du gouvernement fédéral. Les ministères concernés par le débat sur les substances toxiques à l'époque étaient presque en guerre les uns contre les autres au sujet de la quasi-élimination, de ce qu'elle signifiait et, en particulier, de la façon de l'appliquer aux substances d'origine naturelle. Ces dissensions empêchaient à peu près tout progrès.
Depuis lors, la loi a été modifiée en 2002. Il existe aujourd'hui un processus formel. Je crois qu'au moment de la vérification de 2002, aucune substance n'avait été inscrite sur la liste de quasi-élimination. Les ministères travaillaient à établir les limites de quantification, les limites de détection; je ne suis pas sûr que cela ait changé aujourd'hui, mais nous ferions certainement de la quasi-élimination un thème de la vérification pour voir si ce qui est censé être fait a bien été réalisé.
La dernière diapositive porte sur la liste intérieure des substances. Là encore, je crois que vous êtes bien au courant. Le Ministère doit prochainement conclure la classification des 23 000 substances; ensuite aura lieu un processus de sélection.
Une question secondaire que nous poserions serait de savoir si le processus, particulièrement la classification, respecte le calendrier de la LCPE, mais je crois que notre préoccupation principale à son sujet serait les ressources disponibles dans ce travail et tenter de déterminer si les ministères possèdent réellement la capacité d'évaluer et ensuite gérer les substances qui auront été retenues. Comme je l'ai mentionné au début, les ressources étaient un problème en 1999 et de nouveau en 2002. Je ne sache pas qu'il y ait eu une grosse injection de crédits dans aucun ministère pour faire face aux besoins futurs, alors que la charge de travail future sera alourdie par la liste intérieure des substances.
J'espère que ce tour d'horizon n'a pas été trop bref, monsieur le président et membres du comité. Nous voulions très brièvement mettre en lumière les éléments saillants; j'ai passé sous silence énormément de détails, mais je crois que je vais m'en tenir là.
Nous sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.
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Monsieur le président, je crois que vous n'avez pas à craindre que M. Reed hésite à intervenir.
Je peux vous faire le point de la LSIP. Comme vous ne l'ignorez sans doute pas, les ministres ont dressé au cours des années 90 deux listes de substances d'intérêt prioritaire, la LSIP1 et la LSIP2. La première contenait 44 substances, dont certaines sont des produits chimiques particuliers et d'autres de grands flux d'effluents. Je vais vous en donner un bilan rapide.
Toutes ces évaluations sont terminées, sauf deux. Vingt-six sur les 44 remplissent les critères de l'article 64, c'est-à-dire sont toxiques au terme de la loi. Toutes les 26 substances ont été ajoutées à l'annexe 1. Vingt-cinq d'entre elles sont gérées par des instruments relevant de la LCPE et une, soit l'un des phthalates, est gérée par le ministère de la Santé.
Une a fait l'objet d'une proposition de déclaration de toxicité, et donc l'évaluation en est terminée. La première notification disant que la substance est toxique et demandant l'ajout a été émise. Ce processus n'est pas achevé. Il s'agit de l'huile de moteur usée.
Treize des substances ne remplissent pas les critères de l'article 64 et ne sont donc pas toxiques. Deux ne sont pas en usage et sont donc assujettis au règlement sur la déclaration des substances nouvelles. Autrement dit, les ministères n'ont tiré de conclusion ni dans un sens ni dans l'autre, car ce n'était pas nécessaire, puisque ces substances ne sont pas en usage. Si jamais elles le deviennent, elles seront assujetties à l'inversion de la charge de la preuve imposée par le régime des substances nouvelles.
Deux des évaluations sont en cours d'actualisation et de révision. Pour ce qui est de la surveillance de ces substances, 23 des 26 déclarées toxiques sont actuellement suivies au titre de l'INRP. Il en va de même de 11 des 13 déclarées non toxiques.
La LSIP2 comporte 27 substances. Les études ont montré que 19 d'entre elles remplissent les critères de l'article 64 et sont donc toxiques. Dix-sept ont été ajoutées à l'annexe 1. L'une, les radionucléides, est gérée par un autre organisme fédéral, le Conseil de la sécurité nucléaire. Ce dernier est beaucoup mieux à même de gérer cette substance.
Les sels de voirie n'ont pas été inscrits à l'annexe 1 mais sont néanmoins gérés au moyen d'un protocole d'entente. Je ne sais pas trop avec qui il a été passé mais je peux vous trouver ce détail. Dix-sept sur les 19 sont surveillées par l'INRP. Six des substances ne remplissent pas les critères de l'annexe 1. Deux évaluations ont été suspendues dans l'attente de recherches plus poussées.
Donc, sur les 71 substances, les évaluations sont terminées pour toutes sauf quatre et, le cas échéant, des régimes de gestion ont été mis en place.
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Je pense que M. Moffet a répondu à certaines des questions que nous poserions. Comme je l'ai dit, en 1999, 13 des substances n'avaient pas été entièrement évaluées et nous voulions savoir si le travail était achevé.
Ce qui m'intéresserait probablement serait d'en savoir un peu plus sur le volet gestion. Par exemple, en 1999, pour les 25 substances qui avaient été déclarées, le Ministère avait mis en train 14 consultations majeures de l'industrie. À l'époque, on appelait cela des processus d'options stratégiques. À la fin de 1999, neuf sur 14 de ces consultations étaient terminées, et ont produit une cinquantaine de recommandations qui avaient été acceptées par les ministres, mais sans qu'elles soient assorties de la moindre ressource.
Nous aimerions savoir si vous avez mis en oeuvre ces recommandations. Avez-vous obtenu des ressources pour cela? Elles prévoyaient des mesures telles que la prise de règlements, l'élaboration de codes de pratiques et des compléments d'information.
De fait, en 1999, nous avons effectué un classement d'un certain nombre de ces recommandations, et si le chiffre de 55 recommandations peut sembler important, en réalité très peu d'entre elles étaient des mesures de réduction du risque. Il s'agissait plutôt de programmes de sensibilisation, de formation, d'obtention de compléments d'information, mais elles ne disaient pas grand-chose sur ce que l'on allait faire sur le terrain pour réduire ces substances.
À la fin de 2002, toutes les consultations étaient achevées. Nous en étions alors à 75 recommandations, et nous poserions de nouveau la même question: ont-elles été mises en oeuvre, et quelles indications avons-nous que le risque est réduit, que les rejets dans l'environnement baissent par suite de ces recommandations?
Je répète ce que j'ai dit lors d'une réunion antérieure: jusqu'à présent, les ministères n'ont pas ajouté à la liste d'élimination virtuelle toutes les substances qu'ils ont interdites.
En 1998, lorsque les ministères ont mis au point la politique de gestion des substances toxiques, ils ont identifié 12 substances destinées à la quasi-élimination. Huit d'entre elles étaient des pesticides et il y avait quatre autres substances. Aucun des huit pesticides n'est homologué en vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires; autrement dit, ils ne peuvent être employés comme pesticides. Les ajouter à la liste de quasi-élimination n'apporterait rien de plus à ce que les responsables de la gestion des pesticides ont déjà fait, et ce serait donc un effort gouvernemental supplémentaire qui n'apporterait aucune valeur ajoutée sur le plan de la gestion du risque.
Les autres substances font l'objet de règlements d'interdiction, et donc là encore leur usage est interdit au Canada. Là encore, la conclusion a été que la prise des mesures administratives pour ajouter ces substances à la liste de quasi-élimination n'apporterait aucun avantage à la gestion de risque de ces substances, car ce qui doit être fait l'a déjà été.
Vous avez demandé également si les exigences d'élimination virtuelle de la LCPE posent des problèmes administratifs. Je pense pouvoir répondre oui, il y en a.
Les dispositions sur l'élimination virtuelle sont complexes et difficiles à suivre, mais en gros elles disent que si une substance remplit les critères prescrits par règlement pour être considérée comme persistante ou biocumulative et intrinsèquement toxique, le ministre doit entreprendre la quasi-élimination telle qu'elle est définie dans la loi. Cela signifie que le ministre doit ajouter la substance à la liste de quasi-élimination, fixer un niveau de quantification puis prendre un règlement limitant les rejets.
Nous avons constaté que nombre des substances qui se profilent à l'horizon et dont on peut prévoir qu'elles répondront à ces critères seront des contaminants de produits; elles ne seront pas rejetées sous forme d'émissions industrielles. Nous avons appris qu'il est techniquement extrêmement difficile de fixer un niveau de quantification pour un contaminant dans un produit rejeté par inadvertance et que la meilleure approche de ces substances, dans bien des cas, est de simplement en interdire l'utilisation. Suivre la voie de l'élimination virtuelle ne ferait qu'ajouter des contraintes supplémentaires difficiles à observer sans guère apporter de gain pour l'environnement ou la santé.
L'obligation supplémentaire d'avoir un règlement limitant les rejets s'est avérée, elle aussi, inutile dans bien des cas. Si vous interdisez la substance, il ne sert pas à grand-chose de prendre un autre règlement prescrivant une limite de rejet car, en théorie, la substance ne peut être employée. Donc, oui, lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre ces dispositions, nous avons rencontré quelques difficultés administratives.
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Je suis entièrement d'accord avec vous. Nous avons fait valoir la même chose lors de la vérification de 1999.
Vous avez un processus pour déterminer qu'une substance est toxique. Vous en avez un autre pour définir le remède. La plupart du temps, celui-ci prend la forme soit d'un règlement soit d'un accord avec les sociétés pour réduire volontairement la quantité. À l'époque, l'INRP était le seul mécanisme de rapport. Nous avons fait remarquer dans le chapitre que maintes substances déclarées toxiques ne figurent pas dans l'INRP. Il n'y avait aucun mécanisme de suivi des rejets. En 2002, les ministères avaient effectué un certain nombre d'ajouts à l'INRP, si bien qu'un plus grand nombre de ces toxiques déclarés étaient surveillés.
Je crois que votre question reste pertinente aujourd'hui. C'est pourquoi j'ai dit tout à l'heure que si nous devions aborder de nouveau ce sujet, nous ferions probablement un examen substance par substance. Nous demanderions quelles mesures de gestion des risques sont en place, quelles réductions on cherche à réaliser, ce que l'on sait sur les rejets et ce que l'on sait sur la surveillance du milieu ambiant. C'est une chose de savoir, grâce à l'INRP, si la substance est rejetée à un endroit donné, et c'en est une entièrement différente de savoir si elle se retrouve dans notre eau, notre sol ou l'air que nous respirons.
La plupart des substances n'étaient pas surveillées en 1999. Je pense que vous avez mis le doigt sur le problème, à savoir que si vous n'avez pas de surveillance et de suivi, vous ne savez pas -- à moins que l'instrument lui-même, à l'instar d'un règlement, comporte un mécanisme de rapport comme c'est parfois le cas des protocoles d'entente. Même dans un protocole d'entente, les compagnies et associations concernées sont souvent plus que prêtes à faire rapport sur les progrès. Du point de vue fiabilité, on peut imposer le respect d'un règlement, mais lorsque l'approche est facultative, nous posions la question de savoir comment on détermine les résultats? Et comment peut-on manier cet outil de manière à le rendre efficace?
Mais je dois dire que sur ce plan le ministère de l'Environnement a réagi à nos recommandations. Nous lui avons dit qu'il lui fallait des lignes directrices générales pour décider quand utiliser les instruments volontaires, quand ne pas le faire, et à quoi ces données devaient ressembler. Je crois que nous avons indiqué dans le rapport de 2002 que le Ministère avait réalisé des progrès à cet égard. Il a même trouvé cela plutôt utile car il disposait ainsi de munitions à employer avec l'industrie et pouvait lui dire qu'il fallait des instruments robustes.
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Je vais essayer de répondre brièvement sur un certain nombre de points évoqués.
Pour ce qui est de l'ARET, il importe de savoir que l'approche principale de gestion du risque des substances toxiques visée par la LCPE n'a jamais dépendu de l'ARET. Bien que ce programme constituait une mesure importante, ce n'est jamais lui qui était utilisé pour une substance toxique relevant de la LCPE. De fait, la LCPE de 1999 contient un changement important en ce sens qu'elle exige un règlement, ou « instrument », propre à chaque substance inscrite à l'annexe 1. Nous ne pourrions donc pas nous contenter de l'ARET, ni d'un mécanisme volontaire équivalent, pour une substance versée à l'annexe 1, et nous ne l'avons pas fait.
Les mécanismes de rapport ne se limitent maintenant plus à l'INRP et englobent un certain nombre d'autres rapports. La plupart des règlements d'application de la LCPE exigent des rapports. La difficulté que nous avons -- et nous pourrions mieux faire à cet égard -- c'est agréger les rapports INRP et similaires et les rapports exigés par les règlements individuels afin de fournir une information plus utile au public.
Je veux souligner qu'en 1995 il y avait environ 1 800 installations et 176 substances dans l'INRP. Il y a quelques années, en 2004, ce chiffre était passé à presque 9 000 installations faisant rapport sur quelque 325 substances. Donc, l'INRP connaît une expansion considérable et continue à nous donner une image de plus en plus claire, mais pas parfaite; il faut bien comprendre que ce n'est pas un outil statique.
En ce qui concerne la politique relative aux mesures volontaires, dont M. Reed a parlé, elle est maintenant documentée sous forme d'un cadre stratégique pour les accords de performance environnementale. C'est une politique officielle qui décrit les circonstances dans lesquelles le Ministère va recourir à des accords de performance non réglementaires et des exigences spécifiques. Nombre de ces dernières découlent d'une recommandation faite par le commissaire et englobent les aspects tels que des rapports publics crédibles et une forme de vérification, compte tenu du fait que certaines des mesures volontaires qui ont émergé au cours des années 90 ne produisaient pas l'information dont le public et le gouvernement ont besoin pour déterminer l'efficacité.
Le point faible, je crois, c'est l'information sur la contamination ambiante. Comme M. Clarkson l'a souligné, ce n'est pas le seul élément d'information requis, mais il est essentiel. Si les rejets augmentent ou diminuent, c'est important de le savoir, mais ce que nous voulons réellement savoir c'est si l'environnement et la santé humaine s'améliorent. Il faut pouvoir établir le lien entre les deux.
Enfin, pour ce qui est du régime applicable aux substances nouvelles et la question de savoir qui fait le travail et dans quelle mesure ce dernier est crédible, l'information est produite principalement par l'industrie, mais elle doit être produite et communiquée sous une forme et conformément à des procédures prescrites par la loi. Ces procédures exigent essentiellement que l'on suive des protocoles d'évaluation normalisés élaborés au sein de l'OCDE. Il n'est pas inhabituel en matière scientifique de dire qu'il faut suivre telle procédure et documenter les choses de telle manière afin qu'un autre scientifique puisse examiner les résultats et s'y fier. C'est ainsi que travaille le monde scientifique et c'est essentiellement de cette manière que fonctionne le régime de notification des substances nouvelles.
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Nous avons dit dans le passé, et je ne l'ai répété que trop de fois à votre comité, pour protéger l'environnement nous avons besoin de leadership à tous les niveaux.
La LCPE est clairement du ressort fédéral et nous espérons que des progrès seront accomplis. Nous pourrons en faire le point pour vous l'an prochain. Je vous mets en garde, ne vous fiez pas trop à nos conclusions de 2002 car les choses ont évolué depuis et nous ne pouvons pas vous dire combien de progrès ont été obtenus -- et, dans certains cas, le Ministère ne le peut pas non plus.
M. Reed disait, et je le souligne de nouveau, que la meilleure façon de voir si la LCPE fonctionne bien est de procéder substance par substance et de regarder quelle était la situation il y a quelques années, avant la refonte de la LCPE, et ce qui a été accompli depuis. Ensuite, vous pourrez tirer vos propres conclusions sur le degré de succès de la LCPE.
Si je puis ajouter un mot, monsieur le président, à ce que nous avons dit dans le passé, concernant l'objectif de la LCPE... M. Moffet a parlé des substances des listes LSIP1 et LSIP2. Nous avons parlé de leur évaluation; l'évaluation est la première étape à franchir pour aller plus loin et gérer... Il faut avoir une image très claire de l'état de la gestion de ces substances.
Par ailleurs, n'oublions pas que collectivement, comme pays, nous étions confrontés à 22 000 substances sur la liste intérieure, et certaines de ces substances vont passer sur la liste LSIP2, si bien qu'il faudra gérer celles-là aussi. Lorsque vous posez des questions sur les ressources, il faut avoir une vision prospective et se demander si nous pourrons gérer ces substances-là aussi. Au moment du suivi de 2002, nous avons dit que si 1 p. 100 des substances se retrouvaient sur la liste LCPE, il faudrait des décennies pour les évaluer. Il ne faut donc jamais perdre de vue l'avenir; il n'y a pas que la liste LCPE des toxiques telle que nous la connaissons déjà, mais il y a aussi tout l'arriéré, plus les substances nouvelles qui pourraient se retrouver sur cette liste.
Je n'ai guère parlé et je m'en tiendrai là, car M. Reed pourra vous donner toutes les réponses appropriées.
Je voulais simplement faire une mise à jour rapide concernant certains des commentaires de M. Reed.
Tout d'abord, il a indiqué que la politique de gestion des substances toxiques et la politique fédérale de prévention de la pollution s'appliquaient au moment de sa vérification. Ces deux politiques sont toujours en vigueur et continuent à guider la prise de décisions relativement à la LCPE et d'autres lois fédérales portant sur les toxiques.
Il a déploré l'absence générale d'objectifs de gestion des risques qui soient fondés sur les connaissances scientifiques. Or, après la promulgation de la LCPE de 1999, le Ministère a élaboré des procédures de gestion des substances toxiques -- que vous pouvez consulter sur le site Internet du Ministère -- qui guident les activités de chaque gestionnaire de risque. Elles prescrivent un mécanisme. La première étape consiste à identifier un objectif de gestion d'une substance fondé sur la science. Ensuite, bien entendu, il faut voir ce qui est praticable et définir un objectif concret dans l'instrument de gestion. Voilà la politique qui encadre la gestion des risques.
Je ne veux pas vous induire en erreur et prétendre que cela se fait dans tous les cas. En effet, l'identification d'un objectif fondé sur la science, puis la concrétisation de celui-ci sous forme de mesures de gestion du risque sont extrêmement difficiles à réaliser dans bien des cas. Nous avons beau souhaiter une concentration ambiante de X, mais si nous décidons de réglementer les secteurs A, B et C, mais non D et E pour diverses raisons, il est conceptuellement très difficile de fixer un niveau de contrôle des émissions, par exemple, ou le pourcentage d'un produit qui peut contenir une certaine substance, puis d'établir le lien entre cela et les résultats de santé environnementale ou humaine globaux que l'on vise. Donc, cela reste un défi pour les deux ministères.
Pour ce qui est de la liste intérieure des substances -- j'ai mentionné cela à plusieurs reprises lors de mes comparutions au comité -- la loi oblige à classifier toutes les 23 000 substances d'ici le 14 septembre de cette année. Cela sera fait, les ministères vont remplir cette obligation. Les ministres se préparent à faire les annonces correspondantes.
Comme je l'ai mentionné dans le passé, et comme M. Reed l'a souligné, je crois, les questions intéressantes seront de savoir quoi faire de cette information et en quoi elle va changer la manière dont nous évaluons et gérons les substances. Les ministères commencent à se concerter avec les parties prenantes de l'industrie et de la société civile au sujet d'un projet de nouveau régime fondé sur cette information.
On dit aussi que le processus réglementaire est trop lourd et qu'il en résulte une préférence pour les mesures non réglementaires. Je ne me prononcerai pas sur la lourdeur du processus -- il y a de nombreuses formalités à accomplir -- mais je veux souligner encore une fois que la loi ne nous permet pas d'utiliser exclusivement des mesures non réglementaires. Nous devons, de par la loi, avoir un règlement ou un instrument pour chaque substance versée à l'annexe 1. Il importe de ne pas le perdre de vue. Que ce soit une bonne ou une mauvaise chose, c'est à vous d'en décider.
Une question a été posée aussi sur la quasi-élimination, demandant si celle-ci est de la nature de la précaution et si les exigences d'élimination virtuelle de la LCPE relèvent plutôt de la prévention de la pollution. Je dirais que les exigences d'élimination virtuelle de la LCPE sont de la nature de la précaution en ce sens qu'elles requièrent que si une substance est persistante, bioaccumulable et à toxicité inhérente elle doit être virtuellement éliminée. Il n'est pas question de la soumettre à d'autres types d'analyse, elle doit être virtuellement éliminée.
Est-ce que ces exigences imposent nécessairement la prévention de la pollution? Je dirais que non, pas nécessairement. La définition de la quasi-élimination dans la loi met l'accent sur les rejets. On peut réduire les rejets par des mesures de contrôle de la pollution ou bien par la prévention de la pollution. La loi ne nous pousse pas nécessairement vers la prévention de la pollution de par la manière dont elle spécifie ou définit la « quasi-élimination ».
Voilà ce que je souhaitais dire en réponse aux remarques de M. Reed.