CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 13 février 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Comme nous avons le quorum, nous allons ouvrir la séance. Nous poursuivons notre étude des questions concernant les réfugiés.
Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui des témoins d'Amnistie Internationale Canada: Claudette Cardinal, coordonnatrice, réfugiés, Section canadienne francophone; et Richard Goldman, coordonnateur, Protection des réfugiés, Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.
Bienvenue à notre comité.
Tous les membres du comité ne sont pas encore arrivés. Nous avons des débats à la Chambre des communes concernant certaines réunions cette semaine alors j'imagine qu'ils arriveront en temps voulu.
Si vous avez une déclaration liminaire à faire, je vous invite à prendre la parole maintenant.
Nous allons commencer notre séance.
[Français]
Je m'appelle Claudette Cardinal. Permettez-nous d'abord de vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous rencontrer afin de partager avec vous nos préoccupations concernant le processus d'évaluation des risques avant le renvoi, qu'on appelle aussi l'ERAR. Mon collègue Richard Goldman et moi-même allons nous partager cette tâche.
Trois organismes présentent ce mémoire: la section canadienne francophone d'Amnistie internationale, la Table de concertation, c'est-à-dire une coalition de 140 groupes québécois au service des réfugiés et des immigrants, et le Centre justice et foi, un centre jésuite d'analyse sociale.
Depuis nombre d'années, nos trois organisations sont très préoccupées par le bas taux d'acceptation à l'ERAR. En 2005, pour tout le Canada, le taux d'acceptation était de 3 p. 100 sur un peu plus de 6 800 décisions. Pour le Québec, ce taux n'était que de 1 p. 100, et il ne s'est pas amélioré en 2006. Notre préoccupation se fonde sur notre conviction collective, à savoir, tel qu'énoncé dans la Convention relative au statut des réfugiés, qu'on appelle la Convention de Genève, que personne ne doit être refoulé vers un pays où il court le risque d'être persécuté ou, tel qu'énoncé dans la Convention contre la torture, que personne ne doit être refoulé s'il risque d'être torturé ou de subir des traitements cruels et inusités.
En analysant les dossiers des demandeurs d'asile déboutés ayant demandé l'appui de nos organisations, nous avons constaté des pratiques nous portant à croire que l'ERAR souffre d'un problème systémique. En voici des exemples pratiques: le rejet d'éléments de preuve apparemment dignes de foi sans mention des raisons ayant mené à ce rejet; la détermination arbitraire des éléments de preuve documentaire; le défaut d'examiner la crédibilité de manière indépendante à la suite d'une conclusion défavorable par la CISR; un niveau de preuve trop élevé en regard de ce que requièrent la loi et la jurisprudence, et des demandes d'éléments de preuve qu'il est impossible de produire ou qui n'existent pas.
Notre mémoire illustre chacun de ces problèmes au moyen d'exemples concrets. Je vais vous épargner la lecture du mémoire. En effet, comme à l'époque où j'étais chargée de cours dans une université montréalaise, je vais tenir pour acquis que vous avez eu la chance de lire le document, que vous en avez pris connaissance. Je vous invite particulièrement, vous qui n'avez pas la chance d'être sur le terrain quotidiennement, à vous familiariser avec le processus canadien de demande d'asile. Il est bien expliqué dans les premières pages du document. Cette section redresse quelques idées fausses, galvaudées à droite et à gauche, par exemple celle répétée par un des quatre ou cinq ministres passés par ce ministère au cours des trois dernières années, à savoir qu'un demandeur d'asile aurait 52 possibilités d'en appeler d'une décision consistant à lui refuser le statut de réfugié ou la protection du Canada. M. Goldman va nous parler de l'une de ces idées.
Pour ma part, je voudrais partager avec vous quelques-unes de mes frustrations, qui sont communes à tous ceux et celles qui luttent pour promouvoir la justice. Vendredi dernier, j'ai eu le privilège d'entendre Mme Louise Arbour, du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. J'ai eu la chance également de la voir en entrevue à la télé. Elle a posé la question à savoir si nous, Canadiens et Canadiennes, faisions tout en notre pouvoir pour protéger les personnes en danger. Elle a indiqué qu'étant donné toutes les ressources dont disposait le Canada, la barre devait être très haute. Je crois que dans bien des cas, nous n'atteignons pas la barre. En parlant des Nations Unies, Mme Arbour a mentionné l'inertie et les obstacles bureaucratiques. Ne s'appliquent-ils pas aussi à nos travaux, à l'occasion?
Permettez-moi de vous donner quelques exemples, qui sont pour la plupart des cas de mise à jour de dossiers de demandeurs d'asile déboutés que le Canada a refoulés vers leur pays d'origine. Ces exemples me sont parvenus depuis qu'on a fait les recherches et rédigé le mémoire. Ils sont donc très récents. Comme on dit en anglais, ils sont hot off the press.
[Traduction]
Le Pakistanais dont il est question à la page 4 de notre mémoire s'est caché dans une ville loin de sa ville d'origine avec sa femme et ses enfants dès son retour au Pakistan. La semaine dernière, son avocat montréalais a pu communiquer avec sa femme et cette dernière lui a dit que peu après leur arrivée au Pakistan ils ont commencé à recevoir des menaces de mort et on les a menacés de kidnapper leurs enfants.
Je dois dire que lorsqu'ils sont retournés au Pakistan, ils ne sont pas allés s'installer dans la ville où cet homme avait subi des tortures. Ils sont allés loin, ailleurs, et pourtant les autorités ou les gens qui étaient contre eux savaient qu'ils étaient de retour et ont découvert où ils étaient et l'ont menacé lui et ses enfants.
Il a dû fuir et trouver refuge dans un autre pays, où il ne pourra jamais trouver un emploi permanent ni un emploi à temps plein. Sa situation est très précaire, mais au moins les pressions sur sa famille ont diminué dès qu'il est parti.
Les agents d'ERAR ont donc tort de croire que dans bien des cas les autorités ou les responsables de la persécution ne savent pas qu'un demandeur d'asile débouté est rentré dans son pays d'origine.
Pourtant, malgré tout cela, ce Pakistanais a toujours espoir que sa demande de résidence permanente,qu'il a présentée avant de quitter le Canada, sera accueillie.
[Français]
Dans un autre dossier où Amnistie internationale a été impliquée, un Mauritanien d'origine esclave s'était engagé dans la défense pacifique des droits des esclaves mauritaniens. Lorsque son pays a interdit cette pratique, il a parcouru des régions de son pays pour informer les ex-esclaves de leurs droits. Il a été détenu et torturé trois fois, mais il a réussi à s'échapper la troisième fois et à se rendre au Canada.
Deux de ses frères, qui sont aussi des défenseurs des droits humains, ont été acceptés comme réfugiés en France. En dépit de faits similaires dans le cas de ses frères et dans celui de cet homme qui a demandé ici le statut de réfugié, le Canada a cru bon de le lui refuser et de le refouler vers son pays d'origine. Heureusement, après son départ, la Cour fédérale a autorisé une révision judiciaire, mais monsieur était parti. On ne sait pas où il est. On ne sait même pas s'il est encore en vie.
J'ai un dernier exemple de choix capricieux fait par des agents de l'ERAR. Permettez-moi de vous parler d'une Mauritanienne qui a déposé plusieurs documents à titre de nouvelles preuves avec sa demande d'ERAR.
Dans une décision récemment rendue, l'agent de l'ERAR a refusé des documents d'un tribunal mauritanien en disant qu'il n'y avait qu'une traduction française et que l'original écrit en arabe n'avait pas été soumis. L'agent a aussi refusé des preuves concernant deux événements spécifiques que la femme relatait en tant que preuves nouvelles liées à ses craintes, en prétextant qu'il n'y avait aucune mention de ces événements dans le formulaire de renseignements personnels, communément appelé le PIF. Toutefois, c'est faux, car non seulement on faisait état des événements dans le PIF, mais la CISR en avait aussi fait mention. Quoique l'agent ait inscrit comme faisant partie de la nouvelle preuve une lettre d'appui de la section canadienne francophone d'Amnistie internationale, cet agent n'y a pas fait référence dans son analyse.
C'est avec beaucoup de respect que je tiens à indiquer que cela contrevient à une décision de la Cour fédérale. Les faits ne sont pas tout à fait similaires, mais le principe s'applique quand même. Dans l'arrêt Thang c. Solliciteur général du Canada, en mars 2004, M. le juge O'Reilly disait :
[Traduction]
L'agente a énuméré les nombreux documents qu'elle a examinés avant de prendre sa décision. Cependant, un document spécialement préparé par Amnistie Internationale pour appuyer la demande de M. Thang ne figurait pas dans cette liste.
Il y a une présomption selon laquelle les décisionnaires ont tenu compte de tous les éléments de preuve dont ils sont saisis, même s'ils ne font pas spécifiquement référence à chacun d'entre eux. Cependant, plus un document est important pour la question à trancher, plus grande est l'obligation du décisionnaire d'en tenir compte spécifiquement. Cela est particulièrement le cas lorsque le document contredit les propres conclusions du décisionnaires. Ici, le document en question est une analyse spécifique, détaillée, des circonstances personnelles du demandeur, effectuée par une source crédible qui arrive à une conclusion qui est contraire à celle de l'agente. L'agente avait le devoir d'au moins mentionner le rapport dans ses motifs.
[Français]
Le rapport dont il est question venait de la section canadienne anglophone. La section canadienne francophone, beaucoup plus petite, reçoit bon an mal an une centaine de demandes d'aide. Ce ne sont pas toutes des demandes provenant de demandeurs d'asile déboutés, mais c'est le cas de la grande majorité d'entre elles.
Cependant, année après année, je peux rédiger une lettre d'appui spécifique pour 10 ou 12 de ces personnes seulement, donc dans à peine 10 p. 100 des cas de demandes ayant donné lieu à un refoulement, et ce, à cause des normes sévères imposées par le bureau central d'Amnistie internationale. Lorsque nous appuyons quelqu'un, ce n'est pas parce que nous avons envie de le faire: nous avons des critères très sévères à respecter. Je dois vous dire que cette femme doit être refoulée vers la Mauritanie le 27 février. Comme dans d'autres cas, on a complètement éliminé des éléments de preuve qui figuraient à son dossier; on n'en a même pas tenu compte.
Si vous me permettez un tout dernier point avant de céder la parole à mon confrère, je vais vous faire part d'un commentaire spontané émis par un attaché politique d'un des quatre ou cinq derniers ministres. Un jour où j'appelais le bureau du ministre pour demander à celui-ci de donner son appui à un cas très spécifique, en l'occurrence pour essayer d'empêcher le refoulement de cette personne, l'attaché politique s'est exclamé que je n'avais pas idée du nombre de dossiers se trouvant dans ce bureau, qu'il y avait tellement de problèmes, et que ça n'avait aucun sens. Pour ma part, je me dis que s'il y a tant de problèmes, il est peut-être temps qu'on fasse quelque chose pour redresser le système.
[Traduction]
Je tiens à remercier les membres du comité de nous recevoir aujourd'hui et de prendre le temps de nous écouter.
J'aimerais attirer votre attention sur les recommandations que nous faisons à la page 11 de la version française de notre mémoire. Nous les avons divisées en deux partie. Il y a d'abord les mesures immédiates qui ne nécessitent aucune modification législative et ensuite les mesures à long terme qui nécessitent des modifications législatives.
La première recommandation est de mettre en place la Section d'appel des réfugiés de la CISR. Comme vous le savez tous j'en suis certain, cela est prévu depuis 2002, mais n'a pas encore été fait. La raison pour laquelle nous faisons cette recommandation, c'est que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, comme tout autre régime d'arbitrage peut donner lieu à des erreurs humaines.
Pour vous donner une idée des erreurs humaines possibles, précédemment dans notre mémoire nous donnons les taux d'acceptation en 2005 des commissaires de la CISR qui ont entendu et tranché au moins 100 cas. Comme vous pouvez le constater, ces pourcentages varient entre 5 p. 100 et 88 p. 100. Cela ne veut pas dire que la CISR est meilleure ou pire; c'est un régime d'arbitrage qui dépend d'êtres humains. Il peut donner lieu à des erreurs humaines. Les enjeux sont en fait plus élevés que ceux de n'importe quel tribunal administratif au Canada. Étant donné que le Canada a aboli la peine de mort, il s'agit de la seule décision judiciaire au quasi judiciaire au Canada qui peut mener à la torture ou même à la mort de quelqu'un.
Ce sont donc là les enjeux. Avec tout le respect que je dois à certains députés qui ont dit le contraire, même à la Chambre des communes, il n'y a pas de processus d'appel d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il n'y a pas d'appel sur le bien-fondé.
Il est possible de demander un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale, mais cela comporte de nombreux obstacles. Tout d'abord, il faut demander la permission pour que la Cour fédérale entende une cause. À ce niveau, 89 p. 100 des causes sont rejetées; elles ne sont jamais entendues. Si elles sont entendues, la cour ne peut intervenir que si elle conclut qu'il y a eu une erreur manifeste. Il ne s'agit pas tout simplement de dire que la décision n'était pas la bonne. Un véritable appel existe lorsqu'un tribunal examine la décision d'une cour inférieure et demande si elle est arrivée à la bonne décision. Ici, la décision doit être manifestement déraisonnable, ce qui représente une norme extrêmement élevée qu'il est difficile de respecter. Ce n'est pas vraiment juste de dire qu'il s'agit là d'un appel.
En ce qui concerne l'examen du risque avant renvoi, qui est le sujet de notre exposé, nous avons dressé une longue liste des différents problèmes que pose cet examen. Ma collègue Claudette a même donné des exemples additionnels. Mais ce processus n'a jamais été conçu comme étant un appel. Il a été conçu afin d'examiner les changements de circonstances ou les nouveaux éléments de preuve qui sont présentés après l'audience devant la CISR. Cela n'a certes jamais été conçu comme étant un appel sur le bien-fondé.
L'autre recours, qui est parfois décrit comme étant un appel, est la demande de résidence permanente pour des motifs humanitaires. Cette demande ne comporte aucune évaluation indépendante du risque auquel les demandeurs feraient face s'ils étaient renvoyés dans leur pays. L'évaluation du risque est effectué par le même agent d'ERAR. Il n'est pas vraiment raisonnable de parler alors d'un recours indépendant, encore moins d'un appel. Comme Claudette l'a mentionné dans l'un des exemples qu'elle a donnés, très souvent les gens sont renvoyés du Canada alors qu'ils attendent une réponse à la suite de leur demande pour des motifs humanitaires. Elle a mentionné un exemple concret.
Nous aimerions souligner, bien que vous le sachiez, j'en suis certaine que cela n'exigerait aucune modification législative. En fait, il s'agirait tout simplement de mettre en oeuvre la loi actuelle.
Notre deuxième recommandation est d'améliorer la formation des agents d'ERAR en ce qui a trait à l'examen des éléments de preuve et l'interprétation et l'application de la législation canadienne, y compris la Charte et les instruments internationaux relatifs aux droits de la personne. Nous estimons que cette formation devrait inclure la participation des représentants du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d'ONG comme Amnistie internationale et le Conseil canadien pour les réfugiés.
Nous recommandons en troisième lieu que Citoyenneté et Immigration Canada fournisse aux intervenants concernés des informations sur les compétences et les autres exigences requises pour être nommé agent d' ERAR, ainsi que sur les conditions de leur mandat, par exemple, la charge de travail attendue, la durée des contrats, s'il y a lieu, l'évaluation du rendement au travail et le contrôle de la qualité de la prise de décision.
Nous faisons remarquer dans notre mémoire que l'un de vos membres a posé une question à Citoyenneté et Immigration Canada le 5 décembre à propos du niveau de formation et des titres et qualités des agents ERAR. Comme les tribunaux l'ont mentionné, ces agents prennent des décisions extrêmement importantes et font souvent respecter des lois complexes, par exemple, la Convention de l'ONU relative au statut des réfugiés, la LIPR, et la Charte canadienne des droits et libertés.
Le membre du comité a eu la gentillesse de me fournir certaines des informations qui ont été ou qui seront distribuées. Ce qui frappe tout de suite, c'est qu'au Québec, la majorité des agents d'ERAR ont moins de 24 mois de métier. On s'attendrait à ce que ces personnes soient des agents de niveau avancé et qu'ils aient une longue expérience des rapports avec des personnes qui craignent d'être persécutées. Je n'en dirai pas plus. Vous aurez l'occasion d'analyser cela — je ne l'ai pas fait — mais il me semble qu'on traite ces postes comme s'il s'agissait de fonctions subalternes.
Notre dernière recommandation concerne les audiences relatives à l'évaluation du risque avant renvoi. Vous le savez peut-être, et nous le faisons valoir dans notre mémoire, on ne garantit pas une audience devant l'agent qui va évaluer le risque avant renvoi. Non seulement ce n'est pas garanti, mais cette audience n'a presque jamais lieu.
Nous citons une disposition du règlement de la LIPR qui m'a toujours paru très ambiguë. Il y est dit qu'une audience doit être accordée dès que la crédibilité du demandeur est en cause. Nous trouvons très curieux que presque toutes les décisions, qu'elles soient prises par la CISR ou qu'il s'agisse de l'ERAR, sont fondées sur des questions de crédibilité, et pourtant il n'y a presque jamais d'audiences.
Cette question n'a jamais été claire pour nous; par conséquent, nous estimons que le manuel de l'immigration qui s'applique ici doit être modifié pour s'assurer que si la crédibilité est en cause, il doit y avoir une audience, surtout dans les cas où la commission n'a pas entendu la personne. Depuis 2002, il existe une catégorie de personnes qui demandent le statut de réfugié au Canada mais qui n'ont jamais été entendues par la commission. Il y a entre autres les personnes qui ont déjà demandé le statut de réfugié. Ces personnes sont peut-être rentrées dans leur pays, et leurs circonstances ont peut-être complètement changé, mais étant donné qu'elles ont déjà demandé le statut de réfugié, la Commission n'entendra jamais ces personnes de nouveau.
Nous estimons que si c'est le cas, on devrait à tout le moins garantir une audience à ces personnes devant l'agent d' ERAR. Nous citons un arrêt de la Cour fédérale qui dit pas exactement cela, mais que de manière générale, si la crédibilité est en cause, la personne devrait être entendue avant l'ERAR. Nous estimons que cette mesure doit être inscrite dans le manuel d'immigration.
Pour ce qui est de nos recommandations pour le long terme qui exigeraient des modifications législatives, nous estimons qu'elles tombent sous le sens que la conduite des ERAR soit retirée complètement des mains de Citoyenneté et Immigration Canada et confiée à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. On réglerait ainsi tous les problèmes que pose l'indépendance institutionnelle, ou qui sont relatifs à la compétence et à la formation et que nous mentionnons dans notre mémoire. De manière plus générale, il nous semble illogique d'avoir deux catégories d'agents — l'un à la CISR et l'autre à Citoyenneté et Immigration Canada — qui appliquent exactement les mêmes définitions du statut de réfugié et des personnes protégées. Pourquoi ne pas confier ce soin exclusivement aux experts de la CISR? Cela nous paraît être un double emploi inutile des services, et pose toutes les difficultés relatives au chevauchement des programmes de formation, ou peut-être encore le risque d'une formation et d'une expérience insuffisantes.
Nous recommandons aussi que l'on abroge les alinéas 101b) et 101c) de la LIPR, qui prévoient qu'une personne dont la demande d'asile a déjà été refusée ne pourra plus jamais être entendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Enfin, il est recommandé de renforcer les pouvoirs de la CISR afin de lui permettre de rouvrir les dossiers de demande d'asile si les circonstances changent de manière significative, et ainsi, la commission pourra rouvrir un dossier, l'étudier et accorder le statut de réfugié. À l'heure actuelle, la CISR ne peut rouvrir un dossier que dans des cas très limités. C'est limité à des questions de justice naturelle, donc seulement dans les cas où il y a eu une iniquité manifeste lors de l'audience. Même si les circonstances ont changé du tout au tout, même si dix années se sont écoulées depuis la première décision, la CISR ne peut pas réétudier le dossier ou le rouvrir afin de tenir une nouvelle audience. Nous croyons qu'avec cette mesure, il ne sera probablement plus nécessaire de procéder à une ERAR dans de nombreux cas.
Voilà donc nos recommandations.
Merci. monsieur Goldman, et merci à Mme Cardinal aussi.
Nous allons maintenant passer aux questions des membres du comité, et je crois que le premier sur notre liste est M. Karygiannis.
Bonjour à tous les deux, et merci d'être venus. Il y a certainement lieu de vos féliciter pour le travail que vous accomplissez, pas seulement au Canada mais partout dans le monde, en ce qui concerne les réfugiés et la protection des droits des personnes qui ne peuvent pas se défendre.
Je sais que je m'écarte un peu du sujet, mais depuis quelques jours, le comité se penche sur la situation des trois détenus de Kingston. J'ignore si vous avez suivi ce dossier. Le comité leur a rendu visite, et on en a parlé à la Chambre des communes.
Je me demandais si l'un d'entre vous, ou tous les deux, aviez des commentaires à faire sur ce qui se passe là-bas, ou des réflexions sur cette question.
Je ne sais pas ce qui se passe exactement à Kingston, je n'en sais que ce qu'en disent les journaux et la télévision. Chose certaine, le sort de ces trois personnes nous préoccupe, strictement sur le plan humain, sachant ce qu'elles vivent en ce moment. Ayant été infirmière dans une de mes vie antérieures, il est sûr que je m'inquiéterais de voir une personne faire la grève de la faim aussi longtemps.
Amnistie internationale a témoigné devant votre comité, je crois, et sûrement devant le comité de la sécurité pour faire état de ses préoccupations relativement aux certificats de sécurité comme tels, et au fait qu'on détient des personnes avec très peu de preuves tangibles, et pas seulement pendant quelques mois. Si j'ai bien compris, l'un de ces hommes est là depuis cinq ou six ans.
Si l'on a des preuves, alors qu'on les inculpe, mais qu'on ne les laisse pas ainsi dans l'incertitude pendant aussi longtemps. De même, si on les renvoie dans leur pays d'origine, ils risquent fort probablement d'être torturés, détenus arbitrairement, et peut-être pire, et c'est sûrement une chose à laquelle Amnistie internationale s'oppose à 100 p. 100, d'où sa grande inquiétude.
La position d'Amnistie internationale et de ma propre organisation, la Table de concertation, est qu'une détention indéfinie sans accès à la preuve et sans inculpation est une chose qui n'est pas compatible avec notre système. Bien sûr, je ne vous apprendrai pas que la Cour suprême a été saisie de cette question et que nous attendons son jugement, et chose certaine, nous espérons que les autorités vont se rendre compte que c'est une disposition controversée qui guide leurs actions pour ce qui est des conditions de détention et qui semblent avoir déclenché cette grève de la faim.
Je ne crois pas que nous ayons autre chose à dire à ce sujet.
Merci. Pour en revenir aux demandes d'ERAR, et je sais le bon travail que vous avez accompli à cet égard et pas seulement dans une seule province mais partout au Canada... avez-vous déjà vu des demandes d'ERAR concernant un pays en particulier où, par exemple, un agent d'immigration trop zélé ou un agent responsable du cas a peut-être renvoyé des gens? Je voudrais qu'on me cite un pays en particulier où l'on aurait refoulé des gens, où ces personnes auraient été mises en danger, un pays plus qu'un autre.
Le Pakistan, sûrement.
Pour ce qui est des cas d'aide qui me sont soumis, il y a évidemment beaucoup de monde de l'Afrique, et il s'agit souvent d'hommes célibataires. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne refuse pas aussi des hommes accompagnés de leur femme et de leurs enfants, mais il est sûr que ceux qui sont seuls... Et c'est peut-être un hasard qu'un grand nombre d'entre eux sont issus de pays francophones, et c'est pourquoi ils viennent à Montréal, et c'est ce que je vois. C'est difficile à dire... l'oeuf ou la poule.
Le Pakistan, le monsieur dont nous avons souligné le cas... Chose certaine, il semble y en avoir plusieurs. Il y a aussi...
Dans le cas de ce monsieur, oui, et je peux aussi vous citer l'exemple d'une pakistanaise qui était...
Elle était musulmane, je crois, et il était chiite.
Je crois que la dame était également chiite. Elle vivait dans un village, et elle avait réussi à organiser les femmes de son village. Elle s'était procuré des machines à coudre. Ces femmes s'étaient mises à coudre, et elles pouvaient vendre les vêtements qu'elles fabriquaient. Ça leur rapportait un peu d'argent. Elle s'est heurtée au dirigeant religieux du coin, qui prétendait qu'elle montait les femmes contre leur mari. Toute sa famille... son mari est mort en prison, la maison de son père a été brûlée, et il a fini par mourir lui aussi. Elle a un cousin sur qui on a tiré le jour où il a comparu devant les tribunaux dans une ville du Pakistan. Elle a deux frères qui ont disparu... elle ne sait pas du tout où ils sont. Et ces femmes, rien qu'à cause de son travail... elle était le chef du Parti du parti du peuple pakistanais dans sa ville.
Oui, le PPP. Elle court donc un grand danger, mais le Canada a jugé bon de l'expulser. Sa famille a été presque décimée pour des raisons politiques, mais on ne semble pas y voir de problème.
Toujours à propos du Pakistan, est-ce qu'Amnistie internationale s'est penchée sur des cas d'ahmadis?
Pas la section francophone, mais je ne peux pas parler au nom de la section anglophone. Peut-être que oui. Nous fonctionnons tout à fait différemment et tout à fait séparément, donc je l'ignore.
Vous avez mentionné l'Afrique. Pouvez-vous nous donner quelques exemples de cas où des agents trop zélés ont peut-être renvoyé des gens vers l'Afrique, ces célibataires dont vous parliez?
Pour le monsieur de la Mauritanie que j'ai mentionné aujourd'hui, la Cour fédérale a fini par... il était l'un des 11 p. 100 de qui on a dit que, oui, il faudrait peut-être procéder à un examen judiciaire de son cas, mais il est déjà rentré.
L'agent d'ERAR a dit que cet homme n'était pas en danger. Il s'agissait d'un ancien esclave, et l'esclavage est désormais hors la loi en Mauritanie, il ne courait donc aucun risque. Mais cet homme a été détenu à trois reprises et torturé trois fois parce qu'il défendait les droits des anciens esclaves et leur expliquait quels étaient leurs nouveaux droits.
Avez-vous été témoin de cas où des gens ont été refoulés, où l'agent d'ERAR a dit que ça allait, qu'il n'y avait pas de problème, mais qu'ayant fait valoir des motifs d'ordre humanitaire la personne avait été renvoyée après que l'audience pour motif d'ordre humanitaire ait été entendue au Canada?
J'ai entendu parler d'un cas, et il s'agissait d'un Pakistanais qui avait été refoulé chez-lui et dont les motifs d'ordre humanitaire avaient été reconnus, et il serait apparemment rentré au Canada. Il est sûr qu'on peut voir de tels cas dans le système, mais il semble que ce soit très rare.
[Français]
Vous avez dit plus tôt que le taux d'acceptation des demandes de statut de réfugié était de 3 p. 100 au Canada mais de 1 p. 100 au Québec. C'est exact?
Dans le cadre de l'ERAR, on dit aux gens qui ont été refusés en tant que réfugiés, avant qu'ils soient renvoyés dans leur pays, qu'ils peuvent passer un examen dans le cadre duquel on examine les risques qu'ils encourent dans leur pays d'origine. À l'échelle du Canada, 3 p. 100 de ces cas sont acceptés. Il s'agit donc de personnes qui sont considérées comme courant un risque. Au Québec, ce pourcentage n'est que de 1 p. 100.
C'est incroyable. J'aimerais savoir comment se déroulent les étapes de l'ERAR. Par exemple, quand l'avis relatif à une demande est soumis, combien de temps s'écoule-t-il avant que l'agent rende une décision? Si la décision est négative, après combien de temps la personne est-elle renvoyée dans son pays?
Cela varie beaucoup. Tout d'abord, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, ou CISR, rend sa décision. Si elle est favorable, le problème est réglé. Si elle est défavorable, il est possible de demander une révision judiciaire à la Cour fédérale, mais, dans de tels cas, la cour rejette 89 p. 100 des demandes. Une telle démarche suspend les opérations pendant deux ou trois mois. Plusieurs revendicateurs n'ont tout simplement pas les moyens de faire une demande à la Cour fédérale. C'est extrêmement variable. C'est un point intéressant parce qu'on dit souvent que les délais du système sont trop longs. La CISR, par exemple, prend trop de temps. Le plus long délai est celui qui sépare la décision de la CISR et la convocation à l'examen des risques avant renvoi, ou ERAR. Je connais des dossiers qui ont traîné un an et demi avant que les gens soient convoqués à l'ERAR, quoique cela puisse, comme je l'ai mentionné, ne durer que deux ou trois mois. Par la suite, on est convoqué à l'examen des risques avant renvoi. On a 30 jours pour faire la demande. On peut recevoir la réponse après un ou deux mois et on fixe tout de suite une date de départ, ou cela peut traîner six mois, un an.
Bref, la durée du processus qui débute par une demande d'obtention du statut de réfugié et qui se termine par le renvoi du Canada — si tel est le résultat — peut varier d'un an et trois mois à deux ou trois ans. Les délais principaux se situent au niveau de Citoyenneté et Immigration Canada, tout d'abord lors de la convocation à l'ERAR et ensuite lors de la décision à la suite de l'ERAR.
Un peu plus tôt, vous avez indiqué que Mme Louise Arbour avait dit que la barre était haute et qu'on ne l'atteignait pas. Qu'entendez-vous par là?
Elle a dit que le Canada, à cause de ses ressources et de ses grandes possibilités, devrait placer la barre haute en ce qui a trait au nombre de personnes qu'il peut accepter à titre de réfugiés, et ainsi de suite, surtout si on le compare à d'autres pays. Elle ne parlait pas spécifiquement des réfugiés, mais j'ai fait le parallèle avec le travail que nous faisons. Je crois que la barre n'est peut-être pas assez haute et que, surtout en ce qui a trait à l'ERAR, on ne l'atteint pas toujours. On devrait exiger plus du Canada que d'autres pays, parce que nous disons être un pays accueillant et un pays où la loi prévaut. En raison de toutes nos ressources et possibilités, on devrait exiger plus du Canada que de plusieurs autres pays.
Je suis un nouveau membre du comité et je vous écoutais parler d'incompétence et de manque de formation, sans doute. Les agents affectés à l'ERAR auraient-ils reçu des directives indiquant qu'il faut refuser l'ensemble des gens? Est-il possible qu'on ait émis des directives semblables?
On ne trouvera jamais une telle directive sur papier. Le guide administratif que les agents doivent consulter pour appliquer la loi et les règlements, le PP 3, est très bien fait, sauf qu'il n'est pas toujours suivi. Au début de l'été, on a trouvé des tableaux qui résumaient les tâches des agents. Aucun tableau ne disait comment accepter des demandes, mais il y avait un tableau qui disait comment les rejeter. Je pense que cela en dit beaucoup.
Quelque temps après que j'aie commencé cet emploi, Michel Frenette, qui était le directeur général de la section canadienne francophone d’Amnistie internationale à l'époque, a demandé de rencontrer la responsable intérimaire de l'immigration pour la section du Québec. Je ne me souviens pas de son titre exact. Vers la fin de notre rencontre, elle m'a demandé comment on pouvait être certain à 99 p. 100 que ces gens étaient à risque si on les renvoyait dans leur pays. J'ai été estomaquée d'entendre une telle chose. Le seuil, ce n'est pas 99 p. 100; c'est la prépondérance des probabilités qu'on doit appliquer.
Si elle parle de la sorte à des collègues à l'heure du dîner ou pendant les pauses, elle transmet cette mentalité à tout le personnel. Un simple agent de l'ERAR se dira que s'il accepte plus de demandes qu'il ne le devrait, il se fera taper sur les doigts. Ce sont des employés et ils doivent suivre des consignes, même si celles-ci ne sont pas écrites sur papier.
Je vais vous donner un autre exemple. J'ai participé à une rencontre à laquelle prenaient part deux représentantes de l'immigration, et l'une d'elles a fait une présentation. J'ai encore une fois été très dure par rapport à l'ERAR parce que je trouvais qu'il y avait de très graves problèmes, comme on l'explique dans notre mémoire. À la fin de la rencontre, quand j'étais au vestiaire, une des deux jeunes femmes est venue me voir et m'a dit que parfois, ils aimeraient pouvoir dire que telle personne est à risque, mais n'osaient le faire de peur que la CISR perde la face, puisque cette dernière avait dit qu'il n'y avait pas de risques.
Je ne connais pas la situation ailleurs au Canada, mais c'est la situation avec laquelle on doit composer au Québec.
[Traduction]
Existe-t-il une instance mondiale, l'ONU peut-être, où l'on peut entamer un recours collectif ou un recours quelconque où l'on ferait valoir que CIC et le ministre responsable de CIC, se sont rendus coupables d'outrage envers la Chambre des communes étant donné qu'il n'ont pas su créer la section d'appel des réfugiés, qu'on n'a pas accordé d'audience comme on est sensé le faire dans le processus d'ERAR, et qui n'existe pas de véritable processus d'appel autre que la Cour fédérale?
Existe-t-il une instance quelconque à laquelle vous pouvez songer pour certains de ces réfugiés qui ont été expulsés et qui maintenant font face à la mort ou à la torture ou doivent fuir vers un autre pays? Est-ce qu'on peut intenter un recours collectif?
Je ne sais pas si les recours collectifs existent à l'échelle mondiale, mais certaines instances internationales se sont prononcées sur la difficulté que pose l'absence d'une instance d'appel, nommément l'Organisation des États américains dans son examen des procédures d'asile au Canada. On a fait état du fait que l'absence d'une instance d'appel pose un problème, et le haut commissariat aux réfugiés des Nations Unies l'a mentionné aussi.
Pour ce qui est des personnes qui estiment qu'elles n'ont pas été bien traitées, il existe quelques recours. Il existe par exemple le recours au Comité contre la torture, à l'échelle internationale, et on a fait droit à certaines demandes de ce côté. Certaines instances ont critiqué quelques-uns de nos aspects, dont le fait qu'il n'existe pas d'instance d'appel dans le système d'asile au Canada. Le problème, c'est que ces critiques n'obligent en rien le Canada à adopter une loi ou à respecter la loi qui existe déjà.
Pour ce qui est de votre première recommandation concernant le long terme, si l'on confie l'ERAR au CIC; souvent, je...
Excusez-moi, si on l'enlève du CIC pour le donner à la CISR, j'ai souvent penser que si les mêmes personnes étudient le même dossier, et la même instance, cela peut faire problème, il est donc sensé à certains égards de retirer l'ERAR de la CISR et d'avoir deux instances qui s'en chargent.
Maintenant, si vous retirez l'ERAR au CIC et la confier à la CISCR, il pourrait s'agit de la même personne. Disons que cette personne a un taux de réussite de 5 p. 100 et qu'elle refuse de faire droit à 95 p. 100 des demandes de statuts de réfugiés; Il se pourrait que la même personne, l'agent responsable de l'ERAR, ou l'agent ERAR relève de la même personne. On retomberait alors dans le même cycle, la même ornière, et je ne vois pas alors comment le réfugié pourrait avoir une deuxième chance de soumettre de nouvelles informations.
Est-ce que le CIC pourrait établir une section indépendante d'appel pour les réfugiés qui n'aurait rien à voir avec la CISR — étant donné que la CISR ne va pas le faire de toute façon, comme je l'ai remarqué au cours des quelques dernières années — et avoir en fait une instance d'appel indépendante à CIC? Auquel cas je verrais bien l'ERAR passer à la CISR. Ça irait.
Si vous envoyez tout à la CISR, étant donné qu'elle n'a pas voulu se doter d'une section d'appel et qu'elle n'a pas voulu étudier le cas des agents qui ont un taux de réussite de 5 p. 100 et d'autres qui ont un taux de réussite de 85 p. 100, comment pouvez-vous croire que le fait de confier l'ERAR à la CISR fera en sorte que ces réfugiés seront traités équitablement?
Eh bien, je vous dirai tout de suite que tout arrangement institutionnel pose des problèmes. Ce que je dois dire aussi, c'est que ce n'est pas la CISR qui n'a pas voulu créer la section d'appel des réfugiés; c'est le gouvernement du Canada.
Maintenant, cela étant dit, et partant du principe que tout arrangement institutionnel pose des problèmes, je crois qu'il serait possible d'avoir un tribunal où il y aurait une section d'appel qui fonctionnerait de manière indépendante et professionnelle. Je crois que nous sommes très encouragés par les mesures qui ont été prises pour professionnaliser les nominations à la CISR, et c'est à ce niveau qu'il faut poursuivre nos efforts.
Mais chose certaine, il ne devrait jamais y avoir de cas où un agent serait chargé de réviser sa propre décision. C'est un principe fondamental en droit. C'est tout simplement inéquitable. S'il existe une section distincte, si cela accroît le professionnalisme et l'expertise des commissaires de l'immigration et du statut de réfugiés, je crois que nous serons plus tranquilles.
Il n'existe peut-être pas de solution parfaite, mais il me semble tout simplement qu'il tombe sous le sens d'avoir un tribunal au Canada, un tribunal dont les membres sont choisis professionnellement, sont professionnellement formés, respectent des normes très élevées et sont indépendants du gouvernement, au lieu de créer deux instances.
Si je vous ai bien compris, vous dites qu'il devrait y avoir une troisième institution, qui ne serait pas la CISR et CIC, mais encore là, il y aurait double emploi de toutes ces ressources, de la formation et du reste, et dans le contexte actuel, créer une troisième instance gouvernementale me semblerait tout à fait illogique.
Est-ce qu'on ferait des économies si l'on confiait l'ERAR à la CISR? On aime bien faire des économies au gouvernement, n'est-ce pas?
Je vous répondrai que si la section d'appel devait être créée comme on l'a envisagé au début — c'est-à-dire que vous iriez à la CISR, et si on ne fait pas droit à votre demande, vous interjetteriez appel, et vous gagneriez ou perdriez — et si vous perdez, vous n'obtiendrez plus qu'on interrompe les procédures à partir du moment où la section d'appel des réfugiés n'a pas fait droit à votre demande.
Prenons un peu de recul, l'une des choses qui motivent le plus les demandeurs déboutés à s'adresser maintenant à la Cour fédérale — certains ont d'excellentes raisons de s'y adresser, d'autres non — c'est que cela leur donne trois mois de plus ou quelque chose du genre au cours desquels toutes les procédures sont suspendues. Donc que la personne ait une bonne cause ou non, et c'est le cas de certains et vous pourriez même vous retrouver parmi les 10 p. 100 de chanceux dont la cause est entendue, ou même si votre cause ne repose sur rien, vous avez fortement intérêt à vous adresser à la Cour fédérale parce que cela vous permet de gagner du temps.
Cela coûte extrêmement cher à tous, surtout aux juges de la Cour fédérale, qui se penchent sur un tas de dossiers qui, à leur avis, n'ont pas été préparés avec sérieux mais qu'ils doivent examiner quand même.
Si l'on créait la section d'appel des réfugiés mais que l'on supprimait l'interruption des procédures de renvoi après cela, alors à peu près personne ne s'adresserait à la Cour fédérale à moins d'avoir une très bonne cause. Cela n'avantagerait pas ces personnes qui seraient tout simplement obligées de dépenser beaucoup d'argent sans que les procédures soient interrompues. Je crois donc que cela économiserait beaucoup d'argent aux contribuables canadiens, si on créait cette section de cette façon, et d'après ce que j'ai compris, c'était ainsi que le système devait fonctionner.
Si l'on donne suite à nos autres recommandations visant à permettre à la CISR de rouvrir un dossier ou, dans les cas exceptionnels, il existe de nouvelles preuves très concrètes, un changement de circonstances, un coup d'état et tout le reste, cette mesure en soi diminuerait de beaucoup la nécessité des ERAR.
Pour les autres cas où il fallait effectivement avoir une ERAR au bout du compte, pour s'assurer que la personne n'est pas renvoyée vers un pays où elle sera torturée ou assassinée, je ne crois pas que cela permettrait d'économiser un sou parce qu'on paierait quand même le fonctionnaire pour prendre une certaine décision. Mais je crois que vous économiseriez plus en amont avec les autres réformes que j'ai mentionnées.
Merci beaucoup.
Faisant suite à ce que disait Mme Chow, est-ce que cela veut dire qu'avec la création de la section d'appel, l'ERAR serait confié à la CISR, et que c'est à ce niveau que se prendraient les décisions? C'est bien ce que vous dites?
Oui. Il est sûr que la solution à long terme que nous préconisons, c'est qu'on enlève l'ERAR à la CIC...
Qu'adviendrait-il des demandes où l'on fait valoir des motifs d'ordre humanitaire? Voulez-vous aussi que l'on confie ces demandes à la CISR?
Personnellement, je n'ai pas songé à cela. Les demandes pour motifs humanitaires posent de nombreux problèmes. On pourrait en faire le sujet d'une prochaine audience.
Si je vous ai bien compris, est-ce qu'il ne serait pas logique de combiner ces processus en un seul, s'il existait une procédure d'appel?
Les objectifs des deux programmes sont différents. Mais si vous deviez décider que c'est ce que mon gouvernement va proposer, en créant la section d'appel, en confiant l'ERAR à la CISR, et ce sera aussi la CISR qui va décider des cas où l'on invoque des motifs d'ordre humanitaire, je crois que cette solution pourrait être acceptable.
Si c'est ce que vous pensez, êtes-vous d'accord avec moi alors pour dire que la Cour fédérale, qui procède à des examens — et je dois vous dire que je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet, il ne s'agit pas seulement des cas où l'on a manifestement erré sur les faits, mais si la Cour n'est pas d'accord avec les faits, elle peut ordonner une autre révision. Si vous aviez ces deux niveaux d'appel, êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il faudrait restreindre les appels adressés à la Cour fédérale, qui deviendrait alors le troisième niveau d'appel pour les cas traités aux deux premiers niveaux?
Nous finirons peut-être par ne pas être d'accord, je le vois bien, mais si la Cour fédérale se penche sur la question de la crédibilité ou des questions de fait, c'est parce que l'on juge que la décision était manifestement déraisonnable. Ce sont les mots que l'on...
On emploie plus de mots que ça, parce que j'ai moi-même consulté la loi. Ce ne sont pas seulement les décisions manifestement déraisonnables ou qui ne reposent pas sur des faits ou quelque chose du genre, ça va plus loin que ce que vous dites.
Mais lorsque la Cour se penche sur une décision, que ce soit pour des raisons de crédibilité ou relatives à des faits, la norme sur laquelle on se fonde, la norme théorique, oppose la notion d'une décision manifestement déraisonnable à une décision exacte. Si l'on interjette appel, la Cour fédérale dira qu'elle ne croit pas que le décideur a pris la bonne décision. Il y a des arrêts de la Cour fédérale où le juge dit en fait, je serais peut-être parvenu à une décision différente, mais celle-ci n'est manifestement pas déraisonnable. Cela étant dit...
Donc, ce que vous dites, c'est que vous ne croyez pas que la juridiction de la Cour fédérale doit être restreinte si l'on met en oeuvre les mesures dont nous venons de discuter.
Je ne crois pas qu'il faille restreindre sa juridiction, mais je crois que les demandeurs déboutés n'auraient absolument pas intérêt à s'adresser à la Cour fédérale, et la charge de travail s'en trouverait réduite de beaucoup.
J'aimerais maintenant aborder un autre sujet, à savoir les renvois à proprement parler. Est-ce exact de dire que selon Amnistie Internationale, il ne devrait pas y avoir de renvois à partir du moment où les personnes visées risquent de courir certains risques, même quand la sécurité nationale est en jeu et qu'on est en présence d'actes criminels? Ne doit-on pas tenter d'établir un équilibre, en tenant compte d'une part de la sécurité nationale et d'autre part des risques potentiels courus par la personne en question?
Il est clair que cet équilibre n'est pas facile à atteindre. À Amnistie Internationale, on estime que s'il existe des preuves qui démontrent qu'une personne constitue un risque en matière de sécurité au Canada, des poursuites devraient être intentées. Amnistie Internationale se prononce contre le renvoi de personnes qui risquent d'être torturées ou soumis à un traitement cruel dans le pays cible...
Vous dites donc qu'à partir du moment où il existe un risque potentiel, il faudrait interdire le renvoi de ces personnes dans les pays où...
... même s'il y a des risques en matière de sécurité nationale ou si nos intérêts sont menacés. C'est bien ça?
Oui, parce que si quelqu'un évidemment met en péril la sécurité nationale, mais qu'il est impossible d'intenter des poursuites, il existe d'autres mécanismes au Canada permettant de superviser ladite personne pour qu'elle ne mette pas en péril la sécurité nationale du Canada. Ce qu'il y a de sûr, c'est qu'on ne peut renvoyer quelqu'un dans un pays en sachant que la mort l'y attend.
Cela ne rejoint-il pas la question que M. Karygiannis a soulevé à Kingston? Il y a des personnes qui sont détenues ou soumises à des restrictions sévères, ce qui en soi est préoccupant pour ce qui est de nos intérêts en matière de sécurité nationale.
En fait — monsieur Goldman, je ne peux être d'accord avec ce que vous avez dit — quand il s'agit de questions de sécurité nationale, on donne aux détenus un résumé assez précis des accusations portées contre eux.
Ai-je raison, monsieur Goldman?
Ils n'ont pas droit à un énoncé des accusations portées contre eux? La question s'adresse à monsieur Goldman qui, aura sans doute une réponse différente à me donner.
Je ne plaide pas les causes relevant de la sécurité nationale. Je sais par contre qu'il n'y a pas d'accès aux preuves et qu'il est impossible de les remettre en question ou de procéder à un contre-interrogatoire. Je ne pourrais pas vous en dire davantage.
Pour ce qui est des agents responsables de l'examen des risques avant renvoi, il y a tout au moins un engagement qui a été pris cet automne lors de la réunion du Conseil canadien pour les réfugiés à Montréal. En effet, on s'est engagé à améliorer la formation relativement aux considérations humanitaires offerte aux agents.
Avez-vous participé aux consultations visant à déterminer quel processus devrait être utilisé?
Je parle de l'amélioration de la formation des agents qui traitent des considérations humanitaires et du processus d'examen des risques avant renvoi. Avez-vous été consulté par les fonctionnaires relativement à l'amélioration de la formation dispensée aux agents?
Non, pas jusqu'ici. À notre connaissance, le CIC va procéder à une évaluation de l'examen des risques avant renvoi, qui aura lieu principalement au mois de mars. Les fonctionnaires vont consulter des ONG, notamment Amnistie Internationale, d'après ce que j'ai cru comprendre et la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes.
Mais on ne nous a pas contacté directement à ce sujet. Les fonctionnaires du CIC vous ont peut-être fourni plus de détails au sujet des informations relatives à leur étude portant sur l'examen des risques avant renvoi.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci d'avoir accepté notre invitation.
Amnistie Internationale est une organisation importante au Canada et est très active en Colombie-Britannique et dans Vancouver-Ouest, ma circonscription.
Comment les taux d'acceptation varient-ils entre les différents agents d'appel? Plus précisément, j'aimerais savoir quelle est la différence entre l'ouest et l'est du Canada.
D'accord, mais y a-t-il des différences entre les diverses régions? Les autorités québécoises sont-elles plus indulgentes que les autorités ontariennes qui seraient à leur tour plus indulgentes que les autorités de la Colombie-Britannique, ou bien la situation est-elle comparable d'une province à l'autre?
Le Québec se situe au dernier rang. Il me semble avoir vu des statistiques récentes qui révèlent que pour ce qui est de l'examen des risques avant renvoi, c'est dans l'ouest du Canada qu'on retrouve le plus fort taux d'acceptation, surtout en Colombie-Britannique.
Richard, vous avez les statistiques plus récentes.
On vient tout juste de recevoir des statistiques. En Colombie-Britannique, on parle d'environ 3 p. 100, dans les Prairies, moins de 1 p. 100; en Ontario, 1 p. 100 et au Québec, 1 p. 100. Bien qu'on ait cru comprendre que la moyenne nationale était de 3 p. 100. Le taux semble varier de 1 à 3 p. 100 à l'échelle nationale. Dans aucune province ce pourcentage atteignait-il 10 ou 15 p. 100.
Plus tôt, vous parliez du mode de fonctionnement de la Section d'appel des réfugiés et vous disiez qu'il serait possible de réaliser des épargnes. J'aimerais en savoir plus. Il était question plus précisément de gens qui présentaient des demandes tout simplement pour pouvoir rester trois mois de plus au Canada. Vous avez indiqué que si les systèmes de la Section d'appel des réfugiés étaient mis en oeuvre, ces personnes ne pourraient pas rester. Pourriez-vous nous en dire davantage?
Oui. À l'heure actuelle, lorsque la Commission de l'immigration et du statut de réfugiés rend une décision défavorable, la personne visée peut faire appel à la Cour fédérale pour qu'un examen judiciaire soit effectué, même si dans 90 p. 100 des cas une audience n'est même pas accordée.
Dans certains cas, les éléments du dossier sont très impressionnants et il est tout à fait logique qu'un examen judiciaire soit demandé. Il y a même un tout petit pourcentage de ces affaires qui se soldent par une décision favorable. Ce n'est pas toujours le cas, bien sûr, et très franchement même pour ceux qui n'ont pas d'arguments solides, il est très tentant de formuler une demande parce que ça leur permet de reporter la décision de trois mois.
Selon le processus qui devait être mis en oeuvre, si la décision rendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugiés était défavorable, il serait possible de faire appel à la Section d'appel des réfugiés. Mais si la réponse était encore défavorable, il ne serait pas possible de reporter l'ordre de renvoi en faisant appel à la Cour fédérale. Ainsi, ceux dont le dossier n'était pas solide ne seraient pas tentés de formuler une demande. Rien ne pousserait les gens à présenter une demande frivole à la Cour fédérale et, d'après ce qu'on a entendu, les procédures prennent beaucoup de temps et la plupart des cas sont rejetés.
Comme vous le savez, les juges de la Cour fédérale sont très bien payés, ce qui se comprend tout à fait. Ainsi, leur temps revient très cher aux contribuables canadiens. C'est pour ça que je dis qu'en vertu de cette configuration, qui, à ma connaissance, était le mode de fonctionnement envisagé au départ, le contribuable réaliserait des épargnes importantes.
Merci, monsieur le président. Je désire remercier les témoins également de leur comparution.
Dans vos remarques vous avez indiqué que vous vous préoccupiez du renvoi de personnes dans des pays ou elles risquent d'être persécutées, torturées et victimes de traitements cruels. Dans combien de pays retrouve-t-on ce genre de risques?
Je ne suis pas convaincue qu'il s'agisse d'une question de pays. Cela dépend de la personne et de ce qu'elle a vécu dans son pays d'origine — et il y a un très grand nombre de pays où les droits de la personne sont violés. Mais dans le cas qui nous occupe cela dépend de la personne et de son pays. Cela dépend évidemment des antécédents de la personne, du genre de travail qu'elle faisait, pourquoi elle a été torturée, pourquoi elle a été détenue ou pourquoi on a violé ses droits; je ne pense cependant pas que vous puissiez dire que certains pays sont nécessairement pires que d'autres.
Le travail que je fais me permet de voir un éventail représentatif de divers pays et pas nécessairement des clients d'un pays ou d'un autre; c'est pourquoi je ne suis peut-être pas la personne indiquée pour répondre à cette question, mais je ne crois pas que vous puissiez dire que cela dépend du pays parce qu'à certains endroits...
Cela dépend vraiment de la personne et de ses antécédents dans son pays d'origine.
Peut-être Richard pourrait-il ajouter quelque chose.
J'aimerais simplement ajouter que le gouvernement canadien, comme vous le savez sans doute, peut à tout moment suspendre une procédure de renvoi vers certains pays grâce à un moratoire. Nous disons que c'est une très bonne idée. Nous croyons peut-être que certains pays pourraient être ajoutés à la liste. Actuellement, les pays qui figurent sur la liste sont l'Afghanistan, le Burundi, le Congo, le Zimbabwe et des pays du genre. La Colombie semble être un pays où il serait dangereux de renvoyer la plupart des gens, mais, tout au moins de notre point de vue, c'est une bonne idée d'avoir cette liste quoiqu'il soit possible qu'une personne, peu importe le pays où on la renvoie, soit persécutée selon ce qu'elle a fait, ses antécédents et les choses du genre; il y a des pays où il serait à certains moments trop dangereux de renvoyer quiconque; c'est donc un aspect positif de notre système d'immigration.
À votre connaissance, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a-t-il pris des mesures pour donner suite à ces préoccupations?
Des préoccupations à l'égard de la section d'appel et le renvoi de réfugiés dans leur pays d'origine...
À ma connaissance, si c'est la section d'appel, la réponse serait non, tout au moins d'après ce que nous avons appris des derniers ministres qui ont occupé le poste.
Quant aux moratoires, certaines organisations ont demandé que cela soit ajouté — et j'ai donné l'exemple de la Colombie — mais cette demande a été rejetée.
Je ne sais si cela répond à votre question.
Oui.
Quel est le taux d'acceptation des demandes d'évaluation des risques avant renvoi, les ERAR? Est-ce que ils seront différents selon le bureau ou la région du pays où réside l'agent responsable des ERAR?
C'est justement ce que nous étudions. J'ai des données brutes, mais je devrais essayer de faire les calculs pour en venir au pourcentage et les calculs ce n'est pas mon fort. Mais nous pouvons dire sans hésitation que ce pourcentage varie entre 1 et 3 p. 100 à l'échelle du pays.
Puisque c'est un des membres de votre comité qui vient de me remettre ces données, je pense que ces statistiques vous seront distribuées .
Néanmoins, je crois que l'on peut parler d'un taux d'acceptation d'environ 1 à 3 p. 100 à l'échelle du pays.
Peut-être pourrais-je ajouter quelque chose.
Les gens qui pensent que leur vie sera en danger ou que leur sécurité est en jeu sont renvoyés de leur pays d'origine et seuls 1 à 3 p. 100 sont en danger? Il me semble que quelqu'un qui étudierait la situation logiquement se demanderait bien peut-être 20 ou 30 p. 100 seront en danger mais 1 à 3 p. 100 seulement?
Il semble y avoir quelque chose qui cloche quant à la façon dont ces calculs sont effectués.
Très bien.
Savez-vous combien de personnes dont la demande a été refusée, et qui sont visées par des ordres de renvoi, demandent un examen des risques avant renvoi?
Pratiquement tous les réfugiés dont la demande est rejetée présentent une demande d'examen des risques avant renvoi. Je crois en fait que le taux est d'environ 90 p. 100. Peut-être certains pensent-ils qu'ils ne seraient pas en danger s'ils retournaient dans leur pays mais la majorité des gens qui revendiquent le statut de réfugié le font parce qu'ils jugent qu'il serait dangereux pour eux de retourner dans leur pays d'origine.
Cependant, s'ils ne demandent pas d'examen des risques avant renvoi, s'ils disent que cette procédure ne les intéresse pas, l'agent chargé du renvoi leur réserve un billet d'avion et ils quittent le pays dans les prochaines semaines.
[Français]
Merci d'être parmi nous.
J'ai posé en comité plusieurs questions sur l'examen des risques avant renvoi. Nous avons obtenu des réponses à nos questions. La semaine dernière, on a reçu les dernières statistiques concernant l'examen des risques avant renvoi.
Comme il n'y a pas de section d'appel, plusieurs réfugiés déboutés font une demande d'examen des risques avant renvoi, ou ERAR. Plusieurs autres ne le font pas parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'arguments à l'appui de leur demande. Ils font plutôt une demande pour des raisons d'ordre humanitaire. Cependant, les taux d'acceptation des demandes pour des raisons d'ordre humanitaire présentées par des personnes auxquelles on a refusé le statut de réfugié sont tellement bas que les chances de succès à ce niveau sont limitées.
Une des préoccupations des avocats qui aident les réfugiés à remplir leur demande d'ERAR est le nombre d'années d'expérience des agents ou ce qui fait en sorte que ces personnes ont les compétences requises pour évaluer adéquatement les demandes d'ERAR.
Nous avons reçu dernièrement le cahier de formation. On a demandé aux représentants du ministère de venir nous dire combien d'années d'expérience avaient ces agents et combien de semaines ou de jours de formation ils avaient reçus. Cela semblait problématique pour le ministère car les agents n'ont peut-être pas toutes les compétences et l'expérience requises pour faire les évaluations.
Nous avons demandé au ministère de nous faire part du genre de diplôme et de l'année à laquelle les agents avaient obtenu leur diplôme, mais sans nous donner le nom de ces agents. Nous avons également demandé quelle était leur expérience des tribunaux quasi judiciaires, parce que c'est l'une des exigences requises pour procéder à un ERAR, de même que le nombre de décisions prises par les agents et le profil linguistique de ceux-ci.
Malheureusement, cette demande a été refusée. À mon avis, le ministère n'a pas compris qu'on ne voulait pas les noms des agents. On voulait simplement connaître l'inventaire exact des agents d'ERAR.
Vous avez entre les mains le nombre de mois d'expérience des agents d'ERAR. Dans le cas du bureau de Montréal, 18 agents sur 31 possèdent moins de deux ans d'expérience, ce qui me semble préoccupant. D'après les dossiers que j'ai examinés, les agents ont entre 22 et 25 ans. À 22 et 25 ans, on sort tout juste de l'université. Je n'ai pas vu de commissaire de 22 ans. Je ne sais pas si vous avez déjà vu des juges de la citoyenneté de 22 ans. Je n'ai vu personne de cet âge siéger à des commissions où on peut acquérir l'expérience quasi judiciaire qu'on demande aux agents d'ERAR.
Je trouve cela troublant, vu l'importance de ces décisions. Je voudrais savoir si c'est quelque chose que vous avez également observé sur le terrain. C'est une de mes préoccupations et c'est pour cette raison que je pose souvent des questions sur l'ERAR.
À mon avis, ces gens sont pleins de bonne volonté. Ceux et celles que j'ai rencontrés — je n'en connais pas beaucoup — veulent bien faire leur travail, mais n'ont pas d'expérience ni d'expérience de vie. J'ai l'impression qu'ils ont tous de belles théories universitaires, mais qu'une fois sur le terrain, ils se rendent compte que ce n'est plus tout à fait la même chose.
Comme les agents ne rencontrent pas les personnes qui font une demande d'ERAR, ou très peu, ils doivent examiner des documents. On ne peut connaître la situation d'une personne à simplement examiner des documents, sans entrer en contact avec elle sauf pour lui communiquer notre refus une fois qu'on a pris une décision.
Il me semble qu'il y a un manque d'expérience. Ce n'est pas de la faute des agents, qui sont pleins de bonne volonté. Effectivement, ils sont très jeunes et ils manquent de formation et d'expérience.
Ils peuvent avoir une formation universitaire, mais cela ne fait pas nécessairement d'eux des gens qui ont suffisamment d'expérience pour prendre ce genre de décisions, qui ont quand même des conséquences importantes sur la vie des gens. Merci.
[Traduction]
Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
Ma question porte sur la SAR; j'aimerais connaître votre opinion puisque vous composez avec ces problèmes et ces questions tous les jours.
Depuis l'adoption de la loi prévoyant la création de la SAR par le Parlement, plusieurs personnes ont occupé le poste de ministre. Je ne peux pas me souvenir combien, mais je sais qu'il y a eu au moins une demi-douzaine de ministres. Il y a eu trois premiers ministres, deux partis au pouvoir, deux gouvernements minoritaires et un gouvernement majoritaire, pratiquement toutes les circonstances politiques possibles, pourtant cette disposition n'a pas encore été mise en oeuvre.
Pouvez-vous nous expliquer pourquoi rien n'a été fait?
Eh bien, je crois que vous devriez poser la question aux ministres et au gouvernement. Peut-être, et c'est simplement une impression, craint-on qu'on ajoute une nouvelle couche hiérarchique, qui n'est pas vraiment bien décrite ou pensée.
Si on expliquait tout d'abord que des choses très importantes sont en jeu et qu'on peut ainsi remédier à des erreurs humaines, et que cette section serait créée dans le but de rationaliser le processus et alléger une bonne partie de la charge de travail de la Cour fédérale, peut-être que cela simplifierait les choses. Il s'agit simplement d'expliquer à ceux qui s'y opposent, qu'il s'agisse du public ou d'un groupe de remue-méninges, pourquoi cette section serait mise sur pied.
Il me semble que c'est tout simplement logique et ce à tous les égards.
Je ne suis pas un expert dans le domaine, mais vos explications me semblaient parfaitement logiques. Elles étaient fort convaincantes et permettaient parfaitement de justifier la création de cette section sans nécessairement créer une nouvelle couche hiérarchique.
Je ne pose pas cette question d'un point de vue partisan, mais en toute sincérité.
Il y a eu toutes sortes de ministres dans ce dossier, représentant toutes les régions du pays, des hommes et des femmes, représentant différents partis politiques. Ils ont sûrement été mis au courant du dossier par leurs fonctionnaires, et ils ont certainement rencontré des groupes comme le vôtre. J'ai peine à croire qu'il faut simplement mieux leur expliquer les choses pour qu'ils appuient cette proposition puisque en fait c'est là leur responsabilité.
Je crois que lorsque vous devenez ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, cela devrait être un des premiers dossiers dont vous êtes saisi. Il s'agirait en fait d'une question à régler qu'on vous présente.
Comme je l'ai signalé, je me demande s'il n'y a pas des aspects qu'on connaît moins bien. Je n'en connais pas la raison ni pourquoi rien n'a été fait.
Est-ce que certains ministres n'ont pas dit que ça coûterait trop cher?
Si l'on n'étudie qu'un aspect sans tenir compte de l'impact éventuel, si on ne pense pas qu'il faut payer maintenant mais économiser plus tard, c'est le problème. Après tout, ça ne change rien. C'est certainement une des raisons qu'on a données pour justifier l'inaction.
Il faut bien comprendre que je ne disais pas qu'il fallait mieux expliquer ce système aux ministres. Je disais simplement qu'il faudrait demander aux ministres pourquoi ils n'ont pas créé cette section.
Je me disais que peut-être craignait-on que l'on pense qu'on créait une nouvelle couche hiérarchique et qu'il faut donc mieux expliquer cette section et son rôle.
Puis-je ajouter quelque chose?
Pour répondre à votre question du point de vue de la communauté d'e protection des droits, je dois vous dire que cela est très frustrant.
Si on remonte à la mise en oeuvre ou même à la rédaction de la LIPR de 2002, il y avait un dialogue entre le ministère, le ministre et les intervenants.
On en était venu à une entente quant au nombre de commissaires qui passerait de deux à un. Il y avait jadis deux commissaires, deux membres de la CISR qui entendraient les dossiers de l'autre commissaire ce qui permettrait, en théorie, de réduire les risques d'erreur humaine. En retour, on mettrait sur pied une section d'appel des réfugiés qui permettrait d'éliminer bien des postes et économiser les deniers publics.
C'était donc très frustrant de voir la partie de l'entente qui éliminait une protection, être mise en oeuvre alors qu'on a décidé de reporter la mise en oeuvre des nouvelles mesures de protection.
Au moins un ministre a comparu devant le Conseil canadien pour les réfugiés et a dit qu'on ne mettrait pas en oeuvre cette disposition immédiatement mais qu'on le ferait dans les 12 prochains mois. Rien n'a été fait.
Votre comité a même demandé au ministre d'agir dans les six mois ou d'expliquer pourquoi il n'avait pas mis sur pied cette section. Je ne pense pas que vous ayez reçu de bonnes explications.
Il vous reste environ une minute. Si vous voulez utiliser la minute qui restait à M. Devolin, faites-le. Vous aviez une petite question.
Dans votre exposé vous semblez, c'est du moins mon opinion, dire de façon bien polie que nombre des membres de la CISR sont incompétents et que des améliorations s'imposent, comme la création d'un meilleur mécanisme d'appel. Est-ce que j'ai bien interprété vos propos et, dans l'affirmative, est-ce que l'amélioration de la LIPR est vraiment la façon la plus efficace de régler les problèmes auxquels sont confrontés ceux qui revendiquent le statut de réfugié au Canada?
Je n'ai pas dit dans notre mémoire que nombre de membres de la CISR étaient incompétents. Nous avons dit simplement que l'erreur humaine était possible puisque les taux d'acceptation varient de façon si marquée que cela semble confirmer que la CISR, comme toute autre institution, peut faire des erreurs.
L'amélioration de la LIPR est une façon importante de régler les problèmes causés par l'erreur humaine commise par la CISR; cependant, nous avons proposé toute une série d'autres recommandations, y compris la création de la section d'appel des réfugiés.
Si nous devions retenir toutes vos recommandations, le DERR serait transféré à la CISR ce qui permettrait de rationaliser le processus et de faire appel aux connaissances particulières de la CISR; nous mettrions sur pied une section d'appel des réfugiés pour donner aux revendicateurs du statut de réfugié l'occasion d'en appeler d'une décision en se fondant sur les faits et sur le droit, tel que recommandé plus tôt; de plus, nous modifierions les règlements pour autoriser la suspension de procédures de renvoi tant que la Cour fédérale d'appel...
... oui, cela l'éliminerait. Que faut-il faire pour changer ces règlements? Est-ce difficile? S'agit-il d'un changement qui est appuyé par la majorité des organisations de protection des droits des réfugiés? Que devrons-nous faire pour apporter cette modification? S'agit-il simplement de modifier les règlements sur l'immigration? Comment devons-nous procéder?
Tout d'abord, pour mettre sur pied la section d'appel des réfugiés, il suffit de mettre en oeuvre la disposition pertinente de la loi.
Transférer l'ERAR à la CISR nécessiterait une modification de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Je crois qu'il est juste de dire que la majorité des groupes d'intervention appuierait cette décision. Le Conseil canadien des réfugiés, lorsqu'il a témoigné devant le groupe étudiant la LIPR avait dit à l'époque qu'il appuierait la décision visant à transférer l'ERAR à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Ainsi, si nous proposions une série de mesures visant à faire ces trois choses au même moment, combien de temps pensez-vous qu'il faudrait avant que tout soit fait?
Je ne pense pas que l'obstacle soit en fait le mécanisme ou la méthode employée; c'est plutôt une question de volonté politique et législative. Cependant, la première partie de cette proposition existe déjà, elle figure déjà dans la loi, et à mon avis il faudrait commencer par créer la section plutôt que d'attendre pour tout faire en même temps.
Très bien, je vois. Après tout on ne sait jamais — ils pourraient peut-être retenir une des propositions mais décider de ne pas mettre en oeuvre les dispositions touchant la création de la SAR, comme cela a été déjà été le cas.
Transférer l' ERAR à la CISR ne nécessiterait qu'une procédure administrative. Il ne faut pas un décret du conseil ou une modification législative n'est-ce pas?
Je crois qu'il faut modifier la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés parce que cela comporte une délégation de pouvoir et autres choses du genre. Toute la structure prévoit que tout sera fait par des fonctionnaires plutôt que par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Je vois. Ainsi, la première étape serait la création de la section d'appel des réfugiés, puis le transfert de l' ERAR à la CISR, puis l'élimination de la procédure de sursis des ordres de renvoi lorsque la Cour fédérale d'appel étudie le dossier.
Si j'ai bien compris, la première et la troisième recommandations devaient toujours aller de pair. J'entends par là que dès que l'on mettait sur pied la section d'appel des réfugiés, les règlements seraient adoptés dans le but d'éliminer le sursis d'exécution d'une mesure de renvoi, même si la personne visée avait interjeté appel auprès de la Cour fédérale.
Je vois. Merci. Je comprends parfaitement maintenant.
J'aimerais poser une dernière question. Est-ce que des groupes de protection des droits des réfugiés auraient procédé à une analyse économique dans le but de démontrer, combien d'argent le gouvernement fédéral économiserait si nous adoptions ces mesures à l'égard du sursis d'exécution d'une mesure de renvoi; j'entends par là combien d'argent le gouvernement fédéral économisera; pas simplement du côté de l'immigration mais également des coûts associés aux travaux de la Cour fédérale dont les études coûtent très cher?
Cette analyse n'a pas été faite. Il faudrait étudier combien de demandes rejetées la Cour fédérale étudie, combien d'heures les juges et leur personnel consacrent en moyenne aux dossiers, et multiplier tout cela en fonction des salaires. À mon avis, cela représente des millions de dollars, mais pour être honnête cette analyse n'a pas été effectuée.
Merci, monsieur le président. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins.
Je tiens à vous remercier d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.C'est fantastique de pouvoir rencontrer des experts qui nous permettent de mieux comprendre ce dossier fort complexe.
J'aimerais prendre un peu de recul et étudier l'ensemble du processus. D'après ce que j'ai constaté au cours des dernières années, il semble y avoir un problème fondamental quant à la façon dont nous traitons les demandes de réfugiés et le fonctionnement du processus, du mécanisme d'appel à la réception de la demande, surtout en ce qui a trait au temps qu'il faut avant qu'on entende le revendicateur. Parfois, celui qui n'a pas de motif légitime de revendiquer le statut de réfugié serait encouragé à abuser du système parce qu'il aurait l'occasion de rester au Canada pendant très très longtemps et, comme vous l'avez dit, interjeter appel auprès de la Cour fédérale, et même avoir accès à d'autres mécanismes.
Pouvez-vous me dire tout d'abord quelle est cette lacune fondamentale d'après vous? Y en a-t-il plus qu'une ou n'êtes-vous pas d'avis qu'il existe une lacune fondamentale dans la façon dont nous traitons les demandes des revendicateurs du statut de réfugié?
Je pense que nous pouvons être fiers, au Canada. Quelles que soient les critiques de notre système, dans le contexte international, nous observons qu'il comprend beaucoup d'éléments positifs. Dans nombre de nos observations et de nos critiques, nous disons qu'il faut continuer à bâtir sur les assises du système actuel, qui comprend beaucoup d'excellents éléments. Les sujets que nous avons soulevés dans le passé comprennent, par exemple, le processus de nomination des membres de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, mais il semble qu'il y ait eu beaucoup de progrès à ce sujet ces dernières années; l'absence d'un processus d'appel; et des moyens plus indépendants d'évaluer le risque à la fin du processus.
En ce qui concerne les délais, nous pensons que la façon dont nous avons présenté cet appel et le fait qu'il n'y ait pas de sursis à la mesure de renvoi à la Cour fédérale, aideront à uniformiser le système et à traiter les dossiers plus rapidement, qu'il s'agisse de l'établissement ou du renvoi. Sur le terrain, les retards se font sentir bien après l'intervention de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, lorsque les gens attendent pendant une durée indéterminée que l'on fasse leur examen des risques avant renvoi, puis qu'on rende une décision sur celui-ci. La plupart des gens qui se plaignent de ces délais et des coûts qu'ils entraînent aux services sociaux ne parlent pas de la CISR. C'est de l'attente des décisions administratives dont ils se plaignent.
Je vous remercie d'en avoir parlé. Il y a beaucoup de choses dont nous pouvons être fiers dans notre pays, et les Canadiens sont très fiers de la façon dont on s'occupe des immigrants et des réfugiés. Nous reconnaissons nos obligations humanitaires et nos obligations en vertu des traités internationaux. Je vous remercie d'en avoir parlé.
Je suis également d'accord avec votre recommandation relative à la mise sur pied d'une division d'appel. Vous en avez parlé au cours de la journée, mais il est important d'y revenir. Beaucoup de gens disent que le processus d'examen des risques avant renvoi remplace le mécanisme d'appel, et que beaucoup de gens dont les demandes sont refusées peuvent choisir cette option, que l'agent responsable de cet examen réétudie le dossier et cherche à voir si le juge de la CISR aurait fait une erreur, afin d'annuler sa décision.
Que répondez-vous à ceux qui disent que l'examen des risques avant renvoi constitue un mécanisme d'appel?
C'est sans doute la seule option dont les gens disposent.
Je suis désolée, quelle était votre dernière intervention?
J'ai dit, d'abord, que j'étais d'accord avec la création d'une division d'appel, mais qu'il fallait répondre à ceux qui disent que l'ERAR est déjà un mécanisme d'appel et que nous n'avons pas besoin de créer ou de mettre en oeuvre...
Ce n'est pas le cas. Vous dites que les gens étudient les décisions de la CISR et cherchent des erreurs, mais ça n'est pas vrai. Ils disent: « La CISR a jugé que cette personne n'était pas crédible, par conséquent, nous ne croyons rien de ce que cette personne nous dira ». En réponse à Mme Faille ou à M. Gravel, j'ai dit tout à l'heure qu'un agent d'ERAR m'a déjà dit: « Souvent, nous voulons approuver ces demandes d'examen, mais nous avons l'impression que si nous le faisons, nous véhiculons le message que la CISR n'a pas bien fait son travail. Nous sommes dans une position délicate, alors nous refusons parfois l'ERAR et cette personne est renvoyée chez elle. » Ce n'est peut-être pas ce que le public perçoit, mais c'est la réalité.
Nous sommes fiers du travail que votre organisme accomplit. Nous avons grandement profité de votre expérience et de vos déclarations, de façon générale, aujourd'hui. Au nom des Canadiens, je vous remercie de votre travail.
Merci beaucoup, et merci à nos témoins d'être venus.
Je ne sais pas si on vous l'a expliqué, mais nous avons un débat à la Chambre sur les détenus qui font la grève de la faim. C'est pourquoi certains d'entre nous étaient absents; nous faisons l'aller-retour entre le comité et la Chambre.
J'ai raté votre exposé, et vous en avez peut-être déjà parlé. Au cours du temps, j'ai remarqué que l'ERAR empêche rarement le renvoi des personnes. En gros, il semble que la décision de la CISR l'emporte toujours, et les évaluations des risques avant renvoi sont assez rares.
J'ai eu affaire à un cas en 1999 qui est resté gravé dans ma mémoire. Il s'agissait d'une ressortissante d'un État de l'ex-Yougoslavie, Vojvodina. La CISR avait refusé sa demande de statut de réfugié. Je crois que je n'oublierai jamais ce que l'arbitre a dit à ce moment-là: il a dit qu'il ne croyait pas qu'il y avait complicité entre la police, les médias et le gouvernement de l'ex-Yougoslavie. C'était avant que l'OTAN ne décide de bombarder cette région. Le plus incroyable, c'est qu'ils ont décidé de renvoyer cette femme en ex-Yougoslavie. Elle allait atterrir à 10 heures et l'OTAN commencerait à lâcher les bombes vers midi.
La CISR a dit que ce n'était pas un problème, même si cette affaire commençait à prendre de l'ampleur, puisque nous savions tous quel genre d'État dirigeait Milosevic. Le système a échoué à deux étapes. L'arbitre ne connaissait visiblement pas la situation de l'ex-Yougoslavie pour dire qu'il n'y avait pas de complicité entre les médias, la police et l'État. C'était un État policier, une dictature, et l'examen des risques avant renvoi n'a pas permis de déceler cette erreur, de mettre en évidence le danger que représentait cette région, surtout pour la minorité roumaine de l'État de Vojvodina...
En ce qui concerne la Commission, je crois que les critères de sélection des membres qui y siègent et qui prennent la première décision ont été améliorés, mais c'est une erreur de ne pas avoir de processus d'appel.
J'ai toujours pensé que lorsqu'on étudie les dossiers des demandes de réfugiés, on devrait d'abord faire un examen des risques avant renvoi et étudier les motifs d'ordre humanitaire, parce que ce sont les éléments les plus importants. Si ces éléments ne s'appliquent pas, alors, on se tournerait vers la Commission pour qu'elle rende sa décision.
Je crois que le processus actuel est trop long. Au comité, nous avons cru comprendre que si l'on crée une division d'appel, le processus serait accéléré et, avec quelques autres changements, nous aurions un système d'étude des demandes de statut de réfugié beaucoup plus acceptable pour tous.
Pouvez-vous nous donner votre avis là-dessus?
Vous semblez être parfaitement d'accord avec tout ce que nous avons dit, et je tiens à vous féliciter de votre excellente analyse.
Des voix: Oh, oh!
M. Richard Goldman: C'est exactement ce que nous voulons. La division d'appel permettra d'uniformiser le processus, parce que — et nous l'avons dit une ou deux fois déjà — si l'on élimine ensuite le sursis à la mesure de renvoi de la Cour fédérale, les gens auront moins tendance à présenter leur demande en Cour fédérale et cela diminuera sa charge de travail de façon significative.
Comme vous l'avez dit, je pense que la CISR a beaucoup progressé. Encore une fois, pour revenir à ce que nous disions à M. Alghabra, nous avons un système excellent sous plusieurs aspects, dont nous pouvons être fiers, et il s'agit de se servir de ces forces et de trouver nos lacunes — soit, comme vous l'avez dit, la division d'appel et l'ERAR.
Soit dit en passant, c'est peut-être un peu trop technique, mais l'ERAR n'existait pas en 1999. À l'époque, si vous vous en souvenez, cela s'appelait la CDNRSRC. En toute justice, un des bons éléments de l'ERAR, c'est qu'avec le système de la CDNRSRC, vous deviez faire votre demande d'examen sous 15 jours — je crois que c'était 15 ou 30 jours — ce qui n'avait aucun sens. Il n'y avait aucune vérification à la fin du processus. L'examen se faisait tout de suite après la décision de la Commission. L'idée de l'ERAR, c'est de s'assurer d'avoir au moins une vérification un ou deux ans après la décision, lorsque la personne arrive à son renvoi, ce qui est très sensé, mais cela dépend de la personne qui s'occupe de cet examen, de sa formation, de son indépendance, etc.
Je crois que M. Ed Komarnicki a signalé au ministère que nous voulions créer une division d'appel du statut de réfugié.
Merci.
Si un demandeur ne choisit pas la voie de l'ERAR, quel est le délai moyen entre la détermination initiale et l'éventuel renvoi du revendicateur?
Je n'ai pas de statistiques moyennes. Je peux vous parler de mon expérience sur le terrain, puisque je vois plusieurs douzaines de dossiers par an.
Encore une fois, pour récapituler, si une personne présente sa demande à la Cour fédérale, elle gagnera environ trois mois. Une fois que le processus de la Cour fédérale est terminé, ou si la personne décide de ne pas passer par la Cour fédérale, alors, elle devra attendre, je dirais, entre trois ou quatre mois, minimum, à un an, un an et demi, pour son ERAR.
Maintenant, si vous voulez savoir ce qui se produit si la personne ne fait pas de demande d'ERAR, alors elle est appelée dans un bureau, l'agent de renvoi lui dit: « Voulez-vous un ERAR? », la personne dit « non », et l'agent de renvoi fixe une date pour le renvoi, parce qu'il n'y a plus rien à faire. Et si la personne présente une demande pour des raisons d'ordre humanitaire, cela ne suffit pas à suspendre le processus de renvoi.
Donc, voici ma réponse: si la personne ne va pas en Cour fédérale et qu'elle ne demande pas d'ERAR, elle attendra entre trois ou quatre mois, minimum, à un an, un an et demi, dans certains cas, avant son renvoi.
Merci.
Je voudrais remercier nos témoins d'être venus et d'avoir présenté leurs exposés et participé à notre discussion. Nous allons produire un rapport, évidemment, et votre participation sera prise en compte.
Merci.
J'aurais une question: au sujet du processus de l'ERAR, et pas forcément de nos recommandations, savez-vous combien de temps vous allez l'étudier et proposer des changements, ou est-ce que vous avez l'intention de le laisser tel quel, de faire des recommandations... ?
Nos recommandations?
La dernière séance sur les questions touchant les réfugiés aura lieu le 1er mars, et l'ébauche de rapport viendra peu de temps après, sans doute au milieu du mois de mars, le 20, peut-être. Il y aura d'autres témoins et organismes, mais la dernière séance prévue sera le 1er mars. Après, bien sûr, il faut laisser aux attachés de recherche suffisamment de temps pour rédiger le rapport, compiler ce que nous avons entendu et formuler plusieurs recommandations. Cela nous mènera sans doute à la fin du mois de mars.
Nous allons suspendre la séance quelques minutes pour laisser à nos témoins le temps de quitter la salle, après quoi nous allons traiter de deux motions.
Merci beaucoup.
Est-ce que les députés veulent bien reprendre leur place? Nous sommes saisis de deux motions.
La première est une motion de M. Telegdi, « Que le dixième rapport »...
Monsieur le président, j'ai un rappel au Règlement. C'est sans doute une discussion que nous pouvons avoir après les deux motions. Il y avait trois motions. J'ai remis quelque chose par écrit au greffier mais malheureusement, nous ne l'avons pas avec nous aujourd'hui. Nous devrions en discuter après avoir traité des motions. J'aimerais que vous me laissiez la parole à ce moment-là.
Très bien. D'abord, nous allons traiter de la motion de M. Telegdi, puis de la vôtre.
Voici la motion de M. Telegdi :
Que le 10e Rapport (la révocation de citoyenneté) et le 12e Rapport (Moderniser la Loi sur la citoyenneté du Canada) du Comité dans la première session de la 38e législature soient adoptés à titre des rapports du Comité dans la session courante; et que le président présente les rapports à la Chambre.
Des interventions?
Une voix: Il faut présenter la motion.
J'ai déjà donné mon avis sur ce type de motion. Vous l'avez fait aussi et je vais me répéter.
Les rapports que M. Telegdi voudrait que l'on dépose à la Chambre ont déjà été adoptés par la Chambre. Les conclusions et recommandations adoptées par ce comité sont disponibles à tous.
Cependant, le député souhaite que l'on adopte ces rapports de l'ancien comité comme des rapports de ce comité et qu'ils soient présentés à la Chambre. Cela implique que l'on ratifie et approuve tout ce qui figure dans ces rapports, puisque c'est ce que M. Telegdi demande, et je crois que c'est injuste pour ce comité. C'est injuste vis-à-vis des membres du comité qui, comme moi, n'étaient pas là à l'époque où ces rapports ont été rédigés. Par exemple, M. Rahim Jaffer siégeait au comité, et il peut prendre cette décision. S'il a choisi à l'époque d'appuyer le rapport, il peut le faire encore maintenant.
Or, il n'y a que quatre membres de l'ancien comité qui siègent à notre comité. Les autres membres et moi-même n'y étions pas. Lorsque vous entendez des témoins, vous avez la possibilité de les contre-interroger, de leur poser des questions, de participer au processus et à l'élaboration des recommandations.
Je crois qu'il est injuste de demander à ce que ces rapports, même s'ils sont légitimes, soient adoptés par notre comité, comme si nous avions entendu des témoins et eu la possibilité de participer. Je sais que le dixième rapport traite notamment du fardeau de la preuve exigée pour la révocation des citoyens, et je sais également qu'il y a un réel débat d'opinions à savoir si le fardeau de la preuve devrait dépendre de la prépondérance des probabilités ou du doute raisonnable.
Certains témoins ont même proposé un fardeau différent au cours de ces audiences. Je pense que les mots utilisés étaient « preuve claire et convaincante », ce qui constitue encore une autre norme. On ne devrait pas prendre l'habitude de prendre des décisions lorsque nous n'avons pas participé de façon appropriée à celles-ci. Les rapports sont là; ils parlent d'eux-mêmes. Je pense qu'on aurait tort, en principe, de les adopter au comité, que ce soit aujourd'hui ou demain. Si nous voulons tenir d'autres audiences sur cette question, faisons-le.
C'est pour cette raison que je m'opposerai à la motion, même s'il y a beaucoup d'aspects des rapports — et je les ai lus en diagonale — qui, à mon avis, représentent de bonnes et justes recommandations. Je ne vais pas le contester. De façon générale, nous ne fonctionnons pas comme ça et je crois que la motion devrait être retirée.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais signaler que le Comité de la citoyenneté et de l'immigration de la dernière législature a fait de l'étude des questions relatives à la citoyenneté sa priorité principale. Nous avons tous fait ce choix en pensant que nous pourrions faire adopter la nouvelle loi. Malheureusement, les élections nous en ont empêchés.
Une voix: Des élections déclenchées par les conservateurs.
L'hon. Andrew Telegdi: Je signale au député que Diane Ablonczy, qui était assise ici, était une excellente porte-parole au comité, et une très bonne avocate. J'ajouterais que M. Komarnicki, ainsi que d'autres députés conservateurs, ont appuyé le rapport.
Il y a cinq membres au comité qui siégeaient à l'ancien comité de la citoyenneté et de l'immigration: Mme Grewal, M. Jaffer, Mme Faille, M. Siksay et moi. J'ajouterais que s'il y avait des divergences au comité, c'était au sein des libéraux, même si la majorité des membres libéraux étaient favorables aux deux rapports.
L'autre chose que je voudrais dire au secrétaire parlementaire, c'est que ce processus a coûté très cher. Nous avons voyagé partout au pays, nous nous sommes arrêtés dans chaque capitale: Montréal, Vancouver et, pour la première fois, nous sommes aussi allés à Kitchener-Waterloo en comité parlementaire, et nous avons entendu beaucoup de témoins. Les rapports sont le fruit du travail de ce comité au cours de plusieurs législatures. Tout le monde était d'avis qu'il fallait mettre à jour la Loi sur la citoyenneté, qui a six ans cette année.
Pour en revenir au 10e rapport, dont M. Komarnicki a parlé, j'aimerais dire qu'il a été adopté à la Chambre, sans aucun débat. Cela veut dire qu'il a été adopté à la Chambre à l'unanimité, et M. Komarnicki était sans aucun doute un député de cette Chambre. Alors je ne vois vraiment pas pourquoi on n'accepterait pas ce rapport qui, je pense, peut renforcer le travail que nous allons entreprendre.
Je ne prends pas la parole au sujet des détails ou de la valeur de ce rapport. Du point de vue de la procédure, est-ce que l'on peut prendre un rapport de la 31e législature et le déposer de nouveau? Si on peut utiliser un rapport qui a été créé lors d'une législature précédente, si c'est approprié...
Il est vrai que certains membres, voire tous, n'étaient pas ici à l'époque, et les faits peuvent avoir changé, le monde peut avoir changé. Cela étant dit, si, en théorie, c'est possible, j'imagine qu'il peut présenter cet argument.
Moi qui n'étais pas membre du comité à l'époque et qui n'ai pas pris part à ce processus, je me dis qu'en utilisant le même raisonnement, on pourrait redéposer un rapport d'une législature d'il y a 10 ou 15 ans. Allons-nous approuver cela?
Il ne s'agit pas de rendre des rapports publics. Ils sont déjà publics, puisqu'ils ont été déposés à la Chambre lors de la dernière législature. Il ne s'agit pas d'une entreprise qu'un comité précédent aurait commencée mais pas terminée et que l'on risquerait de perdre. C'était l'argument qui a été mis de l'avant la dernière fois, mais je pense que cette fois-ci, c'est différent.
J'aimerais que tout le monde puisse prendre la parole avant que nous ne mettions la motion aux voix, d'accord?
M. Siksay et Mme Faille, puis nous voterons sur la motion.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais dire d'emblée que je soutiens sans équivoque les deux rapports dont il est question dans cette motion, mais je ne suis pas tout à fait d'accord avec le processus lui-même. Je crois que la motion est recevable, mais je crois qu'il est injuste envers les membres qui viennent d'arriver au comité d'aller chercher ces rapports de l'ancienne législature et de demander à ce comité de les approuver et de les adopter à titre de rapports du comité sans que nous ayons eu la possibilité d'en discuter.
Ce n'est pas comme lorsqu'on utilise des témoignages qui ont été présentés au comité lors de législatures précédentes et qu'on les dépose au nouveau comité, parce qu'à ce moment-là, les membres du comité peuvent relire les témoignages et se faire une opinion. Si l'on prend le rapport et les recommandations, sans en avoir discuté convenablement et en profondeur au comité et que l'on présente ce rapport au Parlement comme un rapport du comité, je crois que c'est de la fausse représentation.
Pour l'instant, je ne peux pas appuyer la motion telle quelle.
[Français]
Ayant siégé au comité au moment où ces rapports ont été adoptés, je peux dire que rien au niveau de la Loi sur la citoyenneté n'a changé. Je ne pense pas que quoi que ce soit ait pu changer au niveau des témoignages non plus; au contraire, on en a appris encore plus. Je crois que ces rapports peuvent être importants pour l'étude que nous faisons sur la question de la citoyenneté.
La procédure étant tout à fait admissible, la motion ne pose donc pas problème. Par contre, je suis d'accord sur le contenu de ces rapports et je souhaite qu'ils soient réutilisés dans le cadre des travaux du comité.
[Traduction]
En effet. Si le problème, c'est que les membres du comité veulent avoir du temps pour débattre des conclusions du rapport, je propose une motion voulant qu'on ait cette discussion.
Allons chercher le rapport et discutons-en. Je suspends ma motion jusqu'à ce que nous ayons eu le temps de discuter du rapport. Nous pouvons le faire en même temps que...
Oui, jusqu'à ce que nous traitions des questions relatives à l'immigration et des témoignages et que nous puissions avoir un débat à ce sujet.
J'ai besoin du consentement des membres du comité pour que la motion soit réservée.
Des voix: D'accord.
Une voix: Monsieur le président, j'ai la main levée pour dire quelque chose à ce sujet.
J'aimerais contester la décision du président.
Une voix: C'est le comité qui a pris cette décision, et non le président. Il n'y a rien à contester.
Passons à la deuxième motion. M. Karygiannis nous présente son avis de motion.
Voulez-vous parler de votre avis de motion, s'il vous plaît?
Monsieur le président, la semaine dernière, nous avons entendu beaucoup de témoins, qui ont principalement parlé de l'entente sur les tiers pays sûrs. Visiblement, cette entente ne fonctionne pas.
Ce que notre pays peut faire, c'est envoyer son ministre devant le Haut commissariat des Nations Unis pour les réfugiés pour qu'on établisse des précédents et des lignes directrices que le monde entier pourrait imiter et respecter, et l'on pourrait créer un ombudsman pour surveiller les cas et conseiller les autres pays.
C'est votre motion, et vous la présentez.
Y a-t-il d'autres interventions au sujet de la motion? Non.
Je mets la motion aux voix.
(La motion est rejetée [voir le Procès-verbal].)