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CHPC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent du patrimoine canadien


NUMÉRO 055 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 1er mai 2007

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    Bonjour tout le monde et bienvenue à cette 55e réunion du Comité permanent du patrimoine canadien.
    Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à une enquête approfondie sur le rôle d'un diffuseur public au 21e siècle.
    Nos premiers témoins ce matin nous viennent de l'Office national du film du Canada. Il s'agit de M. Joli-Coeur et de Mme Deborah Drisdell. Auriez-vous l'obligeance de nous faire votre exposé, je vous prie? 

[Français]

    Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Claude Joli-Coeur, et je suis le commissaire du gouvernement à la cinématographie et le président par intérim de l'Office national du film du Canada. Aujourd'hui, je suis accompagné de Deborah Drisdell, directrice de la planification stratégique et des relations gouvernementales à l'ONF.

[Traduction]

    Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour parler du rôle important que joue la SRC dans le paysage culturel canadien et de la contribution déterminante qu'apporte le diffuseur dans la réalisation des objectifs de politique générale du gouvernement canadien.
    Le paysage audiovisuel évolue rapidement. Le passage des formats analogiques aux formats numériques est le changement technologique fondamental qui transforme actuellement le secteur de l'audiovisuel. Cette transition touche la création, l'élaboration, la production, la distribution, la diffusion et la nature même de l'engagement social dans tous les médias audiovisuels, dont la radiodiffusion.
    Grâce aux nouvelles technologies numériques, le consommateur peut lui-même produire et échanger des documents audiovisuels avec ses pairs sur des circuits de distribution interactifs qui n'occupent pas les fréquences de télévision, lesquelles sont peu nombreuses. Par conséquent, la transition vers les formats numériques créent de nouvelles plateformes de diffusion qui refaçonnent sans cesse l'industrie audiovisuelle classique et fragmente l'auditoire. Elle accroît aussi la mobilité du contenu audiovisuel de sorte que la population canadienne est en mesure d'y accéder partout et en tout temps.
    La révolution numérique, y compris l'essor d'Internet, permet la décentralisation de la production et de la distribution, si bien que de grands succès peuvent y côtoyer des produits et services moins populaires. En fait, ce phénomène a donné naissance à un commerce de détail florissant qui se consacre exclusivement ou presque au créneau des produits spécialisés ou « de longue traîne ». L'Office national du film du Canada et d'autres fournisseurs de produits-créneaux offrent désormais une vaste gamme de produits et services audiovisuels destinés à une multitude d'appareils mobiles comme les baladeurs numériques et les téléphones cellulaires vidéos et d'autres nouvelles plateformes numériques.
    L'universalité de l'activité médiatique s'accompagne de l'entrée de grandes sociétés comme Bell Canada, Telus et Québécor sur le marché des médias classiques et des nouveaux médias, ouvrant ainsi la porte à des formes innovatrices de partenariats avec des alliés non traditionnels, notamment l'ONF. Parallèlement, le caractère universel des médias numériques occasionne des changements dans la structure de l'industrie en favorisant l'intégration horizontale, l'intégration verticale et la propriété croisée de manière à créer des économies d'échelle et des économies de gamme.
    Voilà qui soulève plusieurs questions en matière de politiques générales. Nous évoluons dans un univers numérique où réseautage personnel et vidéo en ligne ont acquis une importance capitale. Les sites des grands médias reposent sur les contributions du public et sur les présentations vidéos. À l'échelle mondiale, 100 millions de consommateurs visionnent chaque jour des vidéos en ligne. Ce qu'ils regardent, c'est un contenu à forte teneur américaine, même si nous avons beau parler d'un univers sans frontières. Et naturellement, les intérêts commerciaux s'empressent de trouver des façons de s'approprier ces sites.
    Il n'est pas question de nier l'importance et la vitalité de ces efforts. Ce que nous voulons, c'est faire ressortir que les intérêts en question ne peuvent pas offrir ce que l'espace public peut et doit offrir. Nous avons le devoir de fournir aux Canadiens et aux Canadiennes un espace réservé au discours public où ils peuvent échanger sur les valeurs sociales. Et nous devons le faire en mettant à profit l'expertise particulière des diverses institutions du secteur public dont la SRC et l'ONF. Le secteur privé ne peut ni ne veut assumer ce rôle.
    Nous avons besoin d'interventions en matière de politique générale. En raison de ces changements, les entreprises de télévision traditionnelle subissent de plus en plus de pression pour s'adapter et pour chercher, avec plus d'énergie que jamais, à rejoindre et à conserver leur auditoire. Dans une certaine mesure, cette évolution soulève aussi des questions sur le rôle de l'État dans l'industrie, par exemple au chapitre du mandat confié au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, qui est l'organisme chargé de réglementer le domaine, et au chapitre des programmes de contribution dont le Fonds canadien de télévision, pour ne nommer que ceux-là. C'est pourquoi nous sommes d'avis que tout examen des organismes et sociétés d'État qui oeuvrent dans le domaine audiovisuel doit nécessairement être mené dans le contexte plus vaste des interventions en matière de politique générale du gouvernement dans ce secteur audiovisuel.
    À l'ONF, cette effervescence inquiète parce que, si l'environnement offre désormais nombre d'occasions à saisir, il présente aussi certains risques.
(0910)
    Nous croyons fermement que l'expression de voix canadiennes — notamment des voix axées sur le service public tant dans les médias classiques que dans les nouveaux médias — est essentielle au maintien de la diversité, de l'individualité et de l'identité canadiennes. D'où l'obligation incontestable de protéger, d'enrichir et de consolider les institutions nationales publiques comme l'ONF et la Société Radio-Canada, radiodiffuseur public du pays, qui fournit, distribue et diffuse des émissions d'information et de loisir d'excellente qualité.
    En ce qui concerne le mandat de Radio-Canada, l'expression « radiodiffusion publique » couvre tout un éventail d'activités menées par divers types d'organisations. Alors que la radiodiffusion par le secteur privé se contente de livrer l'auditoire aux agences de publicité commerciale, la radiodiffusion publique se démarque et se distingue par sa volonté de rendre un service public.
    Comme le savent les membres du comité du patrimoine, les deux principaux éléments du mandat de la SRC figurent dans deux paragraphes de l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion. Le mandat général de la société tel que le prévoit la loi demeure très général. Comme je l'ai déjà dit, en raison des changements actuels sur le marché, les entreprises de télévision traditionnelle subissent de plus en plus de pression pour s'adapter et pour chercher, avec plus d'énergie que jamais, à rejoindre et à conserver leur auditoire. La Société Radio-Canada n'y échappe pas car elle doit remplir ses objectifs de radiodiffuseur public tout en restant concurrentielle au sein d'une industrie commerciale sans cesse plus fragmentée.
    Nous croyons que le mandat de la SRC devrait être axé sur ses objectifs de radiodiffuseur public, notamment assurer une programmation distinctive, typiquement canadienne et représentative de la diversité culturelle et régionale du pays.

[Français]

    Il est certain que l'ONF voudrait voir davantage de documentaires canadiens et de films animés dans les services de Radio-Canada. Mais c'est plutôt une question d'interprétation du mandat actuel qu'une question de redéfinition de mandat.
    Je vous dirai quelques mots de l'Office national du film.

[Traduction]

    Alors que la SRC est essentiellement un diffuseur, l'Office national du film du Canada a un mandat différent, unique au Canada et j'oserais même dire unique au monde. Conformément à l'article 9 de la Loi sur le cinéma, « l'Office a pour mission de susciter et promouvoir la production et la distribution de films dans l'intérêt national, et notamment de produire et distribuer des films destinés à faire connaître et comprendre le Canada aux Canadiens et aux autres nations » en faisant en sorte que les valeurs et points de vue canadiens s'expriment de façon authentiquement canadienne.
    Nous encourageons la création au sein des collectivités mal desservies, nous donnons une voix à ceux et celles qui sont souvent privés de moyens d'expression. Nous faisons en sorte que les Canadiens et les Canadiennes aient accès à nos films grâce à une distribution active dans le marché institutionnel, éducatif et consommateur, ainsi que dans les marchés des salles et de la télévision.
    La Loi sur le cinéma ne comporte aucune référence spécifique à la radiodiffusion. On y dit par contre que l'un des buts de l'ONF est de « faire des recherches sur les activités filmiques et en mettre les résultats à la disposition des personnes faisant de la production de films ». À cette fin, l'ONF favorise l'innovation et l'expérimentation dans les domaines des médias de diffusion, des nouveaux médias et de la fiction alternative, y compris l'animation.

[Français]

    En tant qu'institution publique ayant pour mission la production et la distribution de films dans l'intérêt national, l'ONF produit et distribue des oeuvres audiovisuelles distinctives et diversifiées d'une grande qualité, qui présentent aux Canadiens et au monde un point de vue authentiquement canadien.
    Au cours de l'année financière 2006-2007, l'ONF a complété 108 productions de film originales, dont 60 productions et 48 coproductions. La grande majorité de ces oeuvres se retrouvent dans les catégories de documentaires et de productions d'animation.
    Depuis sa création, l'ONF s'est distingué par son engagement envers l'excellence et l'innovation. La force de l'ONF repose sur sa capacité d'allier innovation technologique et démarche créative. L'ONF est un laboratoire vivant et interactif qui réunit des créateurs et des partenaires canadiens et internationaux pour trouver de nouveaux moyens de rejoindre et d'intéresser les Canadiens. Les nouvelles technologies nous permettront de rejoindre directement notre auditoire et d'assurer que la programmation de l'ONF soit disponible à tous les Canadiens.
(0915)

[Traduction]

    L'ONF entretient des partenariats stratégiques avec plusieurs diffuseurs, tant au pays qu'à l'étranger. Nos nombreuses collaborations avec NHK au Japon, France Télévision, ARTE en Europe et la BBC ont permis de produire des projets prestigieux. Au Canada, beaucoup de productions et de coproductions de l'ONF ont été produites en collaboration avec des diffuseurs privés et publics comme CTV, Global, TV Ontario, Télé-Québec et Discovery Channel pour ne nommer que ceux-là.
    Même si le Parlement a confié des mandats très différents à l'ONF et à la SRC, les deux organismes partagent certaines caractéristiques organisationnelles. Tous deux sont le produit de lois distinctes, la Loi sur le cinéma et la Loi sur la radiodiffusion — qui établissent le mandat, le mode de gouvernance et les règles qui régissent les activités de chacun. Les deux institutions fonctionnent de manière autonome et relèvent du ministère du patrimoine canadien. Tous les ans, ils reçoivent des crédits du Parlement canadien en vue de remplir leurs mandats respectifs.
    L'interface entre la SRC et l'ONF... Étant donné leurs mandats différents mais complémentaires, l'ONF comme producteur et la SRC comme diffuseur ont collaboré à un certain nombre de projets et d'activités. Il s'agit notamment des ventes et des préventes à la SRC de productions et de coproductions régionales de l'ONF réalisées avec des producteurs indépendants à des fins de diffusion sur les réseaux classiques de la SRC ou l'une de ses chaînes spécialisées comme Newsworld ou RDI; le Canadian Documentary Channel dans lequel l'ONF et la SRC détiennent tous les deux des participations; les activités de formation de groupes minoritaires offertes par l'ONF en vue de la diffusion de produits finis à la SRC; des concours menés conjointement par l'ONF et la SRC à l'intention des jeunes cinéastes ou des francophones vivant hors Québec, et la participation à la deuxième année d'existence du projet-pilote de longs métrages documentaires avec la SRC, Téléfilm et Rogers.
    L'ONF est un chef de file en matière de développement et de programmes de formation et de mentorat. Ainsi, Reel Diversity est un concours national auquel participent des cinéastes de la relève issus de minorités visibles tandis que Doc Shop et Momentum sont des projets de formation en documentaires qui visent les cinéastes de la relève inscrits en communications ou en cinéma dans les collèges et universités du Québec et de l'Ontario. Ces projets bénéficient de la collaboration de CBC et CBC Newsworld pour ce qui est de leur télédiffusion.

[Français]

    L'ONF, Radio-Canada et Téléfilm Canada ont aussi créé un concours dans le cadre du Partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle, le PICLO, du ministère du Patrimoine canadien.
    Cette initiative vise à offrir aux auteurs, aux réalisateurs et aux producteurs oeuvrant en français à l'extérieur du Québec la possibilité de développer leurs compétences en matière de production dramatique télévisuelle. Elle a également pour objectif d'élargir le bassin des professionnels et créateurs francophones hors Québec.
    Ces exemples témoignent de l'étendue et de la diversité de la collaboration entre l'ONF et Radio-Canada issues de leurs mandats publics respectifs. Ils précisent la nature de la collaboration entre l'ONF et Radio-Canada, étant donné que votre objectif présent concerne l'examen du rôle d'un diffuseur public au XXI e siècle.
    Parlons de l'importance d'assurer un financement approprié pour la Société Radio-Canada.
    Il est dit parfois que la radio de Radio-Canada remplit de plus près le rôle de diffuseur public et réussit davantage auprès de son public que la télévision de Radio-Canada, particulièrement en langue anglaise. S'il y a une certaine vérité dans cette évaluation, le phénomène peut s'expliquer par le fait que la radio de Radio-Canada n'est pas influencée par la vente de publicité, comme la télévision peut l'être. Ce n'est pas le cas du service de la télévision de Radio-Canada, qui doit vendre de la publicité pour pallier le manque de financement public. Selon une étude récente préparée pour Radio-Canada et déposée auprès du Comité permanent du patrimoine canadien par la société, entre 1996 et 2004, les crédits que le gouvernement fédéral a engagés au titre de la culture, autres que ceux accordés aux radiodiffuseurs, se sont accrus de 39 p. 100, alors que le soutien direct et indirect accordé à Radio-Canada a diminué de 9 p. 100.
    À l'ONF, on comprend bien cette situation. Au cours de la période de 1994 à 2006, l'ONF a connu une baisse de 40 p. 100 des allocations parlementaires en termes de dollars constants.
     Il n'y a pas de doute que, pour pouvoir mettre un plus grand accent sur le service public, Radio-Canada devrait obtenir un financement public adéquat et stable sur plusieurs années. Un financement plus important lui permettrait de réduire ou d'éliminer sa dépendance envers les recettes publicitaires. Dans un environnement incertain caractérisé par une évolution technologique foudroyante, un financement pluriannuel lui permettrait de mieux cibler sa programmation en fonction de son mandat de diffuseur public.
    En conclusion, je dirai que la nature universelle des médias numériques favorise la mondialisation de la production et de la distribution de production audiovisuelle, et rend celle-ci plus accessible aux Canadiens. Étant donné l'absence d'une stratégie d'ensemble nationale, le Canada risque de se laisser distancer par d'autres pays, particulièrement les États-Unis et le Royaume-Uni, dans la course pour établir une présence nationale dans un nouvel environnement audiovisuel.
    Il est important, dans ce contexte, que l'ensemble des institutions publiques du portefeuille travaillent ensemble afin d'assurer la présence des voix canadiennes sur les médias présents et futurs. Les Canadiens et Canadiennes doivent avoir accès à des productions de qualité qui reflètent leurs préoccupations où et quand ils le veulent, et sur le média de leur choix.
    La présence de voix canadiennes, y compris celles qui sont centrées sur les services publics, est essentielle au mandat de l'individualité et de l'identité canadiennes dans ce nouveau contexte.
    Nous croyons que le mandat de Radio-Canada devrait être plus axé sur le rôle des diffuseurs publics. Cependant, nous sommes d'accord sur le fait que le financement de Radio-Canada est inadéquat pour faire face aux défis que pose l'expression nationale et régionale dans un environnement en évolution caractérisé par la transition numérique, la numérisation des archives et la conversion de la production en haute définition. Radio-Canada pourrait bénéficier d'une plus grande clarté dans la définition de son mandat, notamment à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, qui pourrait mettre davantage l'accent sur les aspects de service public non commercial de son mandat. Mais pour mettre une telle révision du mandat en oeuvre, Radio-Canada devrait réduire sa dépendance aux sources de financement commerciales.
    Nous vous remercions de votre invitation. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
(0920)

[Traduction]

    Je vous remercie pour cet exposé.
    Mme Keeper va ouvrir le feu des questions. Nous allons essayer de nous en tenir à cinq minutes pour chaque période d'intervention, questions et réponses, si vous voulez bien.
    Très bien, merci monsieur le président.
    Merci beaucoup pour cet exposé qui fut excellent. Vous avez évoqué plusieurs choses qui, j'ai pu le constater au fur et à mesure, représentent des préoccupations non seulement pour un grand nombre d'intervenants, mais également pour les Canadiens en général, et cela à juste titre.
    Je vais simplement vous demander quelques éclaircissements supplémentaires sur certains des points que vous avez abordés, et je vais essayer de le faire rapidement.
     À la page 4, vous dites que « cette évolution soulève aussi des questions sur le rôle de l'État dans l'industrie, par exemple au chapitre du mandat confié au CRTC et au FCT ». Pourriez-vous nous en dire un peu plus long à ce sujet?
    Mais certainement.
    Au Canada, nous avons la chance de vivre dans un environnement réglementé, ce qui nous a permis de créer une industrie culturelle vigoureuse, surtout dans le domaine des médias de la radiodiffusion. Avec l'évolution actuelle de l'Internet, très bientôt, ces obstacles qui nous donnent la place particulière qui a permis aux Canadiens d'avoir accès à notre programmation canadienne n'existeront plus. À notre sens, tout cela risque d'être compromis si nous ne parvenons pas à prévoir comment nous allons pouvoir produire des émissions canadiennes dans ce nouvel environnement.
    Tout notre système repose sur les conditions en matière de contenu canadien imposées aux radiodiffuseurs, sur les financements spéciaux. Tout cela produit un véritable micro-climat qui produit d'excellents résultats dans les limites de ces paramètres. Or, avec la révolution numérique, avec tous ces sites où vous pouvez regarder des millions de vidéos, s'il n'existe plus d'espace public qui permet aux Canadiens de réaliser des productions destinées précisément à ces espaces-là, nous allons simplement être inondés par une culture essentiellement américaine.
(0925)
    Donc, si on ne protège pas davantage cet espace, en ce sens que cet espace est nécessaire...
    Je ne suis pas sûr de...
    Excusez-moi de vous interrompre, mais il ne me reste que quelques minutes.
    Je voudrais également vous demander ceci. Dans votre exposé, vous évoquez le fait que depuis dix ans, cet espace protégé dont vous parlez est de moins en moins protégé. C'est l'une des choses qui me préoccupent, ce genre d'effritement de l'engagement à l'endroit du contenu canadien et de l'aide accordée à l'Office national du film, l'aide apportée à la production télévisuelle, tout ce genre de chose. Nous sommes donc déjà sur la pente savonneuse, et le risque devient encore plus grand.
    Je pense que depuis quelques années, nous avons pu constater... Il faut se souvenir que, lorsque j'étais petit, je regardais surtout la chaîne française de Radio-Canada, mais cette chaîne diffusait toutes sortes d'émissions américaines. Nous pouvons dire qu'à l'heure actuelle, notre diffuseur public diffuse beaucoup moins d'émissions américaines.
    Par contre, le genre de production qu'on met en ondes ressemble de plus en plus à ce que produit le secteur privé. Si nous faisons cela, c'est justement pour obtenir les recettes publicitaires que le secteur privé peut lui-même obtenir, afin de pouvoir conserver un certain niveau de production.
    L'insuffisance de financement, la diminution du financement accordé aux services de télévision, tout cela était en grande partie à l'origine de cette course à la publicité. Dans une certaine mesure, cela a également conduit à une compétition unique pour les diffuseurs privés. Lorsque le diffuseur public peut surenchérir pour obtenir certains droits, ce n'est pas bien. Mais c'est ce qu'il fait pour obtenir les auditoires dont il a besoin, pour obtenir les recettes publicitaires dont il a besoin. C'est donc un cercle vicieux qui, à mon avis, va devenir de plus en plus marqué étant donné la fragmentation de l'auditoire.
    Mais pour revenir à la question de la réalisation de productions intrinsèquement canadiennes pour nos médias non conventionnels, il faut rappeler que depuis plusieurs années, l'ONF fonctionne sur un tout petit budget. Notre budget annuel est de 60 millions de dollars. Si on compare cela aux milliards de dollars que reçoit Radio-Canada, c'est un budget minuscule. Or, nous réalisons des productions-créneaux. Avec nos documentaires et nos films d'animation, nous sommes en mesure de rejoindre un auditoire parce que nous pouvons axer notre travail très précisément sur cet auditoire cible qui est le nôtre. La plupart de nos recettes ne proviennent pas de la diffusion, elles proviennent de la distribution en salle, au sein des institutions, et également de la production de DVD. Cela prouve bien qu'il existe un marché, un marché plus petit certes, mais un marché néanmoins pour les productions canadiennes et qui ne correspond pas au très vaste médium de radiodiffusion que nous connaissons. Si nous parvenions à trouver le moyen de créer ce genre d'espace public dans le nouveau monde numérique, ce serait pour nous la seule façon de survivre.
    Il faut que je vous dise que je suis pas mal effrayé, lorsque je rentre chez moi, de voir ce que font mes enfants. J'ai quatre enfants qui ont respectivement 10, 13, 15 et 19 ans. Ils ne regardent pas la télévision publique, ils ont été élevés dans un environnement familial branché sur le secteur public, mais eux regardent des émissions américaines sur Internet. La semaine dernière, à mon retour à la maison, j'ai vu que ma fille regardait une émission américaine sous-titrée en chinois qui passait sur Internet. C'est terrible. S'ils n'ont pas ces plateformes, ils vont de toute façon trouver des productions qui ressemblent à ce que nous sommes.
    Vous avez déjà eu plus que votre temps.
    Monsieur Kotto, merci de m'avoir remplacé, on m'a dit que vous aviez fait de l'excellent travail la semaine passée.

[Français]

    Ce fut un grand plaisir et un honneur aussi de me mettre dans vos souliers, monsieur le président.
(0930)

[Traduction]

    J'ai donc un bon concurrent.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Joli-Coeur et madame Drisdell, merci d'être présents et merci de votre exposé.
    D'entrée de jeu, je peux dire que l'ONF est un producteur public et que la SRC est un diffuseur public. Si ma mémoire est bonne, les relations entre l'ONF et la SRC n'ont pas toujours été en phase, mais si on en croit les récentes informations, la situation a évolué. Pouvez-vous nous en parler plus?
    Oui, tout à fait. La compétition entre l'ONF et Radio-Canada remonte à la création de la télévision de Radio-Canada. Dès le début, les relations ont été presque familiales: tantôt tendues, tantôt très bonnes. Elles sont cycliques. Il est vrai qu'au cours des dernières années, grâce aux efforts faits par notre commissaire sortant, M. Bensimon, pour recréer un climat de travail, on a pu conclure des ententes avec Radio-Canada, notamment en ce qui concerne le Documentary Channel.
    On a annoncé la semaine dernière, avec Téléfilm et Radio-Canada, notre participation au fonds de financement des longs métrages canadiens, ce qui n'avait pas été possible il y a deux ans. Les dirigeants des agences manifestent une réelle volonté de synergie, tout en restant chacun dans le cadre de leur mandat. Cependant, il est inévitable, compte tenu du sous-financement des institutions et du désir de remplir notre mandat conformément à nos obligations législatives, d'empiéter sur le secteur d'une autre agence. Cela peut créer des frictions. Je peux vous dire que pour le moment, les relations sont bonnes.
    Êtes-vous en mesure de nous dire aujourd'hui quels obstacles restent à franchir pour atteindre un mariage idéal?
    Comme je l'ai mentionné dans ma présentation, les produits de l'ONF sont aussi très prisés par une multitude d'autres diffuseurs au Canada. On réalise des projets de prestige avec CTV et Global. Par exemple, la semaine dernière, il y a eu le film Faith Without Fear, qui a été très remarqué sur Global.
    On ne recherche pas à tout prix une relation avec Radio-Canada qui serait complémentaire à notre mandat. On recherche plutôt une niche et à voir comment la diffusion de nos émissions sur les chaînes de Radio-Canada ou de CBC pourrait être avantageuse tant pour elle que pour nous. Évidemment, on aimerait qu'on fasse une plus grande place aux documentaires. Si le CRTC approuve la transaction concernant le Documentary Channel, on espère que la direction de Radio-Canada donnera une place plus importante aux productions de l'ONF. Certaines de nos productions sont parfois achetées par Radio Canada, mais celles-ci sont diffusées sans grande promotion. On pourrait peut-être consacrer plus d'efforts à la promotion de notre programmation.
    Quoi qu'il en soit, on est un petit joueur parmi tous les fournisseurs de Radio-Canada. On n'a pas une masse critique. On ne pourrait pas revendiquer une case hebdomadaire sur le réseau anglais de Radio-Canada parce qu'on n'a pas assez de productions. Le catalogue de l'ONF comprend plus de 13 000 films. On pourrait donc avoir une case hebdomadaire de l'ONF  sur le Documentary Channel. Nous en discutons présentement avec eux. Les dirigeants manifestent une volonté de faire ce genre de choses. Toutefois, cette volonté ne doit pas se manifester uniquement chez les dirigeants qui se succèdent. Il faut qu'il y ait quelque chose de plus organique entre les deux agences.
    Je vais passer au volet gouvernance. On a vu la déviance illustrée par cette apparence de compétition avec le secteur privé. Pour un diffuseur public, c'est paradoxal. Cependant, depuis plusieurs années, les responsables de cette chaîne n'ont pas publiquement dénoncé le sous-financement au point d'anticiper l'étude qu'on fait aujourd'hui, étude qui devrait déboucher sur l'attribution à Radio-Canada de moyens adéquats pour remplir son mandat.
    En tant que responsable de l'ONF, pouvez-vous nous dire ce qui peut faire que les dirigeants d'un diffuseur public comme Radio-Canada passent sous silence ce qu'il faudrait plutôt dénoncer?
(0935)
    J'ai de la difficulté à commenter parce que je n'ai pas suivi personnellement les récents événements que vous décrivez. Par contre, ayant suivi de très près depuis 25 ans la situation de Radio-Canada, il me semble que c'est un problème récurrent: cette société a toujours manqué d'un financement adéquat et, surtout, prévisible.
    Il y a trois semaines, j'ai assisté au Mid-TV, à Cannes. On rêve quand on voit les moyens dont dispose la télévision publique en Europe, que ce soit la ZDF, la BBC ou France Télévisions, de même que les nouvelles technologies qu'elle déploie. Il faut voir aussi comment elle réussit à rejoindre son auditoire, tant celui de masse que celui de niche. Elle ne fait pas face non plus à la menace de la culture américaine, comme c'est le cas au Canada.
    En raison de sa particularité linguistique, le Québec a la chance d'être moins menacé par la culture américaine que les anglophones du reste du Canada. Les moyens dont la télévision publique dispose en Europe, et même au Japon — j'ai parlé avec des représentants de la NHK —, démontrent l'importance que ces gouvernements accordent à ce mode culturel. Je pense qu'il faudrait vraiment s'en inspirer à plusieurs égards.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Monsieur Angus.
    L'exposé que nous avons entendu ce matin était excellent, et je voudrais rappeler pour mémoire que je suis moi-même un chaud partisan de ce que fait l'Office national du film. Mes filles ne se privent pas pour critiquer abondamment ce qui, à leur avis, ne vaut pas la peine d'être regardé, et ces derniers mois, nous avons pu voir deux documentaires de l'ONF, The Last Round: Chuvalo vs. Ali, et Harvest Queens, qui a été réalisé dans ma circonscription. Les deux films ont été chaudement reçus par le public familial adolescent, et je pense donc que c'est signe que ces productions frappent dans le mille et sont tout à fait pertinentes.
    Et parlant de pertinence, je dirais que votre conclusion va au coeur même de l'une des grandes problématiques de notre étude. Nous conduisons actuellement l'une des toutes dernières de ce qui est probablement une très longue ligne d'études sur Radio-Canada, et chacune de ces études revient immanquablement sur les mêmes problèmes comme celui du financement et de la concurrence à livrer aux Américains.
    Par contre, ce que cette étude que nous faisons commence à nous montrer, et qui est peut-être différent de ce que nous avons pu voir jusqu'à présent, c'est le fait — comme vous le dites vous-même — que le caractère universel du monde numérique favorise la mondialisation de la production cinématographique et de la distribution des films. À défaut de stratégie nationale, le Canada risque d'être dépassé par d'autres pays dans cette course que nous menons pour établir une présence nationale dans ce nouvel environnement audiovisuel.
    Alors la question que nous entendons poser sans cesse est celle-ci: Comment arriver à réaliser des productions qui aient un effet de longue traîne et qui soient susceptibles d'être diffusées dans ces nouveaux médias? L'Office national du film était à l'avant-garde de cela, alors comment arriver à monétiser les productions de l'Office qu'on peut d'ores et déjà voir en ligne, et est-ce que cela a vraiment été efficace?
    Depuis quelques années en effet, nous nous efforçons de créer le bon modèle pour cette vision et pour ces expositions. Malheureusement, il n'existe pour l'instant pas de véritable modèle commercial pour ce genre d'exportations numériques. Les radiodiffuseurs, comme nous-même d'ailleurs, essayons simplement de trouver le bon angle, mais pour l'instant encore, toutes nos exportations numériques sont gratuites.
    Nous nous employons surtout à voir comment les Canadiens pourront avoir accès à nos productions. Grâce au Fonds Mémoire canadienne, nous avons pu depuis un an ou deux numériser plusieurs de nos productions et permettre ainsi aux Canadiens de les regarder en ligne.
    Nous avons également soumis à notre conseil d'administration une stratégie pour le lancement d'une campagne de numérisation. L'an prochain, nous allons remanier notre site Web de manière à donner plus facilement accès à nos films en ligne et par d'autres modes aussi comme le cinéma électronique. Cela permettra aux gens de télécharger nos productions et de les acheter.
    Nous avons déjà commencé à offrir aux collèges et universités certaines de nos productions grâce à notre mode de distribution en ligne. On peut donc dire qu'actuellement ce qui nous interpelle le plus, c'est ce volet de notre mandat qui nous permet d'ouvrir l'accès. Je pense que la monétisation de la chose arrivera les années suivantes avec l'apparition de certains modèles économiques.
    Il existe actuellement des sites Web spécialisés dans les documentaires auxquels on peut s'abonner. Il y a de la publicité et les producteurs et les distributeurs peuvent donc obtenir une partie des recettes publicitaires associées. Mais c'est un secteur tout à fait nouveau pour l'instant.
(0940)
    Je voudrais ajouter une chose. Nous avons le sentiment que si nous faisons passer un grand nombre de nos productions en ligne, nous pourrions également y ajouter des liens vers nos magasins électroniques et nos répertoires de DVD pour obtenir une valeur ajoutée. Très souvent, nos DVD présentent, notamment pour les enseignants, une valeur éducative. Nous avons donc le sentiment que, si nous parvenons à les mettre ainsi à la disposition des Canadiens, ceux-ci les trouveront intéressants, et nous pourrions alors leur donner le choix soit de les télécharger moyennant paiement, soit d'obtenir des produits à valeur ajoutée en passant par la boutique en ligne de l'ONF pour les DVD également.
    Une des problématiques qui est apparue depuis une dizaine d'années découle de la décision que les télédiffuseurs ont prise de faire leur propres productions à l'interne. Cela a sans doute créé beaucoup de potentialité, mais maintenant que nous sommes passés à l'ère du numérique et de l'Internet, il y a tout le problème des droits d'auteur et la question de savoir si une production indépendante peut appartenir à un seul protagoniste, à un seul radiodiffuseur, et cela pour un certain temps. Il y a toute une foule de questions qui se posent à ce sujet, d'autant que nous continuons à être confrontés à un environnement pour lequel nous n'avons pas encore pu déterminer comment nous allons pouvoir monétiser la chose.
    Je voudrais vous poser quelques questions. Avez-vous réussi à diffuser en ligne pour la simple raison que vous avez toujours les droits d'auteur pour les films produits par l'ONF? Et si c'est le cas, qu'en est-il des coproductions, par exemple, avec Global ou CTV?
    Vous nous dites que vous diffusez en ligne vos courts-métrages en le faisant à perte pour pouvoir vendre votre produit, ce qui à mon avis est une formule tout à fait légitime, mais avez-vous également songé à monétiser vos productions en y associant de la publicité ou en trouvant d'autres moyens d'obtenir une valeur ajoutée à vos produits numériques diffusés en ligne?
    Premièrement, étant donné notre situation juridique, nous ne pouvons vendre de la publicité. Nous ne sommes pas une société d'État, nous n'avons pas le droit de le faire. Par contre, nous pouvons nous associer à des sociétés privées et nous sommes actuellement en pourparlers en vue de signer certains contrats prévoyant le partage des recettes.
    Pour l'instant, je vous dirais que, dans notre industrie, le plus gros problème, aussi bien pour les producteurs privés que pour les coproducteurs avec lesquels nous travaillons, consiste à financer les productions, parce qu'à l'heure actuelle le modèle repose sur la radiodiffusion. Les radiodiffuseurs réclament les droits de diffusion en ligne pour toute la durée de leur période, mais il s'agit là d'un créneau secondaire par rapport à leur activité principale de diffusion, ou alors il s'agit d'un genre d'amorce pour leurs produits de diffusion principaux. Tout reste étroitement lié au principal modèle économique de la radiodiffusion.
    Ce qui va par contre très bientôt nous interpeller, au cas où leur chiffre d'affaires diminue à cause du fait que certaines recettes publicitaires vont désormais provenir d'autres types de productions diffusées sur le net, c'est la question de savoir comment parvenir à conserver au Canada un niveau de production susceptible de répondre aux besoins de ces radiodiffuseurs mais également au goût de l'auditoire canadien. Si les recettes diminuent, étant donné tous les débouchés qui existent actuellement, au bout du compte, avec les conditions imposées en matière de contenu canadien, il y aura immanquablement une diminution de la qualité des productions puisqu'il y aura moins d'argent à consacrer à la production. Nous devons donc trouver un modèle qui nous permettra de réaliser ces productions sous ce nouveau format numérique.
    Maintenant pour en revenir à la question que vous posez au sujet des droits d'auteur, l'ONF détient les droits d'auteur pour tout ce qu'il a produit, et nous partageons également certains droits de distribution. Pour cela, ce qui est je crois le cas aussi pour les producteurs privés, je ne pense pas qu'il y ait en droit des restrictions pour ce genre de choses, surtout du côté anglais, avec les accords qui ont été conclus avec les guildes. C'est toujours un problème au Québec, mais du côté anglais à tout le moins, le problème des guildes est réglé. Rien n'empêche dès lors ce genre de distribution, mais nous n'avons toujours pas d'espace qui permette à l'auditoire canadien de regarder des productions canadiennes en ligne. Tout cela est éparpillé tous azimuts et cela ne vaut que pour un temps limité. Nous n'avons donc pas ces plaques tournantes.
(0945)
    Merci cette intervention a un peu dépassé le temps imparti.
    Après M. Warkentin, nous aurons encore un peu de temps pour une ou deux petites questions.
    Monsieur Warkentin.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Madame, monsieur, je vous remercie d'être venus ce matin. Nous vous remercions d'être ainsi venus témoigner devant nous.
    Je voudrais vous entretenir d'une ou deux choses. M. Angus a d'ailleurs évoqué certaines des questions dont nous parlons ici depuis le début de notre étude et l'une de ces questions est bien sûr cette transition que nous connaissons actuellement vers un univers de plus en plus technologique dans le monde de la radiodiffusion.
    Mais il y a une chose sur laquelle je voudrais revenir avant de parler de la fragmentation de l'auditoire, et surtout de l'auditoire que représentent les jeunes gens. À l'heure actuelle, ce qui nous interpelle, c'est le mandat de Radio-Canada. Ce qui m'inquiète un peu — et je pense que c'est une préoccupation qui anime un peu tout le monde au comité — c'est qu'il faut que nous fassions en sorte que le mandat que nous donnons à Radio-Canada, ce mandat en vertu duquel Radio-Canada fonctionne, restera pertinent pour les générations à venir.
    Je pense que, lorsque vous avez parlé de vos propres enfants, vous avez précisément dit quelque chose de tout à fait pertinent. Ce que vous vivez, beaucoup d'entre nous le vivons aussi, mais ce que les jeunes gens me disent à moi, c'est que Radio-Canada n'est pas nécessairement présente là où ils se trouvent eux. Radio-Canada n'est pas nécessairement aligné sur ce qu'ils sont eux, de sorte qu'ils ne regardent pas, qu'ils n'écoutent pas Radio-Canada.
    Je me demande donc s'il y aurait quelque chose à faire, dans le cadre du mandat de cette institution, si nous ne pourrions pas remanier certains éléments de ce mandat afin que Radio-Canada puisse interpeller davantage les jeunes gens. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous avez des enfants, vous nous l'avez dit, des jeunes gens qui font partie de cette tranche d'âge en question. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cela?
    Oui. Évidemment, c'est une question très complexe. Une des façons de récupérer l'auditoire canadien, les jeunes en particulier, est de valoriser tous les secteurs de production: enfants et jeunesse. Faute de fonds, la SRC a abandonné certains genres et peu à peu il y a une érosion. Il y a aussi la grande quantité de produits offerts par les réseaux spécialisés qui ciblent ces auditoires avec des émissions qui leur sont adaptées.
    Vous avez de l'expérience dans votre propre organisation aussi. À un moment donné, maintenant que les Canadiens ont accès à à peu près tout ce qu'ils veulent regarder ou écouter, il faut que nous soyons les meilleurs et nous devons offrir un produit qui soit essentiellement le meilleur au monde. Comment votre organisation peut-elle survivre dans un environnement comme celui-là? Bien sûr, vous faites quantité de choses pour assurer votre survie. Comment pouvons-nous tirer profit de ce que vous faites dans l'examen du mandat que nous faisons.
    Nous sommes une organisation très spéciale, à la fois producteur et distributeur public. Dans cet univers, nous sommes presque les seuls dans cette situation. Il y a un équivalent en Australie, la NFB, mais notre rôle et notre objectif chaque jour est de faire des choses que le secteur privé ne peut pas faire. Nous devons produire des émissions pour des collectivités mal desservies et que le secteur privé ne peut ni produire ni financer.
    Peut-être y a-t-il donc en effet un parallèle avec le mandat de la SRC mais, pour notre part, nous nous concentrons sur la production régionale. Aussi sur les nouveaux cinéastes et...
(0950)
    Je l'ai bien entendu dans votre témoignage. Ce que j'aimerais savoir, c'est la formule qui nous permettrait de produire des choses pertinentes pour l'ensemble... Vous parlez de groupes en particulier. Des créneaux, et j'admets que vous jouez un rôle important à cet égard, mais je suis à la recherche de moyens d'amener le gros de la population à regarder CBC parce que, au bout du compte, tous les Canadiens paient pour la société. Ils en attendent quelque chose en contrepartie. Je ne sais pas quoi exactement. Je ne prétends pas être expert en la matière, mais on s'attend à ce qu'il y ait quelque chose qui séduise le plus grand nombre et attire à la CBC peut-être pas tous les Canadiens tout le temps mais tous les Canadiens à certains moments.
    Je vais faire un parallèle avec le monde du documentaire, que je connais très bien.
    Le documentaire canadien se porte très bien et est reconnu dans le monde entier. Pourquoi? Eh bien, il y a une tradition du documentaire au Canada. Il y a aussi du véritable financement pour ce genre de productions. Bien sûr, tous les producteurs vous dirons qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent, mais il existe quand même des sommes considérables et nous avons beaucoup produit. Comme nous produisons beaucoup, il y a une offre qui trouve son auditoire et qui reçoit des fleurons. C'est ce que l'on appelle une habitude d'écoute: si vous cessez d'être exposé à quelque chose, vous perdrez l'intérêt pour ce genre de productions. Je pense donc qu'il y a un parallèle ici. La télévision publique canadienne doit opérer un changement majeur parce qu'elle a été privée des moyens de faire ce qu'elle faisait le mieux.
    Je vais vous faire un petit parallèle. Au Québec, à une certaine époque, il y avait une très forte présence du théâtre français ou de films français dans notre marché. Dans les années 80, les distributeurs ont cessé de les importer et de les mettre à l'affiche et tout d'un coup le film américain les ont remplacés, et les films québécois aussi, si bien qu'à la fin des années 80, il n'y avait plus de films français sur les écrans québécois. Ils sont maintenant de retour parce que certains distributeurs ont décidé d'investir dans ces films.
    Je pense qu'il y a une habitude pour les spectateurs: si vous ne leur montrez pas le produit, ils ne regarderont pas.
    Merci.
    Mon temps est écoulé, je crois.
    Merci.
    Monsieur Scarpaleggia.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je vous souhaite la bienvenue. Je conviens que votre présentation est exceptionnelle. Si je connais l'Office national du film, ce n'est pas parce que je passais devant votre immeuble, sur le boulevard Métropolitain, à Montréal. C'est plutôt que, lorsqu'on allait voir un long métrage américain dans une salle de cinéma, on projetait toujours un court métrage de l'ONF avant le film. On sortait du cinéma impressionnés et fiers d'être canadiens. Nous sommes peut-être de la même génération.
    J'ai d'ailleurs remarqué que, sur un des canaux qu'on reçoit par câble, le MoviePix, on commence à voir des courts métrages de Norman McLaren qui datent de 40 ans et qui sont fort impressionnants. Cela semble nouveau et je vous en félicite. Cependant, je dois vous avouer que je ne semble plus en voir à Radio-Canada. Êtes-vous satisfait de la relation que vous avez avec cette société? Pourrait-on l'encourager à diffuser davantage de films?
    Ma deuxième question est reliée à mon premier commentaire. Allez-vous travailler plus étroitement avec les distributeurs de longs métrages au Canada dans les salles de cinéma, afin de replacer des courts métrages de l'ONF avant les longs métrages américains, etc.?
(0955)
    J'aimerais revenir sur la question de la vente de nos films à Radio-Canada. Il ne fait aucun doute que Radio-Canada ou CBC pourrait acheter plus de nos films. Cela représente 14 p. 100 de nos ventes de télévision au Canada. Cela veut dire que 86 p.100 de nos ventes télé sont faites auprès d'autres diffuseurs. Il reste que le mandat de CBC est généraliste et qu'elle pourrait réserver plus de cases aux documentaires. On le souhaite. Toutefois, nous sommes conscients du contexte d'exploitation de cette société.
    On a souvent plaidé cette question auprès de la direction de Radio-Canada. S'il y avait un rendez-vous hebdomadaire de grands documentaires chaque semaine, pas nécessairement des films de l'ONF, mais quelque chose de semblable à ce que la télévision publique en France et en Grande-Bretagne diffuse, une habitude d'écoute serait créée et les gens voudraient en voir plus. Cela créerait un modèle. Il y a du chemin à parcourir.
    En ce qui concerne la diffusion de nos films en salle, on a l'exemple du Danish Poet, qui a gagné un Oscar. On a presque pu le projeter au cours d'une de vos séances, mais cela n'a pas fonctionné à cause d'une urgence à votre ordre du jour. Ce film passe en avant-première de longs métrages. On réussit, avec des distributeurs canadiens, à projeter nos courts métrages en première partie de leur long programme. On travaille beaucoup en ce sens.
    On travaille également à la diffusion en salle non commerciale de bouquets de nos programmes au moyen de l'assemblage de programmation en région et dans des cinémas spécialisés de Montréal et de Toronto en programmation de l'ONF. À Montréal, l'Ex-Centris diffuse plusieurs de nos films

[Traduction]

    Il faut passer au suivant.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Joli-Coeur et madame, bonjour.
    Vous dites que l'ONF entretient des partenariats stratégiques. Vous collaborez avec plusieurs sociétés comme la vôtre dans différents pays. D'après vous, quelle est la moyenne du budget investi par les autres pays dans leur programmation, leur diffusion ou dans un diffuseur national, au prorata de leur population?
    Je suis désolé, je n'ai pas cette information. Par contre, j'ai pu comprendre que les fonds que la BBC allait consacrer à de nouvelles exploitations numériques équivalaient au budget de la télévision de CBC. C'est simplement pour vous donner un exemple. La BBC va consacrer aux nouveaux médias l'équivalent...
    ... de ce qu'on donne...
    ... de l'ensemble de ce que CBC reçoit pour son réseau généraliste.
    Merci.
    Vous avez également pour objectif d'élargir le bassin des professionnels et des créateurs francophones hors Québec. Y a-t-il des créateurs francophones hors Québec?
    Il y en a beaucoup. Ce sont des communautés qui ne sont pas bien desservies. On a des centres de production dans tout le pays, dans les Maritimes, en Ontario, où on dessert la communauté francophone. Il y en a dans toutes les provinces. On s'efforce de les rejoindre. Cela fait partie de nos priorités.

[Traduction]

    Une question très courte, monsieur Abbott.
    J'aimerais revenir brièvement sur votre description de votre famille, parce que cela me semble particulièrement révélateur de la situation démographique dont mon collègue voulait parler. Ils font des choix. Je me demande donc si l'exemple que vous avez employé, qui était excellent — très explicite et descriptif — montre que, dans votre esprit, l'idée de la réglementation est peut-être vraiment dépassée. Nous en sommes à un point où vos enfants regardent ces choses sur Internet, qui, par définition, est impossible à réglementer. Ne doit-on donc pas conclure que ce qui prime c'est la qualité de la programmation et les choix que le spectateur finit par faire, un téléspectateur à toutes fins utiles maître de ses choix, par opposition à un gouvernement qui dit que cela va se passer ainsi?
    Êtes-vous d'accord avec cela?
(1000)
    La réglementation doit être considérée d'un autre point de vue. Nous aurons besoin pour la programmation d'un financement important que notre système économique au Canada peut soutenir.
    S'il n'y a pas d'émissions canadiennes sur Internet que nos jeunes veulent regarder, ils vont passer à des cultures non canadiennes. On en a vu un très bon exemple au Québec récemment — je ne sais pas si vous en avez entendu parler — il s'agit des Têtes à claque. Ce sont des clips d'animation très drôles sur Internet. Ils sont financés par Bell. Ils ont réussi à offrir ce genre d'émissions très particulières et à les commercialiser. La clé, c'est la commercialisation.
    Alors, si ce n'est pas la réglementation telle que nous la connaissons, je dirais que ce sera lié davantage au financement d'une programmation donnée.
    Merci.
    Avant de terminer, j'ai une question. Je n'ai pas besoin de réponse aujourd'hui, vous pouvez la faire parvenir au comité.
    Est-ce que CBC/SRC doit être quelque chose pour tout le monde au Canada ou doit-elle se mettre à cibler certains segments à l'aide d'émissions de grande qualité?
    Merci.
    Nous allons communiquer avec vous.
    Je vous remercie beaucoup.
    Entendu.
    Nous allons suspendre pendant quelques instants.
(1000)

(1005)
    Nous sommes de retour. Nous allons passer à la deuxième partie de notre séance de ce matin.
    Nous recevons M. Ted East de l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films.
    Soyez le bienvenu. Vous avez la parole. Je crois comprendre que vous n'avez pas de mémoire à nous remettre ce matin mais sentez-vous libre de nous faire parvenir un texte ultérieurement si vous le voulez.
    Oui. Je dois préciser que nous n'avons appris l'existence de ces audiences que ces dernières semaines et c'est pourquoi nous n'avons pas fait parvenir de texte.
    Merci.
    Allez-y.
    Merci de l'occasion qui m'est donné de comparaître ici.
    Je m'appelle Ted East et je suis le président de l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films, l'ACDEF, appellation sous laquelle nous sommes connus. L'ACDEF est une association professionnelle sans but lucratif qui représente les intérêts des entreprises de distribution et d'exportation de films appartenant à des intérêts canadiens ou contrôlées par des Canadiens. Parmi nos membres figurent Alliance Atlantis Distribution, Christal Films, Equinox Films, Maple Pictures, Mongrel Media, Séville Pictures et TVA Films.
    Les membres de l'ACDEF distribuent plus de 90 p.¦100 des films canadiens ou de films ne provenant pas de studios, diffusés en salle au Canada chaque année. Ils distribuent au Canada des films provenant de partout au monde, et représentant le plus vaste éventail qui soit de genres et de budgets. Même si le mandat du comité est d'examiner le rôle du radiodiffuseur public dans un large éventail de domaines, je me limiterai pour ma part à ce que l'Association estime être sa mission en faveur du long métrage.
    Même si nos membres distribuent une grande diversité d'émissions et tous les médias, les longs métrages sont leur principal produit et la base de leur activité.
(1010)
    Les films destinés au cinéma suivent une chaîne de valeur cohérente ou une série de fenêtres. Pour un film typique, la séquence est la projection en salle, la vidéo maison et le DVD, la télé à la carte, la télévision payante, la télévision réseau puis la télévision par câble. Même si le gros de l'attention des médias et du gouvernement va à la diffusion en salle, l'essentiel de l'auditoire et des recettes provient des marchés postérieurs à la diffusion en salle, c'est-à-dire les marchés secondaires.
    Dans les années 30, le Canadien moyen allait au cinéma entre 40 et 50 fois par an. Aujourd'hui, le chiffre est de quatre à cinq fois par an. L'appétit du long métrage est toutefois aussi fort que jamais mais nous le regardons à la maison beaucoup plus qu'au cinéma. Comme beaucoup des membres de l'Association, je pense que ce chiffre va augmenter au fur et à mesure que s'améliorera la qualité de la présentation à domicile.
    Depuis dix ans, il en coûte beaucoup plus cher de commercialiser un film en salle de cinéma. Il est très rare qu'une production rentre dans ses frais de diffusion en salle uniquement à l'aide de la diffusion en cinéma. La vigueur des marchés secondaires est donc déterminante dans le choix des films qu'achètera le distributeur mais aussi dans l'établissement de la somme qui sera offerte pour les droits et celle qui sera consacrée au marketing.
    Pour cette raison, un appui de programmation fort pour les longs métrages du secteur de la radiodiffusion transcende la simple rentabilité de tel ou tel titre. C'est essentiel si l'on veut faire apprécier par un plus grand nombre le cinéma et mieux faire connaître les acteurs et les réalisateurs.
    Malgré la croissance de la base d'abonnés des services de télévision à payage ces cinq dernières années et l'octroi de licences à plusieurs canaux numériques qui diffusent un grand nombre de longs métrages, une diffusion sur une station hertzienne est encore la fenêtre de télédiffusion la plus lucrative pour un long métrage, aussi bien en recettes qu'en téléspectateurs.
    En général, le soutien aux longs métrages par les radiodiffuseurs hertziens au Canada anglais a été faible et inégal. Il est certain que cela a joué un rôle dans l'échec des films canadiens de langue anglaise à atteindre un large public. De tous les principaux radiodiffuseurs hertziens, seul CHUMCity a pris un engagement important et régulier en faveur de la diffusion de films canadiens. Ni CTV ni Global ne se sont engagés en faveur des longs métrages et ils n'ont pas les conditions relatives aux exigences en matière de droits d'émissions.
    Le soutien aux longs métrages des radiodiffuseurs hertziens au Canada français a été beaucoup plus ferme, surtout dans le cas de Radio-Canada. Cet appui a été la pierre angulaire du succès extraordinaire des films canadiens de langue française ces cinq dernières années. Pour que ce succès se poursuive, il est essentiel que les radiodiffuseurs hertziens du Canada français maintiennent leur appui, Radio-Canada en particulier.
    Il est intéressant de signaler qu'au Royaume-Uni, où l'industrie nationale du cinéma a beaucoup plus de succès qu'au Canada anglais, les cinq radiodiffuseurs hertziens appuient vigoureusement les longs métrages.
    D'après les données fournies par le U.K. Film Council, en 2002, 2003 et 2004, plus de 2 000 films par année ont été diffusés par les cinq radiodiffuseurs hertziens. En moyenne, chaque année, plus de 475 films étaient des productions nationales. L'appui pour les longs métrages était à peu près également réparti entre les cinq radiodiffuseurs: BBC One, BBC Two, ITV1, Channel 4 et Channel 5. Ceci est indicateur d'une saine concurrence qui ne peut que profiter aux distributeurs et aux producteurs.
    Nous jugeons qu'il est essentiel que le radiodiffuseur public joue un rôle important dans le développement, la promotion et la diffusion du long métrage. Cela sera nécessaire si nous voulons faire fond sur le succès du film canadien de langue française et atteindre le succès au Canada anglais que nous convoitons depuis longtemps et que nous méritons.
    Au moment du renouvellement de sa licence en 2000, CBC s'est engagé à investir 30 millions de dollars sur cinq ans dans la production, l'acquisition et la promotion de longs métrages canadiens. Il ne s'agissait pas là toutefois d'une condition de la licence. Même si nous n'avons pas pu trouver de chiffres précis, il est clair que l'investissement de CBC est bien loin de ce chiffre.
(1015)
    Je suis donc ici aujourd'hui pour recommander vigoureusement que l'appui pour le long métrage soit désormais une condition de la licence tant pour CBC que Radio-Canada.
    Merci.
    Merci.
    Madame Keeper.
    Merci.
    Je vous remercie de votre exposé, monsieur East.
    J'aimerais vous interroger sur les liens entre Radio-Canada et les films en français. Comment se fait-il que ça marche si bien? Quelle est la différence entre cette relation et celle qui existe entre les films anglais et la CBC? Quelle est la différence entre les réseaux français et anglais de la CBC, et les cinéastes?
    Il y a plusieurs différences. D'abord, le volume de films auxquels ils sont associés est beaucoup plus élevé.
    Par souci de clarté, parlez-vous d'engagement financier dès le début?
    Oui, il s'agit pour beaucoup d'un engagement financier dès le début. Dans une grande mesure, il s'agit du montage financier du film. Quand un radiodiffuseur, surtout un radiodiffuseur comme Radio-Canada intervient, il participe très souvent au développement du film et à son financement; il fait partie de la famille, en quelque sorte. Il s'investit beaucoup dans son succès en salle et en fait donc la promotion et lorsqu'il le diffuse, il fait aussi beaucoup de battage à l'antenne.
    Je dois dire que Radio-Canada comprend le business de la sortie en salle. La société comprend et respecte les fenêtres, ce qui, je dois l'admettre, n'est pas toujours le cas de la CBC.
    J'allais vous poser la question à cause des fenêtres dont vous parlez. Quand vous parlez d'une distribution en salle, est-ce cela la première fenêtre?
    Oui, la distribution en salle est la première fenêtre.
    Et quand Radio-Canada diffuse le film, c'est la deuxième ou la troisième fenêtre?
    C'est la troisième; cela vient après le DVD, la vidéo maison.
    Oh, cela vient après le DVD.
    C'est surtout après la télévision à payage aussi, à moins que cela ait été exclu aux termes d'une condition de la licence en contrepartie d'un plus gros investissement.
    À l'inverse, si on considère le cinéma de langue anglaise au Canada, habituellement, je crois comprendre que le radiodiffuseur n'intervient pas, ne s'investit pas à ce point et n'aurait pas cette première fenêtre.
    Ça a été la position de CBC plusieurs fois — dernièrement, en tout cas, dans les tractations pour le projet de documentaires que Telefilm et CBC ont monté ensemble pour faire des documentaires destinés aux salles de cinéma. Au début, CBC réclamait une première fenêtre télévision tout de suite après la distribution en salle, ce qui vraiment, dans certains cas, aurait supprimé l'exploitation du marché de la vidéo maison, même si je crois savoir qu'au moment du renouvellement de ce projet, la CBC a compris qu'un bon enchaînement de fenêtres est nécessaire pour que le produit soit considéré comme un film de cinéma et pour maximiser les recettes.
    Cela permet-il alors de maximiser les recettes? Si vous allez investir dans un long métrage, pour les cinéastes canadiens, l'idéal est donc d'envisager une distribution en salle — je parle de l'idéal, ici — puis le DVD et la télévision à la carte puis le passage à l'antenne.
    Je ne sais pas comment ça marche sur le plan de la production, mais je pense que c'est de l'information très importante pour nous parce qu'une des choses qui me préoccupent c'est la baisse du soutien pour les cinéastes et les créateurs de sujets canadiens. Je pense que le pays est un peu en crise et ce genre de renseignements aide beaucoup le comité à le comprendre.
    C'est donc une difficulté, voire un obstacle pour les cinéastes, n'est-ce pas?
(1020)
    Être diffusé à l'antenne nationale?
    Oui, le fait que le radiodiffuseur insiste pour obtenir la première fenêtre. Ou y a-t-il divers genres de films dans lesquels on pourrait investir où le radiodiffuseur n'aurait pas la première fenêtre?
    Ce n'est pas quelque chose que je veux exagérer. Je ne pense pas que le problème soit grave. Ça a été un problème par le passé.
    Il y a une dizaine d'années, quand je travaillais à Alliance Atlantis, je collaborais avec la CBC sur un certain nombre de longs métrages et j'avoue que j'étais un peu frustré par sa vision des choses. Pour elle, ce n'était qu'un téléfilm et elle ne comprenait pas vraiment qu'il s'agissait d'un long métrage destiné à une distribution mondiale. Sa vision était limitée à son passage à l'antenne alors qu'elle aurait dû comprendre que le film allait passer en salle non seulement au Canada mais aussi, espérions-nous, dans le reste du monde et que certains éléments du scénario et du casting devaient être différents de ce qu'elle souhaitait si elle comptait positionner le produit comme un téléfilm. Mais c'était il y a dix ans.
    Ce que nous aimerions, c'est que la CBC devienne un véritable partenaire des producteurs indépendants et des distributeurs dans l'établissement des droits d'émissions des longs métrages et aide à les développer et arrive à distinguer pleinement un long métrage d'un téléfilm.
    Merci.
    Monsieur Kotto.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur East.
    La culture de partenariat radio-canadienne française veut que cette entité s'implique en amont dans les productions de films de long métrage, puisqu'on parle du long métrage ici. Cela donne des résultats, parce que parallèlement à cette culture, il y a un système de vedettariat qui soutient la démarche des personnes, des acteurs, des actrices, des comédiens et comédiennes, des réalisateurs et réalisatrices ainsi que des scénaristes qui sont impliqués dans les projets. Ce sont généralement des gens prisés par le public, un public qui est fidèle à toutes ces entités au Québec.
    A-t-on l'équivalent à CBC, pour le volet radio-canadien anglais?

[Traduction]

    Je pense qu'on pourrait l'avoir. Jamais, je crois, on aura au Canada anglais le système de vedettariat qui existe actuellement au Québec, pour toutes sortes de raisons.
    Pour revenir à ce que Tina Keeper disait tout à l'heure, l'enchaînement idéal pour un film est d'être diffusé à l'échelle nationale, ce qui n'est pas toujours le cas. Parce qu'il s'agit du plus vaste auditoire possible pour un film, qui dépasse parfois celui du passage en salle. Plus l'auditoire est vaste, plus le public s'intéresse aux acteurs et les connaît.
    Nous avons un film qui prend l'affiche vendredi. Il s'agit de Away From Her, le premier film de Sarah Polley, dans lequel jouent Julie Christie, une actrice britannique bien connue et Gordon Pinsent, un trésor national et un acteur assez bien connu au Canada anglais. Je pense que la sortie en salle va le refaire connaître. Mais un passage à la télé nationale — et il peut y en avoir un, j'ignore si cela est prévu ou non — ajoutera au statut de vedette de M. Pinsent la prochaine fois qu'il jouera dans un film. Le marketing du film s'en trouvera facilité, surtout si le film remporte du succès, comme ce sera le cas, je crois.
    Mais le vedettariat en anglais est difficile à créer parce que les acteurs canadiens-anglais les plus célèbres travaillent à Hollywood. Parfois ils reviennent ici, mais le plus souvent ils ne reviennent pas.
(1025)

[Français]

    D'accord. C'est là que je voulais en venir.
    Je ne connais pas très bien cette situation particulière, mais n'est-ce pas là une des raisons qui empêchent CBC d'embarquer dans la même logique que celle de la SRC en matière de partenariat ou de « coproduction »?

[Traduction]

    Je ne pense pas que cela l'en empêche. C'est peut-être un prétexte commode pour ne pas le faire, surtout lorsqu'elle se donne pour mandat de conquérir un auditoire en particulier. Elle pourrait dire qu'un long métrage qui met en vedette tel ou tel acteur ne trouvera pas de public. Mais moi je pense qu'elle a un rôle à jouer dans le développement de l'industrie, dans la création d'un système de vedettariat, dans la constitution d'un public pour les dramatiques et les longs métrages canadiens. Il n'y a pas d'autre moyen d'y parvenir. Il faut s'engager.

[Français]

    Avez-vous fait des représentations en ce sens auprès de la gouvernance de CBC?

[Traduction]

    Oui. Nos membres le réclament constamment.

[Français]

    Qu'est-ce qu'on vous dit?

[Traduction]

    Qu'est-ce qu'on nous dit? Il faudrait que vous posiez la question à chacun de nos membres.
    Nous sommes frustrés par son inconstance en faveur des longs métrages. Il est bien clair qu'elle ne remplit pas la promesse qu'elle a faite en l'an 2000 et c'est pourquoi nous souhaitons que ce soit une des conditions du renouvellement de sa licence.

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    Monsieur Fast.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à vous, monsieur East, d'être venu aujourd'hui.
    J'ai eu l'occasion de parcourir le mémoire que votre association a présenté à Patrimoine Canada en 2002, il y a cinq ans. Connaissez-vous ce document, qui parlait des exigences relatives du contenu canadien dans l'industrie du long métrage?
    C'était avant que je devienne président de l'ACDEF. Il se peut que je l'aie lu.
    Laissez-moi vous rafraîchir la mémoire. Le document s'attardait longuement sur les exigences en matière de contenu canadien applicables aux longs métrages pour l'obtention de fonds provenant de sources gouvernementales. À ce moment-là, vous insistiez beaucoup sur le rôle essentiel de l'industrie du long métrage, la sortie en salle comme principal marché.
    Votre exposé d'aujourd'hui a une portée beaucoup plus large. Dans les cinq années qui se sont écoulées, nous avons connu une multiplication spectaculaire du nombre de nouveaux médias. De plus en plus de gens regardent les films à la maison sur vidéo ou DVD. Il y a aussi d'autres plates-formes: Internet et la télé à la carte.
    À l'époque il était dit dans le mémoire qu'à peine 0,2 p. 100 des films vus au Canada étaient canadiens, dans les salles de cinéma. Est-ce toujours le cas?
    Non.
    Quel est le pourcentage aujourd'hui?
    C'est plus de 5 p. 100 globalement. Je pense que c'était 16 ou 17 p. 100 au Canada français et plus de 2 p. 100 au Canada anglais.
    Très bien. Je pense qu'il parlait du Canada anglais à l'époque, mais même si c'est le cas, de 0,2 p. 100 à 2 p. 100 c'est quand même une augmentation notable.
    En tout, toutes plate-formes confondues, quel pourcentage des films que vous distribuez sont canadiens? Est-ce le chiffre de 5 p. 100 que vous venez de donner?
    Au moins, oui.
    Au moins 5 p. 100.
    Oui, c'est sans doute plus. Les chiffres ne sont pas disponibles, et je demande régulièrement à Patrimoine canadien de recenser les habitudes d'écoute des films canadiens et des films en général parce que nous pensons que l'avenir nous réserve d'énormes changements. Et peu importe si le nombre d'entrées monte ou baisse, pour les films canadiens, nous pensons que ce qui compte le plus, c'est que les Canadiens voient des films canadiens.
    D'accord.
    D'autres témoins entendus au comité ont laissé entendre que les radiodiffuseurs privés ne devraient peut-être pas recevoir de fonds gouvernementaux et que cet argent devrait servir à rendre CBC plus robuste. Autrement dit, retirons l'argent accordé aux radiodiffuseurs privés pour s'assurer que CBC, le radiodiffuseur public, puisse bien faire son travail. Qu'en pensez-vous?
(1030)
    Quand vous parlez de fonds publics, parlez-vous du Fonds canadien de télévision?
    Oui, le FCT, par exemple.
    Les radiodiffuseurs privés ne reçoivent aucun financement public. Les radiodiffuseurs privés passent des marchés avec des producteurs indépendants.
    C'est juste. Indirectement, les radiodiffuseurs privés en profitent parce que c'est l'industrie de la production indépendante qui a accès aux Fonds canadien de télévision.
    L'idée avancée par plusieurs témoins est que l'on devrait supprimer les subventions qui vont directement ou indirectement aux radiodiffuseurs privés pour les consacrer plutôt au renforcement de la société d'État. Qu'en pensez-vous? Ce n'est pas une question facile. C'est controversé.
    C'est une véritable patate chaude. Quand vous parlez de « financement public », est-ce que ces personnes font référence à l'argent que Patrimoine canadien verse au FCT exclusivement, ou à ce que les EDR contribuent? Parce que certains seraient de l'avis que les montants versés par les EDR constituent des fonds publics, tandis que les EDR voient la chose autrement.
    Je pense que les EDR ne considèrent pas les montants qu'ils versent comme des deniers publics. Non, je fais allusion au montant que le gouvernement canadien investit dans l'industrie de la production indépendante.
    C'est curieux — je n'ai pas les chiffres précis devant moi — mais je crois que nous y sommes presque, de toute façon. Il me semble que la contribution de Patrimoine canadien au FCT est plus ou moins équivalente au montant que Radio-Canada reçoit du FCT. Je crois que c'est le cas.
    Ce n'est pas tout à fait le cas.
    Non?
    Non. Le mémoire d'un ancien président de la SRC disait que les radiodiffuseurs privés devraient faire ce qu'ils font le mieux: c'est-à-dire d'être des radiodiffuseurs en concurrence avec leurs cousins américains. La SRC devrait recevoir la quasi totalité du financement gouvernemental disponible, afin d'assurer qu'on ait un radiodiffuseur public avec les reins solides.
    La suggestion, bien sûr, a également été faite que la SRC cesse entièrement de radiodiffuser la Soirée du hockey. J'aimerais vous entendre là-dessus. Cela aussi donne matière à controverse.
    C'est assez controversé. S'ils remplaçaient la Soirée du hockey par la Soirée du cinéma au Canada, je pense que nous serions ravis.
    Parlons de la publicité.
    La SRC/CBC compte de plus en plus sur les recettes publicitaires pour assurer sa survie. Nous avons entendu deux perspectives divergentes au comité, des personnes qui sont venues témoigner. Certains ont proposé que la CBC se retire complètement de la publicité et qu'elle devienne davantage comme sa soeur, la radio — c'est-à-dire avec très peu, pour ne pas dire aucune recettes publicitaires. Certains disent que les recettes de publicité commerciales sont essentielles pour assurer la survie de la SRC, et que s'il y a en effet un financement accru de la part du gouvernement, cela devrait s'ajouter aux recettes publicitaires et non pas les remplacer.
    Avez-vous des commentaires?
    Ce n'est pas une chose à laquelle j'ai vraiment réfléchi. D'instinct, je dirais que vous devriez agir avec prudence. La SRC semble à court d'argent la plupart du temps. Si on éliminait une source majeure de financement sans avoir de projet sérieux pour la remplacer ainsi qu'un projet sérieux qui les obligerait de faire une sorte de programmation...
    Je comprends l'argumentaire. Je comprends pourquoi les radiodiffuseurs privés auraient peut-être ce sentiment. Nous sommes neutres à ce sujet. Ce n'est pas un problème pour les membres de l'ACDEF.
    Je ne pense pas que vous voulez affaiblir le radiodiffuseur public. Vous voulez certainement renouveler son mandat pour l'avenir et nous sommes de l'avis que les longs métrages et un engagement fort dans le domaine des dramatiques devraient en faire partie. Mais ces deux choses coûtent cher. Donc si le gouvernement a l'intention de desserrer les cordons de la bourse pour payer la différence, je ne suis pas convaincu que ça changerait grand-chose pour les distributeurs de films ou l'industrie cinématographique en général.
    Ce qui m'inquiéterait ce serait un résultat net en vertu duquel la SRC aurait moins d'argent à dépenser et donc un engagement moindre à l'égard des dramatiques et des longs métrages.
    Merci.
    Allez-y, madame Keeper.
(1035)
    Merci.
    J'aimerais vous poser une question concernant l'impact. Nous avons beaucoup entendu des témoins concernant les statistiques de l'étude effectuée par le groupe Nordicité et le désengagement financier au Canada en ce qui concerne le développement de contenu canadien, et des dramatiques en particulier.
    Pouvez-vous nous parler du paysage depuis 10 ans? Vous avez mentionné l'an 2000. Y a-t-il eu des événements en particulier qui ont eu une incidence négative importante sur le développement des dramatiques au Canada?
    Nous ne sommes pas en première ligne sur cette question. Je dirais de façon générale que cela nous préoccupe parce qu'il y a un lien direct entre les dramatiques télévisuelles et les longs métrages. Il y a une communauté de talent. Beaucoup des producteurs qui travaillent sur les dramatiques à la télévision travaillent également sur les longs métrages, ou aimeraient le faire. Il en est de même pour les acteurs et les écrivains. Donc s'il y a diminution du côté des dramatiques, il y aura une incidence négative sur les longs métrages. Il y aura des écrivains d'expérience qui quitteront le Canada pour les États-Unis. Il y aura des écrivains plein d'avenir qui décideront que c'est trop difficile de gagner sa vie ici, et ils iront à Los Angeles dès le début. Et c'est quelque chose qui nous préoccupe énormément.
    Une chose que nous avons clairement dite dans nos présentations ici sur l'examen des longs métrages, c'est que nous croyons que le développement de longs métrages, l'investissement dans l'écriture, une variété de films dans tous les genres possibles, et une grande variétés de voix sont nécessaires, et toute diminution de cela du côté de la télévision nuira à l'industrie cinématographique.
    Je reviens à ma question originale, parce que je pense que je ne comprends pas très bien... Vous disiez que dans le passé, la SRC revendiquait toujours la première fenêtre de diffusion, et encore plus s'il s'agissait d'un film de la semaine, en matière de production pour...
    Il s'agit là de deux questions différentes. La question concernant le film de la semaine date de 10 ans. Je ne crois pas que cela existe.
    Ça date de 10 ans. Cela n'existe plus?
    Non.
    Donc en ce qui concerne la SRC actuellement et ses relations avec les cinéastes, voyez-vous qu'il existe des ententes et que cette relation fonctionne et serait à l'avantage des cinéastes indépendants?
    Actuellement, l'approche de la SRC en matière de longs métrages n'est pas vigoureuse ni cohérente d'après ce que nous avons vu.
    D'accord, donc il y avait un problème, et maintenant l'approche est ni vigoureuse ni cohérente, en général?
    C'est ça.
    Si vous pouviez améliorer la situation, quelle serait votre recommandation?
    Nous croyons que 30 millions de dollars sur cinq ans — c'est ce qu'ils avaient promis en 2000 — ce serait un bon début. Je crois qu'un créneau réservé aux longs métrages serait très utile.
    D'accord.
    Et faire la promotion de longs métrages qu'ils ne radiodiffusent pas forcément serait bien utile également.
    La promotion pour des longs métrages qu'ils ne diffusent pas forcément?
    De la promotion au moment de la sortie sur les écrans. Ils font la promotion de films au moment de la sortie en salle; par exemple, Away from Her faisait l'objet d'une promotion sur les ondes de la CBC cette semaine en prévision de sa sortie en salle. Ça serait très utile.
    D'accord.
    Merci.
    Merci.
    Madame Bourgeois.

[Français]

    Monsieur le président, monsieur East, bonjour.
    Nous sommes allés à Vancouver en mars dernier et nous avons rencontré M. Carl Bessai, de la Citizen's Coalition for the Protection of Canadian Films. Le connaissez-vous?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Il tient pratiquement le même discours que vous. Lorsqu'il nous a rencontrés, il était en furie. Il était très choqué de voir que la CBC n'était pas un élément moteur dans la promotion du cinéma canadien.
    Avez-vous des liens avec cette coalition de citoyens?

[Traduction]

    Non, nous n'en avons pas. Nous les connaissons et nous sommes certainement au courant de certaines de leurs perspectives et de certaines de leurs déclarations. Je pense que nous serions d'accord sur ce point, mais il y a d'autres questions sur lesquelles ce ne serait pas le cas.
(1040)

[Français]

    Je me disais que quelqu'un chez vous ou de cette coalition avait peut-être pensé créer une alliance entre vous pour que vos voix soient plus fortes. Vous n'avez jamais discuté de la possibilité de créer une alliance pour demander davantage de reconnaissance ou de soutien pour les productions canadiennes?

[Traduction]

    Non. Pour créer une alliance, il faut avoir des points de vue et des intérêts communs. Je pense qu'ils ont proposé notamment un contingent de projections en salle, pour garantir que les films canadiens sont projetés, ce que nous ne préconisons absolument pas, parce que nous ne pensons pas que cela fonctionnerait. L'exemple du Québec démontre que lorsque l'on fait des films que les gens veulent vraiment voir, il n'ait pas nécessaire d'imposer un contingent pour qu'ils soient projetés. Ainsi, sur divers éléments, nous sommes d'avis contraire.
    Assurément, au moment de l'examen par le CRTC de la société CBC Radio-Canada, nous accepterions de collaborer et de faire du lobbying... Nous travaillons avec l'ACPFT constamment pour trouver un terrain commun sur certains enjeux, et nous serions très satisfaits si nous partagions les mêmes points de vue sur cette question.

[Français]

    Pourtant, vous défendez tous les deux les productions canadiennes. Tous les deux, vous voulez qu'il y ait plus de débouchés et que les productions canadiennes soient à l'avant-plan. De son côté, il nous disait que cette coalition de citoyens avait décidé de s'organiser pour faire face aux câblodistributeurs, qui étaient résolument tournés vers les productions américaines.
    Même si vous dites que vous avez certaines différences, il reste tout de même que vous avez en commun la promotion de la culture canadienne.

[Traduction]

    Oui, effectivement, la promotion de la culture canadienne et un engagement pour que des longs métrages soient diffusés à la radio-télévision publique seraient des objectifs communs. Cependant, d'après ce que vous dites, la création d'une alliance permanente officielle est exclue étant donné qu'il y a trop de divergence d'opinions, n'est-ce pas?

[Français]

    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur le président.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Abbott.
    Merci, monsieur le président.
    J'espère avoir bien retenu ce que vous avez dit : quand on tourne un film que les gens veulent voir, il n'est pas nécessaire d'imposer un contingent à l'écran. Je pense vous avoir entendu dire cela.
    Je voudrais revenir à une question que j'ai posée au témoins précédent, en ce qui concerne la réglementation. Je sais bien que vous venez témoigner en tant que président de l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films et dans un instant, je parlerai du contenu. Auparavant, pourriez-vous faire quelques remarques concernant la réglementation.
    Certains témoins qui ont comparu devant le comité croient encore que si l'on pouvait au moins réglementer, plus de gens regarderaient la CBC/Radio-Canada, ou en fait, si la société était réglementée sur le plan du contenu canadien, et si elle était soumise aux autres exigences du CRTC et de sa réglementation, on constaterait une différence.
    Compte tenu de ce que vous avez dit à propos de tourner des films que les gens veulent voir, et compte tenu de ce que le témoin précédent nous a dit à propos de ses quatre adolescents qui faisaient des choix, je prétends que lorsque les gens peuvent exercer leurs choix, ils le font qu'il existe des règlements ou non. Dans le cas d'Internet, on se demande sérieusement si une réglementation est même possible.
    Dans le cadre de la discussion que nous tenons au sujet de la société CBC/Radio-Canada, je voudrais recueillir votre point de vue sur mes remarques quant à la place de la réglementation.
    Tout d'abord, je tiens à dire que les salles de cinéma et la distribution ne sont pas réglementées. Point n'est besoin d'une licence du CRTC pour être distributeur de film. On n'a pas besoin d'un permis non plus pour ouvrir une salle de cinéma ou une chaîne de cinémas. Si le propriétaire et le contrôle sont canadiens, je ne pense pas que Patrimoine canadien ait grand-chose à dire. Il n'imposera pas l'exigence de distribuer un certain pourcentage de films canadiens ou de les projeter.
    Les exploitants de salles de cinéma ont accès à très peu de subventions, voire aucune. À la vérité, les distributeurs canadiens n'en ont pas davantage. Le secteur est laissé aux forces libres du marché. Par contre, les ondes publiques, c'est tout autre chose. D'autres critères s'appliquent. Étant donné le rôle de la société CBC/Radio-Canada, les sommes que le gouvernement y injecte et le mandat qu'on lui a confié, les attentes sont totalement différentes de celles que l'on a pour une chaîne de cinémas ou un groupe de distributeurs de film.
    Quant à Internet, cela nous cause bien des inquiétudes. Nous envisageons un scénario potentiel selon lequel, à l'avenir, le marché canadien va perdre du terrain par rapport au marché mondial, ce qui aura un effet pervers sur le pseudo-écosystème qui existe actuellement. Ce sont les producteurs qui travaillent avec le marché qui produisent le contenu canadien. Les subventions sont indispensables. Mais si l'auditoire canadien est érodé par Internet — par exemple, si les distributeurs étrangers qui alimentent les distributeurs canadiens n'ont plus besoin d'eux parce qu'ils peuvent rejoindre leur auditoire sur Internet — cela affaiblira le secteur canadien de la distribution et, partant, le secteur de la production. Ils n'auront plus ce partenaire avec qui travailler pour assurer la distribution de leurs films.
(1045)
    Du côté des recettes, il y a la question de la substitution simultanée. Déjà on constate une érosion due à la programmation possible grâce au satellite.
    Tout à fait.
    Avez-vous quelque chose à dire là-dessus?
    En fait nous souhaitons recueillir vos éventuelles suggestions. Quitter les sentiers battus est parfois difficile.
    Nous n'avons pas discuté de cet aspect. Je ne voudrais pas me prononcer sans avoir consulté les membres de l'Association.
    Les gens qui critiquent la notion de contenu canadien disent souvent qu'on se demande combien de champs de blé ou de seaux de sirop d'érable il faut inclure dans un film pour qu'il soit assez canadien.
    Je voudrais recueillir votre opinion là-dessus. Comment, selon vous, détermine-t-on au mieux le contenu canadien? S'agit-il d'un jugement que l'on porte sur un aspect qui est nettement subjectif? Peut-on porter un jugement objectif à votre avis? Peut-on prévoir une réglementation? Peut-on instaurer un organisme de réglementation qui nous donnerait la capacité de préciser le contenu canadien?
    Encore une fois, il faut se demander ce que les auditoires potentiels souhaitent regarder.
    Je pense qu'il y a deux enjeux ici. D'une part, il y a la réglementation objective en elle-même. À mon avis, et de l'avis des membres de l'Association, les règlements actuels auraient depuis longtemps dus être repensés. Quant à l'aspect plus subjectif de ce qui constitue un contenu canadien, je pense qu'il faut être plus ouvert et plus général à cet égard.
    Au Canada anglais, il est frustrant de constater qu'on a eu tendance, particulièrement quand Téléfilm investissait des deniers publics, à tourner des films très sérieux sur des sujets très déprimants.
    J'ai fait une analyse de la production de longs métrages et j'ai découvert qu'un énorme pourcentage de deniers publics servait à la production du genre le moins attrayant pour les auditoires, à savoir les drames psychologiques ou les drames austères. À vrai dire, le public d'ordinaire n'aime pas vraiment aller voir ces films, même si de grandes vedettes y jouent. Ce qu'on aime aller voir, ce sont des comédies, des films sentimentaux, d'action ou d'aventure. Il n'y a pas de raison pour que nous ne puissions pas tourner ce genre de films.
    C'est en grande partie le divertissement qui s'y trouve qui a fait des films tournés au Canada français des succès. Ils y trouvent beaucoup de comédies. Il y a eu deux succès au Canada anglais l'an dernier, Bon Cop, Bad Cop, qui est très divertissant et Trailer Park Boys. Le public est allé les voir.
    S'agissant du contenu canadien, il faudrait donner aux gens qui investissent les deniers publics la consigne d'être plus ouverts afin d'apprécier et d'encourager ces genres-là. En travaillant avec Téléfilm et le nouveau groupe de travail depuis 18 mois, j'ai pu constater que nous avons fait de gros progrès à cet égard. Je pense qu'il faut faire comprendre que rire est tout à fait acceptable. Il est tout à fait acceptable de tourner un film sur le passage à l'âge adulte d'un jeune de Red Deer. Il n'y a rien de mal à cela. On veut éviter de tourner une dramatique sérieuse racontant la mort lente d'une mère atteinte d'Alzheimer qui reçoit la visite de sa famille lors du week-end de Pâques. Les Canadiens ne seront pas nécessairement attirés par ce genre de film s'ils supposent qu'il sera déprimant.
(1050)
    Autre élément: le changement démographique au Canada.
    Absolument.
    On m'a dit hier que d'ici 2010 ou 2012 — je ne sais plus — 50 p. 100 des ancêtres de la population de la région de Vancouver auront un autre pays d'origine que le Canada. C'est 50 p. 100, d'ici cinq ou sept ans. Je ne pense pas que ce phénomène démographique soit reflété comme il le devrait.
    Vous avez raison. Il y a sans doute là une très bonne source de scénarios. Dans certains cas, les histoires seraient tragiques mais il y a sans doute un gros potentiel de comédies. Je pense que cela mérite des encouragements.
    Merci.
    Merci.
    Pour ma part, j'aime le cinéma qui fait rire. À l'avenir, il nous faut plus de longs métrages rigolos. Il faut qu'on en montre davantage à la télévision. Cela me rappelle mes années à l'école secondaire. À l'époque, on me disais que j'étais le futur Red Skelton. Cela révèle mon âge.
    Je vais vous poser la même question que j'ai posée aux témoins précédents. La société CBC/Radio-Canada devrait-elle offrir quelque chose à tout le monde ou devrait-elle cibler certains segments de l'auditoire grâce à une programmation haut de gamme?
    Je pense qu'elle devrait faire les deux — dans la mesure du possible. Quand vous parlez de programmation « haut de gamme », je suis alerté car je pense à des dramatiques pour une élite, un auditoire restreint. Ce n'est pas qu'on veuille interdire des dramatiques sérieuses primées, mais il faut également des émissions d'aventure et de divertissement. Exemple: Trailer Park Boys, présenté par Showcase. C'est un succès d'auditoire. On ne peut pas dire que c'est de la haute culture, mais cela témoigne d'une certaine expérience canadienne qui est tout aussi appréciable que de fréquenter Upper Canada College.
    Merci.
    Je ne pense qu'il y ait d'autres questions.
    La séance est levée.