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Bonjour, monsieur le président et membres du comité. Je m'appelle Claude Joli-Coeur, et je suis le commissaire du gouvernement à la cinématographie et le président par intérim de l'Office national du film du Canada. Aujourd'hui, je suis accompagné de Deborah Drisdell, directrice de la planification stratégique et des relations gouvernementales à l'ONF.
[Traduction]
Nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour parler du rôle important que joue la SRC dans le paysage culturel canadien et de la contribution déterminante qu'apporte le diffuseur dans la réalisation des objectifs de politique générale du gouvernement canadien.
Le paysage audiovisuel évolue rapidement. Le passage des formats analogiques aux formats numériques est le changement technologique fondamental qui transforme actuellement le secteur de l'audiovisuel. Cette transition touche la création, l'élaboration, la production, la distribution, la diffusion et la nature même de l'engagement social dans tous les médias audiovisuels, dont la radiodiffusion.
Grâce aux nouvelles technologies numériques, le consommateur peut lui-même produire et échanger des documents audiovisuels avec ses pairs sur des circuits de distribution interactifs qui n'occupent pas les fréquences de télévision, lesquelles sont peu nombreuses. Par conséquent, la transition vers les formats numériques créent de nouvelles plateformes de diffusion qui refaçonnent sans cesse l'industrie audiovisuelle classique et fragmente l'auditoire. Elle accroît aussi la mobilité du contenu audiovisuel de sorte que la population canadienne est en mesure d'y accéder partout et en tout temps.
La révolution numérique, y compris l'essor d'Internet, permet la décentralisation de la production et de la distribution, si bien que de grands succès peuvent y côtoyer des produits et services moins populaires. En fait, ce phénomène a donné naissance à un commerce de détail florissant qui se consacre exclusivement ou presque au créneau des produits spécialisés ou « de longue traîne ». L'Office national du film du Canada et d'autres fournisseurs de produits-créneaux offrent désormais une vaste gamme de produits et services audiovisuels destinés à une multitude d'appareils mobiles comme les baladeurs numériques et les téléphones cellulaires vidéos et d'autres nouvelles plateformes numériques.
L'universalité de l'activité médiatique s'accompagne de l'entrée de grandes sociétés comme Bell Canada, Telus et Québécor sur le marché des médias classiques et des nouveaux médias, ouvrant ainsi la porte à des formes innovatrices de partenariats avec des alliés non traditionnels, notamment l'ONF. Parallèlement, le caractère universel des médias numériques occasionne des changements dans la structure de l'industrie en favorisant l'intégration horizontale, l'intégration verticale et la propriété croisée de manière à créer des économies d'échelle et des économies de gamme.
Voilà qui soulève plusieurs questions en matière de politiques générales. Nous évoluons dans un univers numérique où réseautage personnel et vidéo en ligne ont acquis une importance capitale. Les sites des grands médias reposent sur les contributions du public et sur les présentations vidéos. À l'échelle mondiale, 100 millions de consommateurs visionnent chaque jour des vidéos en ligne. Ce qu'ils regardent, c'est un contenu à forte teneur américaine, même si nous avons beau parler d'un univers sans frontières. Et naturellement, les intérêts commerciaux s'empressent de trouver des façons de s'approprier ces sites.
Il n'est pas question de nier l'importance et la vitalité de ces efforts. Ce que nous voulons, c'est faire ressortir que les intérêts en question ne peuvent pas offrir ce que l'espace public peut et doit offrir. Nous avons le devoir de fournir aux Canadiens et aux Canadiennes un espace réservé au discours public où ils peuvent échanger sur les valeurs sociales. Et nous devons le faire en mettant à profit l'expertise particulière des diverses institutions du secteur public dont la SRC et l'ONF. Le secteur privé ne peut ni ne veut assumer ce rôle.
Nous avons besoin d'interventions en matière de politique générale. En raison de ces changements, les entreprises de télévision traditionnelle subissent de plus en plus de pression pour s'adapter et pour chercher, avec plus d'énergie que jamais, à rejoindre et à conserver leur auditoire. Dans une certaine mesure, cette évolution soulève aussi des questions sur le rôle de l'État dans l'industrie, par exemple au chapitre du mandat confié au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, qui est l'organisme chargé de réglementer le domaine, et au chapitre des programmes de contribution dont le Fonds canadien de télévision, pour ne nommer que ceux-là. C'est pourquoi nous sommes d'avis que tout examen des organismes et sociétés d'État qui oeuvrent dans le domaine audiovisuel doit nécessairement être mené dans le contexte plus vaste des interventions en matière de politique générale du gouvernement dans ce secteur audiovisuel.
À l'ONF, cette effervescence inquiète parce que, si l'environnement offre désormais nombre d'occasions à saisir, il présente aussi certains risques.
Nous croyons fermement que l'expression de voix canadiennes — notamment des voix axées sur le service public tant dans les médias classiques que dans les nouveaux médias — est essentielle au maintien de la diversité, de l'individualité et de l'identité canadiennes. D'où l'obligation incontestable de protéger, d'enrichir et de consolider les institutions nationales publiques comme l'ONF et la Société Radio-Canada, radiodiffuseur public du pays, qui fournit, distribue et diffuse des émissions d'information et de loisir d'excellente qualité.
En ce qui concerne le mandat de Radio-Canada, l'expression « radiodiffusion publique » couvre tout un éventail d'activités menées par divers types d'organisations. Alors que la radiodiffusion par le secteur privé se contente de livrer l'auditoire aux agences de publicité commerciale, la radiodiffusion publique se démarque et se distingue par sa volonté de rendre un service public.
Comme le savent les membres du comité du patrimoine, les deux principaux éléments du mandat de la SRC figurent dans deux paragraphes de l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion. Le mandat général de la société tel que le prévoit la loi demeure très général. Comme je l'ai déjà dit, en raison des changements actuels sur le marché, les entreprises de télévision traditionnelle subissent de plus en plus de pression pour s'adapter et pour chercher, avec plus d'énergie que jamais, à rejoindre et à conserver leur auditoire. La Société Radio-Canada n'y échappe pas car elle doit remplir ses objectifs de radiodiffuseur public tout en restant concurrentielle au sein d'une industrie commerciale sans cesse plus fragmentée.
Nous croyons que le mandat de la SRC devrait être axé sur ses objectifs de radiodiffuseur public, notamment assurer une programmation distinctive, typiquement canadienne et représentative de la diversité culturelle et régionale du pays.
[Français]
Il est certain que l'ONF voudrait voir davantage de documentaires canadiens et de films animés dans les services de Radio-Canada. Mais c'est plutôt une question d'interprétation du mandat actuel qu'une question de redéfinition de mandat.
Je vous dirai quelques mots de l'Office national du film.
[Traduction]
Alors que la SRC est essentiellement un diffuseur, l'Office national du film du Canada a un mandat différent, unique au Canada et j'oserais même dire unique au monde. Conformément à l'article 9 de la Loi sur le cinéma, « l'Office a pour mission de susciter et promouvoir la production et la distribution de films dans l'intérêt national, et notamment de produire et distribuer des films destinés à faire connaître et comprendre le Canada aux Canadiens et aux autres nations » en faisant en sorte que les valeurs et points de vue canadiens s'expriment de façon authentiquement canadienne.
Nous encourageons la création au sein des collectivités mal desservies, nous donnons une voix à ceux et celles qui sont souvent privés de moyens d'expression. Nous faisons en sorte que les Canadiens et les Canadiennes aient accès à nos films grâce à une distribution active dans le marché institutionnel, éducatif et consommateur, ainsi que dans les marchés des salles et de la télévision.
La Loi sur le cinéma ne comporte aucune référence spécifique à la radiodiffusion. On y dit par contre que l'un des buts de l'ONF est de « faire des recherches sur les activités filmiques et en mettre les résultats à la disposition des personnes faisant de la production de films ». À cette fin, l'ONF favorise l'innovation et l'expérimentation dans les domaines des médias de diffusion, des nouveaux médias et de la fiction alternative, y compris l'animation.
[Français]
En tant qu'institution publique ayant pour mission la production et la distribution de films dans l'intérêt national, l'ONF produit et distribue des oeuvres audiovisuelles distinctives et diversifiées d'une grande qualité, qui présentent aux Canadiens et au monde un point de vue authentiquement canadien.
Au cours de l'année financière 2006-2007, l'ONF a complété 108 productions de film originales, dont 60 productions et 48 coproductions. La grande majorité de ces oeuvres se retrouvent dans les catégories de documentaires et de productions d'animation.
Depuis sa création, l'ONF s'est distingué par son engagement envers l'excellence et l'innovation. La force de l'ONF repose sur sa capacité d'allier innovation technologique et démarche créative. L'ONF est un laboratoire vivant et interactif qui réunit des créateurs et des partenaires canadiens et internationaux pour trouver de nouveaux moyens de rejoindre et d'intéresser les Canadiens. Les nouvelles technologies nous permettront de rejoindre directement notre auditoire et d'assurer que la programmation de l'ONF soit disponible à tous les Canadiens.
[Traduction]
L'ONF entretient des partenariats stratégiques avec plusieurs diffuseurs, tant au pays qu'à l'étranger. Nos nombreuses collaborations avec NHK au Japon, France Télévision, ARTE en Europe et la BBC ont permis de produire des projets prestigieux. Au Canada, beaucoup de productions et de coproductions de l'ONF ont été produites en collaboration avec des diffuseurs privés et publics comme CTV, Global, TV Ontario, Télé-Québec et Discovery Channel pour ne nommer que ceux-là.
Même si le Parlement a confié des mandats très différents à l'ONF et à la SRC, les deux organismes partagent certaines caractéristiques organisationnelles. Tous deux sont le produit de lois distinctes, la Loi sur le cinéma et la Loi sur la radiodiffusion — qui établissent le mandat, le mode de gouvernance et les règles qui régissent les activités de chacun. Les deux institutions fonctionnent de manière autonome et relèvent du ministère du patrimoine canadien. Tous les ans, ils reçoivent des crédits du Parlement canadien en vue de remplir leurs mandats respectifs.
L'interface entre la SRC et l'ONF... Étant donné leurs mandats différents mais complémentaires, l'ONF comme producteur et la SRC comme diffuseur ont collaboré à un certain nombre de projets et d'activités. Il s'agit notamment des ventes et des préventes à la SRC de productions et de coproductions régionales de l'ONF réalisées avec des producteurs indépendants à des fins de diffusion sur les réseaux classiques de la SRC ou l'une de ses chaînes spécialisées comme Newsworld ou RDI; le Canadian Documentary Channel dans lequel l'ONF et la SRC détiennent tous les deux des participations; les activités de formation de groupes minoritaires offertes par l'ONF en vue de la diffusion de produits finis à la SRC; des concours menés conjointement par l'ONF et la SRC à l'intention des jeunes cinéastes ou des francophones vivant hors Québec, et la participation à la deuxième année d'existence du projet-pilote de longs métrages documentaires avec la SRC, Téléfilm et Rogers.
L'ONF est un chef de file en matière de développement et de programmes de formation et de mentorat. Ainsi, Reel Diversity est un concours national auquel participent des cinéastes de la relève issus de minorités visibles tandis que Doc Shop et Momentum sont des projets de formation en documentaires qui visent les cinéastes de la relève inscrits en communications ou en cinéma dans les collèges et universités du Québec et de l'Ontario. Ces projets bénéficient de la collaboration de CBC et CBC Newsworld pour ce qui est de leur télédiffusion.
[Français]
L'ONF, Radio-Canada et Téléfilm Canada ont aussi créé un concours dans le cadre du Partenariat interministériel avec les communautés de langue officielle, le PICLO, du ministère du Patrimoine canadien.
Cette initiative vise à offrir aux auteurs, aux réalisateurs et aux producteurs oeuvrant en français à l'extérieur du Québec la possibilité de développer leurs compétences en matière de production dramatique télévisuelle. Elle a également pour objectif d'élargir le bassin des professionnels et créateurs francophones hors Québec.
Ces exemples témoignent de l'étendue et de la diversité de la collaboration entre l'ONF et Radio-Canada issues de leurs mandats publics respectifs. Ils précisent la nature de la collaboration entre l'ONF et Radio-Canada, étant donné que votre objectif présent concerne l'examen du rôle d'un diffuseur public au XXI e siècle.
Parlons de l'importance d'assurer un financement approprié pour la Société Radio-Canada.
Il est dit parfois que la radio de Radio-Canada remplit de plus près le rôle de diffuseur public et réussit davantage auprès de son public que la télévision de Radio-Canada, particulièrement en langue anglaise. S'il y a une certaine vérité dans cette évaluation, le phénomène peut s'expliquer par le fait que la radio de Radio-Canada n'est pas influencée par la vente de publicité, comme la télévision peut l'être. Ce n'est pas le cas du service de la télévision de Radio-Canada, qui doit vendre de la publicité pour pallier le manque de financement public. Selon une étude récente préparée pour Radio-Canada et déposée auprès du Comité permanent du patrimoine canadien par la société, entre 1996 et 2004, les crédits que le gouvernement fédéral a engagés au titre de la culture, autres que ceux accordés aux radiodiffuseurs, se sont accrus de 39 p. 100, alors que le soutien direct et indirect accordé à Radio-Canada a diminué de 9 p. 100.
À l'ONF, on comprend bien cette situation. Au cours de la période de 1994 à 2006, l'ONF a connu une baisse de 40 p. 100 des allocations parlementaires en termes de dollars constants.
Il n'y a pas de doute que, pour pouvoir mettre un plus grand accent sur le service public, Radio-Canada devrait obtenir un financement public adéquat et stable sur plusieurs années. Un financement plus important lui permettrait de réduire ou d'éliminer sa dépendance envers les recettes publicitaires. Dans un environnement incertain caractérisé par une évolution technologique foudroyante, un financement pluriannuel lui permettrait de mieux cibler sa programmation en fonction de son mandat de diffuseur public.
En conclusion, je dirai que la nature universelle des médias numériques favorise la mondialisation de la production et de la distribution de production audiovisuelle, et rend celle-ci plus accessible aux Canadiens. Étant donné l'absence d'une stratégie d'ensemble nationale, le Canada risque de se laisser distancer par d'autres pays, particulièrement les États-Unis et le Royaume-Uni, dans la course pour établir une présence nationale dans un nouvel environnement audiovisuel.
Il est important, dans ce contexte, que l'ensemble des institutions publiques du portefeuille travaillent ensemble afin d'assurer la présence des voix canadiennes sur les médias présents et futurs. Les Canadiens et Canadiennes doivent avoir accès à des productions de qualité qui reflètent leurs préoccupations où et quand ils le veulent, et sur le média de leur choix.
La présence de voix canadiennes, y compris celles qui sont centrées sur les services publics, est essentielle au mandat de l'individualité et de l'identité canadiennes dans ce nouveau contexte.
Nous croyons que le mandat de Radio-Canada devrait être plus axé sur le rôle des diffuseurs publics. Cependant, nous sommes d'accord sur le fait que le financement de Radio-Canada est inadéquat pour faire face aux défis que pose l'expression nationale et régionale dans un environnement en évolution caractérisé par la transition numérique, la numérisation des archives et la conversion de la production en haute définition. Radio-Canada pourrait bénéficier d'une plus grande clarté dans la définition de son mandat, notamment à l'article 3 de la Loi sur la radiodiffusion, qui pourrait mettre davantage l'accent sur les aspects de service public non commercial de son mandat. Mais pour mettre une telle révision du mandat en oeuvre, Radio-Canada devrait réduire sa dépendance aux sources de financement commerciales.
Nous vous remercions de votre invitation. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
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Je pense que depuis quelques années, nous avons pu constater... Il faut se souvenir que, lorsque j'étais petit, je regardais surtout la chaîne française de Radio-Canada, mais cette chaîne diffusait toutes sortes d'émissions américaines. Nous pouvons dire qu'à l'heure actuelle, notre diffuseur public diffuse beaucoup moins d'émissions américaines.
Par contre, le genre de production qu'on met en ondes ressemble de plus en plus à ce que produit le secteur privé. Si nous faisons cela, c'est justement pour obtenir les recettes publicitaires que le secteur privé peut lui-même obtenir, afin de pouvoir conserver un certain niveau de production.
L'insuffisance de financement, la diminution du financement accordé aux services de télévision, tout cela était en grande partie à l'origine de cette course à la publicité. Dans une certaine mesure, cela a également conduit à une compétition unique pour les diffuseurs privés. Lorsque le diffuseur public peut surenchérir pour obtenir certains droits, ce n'est pas bien. Mais c'est ce qu'il fait pour obtenir les auditoires dont il a besoin, pour obtenir les recettes publicitaires dont il a besoin. C'est donc un cercle vicieux qui, à mon avis, va devenir de plus en plus marqué étant donné la fragmentation de l'auditoire.
Mais pour revenir à la question de la réalisation de productions intrinsèquement canadiennes pour nos médias non conventionnels, il faut rappeler que depuis plusieurs années, l'ONF fonctionne sur un tout petit budget. Notre budget annuel est de 60 millions de dollars. Si on compare cela aux milliards de dollars que reçoit Radio-Canada, c'est un budget minuscule. Or, nous réalisons des productions-créneaux. Avec nos documentaires et nos films d'animation, nous sommes en mesure de rejoindre un auditoire parce que nous pouvons axer notre travail très précisément sur cet auditoire cible qui est le nôtre. La plupart de nos recettes ne proviennent pas de la diffusion, elles proviennent de la distribution en salle, au sein des institutions, et également de la production de DVD. Cela prouve bien qu'il existe un marché, un marché plus petit certes, mais un marché néanmoins pour les productions canadiennes et qui ne correspond pas au très vaste médium de radiodiffusion que nous connaissons. Si nous parvenions à trouver le moyen de créer ce genre d'espace public dans le nouveau monde numérique, ce serait pour nous la seule façon de survivre.
Il faut que je vous dise que je suis pas mal effrayé, lorsque je rentre chez moi, de voir ce que font mes enfants. J'ai quatre enfants qui ont respectivement 10, 13, 15 et 19 ans. Ils ne regardent pas la télévision publique, ils ont été élevés dans un environnement familial branché sur le secteur public, mais eux regardent des émissions américaines sur Internet. La semaine dernière, à mon retour à la maison, j'ai vu que ma fille regardait une émission américaine sous-titrée en chinois qui passait sur Internet. C'est terrible. S'ils n'ont pas ces plateformes, ils vont de toute façon trouver des productions qui ressemblent à ce que nous sommes.
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Merci de l'occasion qui m'est donné de comparaître ici.
Je m'appelle Ted East et je suis le président de l'Association canadienne des distributeurs et exportateurs de films, l'ACDEF, appellation sous laquelle nous sommes connus. L'ACDEF est une association professionnelle sans but lucratif qui représente les intérêts des entreprises de distribution et d'exportation de films appartenant à des intérêts canadiens ou contrôlées par des Canadiens. Parmi nos membres figurent Alliance Atlantis Distribution, Christal Films, Equinox Films, Maple Pictures, Mongrel Media, Séville Pictures et TVA Films.
Les membres de l'ACDEF distribuent plus de 90 p.¦100 des films canadiens ou de films ne provenant pas de studios, diffusés en salle au Canada chaque année. Ils distribuent au Canada des films provenant de partout au monde, et représentant le plus vaste éventail qui soit de genres et de budgets. Même si le mandat du comité est d'examiner le rôle du radiodiffuseur public dans un large éventail de domaines, je me limiterai pour ma part à ce que l'Association estime être sa mission en faveur du long métrage.
Même si nos membres distribuent une grande diversité d'émissions et tous les médias, les longs métrages sont leur principal produit et la base de leur activité.
Les films destinés au cinéma suivent une chaîne de valeur cohérente ou une série de fenêtres. Pour un film typique, la séquence est la projection en salle, la vidéo maison et le DVD, la télé à la carte, la télévision payante, la télévision réseau puis la télévision par câble. Même si le gros de l'attention des médias et du gouvernement va à la diffusion en salle, l'essentiel de l'auditoire et des recettes provient des marchés postérieurs à la diffusion en salle, c'est-à-dire les marchés secondaires.
Dans les années 30, le Canadien moyen allait au cinéma entre 40 et 50 fois par an. Aujourd'hui, le chiffre est de quatre à cinq fois par an. L'appétit du long métrage est toutefois aussi fort que jamais mais nous le regardons à la maison beaucoup plus qu'au cinéma. Comme beaucoup des membres de l'Association, je pense que ce chiffre va augmenter au fur et à mesure que s'améliorera la qualité de la présentation à domicile.
Depuis dix ans, il en coûte beaucoup plus cher de commercialiser un film en salle de cinéma. Il est très rare qu'une production rentre dans ses frais de diffusion en salle uniquement à l'aide de la diffusion en cinéma. La vigueur des marchés secondaires est donc déterminante dans le choix des films qu'achètera le distributeur mais aussi dans l'établissement de la somme qui sera offerte pour les droits et celle qui sera consacrée au marketing.
Pour cette raison, un appui de programmation fort pour les longs métrages du secteur de la radiodiffusion transcende la simple rentabilité de tel ou tel titre. C'est essentiel si l'on veut faire apprécier par un plus grand nombre le cinéma et mieux faire connaître les acteurs et les réalisateurs.
Malgré la croissance de la base d'abonnés des services de télévision à payage ces cinq dernières années et l'octroi de licences à plusieurs canaux numériques qui diffusent un grand nombre de longs métrages, une diffusion sur une station hertzienne est encore la fenêtre de télédiffusion la plus lucrative pour un long métrage, aussi bien en recettes qu'en téléspectateurs.
En général, le soutien aux longs métrages par les radiodiffuseurs hertziens au Canada anglais a été faible et inégal. Il est certain que cela a joué un rôle dans l'échec des films canadiens de langue anglaise à atteindre un large public. De tous les principaux radiodiffuseurs hertziens, seul CHUMCity a pris un engagement important et régulier en faveur de la diffusion de films canadiens. Ni CTV ni Global ne se sont engagés en faveur des longs métrages et ils n'ont pas les conditions relatives aux exigences en matière de droits d'émissions.
Le soutien aux longs métrages des radiodiffuseurs hertziens au Canada français a été beaucoup plus ferme, surtout dans le cas de Radio-Canada. Cet appui a été la pierre angulaire du succès extraordinaire des films canadiens de langue française ces cinq dernières années. Pour que ce succès se poursuive, il est essentiel que les radiodiffuseurs hertziens du Canada français maintiennent leur appui, Radio-Canada en particulier.
Il est intéressant de signaler qu'au Royaume-Uni, où l'industrie nationale du cinéma a beaucoup plus de succès qu'au Canada anglais, les cinq radiodiffuseurs hertziens appuient vigoureusement les longs métrages.
D'après les données fournies par le U.K. Film Council, en 2002, 2003 et 2004, plus de 2 000 films par année ont été diffusés par les cinq radiodiffuseurs hertziens. En moyenne, chaque année, plus de 475 films étaient des productions nationales. L'appui pour les longs métrages était à peu près également réparti entre les cinq radiodiffuseurs: BBC One, BBC Two, ITV1, Channel 4 et Channel 5. Ceci est indicateur d'une saine concurrence qui ne peut que profiter aux distributeurs et aux producteurs.
Nous jugeons qu'il est essentiel que le radiodiffuseur public joue un rôle important dans le développement, la promotion et la diffusion du long métrage. Cela sera nécessaire si nous voulons faire fond sur le succès du film canadien de langue française et atteindre le succès au Canada anglais que nous convoitons depuis longtemps et que nous méritons.
Au moment du renouvellement de sa licence en 2000, CBC s'est engagé à investir 30 millions de dollars sur cinq ans dans la production, l'acquisition et la promotion de longs métrages canadiens. Il ne s'agissait pas là toutefois d'une condition de la licence. Même si nous n'avons pas pu trouver de chiffres précis, il est clair que l'investissement de CBC est bien loin de ce chiffre.
Je suis donc ici aujourd'hui pour recommander vigoureusement que l'appui pour le long métrage soit désormais une condition de la licence tant pour CBC que Radio-Canada.
Merci.