[Français]
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant votre comité aujourd'hui.
Permettez-moi tout d'abord de présenter les collègues qui m'accompagnent, soit M. Robert Benson, sous-commissaire à l'éthique, et Mme Lyne Robinson-Dalpé, directrice des Services coopératifs.
J'ai quelques remarques préalables à formuler au sujet des divers points concernant le projet de loi C-2, puis je répondrai ensuite à vos questions.
Je dois avant tout souligner que mes propos porteront sur la loi sur les conflits d'intérêts proposée, qui instaure un nouveau régime régissant les conflits d'intérêts pour les titulaires de charge publique au sein du gouvernement fédéral.
[Traduction]
En général, je suis heureux de constater que le nouveau régime renferme de nombreuses caractéristiques fort satisfaisantes et que le rôle et le mandat du commissaire seront élargis, notamment dans quatre domaines: d'abord, l'administration et l'application du Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs; deuxièmement, le pouvoir d'enquête est plus étendu car il s'applique maintenant à tous les titulaires de charge publique actuels et passés, et non seulement aux ministres, ministres d'État et secrétaires parlementaires; troisièmement, le commissaire peut déclencher lui-même des enquêtes et enfin, quatrièmement, des pouvoirs sont conférés au commissaire pour émettre des avis de violation et imposer des sanctions administratives.
Je suis très heureux de voir que certaines propositions contenues dans le projet de loi répondent directement à des préoccupations et recommandations que j'avais faites, notamment dans mon document de l'automne dernier intitulé Enjeux et défis 2005 et dans le cadre de mes témoignages devant les comités parlementaires au cours de la dernière législature. J'avais par exemple recommandé: que tous les cas de récusation ministérielle à l'égard des séances du Cabinet soient consignés dans un registre public en temps opportun; qu'on adopte un mécanisme grâce auquel les parlementaires pourraient renvoyer au commissaire des demandes d'enquête venant du public.
J'ai toutefois quelques observations générales sur l'approche globale de la Loi sur les conflits d'intérêts telle que proposée et sur ses incidences. La plus importante est que cette nouvelle mesure législative représente un virage fondamental du régime fédéral de gestion des conflits d'intérêts pour les titulaires de charge publique, car il ne serait plus axé sur des valeurs fondées sur des principes, mais plutôt axé sur des règles inscrites en droit, ce qui, de certaines façons, renforce le régime.
En contrepartie, cependant, cette transformation radicale du fondement même du régime régissant les conflits d'intérêts présente un certain nombre de conséquences problématiques, et je n'en citerai que trois.
D'abord, contrairement à l'actuel Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, la Loi sur les conflits d'intérêts ne comporte ni préambule ni principes à partir desquels on pourrait mesurer la valeur éthique d'une conduite; par exemple, le texte ne mentionne pas la nécessité de préserver et d'améliorer l'objectivité et l'impartialité du gouvernement, de prendre des décisions dans l'intérêt public et d'éviter d'accorder un traitement préférentiel à qui que ce soit.
Deuxièmement, le texte de la loi proposée donne, pour la première fois, une définition du concept de conflit d'intérêts, ce qui, en soi, est positif. Cependant, il ne contient pas de description explicite de ce qu'est un conflit d'intérêts apparent ou potentiel. Si l'intention de la loi est que le commissaire ne se limite qu'aux situations de conflits d'intérêts réels et que les situations de conflits d'intérêts apparents ou potentiels relèvent du domaine politique, la terminologie actuelle de la loi est probablement appropriée. Autrement, cela pourrait soulever des ambiguïtés au sujet du rôle précis du commissaire.
Troisièmement, le nouveau modèle est plutôt axé sur le respect de dispositions précises concernant les conflits d'intérêts et non sur la prévention de situations de conflits d'intérêts potentiels. De plus, la nature législative du nouveau modèle nécessitera des ressources juridiques additionnelles pour interpréter les règles et les faire respecter.
Cependant, je crois qu'en général, la nouvelle loi comporte de nombreux aspects favorables, mais que nous perdons beaucoup de bons éléments en passant d'un système fondé sur des valeurs à un système fondé sur des règles. Suite à ces observations, j'aimerais donc faire trois propositions pour votre gouverne.
Premièrement, je crois qu'il serait bon que la loi soit précédée d'un préambule énonçant les principes de déontologie auxquels le commissaire pourrait se reporter pour interpréter le texte de la loi. Évidemment, ces principes n'ont pas besoin d'être les mêmes que les principes actuels. Ils peuvent être complètement différents, tant que l'on fait référence à des normes qui peuvent être interprétées. Ensuite, si un titulaire de charge publique s'engage dans une activité qui peut être perçue comme contraire à l'éthique, mais qui n'est pas précisément traitée dans la loi, le commissaire pourrait le conseiller sur la façon de résoudre la situation.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Supposons qu'un ministre doit décider s'il peut lui-même approuver l'octroi d'une importante subvention, à même les fonds publics, à une entreprise de sa propre circonscription. Même si les intérêts personnels du ministre ne sont pas, par le fait même, favorisés, selon la définition de conflit d'intérêts du projet de loi, dans une telle situation, le public pourrait croire que le ministre ne devrait pas approuver lui-même le financement, à moins que cela ne s'inscrive dans une série de subventions aux entreprises choisies objectivement et accordées à l'échelle du Canada. Cependant, le projet de loi ne renferme aucune disposition précise obligeant un ministre à se récuser dans une telle situation, puisque ce n'est pas considéré comme un conflit d'intérêts. Aux termes du Code actuel, on pourra demander qu'un ministre se récuse en invoquant les principes de l'impartialité, de la nécessité de prendre des décisions dans l'intérêt du public et de l'obligation d'éviter les traitements préférentiels.
Deuxièmement, afin que le commissaire puisse bien exercer ses fonctions et ses responsabilités, il serait utile qu'il possède une discrétion additionnelle lui permettant d'interpréter la loi sur la base de principes qui pourraient être inclus; comme c'est le cas actuellement, un pouvoir d'extension des délais de conformité pourrait être utile, par exemple, pour traiter adéquatement le grand nombre de nouveaux clients qui suit une élection, lorsque nous recevons une quantité phénoménale de documents puisqu'il y a beaucoup de nouvelles nominations.
Troisièmement, je propose d'ajouter un article exigeant que la loi soit revue dans cinq ans. Je sais que cela commence à devenir une fâcheuse habitude pour les députés d'avoir à revoir constamment les lois qui ont déjà été adoptées. Cependant, je pense que nous aurions ainsi l'occasion de mesurer les résultats obtenus dans le cadre du nouveau régime et d'apporter les changements nécessaires.
Je crois que ces modifications iraient dans le sens de la loi elle-même, qui vise à souligner l'importance de la reddition de comptes en général, et du respect des règles d'éthique en particulier. Cela fournirait au Parlement, aux titulaires de charge publique et aux Canadiens un cadre concret et solide pour atteindre ces objectifs.
En plus de ces trois suggestions, je tiens à souligner certaines dispositions du projet de loi qui présenteront des défis d'interprétation et de conformité. Le paragraphe 15(4) concernant les activités politiques semble n'imposer aucune limite au genre ni à l'ampleur des activités politiques permises à un titulaire de charge publique. Cela pourrait créer des problèmes de perception quant à l'impartialité politique d'un titulaire de charge publique dans l'exercice de ses responsabilités officielles. Toutefois, si l'intention est de laisser à l'arène politique le soin de traiter de situations de conflits d'intérêts réels ou apparents, et qu'on demande au commissaire de traiter uniquement les conflits d'intérêts réels, l'objectif serait alors atteint. Autrement, cette section pourrait être problématique.
Le libellé actuel de l'article 64 concernant les activités exercées pour le compte d'électeurs par les ministres, ministres d'État et secrétaires parlementaires pourrait être une source de confusion. Dans quelles circonstances un ministre devrait-il porter son chapeau de simple député et servir ses électeurs? Cette ambiguïté serait particulièrement évidente lorsque des commettants demandent à un ministre d'intervenir, en leur nom, auprès d'un organisme quasi judiciaire ou d'une société d'État.
[Français]
Finalement, je dois vous dire qu'il y aura de nombreux défis à relever pour assurer l'application de la nouvelle loi et l'exécution du mandat élargi du commissaire. Il faudra des ressources additionnelles dans l'immédiat et à long terme pour les enquêtes et les avis juridiques, ainsi que pour la mise en oeuvre des changements et l'adaptation au système.
En plus des questions déjà soulevées, j'ai d'autres commentaires qui portent sur d'autres aspects du projet de loi. Étant donné le temps limité qui m'est alloué cet après-midi, je ne peux les soulever tous. Cependant, il me fera plaisir de les fournir au comité s'il le désire.
Mes collègues et moi-même répondrons maintenant volontiers à vos questions.
:
Dans un premier temps, merci d'être présent, monsieur Shapiro.
Je voudrais nous excuser de l'impolitesse dont nous sommes coupables à votre égard ainsi qu'à l'égard de tous les témoins qui vous ont précédé et qui vous succéderont. Malheureusement, on nous a imposé et on vous a imposé une restriction de temps absolument inqualifiable. C'est probablement pour cette raison que vous avez terminé votre intervention en disant:
En plus des questions déjà soulevées, j'ai d'autres commentaires qui portent sur d'autres aspects du projet de loi. Étant donné le temps limité qui m'est alloué cet après-midi, je ne peux les soulever tous.
Je souligne votre diplomatie. D'autres personnes ont refusé de venir témoigner. Je trouve cela absolument inexcusable.
Cela étant dit, comme vous avez affirmé qu'il vous fera plaisir de les fournir au comité s'il les désire, je vous dis que c'est mon cas. Quant au comité, je ne sais pas s'il désire les obtenir. Vous pouvez me les faire parvenir, de même que les autres détails, par l'entremise de la greffière.
J'apprécie les amendements que vous nous avez proposés. Je n'ai pas de questions à vous poser. Je ferai tout simplement un commentaire, auquel vous pourrez ajouter le vôtre, si vous le désirez.
Nous avons devant nous un projet de loi comportant 317 articles et 250 pages. Or, pour la première fois en 13 ans, je me vois imposer un délai d'étude, comme vous avez un délai de présentation, d'environ deux semaines et demie, ce que je considère absolument inconcevable de la part des conservateurs. Il y a maintenant d'autres délais, et le NPD a embarqué dans la machine.
:
Lorsque j'ai préparé les trois amendements proposés, j'ai tenté de garder à l'esprit ce qui semble être tout au moins le calendrier législatif ou le calendrier prévu pour l'examen de ce projet de loi. Je n'ai absolument pas tenté d'imaginer en détail article par article ce à quoi pourrait ressembler un projet de loi révisé en tentant de comprendre quelles étaient les intentions du gouvernement. Je n'ai aucunement tenté de faire cela. J'ai tout simplement mis l'accent sur ce que je pensais pouvoir être le plus utile dans le contexte que nous avions.
Il me semble qu'en ajoutant certains critères — comme je l'ai dit, les principes que nous avions ne sont peut-être pas ceux qui sont requis; il y en a peut-être d'autres qui pourraient être plus utiles — afin de donner aux Canadiens et à ceux qui sont assujettis à la loi — puisque c'est maintenant une loi, non pas seulement des lignes directrices — une idée de ce en quoi consiste l'objectif. Nous serions certainement heureux de travailler avec quiconque voudrait élaborer de tels critères. J'offre la possibilité, mais cela dépend de ce que le comité souhaite faire. J'ai pensé que cela serait utile.
À une moindre échelle, la question du pouvoir discrétionnaire me semble très utile. Ce pouvoir discrétionnaire doit être limité; il ne peut être trop vaste. Par exemple, dans la situation actuelle, le gouvernement change et il y a une quantité énorme de documents qui arrivent au bureau, et il est sans doute impossible d'examiner tout cela dans les délais prévus. Il me semblerait donc être une bonne idée d'avoir un certain pouvoir discrétionnaire dans certaines circonstances spéciales.
Je pense qu'une révision de la loi serait une conséquence naturelle du fait que vous avez soulevé précédemment. Il n'y a pas eu beaucoup de temps à certains égards pour examiner ce projet de loi avec autant de soin qu'on aurait pu le faire autrement, mais un projet de loi imparfait vaut mieux que rien du tout. À mon avis, il serait utile de tenter d'examiner le projet de loi après un certain nombre d'années — cela pourrait être après trois, quatre ou cinq ans.
Une autre chose utile que le comité voudrait peut-être examiner pendant qu'il étudie cette loi en détail est le calendrier de mise en oeuvre. Il y a certaines choses qui pourraient, naturellement, être mises en oeuvre immédiatement, mais il faudrait bien réfléchir à certains articles qui pourraient exiger davantage de travail — non pas pour l'article comme tel, mais pour la mise en oeuvre. Un exemple est tout ce qui exige un règlement comme les amendes. C'est un processus complexe, de sorte qu'il n'est pas possible d'élaborer de tels règlements instantanément. On devrait donc bien réfléchir à un calendrier de mise en oeuvre, et je dirais que même si on y a déjà réfléchi, on devrait y réfléchir encore davantage car cela pourrait être utile.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Shapiro, c'est un plaisir de vous revoir. J'ai quelques questions, mais tout d'abord je voudrais parler de votre suggestion lorsque vous dites que les ministres devraient peut-être se récuser des projets lorsque des fonds vont dans leurs circonscriptions, même si le projet ne profite pas au ministre personnellement ou s'il n'est pas dans son intérêt personnel, car vous laissez entendre que cela pourrait poser des problèmes de perception dans la population. Et la perception en politique est la réalité.
Je suis d'accord avec votre objectif et avec l'esprit de votre objectif, car on ne voudrait pas que la population ait l'impression que le ministre tente de faire son beurre, mais j'ai du mal à comprendre comment vous pourriez administrer cela. Je vais vous donner quelques exemples, car je n'arrive vraiment pas à comprendre comment on pourrait s'y prendre pour faire cela.
De façon générale, chaque fois qu'un projet est mis en place dans la circonscription d'un ministre, peu importe si le ministre a eu quoi que ce soit à voir avec ce dossier ou avec l'approbation du financement, lorsque l'annonce est faite, le ministre est présent pour les photos et pour faire l'annonce et peut-être même pour remettre le chèque. Donc, même si ce ministre n'a eu absolument rien à voir avec le financement du projet, on pourrait certainement avoir l'impression qu'il a eu de l'influence, et qu'à huis clos au Cabinet il a fait tout son possible pour s'assurer que le projet aille dans sa circonscription.
Donc, comment proposez-vous qu'un ministre se récuse, ou est-ce que vous dites qu'un ministre devrait se récuser?
Je vais vous donner un autre exemple, car cela s'est produit en Saskatchewan. Monsieur le président, je ne vais pas donner d'exemples personnels ici, mais dans la province de la Saskatchewan, avant les dernières élections, nous n'avions qu'un député ministériel qui représentait la province et c'était un ministre du Cabinet. Donc, de façon réaliste, chaque fois qu'un projet allait à la Saskatchewan, ce ministre était là pour remettre le chèque. On pourrait faire valoir que toute la province était la circonscription du ministre.
Donc, dites-vous que chaque fois que des fonds sont accordés ou qu'un projet va dans la circonscription d'un ministre, dans sa province, ce dernier devrait se récuser et ne devrait même pas participer à la cérémonie de remise du chèque? Je n'arrive tout simplement pas à comprendre comment...
:
Merci, monsieur le président.
Sur une note plus légère, monsieur Shapiro, au moment même où on vous présentait, on pouvait entendre la clameur de vos partisans à l'arrière. Étant donné toute la publicité dont vous avez fait l'objet récemment, j'ai immédiatement pensé que c'était tout à fait dans la note, un genre de justice poétique en fait.
Monsieur Shapiro, vous nous avez parlé de l'abandon d'un régime que vous connaissiez bien, un régime fondé non pas sur la loi mais plutôt sur des valeurs. J'en déduis que cela vous a permis, à l'occasion, de jouer un peu un rôle différent lorsque vous aviez à conseiller certaines personnes sur une éventuelle situation de conflit. D'ailleurs, les parlementaires sont libres de venir vous trouver pour vous demander conseil de façon relativement confidentielle. En adoptant un nouveau régime davantage fondé sur une loi et encadré par des règles, vous nous avez indiqué qu'il faudrait néanmoins que ce régime reste fondé sur ces valeurs, peut-être sous couvert d'un énoncé de mission déontologique — peu importe l'expression qu'on voudra utiliser — et qui vous permettrait toujours de jouer ce genre de rôle consultatif et d'intermédiaire.
Ce que je crains — et j'imagine que le comité devrait être de cet avis aussi — et peut-être pourriez-vous nous en dire un mot, c'est que dans un régime encadré par des règles, si le fléau de la balance penche trop dans ce sens, il devient possible que la justice naturelle, cette potentialité qui existe avant qu'il y ait trop de battage selon la responsabilité que vous avez de faire rapport, priverait en fait le parlementaire de cette occasion qui lui serait sinon donnée, en quelque sorte, de s'expliquer publiquement.
Pouvez-nous dire, d'après votre expérience, ce que vous en pensez? Selon vous, comment pourrait-on formuler la loi pour éviter précisément ce genre de chose?
:
Je dois vous dire qu'il ne m'est pas facile de donner une opinion au sujet de la teneur et du fond d'un projet de loi, puisque j'ai passé 32 ans de ma vie professionnelle à tenter justement d'éviter de le faire. J'espère que vous serez bienveillants à mon endroit si vous me voyez hésiter; cela dit, je vais m'efforcer de répondre du mieux possible à vos questions.
[Français]
Cela dit, mes remarques préliminaires porteront sur deux aspects du projet de loi. Je considère ma première remarque comme étant mineure dans le contexte de l'imputabilité, mais assez importante dans le contexte de la procédure parlementaire.
Ma deuxième remarque portera sur le processus d'étude des subsides, soit les prévisions budgétaires, et sur la façon dont la portée de ce projet de loi pourrait être élargie, selon moi, afin d'inclure les prévisions budgétaires.
[Traduction]
Vous aurez peut-être d'emblée l'impression, en m'écoutant parler à ce sujet, que le premier point, la procédure, est relativement mineur, mais à mon sens, il pourrait présenter des difficultés à la Chambre précisément à cause de la procédure. Il s'agit de la question du vote secret. Le projet de loi prévoit que la plupart des agents du Parlement, les mandataires du Parlement, peu importe l'expression que l'on veuille utiliser, doivent être nommés suite à un scrutin secret, hormis toutefois... non, cela vaut également pour le vérificateur général.
Lorsque j'étais greffier de comité et donc appelé à conseiller les comités sur des projets de loi, et lorsque j'étais greffier au Bureau puis greffier de la Chambre, j'ai toujours conseillé aux parlementaires d'éviter d'intégrer dans un texte de loi quel qu'il soit une procédure à caractère parlementaire. En effet, la procédure parlementaire a pour but de permettre une certaine flexibilité, de manière à ce que la Chambre puisse continuer à travailler dans le contexte de son règlement intérieur. Le règlement de la Chambre, malgré sa permanence relative, peut être facilement modifié au gré ou selon l'humeur de la Chambre. En admettant que, dans cette loi, vous prévoyiez un scrutin secret, cela engagera les deux Chambres et par voie de conséquence aussi le Président. Il n'y aura pas d'alternative, il faudra tenir un scrutin secret, même si le candidat fait l'unanimité. Et même si la Chambre exprime la volonté de procéder rapidement, elle devra néanmoins tenir un scrutin secret.
Chaque fois qu'une façon de procéder a ainsi été enchâssée dans une loi, que ce soit en exigeant qu'il y ait débat et en fixant pour cela certaines échéances, cela a occasionné des difficultés, et la Chambre n'était pas vraiment outillée pour régler ce genre de problème. Même s'il y avait entente entre les partis pour ne pas procéder de cette façon, la Chambre était néanmoins tenue de le faire.
Je ne conteste pas pour autant la pertinence du scrutin secret. Ce que je vous recommanderais par contre, si vous tenez vraiment à ce qu'il y ait scrutin secret, c'est de le prévoir plutôt dans le règlement respectif de chaque Chambre, et non pas dans la loi.
J'ai repéré une petite divergence, mais peut-être n'en est-ce pas une, c'est peut-être une question de politique, mais il ne m'appartient pas d'en juger. Le processus de nomination fait donc l'objet d'un scrutin secret, mais non pas le processus de révocation, du moins c'est ce qui est implicitement prévu. Chaque fois qu'il y a une nomination, il doit y avoir un scrutin secret, mais il semblerait que pour la plupart des titulaires de ces charges, la révocation peut s'effectuer par simple voie de résolution adoptée à la majorité et, j'imagine — à en croire ce qu'on peut lire dans le projet de loi — par un scrutin public. Alors d'une part, la nomination s'effectue au scrutin secret, alors que l'éventuelle révocation se ferait au scrutin public. Il appartient au comité de voir si c'est effectivement cela qu'il veut. Mais pour moi, cela me semble un peu contradictoire, mais peut-être n'en est-il rien.
Je voudrais également aborder un autre élément, mais ici, monsieur le président, je vous demanderais un peu d'indulgence parce que cette intervention pourrait sembler de prime abord un peu hors sujet, mais je vais m'empresser de la rendre pertinente.
[Français]
Il est regrettable que, depuis 40 ans, l'intérêt des députés et des comités parlementaires pour les prévisions budgétaires du Parlement soit à la baisse. Je ne suis pas le premier à remarquer ou à commenter cet état de choses. Je pense que ceux qui suivent l'évolution du processus des prévisions budgétaires à la Chambre des communes sont d'accord avec moi.
[Traduction]
Les députés ont peu intérêt à consacrer beaucoup de temps à l'examen des budgets. Ce genre de chose ne fait guère gagner de voix et c'est également une étude qui, à l'occasion, peut se révéler assez monumentale, à en juger par la quantité d'informations fournies par le gouvernement. En général, ces rapports de comité ne sont guère débattus à la Chambre, de sorte qu'on leur accorde peu d'intérêt.
Vous avez aujourd'hui, dans le rapport de la vérificatrice générale, un exemple patent de violation, en quelque sorte, du pouvoir constitutionnel donné à la Chambre d'octroyer des subsides, du moins c'est ce que prétend la vérificatrice générale, qui aurait pu être décelée si on avait étudié les budgets supplémentaires. Je parle du dossier du registre des armes à feu. Pendant la période à l'étude par la vérificatrice générale, l'exercice 2003-2004, le Comité de la justice étudiait un important texte de loi, celui qui concernait le mariage entre personnes de même sexe. De sorte que le comité n' a pas consacré une seule séance au budget supplémentaire du registre des armes à feu.
Ne vous y trompez pas, ce n'est pas une critique que je formule à l'endroit du comité.
[Français]
Toutefois, cela révèle un problème fondamental d'imputabilité qui n'est pas inclus dans le projet de loi.
[Traduction]
Avec ce projet de loi, le Parlement est en quelque sorte extrait de la boucle de la responsabilité. Et je vous ai dit il y a quelques instants, de grâce n'intégrez pas la procédure au projet de loi, de sorte que je ne vais pas maintenant insister pour que vous intégriez l'examen des crédits dans le projet de loi. L'adéquation que je veux faire ici, c'est avec le service du directeur parlementaire du budget.
Je vous recommande d'ailleurs un document de recherche de l'enquête Gomery qui a été rédigé par le Centre parlementaire et publié sous le titre Le Parlement et la responsabilité financière dans Études de recherche: Volume 1, ainsi qu'un article signé par Peter Dobell et Bob Miller, le directeur exécutif du Centre parlementaire, sur le même sujet dans l'édition du Hill Times de la semaine dernière.
Il serait très facile d'élargir le mandat du service parlementaire du budget en lui confiant également les prévisions budgétaires. Je vous exhorte à envisager ce genre de chose dans le cadre du projet de loi et à ajouter ainsi un second mandat à ce service qui relève de la Bibliothèque, afin qu'il puisse suivre le processus budgétaire. Les comités ont besoin, je crois, comme je l'ai dit à la fois en public et en privé, d'un concours considérable de la part d'un service d'analyse financière afin de pouvoir procéder efficacement à l'examen des budgets. Bien sûr, il faudrait en parallèle modifier le Règlement de la Chambre, mais cela sort du cadre de ce dont vous discutez ici. Modifier ainsi le projet de loi pourrait alors faire rentrer le Parlement dans la fameuse boucle de la responsabilité.
Monsieur le président, je vais en rester là. C'étaient les deux choses principales que j'avais à vous dire, l'une relativement mineure et l'autre plus importante.
:
Merci, monsieur le président.
Bienvenue, monsieur Marleau. Vous avez parlé du service parlementaire du budget. Voilà un élément de plus à ajouter à la liste des fonctionnaires parlementaires, qui ne cesse de s'allonger du fait de ce projet de loi. Il y a 30 ans, nous le savons, il n'y avait que le vérificateur général, puis il y a eu le commissaire à l'information et le commissaire à la vie privée, et maintenant il y a tous ces autres commissaires.
Tout cela pour revenir à la suggestion fort utile que vous nous faites d'élargir le mandat du directeur parlementaire du budget en lui adjoignant les prévisions budgétaires. Il existe déjà une tension entre ces fonctionnaires du Parlement dont le rôle consiste essentiellement — comme on le dit — à « aider » les parlementaires à faire leur travail. Ils donnent en quelque sorte un plus grand rayon d'action aux parlementaires. Le problème, c'est que cela finit par avoir ses propres limites, en ce sens qu'à un moment donné, nous en viendrons à avoir tellement de fonctionnaires parlementaires que nous aurons créé un univers parallèle entre l'exécutif d'une part et les parlementaires de l'autre. Ce que nous voulions à juste titre être un auxiliaire devient ainsi une sorte de mur.
J'ignore que répondre à cela. J'ai été de ceux-là jadis, et je reconnais facilement le rôle que ces agents du Parlement peuvent jouer en aidant les parlementaires et les citoyens à demander des comptes à l'exécutif, mais ce genre de prolifération m'inquiète un peu. À un moment donné, le citoyen, et peut-être aussi l'administration publique, les médias et tout le monde, ne s'y retrouveront peut-être plus et ne sauront plus très bien qui est responsable de quoi parmi tous ces fonctionnaires indépendants, mais qui ne devraient en réalité pas l'être vraiment puisqu'ils sont censés être subordonnés au Parlement.
J'aimerais connaître votre avis sur cette relation.
:
Pour commencer, selon le texte actuel du projet de loi, je ne dis pas que le directeur parlementaire du budget serait l'équivalent d'un fonctionnaire parlementaire à proprement parler. Pour moi, ce serait davantage un auxiliaire, une ressource interne à la disposition des parlementaires, des comités, des députés, des sénateurs, plutôt qu'un nouveau type de structure de responsabilisation.
En ce qui concerne les autres fonctionnaires du Parlement, j'ai effectivement lu des articles qui parlaient de prolifération de ce genre de charges. Il est vrai, je crois, qu'avec les années, en créant de nouvelles charges de ce genre, le Parlement voulait déléguer une certaine manière de responsabilisation, mais d'un même tenant, cela a également réduit les pouvoirs du Parlement.
Prenez le cas de la Loi sur l'accès à l'information. Ne prenez pas cela pour une critique de la loi et de ce qu'elle vient utilement ajouter à notre culture politique, mais les questions inscrites au Feuilleton et les avis de motion portant production de documents avaient une véritable utilité, un véritable impact, avant l'avènement de cette loi. Lorsqu'un ministère faisait l'objet d'une question inscrite au Feuilleton, il prenait cela très au sérieux. Ce qui s'est produit depuis, de façon indirecte, c'est que le député qui veut obtenir un document a plutôt intérêt à invoquer la Loi sur l'accès à l'information que de recourir à un avis de motion. Je ne pense pas que ce que le Parlement voulait, c'était d'affaiblir une de ses propres façons de procéder en déléguant la chose à un agent extérieur, mais à mon avis c'est bien cela qui s'est produit.
Cela ne veut pas dire pour autant que le système ne puisse pas être renforcé et maîtrisé, mais c'est cela que je voulais vous dire dans le droit fil de votre intervention.
:
Merci, monsieur le président.
Je vous remercie également, monsieur Marleau. Il faut que je vous dise que nous pensons souvent à vous. Même si vous avez peut-être le sentiment d'être un peu éloigné de nous, nous sommes nombreux ici à considérer votre ouvrage, Marleau et Montpetit, un peu comme une Bible dont nous ne nous séparons pas et que nous utilisons fort bien. Vous êtes donc bien souvent dans nos pensées, même si vous n'êtes pas présent de corps avec nous.
Je tiens également à vous remercier pour cette recommandation fort utile. Je suis originaire du Manitoba, et depuis mon arrivée ici, j'ai effectivement souvent été interloqué par le peu de temps que nous consacrions aux prévisions budgétaires. Nous leur consacrons bien tout notre temps après coup, au Comité des comptes publics, où nous passons à la loupe le moindre sou dépensé par l'État, souvent en critiquant la façon dont il a été dépensé, mais nous ne passons que très peu de temps au tout début du processus pour étudier les prévisions budgétaires.
Dans ma province, il n'est pas rare que le ministre soit convoqué devant un comité de l'Assemblée et qu'il y passe toute la nuit. Le budget du ministre de la Santé fait l'objet d'une étude en comité qui dure entre 50 et 60 heures pendant lesquelles tout est examiné poste par poste et les membres mettent le ministre sur la sellette en lui posant des questions sur tout ce qu'il se propose de dépenser pendant l'année suivante. Cela produit deux effets positifs: tout d'abord, c'est le moment le mieux choisi pour procéder à ce genre d'examen minutieux, et en second lieu, le ministre, son sous-ministre ou ses experts doivent connaître sur le bout des doigts le moindre poste de dépenses.
À mon avis, c'est une excellente chose. Cela illustre parfaitement l'intérêt qu'il y a à consacrer tout ce temps à entendre autant de témoins dans le cadre de cet important projet de loi. Voilà le genre de choses que nous parvenons à obtenir ici. Certes, je formule l'espoir que nous puissions nous entendre pour élargir le rôle du directeur du budget. Peut-être pourrions-nous vous demander de nous dire de façon encore plus détaillée comment selon vous cela pourrait se concrétiser. Mais je ne m'étendrai pas plus longtemps là-dessus.
J'aurais toutefois une question à vous poser. Le projet de loi C-2 a des ennemis. Il y a des gens qui ne veulent pas qu'il soit adopté. Je ne vous dirai pas si certains d'entre eux sont issus du milieu politique. Je pense qu'il y en a dans l'administration mais tout d'abord, que pensez-vous des projets de loi omnibus? Pensez-vous que certains de ces projets de loi soient tellement épais, tellement massifs, qu'ils finissent par crouler sous leur propre poids? Pensez-vous qu'il soit utile parfois de les amputer de certains de leurs éléments les moins controversés afin de pouvoir les faire adopter séparément?
Pourriez-vous nous donner un bref commentaire à ce sujet?
:
Oui merci, monsieur le président. Je compte partager mon temps de parole avec M. Petit.
Monsieur Marleau, merci d'être ici aujourd'hui.
Je pense que le dépôt du rapport de la vérificatrice générale illustre aujourd'hui à quel point les mandataires indépendants peuvent être efficaces, de même que la valeur qu'ils apportent à notre travail de parlementaires, d'autant plus qu'il y a des choses que nous, parlementaires, ne sommes pas en mesure de faire. Quand nous instituons des mandataires indépendants, nous leur confions la tâche de veiller sur les intérêts supérieurs du Parlement et, somme toute, de tous les Canadiens. C'est pourquoi je m'intéresse particulièrement à ce que vous venez de dire quant à la valeur ajoutée possible que pourrait apporter le directeur parlementaire du budget.
Je veux tirer une chose au clair. Je suis peut-être un peu confus, mais si j'ai compris le projet de loi C-2, le directeur parlementaire du budget sera en réalité un mandataire relevant de la Bibliothèque du Parlement et, par voie de conséquences, exécutera ses fonctions, du point de vue organisationnel, à partir de la Bibliothèque du Parlement. Voilà qui apaisera peut-être quelques-unes des craintes de mes collègues, notamment les craintes de dédoublement.
Je sais que les nouveaux députés ont beaucoup de choses à faire. Les nouveaux députés peuvent être obnubilés par le Budget des dépenses — et quelqu'un l'a déjà invoqué ici —, quand ils sont bombardés de chiffres. Je vois donc l'importance de ce que vous dites quant à l'élargissement possible du rôle du directeur parlementaire du budget à l'examen du budget des dépenses.
Pouvez-vous nous expliquer davantage comment ce rôle élargi pourrait nous aider dans notre travail quotidien quand nous devons analyser la façon dont le gouvernement dépense l'argent des contribuables canadiens?
:
Avec plaisir, monsieur Moore.
Au-delà du simple élargissement du mandat du directeur parlementaire du budget, il vous faudrait également modifier le Règlement en ce qui concerne les pouvoirs des comités, notamment le Comité des opérations gouvernementales, et j'y reviendrai dans un instant.
Le directeur parlementaire du budget aurait les mêmes pouvoirs en matière de budget des dépenses que ceux prévus dans le projet de loi en ce qui concerne le budget, c'est-à-dire l'accès aux documents du Conseil du Trésor et la capacité de consulter en tant opportun les documents de planification ministérielle afin de faire une analyse du budget des dépenses proposé et de fournir des conseils à un comité ou à des députés s'intéressant à un programme ou à un dossier en particulier.
Il s'agit donc de lui assurer ce genre d'accès, si je puis m'exprimer ainsi. À l'heure actuelle, les pauvres attachés de recherche de la Bibliothèque du Parlement, avec lesquels je compatis, doivent se contenter de renseignements publics pour vous fournir des conseils. Ils ne peuvent utiliser que ce qu'ils peuvent trouver sur le Web pour vous fournir des conseils sur des programmes ministériels. Grâce à ce projet de loi, ils auraient un accès privilégié à tous les renseignements touchant le volet budgétaire.
Si vous me permettez d'ajouter un petit point au sujet du Comité des opérations gouvernementales, je vous signalerai que le mandat de ce comité porte notamment sur le budget des dépenses et que le comité est tout à fait libre d'exercer son mandat. C'est le mandat qui lui a été conféré il y a sept ou huit ans. Je pense que nous devons remonter dans le temps — aux années 70 et au début des années 80 — où il existait encore un comité qu'on appelait autrefois le Comité des prévisions budgétaires générales. Le budget des dépenses supplémentaires qui est généralement dévoilé à l'automne était envoyé dans son ensemble au comité. Il n'était pas réparti entre 23 comités. Le président du Conseil du Trésor et le Secrétariat du Conseil du Trésor comparaissaient devant le comité pour expliquer le contexte supplémentaire dans lequel le gouvernement se trouvait et pourquoi il avait besoin de crédits supplémentaires; cela s'inscrivait dans le cadre plus global d'une analyse ou d'un examen des dépenses.
Aujourd'hui, les tâches sont réparties ça et là, le crédit 1 étant confié à ce comité-ci et le crédit 5 à ce comité-là. C'est ce qui est arrivé dans le cas du registre des armes à feu. Le Comité de la justice avait cette année-là à étudier le projet de loi sur le mariage entre conjoints de même sexe. Il se déplaçait, subissant des pressions énormes pour faire adopter le projet de loi, et il n'a pas pu examiner le budget des dépenses supplémentaires.
Si le budget des dépenses supplémentaires était envoyé en bloc au Comité des opérations gouvernementales, puis analysé par un mandataire du Parlement, je pense qu'on aurait alors un meilleur dialogue avec le gouvernement, l'exécutif, quant à la reddition de comptes. C'est ce que je qualifie de dialogue soutenu sur la reddition de comptes, plutôt qu'un dialogue antagoniste. Plus on demande de renseignements, plus on en obtient, et plus on est à même de juger l'efficacité des programmes et de leur exécution.
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Marleau, je vous remercie d'être ici.
Depuis quelque temps, nous savons que les différentes personnes qui seraient nommées, par exemple le vérificateur général, préféreraient être nommées à la faveur de qu'on appelle un scrutin ouvert plutôt qu'à la faveur d'un scrutin secret.
Vous êtes au courant que le scrutin secret a l'avantage de procurer une liberté aux gens qui votent. À titre d'exemple, dans les syndicats, on a remplacé le scrutin à main élevé par le scrutin secret afin de permettre aux syndiqués de voter librement sur une entente proposée.
Dans cas-ci, le vote au scrutin secret ne donnerait-il pas une plus grande liberté à l'ensemble des députés?
Deuxièmement, j'aimerais aussi comprendre la liaison que vous faites avec la destitution. Il est assez rare — en tout cas, je n'ai pas vu cela souvent — qu'il y ait une destitution au scrutin secret. Une destitution se fait habituellement de la façon suivante. Par exemple, on présente un problème aux membres d'un comité, et le conseil d'administration destitue la personne visée après l'avoir entendue, conformément à certaines procédures.
J'essaie de comprendre comment vous seriez capable de destituer quelqu'un au scrutin secret. Je sais que cela peut se faire, mais c'est une procédure assez rare. Je ne ai pas souvent vu une telle procédure dans les organisations que j'ai fréquentées. Peut-être avez-vous des exemples à nous donner. J'aimerais vous entendre là-dessus.
Merci.
En ce qui concerne votre dernière question, je suis d'accord avec vous en ce qui a trait à la destitution au scrutin secret. Il est presque aussi rare de voir des nominations au scrutin secret. Je dirais qu'il y a deux éléments. D'abord, il est vrai que le scrutin secret confère une certaine liberté d'action à celui qui vote. D'autres diront qu'il faut avoir le courage de voter ouvertement selon ses convictions.
Je ne me prononce pas en faveur ou contre l'une ou l'autre façon de faire, je vous fais seulement part des deux. Dans le cas d'une destitution, je pense qu'il est surtout important de savoir qui, quelle faction, souhaite la destitution d'une personne. C'est peut-être plus pénible d'être destitué au scrutin secret, sans savoir d'où c'est venu, que d'être nommé au scrutin secret, en présumant que c'est venu de tout le monde. Alors, je dirais que c'est là un manque d'uniformité que j'ai perçu dans le projet de loi.
Notre régime parlementaire, de manière générale, prône la transparence du vote du député. Vous êtes élus individuellement comme députés, et les citoyens s'attendent à connaître vos positions et à voir comment vous vous acquittez de la tâche qu'ils vous ont confiée.
Alors, le scrutin secret comporte des points positifs et des points négatifs. Dans certains cas, par exemple pour l'élection de la présidence de la Chambre des communes, je crois que c'est un succès. S'il y a destitution du Président de la Chambre des communes, on procédera à un vote ouvert.
:
Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître devant le Comité législatif chargé d'examiner le projet de loi C-2.
Je suis accompagnée de M. Gaston Arseneault, avocat général de la Commission de la fonction publique.
La CFP est un organisme unique indépendant de tout ministre. Nous rendons compte au Parlement. Nous protégeons l'intégrité du système de dotation de la fonction publique ainsi que la neutralité politique des fonctionnaires, en exerçant une surveillance active et en réalisant des vérifications et des enquêtes. Nous fournissons en outre des services de dotation et d'évaluation aux ministères.
Vous trouverez plus de détails dans notre trousse d'information qui est à votre disposition.
La nouvelle loi sur l'emploi dans la fonction publique entrée en vigueur le 31 décembre dernier réitère l'indépendance de la CFP, énonçant dans le préambule que le mérite et l'impartialité sont des valeurs qui doivent être protégées de façon indépendante. Elle consolide également le statut unique de la CFP de plusieurs manières: en mettant l'accent sur les pouvoirs de vérification de la CFP au nom du Parlement; en conférant à la CFP le pouvoir de faire des rapports spéciaux au Parlement; en prévoyant que la nomination de son président ou de sa présidente se fera par le gouverneur en conseil uniquement après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes.
Notre travail, qui consiste à rendre à compte au gouvernement de la dotation et de son impartialité, fait que l'on appuie le projet de loi C-2, qui vise à accroître la responsabilisation du gouvernement.
Je voudrais aujourd'hui porter à votre attention certains amendements au projet de loi C-2 qui se traduiraient par des améliorations dans deux domaines: d'abord, la manière dont nous faisons notre travail et nos rapports avec le Parlement, et l'étendue de nos responsabilités.
[Traduction]
Tout d'abord, en ce qui concerne le personnel exonéré des ministres, l'article 103 supprime le droit de priorité qu'ont les membres du personnel exonéré des ministres de faire leur entrée dans la fonction publique, mais l'article 101 permet l'accès à plus de membres du personnel de ministre d'accéder à des processus de nominations internes pour un an. Nous sommes favorables à ce changement, car les nominations ainsi effectuées seraient fondées sur le mérite.
Ensuite, en ce qui concerne la nomination du président, le projet de loi C-2 propose d'uniformiser la méthode de nomination aux postes offrant un appui au Parlement. Pour rendre le processus de nomination du président ou de la présidente de la CFP semblable à celui des autres postes offrant un appui au Parlement, je recommande que le projet de loi C-2 modifie la LEFP afin d'y inclure les éléments de consultation et de scrutin secret.
En ce qui concerne la protection des vérificateurs et des enquêteurs, les personnes qui travaillent dans des organisations réalisant des vérifications et des enquêtes dont les résultats sont communiqués au Parlement sont déjà désignées, ou le seront en vertu des articles 2 et 308, comme n'ayant pas qualité pour témoigner ou ne pouvant y être contraintes, et comme bénéficiant de l'immunité en matière civile et pénale pour les mesures prises en toute bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions. La CFP effectue elle aussi des enquêtes et des vérifications, dont les résultats sont communiqués au Parlement. Nous déposerons d'ailleurs deux rapports de vérification jeudi. De tels rapports traitent de questions personnelles et souvent litigieuses pouvant donner lieu ultérieurement à des actions en justice. Pour que nous puissions faire notre travail et protéger les personnes qui font les vérifications et les enquêtes, je recommande que le projet de loi C-2 modifie la LEFP, de sorte que les vérificateurs et enquêteurs de la CFP bénéficient de la même protection.
Dans le même ordre d'idée, les chefs d'un certain nombre d'organisations offrant un appui au Parlement et réalisant des enquêtes et des vérifications, en vertu de l'article 146, devront refuser de divulguer, aux termes de la Loi sur l'accès à l'information, les dossiers obtenus ou créés dans le cadre des enquêtes, des examens ou des vérifications. Même s'il est vrai que les rapports de vérification et d'enquête finaux devraient être accessibles au public, les dossiers obtenus ou créés par les personnes responsables des enquêtes et des vérifications dans l'exercice de leurs fonctions peuvent contenir des observations et des commentaires trompeurs ou non corroborés. La CFP et les personnes qui font l'objet d'une vérification ou d'une enquête doivent avoir l'assurance que seules les constatations corroborées et adéquatement expliquées seront publiées. Comme le disait la vérificatrice générale lorsqu'elle a témoigné devant vous, les vérificateurs ont besoin que leurs documents soient protégés pour bien faire leur travail. Comme la CFP est mandatée par la LEFP pour réaliser des enquêtes et des vérifications, je recommande que l'article 146 du projet de loi C-2 soit amendé afin que la même protection soit accordée à nos dossiers de vérification et d'enquête.
J'ai remarqué également que le projet de loi C-2 ne prévoit pas de mécanisme permettant au commissaire au lobbying de présenter ses rapports spéciaux au Parlement. La CFP a un problème semblable. Les modifications à la LEFP permettant à la CFP de faire des rapports spéciaux au Parlement laissaient présumer à ce moment-là que nous pouvions transmettre directement ces rapports au président ou à la présidente des deux chambres. Or, comme la loi ne le prévoit pas expressément, on nous a informé que c'était impossible. En prenant pour modèle le mécanisme de dépôt visant le commissaire à l'information, je recommande que le projet de loi C-2 modifie la LEFP afin que la CFP soit habilitée à transmettre ses rapports spéciaux directement au président ou à la présidente des deux chambres pour ce qui est du dépôt. Votre comité pourrait également profiter de l'occasion pour faire en sorte que le commissaire au lobbying soit visé par la même disposition que l'article 78.
Le prochain amendement proposé porte sur l'article 106 concernant certaines nominations effectuées par le gouverneur en conseil, comme celles des sous-ministres. À l'heure actuelle, la plupart des nominations à ces postes sont visées par une loi ou une autre. Un petit nombre d'entre elles ne le sont cependant pas, par exemple, s'il y a restructuration gouvernementale et qu'aucune loi n'a encore été adoptée. Habituellement, lorsque le gouverneur en conseil souhaite faire une nomination pour laquelle il n'existe pas de disposition législative, il veille à soustraire la personne visée de l'application de la LEFP, exception faite des dispositions relatives aux activités politiques. Le gouverneur en conseil de même que la CFP doivent alors donner leur approbation. Les recours à ce décret d'exemption sont consignés dans le rapport annuel de la CFP. Dans le nouveau régime axé sur le mérite instauré par la LEFP nouvellement promulguée, le fait que la CFP soustrait ces nominations de l'application du mérite m'inquiète, et je favoriserais plutôt une autre proposition.
L'article 106 officialise le processus actuel; or, il englobe un éventail plus grand de postes que ce qui se fait présentement. Le fait de soustraire les nominations à ces nouveaux postes à l'application de la LEFP pourrait constituer une menace pour le principe du mérite sur lequel se fonde la fonction publique. Je recommande que cet article soit amendé, d'abord afin de restreindre le nombre de postes visés en excluant les postes d'administrateur général délégué ou des postes de niveau équivalent et de conseiller spécial d'un administrateur général dans la version anglaise afin que celle-ci concorde avec la version française; et ensuite, que la partie 7 de la LEFP traitant des activités politiques s'applique, protégeant ainsi l'impartialité politique de ces nominations.
Enfin, l'article 119 établit le poste de directeur parlementaire du budget à la Bibliothèque du Parlement. À l'heure actuelle, le personnel de la Bibliothèque, du Sénat et de la Chambre des communes peuvent prendre part à des processus de nomination interne à la fonction publique, en raison d'un instrument qui est toujours en place en vertu de l'ancienne LEFP. Conformément à la nouvelle LEFP, on nous a informés que nous ne pouvions plus procéder de la sorte si la loi n'est pas modifiée. Après avoir consulté les chefs de ces organisations, je propose que le projet de loi C-2 modifie la LEFP afin que ces personnes, qui ont beaucoup à offrir à la fonction publique, puissent participer à ces processus fondés sur le mérite.
[Français]
Monsieur le président, la CFP est un élément important du cadre de responsabilisation sur lequel s'appuie notre système de gouvernement responsable. Notre travail, qui consiste à rendre compte au gouvernement de la dotation et de son impartialité, va dans le même sens que l'esprit du projet de loi. Nos recommandations visent à l'améliorer en consolidant notre capacité de réaliser des vérifications et des enquêtes, et en renforçant les liens que nous entretenons avec le Parlement.
J'aimerais déposer devant le comité les propositions d'amendement à cet effet, ainsi que les autres qui portent sur un petit nombre de nominations par le gouverneur en conseil et sur la mobilité du personnel parlementaire.
Je vous remercie de votre attention et je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
:
Merci, monsieur le président.
Bonjour, madame Barrados. J'ai trois questions très simples à vous poser.
Premièrement, vous demandez qu'on adopte un amendement afin que l'article 146 du projet de loi précise que le président de la Commission de la fonction publique soit au même niveau que le vérificateur général du Canada, le commissaire aux langues officielles, etc. Vous demandez qu'on ajoute à la liste le président de la Commission de la fonction publique. Je veux suivre votre raisonnement, alors je vous demande pourquoi.
Deuxièmement, d'entrée de jeu, vous avez mentionné que vous tentiez de faire en sorte que la fonction publique soit non partisane. À ce que je sache, peu importe de quelle fonction publique on parle, plusieurs fonctionnaires sont membres de partis politiques et de syndicats. Or, je ne pense pas qu'ils se départissent de leur partisanerie en entrant travailler le matin. Ils vivent avec elle; cela fait partie de leur réalité. J'essaie donc de comprendre comment vous pouvez être en mesure de dire que le système doit être non partisan. Je comprends que vous ne parlez que du travail, puisque bien des gens, dans le cours d'une journée, sont à la fois membres d'un syndicat et d'un parti politique, travaillent le soir ou le jour, selon les cas, et sont peut-être plus partisans que les partisans politiques eux-mêmes.
Comment conciliez-vous votre travail avec ce que propose le projet de loi C-2? Comment ce projet de loi pourrait-il régler ce problème? À la lumière de ce que vous avez vu dans ce projet de loi, êtes-vous capable de démontrer qu'il serait assez fort pour enlever la partisanerie que l'on traîne avec soi tous les matins lorsqu'on rentre au travail parce que l'on est membre d'un syndicat ou d'un parti politique, etc., et que l'on travaille huit heures au gouvernement, mais que plusieurs heures ne nous appartiennent pas?