Nous accueillons à présent deux représentants du Bureau du légiste. R.R. Walsh, légiste et conseiller parlementaire, et Richard Denis, légiste adjoint et conseiller parlementaire.
Messieurs, nous avons reçu le document que vous avez préparé. Une motion a été déposée portant que vous veniez témoigner pour que les membres puissent vous poser des questions. Avant la réunion, vous m'avez signalé que vous préfériez passer directement aux questions et que vous auriez peut-être une délaration à faire à la fin.
C'est ainsi que nous allons procéder, monsieur Walsh.
Madame la greffière, j'ai besoin de votre aide. Est-ce que la règle des sept minutes s'applique? Oui.
Monsieur Owen, vous avez la parole.
:
Merci, monsieur le président et messieurs les légistes.
Merci d'être venus nous rencontrer aujourd'hui pour nous fournir des conseils précieux sur nos délibérations. J'ai deux questions. La première s'adresse à M. Walsh.
En ce qui concerne les problèmes constitutionnels que vous avez mis en évidence relativement aux privilèges des députés notamment, pensez-vous que le comité dispose des pouvoirs nécessaires pour amender le projet de loi afin d'éliminer ces problèmes? C'est ma première question d'ordre général. Sur certaines questions, j'ai l'impression que c'est possible. Voici ce qui m'intéresse particulièrement et que j'ai l'intention d'examiner: si nous suivons vos conseils, pensez-vous que cela risque de nuire aux objectifs généraux ou aux objectifs précis du projet de loi, à tel point que cela n'en vaille pas la peine. J'aimerais savoir dans quelle mesure ces problèmes peuvent être réglés.
Deuxièmement, je voudrais savoir si, de façon générale ou dans ce cas précis, quand certains éléments du libellé d'un projet de loi ont une incidence sur le fonctionnement et les privilèges du Parlement, et précisément de la Chambre des communes, il est approprié et habituel, ou encore approprié mais inhabituel, que le ministère de la Justice, chargé de rédiger le projet de loi, vous consulte. Est-ce ce qui s'est produit dans le cas du projet de loi C-2?
:
Merci, monsieur le président.
Je répondrai d'abord à la première des deux questions: les problèmes décrits dans ce rapport peuvent-ils être résolus par un amendement? Pour la plupart, oui, car on peut faire en sorte que le libellé du projet de loi reflète une intention de subordonner les pouvoirs, immunités et privilèges de la Chambre aux dispositions de la Loi sur les conflits d'intérêts par un amendement.
Cependant, une grande partie du rapport porte également sur les conséquences d'un tel amendement, des processus juridiques qui découlent des dispositions de la Loi sur les conflits d'intérêts et de la possibilité, compte tenu de ces processus, pour les tribunaux, d'intervenir dans le fonctionnement de la Chambre et le rôle des députés.
En ce qui concerne le processus législatif, on pourrait apporter des amendements au projet de loi qui, à une exception près, permettraient d'obtenir un projet de loi adéquat qui puisse être adopté, mais cela impliquerait soit de l'améliorer, en faisant en sorte que la Loi sur les conflits d'intérêts ait préséance sur le privilège, soit, à l'inverse, d'adopter des amendements afin de nous assurer que la loi n'ait pas préséance sur le privilège.
L'exception dont j'ai parlé, évidemment, est l'article 49 de la Loi constitutionnelle de 1867. Il faudrait modifier la Constitution, à mon avis, pour contourner cette disposition.
Au sujet de votre deuxième question, sur la consultation du ministère de la Justice, mon bureau n'a pas été consulté, à ma connaissance. Mais c'est assez inhabituel qu'il y ait des consultations entre les avocats du ministère de la Justice et notre bureau avant qu'un projet de loi soit déposé à la Chambre.
:
Avez-vous décompté cela de mon temps? C'est juste une blague.
Merci, monsieur le président.
Avec votre permission, monsieur Walsh, je voudrais aller tout de suite à ce qui est à mon avis le noeud du problème, puisque vous avez écrit que le Parlement avait sa propre liste ou ses propres listes de privilèges ainsi que ses propres coutumes, qui ont évolué au fil du temps, et que ce n'est qu'avec beaucoup de parcimonie que le privilège parlementaire ou l'autonomie du Parlement, pour prendre un terme que vous n'avez pas utilisé, a été restreint par voie législative. Évidemment, cela remonte à la création du Canada, avec les amendements qui en découlèrent en 1868, et vous affirmez à la page 12 de votre mémoire que : « Depuis lors, il n'a été adopté, à notre connaissance, aucune autre disposition législative touchant les privilèges de la Chambre ». Je vais en déduire que vous avez parfaitement raison à ce sujet, parce que je n'ai pas l'habitude de parcourir l'histoire du privilège parlementaire au XIX et au XXe siècles.
Ma question est donc la suivante. Aujourd'hui même, à la Chambre, le ministre de la Justice n'a pas évoqué cet élément de votre mémoire, mais plutôt la partie qui le précède immédiatement, là où vous écrivez qu'à votre avis « certaines des dispositions du projet de loi C-2 vont à l'encontre de la Constitution », et ensuite « il n'est pas inconstitutionnel d'édicter une loi qui restreint les privilèges constitutionnels de la Chambre ». À un autre endroit, vous affirmez qu'à tout le moins, le Parlement devrait, lorsqu'il fait cela, c'est-à-dire lorsqu'il restreint les privilèges du Parlement, le faire en connaissance de cause.
J'imagine que c'est là le noeud du problème. Le ministre de la Justice ainsi que le côté ministériel, du moins c'est ce que je peux supposer, estiment que le Parlement a le pouvoir de révoquer, à la majorité des voix, ses propres privilèges. Mais en fait, vous nous dites que cela ne s'est jamais fait depuis 1868.
Est-ce que je résume bien l'essentiel de votre opinion au sujet du privilège parlementaire?
:
Monsieur le président, pendant que le député posait sa question, je consultais mon texte pour voir où exactement, à la page qu'il citait, se trouvait cet extrait, et il se trouve en fait à la fin de la page 11 et en haut de la page 12.
À mon avis, ce que je dis dans ce texte — et je le répète, je n'ai pas trouvé la citation exacte — c'est que les privilèges de la Chambre des communes, de ses membres et de ses comités, tels qu'ils sont prescrits par la Loi sur le Parlement du Canada, n'ont jamais été restreints ou limités par un quelconque amendement à la loi en question. Cela dit toutefois, on pourrait à mon avis faire valoir avec raison qu'il y a dans certaines de nos lois des dispositions qui se sont infiltrées et peut-être sans retenir l'attention, mais je n'en suis pas sûr, et qui constituent bien une entrave aux pouvoirs, aux immunités et aux privilèges de la Chambre et de ses membres, un peu comme c'est le cas pour les dispositions en question du projet de loi C-2, comme nous l'avons affirmé.
En ce qui concerne ce que vous avez dit au sujet du ministre de la Justice, je le répète, au moment où vous en parliez, je recherchais dans mon texte l'extrait en question et je n'ai pas pris note du texte complet de votre question, mais il me semble me souvenir que vous aviez posé une question au sujet de quelque chose que le ministre de la Justice aurait dit à la Chambre.
:
Vous allez devoir attendre le tour suivant, monsieur Murphy, votre temps d'intervention est largement écoulé.
Avant de donner la parole à M. Sauvageau, comme il est déjà 17 h 10, je voudrais rappeler aux membres que c'est maintenant la limite pour présenter des amendements, de sorte que s'ils ont des amendements à déposer, il faudrait qu'ils les remettent immédiatement à la greffière afin qu'ils puissent être ajoutés au cahier des amendements. À défaut de quoi, nous devrons conclure que nous avons tous les amendements en notre possession.
Avez-vous une question à ce sujet, monsieur Walsh, ou quelque chose d'autre à faire remarquer?
:
Je vais reprendre les propos de M. Murphy.
Dans la conclusion, à la page 11 en français, on lit ce qui suit :
Bien que nous soyons d'avis que certaines des dispositions du projet de loi C-2 vont à l'encontre de la Constitution en ce qu'elles ne respectent pas la position constitutionnelle de la Chambre, il n'est pas inconstitutionnel d'édicter une loi qui restreint les privilèges constitutionnels de la Chambre.
Lorsque le ministre de la Justice s'est levé cet après-midi à la Chambre des communes pour dire, en brandissant votre document, qu'il avait lu votre avis et qu'il avait le droit de le faire, cela m'a fait un peu penser à ce qui s'était passé en 1981, lors de la décision de rapatrier la Constitution. On avait dit que ce n'était pas illégal, mais... Pourriez-vous me rafraîchir la mémoire?
:
Avec le projet de loi actuel, si un député, un ministre ou un secrétaire parlementaire a un problème avec la loi et cherche des conseils juridiques, il risque de s'ensuivre des processus juridiques qui créeraient de l'incertitude. En effet, avec une cause devant les tribunaux, les affaires de la Chambre risqueraient d'être paralysées dans l'attente d'un jugement.
C'est le problème que je vois en tant qu'avocat. À cause du conflit qui existe entre les privilèges parlementaires enchâssés dans la Constitution et les articles de cette loi — qui sont des articles statutaires —, quelqu'un pourrait aller devant les tribunaux en alléguant que cette loi va à l'encontre des droits des parlementaires. On devrait alors attendre une décision dans l'incertitude. Cela pose un problème, surtout si les votes sont à égalité ou si le Président a dû trancher pour faire adopter la motion. Si quelqu'un estime que le ministre ou le secrétaire parlementaire était en conflit d'intérêts, il peut aller devant le tribunal en disant que le vote est invalide.
En vertu de l'article 9, la cour ne peut pas s'immiscer dans les affaires de la Chambre des communes, mais si le commissaire à l'éthique est impliqué, on pourrait demander à la cour de se pencher sur ses actions. On serait alors dans l'incertitude. Faudrait-il alors attendre des mois ou des années pour obtenir un résultat et déterminer si un vote est valide ou pas? En tant qu'avocat, je n'aime pas les incertitudes. Je cherche les articles qui donnent de la certitude en ce qui concerne le processus qui suit une action.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les légistes de la Chambre de nous avoir produit ce rapport consacré aux questions d'ordre constitutionnel qui se posent ainsi pour le moment, ce qui nous permet donc de nous en saisir d'entrée de jeu plutôt que de devoir attendre qu'un problème surgisse plus tard.
J'avais espéré vous entendre faire un survol des problèmes que vous avez décelés, voire formuler des recommandations pour y remédier, mais nous avons tout de suite sauté aux questions. Je vais essayer d'utiliser mon temps d'intervention du mieux que je peux.
Une des choses les plus importantes que vous avez signalées, c'est que les hauts fonctionnaires du Parlement, les mandataires du Parlement, qu'il s'agisse des nouvelles charges dont le projet de loi envisage la création ou des charges qui existent déjà, ont des fonctions qui, en fait, relèvent du pouvoir exécutif. C'est là une des choses que vous essayez de mettre en lumière dans votre texte.
Savions-nous cela au départ? Est-ce quelque chose qui a pris de l'importance, qui a évolué de pair avec l'élargissement du rôle de certains de ces hauts fonctionnaires du Parlement, à tel point que ç'en est devenu un peu la goutte d'eau qui a fait déborder le vase dès lors que nous avons rendu le problème plus complexe encore en créant ces nouvelles charges?
Je serais curieux de savoir pourquoi le statu quo actuel, avec les hauts fonctionnaires du Parlement qui existent actuellement, le commissaire à l'information, le vérificateur général et ainsi de suite, est tout d'un coup devenu un problème constitutionnel exigeant une solution immédiate.
:
C'est exact. De façon générale, ils ne relèvent ni du judiciaire, ni du législatif. Ils font donc partie de l'exécutif. Mais cela ne veut pas dire qu'ils ne jouissent pas d'une indépendance suffisante pour satisfaire les parlementaires et qu'ils ne sont pas à l'abri d'une ingérence indue du gouvernement. Dans le cas du projet de loi C-2, il appartient donc aux membres du comité de juger par eux-mêmes si cela peut devenir un sujet de préoccupation.
Mais si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais répondre brièvement à M. Martin sur l'image d'ensemble : il y a ici deux thèmes principaux. Le premier est celui de la situation constitutionnelle de la Chambre et le deuxième, c'est le fait qu'à mon avis, les obligations juridiques imposées aux parlementaires et les pouvoirs juridiques octroyés au commissaire à l'éthique risquent, une fois entrées en vigueur, de susciter un contentieux qui fera le bonheur des avocats mais qui, dans l'immédiat, suscite une grande incertitude juridique. En définitive, on ne sait pas ce qui a été décidé ni quand, car on a maintenant une procédure juridique qui va devoir s'élaborer.
La tradition veut que la Chambre travaille comme elle l'entend et que les tribunaux ne s'en mêlent pas. Elle doit éviter toute intrusion d'un quelconque agent extérieur dans ses affaires, car sinon, les parlementaires risquent d'être poursuivis en justice pour la pertinence des mesures qu'ils prennent en vertu des lois habilitantes.
:
Monsieur Martin, supposons qu'on vous donne une maison à construire, que vous la construisez mal et qu'on ait la possibilité de vous poursuivre en justice et de prouver que la maison a été mal construite; en tant que charpentier, je suppose que vous n'aimerez pas cela. Je ne sais pas si vous êtes charpentier, monsieur Martin, mais si vous êtes dans le bâtiment et que vous construisez mal, on va pouvoir vous traîner en justice, prouver que la maison a été mal construite, vous allez perdre beaucoup d'argent parce que vous ne pourrez pas travailler pendant la durée du procès.
De la même façon, si les parlementaires ou le commissaire à l'éthique doivent passer du temps dans les tribunaux pour expliquer les raisons pour lesquelles ils ont fait ce qu'ils ont fait et pour montrer que c'est irréprochable, ils ne pourront pas faire leur travail. C'est tout ce que je veux dire. À cela s'ajoute l'incertitude sur ce qui a été décidé lors du vote. Nous ne savons plus à quoi nous en tenir car certains votes sont contestés. Nous ne savons pas s'ils sont valides. Qu'avons-nous décidé et quelles vont être les conséquences de ce vote?
Des mesures ont été prises ultérieurement à la décision de la Chambre, mais nous ne savons pas si ce vote est valide, car l'affaire est devant les tribunaux. Il faut donc attendre l'opinion du juge. On verra alors si le vote de tel ou tel ministre ou de tel ou tel secrétaire parlementaire est valide ou non.
Je ne sais pas. C'est l'incertitude que j'envisage en tant qu'avocat et qui m'amène à dire qu'il faut faire le ménage. On a ici la garantie d'une grande confusion, d'une grande incertitude, et cela ne devrait pas me déranger puisque je suis avocat et que je peux en faire ma carrière, mais en revanche, ce n'est pas bon sur le plan des pratiques parlementaires.
:
Merci, monsieur le président, et merci de votre présence, monsieur le légiste. Nous apprécions vos conseils.
D'après les propos qui se tiennent depuis un certain temps dans ce comité, certains membres du comité sont un peu alarmistes. On entend parler d'une sorte de crise constitutionnelle, on entend dire que tout cela est immoral. J'aimerais placer le débat dans une juste perspective.
Lorsque le ministre de la Justice et procureur général du Canada présente une mesure législative concernant la justice, par exemple, il y a toujours des témoins qui disent que telle ou telle disposition n'est pas constitutionnelle, qu'il va y avoir du contentieux à l'avenir et qu'on ne sait pas quelle décision rendront les tribunaux. Nous prenons note de leur avis et en tant que parlementaires, il nous incombe d'édicter des lois. Nous avons l'habitude. Quiconque a déjà siégé à un comité saisi d'un sujet quelconque sait qu'il n'est jamais exclu qu'un élément de projet de loi soit contesté en justice.
Par ailleurs, on a beaucoup parlé de vos fonctions et du fait que vous n'êtes pas consulté, mais d'après votre témoignage d'aujourd'hui, il n'est pas courant, quel que soit le projet de loi, qu'un ministère fasse appel à vous parce qu'il envisage de présenter un projet de loi et qu'il vous demande ce que vous en pensez.
Et pourtant, on entend des députés dire que c'est « immoral » comme s'il y avait une crise constitutionnelle. D'après votre témoignage, je ne pense pas que ce soit le cas. D'abord — et on a déjà présenté cette citation à plusieurs reprises — vous dites :
Bien que nous soyons d'avis que certaines des dispositions du projet de loi C-2 vont à l'encontre de la Constitution en ce qu'elles ne respectent pas la position constitutionnelle de la Chambre, il n'est pas inconstitutionnel d'édicter une loi qui restreint les privilèges constitutionnels de la Chambre.
Vous avez également dit aujourd'hui que la plupart des problèmes que vous constatez peuvent être résolus. Soyons précis: si nous voulons avoir un bon projet de loi et une Chambre viable, combien d'amendements faudrait-il envisager? Quels changements spécifiques voulez-vous voir apporter et combien de temps cela devrait-il prendre?
:
Eh bien, il s'agit de plus que cela.
Il existe des règles de procédure régissant la rédaction des projets de loi, donc je ne peux pas les rédiger comme je veux, en faisant table rase des règles. Il faut rédiger les amendements selon le projet de loi que l'on a devant soi, il faut donc respecter ces règles de procédure. Cela ne nous permet pas toujours de faire ce qu'on veut. Mais il y a des façons de faire les choses pour obtenir le résultat qu'on recherche.
Mais, monsieur le président, je tiens à le signaler, étant donné que c'est ce que sous-entend la question du député, je ne crie pas au feu ici — ou au loup, ou peu importe ce que dit l'expression habituelle — mais je me sens tenu, au nom de mon client, qui est la Chambre des communes, ses comités et les députés, de vous prévenir de ce qui peut arriver à mon avis, ce dont ils ne sont peut-être conscients. C'est ce que nous avons fait en publiant ce rapport.
Chose certaine, il appartient au comité de décider d'agir ou non, ou dans quelle mesure il va agir, ou de faire tout ce que nous proposons. Seul le comité peut décider ici. Mais, sur le plan professionnel et juridique, je me sens tenu d'attirer votre attention sur ces questions qui me préoccupent moi, à titre de conseiller juridique de la Chambre, de ses comités et des députés.
Le président: Monsieur Poilievre.
Abstraction faite de l'empressement de nos collègues d'en face, nos collègues du gouvernement, qui veulent simplement balayer le privilège parlementaire et l'autonomie constitutionnelle du Parlement qui existe depuis plus d'un siècle, bientôt deux siècles... Vous êtes en fait le conseiller du Parlement et le légiste en chef. Vous avez bien dit dans votre mémoire que certains aspects du projet de loi C-2 auraient en fait pour effet d'attenter au privilège parlementaire et au rôle constitutionnel de la Chambre et de ses membres. Vous dites ensuite que si la Chambre veut modifier le privilège parlementaire et assujettir son rôle constitutionnel au projet C-2 tel qu'il est libellé maintenant, il faut une clarification, et vous pouvez nous la donner ou nous fournir un amendement.
D'un autre côté, si la Chambre et ses membres décident de ne pas jeter par la fenêtre près de 200 ans de tradition, on pourrait proposer un amendement différent. La question que je vous pose, à titre de conseiller juridique du Parlement, particulièrement de la Chambre des communes, c'est quel conseil donnez-vous aux membres de notre comité relativement à l'option que nous devrions privilégier?
Quand je vais voir un avocat et que je le paie, je m'attends à ce que celui-ci étale devant moi toutes les options qui s'offrent à moi, avec le pour et le contre. Je m'attends ensuite à ce que mon avocat, que je paie, me recommande quelque chose. Vous avez l'option un : voici le pour, voici le contre; l'option deux : le pour et le contre; l'option trois : le pour et le contre. Je vous recommande l'option deux.
Recommandez-vous aux membres de notre comité de jeter par le fenêtre le privilège parlementaire et le rôle constitutionnel de la Chambre et de ses membres, comme le veut la Loi sur les conflits d'intérêts tel qu'elle est maintenant libellée, ou recommandez-vous que l'on conserve le privilège parlementaire et le rôle constitutionnel de la Chambre et de ses membres tels qu'ils existent en ce moment, auquel cas, il faudrait proposer un amendement différent?
:
Monsieur le président, en ma qualité d'avocat de la Chambre des communes, des membres du Parlement et de ses comités, j'incline naturellement à favoriser les intérêts de cette institution. En réponse à la question de la députée, je dirai simplement qu'à mon avis, vous ne devez pas toucher à vos privilèges, et vous devez les maintenir.
Pendant la fin de semaine, je suis tombé sur une définition, que j'aimerais lire au comité, et qui est celle du mot « écologie ». Il est dit dans cette définition que c'est une branche de la biologie qui étudie les milieux où vivent les êtres vivants ainsi que les rapports de ces êtres entre eux et avec le milieu. La planète Terre est un milieu de vie caractérisé par son interdépendance et son équilibre délicat. La détérioration environnementale nous a permis de mieux comprendre cela.
Ce parallèle m'a frappé. Cette définition, si l'on y substitue habilement certains termes, décrit bien à mon avis la tâche de votre comité. Je vais vous la lire avec les changements que j'y ai apportés.
Les pouvoirs, les privilèges et les immunités parlementaires constituent une branche de la politologie et du droit qui étudie les relations constitutionnelles entre les trois branches du gouvernement — l'exécutif, le législatif et le judiciaire — entre elles et avec le milieu. La Chambre des communes fait partie de ce milieu de vie qui est caractérisé par son interdépendance et un équilibre délicat. La détérioration environnementale nous a permis de mieux comprendre cela.
Ce que nous avons ici, monsieur le président, à mon avis, c'est le danger qu'à l'avenir, le milieu parlementaire ne se dégrade. On dit qu'un poisson ne voit pas l'eau dans laquelle il nage. Les membres du Parlement siègent à un comité comme celui-ci. Ils étudient les conflits d'intérêts. Ils étudient les fiducies des membres. Ils envisagent de créer le poste de directeur des poursuites publiques. Ils étudient des questions de fond relatives à la politique gouvernementale. Mais ils ne pensent pas à leurs privilèges; ils ne pensent pas à l'institution. Voilà pourquoi il a fallu que je me lève et que je vienne au comité comme je l'ai fait.
Je ne sais si je répons à la question de la députée, mais je parle moi de votre milieu de travail. Je parle de l'air que vous respirez. Vous pouvez en faire abstraction et adopter des dispositions sans vous préoccuper de vos privilèges, et un jour, un ou deux ou plusieurs d'entre vous allez vous rendre compte que vous ne jouissez plus du privilège que vous croyiez avoir dans certaines circonstances.
Lors de la dernière législature, nous avons été témoins, avec l'actuel régime régissant l'éthique, comme certains d'entre vous s'en souviennent, de certaines difficultés très sérieuses entre quelques parlementaires et le régime qui leur était appliqué. Dans un cas, nous avons eu une ministre qui, à mon avis, a été victime d'un véritable assassinat politique lorsque des accusations ont été portées contre elle et qu'elle a perdu son poste au Cabinet, et plus tard, on a prouvé que les allégations qui pesaient contre elle étaient pure invention. Il y a eu un autre député dont la famille a souffert à cause de ce régime.
Quand on parle de poursuites judiciaires qui peuvent être intentées contre un membre du Parlement du fait qu'on allègue un conflit possible, c'est du sérieux. Comme je suis votre avocat, je juge important de vous dire ceci, réfléchissez bien à ce que vous allez faire ici. À mon avis, vous êtes ici pour servir — et que Dieu me pardonne parce que je vous parle maintenant comme si je vous donnais un cours, et ce n'est pas mon rôle de faire cela — dans le milieu constitutionnel qu'on vous a fourni, dans l'intérêt de la population du Canada, et celle-ci veut que vous agissiez librement ici.
J'ai remarqué l'autre jour que l'article 463 de la Loi électorale du Canada dit que si on n' a pas rempli un certain formulaire, un certain document, le membre ne peut pas siéger ou voter. La légitimité constitutionnelle d'une personne qui est élue pour venir à cette Chambre-ci y représenter ses électeurs, pour parler des grandes questions du jour — tout cela est subordonné au fait qu'on a rempli un certain document? Ainsi, la seule façon d'obliger un député à remplir un certain document — c'est une exigence réglementaire — c'est de lui refuser toute participation à l'institution démocratique à laquelle il a été élu et où il représente ses concitoyens? À mon avis, on confond ici les priorités.
Je parle avec le parti pris d'un légiste parlementaire. Je ne me prononce pas contre ce projet de loi. Je parle des questions qui ont trait à votre milieu de travail; je parle de l'air que vous respirez, de l'eau dans laquelle vous baignez, et je vous invite à garder l'oeil ouvert lorsque vous y nagez. Si vous voulez compromettre vos privilèges, vous avez parfaitement le droit de le faire.
Je rappellerai aussi à M. Walsh que j'ai beaucoup de respect pour lui et ses fonctions. Ce n'est que le salutaire choc des idées.
Il s'agit en fait des droits constitutionnels des politiques dont il s'agit ici. Jamais cette question ne s'est posée dans ma circonscription. Cela ne veut pas dire pour autant que ce n'est pas important.
Je conclurai en disant ceci.
Monsieur Walsh, je suis heureux que vous ayez soulevé ces questions. S'il est possible d'examiner cette quinzaine d'amendements et de statuer sur eux en à peu près une heure et demie sur la voie de l'adoption de la Loi sur l'imputabilité, cela pourrait être une bonne chose.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
J'entends des choses qui me renversent. Je trouve épouvantable qu'on tente de minimiser le travail de quelqu'un.
Monsieur Walsh, j'ai beaucoup de respect pour le travail que vous avez accompli. Je pense que vous nous envoyez des signaux pour nous avertir de faire attention car ce projet de loi comporte des éléments dangereux pour nos propres droits de parlementaires. Cela est extrêmement important pour moi. Il y a plus de 13 ans que je suis une parlementaire, et si une chose à la Chambre des communes m'importe, c'est bien de ne pas perdre mes droits de parlementaire. Il est beaucoup plus difficile de refaire une réputation que de la défaire.
Si certains éléments de ce projet de loi peuvent mettre en danger la réputation des parlementaires, parce qu'il est mal rédigé ou mal fait et que n'importe qui pourrait engager des poursuites, je crois qu'il faut refaire nos devoirs. Le Parti conservateur essaie de minimiser l'importance des amendements que vous désirez apporter. Pour ma part, je crois qu'il faut les étudier à la loupe. Il faut les étudier sérieusement...
Des voix: Oh, oh!
Mme Monique Guay: Je regrette, mais c'est moi qui ai la parole. Vous parlerez lorsque ce sera votre tour. C'est cela, être responsable et respectueux!
Monsieur le président...
:
Merci d'être venu, monsieur Walsh.
Je veux m'assurer que nous jouons tous la même partition ici. J'ignore si quelqu'un a officiellement demandé d'accepter votre offre de vous faire venir vous et votre équipe juridique pour présenter les amendements que vous proposez et qui, à votre avis, renforceraient et clarifieraient le texte. Si cela n'a pas été fait, j'en fais la demande. J'ignore si cela été mis sur la table.
Quand vous dites être prêt à aider les partis politiques ou les députés à présenter des amendements, je vous demande la même chose. Vous et votre équipe seriez prêts à préparer un ensemble d'amendements qui, à votre avis, viendraient clarifier et rendre constitutionnellement acceptable ce texte?
:
Avec plaisir, monsieur le président. Comprenez toutefois que nous ne pouvons rédiger qu'en fonction des instructions reçues des membres du comité. Le député doit donc en faire la demande. Vous pouvez nous transmettre des demandes d'amendement, mais nous devons demander au député des instructions sur ce qu'il souhaite.
Il y a deux façons de faire ici. Certains députés pourront dire: assurons-nous que le privilège l'emporte sur la Loi sur les conflits d'intérêts. Un autre préconisera l'inverse. D'autres encore pourront vouloir conserver le privilège pour telle chose mais pas pour telle autre.
Nous sommes prêts à aller dans le sens souhaité par les députés. Nous sommes prêts à fournir des amendements aux membres du comité en fonction de ce qu'ils veulent de nous, y compris les simples députés — et même les simples députés du côté ministériel. Évidemment, nous ne préparons pas les amendements pour le gouvernement; il les prépare lui-même, et le secrétaire parlementaire, j'imagine, est celui qui va les déposer. Mais pour ce qui est des députés du côté ministériel, ainsi que ceux de l'opposition, il nous faut leurs instructions. C'est pourquoi j'ai demandé à mes avocats de m'accompagner pour recevoir leurs instructions pendant la pause ou à la fin de la soirée pour pouvoir nous y atteler sur-le-champ.
:
Merci, monsieur le président.
Tout cela est bien utile et fort intéressant mais bien complexe. Pour moi, il est bien simple de régler cette question du vote au scrutin secret. Il s'agit d'examiner les choses une à une et lorsque vous tombez sur une mention du commissaire aux conflits, vous corrigez la disposition; quand vous tombez sur le commissaire au lobbying, vous corrigez la disposition, simplement en éliminant la mention d'un vote secret. C'est aussi simple que cela.
J'ignore par quoi on remplacerait ce mécanisme mais ce qui compte c'est que les fonctionnaires du Parlement doivent être choisis, ou nommés, par le Parlement — vous-même l'avez dit — mais ne doivent pas être régis par une loi. Est-ce cela que vous préconisez: que le Parlement soit régi par le Règlement du Parlement mais que les mandataires du Parlement, eux, ne soient pas régis par les lois qui régissent les gouvernements?
:
Monsieur le président, les lois s'appliqueraient aux détenteurs de charge publique et les dispositions de la Chambre des communes régiraient les parlementaires. Ce pourrait être le même fonctionnaire qui se charge de faire enquête sur les conflits présumés touchant soit des parlementaires soit des détenteurs de charge publique, c'est-à-dire les ministres ou le secrétaire parlementaire.
Pour moi, le problème c'est qu'il s'agit d'une situation où l'on essaie au moyen d'une loi de traiter le cas des ministres et des secrétaires parlementaires lorsqu'ils agissent comme députés qui votent et qui participent aux débats. C'est comme l'huile et l'eau. Vous avez franchi la ligne de démarcation en appliquant une loi à ceux qui relèvent de la Chambre. Vous avez franchi les limites et créé des dispositions qui interdisent aux députés de voter ou de participer à des débats si cela les plaçait en situation de conflit. À la Chambre, le ministre ne se lève pas en sa qualité de ministre; il se lève en sa qualité de député et vote comme député. Le problème ici, c'est que si vous mettez cela dans une loi, il ne peut pas voter à la Chambre parce que, comme je l'ai dit, surgit ainsi une confusion quant à la nature du vote du ministre lorsqu'il vote comme député et qu'il y a allégation de conflit.
La question qui se pose est celle de la séparation des deux branches, comme nous le disons dans notre texte. Constitutionnellement et traditionnellement, la Chambre a la haute main sur ses députés et le premier ministre a la haute main sur ses ministres — et sur la fonction publique aussi, évidemment. L'amalgame crée de la confusion — des mécanismes et des rôles — et de la confusion sur le plan juridique. Je ne dis pas politiquement — politiquement, c'est très simple — mais sur le plan juridique constitutionnel, cela crée de la confusion et pourrait s'avérer problématique en vertu des mécanismes que cela pourrait enclencher si le député essayait de défendre sa position.
:
Je veux revenir aux correctifs. Je tiens à dire combien je suis outré que le ministre de la Justice se lève à la Chambre et cite votre document pour l'écarter du revers de la main en disant qu'on peut le changer si c'est anticonstitutionnel tout en refusant... Son secrétaire parlementaire est ici aujourd'hui et aurait pu le dire, mais ne l'a pas fait non plus. Vous, le gouvernement, auriez pu prouver qu'il avait un avis constitutionnel contraire à celui de M. Walsh. Nous n'avons pas cet avis et je crois que l'intention du gouvernement, à en juger par l'attitude cavalière tant du secrétaire parlementaire que du ministre de la Justice à la Chambre aujourd'hui, est de faire prévaloir cette loi sur les privilèges parlementaires.
Je vous renvoie à la page 12, au deuxième paragraphe de votre mémoire. Entendons-nous bien. Vous accepteriez qu'un député vous demande un amendement mais il faut ses instructions quant à ce qu'il souhaite. Vous dites que si nous voulons que les privilèges parlementaires — inchangés depuis 1868 — soient assujettis au code sur les conflits d'intérêts, vous avez dit quel amendement il faut; dans l'autre cas de figure, vous avez décrit l'autre amendement.
Il faut absolument que le comité ou un membre du comité en faveur d'assujettir les privilèges parlementaires à la nouvelle Loi sur les conflits d'intérêts — ce qui n'arrive pas souvent — en fasse la demande. Cela peut faire l'objet d'un débat en comité. Il faut que ce soit l'un ou l'autre. Tout à l'heure, dans votre réponse, vous avez dit que le scrutin pourrait rester secret; si c'est le cas, il faudrait modifier la Constitution. On ne parle plus de l'étude article par article d'une heure et demie. Modifier la Constitution — on n'y a pas réussi souvent au Canada mais on est prêt à le faire ici si l'on veut que le scrutin reste secret, c'est bien ça?
:
L'article 49 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige que toutes les questions soient tranchées à la majorité des voix. Certains penseront peut-être que ce n'est pas très important.
L'article 48 de la Loi constitutionnelle de 1867 exige qu'il y ait à la Chambre un quorum de 20 personnes avant d'entreprendre ses travaux. Chaque matin, si vous y êtes à la première heure, comme c'est le cas de beaucoup d'entre vous, j'en suis sûr, le Président attend qu'il y ait quorum. C'est parce que la Constitution l'exige. Il y a aussi un terme de cinq ans pour chaque législature. Aussi, les lois des finances ne peuvent être déposées d'abord au Sénat; elles doivent l'être à la Chambre. Cette règle est respectée et soyez certains que la Chambre y tient. Il y a aussi la recommandation royale. Mercredi passé, le président a rendu une décision ou fait une déclaration à la Chambre au sujet des recommandations royales et à deux reprises il a évoqué le respect de la Constitution. Le lendemain, le 1er juin, il est revenu sur la question à l'invitation d'un député qui s'était levé pour poser une question de privilège et a déclaré que la question pourrait être examinée en comité; le comité pourrait examiner la question et peut-être modifier les usages actuels concernant les propositions de loi, sous réserve de la Constitution.
Il est évident que lorsque vous avez quelque chose dans la Constitution qui s'applique directement à la Chambre, il faut prendre cela au sérieux. Comme mon document l'indique, la majorité des voix, c'est oui ou non. Quelqu'un m'a demandé ce qu'il en est du vote électronique? Dans le cas de vote électronique, vous votez toujours oui ou non et quand vous votez électroniquement, vous êtes assis là, monsieur Murphy, dans votre fauteuil, et vous appuyez sur un bouton et votre vote s'affiche électroniquement, et c'est très bien, c'est une façon d'enregistrer votre vote. Ou vous vous levez à la Chambre et faites consigner votre vote. Mais si vous employez un bulletin, personne ne sait comment vous avez voté. Ce n'est pas seulement que l'on aime entendre le son de votre voix quand vous dites oui ou non, ce qui importe c'est que la population a le droit de savoir comment vote son représentant. Le scrutin secret va à l'encontre de cela. J'imagine que c'est le raisonnement suivi avec l'article 49. Il existe une tradition de longue date qui veut que les votes se fassent par oui ou par non et s'ils se font par appel nominal, vous vous levez à votre place pour montrer comment vous votez. Le deuxième vote par appel nominal, ce n'est pas le vote. Le vote a eu lieu auparavant et les députés se lèvent pour le confirmer.
:
Monsieur Walsh, je ne vais pas poser de questions, mais je vais faire un commentaire. Si vous voulez réagir, vous réagirez.
Tout d'abord, je voudrais me dissocier de certains membres du comité et m'excuser du manque de respect manifesté à votre égard et à l'égard de la Constitution.
Je peux comprendre qu'un député, par manque d'expérience, demande qui a commandé le document, exige que le fonctionnaire vienne nous voir sous prétexte qu'il est payé pour venir nous voir, etc. On peut passer l'éponge là-dessus, cela va. Par contre, qu'un secrétaire parlementaire dise à peu près ceci : « Envoie-moi tes 15 amendements, le grand, on va regarder cela en une heure et les jeter à la toilette » m'apparaît inexcusable et inacceptable. Je trouve qu'il s'agit d'un manque flagrant de politesse élémentaire. Je voudrais donc m'en dissocier, parce que je fais malheureusement partie de ce comité même lorsque des propos comme ceux-là sont tenus.
D'autre part, je n'ai jamais dit que votre document parlait de crise constitutionnelle. J'ai simplement dit que votre document faisait référence à la Constitution. Malheureusement, lorsqu'on veut faire une étude rigoureuse du projet de loi C-2 — il a été rédigé en six semaines et on nous demande de l'adopter en trois semaines —, on nous accuse de partisanerie. À ma connaissance, vous n'êtes membre d'aucun parti politique; vous êtes l'avocat des députés et de la Chambre, et leur protecteur. On nous accuse, vous — qui avez tiré la sonnette d'alarme — et moi — qui veux faire mon travail avec rigueur — d'être coupables de partisanerie et d'obstruction. Je n'ai jamais rien vu de tel en 13 ans et je trouve cela inconcevable.
J'aimerais citer un extrait de votre document qui se trouve à la page 5. On peut y lire ceci :
Le projet de loi C-2 fait abstraction de l'essentielle séparation constitutionnelle des pouvoirs qui confère à la Chambre des communes le pouvoir exclusif de discipliner ses députés et au gouvernement le pouvoir de discipliner les titulaires de charge publique (ministres et secrétaires parlementaires).
Ce n'est qu'une des citations qui prouvent tout l'intérêt et tout le sérieux qu'on doit porter à votre document, qui est fort pertinent, et toute l'attention qu'on doit accorder au projet de loi C-2. De plus, comme M. Murphy le faisait remarquer un peu plus tôt, il est possible que l'intention soit de ne plus respecter la Constitution et les droits constitutionnels acquis depuis 1867. Si on veut prendre une voie plutôt qu'une autre, il faudrait le faire franchement. Ce n'est pas ce que l'on fait dans ce cas.
Je veux vous remercier d'avoir produit ce document. Je vous remercie d'avoir tiré la sonnette d'alarme. Je m'excuse des propos irrévérencieux et irrespectueux qui ont été tenus ici à votre égard. J'ose espérer que vous serez entendu. Malheureusement, la volonté d'utiliser une procédure accélérée pour adopter le projet de loi est toujours présente, et cela, pour de petites raisons politiques, comme de faire payer les libéraux pour leurs mauvais coups antérieurs. Je crois que si on agit si vite, tous les parlementaires, tous les fonctionnaires et toute la population vont payer pour ces petits jeux politiques.
C'était mon commentaire. Il me fera plaisir que vous y réagissiez, mais si vous ne le faites pas, je comprendrai.
:
Monsieur Walsh, quand vous vous réunirez avec vos rédacteurs, je vous demanderais de préparer un amendement au projet de loi C-2 qui dise clairement que le comité ne souhaite pas que la Loi sur les conflits d'intérêts ait préséance sur la position constitutionnelle de longue date et les privilèges parlementaires de la Chambre et de ses députés. Au moyen de l'amendement, une disposition devrait être incorporée à la Loi sur les conflits d'intérêts pour l'indiquer très clairement.
Je pense quant à moi que la Chambre et ses députés, par l'intermédiaire du comité, devraient y réfléchir à deux fois avant d'assujettir nos privilèges et la position traditionnelle de la Chambre et de ses députés à une loi, quelle qu'elle soit.
Maintenant qu'il est conscient des conséquences du projet de loi C-2 sous sa forme actuelle, j'espère que le gouvernement, s'il souhaite quand même aller de l'avant, préparera un argumentaire convaincant et tiendra un débat sur la question avant d'aller jusqu'au bout. J'espère aussi que tous les membres du comité, avant de voter pour ou contre un amendement à la Loi sur les conflits d'intérêts... qui déclarerait clairement qu'elle n'a pas préséance sur la position constitutionnelle et les privilèges parlementaires de la Chambre et de ses membres...
Merci.
:
Voici ma deuxième question. Je vais la poser en comité, car nos bureaux ne sont pas très près l'un de l'autre.
M. Joe Wild du ministère de la Justice, qui comparaît régulièrement à notre comité, nous a dit qu'il allait nous donner des conseils juridiques. Par votre entremise, je lui demande de donner au comité les conseils juridiques du ministère de la Justice à propos de ce projet de loi — ou plutôt sur le mémoire —, puisque lors de son témoignage, il nous a dit qu'il avait été impliqué dès le début dans ce dossier.
J'aimerais donc obtenir des conseils juridiques et qu'on les transmette, par votre entremise, aux membres du comité. Je vous remercie beaucoup.
:
Pour faire avancer un peu les choses, j'espère que les députés ministériels ici présents voudront se débarrasser des dispositions sur le vote au scrutin secret, ce qui nous ferait sortir de cette impasse constitutionnelle.
Deuxièmement, j'espère qu'ils choisiront de conserver les privilèges parlementaires, ce qui signifie, d'après votre deuxième suggestion, que notre comité pourrait proposer un amendement à la Loi proposée sur les conflits d'intérêts.
Ce que je vous demande, à titre de conseiller juridique du Parlement, c'est de nous dire comment cela fonctionnerait. Cela existe à d'autres niveaux juridiques, par exemple dans le cas de certains offices, agences, commissions, sociétés du Barreau, etc., qui confèrent certains droits, lesquels sont toutefois subordonnés aux droits énoncés dans la Charte des droits, par exemple.
Ai-je raison de dire que la Loi proposée sur les conflits d'intérêts subordonnée aux privilèges des députés serait encore en vigueur pour les titulaires de charge publique, mais que le titulaire de charge publique, à supposer qu'il soit attaqué ou qu'il sente le besoin de recourir aux privilèges parlementaires séculaires, pourrait invoquer ces privilèges?
Est-ce bien cela?
:
Je m'inquiète de certains commentaires qui ont été faits tout à l'heure, à savoir que, comme il n'y a pas eu beaucoup de problèmes en application de l'article 463, il n'y a donc aucune raison de s'inquiéter. C'est vrai, mais c'est un peu court. D'aucuns diront que j'exagère, mais j'invite les membres du comité à réfléchir à ce que serait leur réaction à ce projet de loi, et je vais donner un exemple hypothétique, parce que je ne veux pas me lancer dans un débat sur ce projet de loi. Si le projet de loi comportait une disposition stipulant qu'aucun député ne peut présenter un projet de loi émanant des députés sans avoir d'abord obtenu confirmation du directeur parlementaire du budget que le projet de loi en question n'entraînerait pas de dépenses de deniers publics, je peux vous assurer que cela torpillerait un certain nombre de projets de loi émanant des députés. Cela donnerait à un fonctionnaire la possibilité d'empêcher un député au Parlement de présenter un projet de loi émanant des députés et d'obtenir qu'on en discute à la Chambre.
On pourrait dire que c'est l'un des droits et privilèges sacro-saints d'un député au Parlement de proposer à la Chambre un sujet qu'il estime digne de la considération de la Chambre. Une telle disposition donnerait à un fonctionnaire la capacité de dire : « Vous n'irez nulle part avec cela; ce projet de loi ne sera pas présenté à la Chambre ». Il me semble que les simples députés devraient s'en inquiéter.
D'autre part, supposons que des amendements soient apportés à ce projet de loi, dans l'intérêt de la reddition de comptes, des conflits d'intérêts et de la transparence, de manière à exiger que 24 heures avant le début d'une réunion du Cabinet, l'ordre du jour des questions qui vont faire l'objet de discussions à cette séance du Cabinet doit être affiché sur le site Web du gouvernement du Canada et que, 24 heures après la réunion du Cabinet, cet ordre du jour soit modifié pour indiquer si des points additionnels ont été discutés au cours de cette réunion du Cabinet. Il faudrait aussi préciser qui a participé à la réunion, qui était absent, pour que l'on puisse transmettre l'information au commissaire à l'éthique au sujet d'un possible conflit d'intérêts. Vous comprendrez que je me prononcerais catégoriquement contre pareille suggestion qui serait contraire à la convention constitutionnelle quant au caractère confidentiel des discussions du Cabinet. Mais vous pouvez voir que c'est un terrain glissant, quand on commence à mettre de côté des principes bien établis respectant l'autonomie et l'indépendance de la branche exécutive et de la branche législative. Ce sont peut-être des principes mineurs, bien qu'on puisse soutenir qu'ils ont quand même plus d'importance que celui voulant que l'on ne peut pas siéger si l'on ne dépose pas un formulaire auprès du directeur des élections. Tout cela n'est peut-être pas tellement dramatique aujourd'hui, bien que ce le soit dans certains cas, à mon avis, mais cela pourrait devenir plus dramatique ultérieurement.
Les exemples que je vous ai donnés sont des exemples de suggestions fort sérieuses et j'espère que le gouvernement se prononcera contre toute tentative d'amendement du genre de celui que j'ai présenté au sujet du Cabinet. J'espère que personne n'aura l'idée de limiter le droit d'un député de présenter des projets de loi d'initiative parlementaire en assujettissant ce droit à l'opinion d'un fonctionnaire non élu.
Je voudrais aussi faire remarquer, à titre d'information — l'affaire a été soulevée aujourd'hui encore à la Chambre et elle l'a peut-être déjà été auparavant — que le ministre de la Justice, aux termes de la Loi sur le ministère de la Justice, est tenu d'examiner tous les projets de loi pour en vérifier la constitutionnalité avant qu'ils soient présentés à la Chambre. J'ai été étonné d'entendre dire cela et je suis donc allé vérifier la loi. Maintenant, il peut m'arriver d'ouvrir le mauvais texte de loi, mais j'ai vérifié dans la loi et ce qui est exigé, c'est que le ministre de la Justice vérifie à sa satisfaction qu'un projet de loi que le gouvernement va proposer n'est pas incompatible avec les dispositions et l'objet de la Charte des droits et libertés, qui ne constitue qu'une partie de la Constitution du Canada. Je ne trouve nulle part dans la loi une obligation quelconque de la part du ministre de s'assurer que la loi remplit toutes les exigences constitutionnelles.
Le ministre l'a peut-être fait dans le cas qui nous occupe, je l'ignore. Ce n'est pas mon affaire. J'ai pensé que je devais apporter une rectification à ce que l'on a dit, à savoir que vous ne seriez pas saisis du projet de loi si, dans l'esprit du ministre, il présentait le moindre problème constitutionnel. On peut bien accepter qu'il n'y a pas dans l'esprit du ministre de problèmes mettant en cause la Charte, mais aux termes de l'article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice, l'obligation se limite à cela.
En terminant, je voudrais dire, monsieur le président, que j'ai eu beaucoup de peine à déterminer ce que je devrais ou ne devrais pas faire dans les circonstances. Je me suis senti obligé de faire quelque chose parce que j'avais le sentiment que si rien n'était fait, il pourrait arriver que des dispositions regrettables soient inscrites dans la loi, le genre de dispositions que mon bureau passe son temps à contester devant les tribunaux pour en libérer la Chambre. J'ai donc mûrement réfléchi à cette question. Je n'ai pas été invité à témoigner devant le comité et je ne trouvais pas convenable pour moi de faire irruption dans une séance du comité en disant : un instant, écoutez ce que j'ai à dire.
Vous ne le savez peut-être pas, mais l'article 13 du Règlement traite de la question des privilèges de la Chambre et de la possibilité qu'une mesure dont la Chambre est saisie puisse enfreindre ces privilèges. Le Règlement oblige le Président de la Chambre, dès lors qu'il est d'avis qu'une motion présentée est contraire aux règles, aux privilèges du Parlement, de le faire savoir à la Chambre. J'ai donc décidé, dans l'esprit de l'article 13 du Règlement, de faire un rapport et de le remettre au Président de la Chambre et c'est ce que j'ai fait. Le Président m'a alors autorisé à présenter ce rapport au comité et c'est ce que j'ai fait le 31 mai. Je me démenais comme un beau diable pour ne pas me laisser distancer par le comité, dont les travaux avançaient assez rapidement, mais heureusement, je suis arrivé à temps.
L'autorisation du président de la Chambre ne doit pas être interprétée comme une approbation de la teneur de ce rapport. Je n'ai eu aucun commentaire du président de la Chambre sur ce rapport. Il est peut-être d'accord avec certains éléments du rapport et peut-être en désaccord avec d'autres. Mais je suis venu ici avec l'autorisation du président dans l'esprit de l'article 13 du Règlement.
Quand je me suis rendu compte que j'allais peut-être faire cette intervention, il y a quelques semaines, j'en ai parlé à M. Gibson, votre adjoint exécutif, en votre nom, pour l'aviser que j'allais faire cela et que je ne savais si cela déboucherait sur un rapport présenté au comité; par la suite, il s'est trouvé que ce fut le cas. Je présente mes excuses au comité, dans la mesure où le rapport est arrivé et a pris rudement par surprise certains membres du comité qui étaient mis en face d'un rapport qu'ils n'avaient pas demandé, pour ainsi dire. Mais j'estime sincèrement que, à titre de légiste de la Chambre des communes, des comités de la Chambre et des députés, j'avais le devoir de faire cela, en tant qu'avocat possédant maintenant plus de 30 ans dans ce domaine. Quand on constate qu'il se passe quelque chose qui pourrait nuire aux intérêts de son client, on ne reste pas les bras croisés; il faut intervenir et dire au client ce qui s'en vient. C'est ce que j'ai fait.
Je ne m'attends pas ce que le comité adopte une conduite particulière. Le comité peu décider de son propre chef ce qu'il juge approprié et il serait tout à fait dans sa prérogative à titre de comité de la Chambre de le faire. Mais j'estimais qu'il était de mon devoir de transmettre au comité ce que je lui ai transmis. J'espère que les membres du comité trouveront cela utile, et je ne voulais certainement pas m'ingérer dans les délibérations du comité ni y faire obstacle ou donner nullement l'impression d'une manière ou d'une autre d'avoir outre-passé mes responsabilités à titre de légiste. J'espère que, dans l'esprit des membres du comité, ce n'est pas ce que j'ai fait.
Merci, monsieur le président.
:
Merci, monsieur Walsh et monsieur Denis. Nous n'en n'avons pas pris ombrage. Si je peux m'exprimer au nom du comité, je pense que les membres du comité apprécient le travail que vous avez fait, et nous avons bien apprécié votre rapport.
Nous avons un dernier point à l'ordre du jour ce soir.
Monsieur Walsh, comme vous le savez, s'il doit y avoir des amendements, j'ai l'impression que certains membres du comité voudront peut-être vous pressentir, vous-même et vos collaborateurs. Je vous demande donc d'être indulgent, vous et vos collaborateurs, et vous prie de rester jusqu'à la fin de la séance et peut-être même après la fin de la séance, au cas où des membres du comité voudraient vous demander conseil — peut-être.
:
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Je propose que le comité, par l'entremise de son président, demande au ministre de la Justice et procureur général du Canada de comparaître devant le comité le mardi 6 juin, de 15 h 30 à 17 h 30.
À la lumière du témoignage de M. Walsh et du mémoire qu'il a déposé sur la question de savoir si la Loi sur les conflits d'intérêts aurait préséance sur le privilège parlementaire et les assises constitutionnelles de la Chambre, ou si nous serions assujettis à la Loi sur les conflits d'intérêts, et étant donné que le ministre de la Justice a la responsabilité de s'assurer que tout projet de loi du gouvernement soit conforme à la Charte des droits et libertés, je crois que le ministre doit venir témoigner devant le comité et nous parler de cette question.
C'est une demande très simple et je m'attends à ce que le ministre soit tout à fait disposé à le faire.