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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 8 février 2005




Á 1110
V         Le président (l'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.))
V         Mme Judith Maxwell (présidente, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques)

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         Mme Jodi White (présidente, Forum des politiques publiques)

Á 1125
V         Le président
V         M. Leslie Seidle (chercheur principal associé, Institut de recherche en politiques publiques)

Á 1130

Á 1135
V         Le président
V         Mme Anne Dale (professeure, Faculté des sciences, de la technologie et de l'environnement, Royal Roads University)

Á 1140

Á 1145
V         Le président
V         M. Dale Johnston (Wetaskiwin, PCC)
V         Le président
V         M. Scott Reid (Lanark—Frontenac—Lennox and Addington, PCC)

Á 1150
V         Le président
V         M. Leslie Seidle

Á 1155
V         Le président
V         L'hon. Judi Longfield (Whitby—Oshawa, Lib.)
V         Le président
V         Mme Anne Dale
V         Le président
V         M. Leslie Seidle
V         Le président
V         Mme Judith Maxwell

 1200
V         Le président
V         Mme Pauline Picard (Drummond, BQ)
V         Mme Jodi White
V         Le président
V         Mme Pauline Picard
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.)

 1205
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin
V         Le président
V         Mme Anne Dale
V         Le président
V         Mme Mary Pat MacKinnon (directrice, Réseau de participation publique, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques)
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD)

 1210
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent
V         Le président
V         Mme Jodi White
V         M. Leslie Seidle
V         Mme Jodi White
V         M. Leslie Seidle
V         Le président
V         Mme Judith Maxwell
V         Mme Anne Dale
V         Le président
V         M. Dale Johnston

 1215
V         Le président
V         M. Dale Johnston
V         Le président
V         M. Leslie Seidle
V         Le président
V         Mme Anne Dale
V         Le président
V         Mme Anne Dale
V         Le président
V         Mme Judith Maxwell
V         Le président
V         M. Dale Johnston
V         Le président
V         Mme Judith Maxwell
V         M. Leslie Seidle
V         Le président
V         Mme Anne Dale
V         Le président
V         Mme Jodi White
V         Le président
V         M. Mario Silva (Davenport, Lib.)

 1220
V         Le président
V         M. Mario Silva
V         Le président
V         Mme Judith Maxwell
V         Le président
V         M. Leslie Seidle
V         Le président
V         Mme Anne Dale
V         Le président
V         L'hon. Rob Nicholson (Niagara Falls, PCC)
V         Mme Jodi White

 1225
V         L'hon. Rob Nicholson
V         Mme Jodi White
V         Le président
V         M. Leslie Seidle
V         Le président
V         L'hon. Ed Broadbent

 1230
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 019 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 8 février 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

Á  +(1110)  

[Traduction]

+

    Le président (l'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.)): La séance est ouverte.

    Collègues, je vous rappelle que ceci est une séance télévisée.

    Notre mandat, vous vous en souviendrez, est le suivant:

[Français]

    L'ordre de renvoi de la Chambre des communes qui est devant nous et sur lequel porteront nos délibérations se lit comme suit:

Du consentement unanime, il est ordonné,— Que, conformément à l'Adresse en réponse au discours du Trône, la Chambre charge le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de recommander un processus qui engage les citoyens et les parlementaires dans une étude de notre système électoral en procédant à un examen de toutes les options.

    Nous avons ce matin des témoins qui seront avec nous jusqu'à 12 h 30. À compter de 12 h 30, je suggère fortement que nous tenions une réunion de planification de nos travaux futurs. Si c'est le choix du comité, nous adopterons également un rapport sur les audiences que nous avons eues la semaine dernière avec le greffier de la Chambre des communes. Nous aurons donc des témoins jusqu'à 12 h 30, après quoi nous procéderons comme je l'ai mentionné. Bien sûr, à 12 h 30, nous pourrons aussi discuter des prochains témoins que nous voulons recevoir lors des réunions subséquentes.

[Traduction]

    Je veux maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins qui se joignent à nous pour la matinée. Il s'agit de Mme Judith Maxwell, présidente, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, accompagnée de Mary Pat MacKinnon, la directrice. Soyez les bienvenues.

[Français]

    Nous accueillons aussi, du Forum des politiques publiques, Mme Jodi White, et, de l'Institut de recherche en politiques publiques, M. Leslie Seidle, chercheur principal associé. Soyez les bienvenus.

    Je croyais que nous avions aussi un autre témoin. La voici, il s'agit de la professeure Mme Anne Dale, de la Faculté des sciences, de la technologie et de l'environnement de la Royal Roads University.

    Comme il s'agit d'un panel de plusieurs personnes, nous vous demandons, dans le cas où il y a deux représentants d'un même organisme, de faire une brève déclaration de quelques minutes, si vous choisissez d'en faire une, bien sûr. Après quoi, les collègues auront plusieurs questions à vous poser.

[Traduction]

    Cela dit, qui voudrait commencer? Si nous suivons l'ordre de ma liste, vous semblez être la première, madame Maxwell.

    Prenez peut-être cinq minutes, au maximum, afin de laisser du temps pour des questions, si vous le voulez bien.

    Madame Maxwell.

+-

    Mme Judith Maxwell (présidente, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques): Merci, monsieur le président.

    Je suis très heureuse de cette invitation à comparaître avec Mary Pat MacKinnon afin de discuter avec les membres du comité des considérations qui peuvent présider au choix d'un mécanisme pour débattre avec les Canadiens de la réforme électorale.

    J'aimerais vous dire quelques mots de l'expérience des RCRPP accumulée ces dernières années sur le plan du dialogue avec les citoyens. Du haut de cette expérience, je formulerai quelques recommandations au comité et proposerai quelques critères qui pourraient être énoncés afin de jauger les perspectives de réussite du mécanisme que vous choisirez.

    Je vous fais donc part très brièvement de notre expérience. Nous avons maintenant conduit quatre dialogues avec des citoyens, soit des échantillons représentatifs de Canadiens âgés de 18 ans et plus. Trois de ces dialogues étaient à l'échelle nationale et un au niveau régional. Celui que vous connaissez peut-être le mieux était le dialogue avec les citoyens sur l'avenir du système de santé au Canada, pour la commission Romanow. Nous planifions actuellement un dialogue avec des jeunes Canadiens âgés de 18 à 25 ans afin d'explorer avec eux les obstacles qu'ils perçoivent à l'expression de leur pleine citoyenneté, notamment leurs droits et leur capacité ou disposition à voter.

    Les citoyens avec lesquels nous avons travaillé étaient choisis au hasard. Nous envoyons des invitations à participer à une discussion d'une journée sur un enjeu donné, et nous avons fait le constat que ceux qui acceptent le font partiellement par sens du devoir et partiellement par curiosité. Ils apprennent beaucoup pendant cette journée de débat et ils en sortent ravis car ils se sentent valorisés, et les études de suivi montrent qu'après cette expérience ils s'engagent davantage dans leur collectivité.

    L'importance du dialogue avec les citoyens, c'est que leurs opinons complètent les avis des experts et parties prenantes. Le plus souvent, les comités parlementaires entendent les experts et parties intéressées, ceux qui ont beaucoup à dire sur les aspects techniques et pratiques d'un enjeu. L'apport des citoyens est très différent. Vous pouvez cerner chez eux où se situent leurs valeurs fondamentales et comment ils établissent leurs priorités. Ils vous diront très clairement quels compromis ils sont prêts à faire et lesquels ils rejettent. Ils peuvent vous dire également très clairement quelles conditions ils imposeraient si certaines options étaient retenues.

    Si vous considérez selon une perspective large l'effet ultime de l'habilitation et de l'engagement qui s'ensuivent, vous verrez que la participation des citoyens conduit à une plus grande confiance envers le processus politique et représente évidemment une occasion d'améliorer les connaissances civiques. Or, ce sont là deux piliers d'une démocratie saine.

    Permettez-moi maintenant de formuler quelques recommandations, de manière très concise afin de ne pas accaparer trop de votre temps, mais je me ferais un plaisir de vous donner de plus amples détails si vous le souhaitez. Premièrement, il y a le travail effectué ces dernières années par les provinces et la Commission de réforme du droit, qui ont accumulé un ensemble très utile de connaissances expertes et démontré à quel point les Canadiens sont désireux de participer à ces discussions. La première recommandation consiste donc à prendre ce travail comme point de départ.

    Notre deuxième recommandation est qu'il est certes important d'amener les citoyens à débattre entre eux mais que, ensuite, vous trouverez très précieux de créer aussi des occasions où ils puissent dialoguer directement avec les parlementaires. Nous vous préconisons de le faire au moyen d'une sélection aléatoire tant des citoyens que des parlementaires.

    Troisièmement, vous devriez considérer tout mécanisme que vous retiendrez comme une occasion d'améliorer la litératie civique, non seulement chez les citoyens qui participent mais aussi chez d'autres qui pourront devenir impliqués par suite de ce travail. Vous pouvez prendre les résultats des dialogues formellement structurés et les transposer dans d'autres mécanismes de participation tels que des dialogues électroniques, des cercles d'études, des forums de discussion, ce genre de choses. Des millions de Canadiens pourront faire entendre leur voix si vous utilisez un cadre issu des réflexions du premier groupe de citoyens choisis au hasard.

Á  +-(1115)  

    La quatrième recommandation est de prévoir, au moment de planifier le processus, le fait que les citoyens vont inévitablement vouloir élargir le débat. Comme nous le savons tous, le déficit démocratique ne se limite pas au mode de scrutin et les Canadiens auront en tête tous ces autres enjeux pendant les discussions. Nous savons, d'après les dialogues que nous avons organisé jusqu'à présent, qu'ils veulent presque toujours adopter une perspective globale. Ils voient tous les problèmes périphériques et veulent parler des principaux déterminants. Ils pourront donc très bien vouloir discuter d'aspects tels que les façons d'asseoir la confiance dans les élus et les institutions publiques, l'ouverture du processus des comités et les moyens de dialoguer avec les députés sur le programme politique.

    De toute évidence, à titre de complément de la participation des citoyens, vous devrez d'emblée inviter les médias afin qu'ils deviennent un élément du processus d'instruction civique. L'expérience à l'étranger montre que les médias peuvent être un partenaire important dans ce genre de choses.

    Je prendrai simplement quelques minutes pour mettre en lumière les critères—ils sont au nombre de cinq—qui, s'ils sont remplis, vous donneront une très forte probabilité de réussite du dialogue. Premièrement, il faut démarrer avec une information préalable claire et objective dispensée aux citoyens avant la discussion.

    Deuxièmement, il faut veiller à ce que tout le processus soit hautement objectif, conduit par des animateurs professionnels et en prévoyant suffisamment de temps. Si vous ne leur accordez qu'une heure ou deux, vous n'aurez pas un débat d'aussi grande qualité et aussi approfondi que si vous accordiez plus de temps.

    Troisièmement, il importe de conduire tout le processus avec un haut degré de transparence et de responsabilité. Cela suppose entre autres une communication rapide des résultats, c'est-à-dire de ce que les participants ont dit, d'une manière équilibrée.

    Quatrièmement, tout le processus de dialogue avec les citoyens doit viser à trouver des points de convergence. Il faut reconnaître et signaler les divergences, mais si l'on veut que les gens puissent avancer et formuler un jugement sur les enjeux que vous leur soumettez, ils doivent d'abord cerner les points de divergence afin de pouvoir ensuite les surmonter et trouver des terrains d'entente.

    Le cinquième critère est que ces dialogues doivent devenir un contrat social entre le gouvernement et les citoyens. Si vous demandez aux citoyens de consacrer leur temps et leur énergie à débattre d'enjeux en privilégiant l'intérêt public, alors les pouvoirs publics doivent s'engager en retour à une écoute objective et à une rétroaction très claire.

    Pour terminer, monsieur le président, nous considérons la réforme électorale comme une façon de démontrer aux citoyens que leur vote a un sens. Mais nous n'avons vu encore nulle preuve d'une augmentation soutenue de la participation aux élections. Si l'on veut créer le genre d'engagement qui amènera davantage de gens aux urnes, le Canada devra établir une relation entre les citoyens et les parlementaires qui se poursuive entre les élections.

    Je me ferais un plaisir de répondre à vos questions et je suis impatiente d'entendre ce que mes collègues auront à dire.

    Merci.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame Maxwell.

    La prochaine intervenante sera Mme Jodi White, du Forum des politiques publiques.

+-

    Mme Jodi White (présidente, Forum des politiques publiques): Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'ai pensé qu'il serait bon que je commence par situer pour vous le Forum des politiques publiques. Nous sommes une organisation de la base, neutre, non partisane vouée à la poursuite de l'excellence de l'administration publique. Nos membres appartiennent aux secteurs privé, public et sans but lucratif que nous cherchons à rassembler pour discuter de politiques publiques, améliorer la compréhension des enjeux et tenter réellement de remédier à ce que nous considérons être l'isolement d'Ottawa, lequel cause toutes sortes de problèmes.

    Dans mon exposé, j'aimerais mettre en lumière cinq points, qui constituent en fait des conseils, portant sur les règles fondamentales ou principes de travail que vous devriez prendre en compte aux fins du processus que vous cherchez à mettre en place.

    Je commencerais par dire qu'il faut réellement consacrer du temps à poser un diagnostic. Avant de commencer à planifier des solutions, il faut s'assurer d'avoir bien défini le problème que l'on cherche à régler. Je sais que cela semble une évidence, mais il faut véritablement savoir ce que l'on cherche à réparer. Il ne s'agit pas de confondre les symptômes avec la maladie, des choses comme la baisse de la participation électorale, le cynisme croissant et la prolifération des petits partis. Je pense que ce ne sont là que des symptômes, et non pas de problèmes, et non pas la source du mal, et je vous encourage réellement à essayer de définir les problèmes avant de commencer à traiter les symptômes.

    Deuxièmement, pour ce qui est de la portée du processus, je pense qu'il faut interpréter le système électoral au sens large et ne pas se limiter à la représentation proportionnelle. Je ne prétends pas que c'est ce que vous faites, mais je sais que certains sautent très vite à cette notion dès lors que la discussion est ouverte. Je pense que votre comité dans le passé a toujours adopté une optique large et je vous encourage à persévérer dans cette voie.

    Je dis également qu'il ne faut pas écarter le statu quo. Il est bon de consacrer quelque temps à rappeler la raison d'être du système actuel et en quoi il répond à ce que nous souhaitons. Précisons donc ce que nous cherchons à préserver avant de commencer à tout bouleverser.

    Troisièmement, il faut veiller à placer cet exercice dans le contexte plus large du renouveau démocratique—et Judy a fait état de cela également. On ne va pas résoudre la crise apparente de confiance en bricolant le système électoral. Ce peut être une merveilleuse occasion d'ouvrir avec la population un dialogue sur la litératie civique—et Judy a elle aussi utilisé cette expression. Je pense que le public est intéressé à débattre de toutes sortes de choses. Comme je l'ai dit, il faut considérer ceci comme une occasion de lancer cette large discussion.

    Dans le contexte plus général, il s'agit de poser quelques principes et valeurs fondamentaux—et c'est précisément ce qui a été fait dans d'autres pays qui se sont penchés sur ce problème. Ils ont esquissé quelques principes tels que justice, représentation démographique, accessibilité, ce genre de notion. Je pense qu'il est important que nous fassions de même. Nous connaissons tous les effets corrosifs du cynisme. Je pense qu'il faut s'efforcer, et je vous y incite, à faire de cet exercice un instrument positif de communication avec le peuple.

    Quatrièmement, prenez le temps de réfléchir aux questions auxquelles nous avons besoin de répondre. Organisez les consultations autour de ces questions. Je pense que l'on pourrait tirer beaucoup de leçons utiles de ce que les provinces ont fait ces dernières années; les provinces ont en effet entrepris un certain nombre d'expériences différentes et très intéressantes.

    Pour ce qui est des citoyens, je vous recommande de ne pas pousser trop vite à examiner des modèles de remplacement, et de commencer plus tôt à les engager dans un processus de délibération sur les valeurs et les principes.

    Pour ce qui est des spécialistes, nous savons tous que beaucoup de bon travail a déjà été fait à ce niveau dont on peut s'inspirer.

    Je pense qu'il faut planifier un rôle pour les parlementaires, peut-être comme animateurs du processus de consultation dans leur circonscription. Mais je vous met en garde contre une politisation de ce processus. Si c'était le cas, cela ne ferait que renforcer le cynisme et dégoûter les citoyens; ils ne verraient les politiciens que comme défenseurs de leurs intérêts propres, ce qui ne serait bon pour personne. Il s'agit donc d'envisager toute une série de moyens de consultation, forums de discussion, réunions publiques ou en ligne, dialogues délibératifs et tables rondes d'experts au cours de toutes les phases du programme que vous dresserez.

    Enfin, il faudra veiller à savoir comment utiliser l'information et les idées que vous allez recevoir. Encore une fois, les consultations ne font que renforcer le cynisme si elles sont utilisées à mauvais escient ou de façon malhonnête.

Á  +-(1125)  

    La meilleure façon d'assurer les résultats maximaux sera de décider par avance comment utiliser le produit de la réflexion lors de la prochaine phase. Il est dans l'intérêt de tous de gérer les attentes et vous pouvez le faire en établissant des paramètres clairs quant aux enjeux qui seront couverts dans le champ de votre travail.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame White.

[Français]

    Le prochain panéliste que nous entendrons ce matin est monsieur Leslie Seidle, chercheur principal associé de l'Institut de recherche en politiques publiques.

+-

    M. Leslie Seidle (chercheur principal associé, Institut de recherche en politiques publiques): Merci, monsieur le président.

    J'aimerais d'abord vous remercier d'avoir invité notre président, Hugh Segal, à comparaître devant le comité. Malheureusement, il est à l'étranger cette semaine. Je suis donc heureux de représenter l'institut à cette occasion.

    L'institut a été fondé en 1972 et à un intérêt de longue date pour la gouvernance et le fédéralisme.

    Nous avons actuellement un programme sur le renforcement de la démocratie canadienne qui a été lancé en 1999. Dans le cadre de ce programme, nous tenons compte de ce que Mme White vient de dire, c'est-à-dire que la réforme électorale, si nous y arrivons, n'est pas une panacée. Le manque de légitimité ou de crédibilité des institutions politiques est beaucoup plus large. On doit se pencher sur une gamme de questions telles que le financement politique, l'inscription des électeurs, la réforme parlementaire, le rôle des médias et autres. Dans le contexte de notre programme, nous avons examiné toutes ces questions et nous avons publié plusieurs documents. La semaine prochaine, le 15 février--et je crois bien que tous les députés ont reçu une invitation--, nous allons lancer un livre intitulé Strengthening Canadian Democracy, dans lequel nous avons colligé la plupart de ces textes.

[Traduction]

    J'aimerais traiter d'abord des objectifs. Mes deux collègues ont parlé des objectifs d'un mécanisme de révision du système électoral, et pour ma part j'en énoncerai quatre. Vous verrez cela dans les notes que j'ai distribuées.

    Le premier consiste à promouvoir la participation des citoyens, et nous avons un certain nombre d'expériences dont nous pouvons nous inspirer sur ce plan. Les connaissances expertes d'organisations comme les RCRPP sont très importantes, tout comme celles du Forum des politiques publiques. Deuxièmement, il s'agit d'assurer l'ouverture et l'accessibilité. Troisièmement, il faut tirer parti de l'expérience et de l'expertise déjà existantes et, enfin, et ce n'est pas le moindre impératif, il faut prévoir un rôle pour les parlementaires.

    Une considération primordiale dans tout cela, c'est que la crédibilité du processus déterminera la légitimité du résultat—le résultat en l'occurrence, étant une modification du système électoral, si c'est cela la décision qui sera prise.

    J'aimerais aujourd'hui, pour centrer notre discussion, esquisser pour vous trois modèles et analyser chacun, bien que pas de façon totalement systématique, à la lumière de ces quatre objectifs. Les trois modèles sont une assemblée de citoyens, une commission ou groupe de travail et un comité parlementaire spécial.

    Tout le monde ici a entendu parler de la British Columbia Citizens' Assembly. Eh bien, ce n'est pas là quelque chose d'entièrement original, c'est une variante de ce que l'on appelle une assemblée constituante, c'est-à-dire une assemblée relativement nombreuse, habituellement choisie de manière à être représentative de la population et qui délibère en vue d'arriver à une décision ou à une série de décisions. Il s'agit donc d'un organe délibérant plutôt que simplement consultatif.

    La Colombie-Britannique a formé une assemblée de 160 membres, président compris, soit une femme et un homme par circonscription. La sélection a été faite initialement au hasard, et je pourrais vous expliquer la méthode plus en détail, mais je sais que vous allez rencontrer Jack Blaney ou Ken Carty dans quelques temps. C'était un processus très intense. Les membres ont passé 12 semaines ensemble, si vous englobez la phase d'apprentissage qui a démarré il y a un an environ et la phase de délibération qui s'est déroulée cet automne. Cela n'englobe pas le temps qu'ils ont passé en auditions. Ils se sont divisés en groupes qui ont sillonné la province pour entendre des citoyens et des groupes, etc. Ils avaient également un site Internet très élaboré qu'ils utilisaient pour diffuser des rapports sur leurs réunions et auxquels les gens pouvaient afficher des mémoires, etc.

    Il y avait donc dans ce mécanisme beaucoup d'ouverture et de transparence.

    Un aspect très important est qu'il ne s'agissait pas simplement d'un rôle consultatif. La recommandation de l'assemblée, soit en faveur d'un vote unique transférable, fera directement l'objet d'un référendum qui se tiendra le 17 mai. La règle de base fixée était que le Cabinet ne pouvait ignorer la recommandation.

    J'aimerais vous décrire un autre exemple d'une assemblée de citoyens, pas si ancienne. L'Australie a organisé en 1998 une assemblée constituante sur la question du chef de l'État. Cette assemblée avait une composition un peu différente. Elle comptait 152 membres, la moitié élus par les citoyens et l'autre désignés par le premier ministre. Au sein du deuxième groupe de 76—et c'est un élément notable, je pense, pour votre comité—il y avait 40 parlementaires fédéraux et provinciaux. Il s'agissait donc d'une assemblée de citoyens, mais comprenant différents groupes.

    L'assemblée a siégé pendant 12 jours consécutifs en février 1998, contrairement à l'Assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique dont les membres ne se réunissaient que les fins de semaine pendant différentes phases. Cette assemblée a choisi une nouvelle méthode de sélection d'un président. La méthode retenue était l'élection par le Parlement. Cela a été rejeté par la population lors d'un référendum en 1999.

    Pour faire un bilan du modèle de l'assemblée des citoyens, ce modèle est fortement représentatif et autorise une délibération poussée par les membres. On peut ouvrir l'accès à d'autres citoyens par des méthodes informatiques, etc., comme on l'a fait en Colombie-Britannique. La recherche et l'expertise jouent un rôle, car il faudra un programme d'apprentissage, comme celui instauré en C.-B.

    Ce qui a été fait dans cette province a été réellement très impressionnant et je peux répondre à des questions à ce sujet. Cependant, la possibilité de participation des parlementaires est quelque peu limitée, à moins de faire comme en Australie, soit leur réserver quelques sièges. On pourrait imaginer une solution intermédiaire ou une variante.

    Je vais passer très rapidement sur le modèle de la commission, car il est bien connu. Il n'est pas tellement en vogue par les temps qui courent. Je pense qu'il faut se demander vers quoi penche la mode du moment et M. Broadbent conviendrait probablement que l'assemblée des citoyens est plutôt en vogue par les temps qui courent.

    Les commissions, particulièrement si elles sont qualifiées de «royales», ont moins la cote. Mais elles présentent pas mal d'avantages, tels que la capacité de réunir des connaissances expertes au moyen d'études commandées, etc. En outre, le niveau d'expérience des membres est habituellement très élevé. La commission Lortie sur la réforme électorale, pour laquelle j'ai travaillé il y a une dizaine d'années, comptait deux anciens députés.

Á  +-(1130)  

    C'est également une occasion de faire intervenir des parlementaires, au moins anciens sinon en exercice. Il est difficile pour les parlementaires en exercice de trouver le temps que requiert normalement une commission. La commission Lortie a travaillé pendant deux ans. Celle du Nouveau-Brunswick, qui vient de déposer son rapport il y a quelques semaines, a pris toute une année et fait un travail réellement impressionnant, couvrant non seulement le système électoral mais aussi d'autres éléments de la réforme démocratique.

    Le troisième modèle que je vous soumets est celui d'un comité parlementaire spécial. Je dis spécial car je ne crois pas, sauf tout mon respect, qu'un comité permanent, aussi capable que soient ses membres et son personnel de recherche, etc., puisse réellement s'acquitter du genre de mandat requis, surtout en situation minoritaire. Dans le cas d'un organe parlementaire, il s'agirait en substance de confier à un groupe de personnes—et il pourrait être plus réduit qu'un comité permanent—une tâche spéciale. Ce groupe de députés apprendraient ensemble, dialogueraient ensemble avec les citoyens et délibéreraient entre eux.

    Je pense que cette cohésion et cette possibilité de mettre à profit les fruits d'une bonne recherche, etc. produiraient un meilleur résultat dans le cas d'un comité parlementaire. Il y a toutes sortes de modalités auxquelles il faudrait réfléchir, notamment la nécessité de donner à ce comité un peu plus de latitude pour commander des recherches et gérer son propre budget.

    Un autre avantage, c'est qu'un comité parlementaire, tout comme une assemblée de citoyens, pourrait être complété par des canaux informatiques, par exemple, où les gens pourraient déposer des interventions, en sus de mémoires directs. Par exemple, le sous-comité des personnes handicapées présidé il y a quelques années par Carolyn Bennett utilisait des cahiers de travail électroniques.

    Vous pourriez même, si vous étiez créatifs, ajouter quelques groupes de dialogue. M. Broadbent, dans son texte de la semaine dernière, préconisait des groupes de dialogue. Je crois que vous les envisagiez comme entités distinctes mais ils pourraient être, d'une certaine façon, placés sous l'égide du comité si celui-ci avait un budget pour cela. Ce serait en quelque sorte la conjugaison d'un processus parlementaire et d'un processus de dialogue avec les citoyens.

    Je vais conclure avec quelques remarques sur toute la question de l'opportunité d'un référendum. Lors de votre voyage en Nouvelle-Zélande, vous pourrez leur en parler. L'Écosse a également eu un référendum, mais il portait sur l'ensemble des mesures de dévolution. Comme vous le savez, il y aura plus tard cette année un référendum dans l'Île-du-Prince-Édouard sur un système mixte. La commission du Nouveau-Brunswick en a recommandé un, mais le premier ministre Lord ne s'est pas encore prononcé. Les Québécois sont assez allergiques à un référendum sur la réforme électorale, pour des raisons que je pourrais expliquer.

    Pour ce qui est d'un référendum sur le système électoral fédéral, si l'on en vient là, ma recommandation serait de le tenir avant que le système ne soit trop précisément défini. Comme en Nouvelle-Zélande, le référendum devrait porter sur le modèle, plutôt que sur une loi électorale flambant neuve ou quelque chose de trop précis. Il n'est pas nécessaire d'attendre si longtemps. Si les électeurs rejettent le modèle, il ne sert à rien de passer tout ce temps à rédiger un texte de loi couvrant le moindre détail.

    Il me semble, vu l'expérience de la Nouvelle-Zélande et de l'Accord de Charlottetown, qu'introduire un changement institutionnel aussi majeur sans référendum ne serait pas conforme à l'esprit du renouveau démocratique.

[Français]

    Merci, monsieur le président.

Á  +-(1135)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Seidle.

    Nous entendrons maintenant,

[Traduction]

Mme Anne Dale, professeur, Faculté des sciences, de la technologie et de l'environnement de la Royal Roads University.

    Bienvenue, professeur.

    Si vous voulez faire une courte déclaration, les membres auront ensuite des questions pour vous.

+-

    Mme Anne Dale (professeure, Faculté des sciences, de la technologie et de l'environnement, Royal Roads University): Je vous remercie de votre invitation à vous faire part de mes idées. J'espère n'offenser personne avec mes propos à la façon des universitaires.

    Je pense que nous avons tous conscience que les Canadiens d'aujourd'hui sont radicalement différents. La société canadienne diffère de celle des générations précédentes. Une majorité de citoyens aujourd'hui possède des diplômes postsecondaires et la société est de plus en plus plurielle et diverse. Comment alors concevoir des mécanismes de concertation communautaire respectueux de cette diversité et pluralité?

    Votre travail est d'autant plus important que le pourcentage des jeunes qui votent est si faible. Vingt-quatre pour cent au Canada et 18 p. 100 aux États-Unis. Mais vu les missives brillantes que mes étudiants m'envoient sur l'Internet—leurs satires sur le système politique et la mondialisation—cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas engagés, simplement qu'ils le sont de manières fondamentalement différentes.

    Si l'on veut intéresser les jeunes et les groupes de plus en plus divers de notre société, je pense qu'il faudra envisager des moyens de communication multiples avec eux—par exemple, le phénomène des carnets en ligne. Je parlais avec l'un de mes collègues la semaine dernière et nous nous demandions: «Comment diable mettre Kyoto sur le Blackberry de tout un chacun?» C'est de cela qu'il s'agit, sur le plan de l'engagement.

    Mes recherches sur le développement communautaire durable mettent en évidence une donnée fondamentale, à savoir que si les gens n'ont pas l'impression d'être entendus, ils se sentent ignorés et se désengagent. Nous constatons que les campagnes les plus réussies sont celles qui mettent à profit les réseaux clés qui préexistent dans une collectivité. Mais surtout, il existe des leaders clés dans une collectivité, ceux que nous qualifions de «noeuds» ou connecteurs, qui peuvent agir sur des réseaux multiples et coordonner leur action, et ils sont des acteurs critiques du changement social ou de la diffusion de l'information et du savoir dans une collectivité.

    Cela me rappelle une question que Harvie Andre nous a posée lorsque nous concevions la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie: «Voulez-vous être influents ou voulez-vous être connus?»

    Il me semble que nous voulons un système électoral qui soit influent, qui soit moderne, mais surtout qui reflète la pluralité et la diversité de ce pays. Mais la diversité ne vient pas tout seule, elle doit être délibérément planifiée, en identifiant les personnages clés, ces noeuds et collecteurs.

    Je crois également qu'un dialogue public sur les enjeux politiques déterminants est nécessaire, car avec notre sophistication croissante, nous voulons davantage d'influence sur les décisions qui nous touchent. L'autorité morale ne suffit plus et les dirigeants politiques doivent être perçus comme ouverts et comme orchestrant ces dialogues publics. En outre, il existe également de merveilleux leaders dans les collectivités que l'on pourrait identifier et qui pourraient conduire ces dialogues publics.

    On songe à Simon Jackson, ce jeune homme de 20 ans qui a construit un réseau international en vue de sauver «l'ours esprit», l'ours blanc de Colombie-Britannique. Il a mobilisé des millions de jeunes dans cette campagne.

    Pourquoi le dialogue est-il plus important aujourd'hui que par le passé? Je crois que c'est à cause de la nature des enjeux qui nous confrontent. Les problèmes sont ardus, complexes, recouvrent des juridictions multiples et mettent en jeu des intérêts concurrents et conflictuels. Ils sont également reliés entre eux de façon dynamique et ne peuvent être réglés isolément.

    Il suffit de songer au changement climatique et à la gestion des déchets nucléaires. J'ai dirigé une série de trois dialogues électroniques sur la gestion des déchets nucléaires. Je pensais, comme ancienne fonctionnaire, avoir l'habitude d'arbitrer entre des intérêts concurrents. Je crois que c'est là le sujet le plus chaud auquel notre pays soit confronté et les intérêts acquis sont énormes. Je n'ai jamais rien vu de tel de toute ma vie.

    Mais il existe une caractéristique supplémentaire qu'il ne faut pas non plus perdre de vue. Mon université a conduit un dialogue national sur l'après-Kyoto: Que cela signifie-t-il pour les Canadiens? Nous n'avons pas fait grande publicité car l'utilisation de ces technologies Internet en est encore au stade de la recherche. Mais même avec cette publicité limitée, plus de 5 000 Canadiens ont participé. Mais nous avons appris quelque chose, et je crois que la commission Romanow a fait le même constat: les Canadiens connaissent peut-être la question, mais de manière très superficielle.

    Je pense donc que les stratégies de concertation, en sus de prendre en compte la diversité, doivent comporter un élément pédagogique. Vous ne pouvez simplement considérer que les Canadiens vont saisir la complexité de tous les éléments d'un enjeu particulier sur lesquels vous les consultez.

Á  +-(1140)  

    Je vous exhorte de ne pas parler de consultation électronique, mais de dialogue électronique. Les Canadiens en ont assez des consultations. Nous voulons voir quelles sont les nouvelles réalités et quels sont les nouveaux modèles. Tournons la page. C'est pourquoi nous n'avons pas positionné notre dialogue comme pour ou contre Kyoto, l'ancienne division droite-gauche. À quoi ressemblera le monde nouveau d'après-Kyoto? À quoi ressembleront les stratégies de dématérialisation? À quoi ressembleront les nouveaux systèmes parlementaires? À quoi ressembleront nos institutions nouvelles du 21e siècle?

    Dans ces processus, il ne s'agit pas seulement de sortir pour parler aux gens. On peut les utiliser comme un moyen stratégique de créer délibérément des réseaux nouveaux et vous pouvez créer une relation de mandataire dans les collectivités de personnes que vous rassemblez, ou vous pouvez détruire ce mandat.

    Ce qu'il faut faire, c'est communiquer en utilisant les outils que les Canadiens emploient. Les jeunes utilisent l'Internet, ils en ont une connaissance extraordinaire. La barrière d'âge que l'on rencontre avec les personnes de plus 50 ans que j'ai vues dans mes recherches n'existe pas lorsque je communique avec une population entre 18 et 35 ans. Par conséquent, votre processus d'engagement devrait intégrer et développer notre travail avec la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie.

    Processus à intervenants multiples: il faut une symétrie, une complémentarité entre les communications radio, les forums publics, les dialogues électroniques et les réunions face à face; il faut une multiplicité de personnes pour les animer, des personnes qui soient respectées. Et ces dernières doivent comprendre des parlementaires, car je pense qu'il y a un profond respect pour les parlementaires, même chez les jeunes de ce pays. Nous savons tous combien votre mode de vie est intenable.

    J'aimerais maintenant vous parler brièvement des dialogues électroniques, en vous expliquant de quoi il s'agit. Un dialogue électronique rassemble les meilleurs esprits du pays autour d'un enjeu de politique publique primordial, et ce en temps réel. Vous dialoguez en ligne et nous avons créé un logiciel pour cela dans mon université.

    Mon doyen de faculté est un peu fâché avec moi—j'espère que cela ne se saura pas—car j'en ai fait un logiciel à libre accès. J'ai refusé qu'il soit privé car ce serait l'antithèse même des stratégies de participation communautaire.

    Ils se retrouvent donc en temps réel. Ma vision pour ces dialogues électroniques prévoit que les Canadiens se brancheraient de la même façon que certains se branchent sur l'émission Ideas à la radio entre sept et neuf. Les possibilités sont énormes et le dialogue est de grande qualité.

    Nous travaillons sur trois sujets de recherche: peut-on utiliser l'Internet pour un dialogue approfondi, peut-on utiliser l'Internet pour informer sur des enjeux politiques primordiaux—et dans mon milieu il s'agit de développement durable—et peut-on utiliser l'Internet pour informer les décideurs en les mettant en rapport avec les chercheurs? Et peut-on en faire un dialogue davantage national que fédéral? Nous n'avons pas réussi à devenir un gouvernement national plutôt que fédéral.

    J'aimais croire que c'était là une recherche profondément novatrice, mais, comme chercheuse, j'aurais dû savoir qu'il fallait me renseigner plus. Je ne sais pas combien d'entre vous connaissent les émissions de radio des années 30 et 40, les Citizens' Radio Forum et le National Farm Radio Forum. Nous avons créé dans ce pays une politique agricole nationale en joignant les gens là où ils se trouvaient, au moyen de la radio, en les amenant à se rassembler dans les cuisines du pays. C'était là une alliance stratégique entre notre radiodiffuseur et une institution du nom de Canadian Association for Adult Education.

    Je pense que tout mécanisme de concertation que la Chambre des communes choisira devra délibérément et activement englober les milieux de la recherche.

    Les enseignements du dialogue sur la gestion des déchets nucléaires—qui a souvent dégénéré en controverses—indiquent qu'il faut trancher un certain nombre de questions importantes avant de lancer le processus. Qui détermine l'enjeu? La description de l'enjeu détermine l'acceptation par le public. Les Canadiens nous ont fait savoir haut et fort qu'ils n'acceptent pas la séparation entre l'énergie nucléaire et la gestion des déchets nucléaires. Qui a le droit de décrire l'enjeu, qui a le droit de poser des questions, qui possède l'autorité, et qui est considéré comme expert?

    En outre, l'une des choses que nous envisageons dans notre université—et j'espère qu'il pourrait y avoir une forme de partenariat—c'est de conduire un dialogue national sur la signification de la bonne société que nous avons au Canada. Il tournera autour de l'idée que nous avons une défaillance écologique, mais aussi une défaillance institutionnelle. Nos institutions ne reflètent pas la réalité moderne. Elles sont axées sur des problèmes qui n'existent plus et ne reflètent pas les problèmes qui nous confrontent aujourd'hui, les grands problèmes horizontaux.

Á  +-(1145)  

    Donc, nous devons concevoir ces processus—nous en sommes capables, en tant qu'être humains sophistiqués—de manière à démonter et connecter entre eux ces silos et espaces clos qui caractérisent tellement notre pays, et ce sur la base des besoins et intérêts communautaires, de ce que nous chérissons en tant que Canadiens et de ce qui fait la qualité de notre pays, car je crois que nous avons perdu la conception commune de ce qui importe pour l'avenir de ce pays.

+-

    Le président: Merci beaucoup, madame.

    Juste un rappel à mes collègues: le mandat qui est le nôtre est de recommander un processus qui engage citoyens et parlementaires en un examen de notre système électoral. Je souligne cela tout simplement pour que tout le monde comprenne bien que c'est là la seule question qui a été renvoyée au comité dans le contexte du processus en cours ici.

    Collègues, plusieurs députés ont demandé à poser des questions. Je demanderais donc que les intervenants s'en tiennent à un maximum de cinq minutes pour les questions et réponses. Ainsi, les gens seront plus nombreux à pouvoir intervenir—mais même là, nous n'aurons pas assez de temps pour tout le monde. Je m'en excuse au préalable. Je n'ai pas inventé les horloges; je vis simplement avec.

    Monsieur Johnston.

+-

    M. Dale Johnston (Wetaskiwin, PCC): Je cède mon temps de parole à Scott.

+-

    Le président: Monsieur Reid.

+-

    M. Scott Reid (Lanark—Frontenac—Lennox and Addington, PCC): Merci beaucoup.

    Si vous permettez, je vais peut-être adresser mes questions principalement à M. Seidle.

    J'ai écouté avec intérêt vos commentaires sur les différents modèles. Autant être honnête avec vous et reconnaître que parmi les modèles dont vous avez fait état, je privilégierais personnellement celui de l'assemblée de citoyens.

    Je suis personnellement très au courant du congrès constitutionnel australien. J'ai assisté en tant qu'observateur à la quasi-totalité des séances plénières organisées à cette occasion, et j'y ai vraisemblablement passé plus de temps que n'importe quel autre non-délégué.

    Une observation que je ferais, et vous serez sans doute de mon avis là-dessus, est que bien que ces différents modèles soient à certains égards semblables, une différence très importante les démarque. L'assemblée des citoyens est pour la plupart composée de personnes choisies au hasard et revient donc à un genre de grand jury, tandis que le congrès constitutionnel était en fait une assemblée législative unique, réunie une seule fois puis démantelée, ce qui amène certaines différences. Dans le modèle australien, des partis distincts ont été très clairement établis. Il y avait, par exemple, le Mouvement républicain australien, et plusieurs autres encore. Et il y avait des lignes de parti qui imposaient jusqu'à un certain point la façon dont certaines choses allaient être négociées, comme par exemple si le président allait être appelé «président» ou «gouverneur général», ce qui a fini par constituer un dossier très important, ou encore la question de savoir si le président allait être élu ou nommé, ce qui a bien sûr là encore été un dossier chaud. Voilà qui m'amène à penser que le modèle de type jury offre certains avantages; l'on a tendance à ne pas s'inscrire à l'intérieur de divisions préexistantes. Voilà donc une simple observation à laquelle j'aimerais bien connaître vos réactions.

    Étant donné les contraintes temporelles auxquelles nous sommes assujettis, je vais également vous livrer mes autres commentaires pour réaction. Il me semble que si le modèle australien a échoué et a en bout de ligne été rejeté par les électeurs lors du référendum de 1999, c'est que ce qui était proposé était essentiellement une république avec un président nommé, mais sans qu'aucun des détails ne soit explicité. Les rédacteurs législatifs du bureau du premier ministre se sont alors lancés et ont produit quelque chose qui comportait des changements drastiques dans la relation entre le premier ministre et le Parlement. Les Australiens sont bien sûr très sensibles sur ce plan, étant donné la crise survenue en la matière en 1975. En effet, le premier ministre avait le droit de congédier le chef d'État et de le remplacer par une personne de son choix. Cela voulait en définitive dire que si le gouverneur général ou le président devait recourir aux pouvoirs de réserve revenant au chef d'État, le premier ministre pouvait tout simplement les balayer et obtenir ce qu'il voulait. Je pense que c'est là la raison fondamentale pour laquelle les gens s'y sont opposés. Cela est arrivé parce que les rédacteurs législatifs s'en sont mêlés une fois l'assemblée levée.

    Cela me ramène à votre observation selon laquelle il est préférable de soumettre au peuple une recommandation par opposition à un texte de loi. De l'autre côté de l'équation, en 1919, lorsque les Suisses ont tenu un référendum sur l'adoption de la représentation proportionnelle, il me semble que c'était l'amendement constitutionnel en bon et due forme—mais vous me corrigerez si j'ai tort—qui a été soumis au peuple en 1919 et qui a été adopté.

    Cela m'intéresserait d'entendre vos commentaires au sujet de toutes ces choses.

Á  +-(1150)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Seidle.

[Traduction]

+-

    M. Leslie Seidle: De manière générale, je serais d'accord avec vous en ce qui concerne le principe de sélection au hasard des membres d'une assemblée de citoyens. Je pense que cela confère à l'assemblée énormément de légitimité. L'autre point dont il faut cependant se rappeler relativement à l'exemple britanno-colombien est qu'il devait s'agir d'une assemblée délibérante et pas simplement d'un organe consultatif. La décision à laquelle elle en est arrivée—et elle aurait pu conserver le statu quo—était celle à laquelle le gouvernement devait donner suite, et cela aussi était essentiel.

    Si vous choisissiez un certain nombre de citoyens au hasard et leur confiiez un mandat simplement consultatif, alors l'organe en question serait moins musclé, dirais-je. Cependant, le monde n'est jamais parfait et l'on peut tirer des leçons de ces expériences. J'étais présent à l'assemblée de citoyens de la Colombie-Britannique pendant cette fin de semaine au cours de laquelle elle a choisi le principe du vote unique transférable. J'avais été fasciné par la discussion dans la salle, mais j'avais été quelque peu troublé par un certain décalage par rapport à certaines des questions qui allaient se dessiner et qui sont ressorties comme étant importantes pour les législateurs, importantes pour la classe politique.

    Les délégués à l'assemblée des citoyens de la Colombie-Britannique non seulement ne pouvaient pas être des politiciens locaux, provinciaux ou fédéraux en poste, mais, si je me souviens bien, ils ne pouvaient pas non plus avoir été lors des deux dernières élections candidats à l'un ou l'autre de ces paliers, de telle sorte que le pouvoir politique ou le pouvoir législatif n'était pas représenté au sein de l'assemblée. Si vous vouliez concevoir une assemblée parfaite, vous diriez peut-être vouloir un nombre égal de femmes et d'hommes, vouloir être certains d'y retrouver des Autochtones, des membres des minorités visibles. Et si vous descendiez loin dans la liste, vous voudriez peut-être également être certains que la classe politique s'y trouve elle aussi représentée. Lorsque vous visez la diversité, vous tiendrez peut-être à ce que la classe politique fasse partie de sa diversité.

    Vous autres avez de l'expérience, et c'est pourquoi j'ai fait état du modèle australien, non pas comme quelque chose à suivre de très près, mais si l'on veut être créatif, l'on pourrait envisager une assemblée de citoyens avec peut-être 5 p. 100 des sièges réservés à des parlementaires en poste, au niveau provincial également—c'est peut-être là une chose à laquelle vous pourriez réfléchir—ou à d'anciens parlementaires. Ils ont leur place dans le modèle des commissions. La commission Lortie était composée de cinq membres, dont deux étaient anciens parlementaires.

    Nous avons dans ce pays accumulé une expérience telle que nous pouvons commencer à expérimenter avec différents mélanges, en sachant que l'assemblée de citoyens en Colombie-Britannique est une Cadillac. Mais nous ne pouvons pas tous conduire des Cadillac; peut-être qu'il serait également très agréable de conduire une Passat.

Á  +-(1155)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, professeur.

    Madame Longfield, c'est maintenant votre tour. Faisons en sorte d'avoir de courtes questions et réponses, afin de caser un nombre maximal de personnes.

+-

    L'hon. Judi Longfield (Whitby—Oshawa, Lib.): Très bien.

    J'ai une très courte question. Madame Dale, vous avez posé une question et je vais vous la renvoyer. Qui devrait selon vous rédiger la question?

    M. Seidle, vous avez dit convenir qu'il devrait y avoir un référendum, mais avez également déclaré que le référendum devrait venir suite à une décision du Parlement—que le Parlement devrait voter sur un modèle puis tenir un référendum, alors j'aimerais un peu plus de précisions là-dessus.

    Par ailleurs—et je remercie les documentalistes pour certaines des questions que nous avons ici—quel rôle devrait revenir aux groupes de lobbying et aux groupes d'intérêt spécial dans le cadre du processus de consultation? Comment veiller à ce que le processus ne soit pas accaparé par un groupe particulier? Envisageriez-vous un rôle pour Élections Canada dans le processus de consultation? Quel serait le meilleur moyen d'informer le public et de cibler le débat pendant la consultation, et pourriez-vous nous donner votre avis quant à une consultation sur la réforme électorale, et—

+-

    Le président: Madame Longfield, il me faut vous interrompre, car au bout de cinq minutes, il me faudra mettre fin aux réponses, et il y en a déjà là pour plus de cinq minutes.

    Allez-y donc, je vous prie, madame Dale.

+-

    Mme Anne Dale: Merci de m'avoir renvoyé la question.

    Je vais me reporter à l'expérience que nous avons vécue lors de l'établissement de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie en 1988, et faire une distinction entre cette structure telle qu'elle a existé jusqu'en 1992, et ce qu'elle allait devenir par la suite, aucun ministre n'y siégeant plus à partir de 1992. Je vous parle donc d'un organe délibérément conçu pour réunir des ministres, des chefs de file du secteur privé, des leaders de la société civile et des responsables de politique publique. Notre erreur stratégique a été de ne pas y inclure la communauté de la recherche.

    Pour ce qui est de la rédaction de la question, nous avons chargé d'élaborer ce processus le comité même dont nous savions que nous aurions besoin. Je pense donc qu'il vous faut cette diversité dans l'élaboration des questions, sans quoi votre processus d'engagement ne sera pas perçu comme étant légitime. Je conviens avec Leslie que la faille de l'assemblée de la Colombie-Britannique est le fait que des parlementaires n'y soient pas. Dans le cadre de la table ronde nationale, ce qui a été le plus porteur a été le simple fait de réunir les gens dans la même salle afin qu'ils puissent tous et chacun entendre les histoires des autres. Ne croyez pas que je suis en train de faire dans le sentiment et la sensiblerie, car ce n'est pas le cas. Vous pouvez, en travaillant ainsi, abattre beaucoup de boulot, étant donné la solitude, les silos et les cheminées qui caractérisent, je pense, notre pays.

    Je pense que le bureau électoral devrait participer. Ce que vous faites c'est que vous choisissez délibérément les secteurs dont vous avez stratégiquement besoin à la table pour faire avancer et encadrer la question d'une façon telle qu'elle ira chercher les Canadiens.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres commentaires?

    Monsieur Seidle.

+-

    M. Leslie Seidle: En ce qui concerne la question d'un référendum et de la marche à suivre, chacun des modèles dont j'ai fait état, y compris la variante de l'assemblée de citoyens, laisserait la décision finale au Parlement. Si vous aviez une assemblée de citoyens jouissant d'un degré de crédibilité élevé, je pense qu'il serait très difficile pour le gouvernement de dire: «Merci beaucoup, c'est une bonne idée, et nous allons la mettre sur une étagère», ou «Merci beaucoup, nous allons prendre votre bonne idée et la soumettre à un comité parlementaire». L'issue est alors très différente. La décision ultime quant aux mesures concrètes à prendre revient au Parlement.

    Je pense que le meilleur modèle—et j'ai été très intéressé par le commentaire de M. Reid là-dessus—serait qu'une esquisse du nouveau système électoral soit soumis à un référendum. C'est ce qui a été fait en Nouvelle-Zélande en 1993. Le texte de loi n'avait pas été rédigé. On a vu la même chose au Royaume-Uni. Le gouvernement avait produit un énoncé de position sur l'Écosse et le Pays de Galles et qui esquissait en l'espace d'environ une page le système électoral. Lorsque les gens sont allés voter, on ne leur a demandé de se prononcer que sur la dévolution. On ne les a pas interrogés au sujet du système électoral. C'est plus ou moins le même principe. Il ne sert à rien de descendre trop loin dans le pipeline. Il sera intéressant de voir si cela débouche en Colombie-Britannique, car ils ont un seuil supérieur à une majorité simple. Si cela ne passe pas, alors les rédacteurs à Victoria, qui sont peut-être en train de faire un peu de travail préalable, pourront refermer leurs ordinateurs.

+-

    Le président: Madame Maxwell, vous vouliez ajouter quelque chose.

+-

    Mme Judith Maxwell: J'aimerais répondre à la question au sujet des parties prenantes. Je pense que les comités parlementaires font du bon travail s'agissant d'engager les parties prenantes et les experts. Ces voix doivent être entendues dans toute conversation du genre. Mais j'aimerais que cela demeure distinct de la contribution que feraient les citoyens. Je partage l'avis d'Ann Dale au sujet de la nécessité qui y ait dans la salle cette diversité. Je pense qu'il importe que la décision ultime s'appuie sur une combinaison des valeurs et priorités esquissées par les citoyens et des compromis qu'ils sont prêts à faire, ainsi que sur ce que vous allez entendre de la part des parties prenantes et des experts.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Picard.

[Français]

+-

    Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je crois que c'est Mme White qui a dit que la crise de confiance de la population ne sera pas nécessairement réglée en modifiant le système électoral.

    Vous-êtes vous posé la question à savoir si c'est vraiment le système électoral qui pose le grand problème? Je ne dis pas que nous ne devons pas nous pencher sur ce système et qu'il ne doit pas être amélioré, mais ne serait-ce pas davantage les règles et les procédures de la Chambre, telles qu'elles sont présentement, qui créent un déficit démocratique lorsque nous avons un gouvernement majoritaire?

    Pour ne prendre qu'un exemple, lorsque nous sommes en comité, les partis d'opposition proposent des amendements aux projets de loi parce que leurs députés sont à l'écoute des citoyens qui veulent avoir des modifications ou qui veulent faire en sorte que nous adoptions une loi conforme à leurs besoins. Or, lorsque vient le temps de l'étude article par article, la majorité vote contre les partis d'opposition, sans plus de questions.

    Vous êtes-vous penchés sur cet aspect afin de tenter, sans peut-être tout bouleverser le système électoral, de pallier le déficit démocratique attribuable aux règlements et la procédure de la Chambre?

[Traduction]

+-

    Mme Jodi White: Je n'ai pas envisagé la question sous l'angle des règles régissant les comités. Mais je conviens certainement avec vous que ce n'est pas seulement le système électoral qui est le problème. C'est tout à fait cela que j'ai voulu dire. Il s'agit en effet d'un très vaste problème. La crise de confiance ne concerne pas non plus seulement les institutions publiques et le système politique. L'on retrouve la même chose du côté du secteur privé. L'on constate la même situation dans beaucoup d'endroits. Ma mise en garde était donc simplement qu'il ne faudrait pas croire que ceci va régler tous ces autres problèmes. Il nous faut tous nous pencher sur beaucoup plus que le seul système électoral. L'on pourrait même avancer que le problème n'est peut-être pas le système électoral. C'est beaucoup plus l'imputabilité, le rendement et quantité d'autres choses que vous connaissez très bien.

    Pour ce qui est des règles, nous ne nous y sommes pas particulièrement penchés, mais je pense que toutes les organisations que nous représentons ont participé à des discussions sur ces genres de choses.

[Français]

+-

    Le président: Avez-vous une question supplémentaire, madame Picard?

+-

    Mme Pauline Picard: Non, merci. C'est bien.

+-

    Le président: Madame Boivin.

+-

    Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): J'ai bien aimé vos présentations. Je veux être bien certaine d'avoir compris. Au fond, vous nous suggérez de poser le diagnostic avant tout. Avant de commencer à aller voir quel système pourrait régler le problème au niveau d'une réforme électorale... En effet, on dirait que cela fait partie des moeurs: tout le monde s'attend à ce que le Parlement canadien arrive avec une réforme électorale parce que cela se fait dans d'autres provinces, qui ont peut-être déjà pris un peu d'avance. Nous sommes peut-être en retard, mais il ne sert à rien de revenir sur le passé. Nous sommes en voie de le faire.

    Voici ma priorité et ma préoccupation première, comme nouvelle parlementaire, pour établir le diagnostic. Nous ne sommes quand même pas fous. Nous nous rendons compte sur le terrain de l'insatisfaction de M. et Mme Tout-le-Monde, des jeunes, des femmes, des ethnies, enfin d'à peu près tout le monde, envers la classe politique. J'ai l'impression que par le biais de ce processus visant à établir un diagnostic, nous serions peut-être à même de voir la situation de façon plus globale. Comme le disait Mme Picard, il y a peut-être un élément de la réforme parlementaire qui constituerait une partie de la solution. Cependant, il faut savoir exactement là où le bât blesse.

    Je me pose toujours la question suivante. Chaque fois que nous commençons une commission ou un processus, nous avons toute l'assemblée. J'ai beaucoup de respect pour votre travail et pour le nôtre, mais M. et Mme Tout-le-Monde sont toujours plus difficiles à rejoindre. J'aime ce que vous dites, madame Dale, quand vous parlez de prendre les moyens pour les rejoindre, mais j'aimerais qu'on soit un petit peu plus précis.

    Comment ferai-je, après tout cet exercice, pour me convaincre que j'ai rejoint la grande majorité de la population canadienne? C'est ma préoccupation.

    Souvent, quand nous commençons des processus, nous nous retrouvons avec tous les grands spécialistes, tous ceux qui trouvent toutes les raisons du monde pour ne pas voter, qui n'aiment pas les politiciens, qui n'aiment pas ceci ou cela. Cependant, comment ferai-je pour donner aux gens qui s'en moquent royalement ou qui n'ont pas l'impression d'être écoutés l'impression qu'ils le sont? Je ne sais pas si ma question est claire, mais il faut être pratique dans tout cela.

  +-(1205)  

+-

    Le président: La question s'adresse-t-elle à Mme Dale?

+-

    Mme Françoise Boivin: Au groupe en général, à quiconque a le goût d'y répondre.

+-

    Le président: Madame Dale, voulez-vous commencer? Nous devrons nous arrêter à un moment donné parce nous sommes toujours limités par le temps alloué à chaque député.

    Madame.

[Traduction]

+-

    Mme Anne Dale: Je pense que cela est d'une importance critique.

    Je ne veux pas manquer de respect, mais j'estime qu'il nous faut être plus «sexy» dans la façon dont nous communiquons et dont nous cherchons à engager les gens. De mon point de vue, c'est si «vieux jeu» et si antimoderne, et c'est ce que j'ai voulu dire lorsque j'ai parlé de la nécessité d'aller au-delà du comité parlementaire et d'identifier des chefs de file que la population respecte et qui soient en mesure de veiller à ce que vous obteniez cet engagement.

    C'est dommage, mais même dans mon monde du développement durable, je ne participe plus à autant de réunions, car je vois toujours les mêmes visages et c'est tellement ennuyeux. Nous ne sommes pas nationaux dans nos processus, dans nos initiatives d'extension et dans nos procédures. Il nous faut le devenir. Il existe ici tellement de capital intellectuel et il se passe tellement de choses fascinantes. Il nous faut les saisir et les faire rayonner d'une façon ou d'une autre, et je pense que c'est chose possible.

+-

    Le président: Merci. Nous avons encore le temps d'entendre un autre d'entre vous. Madame?

+-

    Mme Mary Pat MacKinnon (directrice, Réseau de participation publique, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques): Si vous permettez que j'enchaîne sur ce que disait Ann, je suis tout à fait d'accord pour dire que l'important est d'aller au-delà de ces... Nous avons un petit noyau de Canadiens très engagés, puis il y a un grand nombre de Canadiens qui ne sont pas aussi engagés. Cela ne veut pas dire qu'ils sont désintéressés. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont pas d'esprit civique. Cela veut dire qu'il nous faut recourir à des moyens plus novateurs pour aller les chercher. Une façon de faire serait de recourir à des mécanismes de sélection au hasard, et il pourrait y avoir des outils en place pour aider les parlementaires à s'engager au niveau local avec des citoyens dans le contexte de questions d'intérêt public.

    Je pense qu'il nous faut envisager cela du point de vue stratégique et réfléchir aux choses qu'il serait important de faire en premier. Une partie du travail diagnostic doit, je pense, être accomplie et par la suite suivie, dans le cadre d'un processus délibératif très soigné, ce de façon à amener la participation des citoyens d'une façon telle qu'ils sachent que cela aura un sens.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Broadbent.

[Traduction]

+-

    L'hon. Ed Broadbent (Ottawa-Centre, NPD): Merci, monsieur le président.

    Je vais tâcher d'exploiter au maximum le temps dont nous disposons ici en la présence de ces experts.

    Pour ce qui est du processus consultatif, d'après ce que je vous ai chacun entendu dire, il y a au moins entente sur un certain nombre de points. Premièrement, il doit y avoir un engagement approfondi, systématique et transparent avec des «citoyens ordinaires» très représentatifs de la population. Deuxièmement, vous dites que les députés devraient faire partie intégrante de ce processus, pas nécessairement dans le cadre de ces engagements, mais dans le processus décisionnel. S'agissant du rôle des parlementaires, du rôle et de l'engagement des citoyens—vous tous semblez vouloir ces deux aspects.

    J'ajouterais en passant, en tant qu'ancien partisan du processus britanno-colombien, ce à ses tout débuts, que je me suis rendu compte un peu tard, près de la fin, que c'était un petit peu comme essayer de concevoir un système de soins de santé sans consulter les médecins. Je pense que c'était un désastre, mais je ne vais pas épiloguer là-dessus. Aucun d'entre vous ne semble privilégier cette voie, la voie adoptée par la Colombie-Britannique, si je peux dire.

    J'aimerais vous poser une question, car vous ne reviendrez peut-être pas nous voir et il nous faut faire une recommandation. Après mûre réflexion, j'ai pour ma part pensé que nous pourrions avoir un processus à deux pistes, que certains d'entre vous connaissent peut-être et sur lequel j'ai écrit. Il y aurait, en parallèle, un comité de députés, qui mènerait du travail de consultation traditionnel, mais important, auprès d'experts, de parties prenantes, et ainsi de suite, et un processus de consultation des citoyens, visant à cerner les valeurs que les Canadiens voudraient voir renfermées dans un système électoral, les principes clés, comme la Commission du droit, par exemple. À un moment donné, les deux pistes se rejoindraient et les parlementaires surtout, dans mon modèle—et je tiens à être franc avec vous là-dessus—prendraient le rapport sur les valeurs, le combineraient aux résultats de leurs propres consultations d'experts, puis feraient une recommandation au Parlement.

    J'aimerais une réponse rapide sur les mérites ou les inconvénients que cela présenterait. Cela serait-il possible? Pourrait-il y avoir de telles consultations parallèles d'un bout à l'autre du pays, pour qu'ensuite les parlementaires, ayant mené leurs consultations, se penchent sur le rapport portant sur les valeurs pour ensuite élaborer des recommandations? Pourriez-vous réagir rapidement à cette idée?

  +-(1210)  

+-

    Le président: Monsieur Broadbent, qui aimeriez-vous entendre en premier, vu le temps limité qui nous reste?

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Je pense qu'il y a quatre organisations représentées ici, alors j'aimerais bien entendre chacune d'entre elles.

+-

    Le président: Commençons par M. Seidle.

+-

    Mme Jodi White: Je pense—excusez-moi, Leslie.

+-

    M. Leslie Seidle: Allez-y.

+-

    Mme Jodi White: Je crains que si ces processus sont parallèles, il s'agira presque de silos distincts—et Ann nous a parlé des silos. Tout ce que je dirais c'est que vous voudrez veiller à ce que les parlementaires eux aussi rejoignent les citoyens, et je suppose que c'est ce que vous feriez normalement.

    Si j'essaie de m'imaginer deux pistes parallèles, je les vois comme étant peut-être très loin l'une de l'autre à un moment donné, et peut-être qu'elles ne convergeraient jamais. Je pense qu'il vous voudrait les faire converger et passer par plusieurs étapes, et peut-être qu'il faudrait parler d'abord principes, puis diagnostic, et ensuite modèles de changement, etc. Ce serait là ma réponse rapide.

+-

    M. Leslie Seidle: Je ne mènerais pas pour ma part de processus parallèles en même temps.

    Pour revenir sur certains des commentaires qui ont été faits, toute exploration concentrée sur les valeurs doit à mon sens venir tôt dans le processus. Avons-nous véritablement cerné le problème?

    Le problème est également un problème de gouvernance et pas simplement de représentation. Différentes personnes ont déjà essayé. La semaine dernière, vous avez entendu la Commission du droit, et celle-ci a identifié le problème d'une certaine façon. Je ne serais pas forcément entièrement en accord avec elle, car j'aborde dans une large mesure la question du point de vue gouvernance par opposition au point de vue représentation.

    Je pense qu'il y a un certain mérite dans l'idée d'instaurer un processus de dialogue ou d'engagement lié à un comité parlementaire, presque en sous-traitance, et cela pourrait être séquentiel. Vous pourriez avoir des rencontres initiales, puis les dialogues. Judith voudra peut-être se prononcer sur l'aspect pratique de la chose, mais ces groupes de dialogue pourraient chacun partir de son côté pour faire son travail, pour revenir ensuite avec un rapport, qui serait alors versé au processus parlementaire.

+-

    Le président: Madame Maxwell.

+-

    Mme Judith Maxwell: Je suis tout à fait d'accord lorsque vous dites qu'il importe d'établir des liens importants entre les deux. Il vous faut le document de base objectif pour commencer, celui-ci pouvant être inspiré de certaines audiences pouvant être tenues avec des experts, ainsi que des résumés de ce que d'autres pouvoirs publics ont déjà fait en la matière. Ensuite, si vous en avez le temps—et c'est toujours un problème pour les activités parlementaires, car des délais serrés sont toujours imposés—il vous faut du temps pour déterminer les valeurs et ces valeurs pourront alors informer ce que vous allez entendre lors d'audiences subséquentes.

    Les parlementaires devront avoir l'occasion de renvoyer ces mêmes questions. Si les citoyens disent de faire ceci, et qu'ils ne le feront pas, préférant aller dans une autre direction s'agissant de priorités ou de principes, alors il vous faut avoir l'occasion de soumettre cela aux experts et aux parties prenantes.

    Plus important encore, donc, est le lien à établir entre un échantillon de citoyens représentatifs de la population et un comité ou un plus vaste échantillon de parlementaires avec lesquels ils pourraient passer un jour ou deux afin de pouvoir soumettre directement leurs propositions aux députés et afin que ces derniers puissent avoir une interaction avec eux. Que ce soit une voie à deux sens, car cet engagement amènera une évolution dans la façon de penser.

+-

    Mme Anne Dale: Si vous permettez—

+-

    Le président: Il nous faut passer à la question suivante. Nous allons manquer de temps et les membres du comité n'auront l'occasion de rien dire.

    Monsieur Johnston.

+-

    M. Dale Johnston: Merci, monsieur le président.

    L'une des choses que vous nous avez tous plus ou moins dites aujourd'hui est qu'il nous faut définir le problème. Le problème est-il que le taux de participation électorale est insuffisant? En quoi le fait de changer le système va-t-il assurer un meilleur taux de participation?

    Je sais que lorsque je prends la parole devant des classes d'élèves, j'essaie de leur expliquer que les gouvernements des trois paliers, soit municipal, provincial et fédéral, ont et auront toujours une très grosse incidence sur tous les aspects de leur vie—là où ils travailleront, les genres de soins de santé qui seront à leur disposition, les impôts qu'ils paieront, et peut-être même le nombre d'enfants qu'ils pourront se permettre d'avoir, en gros tous les aspects de la vie. Si nous faisons des recommandations en vue de changer la façon dont les députés sont élus à cet endroit, en quoi cela va-t-il encourager la participation et l'engagement des électeurs?

  +-(1215)  

+-

    Le président: À qui s'adresse votre question?

+-

    M. Dale Johnston: À tout le monde.

+-

    Le président: Qui aimerait répondre en premier?

+-

    M. Leslie Seidle: Nous pourrions simplement prendre un exemple très pratique, et vous pourrez poursuivre cela lorsque vous irez en Nouvelle-Zélande. Après le remaniement du système électoral dans ce pays en 1996, le taux de participation électorale a, si je me souviens bien, augmenté dès la première élection tenue, et ce d'environ trois à quatre points. Puis, en 1999, le taux a reculé d'un ou deux points, et en 2002, il est demeuré au même niveau exactement.

    Bien que certains travaux de recherche concluent que les pays ayant adopté la représentation proportionnelle affichent un taux de participation légèrement supérieur, il importe, premièrement, de ne pas en déduire une relation directe cause-effet, car l'univers politique est bien plus vaste que cela. Deuxièmement, pour citer des cas bien particuliers, dans les systèmes parlementaires tels celui de la Nouvelle-Zélande, la tendance est à la baisse, comme c'est le cas dans la plupart des démocraties occidentales. J'estime donc que cet argument doit être utilisé de façon très prudente.

+-

    Le président: Madame Dale, voulez-vous vous essayez?

+-

    Mme Anne Dale: En revenant à la question de M. Broadbent?

+-

    Le président: Comme vous voulez.

+-

    Mme Anne Dale: Merci beaucoup.

    Non, c'est une question de communication. Je déteste faire des distributions de prix, mais j'ai visité le site Web du premier ministre lors des élections. C'était très sophistiqué, car son discours du Trône a été déposé dans mon courriel, et je me suis sentie «connectée», n'ayant pas à me rendre ailleurs pour obtenir cela. J'en ai reçu le texte directement dans mon courriel, et cela a en quelque sorte franchi les montagnes. Cela donne un sentiment d'interconnexion.

    Je suis tout à fait en accord avec vous. Cela va bien plus loin que le simple fait de changer votre système électoral, car cela ne suffira pas. Il vous faut d'une façon ou d'une autre trouver le moyen de faire en sorte que les Canadiens se sentent davantage liés à l'institution, qui est si importante pour la santé et le bien-être de leur pays.

    Je pense par ailleurs que les systèmes à deux pistes travaillent très bien, tant et aussi longtemps qu'ils fonctionnent à la manière de l'ADN et qu'il y a tout un tissage qui se fait. Je pense qu'il est essentiel que le Parlement soit perçu comme menant cette initiative.

    Pour en revenir à l'exemple de Mme Boivin, si j'étais responsable de la chose, je voudrais assumer le contrôle de l'examen et du diagnostic, mais il me faudrait examiner la question de savoir avec qui établir un partenariat stratégique, et il est certain que pour ce faire, je parcourrais tout le pays. Cela ne peut pas se faire à Ottawa.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Maxwell.

+-

    Mme Judith Maxwell: Je pense que Mme Anne Dale et M. Leslie Seidle ont tout dit sur la question de ce qui n'influe pas sur la participation électorale et sur ce qui pourrait exercer une influence. Je pense que c'est la communication entre les élections, plutôt qu'un changement dans le système électoral.

+-

    Le président: Avez-vous une autre brève question?

+-

    M. Dale Johnston: Juste un bref commentaire. Je suis convaincu que la raison pour laquelle le taux de participation électorale des jeunes est si bas est que leurs parents ne participent pas. Nous ne devrions donc pas cibler simplement les jeunes, mais bien tout le monde. Dans ma circonscription, le taux de participation électorale a été de 60 p. 100, et nous considérons que c'est là plus ou moins la norme. C'est ce que l'on a constaté lors des quatre dernières élections. Mais à mon sens, cela ne suffit pas. C'est bien trop bas.

    Pourriez-vous vous prononcer brièvement sur la question de la participation obligatoire aux élections, régime qui est en place en Australie?

+-

    Le président: Oui ou non à l'obligation de voter.

+-

    Mme Judith Maxwell: Pas de commentaire.

+-

    M. Leslie Seidle: Nous nous sommes penchés sur cette question pendant les deux années que j'ai passées à Élections Canada avant de déménager à Montréal. Sur le plan pratique, c'est chose possible. Il existe des exemples. L'Australie a un tel système en place depuis fort longtemps. Je ne pense pas que cela puisse jamais résister à une contestation en vertu de la Charte des droits. La liberté d'expression englobe la liberté de ne pas s'exprimer.

+-

    Le président: Madame Dale.

+-

    Mme Anne Dale: Si vous voulez joindre les jeunes gens, il vous faut un système de vote par Internet. Les responsables de la sécurité vous disent que ce n'est pas possible. C'est aujourd'hui possible.

+-

    Le président: Quelqu'un d'autre a-t-il une opinion sur le vote obligatoire?

+-

    Mme Jodi White: Je n'ai pas d'opinion là-dessus.

+-

    Le président: Merci.

    La parole est maintenant à M. Silva.

+-

    M. Mario Silva (Davenport, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je pense, tout comme cela a été dit par Mme Maxwell, que le déficit démocratique ne sera pas comblé par une seule réforme électorale, car la question est beaucoup plus complexe que cela. Mme Picard a parlé d'engager l'opposition et les députés dans le règlement du problème du déficit démocratique. D'autres ont parlé de la réforme du Sénat. D'autres encore veulent entamer une discussion sur le fait que nous ayons un gouverneur général nommé plutôt qu'élu. Notre chef d'État n'est pas élu. C'est une question complexe et je ne pense pas que le chemin que nous avons emprunté puisse régler toutes ces questions.

    Je crois cependant que la discussion au sujet de la réforme électorale est fondamentale car il nous faut engager nos citoyens. Il est important pour la démocratie que les citoyens soient engagés. Je pense que sa légitimité même est en fait entamée par le faible taux de participation électorale. Et ce n'est pas que le simple fait d'aller voter; il n'y a même pas de discussion. Je ne pense pas que l'apathie soit saine pour notre processus démocratique. Je pense qu'il nous faut faire ce travail pour déterminer si nous avons le meilleur modèle et si celui-ci fonctionne. La légitimité est conférée par le fait qu'il y ait un engagement de la part des citoyens. Notre système de démocratie est tel qu'il puisse y avoir un gouvernement majoritaire avec seulement 37 p. 100 des voix. Cela soulève pour moi un certain nombre de questions fondamentales. D'autres ne partagent peut-être pas ces mêmes préoccupations, mais j'estime qu'il est fondamental d'engager les citoyens de ce pays dans cette discussion.

    Le panel n'a pas beaucoup parlé de la question de la légitimité et des droits. Ceux-ci ont évolué au fil de nombreuses années. Nous savons que lorsque la constitution a été créée dans ce pays, les femmes n'avaient pas le droit de voter. On a ensuite accordé aux femmes le droit de vote. Aujourd'hui, l'on doit également se demander s'il est juste ou légitime qu'un gouvernement puisse être majoritaire avec seulement 37 p. 100 des voix. Je pense que cette question de la légitimité et des droits doit être abordée dans le cadre de cette discussion.

  +-(1220)  

+-

    Le président: À qui adressez-vous votre question?

+-

    M. Mario Silva: Au panel.

+-

    Le président: Ce ne sont pas tous les membres du panel qui pourront y répondre, car les deux tiers du temps ont déjà été utilisés.

    Madame Maxwell.

+-

    Mme Judith Maxwell: J'aimerais enchaîner sur cette question de communication et d'engagement continu. Si vous commencez à engager les citoyens sur la question du comment réparer le système électoral, ils vont vouloir parler d'autres choses. Ils inscriront le défi du renouveau démocratique dans un tableau beaucoup plus vaste. Si vous allez les engager, alors il vous faudra écouter et il faudra qu'il y ait une réponse. Si vous les engagez, vous établirez légitimité et crédibilité. Mais si rien n'arrive, alors vous retomberez plus bas que votre point de départ. Il vous faut donc procéder de façon très réfléchie et très objective. Il vous faut avoir clairement en tête l'idée que vous comptez apprendre au fil de ce processus et y donner suite.

+-

    Le président: Y a-t-il du temps pour encore quelqu'un d'autre? Monsieur Seidle?

+-

    M. Leslie Seidle: Oui, je peux répondre très rapidement.

    Je ne pense pas que le comité déborderait de son mandat s'il proposait un processus qui se pencherait également sur un certain nombre d'autres aspects du processus démocratique au Canada.

    La commission du Nouveau-Brunswick est un modèle intéressant. Elle avait un très vaste mandat, mais certaines des meilleures parties de son rapport—et je le recommande à M. Nicholson et à n'importe qui d'autre—sont ses recommandations au sujet de la participation des jeunes.

    Le comité voudra peut-être réfléchir à la question de savoir s'il n'y a pas certaines tangentes qu'il pourrait accoler à tout processus d'examen du système électoral. Je ne propose pas qu'on ouvre toute grande la boîte—la monarchie, le Sénat et tout le reste—mais que l'on se penche sur l'engagement démocratique qui concerne la Chambre des communes.

+-

    Le président: Madame Dale, et ce sera tout pour cette question-là.

+-

    Mme Anne Dale: Je pense que vous avez soulevé une question essentielle. En plus du faible taux de participation des jeunes il y a toute cette question de la légitimité et de la façon de l'établir, et il y aurait peut-être moyen de donner une tournure positive au vote obligatoire. Nous en avons débattu à mon université. À l'heure actuelle, l'on ne communique pas les notes aux élèves tant et aussi longtemps qu'ils n'ont pas rempli leur formulaire d'évaluation du professeur, et il y a donc là un petit côté intéressé. Si seulement vous pouviez donner à cela une tournure positive, car je crois que les gens sont nombreux à ne pas voir les personnes qui siègent à la Chambre des communes comme reflétant légitimement leurs intérêts, dans toute la diversité de dossiers qu'ils jugent importants.

+-

    Le président: Je regrette, mais le temps est écoulé.

    Nous allons maintenant entendre Rob Nicholson.

+-

    L'hon. Rob Nicholson (Niagara Falls, PCC): Merci, monsieur le président.

    Madame White, vous avez parlé d'une crise de confiance, et Mme Picard a repris cette idée. S'agit-il là d'une chose qui est particulière au Canada, et, dans l'affirmative, pourquoi? Si ce n'est pas particulier au Canada, s'il s'agit d'un phénomène mondial, alors le fait de modifier le système électoral y changerait-il quoi que ce soit?

+-

    Mme Jodi White: Je ne pense certainement pas que cela se limite au seul Canada. Je pense que nous connaissons tous un certain nombre de pays qui vivent ces genres de processus et qui s'efforcent eux aussi d'y faire quelque chose. C'est très généralisé.

    Je vais revenir à la dernière question et faire le lien avec ceci. Je pense en réalité qu'une partie du problème c'est la pertinence. En plus de la communication, etc., il nous faut veiller à ce que les gens pensent que ce dont ils entendent parler relativement à leur système politique est pertinent. S'ils estiment que cela n'est pas pertinent pour eux, alors ils ne voteront jamais. Voilà comment faire pour obtenir leur adhésion. Les outils devant servir à la communication sont importants, mais il nous faut veiller à ce que la population considère que le gouvernement est pertinent.

    Je dis cela avec tout le respect que je dois à toutes les personnes ici dans la salle qui jouent dans tout ceci un rôle de tout premier plan, mais vous connaissez tous le problème et y avez été, j'en suis sûre, confrontés vous-mêmes s'agissant des débats auxquels vous participez et de certains des dossiers dont vous traitez. Les citoyens voient beaucoup de ce que vous faites; tout cela est transparent et ils veulent que ce soit pertinent dans le contexte de leur vie. S'ils n'en sont pas convaincus, rien ne les amènera à commencer à voter.

    J'ajouterais que ce que je dis là concerne les trois paliers de gouvernement.

  +-(1225)  

+-

    L'hon. Rob Nicholson: Permettez que je vous pose une question plus directe. Le système électoral canadien fait-il partie du problème, ou bien pensez-vous que le problème se situe ailleurs? Il nous faudrait être très prudents, n'est-ce pas, si nous recommandions de changer le système électoral dans ce pays, système qui a, je pense, fonctionné relativement bien—mais cela pourrait être matière à débat. Qu'en pensez-vous?

+-

    Mme Jodi White: Il semblerait que les gens n'aient pas le sentiment de voir leur vote reflété à la Chambre des communes. Je pense que nous le savons tous, compte tenu des données ou autres que nous avons vus, alors ce sont là des questions sur lesquelles vous voudrez vous penchez. Cependant, cela ne réglera pas la totalité des problèmes. Je pense avoir dit cela dans mes remarques liminaires. Il s'agit d'une question à facettes multiples et qui exigera beaucoup plus s'agissant du déficit tout entier, mais du côté électoral, votre défi, réellement, est de décider. Voulez-vous faire des choses pour veiller à ce que cela reflète la diversité de ce pays? Est-ce là la chose la plus importante pour vous en votre qualité de parlementaires, ou bien est-ce juste que les votes des citoyens se trouvent directement traduits à la Chambre?

    Ce sont ces questions auxquelles vous devez vous attaquer d'abord, avant de commencer à examiner des modèles spécifiques.

+-

    Le président: J'aurais moi-même une brève question à vous poser.

    Avec la présentation qui nous a été faite la semaine dernière, il est ressorti clairement que si le tiers des sièges étaient proportionnels, les sièges augmenteraient de 50 p. 100 pour ce qui est de leur taille et de la population.

    Ma question porte sur les Canadiens ruraux. Monsieur Seidle, je sais que vous avez fait du travail avec la commission Lortie. Craignez-vous que les Canadiens des régions rurales se sentent encore plus aliénés si chaque député représentait 50 p. 100 de plus de gens et que les circonscriptions avaient une superficie de 50 p. 100 supérieure? Y a-t-il quelque inquiétude à cet égard?

+-

    M. Leslie Seidle: C'est certainement là une question qu'il faudrait examiner très sérieusement dans le contexte de tout processus de remaniement du système électoral fédéral.

    Il ne faut pas oublier que dans le cadre de ce débat, il est très facile de regarder un processus qui a été instauré au niveau provincial, où il y a certaines distances à parcourir. À l'assemblée de la Colombie-Britannique, c'était là une question relativement importante. C'est l'une des raisons pour lesquelles ils ont recommandé moins de membres par district dans le nord et dans l'intérieur.

    Cependant, si l'on trace trop rapidement un parallèle entre ce qu'ils ont fait en Nouvelle-Zélande ou en Écosse et le Canada... En établissant nos propres critères, nos propres valeurs, un élément devrait être la relation entre les électeurs et les députés, que le député soit élu seul, pour lui-même, ou dans le cadre d'une liste. Je renvoie toujours au système mixte, car il semble que ce soit celui qui jouisse de la plus grande faveur à l'heure actuelle.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Broadbent, il ne nous reste que quelques minutes. Je sais que vous vouliez un deuxième tour. Allez-y, je vous prie.

+-

    L'hon. Ed Broadbent: Cela va peut-être vous paraître étrange, mais je ne pense pas que je vais poser d'autres questions à ce stade-ci. Je tiens à souligner auprès de nos invités et de mes collègues au sein du comité que le mandat dont nous sommes saisis est d'examiner le système électoral. Je pense qu'il est tout à fait indiqué pour nous d'être prudents en ne supposant pas, si nous corrigeons—et c'est ce que plusieurs d'entre nous aimerions faire—l'actuel système électoral, que cela va nécessairement régler tous les autres problèmes. Je pense que ce serait là de l'imprudence intellectuelle.

    M'exprimant ici en tant que membre du comité—et j'aimerais pour ma part revenir à certaines de ces personnes par la suite pour obtenir des conseils plus concrets, pour bâtir à partir de leurs opinions utiles—nous ne pouvons tout simplement pas commencer à examiner le rôle de la société civile ou la réforme démocratique à l'extérieur du système électoral si nous comptons faire un travail satisfaisant en ce qui concerne le régime électoral.

    Je vais donc conclure là-dessus et remercier nos invités. Je communiquerai avec chacun d'entre eux pour leur poser une question plus précise.

    Merci.

  -(1230)  

-

    Le président: J'aimerais à mon tour remercier nos invités d'avoir été des nôtres.

    Je demanderais que tous les membres du comité demeurent dans la salle car il nous faut tout de suite nous réunir pour fixer le programme de nos travaux et adopter un autre rapport.

    Merci encore à tous nos invités, aux panélistes, qui sont venus nous rencontrer ce matin. Cette séance a été très édifiante.

    La séance est levée.