FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 22 mars 2005
Á | 1115 |
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)) |
M. Horst Intscher (directeur, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada) |
Á | 1120 |
Á | 1125 |
Á | 1130 |
Le président |
M. Charlie Penson (Peace River, PCC) |
M. Richard Harris (Cariboo—Prince George, PCC) |
M. Horst Intscher |
Á | 1135 |
M. Richard Harris |
M. Horst Intscher |
Á | 1140 |
M. Richard Harris |
M. Horst Intscher |
M. Richard Harris |
M. Horst Intscher |
M. Richard Harris |
Le président |
M. Richard Harris |
Le président |
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ) |
M. Horst Intscher |
M. Guy Côté |
M. Horst Intscher |
Á | 1150 |
Le président |
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.) |
Le président |
L'hon. Maria Minna |
M. Horst Intscher |
Á | 1155 |
M. Denis Meunier (directeur adjoint, Relations avec les entités déclarantes, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada) |
L'hon. Maria Minna |
M. Horst Intscher |
 | 1200 |
L'hon. Maria Minna |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Horst Intscher |
 | 1205 |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
 | 1210 |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Charlie Penson |
M. Horst Intscher |
M. Charlie Penson |
M. Horst Intscher |
M. Charlie Penson |
M. Horst Intscher |
M. Charlie Penson |
M. Horst Intscher |
M. Charlie Penson |
 | 1215 |
M. Horst Intscher |
M. Charlie Penson |
M. Horst Intscher |
M. Charlie Penson |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Horst Intscher |
 | 1220 |
Le président |
M. Horst Intscher |
M. Paul Dubrule (avocat général, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada) |
Le président |
M. Paul Dubrule |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
 | 1225 |
M. Horst Intscher |
Le président |
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD) |
 | 1230 |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, PCC) |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
 | 1235 |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
 | 1240 |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
 | 1245 |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
Le président |
M. Brian Pallister |
M. Horst Intscher |
M. Brian Pallister |
Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC) |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
M. Horst Intscher |
 | 1250 |
Le président |
M. Horst Intscher |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 22 mars 2005
[Enregistrement électronique]
Á (1115)
[Traduction]
Le président (M. Massimo Pacetti (Saint-Léonard—Saint-Michel, Lib.)): Bonjour. Certains députés arriveront probablement un peu en retard, mais j'aimerais ouvrir la séance.
Merci d'être venu, M. Intscher. Pouvez-vous nous présenter les points saillants du rapport annuel puisque certains députés ne l'ont peut-être pas reçu? Comme il a été envoyé à nos bureaux en novembre dernier, certains députés ne l'ont peut-être pas.
Pourriez-vous aussi commenter certaines des préoccupations dont a fait état le Bureau du vérificateur général dans le dernier rapport que nous avons? Je crois que c'est prévu à l'ordre du jour.
J'ai cru comprendre qu'il vous faudrait entre 15 et 20 minutes pour votre exposé. Vous pouvez prendre tout le temps dont vous avez besoin à condition d'apporter les précisions requises et d'aider les députés à comprendre le fonctionnement du CANAFE.
Merci. Allez-y. Vous avez la parole.
M. Horst Intscher (directeur, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada): Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux que le comité m'ait invité à comparaître pour parler de CANAFE et du travail que nous y faisons. J'aimerais profiter de cet exposé pour vous donner un aperçu du travail que fait le CANAFE, pour vous parler de son mandat et pour commenter notre rapport annuel et répondre à certaines des questions soulevées par le comité.
J'ai avec moi aujourd'hui Sandra Wing, sous-directrice, Gestion des relations externes pour le CANAFE; Denis Meunier, sous-directeur, Relations avec les entités déclarantes, qui gère notre programme de conformité et Paul Dubrule, avocat général du CANAFE.
J'ai l'intention de faire un court exposé afin de laisser le plus de temps possible pour les questions et les réponses. Nous nous ferons un plaisir de répondre à toutes vos questions.
Je crois savoir que les diapositives que nous avons préparées ont été distribuées aux membres du comité. La première diapositive vous donne une idée générale de ma présentation d'aujourd'hui. Il semblerait que le comité s'intéresse précisément à deux questions : le rapport annuel et les déclarations des entreprises de transfert de fonds ou de vente de titres négociables. Je m'attarderai sur ces questions et je donnerai également un aperçu du CANAFE et des activités que mène le Centre. Ensuite, mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
La prochaine diapositive explique qui nous sommes. La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité a été adoptée en juin 2000, puis modifiée en décembre 2001 et rebaptisée la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. La loi a pour objectif de faciliter la détection et la dissuasion du blanchiment d'argent et du financement des activités terroristes au Canada et partout dans le monde.
Le CANAFE est l'unité du renseignement financier (l'URF) du Canada. Il a été créé en vertu de la loi pour recevoir des renseignements, les analyser et, le cas échéant, les divulguer aux organismes d'application de la loi et à d'autres organismes d'enquête, y compris les unités du renseignement financier étrangères.
Nous sommes un organisme indépendant qui relève du ministre des Finances, lequel rend compte au Parlement des activités du Centre. Notre mandat nous permet de fonctionner sans lien de dépendance avec les organismes auxquels nous divulguons de l'information. Nous sommes un organisme relativement petit qui compte 180 employés et un budget annuel d'environ 30 millions de dollars.
Je vais maintenant vous décrire ce que nous faisons.
La loi impose des exigences en matière de tenue de documents, d'identification des clients et de déclaration de certaines opérations financières à un large éventail d'institutions financières dont notamment, les entités financières (institutions de dépôt, banques, coopératives de crédit, etc.); les comptables, les casinos, les entreprises de transfert de fonds et de vente de titres négociables, les courtiers de change, les courtiers en valeurs mobilières, les sociétés et représentants d'assurance-vie et les courtiers et agents immobiliers.
Les entités ou les intermédiaires financiers assujettis à la loi doivent d'abord déclarer au CANAFE les opérations, quelle que soit leur nature et leur montant, qui laissent soupçonner un lien avec des activités de blanchiment d'argent ou de financement d'activités terroristes. En outre, elles sont aussi tenues de déclarer les dépôts en espèces de 10 000 $ ou plus et les téléversements, au Canada ou à l'étranger, de 10 000 $ et plus. Elles sont aussi tenues de déclarer les biens appartenant à un groupe terroriste.
En vertu de la partie II de la loi, toute personne qui traverse la frontière doit déclarer à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) tout mouvement d'espèces ou d'effets de 10 000 $ ou plus vers le Canada et à partir du Canada. L'ASFC fait alors parvenir ces déclarations au CANAFE. L'ASFC est également investie du pouvoir de saisir des fonds qui ne sont pas déclarés ou qui suscitent des soupçons de recyclage des produits de la criminalité. Le CANAFE reçoit également des déclarations sur les saisies effectuées.
Chaque déclaration reçue est versée dans la base de données du CANAFE et peut être utilisée aux fins d'analyse. L'amorce des analyses du CANAFE est variée. Par exemple, elles peuvent être déclenchées par une déclaration ou une série de déclarations faites par les entités déclarantes, notamment les déclarations dont je viens de parler, ou encore par des renseignements transmis volontairement par des organismes d'application de la loi ou le SCRS au sujet d'un cas auquel ils travaillent, ou encore par des renseignements fournis par une unité du renseignement financier étrangère.
Quelle que soit l'amorce de l'analyse, les analystes consultent la base de données du Centre au moyen d'outils technologiques précisément conçus à cette fin pour découvrir s'il existe des opérations connexes. Ils utilisent également des renseignements du domaine public, des bases de données commerciales ainsi que les bases de données des organismes d'application de la loi ou de sécurité nationale qui oeuvrent à l'échelle fédérale ou provinciale. Ils utilisent cette information pour découvrir des modes d'opérations qui soulèvent des soupçons de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes.
Lorsque, après avoir fait une analyse, le CANAFE a des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient utiles aux fins d'enquête ou de poursuite relativement à une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes, le Centre doit communiquer ces renseignements à la police. Lorsqu'il existe des motifs raisonnables de soupçonner une menace envers la sécurité du Canada, y compris le financement d'activités terroristes, le CANAFE doit communiquer les renseignements au Service canadien du renseignement de sécurité. Dans certains cas, nous pouvons également communiquer les renseignements à l'Agence du revenu du Canada ou à l'Agence des services frontaliers du Canada. Dans le cas de ces organismes, nous devons tout d'abord soupçonner l'existence d'une opération de recyclage des produits de la criminalité ou de financement d'activités terroristes et ensuite, nous devons satisfaire à un second critère, à savoir soupçonner également que les renseignements pourraient se rapporter à un cas d'évasion fiscale que nous devons signaler à l'Agence du revenu du Canada, ou à des infractions commises en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ou au non-paiement de droits de douanes que nous devons signaler à l'ASFC. Le CANAFE peut également communiquer de l'information aux unités du renseignement financier étrangères avec lesquelles nous avons conclu une entente de partage de l'information.
Le régime canadien a été mis en place pour établir un juste milieu entre la protection des renseignements personnels et la nécessité de l'application des lois. Le fait que les renseignements que le CANAFE peut communiquer aux organismes d'application de la loi et du renseignement sont prescrits par la loi contribue à cet équilibre. Ces « renseignements désignés » incluent les renseignements concernant les opérations, l'endroit où elles ont été effectuées, la personne qui a agi, ainsi que tout autre renseignement sur les comptes, les entreprises ou d'autres entités en cause. La communication, par le CANAFE, de renseignements de cet ordre est précieuse pour les organismes d'application de la loi car elle leur donne des pistes à explorer. Un cas typique de communication peut permettre d'identifier six ou sept personnes, cinq entreprises et mettre en cause un nombre considérable d'opérations qui ont souvent été déclarées par deux entités déclarantes ou plus.
Néanmoins, les renseignements désignés ne révèlent pas tout aux organismes d'application de la loi. En fait, le système canadien prévoit un mécanisme qui permet à la police ou au SCRS d'obtenir des renseignements additionnels auprès du CANAFE dans le cadre d'une enquête portant sur le blanchissement d'argent ou le financement d'activités terroristes. Lorsque le tribunal émet une ordonnance de production, l'enquêteur peut obtenir du CANAFE une analyse complète du cas.
Le CANAFE est également chargé de veiller à ce que les entités déclarantes se conforment à la loi et au règlement. Nous avons instauré un programme de conformité moderne et complet qui prévoit diverses activités dont, notamment : assurer la liaison avec les entités déclarantes et leur fournir de l'aide; évaluer le risque de non-conformité, et ce pour tous les secteurs; contrôler la qualité et la quantité des déclarations; vérifier la conformité au moyen d'examens et renvoyer les cas de non-conformité volontaire aux organismes d'application de la loi aux fins d'enquête de poursuite éventuelles.
Au cours des 16 derniers mois, nous avons envoyé 2 000 questionnaires portant sur la conformité afin d'évaluer le risque de non-conformité dans tous les secteurs d'entités déclarantes. Il y a à peine un an, nous avons commencé à effectuer des examens sur place pour vérifier la conformité. Jusqu'à maintenant, nous en avons mené près de 200. De nombreux secteurs de services financiers qui sont tenus de nous présenter des déclarations sont déjà réglementés. Certains, comme les banques, sont réglementés à l'échelle fédérale et d'autres à l'échelle provinciale, comme les courtiers en valeurs mobilières et les casinos. Afin de réduire le fardeau que représentent ces règlements, le CANAFE négocie des ententes avec les organismes de réglementation pour partager l'information sur la conformité. Jusqu'à maintenant, nous avons conclu cinq ententes, y compris une avec le Bureau du surintendant des institutions financières.
Permettez-moi de parler maintenant des entreprises de transfert de fonds ou de vente de titres négociables. Le CANAFE reconnaît les défis que posent les secteurs qui ne sont pas réglementés, c'est-à-dire les entreprises de transfert de fonds ou de vente de titres négociables et les opérations de change, et a entrepris un ensemble d'activités dans le cadre de son programme de conformité afin d'y remédier. Aux fins de la conformité à la loi, une entreprise de transfert de fonds ou de vente de titres négociables est une entreprise qui émet ou encaisse des chèques de voyage ou des mandats et/ou télégraphie ou transfère des fonds par d'autres moyens. Une telle entreprise peut offrir d'autres services, notamment encaisser des chèques ou consentir des prêts sur salaire, mais ces activités ne sont pas couvertes par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.
Á (1120)
Le secteur ETFVTN/OC est à l'origine d'une quantité importante de déclarations d'opérations au CANAFE. L'année dernière, 35 p. 100 des déclarations d'opérations douteuses que nous avons reçues provenaient de ce secteur. Comparativement, les institutions de dépôts (les banques, les coopératives de crédits, etc.) sont à l'origine de 60 p. 100 des déclarations d'opérations douteuses reçues.
Il est vrai que le secteur ETFVTN a fait beaucoup parler de lui, au Canada et dans le monde. Le GAFI a indiqué, dans ses quarante recommandations révisées, que les pays devraient adopter des mesures pour enregistrer les ETFVTN et que de nombreux pays, y compris le Canada, examinaient diverses options en ce sens.
Le CANAFE a recensé environ 600 entités déclarantes distinctes au sein du secteur ETFVTN/OC au Canada. Il s'agit non seulement de grandes entités qui comptent de nombreux bureaux ou représentants, mais aussi de petites entreprises ne possédant qu'un ou deux bureaux. Comme nous le savons, certaines ETFVTN, en particulier celles qui offrent des services d'envoi de fonds, n'ont pas de bureaux et fonctionnent de façon beaucoup plus informelle.
Le CANAFE est conscient des défis que pose l'assurance de la conformité dans le secteur ETFVTN et il y fait face. Nos agents de conformité à Ottawa et dans nos bureaux régionaux de Vancouver, Toronto et Montréal ont entrepris de vastes activités de liaison afin de mieux faire connaître les obligations de la loi au sein du secteur ETFVTN. Ils ont fait de grands efforts pour déterminer quelles doivent être les entités déclarantes dans ce secteur. Ils ont notamment tenu des réunions en personne avec un certain nombre d'entités.
Jusqu'à maintenant, nos examens ont essentiellement porté sur le secteur ETFVTN/OC non réglementé. En fait, 181 examens ont été menés dans ce seul secteur.
Chaque examen de la conformité révèle des lacunes au sein du programme de conformité des entités déclarantes. Jusqu'à maintenant, nous avons décelé en moyenne quatre lacunes au sein de chaque entité. La grande majorité des entités souhaitent être conformes. Elles collaborent et prennent des mesures lorsque des lacunes sont portées à leur attention. Un petit nombre d'entre elles ont été ou seront renvoyées aux organismes d'application de la loi aux fins d'enquête et de poursuites éventuelles, comme le prévoit la loi.
J'aimerais maintenant dire quelques mots de notre rapport annuel de 2004. Comme vous le savez, en novembre dernier, le ministre des Finances a déposé le troisième rapport annuel du CANAFE au Parlement. Le rapport décrit les résultats obtenus par le CANAFE pour l'exercice 2003-2004 et nos priorités pour 2004-2005. Nous sommes fiers de nos réalisations, en particulier lorsqu'on sait que nous sommes une organisation très jeune. Le CANAFE a vu le jour en juillet 2000, dépourvu d'employés, de bureaux, d'infrastructure ou de systèmes opérationnels, et il a rapidement évolué pour devenir un organisme fonctionnant à plein rythme qui fournit des renseignements financiers pertinents.
Nous avons conçu des systèmes de TI qui peuvent recevoir d'importantes quantités de déclarations chaque année. Nous avons été la première URF dans le monde à offrir le mode de déclaration électronique intégrale, dès nos débuts. Cette caractéristique de nos systèmes fait l'envie d'un grand nombre d'organisations comme la nôtre dans le monde entier et a suscité chez elles énormément d'intérêt.
De concert avec nos entités déclarantes, nous avons mis en oeuvre une approche graduelle au chapitre des déclarations, en commençant par les déclarations d'opérations douteuses, suivies des déclarations sur les télévirements et sur les opérations importantes en espèces. En 2003-2004, première année complète pour laquelle nous avons reçu la totalité des divers types de déclarations obligatoires, nous avons enregistré près de 9,5 millions de déclarations.
Nous avons également formé nos analystes et nous leur avons donné les moyens d'utiliser les données pour faire leurs analyses. L'année dernière, nous avons effectué 197 communications de renseignements financiers concernant des soupçons de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes, contre 103 l'année précédente. Ces 197 communications ont porté sur des opérations douteuses totalisant 700 millions de dollars, en hausse contre 460 millions l'année précédente. De ce nombre, 48, représentant 70 millions de dollars d'opérations, étaient liées à des soupçons de financement d'activités terroristes et à d'autres menaces à la sécurité du Canada.
Le CANAFE est très fier de ses résultats et j'ai hâte de rendre compte des résultats de l'exercice en cours dans notre prochain rapport annuel.
Á (1125)
Je suis heureux, toutefois, de pouvoir vous donner dès aujourd'hui quelques-uns de nos résultats en date du 31 décembre 2004, soit la fin du troisième trimestre. Pour les trois premiers trimestres de l'exercice, nous avons reçu plus de huit millions de déclarations, soit une hausse de 10 p. 100 par rapport à la même période l'an dernier. Nous avons également effectué 99 communications de renseignements aux organismes d'application de la loi, au SCRS et aux unités du renseignement financier étrangères. Entre le 1er avril et le 31 décembre 2004, le CANAFE a divulgué plus de 1,5 milliard de dollars d'opérations douteuses se rapportant au recyclage des produits de la criminalité, au financement d'activités terroristes et à des menaces à la sécurité du Canada.
Comme je l'ai déjà dit, la valeur des déclarations se rapportant au financement des activités terroristes et aux menaces à la sécurité du Canada était de 70 millions de dollars l'année dernière. Selon les résultats obtenus jusqu'à maintenant, cette valeur pourrait doubler d'ici la fin de l'exercice actuel.
L'augmentation marquée de la valeur des opérations déclarées montre que notre expérience croissante et le volume à la hausse des opérations versées dans notre base de données nous permettent de communiquer les renseignements sur des cas plus importants. Nous savons que la taille et la portée des cas que nous avons divulgués aux organismes d'application de la loi se sont accrues au cours de l'année écoulée. L'an dernier, par exemple, les cas ont représenté en moyenne 3,5 millions de dollars d'opérations soupçonnées d'être liées au financement des activités terroristes ou au blanchiment d'argent. Au cours des neuf premiers mois de l'année, il semblerait que cette moyenne se rapproche de 13 millions de dollars par cas.
En 2003-2004, nous avons accru la portée de l'information recueillie en concluant plusieurs ententes de partage de l'information avec des URF étrangères, nous permettant ainsi d'explorer leurs fonds de renseignements et de leur communiquer de l'information. Quand nous avons déposé le rapport annuel à l'automne de l'an dernier, nous avions conclu 16 ententes de ce genre. Jusqu'à maintenant, nous en avons conclu 19 et nous en négocions activement plusieurs autres.
Comme je l'ai dit, les communications de renseignements financiers du CANAFE donnent des pistes précieuses aux organismes d'application de la loi. Plus nous fournissons de renseignements, notamment sur les liens entre les personnes et les entreprises et des opérations plus vastes, plus la police a une idée précise des activités financières d'une organisation criminelle ou terroriste.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que la quantité et la qualité des analyses du CANAFE dépendent directement de la qualité des renseignements financiers que nous recevons. À ce titre, nous continuons d'accorder la priorité à l'établissement et à l'entretien de relations de travail saines et constructives avec toutes nos entités déclarantes dans le cadre de l'approche axée sur le risque que nous avons adoptée pour assurer la conformité et maximiser la qualité et la quantité de leurs déclarations.
Nous sommes très fiers de tout ce que le CANAFE a accompli, en particulier lorsqu'on sait que nous existons depuis moins de cinq ans et que nous fonctionnons à plein rythme depuis seulement trois ans. Toutefois, nous faisons face à un certain nombre de défis et de possibilités pour l'avenir comme : l'examen prochain, par le Parlement, de nos lois, qui débutera sans doute plus tard cette année; l'évaluation mutuelle du Groupe d'actions financières sur le blanchiment des capitaux du système canadien de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes, prévue, sauf erreur, pour 2006.
Le CANAFE continuera de miser sur son succès. Nous travaillons à mettre en oeuvre les recommandations comprises dans le récent rapport de la vérification générale. Nous continuerons de renforcer notre capacité afin de fournir aux organismes d'application de la loi et du renseignement des renseignements financiers de grande qualité. Nous continuerons de promouvoir une approche axée sur la collaboration pour assurer la conformité et nous effectuerons des examens auxquels seront assujetties les entités déclarantes qui présentent le plus grand risque de non-conformité. Nous continuerons de travailler avec nos partenaires afin de créer un environnement hostile au blanchiment d'argent et au financement des activités terroristes au Canada. Le CANAFE a pris sa place dans le monde et se situe parmi les unités du renseignement financier chefs de file. Nous continuerons de travailler avec nos partenaires internationaux afin de renforcer la lutte mondiale contre le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes.
C'est ici que je mets un point final à ma présentation.
Je vous remercie de m'avoir invité à venir vous parler et j'espère que vous avez trouvé la présentation utile. Je sais que j'ai touché à beaucoup d'aspects et j'espère que j'ai répondu à un bon nombre de vos questions concernant le rapport annuel de 2004 et les déclarations au sein du secteur des entreprises de transferts de fonds ou de ventes de titres négociables.
Nous nous ferons maintenant un plaisir de répondre aux questions que vous aimeriez poser.
Merci, monsieur le président.
Á (1130)
Le président: Merci, M. Intscher.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, PCC): Merci, monsieur le président.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du CANAFE.
Je dois dire, monsieur le président, que quand j'ai vu le nom du directeur, il m'a semblé très familier. J'ai eu l'occasion de confirmer avec M. Intscher qu'il est bel et bien celui qui a étudié dans la même école secondaire que moi à Grande Prairie, en Alberta, il y a de cela de nombreuses années. Monsieur David Emerson, le ministre de l'Industrie, était aussi un de nos collègues de classe et nous aurons peut-être l'occasion un jour de nous retrouver tous ici, M. Intscher.
C'est un sujet très intéressant, mais je vais céder la parole à mon collègue M. Harris qui connaît beaucoup mieux le dossier que moi. Je cède donc mon temps à M. Harris.
M. Richard Harris (Cariboo—Prince George, PCC): Merci de votre exposé, mesdames et messieurs.
C'était il y a deux ans environ que vous avez comparu pour la première fois devant ce comité. Si je me souviens bien, vous avez fait à l'époque un excellent exposé. Vous nous avez expliqué ce que vous faites. C'est fort intéressant de voir ce que vous avez réalisé depuis.
J'aimerais vous poser quelques questions. Votre mandat vous permet-il de prendre l'initiative d'ouvrir une enquête sur le blanchiment d'argent ou devez-vous vous contenter de réagir aux déclarations qui vous sont faites au sujet d'opérations douteuses de blanchiment d'argent, dont vous nous avez parlé plus tôt, c'est-à-dire de transactions de 10 000 $ ou plus, etc.?
M. Horst Intscher: En fait, nous ne sommes pas autorisés à mener des enquêtes. Le Centre fait des analyses de renseignements. Nous analysons soit les renseignements qui nous sont transmis par les entités déclarantes--autrement dit, l'information sur certaines opérations--ou des renseignements auxquels nous avons accès dans le cadre de notre mandat et notamment les bases de données des organismes d'application de la loi et l'information transmise volontairement par les agences d'application de la loi et par le SCRS. Cela inclut l'information du domaine public ou disponible auprès de sources commerciales. En ce sens, nous ne prenons pas l'initiative d'ouvrir des enquêtes. D'ailleurs, quand nous avons terminé l'analyse d'un cas, nous transmettons l'information aux forces policières pour enquête.
Toutefois, je ne dirais pas que nous sommes passifs puisque nous exploitons activement l'information sur les opérations que nous avons accumulée dans nos bases de données. Nous analysons aussi l'information disponible auprès de sources publiques et notamment les comptes rendus dans les médias d'activités susceptibles d'être liées au blanchiment d'argent. Nous recevons de l'information qui nous est transmise volontairement par les organismes d'application de la loi au sujet de particuliers qu'ils ont à l'oeil ou de cas sur lesquels ils font enquête. Nous recevons aussi de l'information d'organismes étrangers semblables au nôtre au sujet de cas ou de particuliers auxquels ils s'intéressent. Nous analysons très activement toutes ces sources de données pour monter nos dossiers.
Á (1135)
M. Richard Harris: Permettez-moi de vous poser une question sur un autre sujet. Je comprends bien ce que vous nous dites. Si la GRC ou le SCRS souhaitaient obtenir des renseignements financiers concernant une organisation donnée et s'adressaient au Centre parce qu'il a les bases de données et la technologie voulues, collaboreriez-vous avec eux s'ils vous demandaient de les aider dans leur enquête et leur fourniriez-vous l'information qu'ils réclament? Le feriez-vous? Est-ce que cela fait partie de votre mandat?
M. Horst Intscher: Cela fait partie de notre mandat mais vous touchez là à un aspect très compliqué de notre mandat. Les autorités policières n'ont pas directement accès à notre base de données parce que cela signifierait essentiellement qu'elles exécutent un mandat. Toutefois, elles peuvent nous transmettre de l'information au sujet d'entités qui les intéressent dans le cadre d'une enquête sur le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes et nous prenons très au sérieux ce genre d'information. Nous comparerions certainement l'information transmise à celle contenue dans notre base de données et à d'autres sources d'information si nous avions des renseignements au sujet d'opérations réalisées par les entités au sujet desquelles elles auraient communiqué avec nous ou au sujet d'entités qui y seraient liées selon nos propres analyses. Si cette information nous permet d'avoir des motifs raisonnables de soupçonner un lien avec une enquête sur le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes, nous transmettrions alors l'information aux forces policières.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Très souvent, nous recevons de l'information transmise volontairement au sujet de Joe et Fred Smith qui intéressent les autorités policières. Ces personnes font le trafic de stupéfiants et on soupçonne par ailleurs qu'elles participent à des activités de blanchiment d'argent. La police nous transmet de l'information au sujet de Joe et Fred Smith, et notamment leur adresse. Nous consultons alors notre base de données et nous pouvons découvrir que Joe et Fred Smith ont fait des opérations qui nous intéressent. Nous pouvons aussi découvrir, par exemple, que Joe et Fred Smith ne se sont pas adonnés à des opérations douteuses mais que l'adresse donnée pour Joe et Fred Smith est aussi l'adresse donnée par deux autres personnes qui se sont adonnées à un nombre considérable d'opérations financières. Puisque toutes ces personnes utilisent la même adresse et qu'elles ont peut-être en commun d'autres renseignements, cela nous amènerait probablement à faire une analyse plus approfondie afin de déterminer si ces personnes sont liées. Si elles le sont, nous pouvons communiquer à la police les renseignements que nous possédons non seulement au sujet de Joe et de Fred Smith, mais aussi au sujet de toute autre personne susceptible d'appartenir à un quelconque réseau.
Même si nous n'avons pas d'information utile à divulguer, nous communiquerons avec la police pour la remercier de nous avoir transmis volontairement les renseignements et lui indiquer que nous n'avons pas d'information à divulguer à ce moment-là. Nous conservons aussi l'information transmise dans notre base de données. Par la suite, si Joe et Fred Smith sont mis en cause dans certaines opérations, nous serons en mesure de refaire l'analyse et de divulguer des renseignements à la police à ce moment-là.
Á (1140)
M. Richard Harris: La vérificatrice générale a laissé entendre que vos rapports pouvaient aider surtout aux enquêtes en cours, mais d'après elle, ils sont généralement trop limités pour permettre de lancer de nouvelles enquêtes. Est-ce dû aux dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et aux mesures qui empêchent la divulgation de renseignements comme ceux dont nous venons de discuter?
M. Horst Intscher: On pense en partie que c'est le cas. Il ne fait aucun doute que si nous pouvions communiquer plus de renseignements, ce serait plus utile et peut-être plus intéressant. Mais la situation actuelle est loin d'être dramatique.
Tout d'abord, nous avons communiqué un grand nombre de renseignements aux policiers, des renseignements dont nous savons qu'ils sont liés à leurs enquêtes. Ces renseignements leur sont très utiles et ils leur permettent d'agir.
Notre organisation est très jeune, et nous avons dû faire nos preuves. Durant la première année, nous avons signalé certains cas au sujet de personnes dont la police n'avait jamais entendu parler, et elle a probablement hésité à entreprendre des enquêtes coûteuses. Depuis lors, les policiers se sont habitués à nous et à nos services. Nous croyons savoir que bon nombre des cas que nous leur signalons donneront lieu à des enquêtes, même lorsque les policiers ne connaissent pas les personnes en cause, puisque nous leur communiquons beaucoup d'autres faits très probants.
Il est très rare que nous divulguions un cas de transaction simple ou d'une ou deux transactions. Nous regroupons presque toujours des transactions—des dizaines ou des centaines de transactions dans certains cas—mettant en cause cinq ou six personnes, parfois plus d'une centaine de personnes. Nous sommes en mesure de démontrer que ces personnes sont reliées soit par une adresse commune, par des pièces d'identité communes ou, dans certains cas, par l'usage commun d'une fausse identité. Quand nous dressons un rapport dans lequel nous identifions un certain nombre de personnes et que nous y ajoutons un tableau montrant comment ces personnes sont liées entre elles, c'est très convaincant pour la police.
M. Richard Harris: Est-il exact ou du moins réaliste de penser que les plantations illicites de cannabis, qui rapportent de nombreux milliards de dollars au Canada, vous intéressent?
M. Horst Intscher: Vous ne risquez pas de vous tromper en le croyant.
M. Richard Harris: Merci.
Le président: Merci, monsieur Harris.
M. Richard Harris: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Côté.
[Français]
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci de votre présentation. J'aimerais poser deux petites questions.
Si j'ai bien compris, durant une année, vous examinez de près ou de loin environ 8 millions de transactions. Ai-je bien compris?
[Traduction]
M. Horst Intscher: Oui.
[Français]
M. Guy Côté: Vous avez 128 employés qui ont examiné 8 millions de transactions, et 197 cas ont été soumis à la police. Je ne veux pas laisser entendre qu'on a soumis peu de cas à la police. Je veux simplement dire qu'il me semble que c'est une grosse charge de travail pour 128 employés. De quelle manière pourriez-vous être plus efficaces, compte tenu de vos ressources humaines limitées? C'est ma première question.
Deuxièmement, votre organisme semble très efficace lorsqu'il s'agit de discerner les différentes tendances en matière de blanchiment d'argent. Jusqu'à maintenant, avez-vous constaté qu'il y avait une destination vacances favorite pour le blanchiment d'argent?
[Traduction]
M. Horst Intscher: Merci.
Vous avez mis le doigt sur deux aspects très intéressants de notre travail. Les rapports que nous avons reçus l'an dernier sur 9 millions de transactions sont dans une grande mesure des rapports factuels; il s'agit des rapports sur des transferts électroniques et sur des transactions importantes en espèces. Ces rapports nous ont signalé quelque 17 000 transactions douteuses. Nous ne les traitons pas tous de la même façon. Tout d'abord, il nous est impossible d'examiner un par un les millions de rapports que nous recevons sur des transferts électroniques, mais nous examinons chacun des rapports sur des transactions douteuses qui nous sont présentés.
Pour pouvoir traiter tout ce volume de données, nous avons investi des sommes importantes dans des systèmes informatiques et des outils d'analyse qui facilitent notre travail. En fait, nous sommes en train d'améliorer certains de ces outils d'analyse afin d'accélérer le travail des analystes. À l'heure actuelle, une partie de notre travail doit être réalisée au moyen de recherches individuelles faites par un analyste. Les ressources dont nous sommes en train de nous équiper nous permettrons, plus tard cette année, d'automatiser entièrement les recherches et les correspondances afin que nos analystes puissent entreprendre le travail à un échelon plus élevé de l'information présentée.
Comme je l'ai déjà dit, les cas que nous communiquons ne portent à peu près jamais sur une seule transaction; il s'agit à peu près toujours de plus de 20 transactions et, dans un certain nombre de cas, de milliers de transactions. Même en doublant le nombre de nos analystes, il nous serait impossible de traiter tous ces renseignements sans la technologie dont nous disposons à cette fin.
Nous sommes convaincus que même avec la technologie dont nous disposons maintenant, nous pouvons traiter le volume croissant de notre base de données. Mais notre objectif est de pouvoir détecter les réseaux criminels de plus en plus vastes qui se livrent au blanchiment d'argent, et nous ne sommes donc pas satisfaits de pouvoir simplement déterminer que Mme Smith ou Mme Brown a fait quelque part un dépôt de 25 000 dollars dont elle ne peut expliquer la provenance. Ce qui nous intéresse davantage, c'est de détecter une Mme Brown ou un M. Brown qui dirige un groupe de personnes qui blanchissent chaque année quelque 250 millions de dollars. Pour ce faire, nous avons besoin de la base de données bien garnie dont nous disposons. Il nous faut également la technologie que nous avons mise au point et que nous continuons d'améliorer pour nous aider à faire ce genre d'analyse.
Pour ce qui est de l'effectif de notre centre, nous avons plusieurs mandats, entre autres l'analyse et les vérifications de conformité. Les fonctions d'analyse occupent environ 24 % de notre personnel. Mais ces analystes sont appuyés par 40 autres personnes environ du service de la technologie informatique, des employés dont le seul travail consiste à élaborer et à perfectionner des outils de travail, à en mettre au point de nouveaux et à enseigner aux analystes comment ils doivent les utiliser. C'est cette mise à niveau constante de notre technologie qui nous permet de faire notre travail et de traiter des volumes aussi vastes de transactions.
Pour répondre à votre deuxième question quant à la destination, vous ne serez pas surpris d'entendre qu'un nombre important des cas que nous traitons mettent en cause des transferts vers des paradis fiscaux ou des centres financiers étrangers—certains dans les Caraïbes, mais d'autres ailleurs dans le monde également. Mais des sommes d'argent importantes sont également transférées vers des pays qui ne retiennent pas habituellement l'attention; autrement dit, il s'agit de pays qui ont des centres financiers bien établis ainsi que des lois et des mesures rigoureuses contre le blanchiment d'argent. Mais il leur est aussi difficile qu'à nous de déterminer à première vue si ces transferts sont des transactions légitimes—ce qui est vrai dans la plupart des cas—ou s'il s'agit de transactions douteuses.
Notre centre est l'un des organismes de renseignements financiers les plus avancés dans ce domaine. À ma connaissance, nous sommes l'un des deux centres de renseignements financiers qui recueillent sans cesse des renseignements sur les transferts électroniques internationaux, ce qui nous permet de faire des recherches sur ces transactions d'une façon différente des autres.
J'ai discuté de ce sujet avec d'autres praticiens de mon domaine sur diverses tribunes, et cela a attiré beaucoup d'attention; d'autres pays sont actuellement en train de s'équiper des ressources nécessaires pour recueillir couramment ces renseignements et les analyser . Par exemple, nos homologues des États-Unis ne recueillaient pas ces renseignements auparavant, mais ils ont présenté une demande pour être autorisés à le faire. Certains des centres de renseignements financiers plus récents et plus importants, par exemple ceux d'Afrique du Sud et de Russie, envisagent également de recueillir couramment ces renseignements, ce qui nous permettra à tous, grâce à des échanges de renseignements, de pouvoir identifier plus clairement la destination ultime de certains de ces fonds.
Par exemple, nous surveillons des transferts électroniques internationaux à destination de Londres, de Dubaï ou de Singapour, mais il est fort probable que ce ne soit pas la destination ultime de ces fonds. Dans bien des cas, nous sommes certains que ces endroits ne sont pas la destination ultime des sommes transférées. Nous sommes donc en train d'établir des liens avec les organisations de ces pays afin de pouvoir les interroger sur les transferts subséquents, et nous les encourageons également à recueillir couramment le même genre de données afin qu'ils puissent eux-mêmes faire ce genre d'analyse et nous fournir de l'information sur la destination ultime ou le point d'origine ultime de ces transactions.
Á (1150)
Le président: Merci, monsieur Côté.
Madame Minna, voulez-vous être la première?
L'hon. Maria Minna (Beaches—East York, Lib.): D'accord.
Le président: Les dames d'abord. Nous entendrons ensuite M. Penson et M. McKay.
L'hon. Maria Minna: Merci.
J'ai lu le rapport et les observations présentées par la vérificatrice générale en novembre. Il semblait y avoir certains problèmes de conformité chez les comptables et les agents d'immeubles, ainsi que dans tout ce secteur qui n'appartient pas aux institutions financières. Pourriez-vous m'expliquer quelles sont ces préoccupations et m'indiquer si des mesures sont prises pour les résoudre? Il est certain que ces secteurs ne sont pas structurés de la même façon que les institutions financières. Il ne leur est pas facile de...
M. Horst Intscher: J'ai deux facteurs à mentionner, puis je demanderai à mon collègue Denis Meunier de vous répondre de façon plus détaillée.
Compte tenu du genre d'entités que nous surveillons, il serait inconcevable que des institutions comme les banques ou les caisses de crédit n'aient aucune transaction à nous signaler. Nous recevons donc une grande quantité de rapports de ces établissements.
Mais dans le cas de groupes professionnels comme les comptables ou les agents d'immeubles, même si le nombre de leurs membres est très élevé, la proportion d'entre eux qui risquent d'avoir des transactions à nous signaler est très faible. Il y a environ 70 000 comptables au Canada. Je doute fort que plus de 2 000 d'entre eux puissent avoir à nous signaler des transactions, car la plupart n'exécutent pas de transactions. Certains le font, et nous collaborons avec eux et avec leurs organismes d'autoréglementation pour les encourager à signaler les transactions. Nous collaborons également avec eux en ce qui a trait à la conformité.
Il en va de même des agents d'immeubles. Il y en a 70 000 ou 80 000, mais un grand nombre d'entre eux ne travaillent pas d'une façon qui pourrait les amener à devoir signaler des transactions. Nous avons collaboré avec les associations d'agents d'immeubles afin de les informer des risques et d'expliquer quels sont les cas qu'il faut signaler. Un certain nombre de ces associations, d'un bout à l'autre du pays, ont élaboré des modules de formation intégrés à leurs programmes d'octroi de permis afin de traiter ces questions directement.
Nous commençons à constater une augmentation des cas signalés par ce secteur, mais le volume n'a rien à voir avec ce que nous recevons des banques, par exemple. Il est cependant difficile de faire la comparaison entre le nombre de cas signalés par l'établissement qui reçoit des dépôts et celui d'un secteur comme l'immobilier.
M. Meunier peut peut-être vous fournir de plus amples détails à ce sujet.
Á (1155)
M. Denis Meunier (directeur adjoint, Relations avec les entités déclarantes, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada): Merci.
Pour ajouter à ce que M. Instscher vous a dit, nous avons en fait fourni beaucoup d'information à ces secteurs et nous avons fait de grands efforts pour les rejoindre. Au cours des 12 derniers mois, plus particulièrement, nous avons collaboré étroitement avec les associations, dans le cas d'organismes de réglementation ou d'autoréglementation, y compris dans le domaine de la comptabilité. Nous avons également collaboré avec les organismes de réglementation du secteur immobilier, du secteur des valeurs mobilières, ainsi qu'avec tous les organismes régis, afin de nous assurer que tous comprennent clairement quelles sont les obligations.
Nous estimons que nous avons réussi à établir de bonnes relations et que nous consolidons ces relations pour l'avenir. Notre centre existera encore pendant longtemps et nous avons donc mis sur pied des programmes pour la formation des formateurs, entre autres. Nous avons élaboré des brochures, des vidéos sur la conformité et d'autres outils parce que c'est la base du travail que nous voulons accomplir dans le domaine de la conformité.
Pour ce qui est des rapports, nous avons commencé à mener des examens sur place dans tous les secteurs. L'an dernier, nous avons surtout concentré nos efforts sur les banques d'épargne et les opérations sur devise, mais nous avons maintenant fait des examens dans d'autres secteurs, entre autres l'immobilier, la comptabilité et les valeurs mobilières. L'an prochain, nous serons probablement mieux en mesure de déterminer le degré de conformité et de voir si d'autres cas auraient dû nous être signalés.
Mais comme l'a mentionné M. Intscher, nous avons envoyé plus de 2 000 questionnaires, à partir des résultats initiaux. Ce sont des questionnaires sur la conformité. Jusqu'à présent, les résultats sont très encourageants. Les répondants déclarent s'être conformés aux règles dans la plupart des secteurs. Dans certains secteurs, nous constatons qu'il faudra accroître les efforts de sensibilisation, mais grâce aux progrès que nous réaliserons l'an prochain et aux examens que nous ferons, nous pourrons vérifier l'exactitude des réponses qui nous sont fournies. Jusqu'à présent, nous sommes très satisfaits de la réaction des secteurs en matière de conformité.
L'hon. Maria Minna: Merci.
Permettez-moi de revenir au rapport de la vérificatrice générale sur un autre point. Cette question a été soulevée lorsque nous nous sommes rencontrés la dernière fois. Il s'agit du fait que le CANAFE fournit peu de rétroaction sur les rapports et peu d'information sur les tendances en matière de blanchiment d'argent aux institutions financières et aux autres organismes qui traitent des fonds illicites. C'est une question qui a été soulevée la dernière fois. J'essaie de me souvenir quel était le principal obstacle ou les problèmes que posait la rétroaction la dernière fois dont nous en avons discuté. Cette question a été mentionnée de nouveau dans le rapport de la vérificatrice générale.
M. Horst Intscher: En fait, nous fournissons beaucoup de rétroaction aux entités qui nous présentent des rapports financiers. Nous ne pouvons pas fournir de rétroaction sur des cas particuliers. Cela nous est interdit, mais nous leur fournissons beaucoup de rétroaction tant sur les rapports présentés par leur secteur d'une façon générale que sur les rapports présentés par leur propre entreprise. La vérificatrice générale a probablement repris une observation qui a été faite par l'Association des banquiers canadiens environ un an auparavant, alors que nous commencions à peine nos efforts d'information et de rétroaction auprès du secteur des banques. Mais depuis lors, nous avons offert des séances très complètes de rétroaction à toutes les banques principales, je crois, et nous continuerons de le faire de façon constante.
Nous pouvons également leur fournir de la rétroaction quant à la qualité des rapports ou aux rapports individuels. Nous constatons parfois dans l'analyse de ces rapports que certains champs très importants sont demeurés en blanc ou qu'on nous a fourni des renseignements qui ne sont pas intelligibles. Si nous constatons que deux ou trois cas de ce genre viennent d'une même entité, nous leur envoyons un agent de conformité qui est chargé de passer en revue les méthodes de présentation des rapports et d'apporter les correctifs nécessaires.
D'une façon générale, il est mal connu que nous fournissons aux entités qui nous présentent des rapports une rétroaction directe peut-être plus complète que celle venant d'autres organismes comme le nôtre ailleurs. Nous fournissons des directives à toutes les entités déclarantes au sujet de la présentation de rapports sur des transactions, et ces directives peuvent également être consultées sur notre site Web. Elles sont très détaillées et on y explique quels indices doivent être détectés, quels comportements doivent être considérés alarmants et quels types de transactions ou quelles anomalies dans les transactions doivent être détectés.
Ce sont des renseignements de ce genre que certains de nos organismes homologues fournissent dans leurs séances de rétroaction, lorsqu'ils rencontrent leurs entités déclarantes. Mais nous avons élaboré un ensemble de directives très complet qui est communiqué d'emblée à toutes les entités déclarantes. Nos entités déclarantes les ont très bien accueillies, et elles ont été rapidement reprises par un certain nombre de services de renseignements financiers étrangers qui les ont consultées sur notre site Web et ont décidé d'en faire autant. Nous pouvons ainsi fournir aux entités déclarantes une orientation très utile.
Nous pouvons évidemment bénéficier de nos rencontres sur la conformité avec les entités déclarantes pour leur fournir une rétroaction, mais dans le cas des grandes entités, nous tenons généralement une ou deux grandes réunions de rétroaction par année, après avoir fait une analyse des rapports qu'elles nous ont présentés—les caractéristiques de leurs rapports et comment ils se comparent à ceux des autres entreprises de leur secteur—afin de leur donner des explications.
Enfin, nous pouvons également leur dire dans quelle mesure leurs rapports sont utilisés dans la divulgation de cas aux services policiers. Je répète que nous ne pouvons pas discuter avec elles de cas particuliers, mais nous pouvons leur donner des renseignements très utiles sur le genre de cas auxquels ont servi les rapports qu'elles nous ont présentés. Parfois, cela les aide à revoir certains aspects de leur clientèle pour voir si elle contient des groupes qui ont tendance à se livrer à des comportements indésirables.
 (1200)
L'hon. Maria Minna: Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
Le président: Vous avez dit que vous ne pouviez pas communiquer de renseignements sur des cas particuliers?
M. Horst Intscher: Non, pas aux entités déclarantes.
Le président: Comment cela peut-il s'appliquer à l'exemple dont vous avez parlé, au sujet des adresses? Y a-t-il une recherche, puisque vous pouvez leur fournir une liste de 20 transactions? Comment fait-on le lien? Il doit bien s'établir d'une façon quelconque.
M. Horst Intscher: Vous parlez maintenant des demandes présentées par les services policiers?
 (1205)
Le président: C'est exact.
M. Horst Intscher: Nous pouvons fournir un rapport à partir d'un nom, mais lorsque les services policiers nous présentent volontairement des renseignements, nous ne faisons pas seulement des recherches à partir du nom de Joe et Fred Smith que les policiers nous ont communiqué, nous cherchons dans toute notre base de données sur les transactions pour trouver tout ce qui est lié à Joe et à Fred Smith. Il peut s'agir de transactions faites dans leur compte par d'autres personnes. Il peut s'agir d'autres personnes qui habitent à la même adresse, utilisent le même numéro de téléphone ou ont d'autres points en commun. Lorsque nous répondons aux demandes des services policiers, nous ne fournissons pas seulement des adresses, mais aussi des noms et d'autres renseignements sur les transactions attribuables à ces personnes.
Quand je dis que je ne peux pas divulguer d'information concernant des cas particuliers aux entités déclarantes, c'est parce que la loi ne nous confère pas le pouvoir de communiquer des renseignements sur des cas particuliers ou sur des personnes à une entité déclarante.
Le président: Une banque, par exemple?
M. Horst Intscher: Oui, une banque.
Le président: Pourquoi une banque voudrait-elle avoir de tels renseignements?
M. Horst Intscher: Il peut arriver qu'une banque veuille savoir si un rapport qu'elle nous a présenté a donné lieu à une enquête puisqu'elle doit décider si elle conservera ou non le compte. Nous n'avons toutefois pas le droit de divulguer ce genre de renseignements.
Le président: Dans ce cas, quel genre de renseignements la banque pourrait-elle obtenir?
 (1210)
M. Horst Intscher: Nous fournissons une rétroaction générale sur ses rapports, sur la façon dont ceux-ci s'intègrent aux renseignements que nous divulguons, les catégories, etc., mais elle devra prendre ses propres décisions quant aux comptes ou au comportement de ses clients.
Le président: Merci.
Monsieur Penson.
M. Charlie Penson: Merci, monsieur le président.
Monsieur Intscher, il me semble qu'il serait très important pour le Canada d'entretenir de bonnes relations et de travailler en collaboration dans ce domaine avec les États-Unis. J'ai ici un article de la Presse canadienne, daté du 16 mars, dans lequel on parle d'un rapport qui vient d'être publié aux États-Unis dans le cadre d'une grande étude annuelle sur le trafic international de narcotiques. On y dit que les lois canadiennes nuisent aux efforts pour arrêter les terroristes et les autres criminels qui essaient de transférer des sommes d'argent importantes aux États-Unis. On y dit également que des représentants américains ont déclaré que les lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels et les normes élevées de preuve exigées par les tribunaux canadiens en matière de secret professionnel entre le client et son avocat nuisent à notre capacité de communiquer pleinement des renseignements qui leur seraient utiles. Qu'en pensez-vous?
M. Horst Intscher: Ce rapport se fondait en partie sur l'interprétation de celui de la vérificatrice générale, dans lequel on faisait observer que notre capacité de divulgation limitée constitue un obstacle à la tenue d'enquêtes efficaces. Il serait toujours plus facile pour nous de pouvoir divulguer davantage de renseignements; cela faciliterait également la tâche des services policiers et ce serait plus commode pour tout le monde. Dans les secteurs du renseignement et des enquêtes, on croit toujours qu'il vaut mieux avoir le plus d'information possible, mais je ne dirais pas pour autant que nous en avons grandement souffert. Il a fallu que les services policiers adaptent dans une certaine mesure leurs techniques d'enquête en fonction du type de renseignements que nous pouvions leur fournir.
Dans les premières années de notre organisation, certains services policiers se sont probablement plaints de ce que les renseignements que nous pouvions leur fournir n'étaient pas suffisamment détaillés ou très utiles. Ils avaient probablement raison, car nous manquions à cette époque d'expérience et notre base de données était minuscule; les renseignements que nous pouvions leur communiquer n'étaient pas seulement limités par leur nature mais aussi par la quantité de renseignements que nous avions à notre disposition. Mais ils se sont habitués à notre produit et à notre travail, et notre base de données a pris de l'ampleur, de sorte que nous avons pu leur communiquer davantage de renseignements leur permettant de faire des rapprochements. Ces préoccupations se sont donc estompées en grande partie.
M. Charlie Penson: Vous devez bien connaître votre homologue des États-Unis. L'organisation américaine est-elle assujettie aux mêmes restrictions que la vôtre en ce qui a trait à ces deux catégories?
M. Horst Intscher: Il existe de grandes différences organisationnelles entre les deux. Il est difficile de les comparer, mais je vais essayer de vous l'expliquer.
L'organisme américain est foncièrement une base de données que peuvent consulter tous les organismes accrédités d'exécution de la loi. Toutes les transactions signalées sont donc saisies dans la base de données, et les quelque 2 100 organismes d'exécution de la loi des États-Unis peuvent consulter la base de données du FinCEN pour obtenir des renseignements.
Cela peut sembler intéressant à première vue, mais dans les faits, cette base de données ne permet en réalité que de faire des recherches à partir d'un nom. Autrement dit, s'ils font une recherche sur Joe Schmidt, ils doivent inscrire son nom pour obtenir un résultat. Ils peuvent également inscrire sa date de naissance et son adresse, s'ils ont ces renseignements. Mais si Joe Schmidt utilise trois autres noms ou effectue ses transactions par l'entremise de sa femme, Nancy Brown, qui va aussi sous un autre nom, la recherche ne donnera pas de résultats. L'agence qui a fait la demande ne pourra obtenir que les transactions effectuées par Joe Schmidt.
M. Charlie Penson: Excusez-moi de vous interrompre, mais je n'ai pas beaucoup de temps. Ce que vous dites, donc, c'est que votre organisation est relativement jeune, qu'elle s'améliore et que ces critiques ne sont plus justifiées?
M. Horst Intscher: Elles n'ont plus leur raison d'être dans une certaine mesure. Il est certain que les données que nous pouvons communiquer sont limitées par les dispositions de la loi et du règlement. Nous essayons de voir si nous souhaiterions obtenir d'autres pouvoirs, et le ministère des Finances examine également la façon dont nous communiquons les renseignements et la nature des renseignements fournis pour voir si nous devrions demander l'autorisation de divulguer d'autres types de renseignements.
En outre, notre organisation a entrepris un projet d'amélioration de la communication des renseignements. Dans le cadre de ce projet, on examine comment nous communiquons les renseignements pour voir comment nous pourrions accroître les renseignements que nous divulguons dans les limites des dispositions de la loi. Ce projet interne nous a déjà permis d'apporter des améliorations, et dans le cadre de l'examen quinquennal, nous demanderons probablement l'autorisation de divulguer d'autres renseignements. Toutefois, notre capacité d'analyser les renseignements ajoute grandement à elle seule aux renseignements que nous divulguons.
Cette critique a donc perdu un peu de sa valeur, mais elle demeure relativement valide. Il serait possible d'améliorer notre communication de renseignements si nous pouvions divulguer certains autres renseignements.
M. Charlie Penson: Je pense que c'est une des raisons pour lesquelles nous sommes ici aujourd'hui. Nous aimerions savoir ce que nous pourrions faire, nous parlementaires, pour vous aider à avoir un système qui fonctionne plus efficacement. Nous savons qu'il faut un juste équilibre entre les questions de confidentialité et de sécurité, mais nous nous demandons si nous ne sommes pas allés trop loin. Serait-il préférable que vous soyez habilité à divulguer plus de renseignements que vous ne le faites actuellement?
M. Horst Intscher: Nous sommes en train de préparer cet examen en vue de la révision quinquennale de notre loi et nous devrions pouvoir cerner certains mécanismes et types d'information que nous aimerions pouvoir dévoiler.
M. Charlie Penson: Une autre chose m'intrigue : les organisations terroristes qui récoltent de l'argent au Canada, parfois en se faisant passer pour des organismes de bienfaisance. Obtenez-vous des renseignements de la GRC et des Affaires étrangères vous indiquant qu'il s'agirait peut-être d'une organisation terroriste à l'étranger qui aurait une filiale au Canada pour obtenir du financement? Comment jugez-vous s'il est nécessaire d'examiner les activités de financement de l'organisation en question?
 (1215)
M. Horst Intscher: Nous recevons des informations du SCRS et de la police. Nous en obtenons aussi souvent de sources publiques et des médias. Quelquefois, il s'agit de groupes qui font l'objet d'une enquête dans un autre pays. Cela nous pousse fréquemment à faire une enquête et à ouvrir un dossier.
Nous avons aussi réussi, et j'en suis fier, à tirer certaines leçons de ces expériences, qui nous permettent maintenant de reconnaître certains modes de transaction associés à ce type d'activité. Il nous arrive de repérer des groupes qui ne nous ont pas été signalés par d'autres, en fonction de leurs modes de transaction.
Nous sommes donc de plus en plus capables de déceler les activités de financement terroristes. C'est un problème auquel s'attaquent toutes les organisations étrangères semblables à la nôtre.
Les modes de transaction sont quelquefois difficiles à reconnaître et à identifier. Nous avons un avantage particulier, en ce sens que nous recevons obligatoirement des rapports sur tous les virements télégraphiques internationaux puisqu'ils figurent dans pratiquement tous les cas soupçonnés de financement d'activités terroristes que nous avons décelés. De 85 à 87 p. 100 de ces cas comportent des virements télégraphiques internationaux, habituellement vers des destinations ou provenant de pays qui nous inquiètent.
M. Charlie Penson: Des pays ont interdit à certaines organisations d'amasser des fonds en se faisant passer pour des organismes de bienfaisance lorsque d'autres pays ont découvert qu'il y avait un problème. Or, on continue à les laisser agir au Canada. N'est-ce pas pour vous un signal qu'il faut examiner cette organisation, du fait de ses activités internationales?
M. Horst Intscher: C'est un processus qui ne fait pas vraiment partie de notre façon de faire.
M. Charlie Penson: Votre mandat ne vous autorise-t-il pas à le faire? C'est ce que vous voulez dire?
M. Horst Intscher: Nous communiquons nos renseignements au SCRS ou à la GRC, et ils peuvent recommander aux ministres qu'un groupe figure sur la liste.
Ce n'est pas parce qu'un groupe figure sur la liste que ses activités prennent fin. Certaines de celles que nous avons cernées et signalées sont menées par des groupes issus d'une organisation inscrite quelque part sur une liste. Cette inscription présente certains avantages et est pratique pour geler les actifs d'une organisation, mais ce n'est pas pour nous une raison, en soi, d'être moins vigilants ou de moins la surveiller parce que des groupes peuvent se reconstituer et déménager pour poursuivre leurs activités. Nous suivons constamment cela.
Le président: À propos de ce que disait M. Penson, communiquez-vous des restrictions? La plupart des restrictions imposées au CANAFE émanent-elles de ses lignes directrices ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
M. Horst Intscher: Il s'agit de restrictions prévues dans la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Charte des droits et libertés.
Le président: Le CANAFE s'impose-t-il lui-même certaines restrictions?
M. Horst Intscher: Au CANAFE, nous réexaminons l'interprétation des avis juridiques que nous avons reçus dans certains cas. Nous examinons aussi...
 (1220)
Le président: Cela relève-t-il de votre mandat ou de la Loi sur la protection des renseignements personnels?
M. Horst Intscher: De la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Charte des droits et libertés.
M. Paul Dubrule (avocat général, Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada): La Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes stipule expressément ce que le CANAFE est autorisé à communiquer. Cette définition a été élargie par voie réglementaire; c'est ce qui compose tout l'univers des renseignements que le CANAFE est autorisé à communiquer.
Le président: Donc, chaque fois que vous dites que vous ne pouvez communiquer un type de renseignement précis, c'est essentiellement la Loi sur la protection des renseignements personnels qui vous en empêche.
M. Paul Dubrule: Notre loi habilitante exige que nous veillions à la protection des renseignements personnels et au respect des dispositions de l'article 8 de la Charte des droits et libertés.
Le président: Comme l'a indiqué M. Penson, certains des problèmes... Nous essayons de voir ce que nous pourrions faire pour faciliter ce processus. En effet, le rapport de la vérificatrice générale semble indiquer qu'il y a des problèmes de conformité. Il y a des tas de choses, comme la communication de renseignements. Que va faire le CANAFE à ce sujet? Nous n'avons pas vraiment abordé ces questions, alors qu'elles sont importantes.
M. Horst Intscher: Un certain nombre des recommandations de la vérificatrice générale... Tout d'abord, nous avons accepté ses recommandations et, dans bien des cas, nous les avons déjà mises en oeuvre ou sommes en train de le faire. Certaines exigent l'intervention d'autres partenaires dans l'initiative de lutte contre le blanchiment d'argent si bien que le ministère des Finances dirige un processus visant l'élaboration et la mise en oeuvre de mesures pour donner suite à ces recommandations.
Le président: Un des gros problèmes semble être le secteur non réglementé, qu'il s'agisse d'entités non réglementées, sans permis ou qui ne se conforment pas à la réglementation, peu importe. Je ne pense pas que le problème soit réellement ceux qui présentent des rapports ou qui sont réglementés, mais bien les entités qui ne le sont pas.
Nous avons parlé des agents immobiliers et des comptables. Mais comment forcer ces gens à se conformer à la réglementation? Je sais que nous pouvons les informer et leur envoyer toutes sortes de documents, mais, en fin de compte, il faut que cela aboutisse à une sorte de... je ne sais pas si on peut parler de pénalités ou d'amendes en cas de non-respect des règlements par des gens qui prétendent ne pas avoir lu la documentation ou ne l'avoir jamais reçue. C'est cela le problème. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, pour essayer de faire quelque chose à propos des gens qui ne font pas de déclaration. Je me reporte encore au rapport de la vérificatrice générale qui indique que la tâche est d'autant plus difficile en raison du nombre élevé de nouvelles entreprises de services qui voient le jour et qui ferment leurs portes tout aussi rapidement. Comment atteindre les entités non conformes, non réglementées, non autorisées?
M. Horst Intscher: Il y a plusieurs volets à cette question, et j'essaierai de répondre à tous les niveaux.
Tout d'abord, en ce qui concerne des secteurs comme l'immobilier ou la comptabilité, la proportion des membres dans ces professions qui seraient en fait tenus de présenter des rapports du fait de la nature de leur entreprise est assez faible. Nous travaillons néanmoins avec ces secteurs pour essayer de voir quels sont les membres qui auraient ce genre de responsabilité, et c'est sur eux que nous concentrons ensuite nos efforts de conformité. Ces efforts, même si la conformité est essentiellement fondée sur la coopération, mènent à des examens et à la découverte de lacunes. S'il s'agit d'un acte de non-conformité délibéré, nous pouvons demander à la police de faire enquête et de les poursuivre. Notre loi prévoit des peines criminelles importantes pour ceux qui ne tiennent pas de registres et ne font pas de déclarations. Nous les suivrons donc d'assez près. Nous avons des mécanismes qui nous permettent de les encourager à faire le nécessaire et d'autres qui nous permettent de déclencher des mesures pour les obliger à respecter la loi.
Ce que nous faisons dans--
Le président: Si vous permettez, ce que je veux dire—et vous avez tout à fait raison—, c'est que lorsqu'il s'agit de quelqu'un qui blanchit de l'argent ou qui est terroriste, cette personne n'ira pas vers une entité réglementée. Elle ne va probablement pas aller voir un comptable ou un avocat ni même peut-être une banque. Le problème c'est qu'il faut essayer d'empêcher ces supposés terroristes ou blanchisseurs d'argent de se soustraire au système.
 (1225)
M. Horst Intscher: Certains de ces blanchisseurs d'argent ont beaucoup d'imagination et ont trouvé des moyens de contourner la plupart des entités qui doivent nous présenter des rapports. Vous seriez surpris de voir combien d'entre eux font leurs opérations bancaires dans les grandes banques, les sociétés de crédit mutuel ou les caisses populaires locales. Certains recourent à des entreprises de transferts de fonds et à des bureaux de change. Ces entreprises ne sont pas autrement réglementées, mais elles connaissent très bien les exigences en matière de rapport et se conforment aux exigences de notre loi. Comme nous le disions tout à l'heure, nous avons repéré quelque 600 entités semblables au Canada. Cela ne veut pas dire qu'il y a 600 bureaux. Cela représente 600 personnes morales dans certains cas.
Prenons, par exemple, Western Union. Cette entreprise a des milliers d'agents au pays. Ils sont tous visés par notre loi, et Western Union doit déclarer toute transaction qui correspond aux critères de rapport applicables.
Les 600 entités que nous avons repérées ne se trouvent pas toutes dans les annuaires téléphoniques. Nous avons trouvé certains moyens d'identifier des entités comptables qui auraient probablement préféré que nous ne les connaissions pas. Elles ne figuraient pas dans les annuaires téléphoniques, mais elles faisaient de la publicité à différents endroits. Nous avons systématiquement recherche cette publicité, puis nous avons envoyé des agents de conformité leur demander de se conformer à la loi.
Dans certains cas, elles nous ont fourni leurs déclarations par l'intermédiaire d'autres entités comptables. Il se peut qu'elles communiquent une déclaration de transaction douteuse ou une déclaration de virement télégraphique indiquant que leur client est une entreprise de transfert de fonds. Nous avons réussi à en atteindre un certain nombre.
Il est vrai qu'il y a un niveau de roulement très élevé dans ce secteur. C'est une des raisons pour lesquelles nous y concentrons tant de nos efforts de conformité. Sur les 600 entités, il y en a probablement 100 nouvelles depuis environ un an. Dans certains cas, nous croyons que lorsque nous avons pris contact avec des entreprises de transferts de fonds qui ne voulaient pas vraiment se faire repérer, elles ont tout simplement fermé boutique et rouvert en face. Nous les avons trouvées de l'autre côté de la rue et continuons à les poursuivre. Nous avons déjà demandé à la police de faire certaines enquêtes et d'entamer des poursuites, et nous lui confierons d'autres cas au fur et à mesure que nous découvrirons des personnes morales qui ne présentent pas leurs déclarations et ne tiennent pas de registres.
Pour finir, une des questions que l'on examine, non seulement au Canada, mais dans un certain nombre d'autres pays, c'est la possibilité d'avoir un régime d'inscription pour les entreprises de transferts de fonds. Cela se fera peut-être. On envisage cette possibilité ici et ailleurs. Même avec un tel régime, il sera encore nécessaire que nous concentrions beaucoup de nos efforts de conformité dans ces secteurs. S'ils veulent absolument ne pas faire de déclaration, il y a de bonnes chances qu'ils feront également tout pour ne pas se faire inscrire.
Le président: Madame Wasylycia-Leis.
Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Nord, NPD): J'aimerais continuer d'explorer un peu plus cette question.
Il se peut que ces fournisseurs de services financiers parallèles n'occupent pas une place très importante dans les activités de blanchiment d'argent, mais nous avons vu une explosion de ces boutiques au cours des dix dernières années à mesure que les banques quittaient des collectivités. Nous avons constaté une croissance énorme d'entreprises, comme Money Mart, de prêteurs sur salaire, d'entreprises d'encaissement de chèques, de crédit-bail, et quoi encore. Comme vous l'avez dit, dans l'ensemble, ce secteur n'est pas réglementé et ces entreprises ne sont pas munies de licences.
Je sais que vous avez tenté de trouver des façons de les recenser et de les amener à se conformer à la loi. Il existe maintenant une association qui pourra être utile à cet égard. Pour ce qui est des moyens à mettre en oeuvre pour réglementer tout ce secteur, avez-vous des conseils à nous donner sur ce qu'il faudrait faire ou ne pas faire?
Par exemple, au Québec, je crois, un problème est apparu lorsqu'on a abaissé le taux d'intérêt usuraire. Cela a tout simplement fait passer ces individus à l'économie souterraine de sorte qu'il y a de moins en moins de chance de découvrir leur identité.
Le Manitoba explore actuellement la possibilité d'obtenir des concessions du gouvernement fédéral afin qu'elle puisse lancer son propre projet pilote dans le cadre duquel les taux d'intérêt usuraires pourraient s'élever à plus de 60 p. 100, ce qui inclurait l'intérêt, les frais de gestion, etc., pour éviter que ces prêteurs ne passent à l'économie souterraine.
Est-ce un problème qui devrait nous inquiéter dans ce contexte? Nous avons d'autres raisons de nous en inquiéter, mais en avons-nous dans ce contexte? Quels conseils pouvez-vous nous donner sur ce que le gouvernement devrait faire pour réglementer ces institutions financières parallèles?
 (1230)
M. Horst Intscher: Eh bien, notre mandat n'englobe qu'un aspect des activités financières de ces entreprises, c'est-à-dire l'émission, l'échange de devises ou encore les transferts d'argent du point A au point B pour le compte de clients. Les prêts sur salaire ne relèvent pas du tout de notre compétence, et je ne crois pas avoir de conseils à vous donner sur la façon d'encadrer tout cela.
Comme vous l'avez dit, ces entités se sont multipliées au cours des dernières années. Certaines de leurs activités sont visées par notre mandat, et nous connaissons les autres même si elles ne sont pas réglementées par nous. Ces entités ont des bureaux où elles s'adonnent à des activités que nous surveillons. Elles ont des relations de mandataires avec des entités plus importantes, qu'il s'agisse d'un fournisseur de chèques de voyage ou d'un service de transfert d'argent tels MoneyGram, Western Union ou Thomas Cook. Nous exerçons donc une certaine surveillance sur cette partie de leurs activités, mais notre mandat n'englobe pas leurs pratiques en matière de prêts. J'ai un point de vue personnel à cet égard, mais je n'en ai pas au nom du CANAFE.
Le président: Merci.
Allez-y, monsieur Pallister.
M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, PCC): Merci d'être venu nous rencontrer. Veuillez m'excuser d'avoir manqué le début de votre exposé; j'espère ne pas labourer un sillon qui l'a déjà été, mais j'aimerais vous poser quelques questions sur des sujets qui m'intéressent plus particulièrement.
Le rapport de la vérificatrice générale renferme un certain nombre de suggestions et de recommandations. On y dit notamment que plusieurs organisations fédérales travaillent avec le Centre et qu'il y aurait lieu d'améliorer la coopération entre ces divers organismes, notamment en ce qui concerne les mécanismes de reddition de comptes. À titre d'exemple, j'aimerais avoir des détails sur votre interaction avec, par exemple, Revenu Canada. Il me semble que Revenu Canada s'intéresserait aussi aux retombées des biens mal acquis.
Donnez-nous un exemple de cette interaction et dites-nous comment les procédures pourraient être améliorées.
M. Horst Intscher: Notre relation avec Revenu Canada est très indirecte. Elle est plus complexe que celle que nous avons avec les autorités policières ou avec le SCRS car avant de pouvoir divulguer quoi que ce soit à Revenu Canada, nous devons d'abord déterminer que nous avons des motifs raisonnables de croire que l'information que nous possédons est pertinente dans le cadre d'enquêtes sur le blanchiment d'argent ou le financement d'activités terroristes. Nous devons aussi déterminer si nous avons ou non des motifs raisonnables de soupçonner qu'il y a évasion fiscale, dans lequel cas nous pouvons leur divulguer l'information que nous possédons.
M. Brian Pallister: Aidez-moi à comprendre où est l'obstacle. Revenu Canada agit lorsqu'elle reçoit une plainte. Nous avons tous des raisons de nous plaindre des impôts que nous payons, j'en suis certain, mais on me dit que l'Agence du revenu du Canada agit lorsqu'elle reçoit une plainte. Par exemple, elle a donné suite aux plaintes concernant l'utilisation abusive des règles sur les organismes de charité au cours de la dernière campagne électorale car certaines organisations allaient trop loin, par exemple. Où sont donc les obstacles? Vous devez d'abord vous convaincre de l'opportunité d'agir avant de communiquer avec eux? Est-ce bien cela?
 (1235)
M. Horst Intscher: Oui, nous sommes tenus de démontrer...
M. Brian Pallister: Aux termes de votre loi habilitante...
M. Horst Intscher: Nous sommes tenus de déterminer expressément si l'information est pertinente à un cas d'évasion fiscale.
Il est parfois tentant de se dire tout simplement: « S'ils font du blanchiment d'argent, ils ne paient certainement pas leurs impôts », mais nous avons constaté, et d'autres nous l'ont confirmé, que ce n'est pas toujours une supposition fondée. À certaines étapes du blanchiment d'argent, il est probable que certains ne paient pas leurs impôts, mais à d'autres étapes—autrement dit, lors de la dispersion et de la réinsertion des gains mal acquis dans les circuits financiers réguliers—ces personnes paient sans doute avec enthousiasme leurs impôts afin de protéger la source originelle de l'argent.
M. Brian Pallister: Alors l'inverse est aussi vrai. Je sais bien que je digresse, mais il y a aussi des choses qui empêchent Revenu Canada de vous informer; c'est un peu comme une structure tubulaire. Je comprends maintenant ce dont parlait la vérificatrice générale et ce que nous savons tous.
M. Horst Intscher: Nous avons toutefois lancé un projet commun avec eux pour recenser les mécanismes et les indicateurs de transactions qui nous aideraient à déterminer s'il y a lieu ou non de soupçonner un cas d'évasion fiscale.
M. Brian Pallister: N'est-ce pas une difficulté à laquelle vous vous heurtez? Vous avez le matériel; le seuil est de 10 000 $. Si je m'adonne au blanchiment d'argent et que je connais ce seuil, je fais des transactions de 9 999 $. N'est-ce pas un peu comme l'eau? Ne trouve-t-elle pas toujours le moyen de percoler grâce à la gravité et de se frayer un chemin?
M. Horst Intscher: Vous seriez étonné de voir le nombre de déclarations de transactions douteuses que nous recevons des entités déclarantes qui nous signalent exactement ce genre de comportement.
M. Brian Pallister: Les transactions sont donc douteuses lorsque le montant est de 9 999 $.
M. Horst Intscher: C'est exact. Si Joe vient trois fois par semaine faire un dépôt de 9 500 $, cela alertera l'institution et éveillera ses soupçons et elle nous fera alors une déclaration.
Il serait toujours possible d'abaisser le seuil des transactions, mais à 10 000 $, il est déjà assez bas. Dix mille dollars, c'est beaucoup pour moi. Je ne circule jamais avec ce genre d'argent dans mes poches et je n'ai jamais fait un dépôt de 10 000 $.
M. Brian Pallister: Je ne vous suivrai pas quand vous rentrerez à la maison dans ce cas là.
Des voix: Oh, oh!
M. Horst Intscher: Toutefois, pour ceux qui s'adonnent au blanchiment d'argent, 10 000 $, ce sont des poussières. Même en maintenant le seuil au niveau actuel, il leur faut déployer énormément d'efforts pour tenter de passer inaperçu sous ce seuil, et ça déplace quand même tellement de poussière qu'un certain nombre d'institutions—nous en avons la certitude—peuvent détecter cette activité et ensuite nous transmettre une déclaration sur des transactions douteuses.
M. Brian Pallister: Il me semble, après une lecture en diagonale des documents, dont le rapport de la vérificatrice générale, que la principale préoccupation tient au refus total de divulgation, par exemple, par les avocats qui prétextent le secret professionnel, n'est-ce pas?
Je sais que des avocats sont aussi préoccupés et disent que cet argument ne devrait pas être utilisé comme il l'est pour protéger des activités criminelles. Manifestement, certains avocats respectueux de la loi estiment que ce n'est pas un prétexte valable, mais le fait reste que c'est un obstacle qui pourrait inciter certaines personnes à avoir recours aux services d'un avocat comme intermédiaire, n'est-ce pas?
M. Horst Intscher: Ce serait certainement tentant et c'est aussi un sujet de préoccupation pour nous et pour le ministère des Finances qui est chargé de l'élaboration des politiques en la matière. Le ministère cherche activement une façon d'assujettir les avocats à la loi. Ainsi, de nombreux efforts sont déployés pour tenter de les assujettir à la loi parce que, effectivement, il faut reconnaître qu'il y a là danger d'échappatoire.
M. Brian Pallister: Quelqu'un d'autre vous a sûrement déjà posé la question, mais n'est-ce pas une source d'inquiétude? D'autres organisations existent depuis plus longtemps que la vôtre et elles ont dû déjà se heurter à ce problème du secret professionnel. Qu'a-t-on fait dans d'autres pays et a-t-on trouvé une solution efficace? Vous avez parlé de—je ne sais pas si l'on peut utiliser le terme « dichotomie »—d'une friction inévitable entre le secret professionnel et la déclaration d'activités qui pourraient s'avérer douteuses. A-t-on trouvé une solution en France ou encore en Allemagne?
 (1240)
M. Horst Intscher: Certains pays ont trouvé une solution plutôt boiteuse et d'autres pas du tout. C'est une échappatoire qui suscite des préoccupations un peu partout. Certains pays s'en inquiètent davantage que d'autres parce que dans certains endroits les avocats ne peuvent agir à titre d'intermédiaires financiers; il leur faudrait pour ça une licence distincte. Dans d'autres pays, comme le nôtre, les avocats ont ajouté à leur palette de services certains services financiers. Il est donc plus difficile pour nous d'encadrer leurs activités, mais il est aussi plus important que nous trouvions une solution.
M. Brian Pallister: Un rapport de Statistique Canada est paru la semaine dernière dans lequel on fait état du fait que les gens ont recours huit fois plus qu'avant aux institutions financières sous contrôle étranger, essentiellement aux abris fiscaux. Dans quelle mesure est-ce pertinent dans le cas qui nous occupe? J'aimerais bien savoir qui pourrait vouloir blanchir de l'argent au Canada et payer beaucoup d'impôts quand il est possible de le blanchir à la Barbade où il n'y a presque pas d'impôt à payer? N'est-il pas vrai que les gains mal acquis de nos nombreux cultivateurs de marijuana canadiens seront de toute façon exportés vers les îles Caïman ou la Barbade?
M. Horst Intscher: C'est vraisemblablement ce qui se produira dans certains cas. L'institution financière qui effectuera le transfert télégraphique des fonds est tenue de nous déclarer cette transaction. Ainsi, si monsieur X ou son avocat effectue le transfert vers les îles Caïman, les Bermudes, le Daubay ou un autre endroit, une déclaration concernant cette transaction nous est transmise. Si le transfert est effectué directement par un particulier, nous connaissons alors son identité. Si le transfert est effectué par son avocat, le véritable propriétaire est invisible pour nous, mais nous connaissons certainement l'identité de l'avocat.
M. Brian Pallister: Une valise remplie de billets échappe à...
 (1245)
M. Horst Intscher: Autrefois, avant les restrictions sur l'importation et l'exportation d'argent, la valise remplie de billets était un moyen facile. Maintenant, quiconque entre au pays ou en sort en transportant 10 000 $ ou plus doit remplir une déclaration et...
M. Brian Pallister: On est censé faire une déclaration.
M. Horst Intscher: Il y a, à plusieurs endroits, des équipes qui vérifient ce genre de chose. J'ai pu observer le travail de l'une d'entre elles à l'aéroport Pearson, à Toronto. Ces agents regardent la liste des vols en partance de Toronto et effectuent une analyse du risque pour les destinations, après quoi ils contrôlent les passagers qui quittent le Canada. Si un passager n'a pas fait de déclaration, l'argent qu'il transporte est saisi, puis confisqué.
M. Brian Pallister: Mais il me semble que la coopération avec les autorités des destinations en question est quelque chose d'extrêmement important. Supposons que je parvienne à faire sortir ma valise du Canada et que j'arrive à la Barbade, suis-je alors libre ou est-ce que, lorsque je vais faire un dépôt dans une banque, je cours le risque que cet établissement financier me dénonce à vous?
M. Horst Intscher: Oui. La plupart de ces pays, sur l'insistance et les efforts de persuasion de différents organismes internationaux, ont mis en place des régimes semblables aux nôtres où ce genre de déclaration est obligatoire. Ces pays ont des organismes comme le nôtre, et nous nous employons activement à signer avec eux des protocoles d'entente pour nous permettre de leur demander des renseignements ou de leur en fournir, et vice versa.
M. Brian Pallister: Mais si je passe par un avocat à la Barbade, je suis quand même protégé par le secret professionnel.
M. Horst Intscher: En partie.
M. Brian Pallister: Non pas que je veuille essayer de monter une combine dans ce pays.
Le président: Très bien, je voudrais simplement...
M. Brian Pallister: Mon collègue a également une question à poser.
M. Horst Intscher: Mais si vous sortez des capitaux, nous ne le saurons peut-être pas.
M. Brian Pallister: Rona aurait deux questions à vous poser.
Merci beaucoup pour ces précisions.
Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): J'aurais en fait une question très précise concernant cette question du secret professionnel entre un client et son avocat. D'après ce que j'ai pu lire dans son rapport, la vérificatrice générale considère ça comme un énorme trou noir. Je n'entrerai pas dans les détails parce que, manifestement, vous en savez beaucoup à ce sujet, mais je sais par contre que votre loi habilitante exige un examen parlementaire au mois de juillet.
Vous en avez parlé très rapidement, mais est-ce que vous recommanderiez de faire quelque chose pour combler cette lacune?
M. Horst Intscher: Oui, tout à fait. Toute lacune du système me met mal à l'aise. Bien sûr, il y en aura toujours, et il faudra toujours que nous fassions du rattrapage, mais celle-là en particulier, je tiens beaucoup à la voir disparaître.
Le président: Avant de terminer, je voudrais poser à mon tour une ou deux petites questions. Dans votre déclaration, vous avez parlé, je crois, de la réglementation des valeurs mobilières par les pouvoirs publics provinciaux. Si je ne m'abuse, vous en avez parlé en réponse à l'une de mes questions concernant les caisses populaires. Est-ce une façon de contourner les exigences de la loi en matière de déclaration?
M. Horst Intscher: Non. Ces organismes font effectivement rapport, mais lorsque c'est possible, nous nous employons à conclure des ententes avec les organismes de réglementation compétents pour que ceux-ci fassent les vérifications de conformité pour nous, comme s'ils étaient nos agents. Nous faisons cela pour faciliter la tâche des entités déclarantes afin qu'elles n'aient pas la visite d'un inspecteur provincial le mardi, et celle d'un de nos inspecteurs la semaine suivante. Il n'empêche que ces entités doivent en tout état de cause faire rapport.
Nous pourrions également échanger des renseignements avec les organismes de réglementation, ce qui permettrait de déceler les entités qui présentent le plus de risque. Les organismes provinciaux de réglementation pourraient ainsi nous dire qu'ils ont contrôlé tel ou tel courtier, ou telle ou telle caisse populaire, et qu'ils ont lieu de croire qu'il y a un problème de conformité, après quoi nous ferions sans doute un suivi.
Le président: Lorsque vous concluez des ententes de ce genre, y a-t-il des exceptions? Par exemple, vous pouvez contrôler des succursales, mais pas le siège social, ou dans le cas d'un casino, les montants sont limités de sorte qu'ils respectent parfaitement la réglementation qui vous intéresse.
Cela m'amène à ma prochaine question. Y a-t-il un recoupement entre vous et d'autres organismes fédéraux, l'ARC par exemple ou plus particulièrement les surintendants, qui entraîne la duplication du travail fait chez vous et chez eux?
M. Horst Intscher: Je ne pense pas. Nous sommes relativement spécialisés, et le travail d'analyse et de la vérification de la conformité que nous effectuons, personne ne le faisait vraiment avant l'adoption de ce texte de loi. Que je sache, notre mandat ne recoupe pas celui d'un autre organisme, et il n'y a pas vraiment de concurrence. Pour dire les choses gentiment, nous ne pouvons pas utiliser nos propres renseignements parce que notre mandat ne nous permet pas de faire enquête. Nous ne sommes là que pour recueillir des renseignements à l'intention des organismes enquêteurs qui, eux, ont pour mandat de procéder à des enquêtes.
Le président: La seule raison pour laquelle je vous pose cette question, c'est que la vérificatrice générale disait dans son rapport, si je ne me trompe pas, que depuis quatre ans, 140 millions de dollars ont été consacrés à des initiatives nationales destinées à combattre le blanchiment d'argent, et que le CANAFE en a reçu 92 millions de dollars. Les autres organismes qui ont profité de ce financement ont été l'ARC, la GRC, Justice Canada, Citoyenneté Canada et Finances Canada. Manifestement, c'est l'ARC qui a reçu le plus gros montant après le CANAFE, la GRC se situant en troisième place. C'est la raison pour laquelle je vous posais cette question.
M. Horst Intscher: Le CANAFE est en toute première ligne du processus de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement des activités terroristes. C'est nous qui extrayons l'information des données sur les transactions financières qui nous sont signalées. Cette information, nous la donnons ensuite aux organismes chargés d'enquêter. C'est un processus qui exige notre intervention ainsi que celle des organismes d'enquête, du ministère public et, en bout de ligne, en cas de condamnation, du système carcéral. Mais nous ne sommes qu'un des éléments du processus, et nous sommes le seul qui soit tout à fait nouveau.
Avant notre création, les corps policiers faisaient déjà enquête sur les produits de la criminalité, et le ministère public entamait des poursuites. Si le CANAFE a été créé, c'est pour améliorer l'efficacité du processus d'enquête et de poursuite en fournissant beaucoup plus de renseignements aux intervenants de première ligne chargés des enquêtes.
Nous avons reçu les ressources nécessaires à notre création et à notre fonctionnement. Les autres organismes ont également reçu de l'argent pour accomplir les tâches qui se sont ajoutées à leur travail en raison de notre existence. Voilà pourquoi ils ont reçu moins d'argent. C'est un montant qui est venu s'ajouter à leur budget existant, celui qui leur avait été donné pour faire ce qu'ils faisaient déjà sur le terrain.
 (1250)
Le président: J'ai une dernière question. Les nombreuses divulgations que vous avez pu faire à ces différents organismes, corps policiers ou services s'occupant des réfugiés, ont-elles abouti à des arrestations ou à des condamnations, comme des peines de prison, que ce soit pour des activités terroristes ou de blanchiment d'argent? Vous ne faites ce genre de choses que depuis trois ans, n'est-ce pas?
M. Horst Intscher: Il y a des cas dont nous sommes au courant, mais nous ne recevons pas de notification officielle. Nous l'apprenons parfois en lisant les journaux, ou encore à l'occasion de discussions avec des représentants de corps policiers, mais il arrive également que nous ne connaissions jamais le dénouement final.
Nous travaillons avec la GRC mais également avec les autres corps policiers canadiens afin de pouvoir implanter un mécanisme de suivi beaucoup plus systématique qui nous permettrait d'obtenir précisément ce genre de rétroaction afin que nous puissions en faire rapport car, manifestement, c'est quelque chose qui intéresse les parlementaires et la population.
Il faut toutefois que je vous signale qu'il n'est pas très étonnant que, jusqu'à présent, nous n'ayons pas vu grand-chose. D'abord, nous ne sommes là que depuis très peu de temps. Dans notre premier rapport annuel, nous avions très peu de choses à dire. En deux ans, nous avons transmis un nombre assez considérable de renseignements. Mais une enquête complexe concernant les produits de la criminalité peut facilement nécessiter de 18 mois à deux ans avant même que le corps policier compétent puisse procéder à des accusations. Si, dans un an ou deux ans, nous n'avons toujours pas eu vent d'aucun cas de poursuites ou de condamnation, je pense qu'il y aurait matière à s'inquiéter, mais je suis assez certain que nous allons en entendre parler beaucoup plus souvent que ce n'est le cas actuellement.
Le président: Je vous remercie. Je pense que ça met un terme à notre séance.
Merci d'être venu. Je remercie tous les témoins de nous avoir accordé du temps. Nous allons réfléchir à ce que vous nous avez dit pour voir si nous devons ou non poursuivre dans ce sens.
La séance est levée.