FAAE Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 22 novembre 2004
¹ | 1535 |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)) |
M. James Morris (directeur exécutif, Programme alimentaire mondial des Nations Unies) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC) |
¹ | 1550 |
M. James Morris |
¹ | 1555 |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ) |
M. James Morris |
º | 1600 |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. Mario Laframboise |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.) |
º | 1605 |
M. James Morris |
º | 1610 |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD) |
M. James Morris |
º | 1615 |
Mme Alexa McDonough |
M. James Morris |
º | 1620 |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, PCC) |
M. James Morris |
M. Gerry Ritz |
M. James Morris |
M. Gerry Ritz |
M. James Morris |
º | 1625 |
M. Gerry Ritz |
M. James Morris |
M. Gerry Ritz |
M. James Morris |
M. Gerry Ritz |
M. James Morris |
M. Gerry Ritz |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Wayne Easter (Malpeque, Lib.) |
M. James Morris |
º | 1630 |
L'hon. Wayne Easter |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Wayne Easter |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ) |
M. James Morris |
M. Serge Cardin |
M. James Morris |
º | 1635 |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. Serge Cardin |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Keith Martin |
º | 1640 |
M. James Morris |
L'hon. Keith Martin |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
Mme Alexa McDonough |
º | 1645 |
M. James Morris |
Mme Alexa McDonough |
M. James Morris |
Mme Alexa McDonough |
M. James Morris |
º | 1650 |
Mme Alexa McDonough |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.) |
M. James Morris |
L'hon. Don Boudria |
M. James Morris |
L'hon. Don Boudria |
º | 1655 |
M. James Morris |
L'hon. Don Boudria |
M. James Morris |
L'hon. Don Boudria |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Don Boudria |
Le coprésident suppléant (M. Kevin Sorenson) |
M. James Bezan (Selkirk—Interlake, PCC) |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. James Morris |
» | 1700 |
M. James Bezan |
M. James Morris |
M. James Bezan |
M. James Morris |
» | 1705 |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.) |
M. James Morris |
L'hon. David Kilgour |
M. James Morris |
L'hon. David Kilgour |
M. James Morris |
L'hon. David Kilgour |
M. James Morris |
L'hon. David Kilgour |
M. James Morris |
L'hon. David Kilgour |
» | 1710 |
M. James Morris |
L'hon. David Kilgour |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley) |
M. James Morris |
M. Bill Casey |
M. James Morris |
M. Bill Casey |
M. James Morris |
M. Bill Casey |
M. James Morris |
M. Bill Casey |
M. James Morris |
M. Bill Casey |
M. James Morris |
M. Bill Casey |
M. James Morris |
» | 1715 |
M. Bill Casey |
M. James Morris |
M. Bill Casey |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
L'hon. Keith Martin |
M. James Morris |
» | 1720 |
L'hon. Keith Martin |
M. James Morris |
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson) |
Mme Alexa McDonough |
M. James Morris |
Mme Alexa McDonough |
M. James Morris |
» | 1725 |
Le coprésident (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)) |
» | 1730 |
Mme Dianne Spearman (directrice, Programme alimentaire mondial des Nations Unies, Bureau du sous-directeur administratif) |
Le coprésident |
CANADA
Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 22 novembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson (Crowfoot, PCC)): Je déclare la séance ouverte.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le comité le 14 novembre, nous tenons une séance conjointe du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire afin d'étudier des questions relatives à l'approvisionnement alimentaire mondial.
Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir M. James T. Morris, directeur du Programme alimentaire mondial des Nations Unies depuis 2002. À ce titre, M. Morris supervise l'organisation alimentaire la plus importante du monde, une organisation qui, l'année dernière, a mené des projets d'aide en situation d'urgence et des projets de développement dans 81 pays et a nourri 104 millions de personnes et dont les nouvelles contributions s'élèvent à 3,8 milliards de dollars US.
M. Morris est également l'envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, en matière de besoins humanitaire en Afrique australe.
Monsieur Morris, vous avez comparu devant notre comité il y a deux ans, et nous tenons à ce que vous sachiez que le travail que vous avez accompli depuis n'est pas passé inaperçu au Parlement du Canada. Par exemple, en 2003, nous avons déposé un rapport sur le VIH/sida et la catastrophe humanitaire en Afrique subsaharienne rédigé par notre Sous-comité des droits de la personne et du développement international. Ce rapport s'appuyait largement sur votre évaluation de la situation sur le continent en matière humanitaire et sur celle de Stephen Lewis. Je crois parler pour toutes les personnes ici présentes en disant que nous admirons et appuyons votre défense spontanée et passionnée de l'Afrique ainsi que le travail que vous et votre organisation faites dans le monde entier.
Bienvenue. Nous écouterons tous avec attention votre allocution de dix minutes. Vous avez la parole, monsieur Morris.
M. James Morris (directeur exécutif, Programme alimentaire mondial des Nations Unies): Merci, monsieur le président
Mesdames et messieurs, je vous suis profondément reconnaissant de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui, pour plusieurs raisons. La première, c'est que je veux exprimer ma gratitude et vous remercier du fond du coeur et avec toute la sincérité dont je suis capable. Le Canada est l'un des meilleurs amis et des plus fervents partisans du Programme alimentaire mondial, et le Canada est l'un des plus grands amis des gens qui sont dans le besoin partout dans le monde.
Le Canada a aidé à fonder le Programme alimentaire mondial il y a 41 ans. Au cours de ces 41 années, vous nous avez fourni 3,7 milliards de dollars canadiens d'aide. Aujourd'hui, nous avons 120 employés canadiens, le plus important contingent de tous les pays sauf l'Italie, où nous avons notre siège social. Ce sont des employés qui nous apportent une force de conviction et des talents remarquables, notamment 12 employés qui se situent aux échelons les plus élevés de l'institution. Vous nous apportez un esprit bien spécial, vous êtes très diligents dans votre travail, et les gens qui représentent le Canada au sein du Programme alimentaire mondial sont toujours superbement bien préparés.
Nous sommes reconnaissants à votre pays pour son engagement dans les domaines des soins de santé et de l'éducation, du VIH, de la protection des enfants. Nous travaillons avec une douzaine d'ONG canadiennes et nous sommes tout aussi reconnaissants de votre appui à l'ensemble de la communauté des affaires humanitaires que de votre soutien au Programme alimentaire mondial. Votre engagement au programme « 3-5 » de l'Organisation mondiale de la santé est extraordinairement important.
Je dois aussi rendre hommage à votre ambassadeur en Italie, qui vous représente également au Programme alimentaire mondial, M. Bob Fowler. C'est une personne qui connaît remarquablement bien les dossiers de l'Afrique et il fait partie de ceux qui ont rendu meilleur le PAM.
Je dois aussi rendre hommage à Ernest Loevinsohn. Ernest nous a fait bénéficier de sa connaissance approfondie du dossier de la nutrition et de l'utilisation des oligoéléments. Il nous a aidés à prendre conscience de la valeur de ce petit investissement dans les oligoéléments que nous pouvons ajouter aux aliments que nous distribuons, ce qui nous donne un puissant effet de levier pour rendre notre aide encore plus efficace.
L'année dernière, nous avons nourri 104 millions de personnes dans 81 pays. Notre budget était de l'ordre de quatre milliards de dollars en comptant notre présence en Iraq. Vous nous avez appuyés à hauteur de 150 millions de dollars. Le Pam est la plus grande agence d'aide humanitaire au monde et le programme le plus imposant des Nations Unies, et nous nous efforçons toujours de sauver des vies, de protéger des gagne-pain et de jouer un rôle partout où l'alimentation est un facteur, notamment dans la santé, dans l'éducation et dans la réalisation des objectifs de développement du millénaire.
La totalité des 191 membres de l'ONU adhèrent aux objectifs de développement du millénaire. De mon point de vue, cela représente le programme d'aide humanitaire pour le monde entier. Nous nous sommes engagés à réduire de moitié la faim et la pauvreté, à réduire la mortalité infantile, à lutter sérieusement contre le VIH/sida et la tuberculose, et dans tous ces dossiers, de même que dans ceux de la santé maternelle,de l'universalité de l'éducation primaire et de l'égalité entre les sexes, l'alimentation est primordiale pour progresser sur chacun de ces fronts, et vous nous avez aidés énormément.
La moitié de notre travail est en Afrique et l'autre moitié dans des pays qui font partie de l'Organisation de la conférence islamique. Nous avons nourri 56 millions d'enfants l'année dernière. Il y a dans le monde 840 millions de personnes qui ont faim, dont 300 millions d'enfants affamés. De mon point de vue, si nous, je veux dire la communauté mondiale, voulons vraiment réduire de moitié la faim et la pauvreté d'ici 2015, le levier le plus important sur lequel nous puissions agir, c'est d'éliminer la faim parmi les 300 millions d'enfants affamés dans le monde. Le tiers de ces enfants vivent en Inde et en Chine et les deux autres tiers se trouvent en Afrique, dans le reste de l'Asie, en Amérique latine, dans les anciennes républiques soviétiques—le groupe de la CEI—et au Moyen-Orient.
¹ (1540)
Nous sommes profondément engagés aujourd'hui au Darfour et nous sommes reconnaissants à votre premier ministre qui va se rendre là-bas bientôt. Le Darfour réclame avec force une solution politique. En fait, un million et demi de gens ont été chassés de chez eux dans un déferlement de violence épouvantable. Ils vivent présentement dans 155 camps au Darfour, plus 13 camps de réfugiés au Tchad. Durant le mois de septembre, nous avons nourri 1 336 000 personnes. Nous allons en nourrir deux millions en décembre.
Soudainement, des gens qui menaient des vies confortables, selon leurs propres critères, se sont retrouvés sans toit, privés de toute communauté, sans écoles pour leurs enfants, à vivre dans des conditions épouvantables sur le plan des soins de santé et de l'hygiène et de l'accès à l'eau potable. Ils veulent rentrer chez eux. Je dois vous dire que je suis allé là-bas et que, dans toute votre vie, vous n'avez jamais vu des gens aussi effrayés. Mais le Canada nous a aidés en nous donnant des pois cassés jaunes pour nourrir les réfugiés dans les camps. Vous nous avez aussi donné de l'argent pour acheter du sorgho sur place. Nous sommes profondément reconnaissants au Canada pour toute cette aide.
La visite que votre premier ministre fera là-bas s'inscrit dans la foulée de la réunion du Conseil de sécurité à Nairobi la semaine dernière. La réunion de Nairobi devait porter essentiellement sur le Soudan et traduisait le volonté de la communauté internationale de continuer à exercer des pressions politiques sur le gouvernement du Soudan pour qu'il rétablisse la loi et l'ordre ainsi que la paix et la sécurité, afin que les gens puissent rentrer chez eux et reprendre le cours de leur vie.
Vous nous avez aidés en Haïti. Nous nourrissons 602 000 personnes en Haïti. À certains égards, Haïti est le pays le plus dépourvu en nourriture du monde entier. On y trouve le pire déficit calorique de tous les pays du monde, et c'est un endroit où les catastrophes et les tragédies se succèdent sans relâche. Nous avons nourri 140 000 enfants de moins de trois ans et 602 000 personnes au total. Nous n'avons pas de données fiables sur la nutrition, mais je soupçonne qu'au moins la moitié des enfants du pays souffrent probablement de malnutrition chronique. Votre aide là-bas est donc très précieuse.
Grâce à l'aide que vous nous avez donnée pour distribuer des repas dans les écoles en Afrique, il nous a été possible de nourrir 500 000 écoliers en Éthiopie, au Mozambique, au Sénégal, au Mali et en Tanzanie. A mon d'avis, le fait de donner un repas à un enfant de manière à lui permettre d'aller à l'école, est le plus important investissement que nous puissions faire dans l'avenir de l'humanité. Si vous allez au Japon, si vous vous entretenez avec des gens de notre génération, vous constaterez qu'ils ont tous été nourris grâce à des repas distribués à l'école après la Seconde Guerre mondiale. Les gens vous diront que c'est le fait de pouvoir compter sur ce repas à l'école qui a permis à leur système d'éducation de bien fonctionner; c'est cela qui a produit le pays prospère qu'est devenu le Japon de nos jours. Eh bien, c'est la même situation que vivent les 300 millions d'enfants affamés qui ne reçoivent pas chaque jour un bon repas à l'école, et vous nous aidez à nourrir un demi-million d'enfants en Afrique.
Et ce problème touche de façon disproportionnée les fillettes. Si l'on nourrit une fillette à l'école et si elle ne fréquente l'école que pendant les cinq années d'école primaire, sa vie change de la façon la plus extraordinaire que l'on puisse imaginer. Elle n'aura pas d'enfant avant d'avoir 20 ans, au lieu d'enfanter à 12 ans. Elle aura deux ou trois enfants, et non pas sept ou huit et elle aura des aspirations d'un tout autre ordre quant à la vie de sa famille. Elle devient une meilleure citoyenne et une meilleure enseignante. En Afrique, où les femmes produisent 80 p. 100 des aliments, où les femmes représentent entre 56 p. 100 et 60 p. 100 de toutes les personnes séropositives, et où les femmes assurent 100 p. 100 des tâches ménagères, nous savons que tous les progrès qui ont été accomplis sur le plan social dans le tiers monde depuis 20 ans découlent de l'éducation donnée aux femmes. C'est très important.
Prenons par exemple votre investissement au Mali. Dans ce pays, grâce au programme d'alimentation scolaire financé par le Canada, le pourcentage de fillettes qui fréquentent l'école primaire est passé de 34 à 43 p. 100. Vous avez fait cela rapidement, et j'espère que vous en tirez une certaine fierté.
¹ (1545)
Je vous remercie, monsieur, d'avoir évoqué mes responsabilités en Afrique australe. Je suis d'avis que la triple crise qui frappe l'Afrique australe est le plus grave problème humanitaire qui afflige le monde aujourd'hui. Il y a deux ans, 15,5 millions de personnes risquaient la famine. Nous avons fait des efforts pour enrayer ce problème. Aujourd'hui, l'insécurité alimentaire touche environ cinq millions de personnes, mais la situation est aggravée par la pandémie de VIH. En outre, les répercussions du VIH, qui détruisent la capacité des gouvernements et de la société civile de réagir à ces problèmes, ont provoqué une crise humanitaire d'une ampleur et d'une portée extraordinaire.
Il y a en Afrique australe un pays de 11 à 12 millions d'habitants où le taux de séropositivité est supérieur à 25 p. 100, où 920 000 enfants sont orphelins parce que leurs parents sont morts du VIH/sida, et où l'espérance de vie est passée de 68 à 33 ans. En Occident, nous sommes habitués à voir ce chiffre augmenter constamment, mais je ne peux même pas imaginer l'état d'esprit des dirigeants politiques d'un pays dévasté par une catastrophe d'une telle ampleur. Et l'alimentation est le point de départ de tout progrès dans cette problématique.
Je vous remercie pour tout ce que vous faites pour nous. Merci pour ce que vous faites pour mes collègues de l'ONU à l'UNICEF et à l'OMS et au Haut-Commissariat pour les réfugiés. Vous êtes les représentants d'un pays très spécial. Le respect et la confiance que les gens peuvent éprouver envers le jugement de votre pays, envers la bonté de votre pays, sont hors de l'ordinaire. J'espère que vous avez quelque peu conscience de la haute estime dans laquelle vous êtes tenus en tant que membres de la communauté mondiale.
Merci.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Morris.
Je dois aussi m'excuser. Mme Spearman est arrivée en retard et je ne l'ai pas présentée. Dianne Spearman est directrice du bureau du directeur général adjoint, chargé du département des politiques et des affaires extérieures. Je vous souhaite la bienvenue.
Une voix: Et une magnifique Canadienne.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Et une magnifique Canadienne, en effet.
Très bien, nous allons procéder dans l'ordre, en commençant par M. Day.
M. Stockwell Day (Okanagan—Coquihalla, PCC): Merci, monsieur le président.
Monsieur Morris, merci à vous également, non seulement pour le travail que vous faites, mais aussi pour nous avoir rappelé que l'argent de nos impôts sert bel et bien à faire du bon travail et à aider des gens dans le besoin. C'est toujours encourageant. Nous allons assurément communiquer cela à nos commettants. Nous apprécions de recevoir ces renseignements.
C'est important que les gens—nos commettants, les contribuables, les électeurs—comprennent bien que l'ONU fait du bon travail. L'ONU est actuellement entachée par le scandale iraquien pétrole contre nourriture, ou plutôt nourriture contre pétrole. Nous sommes tous des élus expérimentés et nous lisons donc attentivement, avec un esprit critique, mais si la moitié de ce que nous lisons est exact, cela pourrait ébranler profondément tout l'édifice de l'ONU.
Nous lisons des reportages sur des enquêtes qui aboutissent aux échelons politiques les plus élevés en France et en Russie. Nous lisons des articles évoquant la possibilité que cela mette en cause les échelons les plus élevés de l'ONU elle-même. Et aussi, ceux d'entre nous qui savent, non pas par expérience personnelle mais pour l'avoir vu, ce qui se passe quand un gouvernement est ébranlé par un scandale savent bien que la meilleure chose à faire est de s'assurer que le processus visant à aller au fond des choses soit absolument transparent et que les perpétrateurs soient traduits devant les tribunaux.
Donc, en vous fondant sur votre grande et importante expérience dans le domaine de la distribution d'aliments, connaissant la manière dont tout cela est distribué, et compte tenu du fait que vous n'êtes pas l'homme de pointe de l'ONU chargé au premier chef d'examiner le scandale de la formule pétrole contre nourriture en Iraq, dans quelle mesure êtes-vous confiant que ce scandale fera l'objet d'une enquête approfondie, que tout cela sera transparent et que les contrevenants seront poursuivis? Pouvez-vous nous donner une idée de votre niveau de confiance à cet égard?
¹ (1550)
M. James Morris: Je vous remercie pour cette question.
Je fais entièrement confiance au leader de l'ONU. Kofi Annan est un être humain extraordinaire. Il est intelligent, honnête, honorable, et je lui fais entièrement confiance. Il a demandé à Paul Volker, l'ancien président de la Réserve fédérale des États-Unis, de diriger une commission chargée d'examiner la question. Cette affaire est une grande tragédie. Je souhaiterais ardemment que l'on appelle cela le pétrole contre l'aide humanitaire. Je ferais n'importe quoi pour que le mot « aliment » ne soit pas utilisé pour décrire cette activité. Un petit pourcentage des ressources en cause a été consacré à des aliments. La plus grande partie a servi à d'autres fins humanitaires et d'autres éléments d'infrastructure.
Essentiellement, quand le Conseil de sécurité de l'ONU a imposé des sanctions à l'Iraq, il a accordé à l'Iraq le privilège de continuer à vendre du pétrole si les revenus qui en découlaient servaient à des fins humanitaires bénéficiant au peuple iraquien. Les revenus tirés du pétrole devaient passer par l'ONU. Les factures devaient être présentées à l'ONU qui les acquitterait, mais les contrats étaient négociés par le gouvernement iraquien.
On allègue que le gouvernement iraquien a reçu, en exerçant son privilège de vendre du pétrole, des sommes d'argent supérieures aux montants consacrés à des fins humanitaires. On allègue que des gens ont payé pour avoir le privilège d'acheter du pétrole et que les compagnies qui ont fourni les aliments, le transport ou quoi que ce soit, ont également payé une prime au gouvernement iraquien pour avoir le privilège de faire des affaires avec lui. On allègue que le gouvernement iraquien tirait un double avantage de la situation.
Je suis confiant que l'on tirera tout cela au clair. Le Programme alimentaire mondial a seulement été amené à intervenir après le fait, après que la première phase du conflit en Iraq ait été terminée. Le Conseil de sécurité nous a alors demandé d'examiner les contrats ayant trait aux aliments, de les renégocier pour en retirer les primes prétendument payées au gouvernement de l'Iraq, le cas échéant, et de voir si ces contrats pouvaient être respectés et exécutés. Autrement dit, si l'on avait acheté des aliments d'un pays donné, l'engagement ayant été pris il y a deux ou trois ans, ce contrat était-il encore valide et pouvait-on l'exécuter?
Mes collègues—sous la direction d'un Canadien, soit dit en passant, qui se trouve d'ailleurs dans la salle, Philip Ward—ont renégocié des contrats d'achat d'aliments d'une valeur de 1,4 milliards de dollars et ont réorganisé le transport, de sorte que cette nourriture a fini par parvenir à la population iraquienne. Philip est un jeune homme et nous avions une équipe de très jeunes gens à qui on a remis ces contrats fort mal rédigés, qui auraient fait honte à n'importe quel avocat moyen, et ils se sont mis à la tâche et les ont tous renégociés.
¹ (1555)
Mon sentiment est que les dirigeants des Nations Unies forment un groupe qui mérite votre confiance à titre de personnes honorables. Vous pouvez faire confiance à Kofi Annan. Il ne ferait jamais délibérément quoi que ce soit d'irrégulier. J'ai la même opinion au sujet de Paul Volker. Sa réputation est en jeu. Il va démêler toute l'affaire. Ces deux hommes subissent d'énormes pressions, j'en suis certain, de la part de plusieurs de vos collègues et de vos homologues aux États-Unis et ailleurs dans le monde.
Je vais m'en tenir là.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Morris.
Je dois préciser que comme nous siégeons aujourd'hui conjointement avec le Comité de l'agriculture, nous allons nous en tenir à environ cinq minutes par intervenant pour les questions et les réponses. Je vous invite donc à poser des questions courtes et à faire des réponses courtes. Nous pourrons ainsi en poser le plus possible.
Monsieur Laframboise.
[Français]
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.
Vous vous êtes fixé l'ambitieux objectif de réduire de 50 p. 100 la malnutrition d'ici 2015. Est-ce que vous sentez qu'il y a eu une évolution au cours des dernières années? Pour atteindre cet objectif, comment les pays devraient-ils accroître l'aide qu'ils vous versent?
[Traduction]
M. James Morris: C'est un fait qu'il y a probablement aujourd'hui dans le monde entre 40 et 50 millions de personnes de plus qui ont faim qu'il n'y en avait il y a dix ans. Dieu merci, la Chine a sorti 250 millions de personnes de la faim et de la pauvreté, d'après leurs propres critères, depuis 25 ou 30 ans. Si la Chine n'avait pas réalisé ce progrès remarquable, les chiffres seraient catastrophiques.
Si la tendance actuelle se poursuit, nous n'atteindrons pas l'objectif de développement du millénaire numéro un. Il faut faire certaines choses différemment. Le problème réside dans la capacité des gouvernements des pays où le problème est le plus grave. S'il y a 840 millions de personnes qui ont faim dans le monde, 230 millions d'entre elles sont en Inde, plus du quart; il y en a 112 millions en Chine; 200 millions en Afrique, probablement 150 millions dans le reste de l'Asie, de 50 à 60 millions en Amérique latine et à peu près le même nombre dans les anciennes républiques soviétiques, le groupe de la CEI, et au Moyen-Orient.
De mon point de vue, il faut mettre l'accent sur les enfants.Il faut s'efforcer d'abord de nourrir les enfants, surtout à l'école. Des 300 millions d'enfants qui ont faim, 115 millions se trouvent en Inde et en Chine. La Chine accorde beaucoup d'importance à ses enfants, et l'Inde a actuellement un surplus agricole qui s'élevait l'année dernière à 70 millions de tonnes métriques. Le reste du monde et le reste de l'Asie doivent s'efforcer d'aider les gens, les enfants, les jeunes en Afrique.
Nous pouvons nourrir un enfant pendant toute une année scolaire pour environ 35 $US. Dans un endroit comme le Bangladesh, c'est moitié moins cher. En Corée du Nord, c'est quelque part entre les deux. La solution est donc d'aider les dirigeants des pays qui ont un déficit nutritionnel chez les enfants à s'attaquer en priorité à ce problème, à y engager du talent et des ressources et, lorsqu'il y a pénurie de ce côté, le reste du monde doit intervenir et aider.
Quel que soit l'angle sous lequel on aborde la question, de mon point de vue, du point de vue humanitaire, du point de vue économique, du point de vue politique, militaire, ou de la sécurité, rien ne peut remplacer le fait d'aider un enfant à se nourrir, à être bien nourri, à aller à l'école. C'est le gage de la capacité d'un enfant de penser et d'apprendre. C'est le gage de la capacité d'un enfant d'être productif et de travailler. Un enfant né d'une mère en mauvaise santé ou qui est mal nourri dans les premières années de sa vie ne rattrape jamais son retard. Il n'y a rien qu'on puisse faire pour remédier à cela. C'est pourquoi c'est tellement important d'accorder la priorité aux enfants.
º (1600)
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Monsieur Laframboise, il vous reste deux minutes, si vous voulez poser une autre question.
[Français]
M. Mario Laframboise: En ce qui concerne l'augmentation de la participation financière du Canada, entre autres, est-ce que vous seriez prêt à faire des prévisions ou des suggestions, sans pour autant qu'il s'agisse d'une obligation?
[Traduction]
M. James Morris: Je dois dire qu'à mon avis, le Canada est un pays extraordinairement généreux et je suis profondément reconnaissant pour le niveau de soutien qu'il fournit. J'espère que le Canada continuera d'appuyer l'aide au développement.
Votre travail en Éthiopie est extraordinairement important pour ce qui est de préparer ce pays à affronter sa prochaine série de catastrophes naturelles. Les localités éthiopiennes où vous avez fait un investissement vont réussir à passer au travers lors de la prochaine sécheresse. C'est la même chose pour les enfants à nourrir. Aucun investissement n'est un outil de développement plus puissant que d'aider les enfants à avoir les outils voulus pour réussir à subvenir à leurs propres besoins.
À part cela, le monde en général a vu une baisse considérable de l'aide au développement qui est consacrée à l'infrastructure agricole de base. Celle-ci est passée de 12 à 6 p. 100. Le Canada a commencé à inverser cette tendance, tout comme les États-Unis et le Royaume-Uni. Je le répète, il n'y a pas grand-chose qui puisse remplacer le fait de pouvoir compter sur une économie agricole de base qui fonctionne bien et qui produit des aliments. C'est le début, le point de départ de toutes les autres bonnes choses auxquelles un pays aspire sur le plan économique.
Mon espoir est que vous continuerez d'assurer la croissance de votre aide au développement, que vous continuerez à renforcer votre aide pour nourrir les enfants et que vous continuerez à mettre l'accent sur l'investissement dans l'infrastructure agricole de base, notamment l'irrigation, puisque l'eau est tellement importante.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci.
Monsieur McTeague.
L'hon. Dan McTeague (Pickering—Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur Morris, et merci d'être venu ici aujourd'hui.
Vos observations nous laissent une impression très nette quant à l'extraordinaire bonne fortune que nous avons de vivre dans un pays comme le nôtre. L'appui que vous avez donné à diverses initiatives dans le passé a été extrêmement important pour nous en tant que législateurs et que décideurs et nous a amenés à nous engager davantage pour résoudre ce que vous avez appelé à juste titre une crise qui sévit un peu partout, mais particulièrement en Afrique.
Comme vous le savez, notre premier ministre a préconisé une politique de responsabilité de protection, de manière à obtenir des États en sérieuse difficulté ou carrément non viables qu'ils nous ouvrent la porte et nous donnent la possibilité d'atténuer les souffrances ou peut-être d'intervenir pour tenter de résoudre les problèmes là où les États, en particulier, semblent incapables de le faire dans le meilleur intérêt de leurs populations civilisées. Je me demande si vous pourriez nous dire, étant donné les inquiétudes qui ont été soulevées relativement à des détournements de nourriture pour des raisons politiques dans des pays comme le Zimbabwe, s'il y aurait d'après vous une manière pour le Canada de continuer à aiguillonner, pour ainsi dire, le gouvernement de ce pays pour faire en sorte que nous ayons, au bout du compte, la possibilité ou l'espoir de résoudre ce problème qui prend manifestement l'ampleur d'une véritable calamité.
En même temps, peut-être pourriez-vous aussi aborder la question de l'utilisation et de la distribution de médicaments antirétrovirus partout en Afrique. Dans quelle mesure nos efforts ont-ils été couronnés de succès dernièrement, surtout dans la lutte contre la pandémie de sida, la malaria, la tuberculose et la maladie de la rivière dont vous avez parlé tout à l'heure?
º (1605)
M. James Morris: Merci
En avril dernier, le Programme alimentaire mondial a fourni de la nourriture pour 4,4 millions d'habitants au Zimbabwe. C'est plus de 40 p. 100 de la population. Je suis confiant que notre nourriture n'a pas été détournée vers les soldats ni utilisée à des fins politiques au Zimbabwe. Je ne peux donner aucune garantie quant à la manière dont les ressources alimentaires d'un gouvernement quelconque peuvent avoir été utilisées; nous sommes très vigilants—mais pas parfaits; nous commettons beaucoup d'erreurs, indubitablement, parce que nous travaillons dans des endroits qui sont très difficiles. Ce n'est pas comme de travailler au centre-ville d'Ottawa quand on travaille en Corée du Nord ou au Zimbabwe. Ce n'est pas toujours facile.
Nous avons un système de contrôle très perfectionné. La distribution de notre nourriture est essentiellement assurée par des organisations non gouvernementales. Nous avons 14 partenaires au Zimbabwe; au début, nous en avions quatre. Au point culminant, nous en avions 14. Nous faisons un contrôle très perfectionné et attentif. En Corée du Nord, par exemple,—l'un des endroits où il est le plus difficile de travailler—, nous faisons en moyenne 513 visites de contrôle par mois. Nous devons obtenir la permission du gouvernement et l'avertir à l'avance en précisant l'endroit que nous voulons visiter, mais les autorités nous ont seulement refusé la permission dans 1 p. 100 des cas cette année; il y a trois ans, le taux de refus était de 8 p. 100. Nous faisons quelques progrès à ce chapitre.
J'ai rencontré le président Mugabe face à face, en tête-à-tête, pour lui parler de cette question. Je lui ai demandé de s'assurer que la nourriture fournie par son gouvernement était distribuée en respectant les mêmes critères que nous appliquons quand nous distribuons notre nourriture. Nous ciblons étroitement l'aspect humanitaire. Nous nous en remettons à d'autres pour résoudre tous les autres dossiers politiques. Nous voulons nous assurer que les gens vulnérables, surtout les femmes et les enfants, ne meurent pas de faim. Il m'a donné l'assurance que c'était le cas, que ces aliments n'étaient pas distribués en fonction de préférences politiques. Je lui ai dit que nous pourrions lui faire une énorme faveur en permettant au système de contrôle de l'ONU de venir sur place et de contrôler la distribution de ces aliments, tout comme il le fait pour les nôtres. Il a dit que c'était une idée intéressante et qu'il m'en reparlerait. Nous ne sommes pas retournés là-bas depuis, mais nous accordons la priorité à cet aspect.
Au sujet des médicaments antirétrovirus, le monde est reconnaissant au Canada parce que vous avez rendu possible d'avoir accès à des médicaments pour traiter le VIH/sida qui sont moins coûteux que ce n'était le cas auparavant. Dans certains endroits, on peut se procurer des médicaments antirétrovirus pour moins de 150 $ par personne par année. Cela coûtait dix fois plus cher, et c'est donc un progrès. On ne peut pas s'en procurer partout. C'est un énorme problème.
Un pays comme le Mozambique dispose probablement de 150 millions de dollars pour s'attaquer au VIH/sida, mais pour ce qui est d'avoir dans ce pays la capacité voulue pour assurer la distribution, pour fournir le soutien médical—comme tout autre médicament, les ARV sont plus efficaces si le patient est bien nourri et boit de l'eau non contaminée—,tout cela n'est pas encore en place.
Je pense que le fonds du président américain a maintenant rejoint entre 25 000 et 50 000 personnes. Dans le cadre du programme « 3-5 », on s'est engagé à rejoindre trois millions de personnes d'ici la fin de l'année prochaine, mais on en est encore dans les centaines de milliers. Vous les avez aidés. Votre don de 100 millions de dollars était extraordinaire.
º (1610)
Mon ami Peter Piot, qui dirige ONUSIDA, pourrait vous dire que la nourriture, l'alimentation et l'eau propre sont les ingrédients les plus importants dans la lutte contre le VIH, et les ARV n'aident pas beaucoup si l'on ne peut disposer de nourriture. Cela nous a amenés à reconfigurer notre intervention dans les 41 pays qui ont les taux de séropositivité les plus élevés, à distribuer l'aide alimentaire de différentes manières et à faire beaucoup plus de travail de soins à domicile en partenariat avec de petites ONG locales.
C'est un très grave problème, mesdames et messieurs, pour le monde entier. L'Inde a maintenant le plus grand nombre de personnes séropositives dans le monde. Pendant des années, c'était l'Afrique du Sud, mais l'Inde vient de dépasser ce pays. Le taux de prévalence en Afrique australe oscille entre 15 p. 100 et 40 p. 100 des adultes. Qu'à Dieu ne plaise que des chiffres pareils s'appliquent aux grands pays d'Asie. Imaginez seulement ce que cela voudrait dire pour le monde. C'est un problème de santé qui est sans précédent.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Morris.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup, monsieur Morris, d'être ici aujourd'hui et d'avoir établi le contexte de cette discussion jusqu'à maintenant. J'ai trois brèves questions et je veux vraiment avoir le temps voulu pour vous les poser.
La première porte sur la réforme de l'ONU. Vos commentaires étaient les bienvenus quand vous avez dit qu'il ne faut pas diaboliser l'ONU, mais plutôt reconnaître les grands mérites des gens en place. Je me demande si certaines réformes de l'ONU pourraient jouer un rôle important en renforçant votre travail.
Deuxièmement, sur la même question, je pense que la dernière réunion de notre comité—non pas conjointement avec le Comité de l'agriculture, mais le Comité des affaires étrangères—était consacrée à la question de la réforme de l'ONU. Je ne veux nullement parler au nom du comité, mais certains d'entre nous—et je faisais partie de ceux-là—ont exprimé des inquiétudes quant à la possibilité que le Canada, en mettant de plus en plus l'accent sur les bons offices du G-20—je suppose que l'on dit plutôt maintenant le L-20—, pourrait, même sans le vouloir, ébranler quelque peu le véritable multilatéralisme par l'intermédiaire des Nations Unies dont on a désespérément besoin. Je me demande si vous auriez des commentaires à faire là-dessus.
Troisièmement, je vous remercie également pour vos commentaires sur la générosité du Canada relativement à l'APD et à l'aide alimentaire. Mais certains d'entre nous ont exprimé de graves préoccupations et de vives critiques quant au fait que le Canada a laissé décliné son programme d'APD et qu'il vient tout juste de mettre un frein à ce déclin, le budget ayant recommencé à grimper vers l'objectif de 0,7 p. 100. Je me rends compte que vous n'êtes pas venu ici pour mordre la main qui nourrit le Programme alimentaire mondial, pour ainsi dire, mais je me demande si vous pourriez nous en dire quelques mots. On laisse parfois entendre que tout le monde en avait fait autant, que le Canada n'était pas différent des autres pays qui avaient laissé décliner leur budget à ce chapitre. Je me demande si vous pourriez aider à mettre cela en perspective.
Ceux d'entre nous qui ont insisté très fort pour inciter le Canada à se remettre en marche vers l'atteinte de l'objectif s'inquiètent un peu à l'idée que nous pourrions réagir à vos louanges en relâchant notre vigilance, alors qu'il faut au contraire accentuer les pressions. Je ne veux pas vous charger de ce fardeau, mais je me demande si vous pourriez nous aider à mettre tout cela en perspective.
M. James Morris: Bien sûr. Merci.
Le Canada s'est engagé à nous donner 150 millions de dollars canadiens cette année. Le Canada était notre deuxième donateur il y a un certain nombre d'années, tout de suite après les États-Unis. Par la suite, la contribution du Canada a baissé au point qu'à un moment donné, vous nous donniez moins de 40 millions de dollars. Vous êtes maintenant revenu à un point où vous donnez 150 millions de dollars canadiens au Programme alimentaire mondial. Vous êtes notre cinquième donateur en importance. Les États-Unis est au premier rang, la Communauté européenne est deuxième, le Japon est troisième, le Royaume-Uni est quatrième et le Canada est au cinquième rang.
Nous faisons nos transactions en dollars US, ce qui n'a pas été une bonne chose cette année, étant donné la dépréciation du dollar vis-à-vis l'euro. Alors combien valent 150 millions de dollars canadiens en dollars US, approximativement?
Une voix: C'est 120 millions de dollars.
M. James Morris: Et quelle est la population du Canada?
Une voix: C'est 33 millions.
M. James Morris: Donc, essentiellement, vous nous donnez environ 4 $ par habitant en devise américaine. C'est à peu près ça, n'est-ce pas? Notre don moyen est de 2,02 $. Les États-Unis nous ont donné 2,75 $ par habitant l'année dernière. La Norvège nous donne 11 $ par habitant et vient au premier rang—les pays nordiques sont les chefs de file.
Je me présente donc à vous les mains tendues, c'est bien clair. Mais le renversement de situation que le Canada a effectué depuis deux ou trois ans pour le Programme alimentaire mondial... Je ne peux pas dire ce qu'il en est de votre programme global d'APD. Je sais que vous avez pris l'engagement de l'augmenter de 8 p. 100 par année pendant un certain nombre d'années, et l'engagement d'en consacrer la moitié à l'Afrique. De mon point de vue, pour le Programme alimentaire mondial, vous êtes un merveilleux donateur. J'espère que votre contribution va continuer d'augmenter.
Est-ce une réponse satisfaisante?
º (1615)
Mme Alexa McDonough: Pourriez-vous nous parler brièvement de la réforme de l'ONU et du G-20 ou de la solution de rechange que constitue le L-20?
M. James Morris: L'ONU a clairement besoin de réforme. Je ne peux pas vous parler du dossier du G-20.
Comme je l'ai dit, j'ai été l'envoyé spécial du Secrétaire général en Afrique australe. Dans les huit pays de l'Afrique australe—Malawi, Mozambique, Zambie, Zimbabwe, Lesotho, Swaziland, Botswana et Namibie—, l'ONU a 1 800 employés qui dépensent 500 millions de dollars. Dans ces petits pays, nous avons huit bureaux, huit programmes. Nous travaillons très dur pour rassembler les programmes de l'ONU dans les petits pays en un seul programme, un seul bureau, afin de renforcer le rôle du coordonnateur résident qui dirige l'équipe de l'ONU sur place, afin d'agir à l'unisson, comme une famille.
Nous submergeons le gouvernement d'un petit pays. Il y a huit directeurs dans un pays comme le Botswana et le gouvernement doit donc répondre à huit initiatives séparées, ainsi qu'au coordonnateur résident. En tout, nous avons peut-être 30 donateurs et il y a donc 30 pays comme le Canada qui traitent avec ce gouvernement. Les gouvernements n'ont tout simplement pas la capacité de réagir à un aussi grand nombre d'intervenants.
En outre, nous devons rassembler toutes nos activités administratives concernant les voyages, la gestion de notre flotte, notre système de paye en une seule et unique entreprise.
L'équipe de l'ONU dans un pays donné relève, par l'intermédiaire du coordonnateur résident, du chef du Programme des Nations Unies pour le développement à New York. Ce serait insensé de croire que ce puisse être une véritable relation hiérarchique, que l'équipe en place dans un petit pays d'Afrique australe puisse faire rapport de manière productive et rendre vraiment des comptes à quelqu'un à New York. Je trouve encourageant que les directeurs régionaux de toutes les agences d'aide humanitaire de l'ONU ont été rassemblés en une seule entreprise.
L'ONU a fait du brillant travail en coordonnant sa réaction à la famine par l'entremise d'un organe appelé RIACSO, qui a son siège à Johannesburg et qui englobait la famille de l'ONU, toutes les ONG et beaucoup des pays donateurs dans une seule entreprise. Je suis donc quelque peu optimiste.
Je me suis entretenu aujourd'hui même avec des représentants de l'ACDI au sujet du travail du PAM au Salvador, au Honduras, au Nicaragua et au Guatemala. Nous nourrissons des enfants et nous intervenons en cas de catastrophe comme l'ouragan Mitch. Mais notre travail auprès des enfants devrait être conjugué aux activités de l'UNICEF dans le dossier des enfants. Nous n'avons pas besoin de deux opérations séparées.
Je suis assez optimiste. Je crois que vous verrez de bonnes choses, mais cela ne donne rien de parler de la réforme de l'ONU dans l'abstrait. Cela se passe sur le terrain et c'est là qu'il faut rassembler nos forces.
º (1620)
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Morris.
Je voudrais une précision. Notre réunion est censée durer jusqu'à 17 h 30. Est-ce vrai que vous devez partir à 17 heures?
M. James Morris: Non, je vais rester jusqu'à ce que vous soyez prêt à terminer.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Très bien, parfait.
Nous allons passer au deuxième tour en commençant par M. Ritz.
M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, PCC): Merci, monsieur le président
Monsieur Morris, madame Spearman, je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Si je comprends bien, c'est vous qui avez demandé cette rencontre et nous sommes donc à votre disposition. Je m'interroge toutefois au sujet du langage très prudent que vous avez utilisé quand vous avez parlé de Mugabe et du Zimbabwe et de l'aide alimentaire dans ce pays. Vous n'avez pas dit un mot de ce qui se passe vraiment sur le terrain. Vous avez rencontré M. Mugabe et vous en avez retiré l'impression que c'est un monsieur honorable, un gentleman. Il vous a donné sa parole que la nourriture est bel et bien distribuée. Or j'ai des amis au Zimbabwe et je peux vous dire, monsieur, que ce n'est pas le cas.
Je me demande quel est le recours possible de l'ONU en pareil cas, quand on vous dit qu'il accumule la nourriture en prévision des prochaines élections. Quel recours avez-vous en tant qu'institution?
M. James Morris: Ou bien je me suis mal exprimé, ou bien vous n'avez pas entendu ce que j'ai dit. J'ai dit que je suis confiant que la nourriture fournie par le Programme alimentaire mondial n'est pas utilisée ni détournée à des fins politiques. Notre nourriture est distribuée à ceux qui sont vulnérables, qui ont faim et qui sont dans le besoin.
J'ai dit que je ne suis pas responsable de la manière dont est utilisée la nourriture du gouvernement du Zimbabwe, et je ne peux rien vous dire à ce sujet. Ce que j'ai dit, c'est que j'ai posé la question au président, et que celui-ci m'a répondu : « Jim, ma nourriture est également distribuée sans aucune ingérence politique ». J'ai dit : « Monsieur, si tel est le cas, je peux vous faire une grande faveur en vous fournissant les services du système de l'ONU, qui contrôle et vérifie la distribution des aliments, qui peut rendre des comptes sur la manière dont la nourriture est utilisée. Si vous voulez bien me permettre de mettre ce système à votre disposition pour examiner ce que vous faites et si ce que vous dites est exact et que nous pouvions en faire la vérification, ce serait une bonne chose pour vous ».
Comme je l'ai dit, je n'ai pas eu de réponse de sa part.
M. Gerry Ritz: Escomptez-vous une réponse?
M. James Morris: Probablement pas.
M. Gerry Ritz: Très bien.
J'en reviens donc à ma question sur le recours. En fait, il n'y a rien que vous puissiez faire. Votre aide alimentaire est acheminée au Zimbabwe et vous n'avez aucune inquiétude là-dessus, mais vous dites qu'il y a une autre filière d'aide alimentaire qui passe par le gouvernement, de l'aide de gouvernement à gouvernement. Au Zimbabwe même, on produit très peu de nourriture qui serve à nourrir la population...
M. James Morris: Non.
Je dois dire que je suis aussi inquiet de la situation au Zimbabwe que de n'importe où ailleurs dans le monde.
Le gouvernement a fait savoir qu'il aura cette année une récolte de maïs de 2,4 millions de tonnes métriques. Il a laissé entendre qu'il aura également d'abondantes récoltes de sorgho et de millet. Je crois que pour nourrir la population du Zimbabwe, il faut aux alentours de 1,6 à 1,8 million de tonnes. L'année dernière, ils ont produit une récolte de 800 000 tonnes.
La FAO et le PAM avaient commencé une enquête pour évaluer la situation alimentaire. On ne nous a pas permis de terminer l'enquête; on nous a demandé de tout arrêter et de partir. Mais d'après les renseignements préliminaires recueillis, dans le meilleur des cas, ils produiraient 950 000 tonnes cette année. Essentiellement, il a dit que son pays en produira deux ou trois fois plus. Il a dit au Programme alimentaire mondial qu'ils n'auront plus vraiment besoin de son aide. Il a dit essentiellement la même chose aux ONG qui travaillent là-bas.
Nous avions 49 000 tonnes d'aliments qui restaient dans le pays et nous avons tout distribué aux plus vulnérables au rythme de 7 000 tonnes par mois. J'espère qu'il a raison. J'espère que leur production agricole sera telle qu'il le prétend; ce serait une bonne chose. Mais je ne suis pas convaincu. Je ne suis pas optimiste. Et je crains fort que dès le mois de janvier, il y aura beaucoup de bouches à nourrir. D'où viendra la nourriture?
º (1625)
M. Gerry Ritz: Oui. Autrement dit, la propagande et la production, ce n'est pas la même chose.
L'autre question que j'avais est celle-ci. Vous dites que le Canada...
M. James Morris: Je vous prie de ne pas vous méprendre sur ce que j'ai dit.
M. Gerry Ritz: Non, non.
Vous avez dit que la contribution du Canada à votre programme est d'environ 150 millions de dollars cette année. Nous avons augmenté notre aide pour revenir à ce chiffre. Est-ce strictement de l'argent ou un mélange de nourriture et d'argent?
M. James Morris: C'est de la nourriture et de l'argent.
M. Gerry Ritz: Savez-vous quel pourcentage est versé en nourriture et en argent? Nous avons une surabondance d'aliments dans notre pays. Nos propres agriculteurs font faillite parce que nous n'arrivons pas à écouler une bonne partie de nos denrées sur le marché.
Il me semble quelque peu incohérent d'envoyer de l'argent à l'étranger alors que nous avons une surabondance de denrées que nous pourrions vendre. Nous pourrions peut-être rassembler 300 millions de dollars d'aliments qui remplaceraient un montant d'argent équivalent. Serait-ce le bienvenu, ou bien est-ce trop difficile à distribuer?
M. James Morris: Non, ce serait très bien accueilli. Vous nous donnez plus de nourriture que d'argent, mais vous payez aussi le transport. Nous fonctionnons selon le principe du recouvrement intégral du coût.
Quand quelqu'un nous donne quelque chose, il paye le coût entier associé à la distribution jusqu'au bénéficiaire ultime.
M. Gerry Ritz: C'est tout.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Monsieur Easter.
L'hon. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous souhaite la bienvenue.
Vous avez dit tout à l'heure que l'infrastructure agricole de base a décliné, passant de 12 à 6 p. 100, et qu'elle recommence à augmenter. Je ne me rappelle plus ce qu'on disait à un moment donné au sujet de l'aide alimentaire mondiale, mais l'une des meilleures choses que l'on puisse faire, c'est de donner à un pays ou à un peuple les outils lui permettant de se nourrir lui-même, ce qui résout le problème à plus long terme. De mon point de vue, il me semble que l'on s'efforce davantage de résoudre le problème en mettant l'accent sur la gouvernance, au lieu de se concentrer sur l'importance de la production primaire dans des pays où l'on pourrait se rendre utile à cet égard.
Je me demande si vous avez des commentaires là-dessus. Quelle est l'importance relative d'aider un pays à renforcer son agriculture et sa production primaire pour résoudre le problème de la faim? Je reconnais qu'il faut également donner de l'aide alimentaire dans bien des cas, mais insistons-nous vraiment assez sur la production primaire comme telle?
Voilà ma question.
M. James Morris: Je pense que vous avez raison. Notre tâche principale est de sauver des vies et notre deuxième tâche est de protéger des gagne-pain, et ensuite de donner de la nourriture lorsque c'est un facteur déterminant dans la santé ou dans l'éducation. Une immense partie de nos efforts consiste à nourrir les gens pour qu'ils puissent travailler. Les aliments que nous distribuons permettent aux collectivités de bâtir une infrastructure agricole, de bâtir des écoles, de construire des routes.
Nous visons principalement à aider les gens à se prendre en main, à briser la relation de dépendance, à se prendre en charge. Nous avons d'énormes programmes partout dans le monde qui distribuent de la nourriture à des gens qui acquièrent de nouvelles compétences, qui suivent une formation d'entrepreneur, qui perfectionnent leurs compétences en agriculture. Vous seriez stupéfait de voir l'étendue de la formation qui se fait dans un endroit comme le Bangladesh, où des millions de femmes apprennent un métier ou acquièrent des compétences pour devenir des producteurs agricoles plus productifs. Nous leur donnons de la nourriture pour qu'ils puissent cheminer de leur point de départ jusqu'au point d'arrivée souhaité. Je suis donc tout à fait d'accord avec vous.
Pour revenir à l'Éthiopie, nous investissons pour garder les gens en vie. Nous avons réduit le montant que nous investissons en prévention, en développement et en médiation, ce qui veut dire qu'un pays comme l'Éthiopie, qui est constamment éprouvé par un cycle de catastrophes climatiques, ne sera probablement pas mieux préparé la prochaine fois qu'il ne l'était la dernière fois.
º (1630)
L'hon. Wayne Easter: Oui. J'ai travaillé d'assez près à la mise sur pied d'une organisation appelée Farmers Helping Farmers, grâce à laquelle nous avons envoyé des gens pour donner une formation de base à des agriculteurs, pour travailler avec eux, pour leur venir en aide. Les résultats ont été très favorables. Mais j'estime qu'en tant que pays, nous n'avons pas fait notre part à cet égard. Nous pourrions en faire beaucoup plus. Je trouve que l'on a négligé nos efforts consacrés à la production agricole et qu'en tant que pays, nous devrions renforcer davantage cet aspect, sans pour autant réduire l'autre volet.
Je vais céder le reste de mon temps de parole à Keith, monsieur le président.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Vous avez environ 45 secondes, Keith.
L'hon. Wayne Easter: Dans ce cas, laissez tomber. Il attendra le tour suivant.
M. Morris aurait peut-être quelque chose à ajouter?
M. James Morris: Non.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Monsieur Cardin.
[Français]
M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Merci, monsieur le président.
On sait que d'autres groupes de gens interviennent un peu partout. Est-ce que leurs efforts et les vôtres, au Programme alimentaire mondial des Nations Unies, se complètent? Travaillez-vous en collaboration? Toutes sortes d'organismes vont aider dans différents milieux où vous intervenez également. Est-ce que leurs efforts sont déployés parallèlement, ou si vous fonctionnez aussi avec ces différents organismes?
[Traduction]
M. James Morris: Nous travaillons avec 1 500 partenaires dans le monde entier. Certains sont de très importantes ONG, comme CARE ou la Croix-Rouge. Beaucoup sont de très petites ONG qui se chargent de distribuer la nourriture sur le terrain. Notre travail est essentiellement de nous procurer la nourriture et de prendre les arrangements pour qu'elle parvienne dans un pays. Ensuite, nous comptons sur nos partenaires pour faire la distribution sur place.
Maintenant, dans certains endroits où il n'y a pas de communauté d'ONG ou lorsque les circonstances l'exigent, nous nous chargeons nous-mêmes d'assurer directement la distribution. Nous avons toujours préféré travailler avec un groupe privé, pas avec un gouvernement. Dans certains endroits, nous n'avons pas le choix et nous devons travailler avec le gouvernement, par exemple en Corée du Nord.
Nous complétons les deux autres agences de l'ONU, la FAO et le FIDA. La FAO est l'outil d'aide technique de la communauté internationale. Sa tâche est de conseiller le gouvernement sur les politiques et la technologie et la meilleure façon de s'y prendre pour élaborer une stratégie agricole. Le FIDA est une mini Banque mondiale et s'occupe partout dans le monde de financer des projets de développement agricole. Nous avons au moins 100 projets en partenariat avec la FAO et de 40 à 50 avec le FIDA.
[Français]
M. Serge Cardin: Tout à l'heure, vous disiez qu'il en coûtait à peu près 40 $ par personne que vous nourrissez pendant une année. Je crois que vous prévoyez que vous aurez besoin de 4 milliards et quelques centaines de millions de dollars pour nourrir toutes les personnes auxquelles vous faisiez allusion plus tôt.
Vous avez dit également que le Canada donnait davantage de nourriture que d'argent. Est-ce que les montants d'argent dont vous faites état lorsque vous parlez du coût de revient pour la population incluent seulement le coût de la nourriture, ou s'ils incluent aussi les coûts pour l'administration et la distribution?
[Traduction]
M. James Morris: J'espère avoir dit qu'il en coûte environ 35 $US pour donner un repas à un écolier dans le monde. Dans certains pays, cela coûte moins cher que cela. Ce coût est pour toute une année scolaire, soit 200 jours. Nous disons donc qu'il en coûte 19 ¢ par jour pour nourrir un enfant. Cela inclut toutes nos dépenses. Souvent, il en coûte plus cher pour transporter la nourriture que pour l'acheter au départ. Mais cela comprend l'entreposage; cela comprend l'enrichissement, si nous renforçons le contenu en micronutriments des aliments; cela peut comprendre le transport océanique et nous avons chaque jour 20 ou 30 navires en mer.
Nous exploitons le Service aérien humanitaire des Nations Unies dans des pays comme la Somalie, le Soudan et l'Angola. Nos dépenses administratives sont de 7 ¢. Sept cents sur chaque dollar servent à faire fonctionner l'organisation, le reste va sur le terrain.
º (1635)
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Morris.
[Français]
M. Serge Cardin: Vous avez mentionné que c'était basé sur une année scolaire de 200 jours. Toutefois, durant les 165 jours qu'il reste, les enfants ont encore faim.
[Traduction]
M. James Morris: Quand nous fournissons cette aide, tout comme on le fait je suppose pour les déjeuners servis à l'école au Canada ou aux États-Unis, nous fournissons un repas pour chaque jour que l'enfant est à l'école, et les autres jours, c'est à la famille de s'en occuper.
Souvent, nous remettons des rations à emporter à la maison. Si une fille ne va pas à l'école, si elle reste à la maison pour aider la famille à ramasser du bois ou à aller chercher de l'eau ou pour s'occuper des enfants plus jeunes, alors c'est un sacrifice financier pour la famille que d'envoyer la fille à l'école. Nous avons donc un programme pour aider la famille; si la fille va à l'école 20 jours de suite, nous lui donnons des rations à emporter à la maison pour aider à nourrir sa famille et compenser en partie la perte ressentie quand on l'a envoyée à l'école. Mais nous nous occupons surtout de nourrir les enfants à l'école. Nous avons d'autres programmes qui peuvent prendre le relais, des programmes de distribution directe comme le travail rétribué en vivres, mais le programme d'alimentation scolaire est fondé sur l'année scolaire.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Morris.
Monsieur Martin.
L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib): Merci, monsieur l'ambassadeur Morris, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui, et merci aussi à vos collègues qui vous accompagnent. Je n'oublierai pas votre commentaire d'il y a deux ans, quand vous avez dit au sujet de ceux qui souffrent du VIH/sida que le médicament le plus important pour eux, c'est de la nourriture. Cela dit tout. Ça en dit long.
Nous voulons tous atteindre les objectifs de développement du millénaire, mais je dirais que dans les pays que vous avez mentionnés—je parlerai du Zimbabwe dans un instant—, la base nécessaire pour atteindre ces objectifs du millénaire, c'est la sécurité. La sécurité est fondée sur une bonne gouvernance. Par conséquent, nous devons nous intéresser au dossier de la bonne gouvernance, et donc de la sécurité, si nous voulons accomplir tout ce qui nous tient à coeur.
Attardons-nous un instant au cas du Zimbabwe. Robert Mugabe, à mon avis, est en train de commettre un génocide au ralenti. Il assassine une bonne partie de sa population et l'arme qu'il a choisie pour ce faire, c'est de priver les gens de nourriture. Il légifère pour obliger les ONG à fermer leurs portes. Il a le monopole de la distribution du grain. Je vais donc vous poser les questions suivantes plutôt à titre d'ambassadeur, monsieur Morris, en tant que représentant spécial du Secrétaire général en matière de besoins humanitaires en Afrique australe. Que fait l'ONU pour remédier aux lacunes en matière de gouvernance et de sécurité en Afrique du Sud, problème qui contribue tellement à la crise dans ce pays?
Ma deuxième question porte sur ce que l'ONU fait relativement à la distribution du Fonds mondial. Le président Bush a dit, et il n'était pas le premier à le dire, qu'il a de sérieuses préoccupations au sujet de la distribution de ce fonds. Peut-être pourriez-vous faire le point à notre intention et nous dire quelles sont les difficultés à surmonter pour assurer une distribution adéquate des ressources du fonds pour s'attaquer à la pandémie du VIH/sida.
º (1640)
M. James Morris: Le Fonds mondial a été créé séparément et complètement à part de l'ONU. Il n'a pas le mandat d'offrir un soutien aux programmes de l'ONU.
Il n'y a pas tellement longtemps, j'ai reçu la visite du secrétaire Thompson, qui est président du Fonds mondial. Je lui ai dit qu'il me semblait très important, quand le Fonds mondial distribue de l'argent, que l'on tienne pleinement compte des questions relatives à la nourriture, à la faim et à la nutrition, et que des gens qui ont des compétences en matière de nutrition participent aux comités d'examen. Mais le Fonds mondial ne fait pas partie d'ONUSIDA; il fonctionne séparément et complètement à l'extérieur des paramètres de l'ONU.
En réponse à votre première question sur la sécurité, c'est le plus grand défi que la communauté internationale de l'aide humanitaire ait à relever aujourd'hui. Nous avons 135 lieux d'affectation qui sont en état d'alerte de haute sécurité selon les critères de l'ONU. Une femme a été enlevée et peut-être assassinée, la dirigeante de CARE en Iraq, des gens se font kidnapper chaque semaine ou tirer dessus ou agresser un peu partout alors qu'ils font du travail d'aide humanitaire et non pas du travail politique, leur seule et unique intention étant de veiller à ce que des gens vulnérables aient le soutien le plus élémentaire en fait d'aide humanitaire : de quoi manger, de l'eau et un toit pour s'abriter. Le bombardement de l'hôtel Canal le mois dernier a changé le travail d'aide humanitaire. Je pense que les travailleurs humanitaires ont toujours supposé que le drapeau bleu leur assurait qu'ils seraient respectés par toutes les parties à un conflit. Ce n'est manifestement plus le cas.
Nous avons consacré plus de 20 millions de dollars au cours des 12 derniers mois à changer nos normes de sécurité. Nous avons installé des panneaux plastifiés à toutes nos fenêtres, nous avons presque triplé le nombre d'agents de sécurité sur le terrain. Tout le monde a reçu de la formation.
L'hon. Keith Martin: Ma question portait plutôt sur la sécurité, monsieur l'ambassadeur Morris, je veux dire la sécurité des gens sur le terrain, des travailleurs civils, non pas tellement les gens de votre organisation, en ce sens que le fait de pouvoir se déplacer en sécurité permet aux gens de faire leurs semailles, vous permet de distribuer la nourriture, permet à la population de faire fonctionner l'économie.
M. James Morris: Je ne peux pas répondre à votre question, Keith. Je ne sais vraiment pas.
Le conflit et la violence ont eu un impact énorme sur la sécurité alimentaire. L'impact est disproportionné sur les enfants. Au Libéria, de 70 à 80 p. 100 des combattants étaient des enfants âgés de 11, 12 et 13 ans. Dans le nord de l'Ouganda, environ 12 000 enfants ont été enlevés. On a parlé du problème des orphelins en Afrique subsaharienne. Ce qui arrive aux enfants dans cette partie du monde est absolument honteux. Votre pays a fait de l'aussi bon travail que n'importe qui d'autre au monde pour ce qui est de soutenir les efforts de maintien de la paix. Nous ne pouvions pas nourrir 700 000 ou 800 000 personnes au Libéria avant que les gardiens de la paix n'interviennent. En fin de compte, nous avons maintenant accès à 11 des 15 comtés, mais au début, nous pouvions seulement nous rendre à Monrovia. Les gardiens de la paix sont arrivés et tout a changé.
Mais je ne pense pas être la personne indiquée pour répondre à votre question.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Merci beaucoup.
Tôt aujourd'hui, certains d'entre nous ont rencontré le premier ministre de la Grenade, qui, manifestement, était venu ici parce qu'il est désespérément à la recherche de réponses à la crise humanitaire qui secoue la Grenade, de même que d'autres îles des Caraïbes. L'une des questions que nous n'avons pas eu la chance d'approfondir, mais qui a été mentionnée pendant la discussion, est de savoir si l'aide humanitaire va directement au gouvernement ou bien si elle passe par des organismes de coordination, l'ONU ou d'autres instances multilatérales. Vous avez dit tout à l'heure que le Programme alimentaire mondial préfère de beaucoup traiter avec des organismes privés, par opposition au gouvernement.
Pouvez-vous nous en dire plus long là-dessus? Je pense que nous commençons à discerner les manières les plus appropriées de réagir à la crise. Et je ne vous demande pas de commenter directement les relations du Canada avec la Grenade, je pose seulement une question de portée générale.
º (1645)
M. James Morris: Si la Grenade décide de travailler directement avec le gouvernement du Canada, vous avez l'option de vous engager à traiter avec ce pays dans un cadre bilatéral en lui fournissant de la nourriture ou de l'argent. Quant à eux, ils ont l'option de distribuer le tout au moyen de leur propre système, en s'adressant aux ONG, ou par l'intermédiaire du système de l'ONU, ou une combinaison de tout cela.
En général, je suis un fervent partisan du système multilatéral. Ce système multilatéral est de loin supérieur pour la distribution de nourriture aux gens qui sont les plus vulnérables, de 80 p. 100 à 90 p. 100 de la nourriture que nous distribuons allant aux plus pauvres, aux gens qui sont les plus affamés dans un pays donné. Moins de la moitié de la nourriture distribuée par le système bilatéral parvient aux gens les plus pauvres et les plus affamés dans un pays ou une collectivité donné. Il y a très peu de questions de politique externe en jeu quand on traite avec quelqu'un du Programme alimentaire mondial. Notre aide est très étroitement ciblée vers les plus affamés, les plus pauvres dans un pays donné. Nous ne tenons compte d'aucune autre considération, essentiellement.
Nous savons comment trouver où se trouvent les gens les plus pauvres et les plus affamés. Nous savons comment transporter la nourriture jusqu'à eux. Nous sommes très forts dans le domaine logistique. En Iraq, nous avons dû louer 9 600 camions pour assurer la distribution de la nourriture; au Darfour, nous avons au moins entre 400 et 600 camions. Nous avons un service aérien pour le largage de la nourriture depuis les airs. Nous savons comment acheminer la nourriture jusqu'aux affamés et aux pauvres et nous savons comment transporter la nourriture. Nous aurons toujours la certitude que pour tout aliment donné par le Canada à la population d'un certain pays, emballé dans un sac affichant la mention « Don de la population du Canada à la population du pays X », avec le drapeau de votre pays imprimé dessus, nous serons en mesure de revenir vous dire précisément où la nourriture a abouti et quels ont été les résultats de votre don.
C'est simple, nous avons une expertise immense dans la distribution de nourriture. Nous comprenons l'impact nutritionnel et nous comprenons toutes les autres questions dont il est important de tenir compte pour que tout soit bien fait et pour tirer les plus grands avantages possibles de chaque don.
Je dirais qu'une grande partie des activités multilatérales ne sont pas à la hauteur de ces normes ou n'ont pas la même série d'objectifs. Si votre objectif est de faire parvenir de la nourriture aux gens les plus affamés, les plus pauvres, les plus vulnérables dans un pays donné, vous êtes mieux de traiter avec quelqu'un qui sait comment s'y prendre.
Mme Alexa McDonough: Une question peut-être connexe est celle de l'aide conditionnelle. Je me demande si vous pourriez nous dire où nous en sommes dans ce dossier aujourd'hui, par rapport à l'objectif que nous devons atteindre.
M. James Morris: Je ne vais pas m'ingérer dans votre débat national.
Mme Alexa McDonough: Sur un plan plus général, alors.
M. James Morris: Nous préférons toujours l'argent comptant. Cela nous permet d'acheter sur place, dans la région—80 p. 100 de l'argent que nous avons est dépensé localement. Cela favorise le marché local et l'impact est énorme sur le transport, l'entreposage et l'adéquation culturelle de la nourriture que nous offrons.
Cela dit, nous sommes très reconnaissants de tout ce que les intervenants, quels qu'ils soient, veulent bien faire pour nous. Si les États-Unis et le Canada ne nous donnaient pas des denrées, de la nourriture, il nous faudrait fermer nos portes demain. Nous savons que les 80 pays qui nous aident ont tous leurs besoins particuliers et leurs approches spécifiques. C'est une tâche énorme de rassembler les ressources dont il est ici question. Il faut beaucoup de volonté politique, de leadership et d'habileté pour faire adopter cela dans un processus budgétaire dans n'importe quel pays. Je sais pertinemment que le processus politique fourmille d'annotations en bas de page, pour ainsi dire, et il n'est pas question que je m'en mêle.
Nous sommes profondément reconnaissants quand on fait des dons en espèces et nous sommes profondément reconnaissants quand des pays prennent envers nous des engagements multilatéraux sans restriction en nous disant « Utilisez ceci pour réagir aux situations les plus difficiles et les plus urgentes, et voici un montant d'argent à dépenser selon votre jugement ». Une partie de plus en plus grande de notre aide est conditionnelle; au moins 85 p. 100 de ce que nous avons est de l'aide dirigée.
º (1650)
Mme Alexa McDonough: Vous dites 85 p. 100 de l'aide.
M. James Morris: Cette aide nous parvient assortie d'instructions du pays donateur quant à la manière de l'utiliser. Cela n'a cessé d'augmenter, ce qui veut dire que nous avons les mains liées.
Quand une crise fait les manchettes sur CNN ou la BBC, vous êtes obnubilés par cela. Mais 90 p. 100 des gens qui meurent chaque jour, des 25 000 personnes qui meurent chaque jour de la faim, ne meurent pas dans une situation de crise. Ils meurent en un endroit dont CNN n'a jamais parlé. En Iraq, l'année dernière, nous avions amplement d'argent pour faire le travail en Iraq, mais à quelques milles de là, des gens luttaient pour survivre et c'était très difficile de trouver des fonds pour réagir.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Morris.
La parole est maintenant à M. Boudria.
L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.): Merci.
Je suis content que vous ayez évoqué ce facteur du réseau CNN. C'est une question que j'ai posée à nos témoins la semaine dernière, à savoir dans quelle mesure nous sommes de plus en plus influencés par ce que bon nombre d'entre nous appellent le facteur CNN. Je pense que vous venez de répondre à cette question. Autrement dit, de plus en plus de pays ciblent étroitement leur attention en fonction de l'indignation de la population ou des dirigeants du pays, parce qu'ils ont vu cela à la télévision, ce qui n'est pas nécessairement conforme aux besoins les plus criants qui peuvent exister ailleurs. Merci d'avoir soulevé cela.
Monsieur Morris, vous avez parlé de l'Inde au début de votre exposé. Avez-vous dit que 50 millions de personnes ont faim au moment même où il y a un surplus alimentaire national, ou bien vous aurais-je mal entendu, ou bien la production était supérieure aux besoins autarciques, je ne sais plus comment vous avez dit cela?
M. James Morris: Ce que j'ai dit, c'est que l'Inde a actuellement un surplus de 70 millions de tonnes métriques, et que des 840 millions de personnes dans le monde qui souffrent de la malnutrition et de la faim, 232 millions vivent en Inde.
L'hon. Don Boudria: C'est donc pire. C'est 232 millions au moment même où il y a un surplus intérieur net.
M. James Morris: C'est exact.
L'hon. Don Boudria: Merci.
Je vais changer de sujet, étant donné le peu de temps que nous avons, car nous sommes tous intéressés à puiser dans l'extraordinaire bagage de connaissances que vous apportez à notre comité, et je vais vous poser une question sur Haïti. Je suis allé là-bas la semaine dernière avec notre premier ministre.
Vous avez dit qu'Haïti est le pays du monde où l'on trouve le plus grave déficit calorique. Vous connaissez cela beaucoup mieux que moi, mais vous me direz si je me trompe dans mon évaluation. Une grande partie du problème réside dans la déforestation qui a entraîné l'érosion complète du sol partout où il y avait une couche de sol arable. Le sol a maintenant pollué l'océan environnant et l'on constate que les stocks de poisson dépérissent parce que l'océan est empoisonné autour de la partie occidentale de l'île d'Hispagnola, de sorte que nous nous retrouvons avec ce déficit considérable.
Puis-je conclure de ce que vous avez dit par la suite qu'il existe un bon partenariat entre vous-même, la FAO et d'autres intervenants pour ce qui est d'obtenir de bons conseils sur les méthodes à suivre, dans la mesure où il est même possible de faire du reboisement à Haïti ou de prendre d'autres mesures pour lutter contre l'érosion? Tout au moins à long terme, il est possible d'obtenir une certaine bonification des sols, si c'est bien le bon terme, ou de planter des cultures qui vont régénérer la couche de sol arable, après quoi on pourra planter autre chose par la suite. Est-ce que tout cela se fait en même temps que vous faites votre excellent travail dans ce pays?
º (1655)
M. James Morris: Je ne connais pas la réponse à votre question et je ne sais pas si cela se fait à Haïti. Je vais vérifier et vous ferai parvenir une réponse.
La problématique environnementale que vous évoquez représente le septième objectif de développement du millénaire. Nous en revenons encore une fois au fait que si les gens mangent à leur faim, l'environnement ne sera pas aussi dégradé et n'aura pas à subir les dures conséquences des stratégies que les gens sont forcés d'employer pour rester en vie quand ils n'ont pas de quoi manger.
Je vous encourage à prendre connaissance de ce que votre pays fait en Éthiopie en termes de défense de l'environnement, de la problématique de l'eau, de la conservation des sols et du reboisement; tout cela montre qu'un tout petit investissement d'à peine quelques tonnes d'aliments dans une localité a permis à la population locale de s'attaquer à cette problématique. En surmontant ces problèmes-là, les gens peuvent passer au travers d'une sécheresse. C'est un puissant exemple d'un petit investissement. Soit dit en passant, cela permet aussi de rassembler et de faire émerger d'extraordinaires qualités de leadership communautaire qui, en bout de ligne, sont plus importantes que tout le reste.
J'ignore si le PAM et la FAO ont un partenariat à Haïti pour faire tout cela. Comme vous le savez, le ministère de l'Agriculture d'Haïti a été détruit et presque tous les actifs du ministère ont été perdus lorsque la transition a eu lieu.
L'hon. Don Boudria: Et d'autres ministères aussi, en fait.
M. James Morris: Oui.
Je ne sais pas si nous travaillons en partenariat avec la FAO là-bas, mais je vais me renseigner et vous le laisser savoir.
L'hon. Don Boudria: Merci
Me reste-t-il du temps?
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Vous avez sept secondes.
L'hon. Don Boudria: Merci.
Le coprésident suppléant (M. Kevin Sorenson): Monsieur Bezan.
M. James Bezan (Selkirk—Interlake, PCC): Merci, monsieur Morris, d'être venu nous rencontrer.
Compte tenu d'un des commentaires que vous avez fait, je conclus que vous avez évalué sérieusement les carences nutritionnelles qui existent dans le monde. Vous parliez des carences caloriques en Haïti. Je suis sûr que vous avez étudié les besoins en protéines, et les autres oligoéléments.
En tant que producteur agricole, je me demandais quelle est la perspective de l'ONU au sujet de l'utilisation de produits alimentaires transgéniques dans le contexte de l'aide alimentaire. Qu'en est-il de la promotion des aliments transgéniques dans votre programme d'infrastructure pour aider les gens à atteindre un certain niveau d'autosuffisance?
M. James Morris: Lorsqu'on me pose cette question, en guise de préambule à ma réponse, je déclare habituellement à quel point je suis déçu chaque soir où je me couche sans avoir eu l'occasion d'y répondre au cours de la journée. Par conséquent, je vous remercie.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Nous sommes impatients d'entendre votre réponse.
M. James Morris: Notre politique est la suivante : comme je n'ai pas répondu à cette question depuis un certain temps, j'ai dû réfléchir. Lorsque le Canada nous donne des aliments ou que nous en achetons du Canada, des États-Unis ou d'un autre pays, nous exigeons qu'on nous certifie que les aliments en question répondent aux normes de santé et de sécurité appliquées pour la population locale. Pour tous les produits dont vous nous faites don ou que nous achetons de vous, les autorités canadiennes attesteront que leur consommation est sécuritaire pour la population du Canada.
Ensuite, nous communiquons avec l'ONU, plus particulièrement avec le Codex Alimentarius, l'entité onusienne responsable de la salubrité des aliments, sous la direction de la FAO et de l'OMS. Nous posons la question : ces aliments respectent-ils vos normes? Et nous obtenons une réponse.
Nous nous tournons alors vers le pays X, qui a besoin de nourriture, et nous expliquons à ses dirigeants ce dont nous disposons. Nous leur disons que d'après les déclarations du pays donateur et du reste de la famille onusienne, il s'agit là d'aliments qui ne posent aucun risque pour la consommation humaine. Seraient-ils intéressés à en prendre livraison? Le pays a le choix d'accepter ou de refuser. S'il refuse, nous respectons son droit, en tant que pays souverain, d'adopter cette position et nous essayons de trouver ailleurs dans le monde des aliments qu'il jugerait acceptable.
L'OMS, la FAO et le PAM ont déclaré publiquement il y a 18 mois qu'ils n'ont aucune réticence à offrir des aliments transgéniques, qu'ils ne disposent d'aucune preuve que ces derniers sont nocifs pour la santé humaine et qu'ils se sentent tout à fait à l'aise d'en distribuer. J'ai ajouté que si j'avais personnellement la moindre crainte que cela pose un risque pour quiconque, nous ne le ferions pas.
» (1700)
M. James Bezan: Je suis heureux de vous entendre dire que vous fondez votre opinion sur la science.
M. James Morris: Je viens des États-Unis, et le Département de l'agriculture des États-Unis, l'Agence des États-Unis pour la protection de l'environnement et l'Administration des aliments et drogues ont tous examiné ces questions et n'ont trouvé aucune preuve que ces aliments aient causé quelque problème de santé que ce soit à quiconque.
Là où c'est délicat—et cela outrepasse notre champ d'activité—, c'est que des enjeux commerciaux entrent en ligne de compte. Vous seriez ébahi par les mythes, les fictions qui se sont développés au sujet de la vulnérabilité d'une personne qui consomme un produit transgénique. Quoi qu'il en soit, comme l'a dit l'autre, ne me dites pas ce que je crois ou ne me dites pas comment je me sens; je sais comment je me sens. C'est une question qui revêt énormément d'importance pour nous. En effet, les États-Unis nous fournissent plus d'argent comptant que n'importe quel autre pays, mais il nous donne aussi des quantités considérables d'aliments, et je suppose que c'est la même chose pour le Canada. Cela dit, lorsque l'agriculteur apporte ses produits, ses denrées au chef-lieu et qu'il les déverse dans le silo, on ne fait pas de distinction entre les produits transgéniques, hybrides et traditionnels. Tout est mélangé.
Nous précisons fréquemment qu'il peut y avoir un contenu transgénique dans ces aliments. La Zambie a déclaré qu'elle n'accepterait pas cela. D'autres pays ont dit qu'ils accepteraient ces aliments, pourvu qu'ils soient moulus. S'ils sont moulus, cela ajoute une plus-value de 25 à 30 p. 100. Il y a certains avantages liés au fait de les moudre. Cela évite aux femmes d'avoir à les piler à la main, et il est possible de les enrichir. D'autre part, les donateurs estiment que leur produit est parfaitement inoffensif et ne veulent pas payer pour qu'il soit moulu.
J'ai parlé trop longtemps.
M. James Bezan: Il y a une autre chose sur laquelle je veux revenir. Vous avez dit qu'aujourd'hui, en comparaison d'il y a dix ans, 50 millions de personnes de plus souffrent de la faim. À votre avis, que va-t-il se passer au cours des dix prochaines années? Quels sont les besoins auxquels devra répondre le Programme alimentaire mondial? Quelles sont certaines des solutions que l'on envisage pour commencer à renverser la vapeur?
M. James Morris: La tendance demeure négative. Le nombre d'affamés est en hausse. Cela signifie que la question de la capacité agricole, de l'investissement dans l'infrastructure de base, de la multiplication des relations entre les universités agricoles occidentales et les pays en voie de développement... Cela signifie aussi qu'il nous faut veiller tout particulièrement à ce que les enfants ne grandissent pas en souffrant de la faim et qu'ils se retrouvent tellement désavantagés qu'ils ne puissent jamais s'en sortir. À un certain stade, il faut intervenir pour rompre le cycle de la pauvreté, et à mon avis, c'est au niveau des enfants qu'il est le plus opportun de le faire.
Des mères pauvres produisent des enfants pauvres et des enfants pauvres produisent encore plus d'enfants pauvres. Nous tous autour de la table avons eu une vie différente parce que nous avons été bien nourris et que nous avons eu la chance d'aller à l'école. Ce sont là des facteurs externes que la population en général peut contribuer à atténuer. J'espère que lorsque je reviendrai d'ici deux ans, le Canada aidera à nourrir un million d'écoliers en Afrique.
Nourrir un enfant pour quelques dollars par année signifie que la vie de cet enfant ne sera plus jamais la même. Cette contribution transformera la vie de cet enfant de la façon la plus profonde possible. Si l'on compare cela à n'importe quel autre investissement que l'on fait, que ce soit dans la résolution de conflits ou autres, l'influence, le rendement est incomparable puisque l'on transforme la vie d'un être humain, d'un enfant, dès le départ. Je me préoccupe surtout de savoir comment nous allons nourrir ces 185 millions d'enfants de la Chine et de l'Inde au cours des dix prochaines années. J'espère que la prochaine fois que nous nous rencontrerons, il y aura moins d'enfants affamés dans le monde.
» (1705)
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Morris.
Monsieur Kilgour.
L'hon. David Kilgour (Edmonton—Mill Woods—Beaumont, Lib.): Merci, monsieur Morris, d'être venu. Je suis arrivé en retard. Avez-vous dit, essentiellement, qu'il y a en permanence 800 millions d'êtres humains qui souffrent de la faim?
M. James Morris: À l'heure actuelle, il y a dans le monde 840 millions de personnes qui ont faim et 1,2 milliard qui subsistent avec moins d'un dollar par jour.
L'hon. David Kilgour: La faim tue davantage que le VIH/sida, la tuberculose et la malaria réunis?
M. James Morris: C'est exact.
L'hon. David Kilgour: Et je crois que vous avez dit tout à l'heure que 24 000 personnes par jour meurent de faim, et que de ce total, les trois quarts sont des enfants.
M. James Morris: C'est exact.
L'hon. David Kilgour: C'est absolument effarant.
M. James Morris: Imaginez seulement les manchettes dans les journaux d'aujourd'hui si quarante-cinq 747 pleins d'enfants s'écrasaient. Voilà ce qui se passe chaque jour de nos vies.
L'hon. David Kilgour: Oui, c'est effarant. Dans une église que je fréquente, nous avons eu hier un lunch de famine et nous avons discuté de ces chiffres.
Deux de mes collègues ont évoqué le Zimbabwe. Personnellement, je m'inquiète énormément de la famine délibérée qui va se prolonger. Et avec les élections qui auront lieu en mars, la situation empirera sans doute.
Puis-je parler encore une fois du Darfour avec vous? Nous aurons jeudi une séance d'une demi-journée ou d'une journée consacrée au Darfour. Que diriez-vous à un groupe de parlementaires réunis pour discuter du Darfour, outre ce que vous avez déjà dit aujourd'hui?
M. James Morris: Je dirais qu'il s'agit d'une situation très sérieuse. Il y a dans le monde de nombreux exemples d'une crise comme celle-là où l'absence de capacité ou de volonté politique n'a pas permis de résoudre le problème promptement et 25 ans plus tard, il y a toujours autant de personnes qui vivent dans les camps de réfugiés. D'ailleurs, il y en a encore plus qui sont nés dans les camps qu'il y en avait qui y sont venus à l'origine.
Autrement dit, il y a des gens qui ont vécu dans les camps de réfugiés au Pakistan pendant des années. Il y a aujourd'hui des réfugiés du Sahara occidental qui vivent dans le sud de l'Algérie depuis 27 ans. Pareille situation exige une solution politique. Je suis très reconnaissant que votre premier ministre se rende là-bas. Le fait que le dirigeant d'un grand pays, le chef du gouvernement, se rende là-bas et attire l'attention du monde entier sur ces questions... Je me réjouis aussi que le Conseil de sécurité se soit réuni à Nairobi la semaine dernière pour attirer l'attention du monde entier sur cette crise.
La situation est très sérieuse et tant que les gens n'auront pas le sentiment de sécurité découlant de la conviction que la loi et l'ordre sont restaurés, qu'ils peuvent rentrer chez eux et ne pas être traités de la façon la plus horrible... 50 000 ou 60 000 personnes ont été tuées. La brutalité à l'endroit des femmes dépasse l'entendement. Mais au bout du compte, cela se répercute sur les enfants... La moitié des enfants sont anémiques, un quart souffrent de malnutrition. Je n'ai jamais entendu le directeur de USAID... Celui-ci a prédit que dans le meilleur des cas, 300 000 personnes mourraient au Darfour, dans le pire des cas un million et en bout de ligne, cette crise peut uniquement être résolue si les gens peuvent rentrer chez eux.
L'hon. David Kilgour: Dans son éditorial d'hier, le Washington Post a dit à propos de la date butoir du 31 décembre pour les négociations, et je ne cite qu'une phrase :
La population du Darfour ne peut attendre aussi longtemps; |
C'est-à-dire jusqu'au 31 décembre...
leur catastrophe est immédiate. Les familles qui ont été chassées de leur village n'ont aucun moyen de planter des récoltes ou d'élever des animaux; elles dépendent de l'aide alimentaire, |
... je suppose qu'elle provient de vous en partie...
laquelle est à la merci des caprices budgétaires des gouvernementaux occidentaux et de la tendance meurtrière du gouvernement du Soudan à limiter l'accès des travailleurs humanitaires. Le décompte des morts est déjà énorme. Le chiffre le plus couramment cité de 70 000 victimes est un travestissement monstrueux de la réalité : on ne compte pas les morts dans les régions qui ne sont pas visitées par les travailleurs humanitaires, pratiquement toutes les victimes de la violence par opposition à la malnutrition et toutes les victimes d'avant mars. |
Eric Reeves, un observateur indépendant, dit qu'on approche déjà des 300 000 morts. Seriez-vous d'accord avec le Washington Post?
» (1710)
M. James Morris: Suis-je d'accord avec le chiffre de 300 000 victimes?
L'hon. David Kilgour: Non, avec la teneur de l'article.
M. James Morris: Oh, bien sûr. Tout à fait.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci, monsieur Kilgour.
Monsieur Casey.
M. Bill Casey (Cumberland—Colchester—Musquodoboit Valley): Merci beaucoup. Votre exposé a été des plus intéressants pour nous tous, mais il y a une chose que j'aimerais savoir. Où vivez-vous et où travaillez-vous? Quel est votre lieu de travail?
M. James Morris: Rome.
M. Bill Casey: Où habitez-vous? Résidez-vous à Rome aussi?
M. James Morris: Oui.
M. Bill Casey: Allez-vous dans les nombreux pays où le Programme alimentaire mondial est présent?
M. James Morris: Bien sûr.
M. Bill Casey: Vous rendez-vous dans la totalité d'entre eux?
M. James Morris: J'en ai visité plus de la moitié. Il y a 32 mois seulement que j'occupe ce poste. Je voyage 85 p. 100 du temps. Je passe le plus de temps possible sur le terrain. Je consacre une bonne partie de mon temps à encourager les gens à se montrer plus généreux et à faire davantage pour que nous puissions résoudre ces problèmes.
M. Bill Casey: C'est votre mission ici aujourd'hui, n'est-ce pas, d'essayer de nous faire comprendre la situation et de nous inciter à contribuer davantage?
M. James Morris: Ma mission est de vous remercier et d'essayer de vous communiquer du mieux que je peux à quel point votre apport est important et à quel point les problèmes sont sérieux. Je tiens aussi à dire aux parlementaires que vous êtes que les gens qui travaillent au sein de votre gouvernement, à l'ACDI et au service extérieur, qui ont des relations avec nous, sont extraordinaires. Vous abordez les problèmes qui m'intéressent au plus haut point avec une sagesse, un professionnalisme et un souci qui se comparent avantageusement à tout ce qui se fait dans le monde.
Lorsque je suis venu la dernière fois, la contribution du Canada s'élevait à moins de 40 millions de dollars. Aujourd'hui, elle dépasse les 150 millions. Je vous en suis reconnaissant, et je suis ici pour vous remercier. Cela dit, ma visite me donne aussi l'occasion de rencontrer les médias et de rendre compte de la situation.
Vous savez, les vies que nous menons... Ma maison est à Indianapolis, dans l'Indiana, pas très loin d'ici. Nous sommes absolument ignorants de la façon dont des centaines de millions de personnes vivent. J'ai trois enfants et six petits-enfants qui vivent des vies merveilleuses. J'ai du mal à comprendre pourquoi il y a 300 millions d'enfants qui luttent tous les jours de leur vie rien que pour survivre jusqu'au lendemain.
Je suis un homme d'affaires à la retraite. On m'a demandé de faire ce travail. Ce n'est manifestement pas ce que ma femme avait en tête pour cette période particulière de notre vie, mais c'est important. Notre monde, qui a la capacité, les moyens et la bonne volonté d'agir, doit faire davantage. Si chacun d'entre nous faisions un peu plus et que tout le monde mettait l'épaule à la roue, nous pourrions faire des progrès, des progrès substantiels pour régler ces problèmes.
M. Bill Casey: D'après nos notes, vous achetez annuellement des aliments d'une valeur de 1,6 milliard de dollars. Quelles sont les principales denrées que vous achetez, les cinq principales?
M. James Morris: Ce serait le blé, le maïs, le riz, le soja,les légumineuses à grain, l'huile végétale ainsi que du sel, du sucre, des aliments composés, notamment des aliments composés à forte teneur en protéines.
M. Bill Casey: Quel pourcentage de vos contributions sont en espèces et quel pourcentage en nature?
M. James Morris: Environ 50-50, mais c'est trompeur car cela englobe la portion en espèces qui nous est versée à l'appui des denrées que l'on nous donne. Ainsi, si le Canada nous donne un boisseau de blé, c'est le Canada qui paie pour le transport de ce blé à destination. Parfois ce soutien est en nature, mais généralement c'est en espèces. En conséquence, nous comptons cela comme une contribution en espèces.
» (1715)
M. Bill Casey: Quel pourcentage de la contribution du Canada est en espèces et quel pourcentage est en nature? Le savez-vous?
M. James Morris: La contribution canadienne est largement en nature.
M. Bill Casey: Savez-vous quel est le pourcentage, approximativement?
M. James Morris: Nous allons vous trouver ce renseignement.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): À propos de ces chiffres, y a-t-il des dons de viande ou de viande en conserve ou quoi que ce soit de ce genre? Je sais que bon nombre des pays dont vous avez parlé, l'Inde et d'autres aussi, ne voudraient sans doute pas recevoir de la viande, mais la viande fait-elle partie des dons qui vous sont versés?
M. James Morris: Il y en a un peu. De façon générale, nous n'acceptons pas d' aliments périssables. Je sais que la viande en conserve n'est pas périssable, pour autant qu'elle soit bien entreposée. L'Espagne vient de nous faire un don de viande en conserve d'une valeur de 15 millions de dollars. Certains pays nordiques nous fournissent aussi du poisson en conserve. Nous leur sommes très reconnaissants. Mais généralement, nous n'acceptons pas de viande. La viande est un composant très modeste de notre programme.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): A-t-on trouvé les statistiques demandées par M. Casey? Non.
Veuillez continuer.
M. James Morris: Le Canada nous fait surtout don de denrées pour lesquelles il paie le transport en espèces. Par exemple, au Darfour, vous nous avez donné des pois cassés, ce qui est très important, mais vous nous avez aussi donné de l'argent pour acheter du sorgho. En fait, il y avait des quantités considérables de sorgho disponibles au Soudan. C'est ironique; le reste du Soudan a eu une très bonne récolte l'année dernière, mais cette récolte a été perdue au Darfour. Vous nous avez donné de l'argent pour acheter...
D'après mon collègue, le pourcentage est 90-10, comme je le pensais. Les dons en espèces représentent donc environ 10 p. 100.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Merci.
Monsieur Martin.
L'hon. Keith Martin: Merci, monsieur Sorenson.
Ambassadeur Morris, il est absolument navrant de voir pareille catastrophe se produire chaque jour. Franchement, je ne sais pas comment vous faites pour vous lever le matin. Je serais tellement découragé. Mais par ailleurs, il doit être extrêmement gratifiant de mener ce combat.
En ce qui concerne la Russie, la Chine, et particulièrement l'Inde et la CEI, et leur situation sur la courbe géométrique—c'est-à-dire là où se trouvait l'Afrique il y a dix ans pour ce qui est des taux de VIH—, je crains vraiment qu'à moins que se manifeste une volonté politique de s'attaquer à cette prolifération naissante des cas de VIH dans ces régions, nous serons aux prises avec une catastrophe humanitaire, économique et sécuritaire d'envergure. Peut-être pourriez-vous nous dire ce qui se fait pour tenter de convaincre les gouvernements à intervenir plus vigoureusement pour contrer ce problème croissant? Comme je l'ai dit, ces pays affichent un taux de VIH analogue à celui qu'affichait l'Afrique il y a dix ans.
Deuxièmement, que pouvons-nous faire, en tant que pays, pour régler le problème de la sécurité alimentaire dans le monde? Avons-nous besoin d'un système d'alerte rapide qui prendrait en compte divers paramètres constituant les intrants nécessaires pour assurer la sécurité alimentaire? Cela existe-t-il? Et si un tel système n'existe pas, devrions-nous en avoir un? Il me semble qu'il serait logique de pouvoir surveiller l'évolution de la situation dans le monde en mesurant divers paramètres qui influent sur la sécurité alimentaire. Lorsqu'on constate que certaines régions atteignent la zone rouge, si l'on veut, l'alarme serait tirée et nous pourrions commencer à intervenir en fonction des intrants qui influent sur le problème de sécurité alimentaire.
En fait, j'ai posé deux questions. Merci.
M. James Morris: Je pense que les dirigeants des pays que vous avez mentionnés comprennent maintenant à quel point le problème du VIH/sida est sérieux. J'ai dit que présentement l'Inde compte le plus grand nombre de personnes séropositives dans le monde. Ce pays vient de dépasser l'Afrique du Sud au cours des derniers six mois. Le conseil de l'ONUSIDA doit se rencontrer à Moscou en mars. En soi, le fait que la réunion se tienne là est intéressant.
D'après ONUSIDA, l'élément le plus important dans la lutte contre le VIH/sida est l'éducation des enfants âgés de 5 à 15 ans. Il est important que les programmes scolaires comportent des volets éducatifs destinés aux enfants de 5 à 15 ans, et cela rend notre travail pour nourrir les écoliers en Afrique encore plus crucial. Ces initiatives permettent aux enfants de fréquenter l'école et de réussir à apprendre, à écouter et à réfléchir.
Pour ce qui est d'un système d'alerte rapide, le Canada a appuyé de nombreuses percées dans ce domaine, particulièrement en Afrique. L'utilisation de la haute technologie va croissant, de sorte que l'on est en mesure de surveiller divers critères qui nous donnent une idée de ce qui se profile à l'horizon. Le Canada nous a donné de l'argent pour mettre en oeuvre un système de détection rapide de la déficience nutritionnelle au Darfour. Le Canada a aussi fourni des fonds qui nous ont aidés à financer 70 projets visant à faire des évaluations nutritionnelles et à adapter des programmes à une communauté unique.
» (1720)
L'hon. Keith Martin: Ambassadeur Morris, avons-nous un système de détection rapide à l'échelle mondiale pour ce qui est d'évaluer la sécurité alimentaire?
M. James Morris: Oui, il est connu sous l'acronyme FEWS NET. C'est largement une créature de USAID, mais je suis sûr que vous en faites partie. Un grand nombre d'agences de renseignements en font partie, de même que des organismes voués au développement. Pays par pays, chacun élabore son propre système d'alerte rapide.
Je ne suis pas un expert sur le sujet, mais je peux vous dire qu'auparavant, on évaluait la situation en se fondant sur les cultures agricoles. À l'heure actuelle, on ne fait pas d'évaluation alimentaire sans prendre en compte des centaines de facteurs. Comme dans bien d'autres domaines, il y a eu des progrès substantiels.
J'obtiendrai à votre intention des renseignements qui vous fourniront une réponse plus complète.
Le vice-coprésident (M. Kevin Sorenson): Nous allons terminer très rapidement. Mme McDonough pourra poser la dernière question et ensuite, nous reviendrons à notre coprésident, M. Steckle, qui aura le mot de la fin.
Madame McDonough.
Mme Alexa McDonough: Merci.
Monsieur Morris, vous connaissez sans doute cette citation d'un archevêque brésilien, dont le nom m'échappe, qui a dit : Si vous nourrissez les pauvres on dira de vous que vous êtes un sain, mais si vous demandez pourquoi les pauvres ont faim, pourquoi ils n'ont pas de nourriture, on vous qualifiera de communiste.
Compte tenu de la tâche herculéenne que vous assumez et de son caractère extrêmement délicat, je comprends que vous répondiez avec beaucoup de diplomatie à certaines des questions que nous avons soulevées. Nous n'avons pas du tout l'intention de vous mettre sur la sellette, mais si j'ai bien compris, vous avez dit que vous préfériez les dons en espèces mais qu'en fait, les contributions du Canada sont à hauteur de 90 p. 100 en nature, ce qui laisse seulement 10 p. 100 en espèces. Vous préféreriez aussi une aide non liée mais—et corrigez-moi si je me trompe—85 p. 100 de l'aide du Canada est en fait liée. Vous êtes reconnaissant de l'augmentation de l'aide publique au développement au Canada, mais le fait est qu'elle s'établit à 0,27 p. 100 et non pas à 0,7 p. 100, ce qui est supposément notre objectif déclaré.
Compte tenu des besoins incommensurables qui existent, quel conseil donneriez-vous à un comité multipartite du Parlement sur la façon dont le Canada pourrait mieux répondre aux besoins des millions d'affamés et de mourants au service desquels vous êtes à l'heure actuelle?
M. James Morris: Merci.
Ce que j'ai dit, c'est que 85 p. 100 de l'aide versée au Programme alimentaire mondial de la part de tous nos donneurs est dirigée.
Mme Alexa McDonough: Très bien, merci.
M. James Morris: J'ai aussi dit que nous préférons les dons en espèces car cela nous donne plus de souplesse. De cette façon, nous pouvons faire des achats sur place, ce qui présente de nombreux avantages à nos yeux. J'ai aussi ajouté que nous sommes profondément reconnaissants pour toute l'aide que quiconque nous envoie. Si le Canada et les États-Unis ne nous donnaient pas de nourriture, nous n'existerions pas.
Depuis 41 ans, le Canada a versé au Programme alimentaire mondial une contribution d'une valeur de 3,7 milliards de dollars, ce qui est tout à fait remarquable. Le Canada nous a également fourni des personnes extrêmement compétentes pour mener à bien nos activités dans tous les coins du globe. L'apport de l'ACDI et de votre ministère des Affaires étrangères est aussi exceptionnel, remarquable et fiable que celui de n'importe quel autre pays dans le monde. Vous avez tout lieu d'être fiers de la qualité du travail des personnes qui représentent l'offre du Canada au Programme alimentaire mondial.
Cela dit, les besoins sont énormes. Nous devons tous faire davantage. Lorsque ma femme Jacqueline et moi-même rédigeons nos chèques à la fin de l'année pour des oeuvres de bienfaisance, nous devons en faire un peu plus. Si nous en faisions tous un peu plus... Selon moi, il n'y a rien de répréhensible ou honteux que le fait que 300 millions d'enfants dans le monde ont faim. Ce n'est tout simplement pas acceptable aujourd'hui, quand on voit comment nous allons passer le reste de la soirée. Pour réussir à relever le défi—et peu m'importe que votre contribution passe par le Programme alimentaire mondial, Care Canada, Oxfam Canada ou la commission des céréales—, c'est bien simple : il faut faire davantage.
Au Canada, vous avez renversé la vapeur et vous avez repris la place que vous avez déjà occupée parmi les acteurs de premier plan. En passant, ce faisant, vous avez acquis une chose des plus précieuses pour votre pays. Le Canada est très bien vu, très respecté et très admiré car il est perçu comme un pays qui adopte une conduite honorable, qui se comporte de la façon la plus désintéressée possible. Mon père me disait que rien ne remplace la réputation, et celle du Canada est bonne.
J'espère que vous ferez davantage. Partout où je vais, j'ai l'intention de demander aux gens de faire plus. Je travaille d'arrache-pied pour obtenir de la Chine, de l'Inde, de la Russie et de l'Arabie saoudite qu'ils fassent davantage. L'un de vos collègues, Ernest Loevinsohn, m'a demandé au début de la journée ce que le Canada pourrait faire pour transmettre au reste du monde ce message. Lorsque votre premier ministre dit au premier ministre d'un pays X que ces enjeux humanitaires sont importants, cela a beaucoup de poids. Chaque fois que vous avez l'occasion de livrer un plaidoyer au nom de ceux qui ont désespérément besoin de vous, c'est une bonne chose.
Évidemment, j'espère que vous ferez davantage, mais je suis aussi ici pour vous dire à quel point je suis reconnaissant de ce que vous avez fait depuis plusieurs années. Cette tendance est extraordinaire dans mon petit coin du monde.
» (1725)
Le coprésident (M. Paul Steckle (Huron—Bruce, Lib.)): Monsieur Morris, je suis convaincu de parler au nom de tous ceux qui étaient ici et qui sont encore ici cet après-midi en vous disant merci de votre exposé franc et direct. Vous avez été très élogieux à notre endroit, en tant que Canadiens. Nous vous remercions, mais vous nous mettez aussi au défi de faire plus. Moi qui suis un grand-père et un père et qui voit arriver Noël et toute l'abondance dont nous jouissons—en fait, la surabondance—, j'estime nécessaire de relever ce défi. Je pense que nous devrions tous transmettre ce message dans nos communautés respectives dans l'intention de nous acquitter scrupuleusement de la mission que vous nous confiez aujourd'hui.
J'ai eu l'occasion de me rendre dans certaines des régions défavorisées du monde. Des membres de ma famille y travaillent à l'heure actuelle, de sorte que j'ai des informations de première main sur la situation qui y règne. Au sujet de ce qui se passe au Darfour à l'heure actuelle, vous avez simplement renforcé ce que nous savions déjà, mais que nous avions besoin d'entendre encore une fois.
Nous sommes impatients d'entendre un autre exposé de votre part; il faut espérer que d'ici notre prochaine rencontre, il y aura plusieurs millions d'affamés de moins dans le monde. Encore une fois, merci beaucoup d'être venu, de vous être invité. Vous êtes toujours le bienvenu si vous voulez nous rencontrer.
La séance d'aujourd'hui a été des plus faciles à diriger, avec l'aide d'un coprésident des plus compétents—nous présidons tous deux des comités différents.
Et nous remercions également Dianne Spearman, qui était présente. Vous êtes Canadienne, si je ne m'abuse.
» (1730)
Mme Dianne Spearman (directrice, Programme alimentaire mondial des Nations Unies, Bureau du sous-directeur administratif): Oui.
Le coprésident: Merci d'être venue. Je souhaite que votre bonne influence continuera de faire son oeuvre pour nous et pour les personnes qui ont le plus besoin de notre aide.
Merci beaucoup.
La séance est levée.