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CC38 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité législatif chargé du projet de loi C-38


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 12 mai 2005




¸ 1410
V         Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.))
V         M. Vic Toews (Provencher, PCC)
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice)
V         Le président
V         M. Vic Toews

¸ 1415
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.)
V         Le président
V         L'hon. Don Boudria
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Irwin Cotler
V         L'hon. Don Boudria
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ)
V         L'hon. Irwin Cotler

¸ 1420
V         M. Richard Marceau
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Richard Marceau
V         L'hon. Irwin Cotler

¸ 1425
V         Le président
V         M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD)
V         L'hon. Irwin Cotler

¸ 1430
V         M. Bill Siksay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.)

¸ 1435
V         L'hon. Irwin Cotler
V         L'hon. Paul Harold Macklin
V         L'hon. Irwin Cotler

¸ 1440
V         Le président
V         M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC)
V         L'hon. Irwin Cotler

¸ 1445
V         Le président
V         L'hon. Don Boudria
V         L'hon. Irwin Cotler

¸ 1450
V         L'hon. Don Boudria
V         L'hon. Irwin Cotler
V         L'hon. Don Boudria
V         Le président
V         M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Réal Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Réal Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Réal Ménard
V         L'hon. Irwin Cotler

¸ 1455
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.)
V         L'hon. Irwin Cotler

¹ 1500
V         Le président
V         M. Bill Siksay
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Bill Siksay
V         L'hon. Irwin Cotler

¹ 1505
V         Mme Lisa Hitch (avocate-conseil, Secteur des politiques, Section de la famille, des enfants et des adolescents, ministère de la Justice)
V         L'hon. Don Boudria
V         Mme Lisa Hitch
V         M. Bill Siksay
V         Mme Lisa Hitch
V         M. Bill Siksay
V         Mme Lisa Hitch
V         M. Bill Siksay
V         Le président
V         M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Michael Savage
V         L'hon. Irwin Cotler

¹ 1510
V         Le président
V         M. James Bezan (Selkirk—Interlake, PCC)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. James Bezan
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. James Bezan
V         L'hon. Irwin Cotler

¹ 1515
V         M. James Bezan
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Don Boudria
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Don Boudria
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Don Boudria
V         Le président
V         L'hon. Don Boudria
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         Mme Françoise Boivin
V         Le président
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)
V         L'hon. Irwin Cotler

¹ 1520
V         Mme Anita Neville
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         M. Réal Ménard
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Richard Marceau

¹ 1525
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Richard Marceau
V         Le président
V         Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Mme Rona Ambrose
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Mme Rona Ambrose

¹ 1530
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président










CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-38


NUMÉRO 003 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 12 mai 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¸  +(1410)  

[Français]

+

    Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.)): Bonjour, monsieur le ministre. Merci de revenir devant le comité aujourd'hui.

    Bonjour, madame Hitch.

    Monsieur le ministre, vous avez fait une présentation de 10 minutes hier et vous avez accepté de revenir aujourd'hui. Voulez-vous prendre une minute ou une minute et demie pour dire quelques mots? Ensuite nous devrons passer à la période de questions.

[Traduction]

+-

    M. Vic Toews (Provencher, PCC): Je pense que nous avons tous lu la transcription.

+-

    Le président: Vraiment?

+-

    M. Vic Toews: Je penserais que oui.

+-

    L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice): Monsieur le président, j'allais conclure, mais je vais peut-être passer immédiatement aux questions. Cela vaudrait peut-être mieux pour le comité.

    Je veux simplement dire que je suis arrivé quelques minutes en retard parce que je rencontrais un groupe d'étudiants du pays qui viennent d'un peu partout pour parler de la crise humanitaire au Darfour.

[Français]

    Je crois qu'il est très important d'encourager les étudiants, particulièrement quand ils sont engagés dans un des défis les plus importants de notre époque.

[Traduction]

    Quand on reçoit un groupe d'étudiants qui vient présenter une pétition signée par 10 000 étudiants de l'ensemble du pays au sujet de la nécessité évidente d'intervenir dans la crise humanitaire au Darfour—cela coïncide par hasard avec l'annonce qu'a faite le gouvernement aujourd'hui—il me semble que ces étudiants avaient besoin d'être entendus, et quand on peut les encourager, on devrait le faire. Je leur ai même dit que je viendrais vous faire part de ce message, qu'il était bon de voir des étudiants représenter la conscience de notre pays pour une question pareille.

    Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci.

    Je rappelle à tous que selon les règles adoptées par le comité, par les membres du comité, la première ronde de questions accorde sept minutes à chacun, à commencer par le Parti conservateur, suivi du Bloc québécois, suivi du NPD puis des libéraux.

    Les sept premières minutes sont donc accordées au Parti conservateur. Monsieur Toews.

+-

    M. Vic Toews: Merci, et merci au ministre de venir nous rencontrer aujourd'hui.

    La question que j'aimerais soulever, et je pense que certains de mes autres collègues veulent aussi la soulever, a trait à la liberté de religion et à l'effet qu'a ce projet de loi sur la liberté de religion.

    Nous avons déjà constaté que quand les tribunaux ont changé la définition du mariage, des individus de l'ensemble du pays ont eu à en souffrir. Des gens ont perdu leur emploi, ont dû partir de commissions au Manitoba, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique. Voilà l'effet de ce changement à la loi, l'effet qu'il a maintenant sur des personnes qui, pour des raisons de conscience, n'acceptent pas ce changement de définition, ou même sur des titulaires de charges publiques qui, pour des raisons de conscience, n'acceptent pas ce changement de définition, et les provinces ne semblent permettre aucune mesure d'adaptation raisonnable.

    Ce qui me préoccupe, en particulier, c'est l'article 3, selon lequel : « Il est entendu que les autorités religieuses sont libres de refuser de procéder à des mariages non conformes à leurs convictions religieuses. » Cette disposition, en droit, est virtuellement identique, certainement quant au fond, à la disposition suivante : « La présente loi est sans effet sur la liberté des autorités religieuses de refuser de procéder à des mariages non conformes à leurs croyances. » C'est la disposition qu'a étudiée la Cour suprême du Canada.

    Dans cette affaire, le procureur général du Canada—vous, monsieur—a dit essentiellement que c'était une formulation déclaratoire, ou un énoncé déclaratoire, parce qu'on ne pouvait faire rien de plus qu'une déclaration à ce sujet. Il est certain que le projet de loi alors ne peut être rien d'autre qu'une simple déclaration. Autrement, il serait inconstitutionnel.

    Étant donné les observations de la Cour au sujet de cette même disposition, où le gouvernement a dit que c'était une formulation déclaratoire, la Cour a dit que c'était néanmoins inconstitutionnel.

    Au paragraphe 37 de la décision de la Cour suprême, la Cour dit :

Le procureur général du Canada soutient que l'art. 2 de la Loi proposée est de nature déclaratoire, en ce qu'il précise simplement que le Parlement ne veut pas que les autres dispositions de la Loi proposée soient interprétées de façon à empiéter sur la compétence provinciale en matière de célébration du mariage. Cet article peut être perçu comme un effort en vue de rassurer les provinces et d'apaiser les craintes des autorités religieuses qui procèdent à des mariages.

    Puis la Cour conclut ainsi :

Si dignes d'attention soient ces préoccupations, seules les provinces peuvent édicter des exemptions aux règles en vigueur en matière de célébration, car de telles exemptions se rapportent nécessairement à la « célébration du mariage » visée au par. 92(12). L'art. 2 de la Loi proposée ne relève donc pas de la compétence du Parlement.

    Alors la seule indication claire que nous avons obtenue de la Cour suprême du Canada, c'est que cette disposition—l'article 3 de ce projet de loi, l'article 2 de la Loi proposée est inconstitutionnelle, et le gouvernement va de l'avant, met cette disposition dans ce projet de loi, puis cherche à rassurer les Canadiens que la liberté de religion est protégée. Ce qu'on fait ici, c'est qu'on trompe les Canadiens. La liberté de religion n'est pas protégée par cette disposition. C'est simplement un écran de fumée pour tromper les gens, pour leur laisser croire... Malgré l'énoncé clair de la Cour suprême du Canada, c'est inconstitutionnel.

    Nous savons que la Cour suprême a fait de grandes déclarations générales au sujet de la protection de la religion. Nous croyons savoir que, et nous pouvons toujours débattre de la question de savoir jusqu'où s'étend cette garantie de la liberté de religion, compte tenu de ce que nous avons vu, chaque fois, chaque fois que la liberté de religion et les droits à l'égalité sont confrontés, chaque fois ce sont les droits à l'égalité qui l'emportent sur la liberté de religion. Je connais tous les arguments qu'on peut invoquer.

    Ce qui me préoccupe, c'est pourquoi le gouvernement essaierait de tromper les Canadiens—et je dirais même de tenter délibérément de tromper les Canadiens—en incluant une disposition dans un projet de loi dont il sait qu'elle est inconstitutionnelle eu égard à la protection de toute forme de liberté religieuse?

¸  +-(1415)  

+-

    Le président: Monsieur le ministre Cotler.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Monsieur Toews, je me montrerai un peu plus charitable et je dirai que c'est par inadvertance, par manque de connaissance, que vous induisez les Canadiens en erreur, au lieu de conclure que c'est malicieusement que vous avez dit que nous tentions délibérément de tromper les Canadiens ou, comme vous avez dit, de « commettre une fraude ». J'espérais que nous pourrions discuter de cette importante question avec toute la courtoisie qu'elle mérite, sans tomber dans ce genre de sous-entendus...

+-

    M. Vic Toews: Dites-nous ce sur quoi porte cette disposition, monsieur le procureur général.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je vais vous le dire, si vous me laissez le faire objectivement.

    Vous dites que la Cour a fait de grandes déclarations générales. Quand la Cour suprême se prononce, elle se prononce en tant que tribunal relativement à des énoncés de droit constitutionnel au pays. En exprimant votre opinion, vous n'avez pas cité les déclarations de la Cour suprême du Canada selon lesquelles « ... il semble donc clair que le fait d'obliger les autorités religieuses à marier des personnes du même sexe contrairement à leurs croyances religieuses porterait atteinte à la liberté de religion garantie à l'art. 2a) de la Charte. » Par conséquent, la Charte protégerait déjà les célébrants de mariage religieux contre toute loi provinciale ou territoriale qui les y forcerait.

    Et de un.

+-

    M. Vic Toews: Je comprends cela.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je ne vous ai pas interrompu.

+-

    M. Vic Toews: Mais c'est moi qui posais une question.

+-

    Le président: À l'ordre, monsieur Toews.

    Invocation du Règlement par M. Boudria.

+-

    L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.): C'est peut-être la question de M. Toews, mais je crois que la réponse nous intéresse tous. Nous sommes tous membres du comité et nous avons tous le droit d'entendre ce que le ministre a à dire, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

+-

    L'hon. Don Boudria: En tant que membre du comité, je veux entendre la réponse.

+-

    Le président: Merci, monsieur Boudria.

    Monsieur Toews.

+-

    M. Vic Toews: Au sujet de cette même invocation du Règlement, je comprends déjà l'argument du procureur général.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Vous ne l'avez pas entendu.

+-

    L'hon. Don Boudria: Nous sommes en droit nous aussi d'entendre la réponse.

+-

    Le président: Monsieur Boudria, je vous en prie.

+-

    M. Vic Toews: Et vous pourrez ensuite poser une question, monsieur Boudria.

    Ce que je demande, précisément, à propos de cette même invocation du Règlement...

+-

    Le président: Monsieur Toews, on vous demande de permettre au ministre de répondre.

+-

    M. Vic Toews: Par rapport au même rappel au Règlement, je voudrais clarifier quelque chose. Quel est l'objet de la disposition en question? Je comprends les autres commentaires de la Cour suprême du Canada. Mais quel est l'objet de cette disposition précise qui a déjà été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême du Canada?

+-

    Le président: Monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: L'article 3, auquel vous faites référence, est en fait une déclaration de droit ou un réexposé du droit, et reprend la décision de la Cour suprême dont je viens tout juste de parler, à savoir que les garanties de la Charte portant sur la liberté de religion protègent les autorités religieuses contre toute tentative de l'État qui les obligerait à célébrer des mariages qui vont à l'encontre de leurs croyances religieuses.

    L'article précédent, qui a été annulé par la Cour suprême, était une disposition interprétative. À la lumière de la décision qui a été rendue par la Cour suprême, le texte législatif qui nous intéresse reprend ce qui a été décidé par la Cour. De plus, il n'est pas inhabituel que dans le cas de questions aussi controversées et importantes aux yeux de la population que celles qu'on débat, on explicite la teneur de la loi pour en faciliter la compréhension.

    Il m'aurait semblé logique que vous, monsieur Toews, qui vous préoccupez du sort des autorités religieuses, aurait été heureux de voir qu'on réexpose la proposition de droit de la Cour suprême du Canada, car cela permettrait à la population canadienne et aux autorités religieuses de savoir exactement ce qu'il en est. Comment pourrait-on s'opposer à ce genre de choses? C'est une déclaration qui vient après l'énoncé; c'est une déclaration de fait et une déclaration de droit.

+-

    M. Vic Toews: Très bien.

+-

    Le président: Merci.

+-

    M. Vic Toews: Vous avez dit que c'était un énoncé déclaratoire.

+-

    Le président: Désolé, monsieur Toews, vos sept minutes sont écoulées.

[Français]

    Nous passons maintenant à M. Marceau du Bloc québécois. Vous disposez de sept minutes, monsieur Marceau.

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, merci d'être revenu devant le comité.

    Premièrement, vous avez sûrement fait de longues recherches sur la liberté de religion. Depuis l'avènement de la Charte, en 1982, est-il arrivé que les cours forcent quelqu'un d'une religion quelconque à célébrer une cérémonie allant contre le dogme de cette religion? Par exemple, est-il arrivé qu'une cour force un prêtre catholique à marier un catholique divorcé ou un rabbin à marier un juif et un non-juif?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Non, je dois dire que tout ce que nous avons dit à l'égard de cette proposition concernant les conjoints de même sexe est un reflet de l'histoire. En particulier, on permet aux membres de groupes religieux, comme on le dit dans le projet de loi, d'exprimer les convictions religieuses de leur choix et aux autorités religieuses de refuser de célébrer des mariages non conformes à leurs convictions religieuses. À cet égard, dans le passé, la protection de la Charte ne s'est appliquée que pour limiter l'action du gouvernement en vertu de l'article 32 de la Charte. Donc, la Charte ne s'appliquera pas aux mécanismes internes d'un groupe religieux. Ni le Parlement ni le gouvernement du Canada n'auront le pouvoir d'intervenir en cette matière. Il se peut que des mesures disciplinaires relevant d'un code provincial ou territorial en matière de droits de la personne s'appliquent si ces mesures touchent à l'emploi. Cependant, la plupart des codes contiennent une exception visant les groupes religieux.

    On parle ici d'un projet de loi qui touche la question du mariage civil, et non celle du mariage religieux. Tout ce qui touche le mariage religieux reste comme il l'était. Les groupes religieux continueront de prendre leurs propres décisions concernant la façon de traiter cette question et ils ne seront pas touchés par ce projet de loi. La Cour suprême a clairement dit que les autorités religieuses seraient protégées, qu'elles célèbrent des cérémonies religieuses ou civiles.

¸  +-(1420)  

+-

    M. Richard Marceau: Vous avez répondu à une question de M. Toews sur la constitutionnalité de l'article 3. La Cour suprême et les cours d'appel de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du Québec reconnaissent que la liberté de religion est protégée, comme vous venez de l'énoncer. Vous qui connaissez très bien la Constitution, ne voyez-vous pas un danger que l'article 3, en raison de la décision de la Cour suprême et en particulier de son paragraphe 37, soit une autre fois déclaré inconstitutionnel parce que cette question est de compétence provinciale? Je vous demande de répondre rapidement, parce que j'ai beaucoup d'autres questions à vous poser.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: J'ai eu des discussions avec mes homologues provinciaux et territoriaux, qui m'avaient demandé la même chose. J'ai eu notamment des discussions à cet égard avec l'ancien ministre de la Justice du Québec, Jacques Dupuis, et l'actuel ministre de la Justice, Yvan Marcoux, à cet égard. Je leur ai donné l'assurance que le gouvernement du Canada n'avait pas l'intention de s'immiscer dans les questions de compétence provinciale. Nous sommes d'accord, comme la Cour suprême du Canada l'a indiqué, que la célébration du mariage relève strictement de la compétence des provinces et des territoires. Cependant, selon notre expérience de cette question, il est essentiel de répondre directement à cette préoccupation centrale de nombreux Canadiens et Canadiennes. Je doute qu'une simple référence à l'article 2 de la Charte suffira. La raison de l'inclusion, ici, d'une expression déclaratoire était de rassurer tous les Canadiens et Canadiennes à l'égard de ces protections, mais aussi de protéger les compétences des provinces.

+-

    M. Richard Marceau: J'aimerais qu'on parle des commissaires au mariage. C'est un enjeu qui a été soulevé par mes collègues du Parti conservateur, entre autres. Je voudrais avoir vos commentaires à ce sujet. À mon avis, si un commissaire au mariage refusait de marier un Noir et un Blanc, ou un Asiatique et un Blanc ou un Noir pour des raisons religieuses, cette personne n'aurait pas le droit d'être commissaire au mariage. Lorsqu'on est commissaire au mariage, c'est-à-dire officier de l'état civil, est-ce qu'à ce titre on n'a pas l'obligation de respecter la loi qui existe déjà dans sept provinces et territoires et qui existera dans l'ensemble du Canada après l'adoption du projet de loi C-38, et qui prévoit le mariage civil entre conjoints de même sexe?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Comme je l'ai dit, j'ai eu des conversations avec mes homologues lors de la conférence annuelle des ministres de la Justice fédéral, provinciaux et territoriaux. Nous allons nous en occuper. Le procureur général de l'Ontario, Michael Bryant, a dit qu'il y avait eu plus de 1 000 mariages de conjoints de même sexe en Ontario et qu'on n'avait eu aucun problème à cet égard. L'ancien ministre de la Justice, Jacques Dupuis, a ajouté la même chose à l'égard du Québec. J'ai invité mes homologues à ajouter des protections dans leur juridiction si cela était nécessaire, parce que c'est une question de compétence provinciale. Comme MM. Bryant et Dupuis l'ont dit, dans la pratique, il n'y a aucun problème, mais les provinces peuvent ajouter des protections si elles veulent le faire au cas où il y aurait des problèmes, parce que c'est de leur compétence.

    Je dois aussi dire que la question n'est pas nouvelle. C'est une autre chose. Ce projet de loi n'a aucun effet sur la façon dont pourra être résolue la question des célébrants du mariage. La plupart des situations particulières où il est question de liberté religieuse ne sont pas de compétence fédérale; elles relèvent des lois provinciales et territoriales en matière de droits de la personne. Le résultat dépendra des faits particuliers dans chaque circonstance.

    Toutefois, la Cour suprême du Canada a clairement affirmé que la liberté de religion était entièrement protégée par la Charte et que les tribunaux des droits de la personne provinciaux devaient aussi étudier la façon de protéger cette liberté fondamentale. En principe, tous les tribunaux provinciaux doivent interpréter ces choses d'une manière qui protège la liberté de religion. Étant donné la décision unanime de la Cour suprême, étant donné le texte de la Charte, et étant donné la séries de décisions à l'égard de notre interprétation de l'application de la loi, qui indiquent que la liberté de religion doit être un principe d'interprétation, je pense qu'il n'y a pas de problème. Dans la pratique, il n'y a pas de problèmes maintenant, et j'espère qu'il n'y en aura pas sur le plan des principes.

¸  +-(1425)  

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Siksay, du Nouveau Parti démocratique, vous avez maintenant sept minutes.

+-

    M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.

    Merci monsieur le ministre de votre présence. Pour les gais et lesbiennes canadiens, c'est fabuleux que ce projet de loi se soit rendu jusqu'au Parlement et ait commencé son périple au sein de ses institutions. J'espère que ce périple sera mené à bout. Mon optimisme me permet d'espérer que nous allons pouvoir terminer ce travail important, même si ces jours-ci, il m'est difficile de rester optimiste. Faisant partie moi-même de la communauté des gais et lesbiennes, j'estime que pour nous, ce projet de loi est important parce qu'il traite directement de notre droit à l'égalité.

    Le débat de cet après-midi a d'abord porté sur les effets négatifs de ce projet de loi. Pour moi, ce texte législatif permet de remédier aux effets négatifs découlant de l'inégalité dont sont victimes les gais et lesbiennes du Canada, et je suis ravi que nous discutions finalement de cette question. J'aurais préféré qu'on le fasse un peu plus tôt, mais mieux vaut tard que jamais.

    Je vous remercie d'avoir bien voulu comparaître à nouveau afin de présenté ce projet de loi. Le fait que vous nous ayez parlé de la participation des jeunes au processus politique avant de passer à vos observations m'a semblé intéressant. Je sais pertinemment que la jeunesse canadienne est très favorable à ce texte législatif. En fait, c'est sans doute le groupe qui manifeste le plus de soutien. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de remarquer dans le cadre de mon travail sur les questions gaies et lesbiennes que les jeunes Canadiens comprennent la situation des gais et lesbiennes et s'investissent entièrement dans les questions d'égalité.

    Monsieur le ministre, j'avais quelque chose à vous demander. On parle souvent de la liberté de religion, et plus particulièrement de cette liberté dans le cadre de ce projet de loi, dans le contexte de la protection du droit qu'ont les gens de faire de la discrimination en fonction de leurs croyances religieuses, mais on parle toujours de discrimination négative. Je pense que dans ce projet de loi, on traite également du choix qu'ont les gens de prendre des décisions positives par rapport au mariage.

    Qu'en est-il des protections qui sont accordées aux églises et aux synagogues qui choisissent de marier des couples gais et lesbiennes dans le contexte de leurs traditions?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Il est important de comprendre que cela marche dans les deux sens. On ne peut pas obliger les autorités religieuses à célébrer des mariages entre conjoints de même sexe si cela va à l'encontre de leur conscience ou de leurs croyances. Cette protection est enchâssée dans la loi en vertu de la décision rendue par la Cour suprême, qui repose en fait sur la disposition 2a) de la Charte à cet effet. Mais l'inverse est également vrai. La liberté de religion des personnes qui désirent célébrer de tels mariages pour de telles raisons est également protégée. Par conséquent, vous constaterez qu'au sein des diverses religions, il y a des prêtres, des rabbins ou autres qui veulent célébrer le mariage entre conjoints de même sexe. Cela leur est permis.

    D'ailleurs, ces questions se sont posées avant que l'on commence à débattre de la question de mariage entre conjoints de même sexe. Il suffit de penser au divorce et aux opinions diverses exprimées par les différentes religions. Dans ce cas aussi, la loi protège la liberté des croyances et des pratiques religieuses. Mais, bien évidemment, la loi protège également ceux qui veulent se divorcer.

¸  +-(1430)  

+-

    M. Bill Siksay: Monsieur le ministre, je suppose que vous et vos fonctionnaires avez étudié la situation des autres pays qui ont légalisé le mariage entre conjoints de même sexe. Leur approche est-elle différente de la nôtre? Avez-vous pu tirer des leçons de leurs expériences qui vous auraient aidés dans le cadre de ce projet de loi?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je me suis intéressé effectivement à ce qui a été fait à l'étranger. Dans ce cas précis, comme dans tous les cas, je pense qu'une constitution, comme on le dit des fois, est l'autobiographie d'une nation. En effet, les constitutions reflètent l'évolution historique et la culture juridique des pays. C'est toujours utile d'aller voir ce qui a été fait ailleurs, mais pour des raisons d'adaptation, il faut s'intéresser particulièrement à notre propre évolution et à notre culture juridique.

    Au Canada, nous pouvons être fiers du fait que nous avons une série de droits et de recours qui sont entérinés dans la loi. Ce qui est plus regrettable, c'est qu'avant l'existence de ces droits, notre société était marquée par des tendances discriminatoires, comme je l'ai dit hier, par rapport aux Autochtones, aux minorités religieuses et raciales, aux femmes, aux réfugiés, aux gais et lesbiennes, etc. Dans certains cas, cette discrimination était même sanctionnée par l'État. Nous avons des exemples troublants de ce genre de discrimination.

    La Charte a eu pour impact de transformer les choses, comme je l'ai indiqué, non seulement au niveau juridique mais également pour ce qui est de nos vies. Il nous faut donc examiner la situation dans le contexte du cadre constitutionnel existant découlant de la Loi constitutionnelle de 1982. Cette loi a pour élément clé la Charte canadienne des droits et libertés, la concrétisation de ce que j'appellerais le trialogue entre le Parlement, le peuple et les tribunaux, qui a amené le Parlement à adopter la Charte et à remettre la protection des droits y figurant entre les mains des tribunaux. C'est ainsi que citoyens et groupes, notamment les gais et les lesbiennes, se sont mis à jouir des droits et des recours nouvellement acquis en vertu de la Charte en demandant aux tribunaux de protéger leurs droits. Les tribunaux se sont prononcés. L'affaire a été jusqu'à la Cour suprême du Canada, qui a confirmé la constitutionnalité des mariages entre conjoints de même sexe.

    Nous voici donc arrivés au dernier acte de cette pièce qui se déroule au Parlement. En arrière-plan, nous avons notre histoire constitutionnelle unique, notre culture juridique, la Charte des droits et libertés, ainsi que les décisions qui ont été rendues par les divers tribunaux, notamment les décisions de huit provinces qui sont non seulement exécutoires mais également de nature constitutionnelle. Par conséquent, en vertu de notre constitution, et je dis bien la nôtre, si nous voulions passer outre à la Charte et à l'article 15 qui traite des droits à l'égalité, si nous voulions outrepasser les décisions rendues dans huit provinces, si nous voulions passer sous silence le fait que des milliers de couples se sont déjà mariés en vertu de la décision rendue par la Cour suprême et acquis des protections constitutionnelles, alors le seul moyen de procéder serait de faire appel à la clause dérogatoire.

    Dans ce cas, il nous faudrait le dire ouvertement, dire publiquement que nous allons faire appel à la clause dérogatoire pour passer outre à la Charte, pour outre-passer les droits à l'égalité, pour outrepasser la protection des minorités, qui est un principe constitutionnel de base de la référence de succession. On démontrerait qu'on est prêt à faire abstraction des décisions qui ont été rendues dans huit provinces et à passer outre à la décision unanime de la Cour suprême. D'après moi, les Canadiens ne seraient pas trop contents qu'on procède ainsi étant donné notre culture juridique et nos lois.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons passer aux députés libéraux, sept minutes.

    Monsieur Macklin.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Merci, monsieur le ministre et madame Hitch, d'être venus aujourd'hui.

    J'aimerais qu'on revienne sur certains concepts qui ont déjà été soulevés. Il est évident que la liberté de religion est l'un des aspects fondamental que nous voulons tous protéger dans ce texte législatif. Il y a quelques minutes, nous avons parlé brièvement des domaines de compétence provinciaux. Mais comment traiter de questions touchant l'autorité fédérale, plus précisément de la question du statut d'organisme de bienfaisance, par exemple? Comment ce projet de loi protège-t-il les communautés religieuses à cet égard?

¸  +-(1435)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Eh bien, nos communautés religieuses sont protégées pour ce qui est de l'exercice et de la manifestation de leurs droits en vertu de la Charte et des décisions rendues par les cours qui ont interprété et appliqué la Charte.

    Premièrement, la Charte s'applique à tous les paliers, au fédéral ou au provincial. Lorsque nous traitons de questions de compétence provinciale, comme la célébration du mariage, nous devons nous reporter aux chartes des droits de la personne des provinces ou des territoires. Il faut savoir, comme je l'ai déjà indiqué, que ces chartes doivent être interprétées de façon à respecter les garanties comprises dans la Charte des droits et libertés.

    La même situation s'applique dans le cas des organismes caritatifs. En d'autres termes, les organismes de bienfaisance enregistrés ont le droit de participer au débat public et d'organiser des campagnes de sensibilisation. Ces organismes peuvent exprimer leur opinion publiquement tant qu'ils se conforment à la Loi de l'impôt sur le revenu qui, par rapport à cette question mais également de façon générale, impose des limites régissant l'utilisation par les organisations caritatives enregistrées des ressources recueillies en vue de mener des activités de bienfaisance. C'est-à-dire que pour que les activités financées par les ressources d'un organisme caritatif enregistré soient acceptables, il faut qu'elles soient liées à la raison d'être de l'organisme et ne doivent pas prendre trop d'importance dans le cadre des programmes de l'organisme en question. Je ne fais pas référence à un organisme en particulier, mais plutôt à l'application de la loi de façon générale.

    En deux mots, nos organismes caritatifs, de façon générale, peuvent participer au débat public et peuvent mener des campagnes de sensibilisation de la population. Ils peuvent même participer aux activités politiques non partisanes. Par contre, les activités politiques partisanes sont strictement interdites.

    Ces règles s'appliquent de façon équitable à tous les organismes de bienfaisance. Ce qu'il faut déterminer, c'est la raison d'être d'un organisme caritatif donné : est-ce que ses activités sont conformes à cette raison d'être, ou à des objectifs découlant de sa raison d'être? Si c'est le cas, alors la participation au débat public est permise. Les organismes caritatifs qui expriment leur opinion par rapport au mariage entre conjoints de même sexe ne sont assujettis à aucune application préjudiciable de ces règlements. En effet, qu'il s'agisse de mariage entre conjoints de même sexe ou de toute autre question d'intérêt public, cela ne change rien.

+-

    L'hon. Paul Harold Macklin: J'aimerais maintenant passer à quelque chose d'un peu différent, dont on a également parlé... Dans le contexte des tribunaux provinciaux des droits de la personne et de ce qui s'est passé jusqu'à présent, il y a une question qui ne cesse de revenir. On dit que quand les droits à l'égalité et les droits religieux entrent en conflit, les cours et tribunaux donnent préséance aux droits à l'égalité. Comment réagissez-vous par rapport à cela?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Ce n'est pas la première fois qu'on me fait part de cet argument et je peux vous assurer qu'après avoir rédigé un grand nombre de documents sur ce sujet—ne vous inquiétez pas, je ne vous enquiquinerai pas avec ce que j'ai pu écrire sur cette question—je peux vous affirmer que c'est tout simplement faux, que cela ne tient pas la route ni comme question de fait ni comme question de droit.

    Quand la Charte a été appliquée pour déterminer la nature de l'équilibre entre les droits à l'égalité et la liberté de religion, la Cour suprême a toujours indiqué—et dans le cas du renvoi sur le mariage entre conjoints de même sexe, la décision a été unanime—qu'il fallait concilier et respecter les deux et que ni l'un ni l'autre n'avait préséance sur l'autre.

    Dans les affaires récentes portant sur l'égalité et la liberté de religion, c'est la liberté de religion qui a été protégée, comme par exemple dans l'affaire Trinity Western. La Cour suprême du Canada a également ajouté, dans le cadre du renvoi sur le mariage, que les chartes, ou codes provinciaux des droits de la personne, comme je l'ai dit précédemment, devaient être interprétés de façon à protéger la liberté de religion.

    De plus, si un décret émanant d'un tribunal provincial des droits de la personne ne respecte pas de façon adéquate la liberté de religion, il est possible d'en faire appel par le biais de la Charte. Il existe des exemples de ce genre de choses également. Il suffit de citer l'affaire Brockie, l'affaire de l'imprimeur, dans le cadre de laquelle l'examen judiciaire de la cour a mené à l'amendement du décret du tribunal pour que la liberté de religion soit protégée.

    Pour conclure, la cour est d'avis que la liberté de religion et les droits à l'égalité ne sont pas irréconciliables; au contraire, il est possible de concilier les deux, qui doivent d'ailleurs être respectés mutuellement. Dans la plupart des cas, comme l'a indiqué la Cour suprême, les deux ne sont pas irréconciliables, et dans la plupart des cas la réconciliation est possible. Pour ce qui est des cas où il semble y avoir apparence d'irréconcialibilité, d'après la cour, il est toujours possible de trouver un recours—et soit dit en passant, ces recours ont été trouvés, par exemple sous forme d'adaptation raisonnable, entre autres.

    En deux mots, l'idée selon laquelle les droits à l'égalité auraient préséance sur la liberté de religion est tout simplement fausse, qu'on l'aborde sous l'angle de la question de fait ou de question de droit.

¸  +-(1440)  

+-

    Le président: Monsieur Moore.

+-

    M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Merci.

    Monsieur le ministre, permettez-moi de vous lire une citation de votre prédécesseur :

Les avocats de mon ministère ont déjà défendu avec succès cette notion devant les tribunaux, et ils continueront de le faire. J'estime toujours qu'il n'est pas nécessaire de changer les concepts bien implantés d'époux et de mariage afin de régler les problématiques d'équité dont sont saisis les cours et les tribunaux. Fondamentalement, je ne crois pas que ce soit nécessaire de modifier la définition de mariage pour régler les questions d'équité à l'endroit des partenaires de même sexe.

    Ce que je viens de lire a été dit dans le contexte d'un débat en Chambre portant sur cette même question du mariage, suivi d'un vote au cours duquel un grand nombre de députés qui sont aujourd'hui assis autour de cette table, y compris des députés d'en face, ont voté pour le maintien de la définition traditionnelle du mariage. À la lumière de ce fait, je trouve qu'il est incroyable, comme bien d'autres Canadiens, que vous nous disiez de ne pas nous inquiéter parce que vous nous assurez que la liberté de religion va être protégée. Je pense que les gens ont raison de s'inquiéter. D'ici quelques années, vous ou votre successeur pourrez dire que les choses ont changé et que maintenant on ne peut plus protéger la liberté de religion.

    Il y a un côté ironique à la décision qui a été rendue dans le cadre du renvoi à la Cour suprême du Canada. On a demandé à la cour de déterminer si la définition traditionnelle du mariage était inconstitutionnelle. Mais la cour n'a pas trouvé que cette définition était inconstitutionnelle. On a demandé si la liberté de religion pouvait être protégée et la cour a répondu qu'elle ne le pouvait pas.

    Les Canadiens sont divisés. Vous et votre ministère n'avez pas cherché un compromis, une solution qui serait conforme à ce que croient les Canadiens, une solution qui garantirait des droits à l'égalité à tous les Canadiens et à toutes les relations tout en protégeant la définition traditionnelle du mariage. C'est très joli que nous soyons ici à discuter de ce qui protégera ou ne protégera pas la liberté de religion. Mais il y a des personnes qui ont déjà été touchées. En effet, des Canadiens, que pourtant vous devriez protéger, ont déjà perdu leur emploi parce que la définition traditionnelle du mariage fait partie de leur croyance religieuse.

    Permettez-moi de citer le projet de loi à proprement parler : « Il est entendu que les autorités religieuses sont libres de refuser de procéder à des mariages non conformes à leur convictions religieuses ». On nous assure par là qu'on ne peut obliger personne par la force à célébrer un mariage. C'est très gentil, mais dans le cadre de la liberté de religion, le seuil est très élevé. De plus, le projet de loi pourrait avoir d'autres répercussions sur la liberté de religion. La Cour suprême du Canada a déclaré qu'il est impossible de protéger la liberté religieuse en agissant seul.

    Pourquoi les Canadiens devraient-ils maintenant vous faire confiance alors que par le passé ils ont été induits en erreur? Pourquoi n'avez-vous pas recherché un compromis, un compromis canadien? Il n'y a pas une seule cour, qu'elle soit internationale ou nationale, même pas la nôtre, qui dit que la définition traditionnelle du mariage est inconstitutionnelle.

    J'aimerais que vous réagissiez par rapport à ces deux aspects.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Premièrement, je ne vous demande pas de me faire confiance. Je vous demande plutôt de respecter la Constitution. C'est de cela dont il s'agit.

    Deuxièmement, j'ai pris en ligne de compte la résolution de 1999. Mais cette résolution précède les décisions qui ont été prises par huit provinces canadiennes, y compris trois cours d'appel, décisions qui sont exécutoires et de nature constitutionnelle. Par conséquent, l'idée selon laquelle il y a une déclaration de droit, comme vous l'avez qualifiée, qui indique que les cours n'ont pas trouvé que l'exigence de sexe opposé était inconstitutionnelle est fausse. Je vous demanderais de vous reporter à plusieurs décisions, par exemple l'affaire Halpern en Ontario, l'affaire Hendricks au Québec—dont les décisions indiquent que l'exigence est inconstitutionnelle.

    Pour ce qui est des compromis, je suppose que vous faites référence à la question de l'union civile. En 2001 et 2002, j'ai parlé publiquement de l'union civile comme étant une option envisageable. Mais ça, c'était avant que les cours rendent leur décision. Les tribunaux ont déclaré que l'union civile ne pouvait pas être considérée comme offrant le même niveau d'égalité et que les valeurs et les droits des gens s'étant unis civilement et non par le biais du mariage ne seraient pas égaux aux yeux de la loi.

    À la lumière de ces déclarations de droit, je suis obligé de vous dire que vous avez tort, et au niveau du droit et au niveau des faits.

¸  +-(1445)  

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

    Monsieur Boudria.

+-

    L'hon. Don Boudria: Merci, monsieur le président.

    Je voudrais souhaiter la bienvenue à monsieur le ministre.

    Premièrement, nous savons pertinemment qu'il y a des couples de même sexe qui se marient dans sept provinces et un territoire. Je pense que la réponse évidente qu'on peut donner aux personnes qui essaient de nous faire croire que ce projet de loi va changer les choses de façon dramatique, par exemple dans ma province, l'Ontario, ou dans la province du ministre ou encore dans d'autres provinces qui englobent environ 90 p. 100 de la population, est la suivante : ceci ne va rien changer à cet égard. En d'autres termes, il n'y aura pas plus ou moins de mariages après l'adoption de ce projet de loi, à part dans les trois provinces et deux territoires qui ne sont pas déjà couverts.

    Deuxièmement, j'aimerais que le ministre dise clairement que certains des propos que l'on tient, par exemple dans ma circonscription, sont tout simplement erronés. On essaie de nous faire croire que le gouvernement veut que les couples de même sexe puissent maintenant se marier en Ontario. Mais nous savons évidemment que c'est déjà possible. J'ai même reçu des invitations. Ça ne va rien changer.

    Pour ce qui est de la protection de la liberté de religion, n'est-il pas vrai que l'article 3 protège la liberté de religion des prêtres et des ministres du culte qui refusent de célébrer ce genre de mariage civil encore plus que maintenant? Après le discours que j'ai prononcé en Chambre, on a dit qu'il y aurait moins de protection après l'adoption de ce projet de loi. C'est absurde! Je suis convaincu que ce n'est pas le cas.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Monsieur Boudria, j'ai rencontré beaucoup de groupes dans l'ensemble du pays, surtout des groupes religieux : des musulmans, des juifs, des chrétiens. Comme je l'ai dit à mes collègues musulmans et juifs, j'ai constaté une certaine communauté de pensée entre des membres des confessions juive et musulmane, toutes deux préoccupées par cette mesure législative.

    Je comprends leurs préoccupations. Ces gens sont issus de traditions religieuses où le mariage n'unit que des gens de sexe opposé. Je comprends cela. Ce que je leur répondrais et à vous aussi, c'est que cette loi concerne le mariage civil, pas le mariage religieux. Le mariage religieux et les institutions religieuses ne sont pas du tout touchés. Voici ce qu'il en est pour cet aspect.

    Deuxièmement, si nous retirons ce projet de loi demain, si nous disions qu'il n'y a plus de loi sur le mariage civil, le mariage civil de conjoints de même sexe demeurerait légal dans ces huit aires de juridictions, et je pense bien qu'il le sera dans les aires de juridictions restantes où les tribunaux ne se sont pas encore prononcés. Si donc nous retirons ce projet de loi demain—et je pense qu'il est très important que les Canadiens le comprennent—ce serait encore légal au Canada. Le fait est cependant que si nous avons cette mesure législative, nous offrons aux groupes religieux et aux institutions religieuses des mesures de protection qui autrement pourraient ne pas être affirmées avec le même caractère déclaratoire.

    Ce que je veux dire par là, c'est que les litiges relatifs au mariage de conjoints de même sexe qui ont été soumis aux tribunaux concernaient le principe de l'égalité des droits. En même temps, la Cour suprême du Canada a affirmé un second principe fondamental : la liberté de religion. Nous, par cette mesure législative, avons expressément réaffirmé le principe de la liberté de religion de même que le principe de l'égalité sur lequel repose le mariage de conjoints de même sexe.

    Je dirais aussi que le préambule est très clair quant à la liberté de religion. Ceux qui disent que les préambules sont sans importance devraient lire la décision unanime de la Cour suprême du Canada. Il y est fait expressément mention du préambule du projet de loi sur les mariages de conjoints de même sexe aux fins de son interprétation et de sa mise en oeuvre dans les jugements de la cour.

¸  +-(1450)  

+-

    L'hon. Don Boudria: Monsieur le président, puis-je poser une question au ministre, très brièvement. Si je dis aux gens de ma circonscription que ce projet de loi ne change rien aux droits des couples de même sexe de se marier dans ma province, l'Ontario, sauf que ceux qui célèbrent la cérémonie du mariage bénéficieront maintenant d'une plus grande protection de leur liberté religieuse, est-ce que je fais erreur ou non?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Vous auriez raison de dire que les conjoints de même sexe qui se marient ont les mêmes droits que les autres. Vous auriez raison de dire que la liberté de religion est réaffirmée dans cette mesure législative. Et vous auriez raison de dire, pour conclure, que cette mesure législative les protège davantage.

+-

    L'hon. Don Boudria: Merci.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Ménard.

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga, BQ): Merci, monsieur le président.

    Bonjour, monsieur le ministre. Merci d'être ici.

    Vous savez que je m'intéresse à cette question depuis plusieurs années.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: En tant qu'avocat.

+-

    M. Réal Ménard: Il me reste encore cinq cours avant de devenir avocat.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Vous y parviendrez certainement. C'est la raison...

+-

    M. Réal Ménard: Vous êtes gentil. Mes cours préférés portent sur les libertés publiques.

    Faisons une petite rétrospective historique. J'ai assisté à un mariage entre conjoints de même sexe en juillet 2002: mon meilleur ami s'est marié. C'était le jour où la Cour divisionnaire de l'Ontario avait rendu sa décision. Si on n'en avait pas appelé de cette décision, nous ne serions pas en train de débattre de ce projet de loi puisque nous l'aurions déjà adopté et que ce serait l'état du droit. Je suis un peu triste de constater que, malheureusement, votre gouvernement, bien que courageux à l'égard du projet de loi d'aujourd'hui, a tergiversé, ce qui a pu retarder notre étude.

    Je n'ai aucune inquiétude en ce qui a trait à la liberté de religion. Je crois que le projet de loi, la Charte et la jurisprudence sont clairs sur la liberté de religion et sur la façon dont cela peut être contraignant. De toute façon, vous avez dit dans vos remarques préliminaires qu'il n'était pas question ici du mariage religieux.

    Dans une société qui a placé le droit à l'égalité au sommet de ses valeurs, pourquoi est-il important qu'il n'y ait pas deux catégories de citoyens? Pourquoi, dans un processus de reconnaissance des droits des homosexuels, le mariage est-il important?

    J'aurai 43 ans demain — je ne sais pas si vous m'avez envoyé une petite carte — et j'ai grandi dans des écoles publiques où il était de bon ton de rire des homosexuels pour toutes sortes de raisons sur lesquelles il n'y a pas lieu de revenir. Je crois qu'avec un tel projet de loi, on consacre le droit à l'accès à la plus importante institution laïque, c'est-à-dire le mariage. Sur le strict plan du droit à l'égalité et des valeurs dans la société, pourquoi ce projet de loi est-il important et pourquoi invitez-vous tous les parlementaires à l'adopter?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je dois dire qu'il y a peut-être quelques considérations qui ont trait à votre question dans le préambule de ce projet de loi. On y stipule d'abord:

Attendu:



que le Parlement du Canada s’est engagé à faire respecter la Constitution du Canada et que, selon l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination;

    C'est très important parce qu'il y a ici une expression du principe fondamental de l'égalité. Cependant, lorsqu'il est question du mariage, on dit qu'il s'agit d'une question très importante. On dit parfois que ce projet n'est peut-être pas assez sensible à l'égard de l'institution du mariage. Ce n'est pas le cas, puisqu'on dit dans le préambule:

que le mariage est une institution fondamentale au sein de la société canadienne et qu’il incombe au Parlement du Canada de la soutenir parce qu’elle renforce le lien conjugal et constitue, pour nombre de Canadiens, le fondement de la famille;

    Donc, nous renforçons ici l'institution du mariage.

+-

    M. Réal Ménard: Donc, vous croyez que le fait que des personnes homosexuelles adhèrent au mariage ne fragilisera d'aucune manière l'institution. Il est difficile de comprendre le discours de nos collègues conservateurs. Le mariage est une question de valeurs. On propose un projet de loi sur le plan juridique, mais c'est une question de valeurs, de droit à l'égalité et ainsi de suite. On croit aux valeurs de fidélité et de soutien réciproque. Donc, vous nous dites que le fait que des personnes homosexuelles adhèrent au mariage ne va pas fragiliser l'institution. Est-ce exact?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Oui, et c'est conforme à l'esprit de notre culture juridique et à l'esprit des deux chartes. Dans la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et dans la Charte canadienne des droits et libertés, on parle des valeurs de tolérance, de respect et d'égalité. À mon avis, le législateur doit donner aux couples de même sexe la possibilité de se marier civilement pour respecter leurs droits, mais aussi pour respecter nos valeurs en tant que société: valeurs de tolérance, d'égalité, de diversité et de respect.

    J'aimerais rappeler l'importance de la décision de la Cour d'appel de l'Ontario, où on parle de promotion de la dignité humaine.

¸  +-(1455)  

+-

    M. Réal Ménard: Je voudrais plutôt vous poser une autre question.

+-

    Le président: Merci, monsieur Ménard.

+-

    M. Réal Ménard: Monsieur le président, c'est ma fête demain.

+-

    Le président: Bonne fête.

    Maître Boivin, du Parti libéral.

+-

    Mme Françoise Boivin (Gatineau, Lib.): Bonne fête, Réal.

    Monsieur le ministre, merci d'être ici. Je suis très heureuse d'avoir une occasion d'entendre tout ce qu'on aura à entendre ce projet de loi. Je suis fière de faire partie d'un gouvernement qui, j'ose l'espérer, réussira à le mettre en oeuvre.

    Cela dit, j'aimerais vous parler du renvoi à la Cour suprême du Canada, et en particulier de la question 4 qui avait été posée par le gouvernement à la Cour suprême dans ce renvoi. La Cour suprême a refusé de répondre à cette question 4. Certains opposants au projet de loi du gouvernement tentent de laisser entendre que ce refus équivaut à dire que, sur le plan civil, l'exigence selon laquelle seules deux personnes de sexe opposé peuvent se marier est constitutionnelle.

    Je pense que ceux qui font une telle affirmation oublient de longs passages rédigés par la Cour suprême. J'aimerais donc entendre vos commentaires à ce sujet.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Quand on dit seulement que la Cour suprême n'a pas répondu à la quatrième question, on ne parle pas de la réponse complète. Il est très important de dire que nous avons posé la question 4 pour donner aux intervenants qui s'opposaient à la position du gouvernement à cet égard la chance de plaider devant la cour. La Cour suprême a donné une réponse. Parmi les 28 intervenants, sept ou huit ont pris une position à cet égard, et la question 4 les a aidés.

    Pas plus tard que la semaine dernière, certains ont avancé l'idée qu'il était impossible, dans le cadre législatif canadien, d'édicter une nouvelle définition du mariage traditionnel et d'instituer un régime d'union civile pour les couples de même sexe sans recourir à la clause dérogatoire parce que la Cour suprême n'avait pas répondu à la question 4. Au contraire, la Cour suprême y a répondu au début de son jugement. Elle a dit que la question de l'accès égal, pour les conjoints de même sexe, à l'institution du mariage civil était une question d'égalité, une question qui découlait de la Constitution, une question de respect des droits des minorités, une question de respect de la dignité humaine.

    L'absence d'une décision de la Cour suprême quant à cette question n'efface pas le fait que les tribunaux — c'est très important — de huit provinces et territoires ont déjà modifié le droit et que des milliers de couples de même sexe sont désormais légalement mariés, et il faudrait donc maintenant infirmer ces jugements en recourant à la clause nonobstant pour rétablir la définition du mariage comme étant l'union de personnes de sexe opposé.

    Nous avons maintenant des décisions constitutionnelles à l'égard de la protection du mariage entre conjoints de même sexe, et c'est très important. La Cour suprême a dit à cet égard qu'on devait prendre connaissance des jugements rendus dans les huit juridictions, qu'on devait prendre connaissance du fait que des milliers de couples avaient été mariés, ainsi que de l'article 15 de la Charte. Pour toutes ces raisons, la Cour suprême a dit, à la fin, qu'il n'était pas nécessaire de répondre à la question 4, parce que tout ce qui était nécessaire pour protéger l'accès égal des couples de même sexe à l'institution du mariage civil était déjà fourni dans les réponses aux autres questions.

¹  +-(1500)  

+-

    Le président: Merci.

    Mr. Siksay, five minutes.

[Traduction]

+-

    M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, je pense qu'hier, dans vos observations, avant la sonnerie, vous avez parlé de l'importance du mariage civil pour les gens qui au Canada ne sont d'aucune confession religieuse. Je me demande si vous pourriez en parler à nouveau brièvement.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: On avait invoqué, et cela se trouvait dans le document d'options du ministère de la Justice, l'option de l'union civile, qui a été rejetée par les tribunaux parce qu'elle constituait une forme d'égalité moindre et parce que le Parlement fédéral ne pouvait pas légiférer à cet égard, car cela ne relevait pas de sa compétence, et on a suggéré que le gouvernement fédéral renonce simplement à traiter de la question du mariage et ne se prononce que sur la question des unions civiles entre les conjoints de même sexe et les conjoints de sexe opposé, comme si cette mesure assurait l'égalité du fait que tous auraient accès aux unions civiles.

    Tout d'abord, je pourrais ajouter qu'aucun pays au monde n'a retenu cette option. Aucun témoin qui a comparu devant le comité parlementaire n'a appuyé cette option, et si personne ne l'a appuyée, c'est qu'effectivement nous affirmerions ainsi que pour nier le droit égal à l'institution du mariage civil aux conjoints de même sexe, nous serions prêts à nier ce droit à tout le monde. Cela, à mes yeux, serait une absurdité, car en plus de nier le droit au mariage civile aux couples de même sexe, nous le nierions à tout le monde.

    À notre avis, l'approche appropriée est celle que nous avons retenue ici. Nous avons une loi sur le mariage civil. Elle accorde un droit égal au mariage civil pour les gais et les lesbiennes de même qu'à tout le monde, et comme la cour l'a dit—et je pense que c'est très important—la reconnaissance de droits égaux d'accès au mariage pour les conjoints de même sexe, pour les gais et les lesbiennes, ne réduit en rien les droits de quiconque, ni des membres de diverses confessions religieuses ni des couples de sexe opposé, et ne concerne en rien le mariage religieux, à propos duquel la liberté est préservée. Nous estimons donc que c'est non seulement un compromis honorable, mais aussi un compromis qui respecte la primauté du droit telle qu'énoncée par les tribunaux et la Constitution.

+-

    M. Bill Siksay: Monsieur le ministre, je vous pose maintenant une question peut-être un peu plus terre à terre. Savez-vous ou votre ministère sait-il combien de couples de même sexe se sont mariés au Canada depuis que les décisions des tribunaux ont changé la situation?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je vais poser la question. Je n'ai encore renvoyé aucune question à Lisa Hitch. Elle est vraiment la spécialiste du ministère dans ce domaine. Je ne suis pas sûr que nous ayons ces données, mais si quelqu'un les a ou sait où les trouver, c'est bien Lisa Hitch.

    Lisa.

¹  +-(1505)  

+-

    Mme Lisa Hitch (avocate-conseil, Secteur des politiques, Section de la famille, des enfants et des adolescents, ministère de la Justice): Il faut que vous me posiez la question à laquelle je ne peux pas répondre.

    Malheureusement, ces données statistiques sont répertoriées par les provinces annuellement, si bien que nous n'avons pas les résultats exacts, mais nous estimons que plus de 3 000 de ces couples se seraient mariés.

+-

    L'hon. Don Boudria: Veuillez répéter.

+-

    Mme Lisa Hitch: Selon les estimations, il s'agirait de 3 000 couples.

+-

    M. Bill Siksay: Savons-nous combien de ces conjoints étaient canadiens et combien venaient d'autres pays?

+-

    Mme Lisa Hitch: Je crois savoir, mais c'est difficile de l'affirmer avec certitude, que selon les évaluations il s'agissait de Canadiens dans une proportion de 65 à 70 p. 100

+-

    M. Bill Siksay: D'accord.

    Savons-nous combien de mariages sont célébrés chaque année en tout au Canada?

+-

    Mme Lisa Hitch: Nous pouvons vous obtenir cette information, si cela peut vous aider.

+-

    M. Bill Siksay: Merci.

    Merci, monsieur le ministre.

+-

    Le président: Si vous pouvez obtenir cette information, veuillez la communiquer au comité, s'il vous plaît.

    C'est tout.

    Du parti ministériel, M. Savage, qui dispose de cinq minutes.

+-

    M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et soyez le bienvenu, monsieur le ministre.

    C'est une question qui manifestement est très difficile. J'ai eu l'occasion déjà de vous en parler. Comme je l'ai dit quand j'ai pris la parole à la Chambre des communes, on dit souvent que sur cette question, le partage s'est fait, il me semble, entre ceux qui fondent leur opinion sur des considérations religieuses et ceux qui le font en s'appuyant sur des notions de droit, sur la Charte des droits et libertés, plutôt que leur propre religion, et je ne suis pas d'accord là-dessus. Je pense que beaucoup de croyants sont très satisfaits de cette mesure législative, même si j'ai eu l'occasion de rencontrer, comme c'est certainement le cas de nous tous, des gens qui ne partagent pas du tout notre opinion.

    Le Dr Short, le modérateur de l'Église unie du Canada, l'exprime le mieux du monde dans sa lettre qu'il a envoyée, je pense, à tous les députés, pour indiquer que cette mesure législative représentait non pas un délaissement de la foi mais un acte de foi, et c'est ainsi que je vois les choses. J'en ai parlé avec mon propre conseiller moral, et j'en ai aussi parlé à diverses personnes dont je respecte tout à fait l'opinion et qui ne sont pas d'accord avec moi, mais je pense qu'en tant que Canadiens nous avons tout lieu d'être fiers de ce que nous avons fait. J'aimerais que le projet de loi soit adopté.

    Une des choses que des gens m'ont mentionnées à diverses reprises—et cela a été rapporté dans les médias—c'est que ce projet de loi pourrait avoir des conséquences indésirables, comme la polygamie et d'autres choses encore. Je me demande si vous pourriez nous en parler.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: À mon avis, et c'est aussi l'avis de la Cour suprême du Canada, il n'y a pas de contradiction entre la protection de la primauté du droit et la protection de la liberté religieuse. Bien sûr, la protection de la liberté religieuse est une expression de la primauté du droit. Pour assurer la primauté du droit, nous souhaiterions faire en sorte que le mariage civil soit accessible aux couples qui ne veulent pas se marier religieusement ou qui ne répondent pas aux exigences de leur propre religion.

    Dans la mesure du possible, la loi ne doit pas empêcher les gens d'avoir des croyances religieuses. C'est énoncé dans le préambule et dans la disposition déclaratoire. En même temps, la loi ne doit pas imposer un ensemble d'opinions religieuses à ceux qui n'en veulent pas. C'est là l'essence des garanties au sujet de la liberté de religion. Il existe une divergence de vues entre les communautés religieuses sur cette question, non seulement au Canada mais ailleurs dans le monde. Certains groupes religieux, parmi les musulmans, les juifs, les chrétiens et d'autres communautés religieuses, peuvent ne pas accepter les points de vue de leurs coreligionnaires et peuvent souhaiter pouvoir célébrer légalement des mariages entre conjoints de même sexe comme je l'ai dit plus tôt. Ce que nous disons donc, c'est que l'approche adoptée ici repose sur l'inclusion, le respect, la tolérance de la diversité et de l'égalité des points de vue en la matière.

    Cet avant-projet de loi, pour ce qui est de la polygamie, limite spécifiquement la définition du mariage à l'union de deux personnes à l'exclusion de toute autre. La polygamie, la bigamie et l'inceste sont des délits criminels au Canada. C'est la loi. Cela ne changera pas. Ces délits criminels sont fondamentalement différents de ce dont traite le droit civil duquel relève le présent projet de loi. Ces délits ont trait à d'autres droits, comme ceux des femmes et des enfants. Les interdictions relatives au mariage entre proches parents subsisteront par l'effet des modifications corrélatives du projet de loi... et seront étendues par ce projet de loi au mariage entre conjoints de même sexe par voie d'amendements corrélatifs, comme je l'ai indiqué.

+-

    M. Michael Savage: Merci beaucoup.

    Très rapidement, vous avez abordé ce point en répondant à d'autres questions, mais j'aimerais que vous me donniez une réponse bien claire. Que serait-il arrivé, compte tenu de la décision de la Cour suprême, si nous n'avions pas présenté ce projet de loi? Que peut-on faire d'autre?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Si nous n'avions pas présenté ce projet de loi, tout d'abord, vous auriez quand même eu à tenir compte de décisions exécutoires, sur le plan du droit constitutionnel, rendues dans huit aires de juridiction. Ces décisions constitueraient la loi du pays. C'est très important. Je l'ai mentionné en répondant à Don Boudria.

    Deuxièmement, en l'absence de ce projet de loi—et comme je l'ai dit, les tribunaux tiennent compte des préambules—vous n'auriez pas eu ces mentions dans le préambule concernant la protection de la liberté de religion. Elles affirment plus clairement encore la protection de la liberté de religion. Cette protection est réaffirmée à l'article 3 du projet de loi.

    Enfin, nous reconnaissons avec la Cour suprême du Canada que le Parlement a pour rôle, et bien sûr pour responsabilité, d'assurer l'uniformité des lois au Canada, et qu'au lieu de laisser ces importantes questions aux mains des tribunaux, le Parlement est le mieux placé pour s'assurer que ses lois sont appliquées également à tous les Canadiens. Ainsi donc, une loi fédérale serait le meilleur moyen d'assurer une approche claire et pancanadienne ainsi que l'uniformité des lois dans tout le pays. Sans ce projet de loi, nous aurions néanmoins la loi en vigueur dans huit aires de juridiction. Avec ce projet de loi, nous rendons la loi uniforme, égale, accessible, respectueuse de la liberté de religion, et respectueuse tant du principe d'égalité que du principe de la liberté de religion.

¹  +-(1510)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Bezan.

+-

    M. James Bezan (Selkirk—Interlake, PCC): Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, qui a ultimement la responsabilité de défendre la Charte canadienne des droits et libertés?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Tout dépend du niveau de responsabilité dont on parle. Comme je l'ai dit, c'est un trialogue entre le Parlement, la population et les tribunaux. Le Parlement a adopté la Charte canadienne des droits et libertés et confié aux tribunaux la responsabilité de protéger ces droits et libertés qui ont été adoptés par le Parlement et garantis par la Charte. Il appartient ensuite aux individus et aux groupes qui veulent que leurs droits soient protégés d'user des recours garantis par la Charte à cette fin. C'est donc un trialogue. Mais quand la cour, en vertu de l'autorité qui lui est conférée par le Parlement par l'adoption de la Charte des droits et libertés, rend un jugement en matière de droits dans un litige qui lui est soumis, elle énonce le droit constitutionnel du pays au nom de l'autorité qui lui est conférée par le Parlement. Nous vivons maintenant dans une démocratie constitutionnelle...

+-

    M. James Bezan: C'est la Cour suprême du Canada qui a le dernier mot en matière de constitution et de Charte des droits, alors. C'est elle qui décide en fin de compte.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: La Cour suprême du Canada, dans les affaires qui lui sont soumises en matière d'interprétation et d'application des lois, y compris entre autres la Charte canadienne des droits et libertés, demeure le dernier arbitre et l'autorité ultime tel que le prévoit la Loi constitutionnelle à cet égard.

+-

    M. James Bezan: L'argument sans cesse invoqué par notre parti, c'est la liberté de religion et la liberté de conscience, parce que nous voulons nous assurer que ces libertés ne seront pas réduites pour des raisons d'égalité.

    Il est arrivé dans ma circonscription, et cela s'est aussi passé en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, que des commissaires au mariage aient été obligés de démissionner parce qu'ils avaient refusé de célébrer des mariages entre conjoints de même sexe. Que ce soit pour des raisons de liberté de conscience—certains de ces commissaires ne pratiquent aucune religion, mais s'appuyaient simplement sur leur propre conscience, ne voulaient pas célébrer de mariage entre conjoints de même sexe—ou que ce soit pour des raisons de liberté religieuse, ils ont refusé et sont maintenant forcés de démissionner. Bien sûr, certains contestent devant la Commission des droits de la personne du Manitoba.

    Si nous voulons défendre la Charte et croyons ce qu'elle offre à tous les Canadiens, si nous voulons nous assurer d'avoir une société diverse et multiculturelle, nous devons alors tenir compte de ces personnes pour nous assurer que leurs droits ne soient pas enfreints. Je me demande donc tout simplement pourquoi le gouvernement ne s'est pas engagé à défendre les droits de ces personnes.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Comme je l'ai dit plus tôt, pour ce qui est de la célébration du mariage et autres questions connexes de compétence provinciale, ce sont les provinces et les territoires qui sont responsables de leur législation. Par contre, les provinces et territoires doivent respecter un certain nombre de choses. Premièrement, que l'alinéa 2a), dont vous avez parlé, portant sur la liberté de conscience et de religion, est un droit fondamental protégé par la Charte qui s'applique aux provinces et aux territoires également. Deuxièmement, que les codes provinciaux des droits de la personne doivent être interprétés de manière à protéger la liberté de religion. Troisièmement, que la Cour suprême a déclaré que les principes d'égalité et de liberté de religion ne sont pas irréconciliables mais bien réconciliables. Et quatrièmement, que concrètement sur le terrain, il n'y a pas eu de problèmes du tout au Québec ni en Ontario et que s'il y avait des problèmes à l'extérieur de ces provinces... En fait on m'a dit qu'il n'y avait pas eu de problèmes à l'extérieur de ces deux provinces, mais si jamais il y en avait, nous avons des principes dans nos lois, à part la Constitution, relativement à la question du mariage entre conjoints de même sexe, confirmés par la Cour suprême, des principes d'adaptation raisonnables qui permettent de protéger la conscience et la croyance des gens.

    J'ajouterais que si on voulait ajouter des protections précises par rapport aux autorités célébrant les mariages civils ou les services commerciaux et de location, celles-ci pourraient être ajouter aux lois territoriales et provinciales. En fait...

¹  +-(1515)  

+-

    M. James Bezan: Cela ne peut pas se faire dans le cadre du projet de loi C-38. Donc dans ce projet de loi, quand on dit...

+-

    Le président: Désolé, vos cinq minutes sont écoulées.

    Monsieur le ministre, j'ai cru comprendre que vous pouviez nous consacrer une heure et quart. Par contre, si les membres du comité sont d'accord, accepteriez-vous de répondre à deux questions de cinq minutes? Il y a deux députés qui n'ont pas encore eu l'occasion de prendre la parole.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Oui.

+-

    Le président: Monsieur Toews, qui invoque le Règlement.

+-

    M. Vic Toews: Je commence à m'inquiéter au sujet des questions. À la première ronde, il y a eu un conservateur, un bloquiste, un néo-démocrate puis un libéral.

+-

    Le président: Oui, effectivement.

+-

    M. Vic Toews: Au cours de la deuxième ronde, il y a un conservateur, un libéral...

+-

    Le président: S'il vous plaît.

+-

    M. Vic Toews: Je persiste, c'est un rappel au Règlement.

    Donc, il y a eu un conservateur, un libéral, un bloquiste, un libéral, un néo-démocrate et un libéral.

    Il y a cinq libéraux qui siègent à ce comité et ils ont eu droit à trois questions.

+-

    L'hon. Don Boudria: Oui.

+-

    M. Vic Toews: Il y a quatre conservateurs et on a eu droit à une question. Il est donc...

+-

    L'hon. Don Boudria: Pardon?

+-

    Le président: S'il vous plaît...

+-

    M. Vic Toews: Non, au cours de chacune des rondes de questions.

+-

    L'hon. Don Boudria: Il y en a trois d'entre eux qui ont déjà posé une question.

+-

    Le président: S'il vous plaît. Nous avons déjà parlé de cela...

+-

    L'hon. Don Boudria: Ce sont les règles que nous avons établies.

+-

    Le président: S'il vous plaît.

    Lors de la première réunion, nous nous sommes mis d'accord sur les règles. Je veux bien qu'on y apporte des modifications, mais pas maintenant. Après tout, nous accueillons aujourd'hui le ministre. Nous avons maintenant l'occasion de permettre à deux députés qui n'ont pas encore pu parler, un libéral et un conservateur...

+-

    M. Vic Toews: Très bien.

+-

    Le président: de poser une question de cinq minutes au ministre et après le ministre va devoir nous quitter.

+-

    M. Vic Toews: Je voulais tout simplement signifier que ce processus est injuste envers le Parti conservateur.

+-

    Le président: On pourra en reparler. On pourra relire le procès-verbal de notre première rencontre, M. Toews.

+-

    Mme Françoise Boivin: On avait déjà accepté...

+-

    Le président: Excusez-moi. Nous pouvons regarder le procès-verbal de la première réunion, monsieur Toews, et en reparler plus tard.

    Rapidement, vous avez chacun cinq minutes, à commencer par Mme Neville.

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci beaucoup, et merci monsieur le ministre.

    Les préoccupations dont on entend parler au sujet du projet de loi viennent en grande partie de personnes qui estiment que leur propre mariage sera amoindri par la reconnaissance du mariage civil. Je me demande si vous pourriez nous en parler, compte tenu notamment de la déclaration de la Cour selon laquelle la simple reconnaissance des droits à l'égalité—et vous en avez parlé plus tôt—d'un groupe ne peut constituer en soi une violation des droits des autres.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Si vous le permettez—je l'avais inclus dans mon discours initial mais je ne l'ai pas lu aujourd'hui—j'aimerais attirer votre attention sur l'une des déclarations contenues dans la décision de la Cour suprême du Canada, qui je pense était l'une des déclarations les plus probantes à cet égard. Il est dit : « La simple reconnaissance du droit à l'égalité d'un groupe ne peut, en soi, porter atteinte aux droits garantis à un autre groupe ». Et il existe une approche quasi fondamentale sur le plan du droit des valeurs, et je cite : « L'avancement des droits et valeurs consacrés par la Charte profite à l'ensemble de la société et l'affirmation de ces droits ne peut à elle seule aller à l'encontre des principes mêmes que la Charte est censée promouvoir. »

    Je pense donc, comme la Cour le dit ailleurs dans son jugement, que l'élargissement du droit au mariage aux gais et aux lesbiennes n'est pas contraire à la Charte et, comme le dit la Cour suprême, découle même de la Charte. Je pense que c'est une chose que nous devrions garder à l'esprit en examinant cette décision fondamentale de droit constitutionnel de la Cour.

¹  +-(1520)  

+-

    Mme Anita Neville: Merci.

    Merci, monsieur le président.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Ambrose.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur le président, j'invoque le Règlement.

+-

    Le président: Oui, monsieur Marceau.

+-

    M. Richard Marceau: Je croyais que nous nous étions entendus pour qu'au premier tour de questions, la parole soit donnée à un député de chaque parti, puis ensuite à un député du Parti conservateur, un député du Parti libéral, un député du Bloc québécois, un député du Parti libéral, un député du Nouveau Parti démocratique, un député du Parti libéral, un député du Parti conservateur, un député du Parti libéral et un député du Bloc québécois. Je croyais que la parole devait toujours être accordée dans cet ordre. C'est l'interprétation que j'en ai fais. Je n'en veux absolument pas à Mme Ambrose et j'espère qu'elle ne m'en voudra pas non plus, mais je crois que c'est maintenant le tour du Bloc québécois, et non pas celui du Parti conservateur, étant donné que c'est M. Bezan qui a posé la question précédente du côté de l'opposition.

+-

    Le président: Vous avez raison. Selon les ententes que nous avons conclues et ce qui est indiqué dans le procès-verbal de la première réunion, vous avez absolument raison.

    La seule différence, c'est que j'ai demandé au ministre s'il voulait répondre à des questions qui seraient posées par deux personnes qui n'avaient pas encore eu l'occasion d'en poser. J'avais cru comprendre que j'avais l'assentiment des membres du comité. Si vous vous y opposez, la permission ne sera pas accordée et le ministre devra quitter, à moins qu'il ne veuille demeurer parmi nous plus longtemps.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Non, on m'attend ailleurs. Lorsque le Parlement s'est ajourné aujourd'hui, on a organisé une réunion du Cabinet. On m'y attendait à 14 heures.

+-

    Le président: Merci, monsieur le ministre.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Cette réunion du Cabinet était prévue ce soir, mais elle a été devancée.

+-

    Le président: Monsieur Marceau, donnez-vous votre consentement ou non?

+-

    M. Richard Marceau: C'est notre tour.

+-

    Le président: Vous ne donnez donc pas votre consentement. Dans ce cas, Mme Ambrose ne pourra pas poser de question. Je devrai donc remercier le ministre d'avoir participé à la réunion d'aujourd'hui.

+-

    M. Richard Marceau: Mais non, nous avons le temps. S'il a le temps de répondre à une question de Mme Ambrose, il a le temps de répondre à l'une des miennes.

[Traduction]

+-

    M. Réal Ménard: Deux autres questions. Soyez généreux.

[Français]

+-

    Le président: Si le ministre veut répondre, je l'invite à le faire.

+-

    M. Richard Marceau: Je n'ai qu'une question.

+-

    M. Réal Ménard: Il veut répondre à deux questions. Il est généreux.

+-

    Le président: Si le ministre accepte de répondre à deux questions, nous serons obligés de céder la parole à un député de ce côté-là.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: D'accord, je répondrai à deux questions.

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur le ministre, il est écrit...

+-

    Le président: Un instant, monsieur Marceau. Je crois que M. Toews veut invoquer le Règlement.

[Traduction]

+-

    M. Vic Toews: Certains membres ont posé plus d'une question. Je ne comprends pas.

+-

    Le président: Monsieur Toews, nous y reviendrons si vous le voulez.

+-

    M. Vic Toews: Je le veux c'est certain, mais monsieur le président...

+-

    Le président: Excusez-moi, monsieur Toews. Le fait est que j'ai demandé le consentement unanime pour que le ministre réponde à deux questions : une de Mme Neville et une autre de Mme Ambrose. Je crois savoir que j'avais obtenu le consentement unanime. Je constate maintenant que je ne l'avais pas, puisque M. Marceau dit ne pas avoir donné son consentement.

    S'il n'a pas donné son consentement, nous ne pouvons demander à Mme Ambrose de poser sa question.

+-

    M. Vic Toews: Monsieur le président, vous avez agi, tout le monde a agi partant de là. Que soudain quelqu'un vienne me dire... Vous savez, tout cela commence à me paraître bien suspect. Non seulement le Parti conservateur, pendant tout cet examen, a eu une question à chaque tour, mais maintenant vous empêchez...

+-

    Le président: Monsieur Toews, nous y reviendrons.

    J'ai demandé que Mme Ambrose soit autorisée à poser une question si nous avions le consentement unanime.

+-

    M. Vic Toews: Il semble que cela a été accepté.

+-

    Le président: Il semble que M. Marceau n'avait pas donné...

[Français]

+-

    M. Réal Ménard: Monsieur le président, vous avez rendu une décision. Peut-on procéder? Vous avez rendu une décision, et le ministre est prêt à entendre M. Marceau et Mme Ambrose. Procédons et nous réglerons cela après.

+-

    Le président: Après M. Marceau, on devra aller du côté libéral.

+-

    M. Réal Ménard: Procédons. Vous avez rendu une décision.

+-

    Le président: Monsieur Cotler, voulez-vous répondre à quelques autres questions?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Non. Je dois quitter bientôt. J'ai dit que j'étais prêt à répondre à deux autres questions. Je devrai ensuite aller à l'autre réunion pour répondre aux questions des autres personnes qui veulent m'en poser.

+-

    Le président: Consentez-vous à répondre aux questions de M. Marceau et de Mme Ambrose?

[Traduction]

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Mais je suis assez en retard, maintenant.

+-

    Le président: D'accord, les membres du Parti libéral ont accepté de laisser Mme Ambrose poser sa question.

    Alors, monsieur Marceau, rapidement, et monsieur le ministre, très rapidement aussi, s'il vous plaît.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Monsieur le ministre, certaines personnes ont affirmé que les cours n'avaient pas dit que la définition traditionnelle du mariage ne respectait pas la Charte, entre autres son article 15. Je vais vous citer la Cour d'appel de la Colombie-Britannique et la Cour d'appel de l'Ontario. Celle de la Colombie-Britannique a dit:

¹  +-(1525)  

[Traduction]

[Traduction] Je reconnais avec le juge de première instance que les demandeurs ont établi que la définition du mariage selon la common law—qui constitue un empêchement au mariage entre conjoints du même sexe en common law—viole leur droit à l'égalité reconnu à l'article 15 de la Charte.

[Français]

    La Cour d'appel de l'Ontario a dit:

[Traduction]

[Traduction] Nous sommes d'avis que la dignité des personnes ayant des relations de couples de même sexe subit une atteinte du fait de l'exclusion des couples de même sexe de l'institution du mariage. Par conséquent, nous concluons que la définition du mariage tirée de la common law comme étant « l'union volontaire pour la vie d'un homme et d'une femme à l'exclusion de toute autre personne » enfreint le paragraphe 15(1) de la Charte.

[Français]

    Il me semble clair que les cours d'appel de l'Ontario et de la Colombie-Britannique ont dit très clairement que la définition dite traditionnelle du mariage ne respectait pas la Charte. C'est très clair. Est-ce que je me trompe?

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Vous avez raison, et c'est très clair. C'est maintenant la loi.

+-

    M. Richard Marceau: Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Madame Ambrose.

+-

    Mme Rona Ambrose (Edmonton—Spruce Grove, PCC): Enfin.

    Merci, monsieur le président.

    Monsieur le ministre, j'ai à vous poser une question qui est un peu plus personnelle. J'ai l'impression que votre position—j'ai bien suivi et je comprends l'aspect constitutionnel et les décisions des tribunaux inférieurs—tient essentiellement compte de ce qui me semble être le caractère inévitable des décisions des tribunaux inférieurs. La question que je vous pose ici est davantage de nature politique et personnelle. Au lieu de voir les choses sous cet angle, vous semblez plutôt présenter vos arguments en invoquant la Charte et les droits de la personne.

    Vous avez parlé des jeunes. Je voulais simplement vous demander pourquoi vous employez ce langage. Pour ma part, je trouve cela très offensant. Je crois fermement en la Charte, aux droits de la personne et aux droits à l'égalité, et ni la Commission des droits de l'homme des Nations Unies ni la Convention européenne des droits de l'homme n'établissent que le droit de se marier est un droit humain fondamental, alors que vous tenez ce genre de propos. Je me demande pourquoi vous le faites et si vous pouvez envisager de reconnaître que c'est offensant envers ceux d'entre nous pourraient ne pas croire ni partager votre point de vue et qui croient plutôt fermement en la Charte, aux droits de la personne et aux droits à l'égalité.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je ne suis pas sûr de vraiment comprendre votre question. Dans ce cas, pourriez-vous me la préciser.

    Je peux simplement dire que...

+-

    Mme Rona Ambrose: Je préciserai en disant que j'ai entendu le premier ministre dire que ceux d'entre nous qui ne partagent pas votre point de vue ne croient pas en la Charte, enfreignent la Charte, les éléments qui importent dans la Charte, et ne croient pas aux droits de la personne. Voilà la langage qui à mon avis exacerbe ce débat politique et ne nous aide pas.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je l'ai dit et redit, nous devons respecter la pluralité des vues et des perspectives exprimées dans ce pays, premièrement; les gens ont des idées bien arrêtées sur cette question qui peuvent être liées à des considérations religieuses ou culturelles ou autres; je comprends que la situation peut même parfois avoir suscité des perspectives différentes au sein d'une même famille—et ma famille en est un exemple. Ainsi donc je respecte bel et bien les vues et les perspectives des autres.

    Ce que j'ai dit, c'est qu'en tant que ministre de la justice et procureur général, j'ai la responsabilité de respecter la Constitution et de respecter la Charte des droits. La loi du pays , comme suite aux décisions de tribunaux de huit aires de juridiction, a clairement établi que ce n'était pas une question de droit de se marier, parce que nous avons tous ce droit. C'est une question de droit égal au mariage civil dans le respect des vues et des perspectives des autres sur le mariage religieux. La reconnaissance d'un droit égal au mariage civil ne réduit en rien le droit de quiconque quant à ses opinions concernant l'exigence d'hétérosexualité, la légitimité, etc.

    Tout ce que je dis, c'est qu'une fois que la loi du pays est établie dans huit aires de juridiction, pour le maintien de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et l'affirmation du principe d'égalité des gais et des lesbiennes en matière de droit au mariage civile, ou d'accès égal à l'institution du mariage civil, c'est ma responsabilité en tant que procureur général de respecter la primauté du droit, de respecter la Charte et de respecter les décisions des tribunaux.

    Quiconque a droit à ses opinions sur le plan personnel, religieux ou autre. C'est tout ce que je dis.

+-

    Mme Rona Ambrose: Si les propos que vous tenez avaient constitué l'argument pour défendre le caractère inévitable des décisions des tribunaux inférieures, si vous vous en étiez tenu à cela, peut-être que je ne me sentirais pas ainsi offensée. Mais je pense que vous savez de quel type de propos je parle, des propos que nous avons vu employer par des gens de l'autre côté à l'endroit de gens qui peuvent ne pas partager leurs vues. C'est devenu un débat très politique. Tout cela a enflammé le débat, et je pense que ce n'est pas utile.

¹  -(1530)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Ça va dans les deux sens. Si ces vues divergentes sont des vues qui préconisent la reconnaissance du droit au mariage civil aux gais et aux lesbiennes, alors ces vues doivent être respectées. Si des cours qui rendent une décision en la matière font un énoncé de droit, alors moi, en tant que procureur général, je dois respecter cette décision comme étant un énoncé de droit en même temps que je continue de respecter ceux qui peuvent être d'un autre avis.

    Mais pour ce qui est de faire observer la loi du pays et d'assurer la fidélité à la Constitution, c'est ma responsabilité en tant que procureur général.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur le ministre, merci de votre patience. Vous êtes victime de votre popularité. Bonne réunion. Merci d'avoir été présent.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci.

[Traduction]

-

    Le président: La séance est levée.