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AANO Rapport du Comité

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RÉPONSE DU GOUVERNEMENT AU CINQUIÈME RAPPORT DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD

POUR RÉSOUDRE ENSEMBLE LA QUESTION DU PARTAGE DES BIENS IMMOBILIERS MATRIMONIAUX DANS LES RÉSERVES

Madame Nancy Karetak-Lindell, députée
Présidente du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord
Chambre des communes
Ottawa (Ontario) K1A 0A6


Madame la députée,

J'ai le plaisir de répondre, au nom du gouvernement du Canada, au rapport Pour résoudre ensemble la question du partage des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves, qui a été déposé par le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord à la Chambre des communes le 8 juin 2005.

J'aimerais d'abord vous remercier, ainsi que les membres du comité, d'avoir pris le temps d'étudier la question des biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves. Le gouvernement félicite le comité pour la diligence dont il a fait preuve dans ses travaux qui ont mené à ses recommandations et qui ont grandement contribué à faire progresser cette question en confirmant le besoin de trouver une solution législative.

Depuis 2001, Affaires indiennes et du Nord Canada a réalisé d'importantes recherches et publié de nombreux documents sur la question des biens immobiliers matrimoniaux, notamment un document de travail très détaillé visant à mieux comprendre les aspects sociologiques et juridiques de la question. Afin de compléter ses recherches, le Ministère a organisé des groupes de discussion avec des femmes, des membres des collectivités, des chefs et des avocats des Premières nations. Ces groupes de discussion ont recommandé que tous les intéressés reçoivent l'information appropriée avant la tenue des consultations. En réponse à ces recommandations, le Ministère a organisé plusieurs séances d'information dans l'ensemble du Canada. Celles-ci ont permis de rencontrer des communautés des Premières nations, des groupes de femmes autochtones, des dirigeants autochtones ainsi que des facultés de droit. Le Ministère a aussi élaboré des documents rédigés en langage clair qui ont été distribués partout au Canada afin de sensibiliser les gens à cette question. Enfin, le Ministère a récemment élaboré des directives en matière d'autonomie gouvernementale en vue d'aider les négociateurs fédéraux à s'assurer que la question des biens immobiliers matrimoniaux soit incluse dans les négociations et les ententes sur l'autonomie gouvernementale.

Affaires indiennes et du Nord Canada a terminé l'étape de recherche et d'analyse sur la question des biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves et s'apprête maintenant à poursuivre l'excellent travail accompli par votre comité en vue de trouver une solution législative.

J'aimerais profiter de l'occasion pour répondre à chacune des trois recommandations contenues dans votre rapport.

RECOMMANDATION 1

  1. Que le gouvernement, en consultant l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations dans la mesure du possible, et compte tenu de l'urgence de la situation, rédige immédiatement un projet de loi distinct et provisoire ou des modifications à la Loi sur les Indiens afin d'appliquer les lois provinciales/territoriales sur les biens matrimoniaux aux biens immobiliers dans les réserves. Ce projet de loi devrait aussi :


    • refléter un partenariat entre le gouvernement, l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations;
    • reconnaître la compétence inhérente des Premières nations l'égard des biens immobiliers matrimoniaux;
    • autoriser les Premières nations adopter leurs propres régimes des bien immobiliers matrimoniaux d'une manière habilitante plutôt que normative;
    • établir un délai pour l'élaboration par les Premières nations de leurs régimes des biens immobiliers matrimoniaux;
    • contenir une disposition de temporarisation prévoyant que la mesure législative deviendra caduque la fin du délai prévu;
    • contenir une disposition de non-dérogation précisant que rien dans la mesure législative ne déroge ou ne porte atteinte aux droits ancestraux et issus de traités des Premières nations qui sont garantis par l'article 35 de la Loi Constitutionnelle de 1982.
  2. Que le gouvernement s'engage à fournir aux organisations des Premières nations nationales et provinciales/territoriales reconnues les ressources humaines et financières nécessaires afin de permettre à leurs membres d'élaborer leurs propres codes des biens immobiliers matrimoniaux.
  3. Que le gouvernement fournisse une aide supplémentaire aux Premières nations qui souhaitent adopter des lois sur les biens immobiliers matrimoniaux en concevant un site Internet afin de présenter des « modèles » de lois sur les immobiliers matrimoniaux.

Je félicite votre comité pour avoir pris le temps d'élaborer un cadre législatif détaillé pour régler la question des biens immobiliers matrimoniaux. Cette recommandation éclairée sera utile pour l'élaboration d'une solution législative pour résoudre cette question.

À la lumière de la recherche et des activités de sensibilisation effectuées par Affaires indiennes et du Nord Canada, et selon les recommandations présentées par votre comité et le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, le gouvernement reconnaît qu'une solution législative est clairement requise pour combler le vide juridique qui existe actuellement en matière de biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves.

Par contre, le gouvernement ne pense pas que la question devrait être réglée en adoptant immédiatement une loi provisoire, sans qu'il y ait eu au préalable une participation plus poussée des communautés et des membres des Premières nations ainsi que des provinces et des territoires. L'application d'une loi provisoire qui n'aurait pas été acceptée par les communautés et qui n'aurait pas l'appui des provinces et des territoires pourrait se révéler très difficile. La question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves exige une solution législative durable qui traite à la fois des droits des résidents des réserves en matière de biens immobiliers matrimoniaux tout en répondant aux besoins des communautés des Premières nations.

Plus précisément, même si l'application immédiate des lois provinciales et territoriales en matière de droit familial dans les réserves semble peut-être, à première vue, être la solution la plus opportune, les conséquences importantes de cette mesure législative exigent une analyse plus approfondie. Par exemple, les provinces et les territoires exprimeront probablement des préoccupations, notamment en ce qui a trait à l'exécution des ordonnances judiciaires dans les réserves, à l'accroissement de la demande d'aide juridique et à l'utilisation des tribunaux provinciaux. Il faudrait, par conséquent, consulter les provinces et les territoires avant d'adopter une telle mesure. De plus, les organisations, les communautés et les membres des Premières nations pourraient ne pas appuyer l'application des lois provinciales et territoriales en matière de droit familial dans les réserves. À cet égard, l'Assemblée des Premières Nations a déjà informé Affaires indiennes et du Nord Canada qu'elle n'appuyait pas cette mesure législative pour résoudre la question des biens immobiliers matrimoniaux.

Aussi, conformément au nouveau climat politique issu du processus de la Table ronde Canada-Autochtones et des récents accords politiques, des consultations plus poussées auprès des organisations et des membres des Premières nations seraient requises avant d'adopter toute mesure législative. Dans l'allocution qu'il a prononcé à l'occasion de l'ouverture de la Table ronde Canada-Autochtones, le premier ministre a déclaré : « À l'avenir, le gouvernement discutera avec eux avant d'élaborer des politiques. Ce principe de collaboration constituera la pierre angulaire de notre nouveau partenariat ». Le point culminant de la Table ronde fut la signature des accords politiques par lesquels le gouvernement du Canada et les organisations autochtones nationales s'engagent à respecter ce principe de collaboration. L'objectif principal des accords est d'établir les fondements d'un partenariat renforcé entre le gouvernement et les organisations autochtones nationales en ce qui concerne les grandes questions stratégiques.

Conformément à l'esprit des accords et en réponse à votre recommandation de consulter l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations sur la question des biens immobiliers matrimoniaux, Affaires indiennes et du Nord Canada a tenu, en juillet 2005, des consultations préliminaires avec ces deux organisations afin de discuter des recommandations présentées par votre comité et le Comité sénatorial permanent des droits de la personne et de déterminer les étapes suivantes dans la recherche d'une solution législative pour régler la question des biens immobiliers matrimoniaux. À l'occasion de ces consultations préliminaires, les deux organisations ont indiqué qu'elles étaient intéressées à travailler avec le gouvernement fédéral. L'Association des femmes autochtones du Canada appuie présentement l'idée d'élaborer une solution législative pour régler la question des biens immobiliers matrimoniaux, mais elle insiste sur la nécessité de consulter avant de légiférer. L'Assemblée des Premières Nations considère que la question des biens immobiliers matrimoniaux doit être abordée dans le contexte plus large de la reconnaissance de la compétence inhérente des gouvernements des Premières nations en matière de droit familial, de gestion des terres de réserve, de l'administration de la justice et des droits de la personne. Bien que les deux organisations reconnaissent l'urgence du problème, elles sont d'avis que de vastes consultations dans les communautés doivent avoir lieu avant que le Canada ne considère adopter une solution législative.

Je suis très heureux que votre comité ait été en mesure d'entendre de nombreux intervenants clés sur la question des biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves, puisque ces témoignages sont importants dans notre compréhension de la question et dans la recherche d'une solution législative. Par contre, votre comité n'a pas eu l'occasion de rencontrer les représentants des provinces et des territoires ni d'entendre de nombreux groupes et membres des Premières nations au niveau communautaire sur la question des biens immobiliers matrimoniaux. La recherche d'une solution législative durable à cette question exige une participation plus poussée des membres des Premières nations afin de s'assurer que la solution soit bien appuyée et qu'elle réponde le mieux possible à leurs besoins.

De plus, la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves touche de façon importante l'intérêt collectif de la communauté à l'égard de la gestion des terres de réserve. Bien qu'un droit ancestral en matière de biens immobiliers matrimoniaux selon l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 n'ait pas encore été établi par un tribunal, des Premières nations ont affirmé, à l'occasion de leurs témoignages devant différents organismes, qu'il existe un droit ancestral de gestion des terres de réserve et un droit à l'autonomie gouvernementale en vertu duquel ils peuvent élaborer leurs propres lois sur la famille et la division des terres de réserve. La Cour suprême du Canada a soutenu dans l'arrêt Haida (2004) que les gouvernements ont une obligation juridique de consulter les groupes autochtones s'ils connaissent l'existence potentielle d'un droit ancestral et s'ils envisagent une action qui pourrait avoir une répercussion néfaste sur ce droit. Le Canada a maintenant une obligation juridique d'analyser, avant d'agir, les répercussions négatives possibles que pourraient avoir ses actions sur les droits potentiels et les droits établis à l'article 35. Dans le contexte des biens immobiliers matrimoniaux, il est incertain qu'il existe une obligation juridique de consulter.

Cependant, dans l'intérêt de la bonne gouvernance et des bonnes politiques gouvernementales, et à la lumière des accords politiques et des recommandations faites par l'Assemblée des Premières Nations et l'Association des femmes autochtones du Canada, une loi ne devrait pas être immédiatement adoptée sans qu'il y ait eu au préalable une participation plus poussée des provinces et des territoires ainsi que des organisations, des membres et des communautés des Premières nations.

Enfin, les recommandations b) et c) mentionnées ci-dessus devront être étudiées après qu'une solution législative à la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves aura été déterminée.

RECOMMANDATION 2

Que le gouvernement, après une large consultation des organisations et communautés des Premières nations, collabore avec ces organisations et communautés pour élaborer un projet de loi de fond sur les biens immobiliers matrimoniaux à l'intention des Premières nations qui n'ont pas adopté leurs propres lois en la matière dans le délai prévu par le projet de loi provisoire. Cette loi devrait cesser de s'appliquer aux Premières nations qui élaborent ultérieurement leurs propres régimes des biens immobiliers matrimoniaux.

Pour les raisons mentionnées ci-dessus, le gouvernement reconnaît que la tenue de consultations plus poussées avec les organisations et les communautés des Premières nations est requise afin d'élaborer un cadre législatif durable pour régler la question des biens immobiliers matrimoniaux. À cet égard, Affaires indiennes et du Nord Canada poursuivra le processus de collaboration présentement en cours avec l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations afin de trouver une solution législative à la question des biens immobiliers matrimoniaux. Le Ministère continuera aussi à rencontrer et à informer les parties intéressées en tenant des séances d'information sur les biens immobiliers matrimoniaux.

RECOMMANDATION 3

Que le gouvernement, après une large consultation des organisations et communautés des Premières nations, entreprenne un examen immédiat de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne dans le but de modifier cette loi :

  • pour protéger les membres des Premières nations vivant dans les réserves contre la discrimination dont ils pourraient faire l'objet en vertu de la Loi sur les Indiens;
  • pour y intégrer une disposition interprétative exigeant de maintenir un équilibre entre les droits individuels et les intérêts des communautés.

Cette recommandation formulée par votre comité a été examinée à l'occasion des consultations préliminaires avec l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations. L'Association des femmes autochtones du Canada a soutenu que les répercussions de la modification de l'article 67 dépassent la question des biens immobiliers matrimoniaux et que cette mesure devrait être étudiée dans un contexte plus large. Elle mentionne que cette question devrait faire l'objet d'un examen distinct de celui des biens immobiliers matrimoniaux. L'Assemblée des Premières Nations a indiqué qu'une analyse plus approfondie serait requise afin de déterminer si l'article 67 devrait être traité dans le contexte de la question des biens immobiliers matrimoniaux dans les réserves.

La Commission canadienne des droits de la personne a entrepris un examen et des consultations à ce sujet avec différents intervenants, dont le gouvernement du Canada, l'Association des femmes autochtones du Canada et l'Assemblée des Premières Nations, en vue de recommander la modification de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le gouvernement attend avec intérêt les recommandations de la commission afin de déterminer les prochaines étapes dans la recherche d'une solution pour régler cette question.

J'aimerais vous assurer que la résolution de la question des biens immobiliers matrimoniaux situés dans les réserves demeure une de mes priorités et que je suis déterminé à faire en sorte que les femmes autochtones qui vivent dans les réserves aient accès aux droits et recours judiciaires en matière de partage des biens immobiliers matrimoniaux. Je vous remercie de nouveau pour le travail que vous avez accompli dans l'étude de cette question.

Je vous prie d'agréer, Madame, l'expression de mes sentiments respectueux.



L'honorable Andy Scott, c.p., député