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HAFF Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 003 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 17 février 2004

[Enregistrement électronique]

(1105)

[Traduction]

    Membres du comité, nous allons commencer... Un de nos collègues va bientôt arriver.
    Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 6 février 2004, nous allons aujourd'hui examiner la question de privilège concernant la citation des députés à comparaître devant un tribunal.
    J'ai pensé qu'il serait utile de vous donner des précisions sur quelques sujets. Tout d'abord, en ce qui concerne notre dernière séance, le Sous-comité sur les limites des circonscriptions a été établi et se réunira. Il semble qu'il aura besoin de deux ou trois réunions pour terminer le rapport rétrospectif sur la méthode employée pour définir les limites des circonscriptions.
    Le rapport à la Chambre sur la télédiffusion des travaux des comités a été déposé et approuvé.
    Le rapport à la Chambre sur la modification des articles provisoires du Règlement relatifs aux mesures d'initiative parlementaire, compte tenu du nouveau nombre de partis officiels à la Chambre, a été déposé et approuvé.
    De plus, notre comité a adressé aux leaders parlementaires une lettre leur demandant s'ils ont l'intention de régler la question des articles provisoires du Règlement qui traitent des mesures d'initiative parlementaire. Vous m'aviez donné comme consigne d'attendre et, s'ils intervenaient, que nous n'allions rien faire. S'ils n'interviennent pas, nous nous en chargerons.
    L'un des sujets dont nous avons traité la dernière fois et que nous allons régler est la nouvelle manière dont nous abordons le budget des dépenses et les autres questions du genre. J'aimerais attirer votre attention sur un document que votre bureau a déjà reçu. La Bibliothèque du Parlement présentera un programme spécial. Vous avez tous reçu ce document, mais je vais le faire circuler. Il s'intitule Le Budget des dépenses : Comment il fonctionne et comment vous en servir—Un programme spécial pour les parlementaires offert par la Bibliothèque du Parlement. Je remarque qu'il y a plusieurs présentateurs invités, notamment Bill Corbett, le greffier de la Chambre des communes, qui témoigne devant nous aujourd'hui. Je vous recommande donc ce programme. Il aura lieu le mercredi 18 février de 16 à 19 heures, à la pièce 237 de l'édifice du Centre.
    Je crois comprendre, Thomas, que nous allons envoyer une lettre aux membres du comité pour leur rappeler ce programme, puisque le budget des dépenses présente un intérêt particulier pour nous.
    Nous allons passer à l'ordre du jour. Avant de présenter notre invité, qui est encore plus distingué que nous le pensions, j'aimerais souligner que nous avons depuis un certain temps, depuis juin—et vous les avez tous maintenant—des Notes préparatoires sur le privilège des députés appelés à comparaître. Vous en avez tous un exemplaire.
    De plus, vous avez reçu ce cahier à votre bureau. Pour l'instant, nous n'avons pas d'exemplaire supplémentaire ici. Vous pouvez emprunter mon cahier si vous le voulez mais nous aurons bientôt d'autres exemplaires. C'est un cahier d'information à l'intention des membres du comité permanent à propos de la question de privilège qui a été renvoyée le 6 mars 2004. Je vois que certains d'entre vous l'ont; pour les autres, il est à votre bureau.
    Collègues, j'aimerais remercier les témoins d'aujourd'hui, que j'ai l'honneur de vous présenter. Il s'agit de William Corbett, qui est le greffier de la Chambre des communes, comme nous le savons tous, et de Rob Walsh, qui est légiste et conseiller parlementaire. Ils conseillent la Chambre des communes et nous-mêmes, et sans doute bien d'autres personnes, à propos de questions comme celle du privilège, que nous allons examiner.
    Messieurs, soyez les bienvenus. Je crois savoir que vous avez un bref exposé. Je vous prie de commencer, puis nous allons passer aux questions selon la manière habituelle.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
    J'ai un court exposé à présenter, mais d'abord, avec votre permission, j'aimerais inviter Bob Walsh, notre légiste et conseiller parlementaire, à vous mettre au courant des derniers développements dans les deux causes qui ont donné lieu à votre étude de la question de privilège.
    Si vous me le permettez, monsieur le président, je vais donner la parole à Rob.
    Les deux affaires en question sont l'affaire Telezone, qui met en cause M. Manley, alors ministre de l'Industrie, et l'autre est l'affaire Ainsworth, d'après le nom de la Ainsworth Lumber Co., qui a intenté des poursuites contre M. Paul Martin, à titre de ministre des Finances, et aussi contre le procureur général du Canada.
    Vous vous en rappelez peut-être, en mai de l'an dernier, nous avons appris que la Cour supérieure de l'Ontario avait rendu, dans l'affaire Telezone, une décision selon laquelle le privilège parlementaire qui exempte les députés de comparaître comme témoins ne s'applique que lorsque la Chambre siège, et qu'il ne s'applique même pas quand la Chambre prend un congé d'une semaine. La Cour a statué que la Chambre était en vacances les jours où elle ne siégeait pas. Cette façon de décrire le calendrier de la Chambre n'a pas été prisée, mais cela a néanmoins provoqué un rappel au Règlement à la Chambre. Quelques jours après—l'année 2003 a été fertile au chapitre du privilège parlementaire—, une autre affaire était entamée en Colombie-Britannique, l'affaire Ainsworth, et une autre question de privilège était soulevée et associée à celle de l'affaire Telezone. Les deux questions ont fait l'objet d'une décision du président de la Chambre et le dossier a été renvoyé à ce comité.
    M. Manley n'est pas partie à l'affaire Telezone. L'intimé est le procureur général du Canada. Dans les actions en justice, l'intimé doit généralement produire un témoin qui est soumis à un interrogatoire préalable, c'est-à-dire qu'il se met à la disposition de l'avocat de la partie adverse pour répondre, dans une petite salle, à des questions liées à l'affaire. En général, la partie défenderesse affirme que c'est Untel qui sait tout et que c'est à lui qu'il faut poser les questions. Dans beaucoup d'affaires, c'est raisonnable, mais dans certains cas, le demandeur peut déclarer qu'il ne veut pas Untel, qu'il veut quelqu'un d'autre qui connaît beaucoup mieux la situation et qu'il veut pouvoir l'interroger. Il se peut que la partie défenderesse refuse. Les parties se chamaillent ainsi, puis soumettent la question à un tribunal qui rend une décision. C'est le juge qui décide.
    La société Telezone, la partie demanderesse, voulait que M. Manley se soumette à un interrogatoire préalable. Cette requête n'a pas été reçue favorablement par l'intimé, le procureur général du Canada. Il s'y est opposé en adressant une requête au tribunal, qui a décidé que M. Manley devait accepter de témoigner. C'est la décision dont j'ai parlé précédemment.
    La Chambre n'était pas intervenue dans cette affaire, mais elle l'a fait quand nous avons appris la décision et elle a constitué un avocat, au nom de la Chambre et du député Manley, pour étudier la question du privilège parlementaire qui, à mon avis, n'a pas été traitée adéquatement par le tribunal de première instance. Les procédures ont suivi leur cours.
    Par la suite, une décision a été rendue par la Cour d'appel de l'Ontario, mais après le début de l'affaire Ainsworth. C'est une cause à laquelle M. Martin est partie. Il est l'intimé. Le fait qu'il soit partie et que M. Manley ne le soit pas ne change strictement rien. Dans cette cause aussi, on voulait que M. Martin témoigne. Il a refusé en invoquant le privilège parlementaire. Nous n'avons entendu parler de cette cause qu'après que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique eut rendu sa décision. Ce tribunal a décidé que même si les députés étaient exemptés par le privilège parlementaire de témoigner pendant une session parlementaire, il ne reconnaissait pas la période traditionnelle de 40 jours qui précède et qui suit la session.
    À la même époque, une autre décision, qui n'était pas liée à cette question de privilège, a été rendue par la Cour fédérale à Calgary, selon laquelle le privilège existe bel et bien, mais que la période sur laquelle il s'étend avant et après la session ne dure pas 40 jours mais bien 14. La Cour estimait que c'était plus raisonnable.
    Par la suite, la première affaire, l'affaire Telezone, a été soumise à la Cour d'appel de l'Ontario. Nous étions représentés par un avocat. Je souligne que c'était la première fois, dans ces causes, que la Chambre faisait intervenir son propre avocat. Le jugement a été celui que j'avais espéré de tout mon cœur. Il confirmait ce qui à mon avis était la bonne position. Il confirmait l'existence du privilège et de la période de 40 jours avant et après la session parlementaire. Ce qu'il y a de particulièrement important dans cette décision, c'est que la Cour a déclaré ne pas se reconnaître le droit de s'opposer au privilège, qu'il ne lui appartenait pas de définir la notion de privilège pour la Chambre des communes. Son raisonnement était que si elle reconnaissait les privilèges que la Chambre affirmait relever du droit parlementaire et s'étendre à 40 jours avant et après la session, il ne lui appartenait pas de dire le contraire.
    Qui plus est, pour faire bonne mesure, la Cour citait le président Fraser, puis la décision du président Milliken et, tout en reconnaissant qu'elle n'était pas liée par ces décisions, ce qui est fondé en droit, elle les a néanmoins citées avec le plus grand respect et a déclaré qu'elle était prête à s'y conformer, car ce sont les présidents qui connaissent le mieux la nature du privilège parlementaire.
(1110)
    C'est arrivé début janvier, si bien que notre rôle devrait changer en 2004—c'est à espérer—même si la Cour suprême du Canada est saisie d'une autre cause qui risque de porter—ou qui va porter—sur la question de privilège dans un domaine différent. Nous verrons bien ce qu'il en sortira. Il reste toutefois que pour l'instant, ces causes en sont arrivées à un certain point, l'affaire Telezone se terminant fort bien—aucune autre poursuite judiciaire ne va être intentée—pour ce qui est de la cause Ainsworth, si je comprends bien, même si ni M. Martin ni son avocat ne me l'ont dit officiellement, il serait prêt à venir témoigner, nonobstant le fait que la cour reconnaît le privilège dont bénéficient les députés pendant une session de la Chambre.
    Une cour de l'Ontario est saisie d'une des causes, maintenant c'est une cour de la Colombie-Britannique, et ensuite, c'est la Cour fédérale. Vous pourriez dire qu'il faudrait maintenant une décision de la Cour suprême du Canada. En fait, elle ne peut être saisie d'aucune de ces causes, puisqu'une requête en autorisation d'appel a été présentée à la Cour suprême du Canada dans le contexte de la cause Ainsworth, mais qu'elle a été rejetée. C'était inquiétant à ce moment-là, car nous n'avions encore rien entendu de la Cour d'appel de l'Ontario. Lorsque cette dernière a rendu sa décision, je me suis personnellement senti beaucoup mieux. La Cour d'appel de l'Ontario est de toute évidence prise au sérieux dans n'importe quelle cour provinciale. J'ose espérer que si une cour supérieure de n'importe quelle province était saisie de la question—ce qui pourrait être le cas, puisque nous avons une cause en Alberta dont pourrait être saisie la cour—ce serait la décision de la Cour d'appel de l'Ontario qui primerait. Toutefois, un certain degré d'incertitude subsiste à cet égard.
    La participation de M. Martin dans cette action en justice ne regarde que lui. Ce n'est pas quelque chose qui me préoccupe, dans l'optique des avocats. Il est de toute évidence prêt à coopérer, ce qui ne me concerne pas.
    Je considère par conséquent qu'il est permis de penser que les deux actions en justice qui vous sont actuellement renvoyées sont sans objet. Les questions qu'elles soulevaient ont été réglées, favorablement en grande partie; elles sont donc sans objet. Cela ne veut pas nécessairement dire, comme le greffier va l'indiquer, que la question dont vous débattez est sans objet, mais je pense que en tant que question juridique dans le contexte de ces causes, elle est maintenant sans objet.
(1115)
    Monsieur Corbett.
    Merci, monsieur le président.
    Cela termine-t-il... ?
    Non, j'ai également un court exposé, qui complète...
    D'accord. Ce qui me préoccupe, soit dit en passant... Dans la mesure où elle est très significative, je pense que vous pourriez la poser à Rob, mais en toute honnêteté, je préfèrerais en finir avec les autres exposés. Plusieurs personnes sont inscrites sur la liste, mais je pensais y arriver une fois les exposés terminés.
    Monsieur Corbett, s'il vous plaît.

[Français]

    Thank you again, Mr. Chairman.
    Tout d'abord, je désire passer brièvement en revue le privilège parlementaire qui exempte les députés de comparaître comme témoins devant un tribunal, ainsi que quelques précédents et leur application au Canada.

[Traduction]

    Le privilège parlementaire est défini par Erskine May de la façon suivante
[...] la somme des droits particuliers dont jouit chaque Chambre, collectivement, en tant que partie constitutive de la Haute Cour qu'est le Parlement, dont jouissent aussi les membres de chaque Chambre, individuellement, et faute desquels il leur serait impossible de s'acquitter de leurs fonctions.

[Français]

    Ces privilèges comprennent notamment: la liberté de parole; l'immunité d'arrestation en matière civile; l'exemption du devoir de juré; et l'exemption de devoir comparaître comme témoin devant un tribunal.

[Traduction]

    Ces privilèges s'appliquent aux députés et à la Chambre des communes.
    Comme je l'ai déjà dit au comité à d'autres occasions, tout mépris ou attaque des droits, pouvoirs et immunités de la Chambre et des députés, par une personne ou un organisme extérieur ou par un député de la Chambre, est considéré comme une infraction au privilège, punissable par la Chambre.
    Les privilèges conférés aux députés et sénateurs canadiens ont été transmis au Parlement canadien par le Parlement britannique au moment de la Confédération, par le truchement de la Loi constitutionnelle de 1867. Ces privilèges ont également été promulgués par ce que l'on appelle maintenant la Loi sur le Parlement du Canada, et je vous renvoie aux articles 4 et 5 de cette loi.
    Comme l'a déclaré le président dans sa décision du 26 mai 2003,
le privilège parlementaire contesté par les deux récentes décisions judiciaires, à savoir l'exemption de l'obligation de comparaître comme témoin devant un tribunal pendant une session parlementaire, est un privilège personnel dont jouissent tous les députés,
    À cet égard, le texte Erskine May renferme ce qui suit :
La Chambre a confirmé le privilège de l'exemption d'un député de l'obligation de comparaître comme témoin en se fondant sur le même principe que les autres privilèges personnels, c'est-à-dire le droit prioritaire du Parlement de bénéficier de la présence et des services de ses membres.
    May indique également que
un député bénéficie du privilège de l'immunité d'arrestation pendant les 40 jours suivant chaque prorogation ou dissolution et les 40 jours précédant la la session suivante et que ce privilège a été reconnu par les cours et les institutions sur le fondement de l'usage et de l'opinion générale.
(1120)

[Français]

    Dans sa décision rendue en 1989, le Président Fraser a déclaré:
[...] que le droit d'un député de refuser de comparaître comme témoin devant un tribunal au cours d'une session du Parlement et dans les 40 jours qui précèdent ou suivent une telle session est un droit indiscuté et inaliénable appuyé par une foule de précédents.
    Dans sa décision du 6 janvier 2004, la Cour d'appel de l'Ontario a en effet reconnu que le privilège existait et que toute modification aux termes ou à la définition du privilège parlementaire devait être une décision prise par la Chambre. La cour a déclaré, et je cite:

[Traduction]

en 1867, le privilège parlementaire d'immunité testimoniale se prolongeait pendant 40 jours après la fin de la session et entrait en vigueur 40 jours avant le début d'une nouvelle session. En outre, je ne vois aucune modification en droit constitutionnel ou législatif depuis 1867 qui pourrait aller à l'encontre de cette conclusion [...] Toute modification au privilège doit être apportée par le Parlement au moyen de la promulgation d'une loi en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés à l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 et de l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada.
    Comme M. Walsh vient juste de l'indiquer, la question dont vous êtes saisis, relative aux deux causes et aux deux jugements, peut être considérée sans objet pour l'instant; je remarque toutefois que le 12 mai, lorsque le Président a entendu les députés au sujet de la question initiale du privilège, deux principaux points ont été soulevés. Les députés ont en effet demandé si l'exemption devrait continuer ou non et, le cas échéant, si le délai prévu—soit les 40 jours avant et les 40 jours après la session—était toujours pertinent? Si le comité décidait d'examiner cette question plus à fond, l'expérience d'autres compétences pourrait lui faciliter la tâche.
    En 1967, le Select Committee on Parliamentary Privilege de la Chambre des communes du Royaume-Uni a examiné les privilèges accordés aux députés. Tout en confirmant l'application de la règle des 40 jours prévoyant l'exemption de comparution, le comité a semblé prêt à réexaminer sa portée, indiquant que «seuls les besoins immédiats du Parlement devraient être autorisés afin d'éviter» à un député de comparaître à titre de témoin.

[Français]

    En 1999, le Comité mixte sur le privilège parlementaire, encore une fois au Royaume-Uni, est allé encore plus loin en recommandant que l'exemption soit complètement abolie. Cette recommandation n'a jamais trouvé suite.

[Traduction]

    L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont décidé de légiférer en matière de privilège parlementaire. Dans la Legislature Act1908, la Nouvelle-Zélande a choisi de limiter l'application de l'exemption à la durée d'une session parlementaire, ou dans les 10 jours qui précèdent le début d'une telle session. Quant à l'Australie, la Parliamentary Privileges Act 1987 accorde l'immunité aux députés lorsque la Chambre se réunit ainsi que dans un intervalle de cinq jours précédant ou suivant le jour où elle se réunit, la même règle s'appliquant aux députés membres de comités, chaque fois que les comités se réunissent si la Chambre ne siège pas.
    C'est ainsi que se conclut mon exposé, monsieur le président.

[Français]

    Il me fera plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup à tous les deux.
    Collègues, compte tenu de l'importance de nos travaux, je propose que la traduction des deux décisions figure dans le procès-verbal électronique de cette séance afin que que nous disposions d'une documentation complète pour consultation future.
    Je vais poursuivre.
    Oui, Rob.
    Excusez-moi un instant. Voulez-vous parler des décisions judiciaires?
    Oui.
    Pour ce qui est de la Cour d'appel de l'Ontario, nous en avons demandé la version dans la deuxième langue officielle, qui nous a été fournie.
    Rob, nous nous occupons nous-mêmes de la traduction de Télézone.
    Non, j'ai la version française de la Cour d'appel pour la cause Télézone. La Cour d'appel a accepté. J'ai expliqué qui était le client et elle a accédé à ma demande.
    Je n'ai pas la traduction de la décision de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique car je n'en ai pas demandé la version française.
    Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le président, je crois qu'il serait plus sage de demander en premier lieu à la cour de fournir la version française de sa décision.
(1125)
    D'accord, si je comprends bien, c'est à la cour et non à nous de fournir la traduction.
    Thomas me signale que nous en avons la version française.
    Par égard pour la cour, si elle souhaite fournir une traduction, je crois qu'il faut lui en laisser le privilège. Sinon, c'est à nous de nous en occuper.
    Compte tenu de tout ceci, la traduction de ces deux décisions devrait être versée dans le procès-verbal électronique, si cela vous va.
    Je vais procéder de la façon habituelle, soit des échanges de cinq ou six minutes. Sur ma liste figurent jusqu'à présent : Dale Johnston, Elinor Caplan, Michel Guimond, Roger Gallaway, Yvon Godin.
    Dale.
    Merci pour votre exposé, messieurs. Je dois dire que je me sens légèrement dépassé, puisque je n'ai pas fait d'études de droit.
    Lorsque nous parlons des 40 jours après une session et des 40 jours avant une session, parlons-nous de 40 jours civils ou de 40 jours ouvrables? C'est ma première question.
    Autant que je sache, monsieur Johnston, il s'agirait de 40 jours civils.
    J'allais vous demander en quoi cela toucherait les fonctions judiciaires; je sais en effet que les députés en sont exemptés, mais peut-être que Rob a déjà répondu en partie à cette question. Une autre question se pose toutefois. L'assignation de juré indique bien que les députés, les membres de l'Assemblée législative, font partie des personnes exemptées. Par conséquent, si l'on décidait de modifier le privilège, notre exemption de fonction judiciaire en serait-elle nécessairement modifiée?
    Monsieur le président, on peut évidemment parler comme toujours des deux côtés de la médaille. La loi relative aux fonctions judiciaires et aux exemptions existe bel et bien et elle seule peut prévoir l'exemption du groupe que représentent les députés.
    L'autre côté de la médaille, c'est que toute poursuite—quelle qu'elle soit—qui par la force de la loi exige la comparution d'un député dépend du droit de la Chambre de bénéficier de la présence du député à la Chambre pendant une session, ainsi que 40 jours avant et après. Par conséquent, si l'exemption des députés est prévue toute l'année, pas de problème, cela ne nous regarde pas. La Chambre pourrait toutefois dire avec fermeté, si elle le voulait—il pourrait bien sûr y avoir dérogation—«si vous vous attendez à ce que ce député participe au processus de sélection des jurés le jour où siège la Chambre, ou dans les 40 jours prévus, n'y comptez pas»; à ce moment-là, aucun changement n'est possible. C'est ce qui compte.
    Je me demande alors s'il est-il jamais possible d'être convoqué comme témoin en tant que député. Est-ce prévu? Compte tenu des 40 jours avant et des 40 jours après, il ne me semble pas... La loi pourrait tout aussi bien indiquer que vous êtes exempté tant que vous êtes député élu. S'il est possible d'être convoqué à titre de témoin... Si je comprends bien, être convoqué à titre de témoin ou à titre de partie sont deux choses différentes, n'est-ce pas? Il n'y a pas de différence? Est-ce jamais prévu? C'est ma question. Un député peut-il être jamais convoqué?
    Le coeur du problème, monsieur Johnston, à mon avis, c'est la nature de notre calendrier parlementaire, de nos sessions, qui a changé.
    Les 40 jours prévus avant et après font partie de ce dont nous avons hérité au moment de la Confédération, en 1867. À l'époque des calèches, un tel principe était peut-être valable. Les sessions annuelles du Parlement duraient rarement plus de deux ou trois mois. L'intersession était considérablement plus longue.
    On pourrait toutefois soutenir que comme les sessions durent jusqu'à concurrence de deux et trois ans, et que les intersessions ne durent que rarement 80 jours, que la règle des 40 jours avant et des 40 jours après devrait être revue et corrigée dans le contexte de l'année 2004. Je n'ai pas examiné les données des 10 dernières années, mais j'ai l'intuition que les possibilités d'être tenu de comparaître sont sans doute rares, espacées et très limitées dans le temps.
(1130)
    Même si les possibilités ne sont pas complètement nulles, elles le sont, à toutes fins pratiques.
    À votre avis, à l'un ou à l'autre, pensez-vous que des députés pourraient être appelés à comparaître en tant que témoins ou parties au cours d'une session?
    Quitte à tomber dans le jargon juridique et utiliser des définitions jésuitiques, il faut faire la distinction entre un député témoignant en cour et un député contraint de comparaître en vertu d'une ordonnance de la cour. C'est ce dernier cas qui nous préoccupe. Rien n'empêche un député de témoigner en cour, s'il le souhaite. La meilleure chose, selon moi, c'est que les députés coopèrent dans le contexte de poursuites judiciaires et se rendent disponibles chaque fois qu'ils le peuvent. Tout privilège risque d'être bafoué si l'on en abuse, même si c'est peut-être parfois le fait de la Chambre elle-même.
    Ces 40 jours sont bien sûr un problème, mais le même problème se pose dans le cas des 14 jours, comme l'indique la Cour fédérale à Calgary. La Chambre peut ajourner en juin pour l'été, tout le monde s'attendant à une prorogation et à une nouvelle session à l'automne. La session doit reprendre d'ici le 16 septembre, par exemple, avec prorogation le 15 ou le 14, puisque c'est le gouverneur général qui en décide, en vertu de sa prérogative royale; puis la nouvelle session commence.
    Il n'est pas difficile de court-circuiter le processus de manière à ce que l'on ne dispose pas de 14 jours avant les élections. Bien sûr, il faut également prévoir une certaine période pour les élections. S'il est possible à ce moment-là de convoquer des députés en cour, il se peut qu'ils soient légitimement occupés à autre chose, et c'est alors qu'ils reçoivent une assignation à comparaître. La personne qui envoie cette assignation perd patience, puisqu'elle attend depuis longtemps. Reste donc à savoir s'il faut faire tomber la règle des 40 jours.
    D'accord.
    Yvon Godin.

[Français]

    Je n'étais pas ici au début de la présentation, je m'en excuse. Juste pour clarifier l'histoire des chevaux et de la charrette, n'est-ce pas de là que c'est venu? En 1867, je ne pense pas qu'on se promenait en Boeing 747. C'est de là que viendrait la recommandation selon laquelle il serait peut-être temps de moderniser le système. Ne faut-il pas reculer dans le temps et vraiment voir quelle était la raison et la raison seulement, et non pas revenir aujourd'hui et profiter de cette raison pour se cacher derrière ce règlement? On ne peut plus se cacher: le cheval et la charrette sont partis.
    J'aimerais avoir votre opinion là-dessus et savoir s'il y a eu des recherches de faites afin de déterminer si, quand cela a été institué, en 1867, c'était pour la simple raison qu'on ne pouvait pas traverser le pays dans tant de jours, qu'on ne pouvait pas se rendre à la cour, que c'était tout simplement impossible, ou si c'était seulement pour protéger le Parlement. Cependant, il faut toujours tenir compte de la distance; je ne peux pas aller en Colombie-Britannique en six heures.
    Le privilège parlementaire, dans notre système parlementaire britannique, a hérité de tout ce qui existait au Parlement britannique au moment de la Confédération. Mais dans toutes mes lectures sur le privilège parlementaire, je n'ai jamais vu une expression définitive de la raison pour laquelle il y a un délai de 40 jours avant et de 40 jours après. Je peux spéculer, mais c'est de la spéculation, c'est tout. On a juste hérité de ce qui existait.

[Traduction]

    Monsieur le président, je n'ai pas entendu quiconque émettre d'hypothèses ou faire un raisonnement définitif au sujet de l'existence des 40 jours.

[Français]

    Le Parlement britannique était comme ça en 1867 et c'est ce dont on a hérité. Est-ce qu'il a changé depuis, ou y a-t-il d'autres pays qui avaient à peu près la même règle et qui l'ont modifiée ou modernisée?
(1135)
    Le Parlement britannique, monsieur Godin, par l'intermédiaire du Président, a examiné ces questions deux fois dans un comité parlementaire mixte, des deux Chambres. Des recommandations ont été faites, mais on n'a jamais donné suite à ces recommandations. Donc, je peux dire qu'en Angleterre, les 40 jours restent tels quels.
    Est-ce qu'on pourrait voir ces recommandations?
    Je crois que oui. Je ne sais pas si votre greffier les a déjà insérées dans vos cahiers. Il y a des cahiers qui circulent. Je suis sûr que les rapports des deux comités britanniques s'y trouvent. Sinon, on peut toujours vous fournir l'information.

[Traduction]

    Merci, Yvon.
    Étant donné les circonstances, l'ordre d'intervention a légèrement changé si bien que je cède maintenant la parole à Elinor Caplan, puis, à Michel Guimond, et ensuite, à Roger Gallaway, si cela vous va. Nous reviendrons ensuite aux Conservateurs.
    Elinor Caplan.
    Merci beaucoup.
    Je trouve la discussion intéressante et importante. Je suis au courant des jugements qui ont été rendus par les tribunaux, mais pas de celui de janvier. Je me demande si vous avez jeté un coup d'oeil aux précédents qui ont été établis au fil des ans à la suite des démarches entreprises, ou non, par les députés, et si ces précédents ont eu une incidence sur les privilèges. Voilà pour le premier point.
    Le deuxième point est le suivant : si nous comptons discuter de la question des privilèges, monsieur le président—et nous ne l'avons pas fait depuis les années 1800, la télévision n'existant pas à l'époque—alors nous devrions également examiner le privilège que constitue le fait de tenir des propos diffamatoires, ou d'utiliser des expressions pouvant être considérées comme telles, à la Chambre, et ce, depuis l'avènement de la télévision.
    À l'origine, lorsque le principe des privilèges a été établi à la Chambre, tout était consigné au hansard. Toutefois, on ne disposait pas des moyens de diffusion qui existent aujourd'hui et qui font que les propos, s'ils sont clairement tenus à l'extérieur de la Chambre, peuvent faire l'objet de poursuites en diffamation. Voilà un autre point qu'il faudrait examiner.
    Le fait que le public entende des propos à la télévision ou les lise dans les journaux... Si nous avons des inquiétudes au sujet des privilèges dont bénéficie le député, et de la façon dont nous sommes tous, des deux côtés de la Chambre... J'inclus tout le monde, parce que j'ai été député de l'opposition pendant sept ans à Queen's Park et que j'ai moi-même donné dans la rhétorique, sachant que je bénéficiais d'une certaine protection. Il n'est aucunement question, ici, de partisanerie. Il est important de savoir comment nous voulons être perçus par le public, et si nous devons revoir les règles régissant les privilèges à la Chambre qui nous permettent de tenir des propos qui, à l'extérieur de celle-ci, auraient des ramifications et des incidences contre lesquelles ces mêmes règles nous protègent.
    Je tenais à soulever ce point, car je pense qu'il faut revoir l'ensemble de la question du privilège. Nous devons, si nous voulons actualiser les règles, examiner tous les droits qui sont considérés comme un privilège.
     Messieurs, avez-vous des commentaires à faire?
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à dire à Mme Caplan que, parmi les pays qui sont dotés de régimes de type Westminster, certains font preuve d'une plus grande rigueur et examinent régulièrement les règles régissant les privilèges. Je sais qu'au moins deux comités au Royaume-Uni ont procédé à une analyse assez rigoureuse de l'ensemble des privilèges accordés aux députés et formulé des recommandations à ce sujet. L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont eux aussi effectué de tels examens.
    Au Canada, aucun comité spécial des deux Chambres n'a été chargé de revoir la question du privilège depuis environ 1976. Le dernier à l'avoir fait est le Comité spécial sur les droits et les immunités des députés, et on aurait souhaité à l'époque qu'il en fasse un examen plus approfondi.
    Il faudrait probablement donner à cette question toute l'attention qu'elle mérite.
(1140)
    Merci de la suggestion et des commentaires.
    Roger Gallaway.
    Les privilèges, comme vous l'avez mentionné, sont définis à l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Vous avez dit, et c'est là un point intéressant, qu'un des tribunaux a reconnu, dans son jugement, que les privilèges parlementaires, la règle des 40 jours, existaient déjà le 1er juillet 1867 et qu'il ne revenait pas au tribunal, du moins dans ce cas précis—je pense que c'est la Cour d'appel de l'Ontario qui l'a dit—de les modifier.
    Je tiens à signaler qu'il y a une autre loi, soit la Loi sur la Cour suprême, qui dispose qu'un tribunal doit tenir compte de la Constitution dans ses jugements. Or, la Constitution, comme nous le savons, est composée de nombreux documents. Il se peut que ce soit l'ensemble de ces documents qui sont visés par l'article 52 de la Loi de 1982 sur le Canada .
    Ma question est la suivante, et elle est probablement injuste, mais je vais la poser quand même : comment un juge peut-il faire abstraction de l'article 18 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, sachant qu'il doit tenir compte de la Constitution quand il rend un jugement? En fait, nous savons maintenant que les tribunaux ont, dans deux cas, fait fi complètement de ce que dit la Constitution. Comment, à votre avis, une telle chose a-t-elle pu se produire?
    Monsieur le président, je ne veux pas manquer de respect envers les tribunaux—et je plaisante, en partie—mais il faut reconnaître leur ignorance sur ce chapitre. Nous n'avons pas une copie de la Loi sur le Parlement du Canada, mais l'article 5 dispose que les pouvoirs, immunités et privilèges parlementaires de la Chambre doivent être pris en compte par les tribunaux et qu'ils n'ont pas à être démontrés—ils sont admis d'office devant les tribunaux. Or, pensez-vous que je ne prendrai pas la peine d'envoyer un avocat défendre mon point de vue dans l'affaire Télézone, au motif que je n'ai pas à m'inquiéter, qu'ils savent ce qu'est un privilège? On aurait tort de supposer une chose pareille.
    J'ai une formation d'avocat, et j'ai pratiqué le droit pendant de nombreuses années. Or, je me rends compte, depuis mon arrivée à la Chambre, que l'on ne sait pas grand-chose sur le sujet. Quand je téléphone à des avocats qui ont beaucoup d'années d'expérience et que je leur parle du privilège parlementaire, ils répondent «le quoi?»
    Donc, il y a énormément de personnes au sein de la communauté juridique qui ont beaucoup à apprendre sur la question.
    Les tribunaux sont peut-être censés admettre d'office l'existence du privilège parlementaire, mais vous avez tort de présumer qu'ils vont le faire. Ce n'est qu'une fois que l'on porte la question à leur attention, comme on l'a fait dans le cas de la Cour d'appel de l'Ontario, qu'ils semblent prêts à en tenir compte.
    L'article 5 dispose que les privilèges, immunités et pouvoirs que possèdent...
    Oui, c'est à cet article que je faisais allusion.
(1145)
    Vous le connaissez.
    Ensuite, les tribunaux—et cela ne se limite pas à la Cour suprême—ont fait dans plusieurs jugements des déclarations plutôt surprenantes au sujet de leurs pouvoirs. Dans ce sens, la Cour suprême du Canada a créé une nouvelle doctrine, une sorte d'approche contextuelle à l'interprétation de certains documents constitutionnels.
    Permettez-moi de vous donner un exemple. L'article 91.26 de la Loi sur l'Amérique du Nord britannique qui, la dernière fois que j'ai vérifié, figure toujours dans la Constitution, définit les pouvoirs du Parlement. Il précise que le Parlement a le pouvoir d'adopter des règlements régissant le mariage et le divorce. Le sens du mot «mariage» était déjà connu le 1er juillet 1867. La définition existait déjà. Or, la Cour a décidé, en appliquant cette approche contextuelle, qu'elle pouvait redéfinir cette notion.
    Qu'est-ce qui empêcherait alors un tribunal—et on pense d'abord à la Cour suprême du Canada—de redéfinir les privilèges que possède cette institution-ci, privilèges qui sont déjà inscrits dans la Constitution, en utilisant cette approche dite contextuelle, peu importe ce qu'on entend par là?
    Monsieur le président, cette méthode contextuelle s'apparente à ce qu'on appelle, dans un autre contexte, la morale de situation. Autrement dit, vous analysez la situation et vous essayez de trouver un moyen d'en sortir.
    Ce à quoi vous faites allusion, monsieur Gallaway, c'est le débat qu'ont engagé les constitutionnalistes aux États-Unis durant les années Reagan, débat que poursuivent toujours le juge Scalia et la Cour suprême des États-Unis. La question que l'on se pose est la suivante : est-ce que la Constitution reflète réellement la pensée des pères de la nation qui l'ont rédigée, ou est-ce qu'elle est, si l'on se fonde sur la jurisprudence, un arbre vivant? S'agit-il d'un document évolutif qui fait l'objet d'une nouvelle interprétation au fur et à mesure que la société et les temps changent? Il y a un sens sous-jacent à ces mots qui peut prendre une forme différente tout au long de l'histoire. C'est d'ailleurs ce qu'on veut dire par interprétation contextuelle.
    Pour revenir à la question du privilège, la Cour suprême du Canada, et maintenant la Cour d'appel de l'Ontario, ont reconnu à juste titre qu'elles n'ont pas à intervenir dans le débat entourant les privilèges de la Chambre des communes, sauf si elles souhaitent que la Chambre des communes intervienne dans le débat entourant les privilèges qui les concernent. Comme le veut l'adage, ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre.
    Le mariage n'est qu'une notion, tout comme l'analogie de l'arbre vivant, dont le sens peut changer au fil du temps. D'autres concepts dans la Constitution peuvent évoluer avec le temps. Il est question ici, comme vous le savez, du privilège parlementaire en tant que partie intégrante de la Constitution du Canada, mais du droit non écrit. À mon avis, la Cour suprême du Canada ferait preuve d'audace si elle affirmait qu'elle allait redéfinir à la baisse les privilèges de la Chambre des communes. Cela reviendrait à assujettir la Chambre des communes et le Parlement aux jugements des tribunaux, ce qui est contraire à la Constitution en ce sens que cela crée une inégalité ou un déséquilibre dans les organes respectifs du gouvernement.
    Je tiens à préciser que la doctrine de l'arbre vivant a été énoncée il y a plus d'une cinquantaine d'années de cela—l'arbre croît rapidement—et que, depuis, l'approche contextuelle définie par les juges Wilson et Iacobucci, et la juge en chef elle-même, a beaucoup évolué. Pensez-vous que les tribunaux—et je parle des tribunaux en général—ont compris que le document avec lequel ils sont en train de jouer est, en fait, la Constitution? Je tiens à m'assurer que l'activisme des tribunaux est chose du passé.
    Soyez bref. Roger peut, si on veut, intervenir un peu plus tard. Ce devrait maintenant être au tour de quelqu'un d'autre.
    Il n'y a pas de fin à ce qu'un avocat peut faire. Dans un sens, il va toujours y avoir plus de causes qui ramènent la même question devant les tribunaux.
    Les tribunaux au Canada ont fini par reconnaître, récemment, ce qu'est le privilège parlementaire. Ils ont également compris qu'il est important pour eux de s'en remettre aux institutions parlementaires quand vient le temps de définir celui-ci.
    Roger, vous pourrez intervenir plus tard.
    Nous allons maintenant entendre Loyola Hearn. Ce sera ensuite au tour de la présidence.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Si je ne m'abuse, il était déjà question des privilèges parlementaires au début des années 1600. Bien entendu, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique a entraîné l'instauration du système parlementaire britannique au Canada. Je songe aux nombreuses personnes très compétentes qui ont probablement attaché beaucoup plus d'importance à la réforme parlementaire que nous ne le faisons, et qui ont évité de toucher à la question du privilège parlementaire. Aujourd'hui, c'est la mentalité des poursuites qui prime et je me demande ce qui se passerait si nous n'avions pas de privilèges. Nous passerions plus de temps devant les tribunaux qu'à la Chambre.
    Donc, je suis d'accord, et ce que nous avons dit quand la question de privilège a été abordée par le leader du gouvernement à la Chambre de l'époque, c'est qu'il n'est pas nécessaire de réparer quelque chose qui fonctionne. À mon avis, les règles actuelles sont adéquates. Nous devrions peut-être remercier les tribunaux d'avoir reconnu le fait que nous sommes les maîtres de notre destinée. Si nous changeons les règles, d'autres, y compris les tribunaux, vont être tentés de faire de même. Monsieur le président, je pense que le jugement qui a été rendu sert nos intérêts. Il vaut mieux laisser les règles telles quelles.
(1150)
    Puis-je faire une intervention et ensuite, Roger, vous céder la parole? Est-ce que cela vous convient?
    Nous pensons que la question est hypothétique, sauf que, dans les faits, elle ne l'est pas. Notre comité, parce qu'il est responsable de la procédure et des affaires de la Chambre, a rencontré une délégation de parlementaires d'un autre pays. Ils voulaient se familiariser avec notre mode de fonctionnement. Dans ce cas-ci, c'est la définition de la session du Parlement qui est en cause—14 jours avant, 14 jours après, 40, ainsi de suite.
    D'après les règles en vigueur dans leur pays, le député doit être présent quand le Parlement siège. S'il ne fait pas acte de présence pendant six mois, il perd ses privilèges parlementaires. Ils ont cité le cas d'un député d'une circonscription éloignée qui devait se présenter devant les tribunaux pour répondre à des accusations de vol. Il s'était caché. La police l'a cherché pendant 5 mois et 29 jours, ou quelque chose du genre. Il s'est rendu aux autorités l'avant-dernier jour. On allait, au retour de la délégation, l'enchaîner, l'accompagner jusqu'à l'entrée du Parlement et ensuite lui enlever les chaînes pour qu'il puisse franchir les portes du Parlement et bénéficier des privilèges parlementaires pendant encore six mois.
    Je me suis demandé... Nos collègues laissent entendre que nous bénéficions d'une protection pendant toute l'année. Or, supposons qu'un député, pour une raison ou pour une autre—et non pas pour cause de maladie—ne se présente pas. Sommes-nous obligés d'être présents, ou suffit-il que le Parlement siège?
    Il n'existe aucune obligation juridique en ce sens.
    Monsieur le président, le député n'est pas tenu, légalement, de faire acte de présence. On juge qu'il remplit un engagement public lorsqu'il se trouve dans sa circonscription. Certains privilèges ne s'appliquent qu'aux délibérations qui ont cours au Parlement. D'autres s'appliquent à la période plus longue durant laquelle le Parlement siège, qu'il y ait ajournement ou non.
    Dans l'exemple que vous avez cité, le député était l'objet d'accusations au criminel. Il n'y a rien, dans notre régime, qui protège un député dans ces circonstances.
    Si j'ai cité ce cas, c'est en partie parce que nos collègues ont laissé entendre qu'on a eu recours à la corruption pour amener le député jusqu'aux portes du Parlement. Autrement dit, il s'est livré à la police, sauf qu'on a dû négocier avec lui pour le convaincre.
    Roger Gallaway, brièvement.
    Sur ce point, monsieur le président, il faut qu'au moins 20 députés fassent acte de présence une fois par année.
    Oui, et en même temps. C'est ce qui constitue le quorum. C'est là une exigence constitutionnelle, monsieur le président.
    Roger, brièvement. Je vais ensuite clore le débat. Chers collègues, j'aimerais que le comité se réunisse à huis clos pendant une dizaine de minutes pour discuter de la suite à donner au dossier.
    Roger.
    Je me demande si vous êtes en mesure de nous dire s'il y a quelqu'un au Canada ou dans un autre pays doté d'un système de gouvernement de type Westminster qui se penche sérieusement sur la question. Nous avons perdu M. Forsey. M. Eglinton, son attaché de recherche, vit toujours, mais il n'est pas ici. Il poursuit d'autres activités. Y a-t-il quelqu'un au Canada qui examine présentement la question du droit du Parlement? Nous nous trouvons dans une dynamique étrange où le droit du Parlement risque d'être soumis à l'influence des tribunaux, alors que nous oublions que cette institution est elle-même un tribunal. Je voudrais savoir s'il y a quelqu'un qui se penche activement sur ce dossier.
(1155)
    Monsieur le président, Joseph Maingot, un ancien légiste, a écrit un ouvrage sur le privilège qui fait autorité au Canada. Il en a produit une deuxième édition. J'ai appris qu'il envisage d'effectuer une analyse comparative du privilège parlementaire au Canada et dans d'autres pays dotés de régimes de type Westminster, et peut-être aussi de comparer ces règles avec celles en vigueur dans certains pays d'Europe.
    Le fait est que le milieu universitaire au Canada n'accorde pratiquement aucune attention à cette question. Je ne connais aucun universitaire qui est spécialisé dans ce domaine.
    Merci, Roger.
    Chers collègues, je vais dans un instant remercier nos témoins. Nous allons ensuite discuter brièvement, à huis clos, des mesures que nous allons prendre dans ce dossier.
    Avant de faire cela, je tiens à dire, aux fins du compte rendu, que nous allons rencontrer, jeudi, si c'est possible, Jacques Saada, pour parler du plan d'action ou encore du projet de loi C-3. Si ce n'est pas possible—nous sommes en train d'en discuter avec lui—je propose que le comité invite le Président à venir discuter, à huis clos, de la sécurité sur la colline du Parlement.
    Yvon Godin.

[Français]

    Avant de partir, j'aimerais simplement poser une question rapidement. On nous a présenté deux cas relatifs au privilège. Est-ce qu'il y a beaucoup de cas? Est-ce qu'il y a des données à ce sujet? Y en a-t-il deux, dix, vingt? Est-ce devenu un problème ou quoi?
    Non, on reste avec le même privilège qu'avant.
    Je parle des personnes qui le demandent. Combien y a-t-il de cas?
     Il y en a quatre, je crois, y inclus les deux dont on a parlé.
    On en a un troisième, le chef Victor Buffalo, et

[Traduction]

    le Schwartz Hospitality Group contre HMTQ, qui vise l'ancienne ministre Sheila Copps. Il y a eu le cas présenté par Robert Gauthier, qui a été réglé, et un autre visant M. Quigley, dans votre coin du pays, qui a été réglé lui aussi. Il y a un employé de la Chambre des communes qui a soulevé une question de privilège, et la Cour suprême du Canada a été saisie du dossier.

[Français]

    D'accord, mais dans le cas Quigley, par exemple, il n'était pas question de vouloir amener des députés à la cour ou quelque chose comme cela, c'était simplement une interprétation du privilège afin d'obtenir CPAC dans les deux langues. Cela n'a rien à voir avec ce dont on parle.
    Non, c'est cela. Aucune action ne présente le même problème.
    C'est l'ensemble de tous les cas qui traitent du privilège.

[Traduction]

    Merci, Yvon.
    Je voudrais remercier Bill Corbett, le greffier du comité, et aussi Rob Walsh, qui agit à titre de légiste et conseiller parlementaire. Messieurs, merci de vos exposés. Rob, je sais que vous avez comparu devant des comités pendant toute la matinée, et nous vous savons gré d'être venu nous rencontrer.
    Nous allons maintenant nous réunir brièvement à huis clos. Les personnes qui ne peuvent assister à la réunion sont priées de quitter la salle. Nous allons discuter de la suite à donner au dossier.
    [Le comité se réunit à huis clos]