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SREN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Sous-comité du renouvellement de la fonction publique du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 3 février 2003




» 1740
V         Le président (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.))

» 1745
V         Le président
V         M. Ercel Baker (président et directeur général, Baker Group International Inc., À titre individuel)

» 1750

» 1755
V         Le président
V         M. John Fryer

¼ 1800

¼ 1805
V         Le président
V         M. David R. Zussman (président, Forum des politiques publiques)

¼ 1810

¼ 1815

¼ 1820
V         Le président
V         Mme Linda Duxbury (professeure, «School of Business», Université Carleton, directrice de la recherche, «Centre for Research and Education on Women and Work», À titre individuel)
V         Le président
V         Mme Linda Duxbury
V         Le président
V         Mme Linda Duxbury

¼ 1825

¼ 1830
V         Le président
V         Mme Linda Duxbury

¼ 1835
V         Le président
V         Le président
V         M. John Fryer
V         Le président
V         M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne)
V         M. John Fryer
V         M. Paul Forseth
V         M. John Fryer

¼ 1850
V         Le président

¼ 1855
V         Mme Linda Duxbury
V         Le président
V         Mme Linda Duxbury
V         Le président
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Paul Forseth
V         Mme Linda Duxbury
V         Le président
V         M. Paul Forseth

½ 1900
V         Mme Linda Duxbury
V         Le président
V         M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ)

½ 1905
V         Le président
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Robert Lanctôt
V         Mme Linda Duxbury
V         M. Ercel Baker

½ 1910
V         M. Robert Lanctôt
V         M. Ercel Baker
V         Mme Linda Duxbury
V         M. John Fryer
V         Le président
V         M. Ercel Baker

½ 1915
V         Le président
V         M. Robert Lanctôt
V         Le président
V         Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.)

½ 1920
V         Le président
V         M. John Fryer
V         Mme Linda Duxbury

½ 1925
V         Le président
V         Mme Judy Sgro
V         M. David R. Zussman
V         Mme Judy Sgro

½ 1930
V         Mme Linda Duxbury
V         Le président
V         M. John Fryer
V         Le président
V         M. John Fryer
V         Le président
V         M. John Fryer
V         Le président
V         M. John Fryer

½ 1935
V         Le président
V         M. John Fryer
V         Le président
V         M. David R. Zussman
V         Le président
V         Mme Linda Duxbury

½ 1940
V         Le président
V         M. John Fryer
V         Le président
V         M. John Fryer
V         Le président
V         M. Ercel Baker

½ 1945
V         Le président
V         M. Ercel Baker
V         Le président
V         M. Ercel Baker
V         Mme Linda Duxbury
V         Le président
V         M. Ercel Baker
V         Le président










CANADA

Sous-comité du renouvellement de la fonction publique du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires


NUMÉRO 002 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 février 2003

[Enregistrement électronique]

»  +(1740)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)): La séance est ouverte. Bienvenue à tous.

    Il s'agit de la séance inaugurale du Sous-comité du renouvellement de la fonction publique du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires. Nous accueillons M. David Zussman, président, Forum des politiques publiques; M. John Fryer, de l'Université de Victoria, président du comité consultatif sur les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale; M. Ercel Baker, président et chef de direction, Baker Group International Inc.; et je crois savoir que Mme Linda Duxbury, de l'Université Carleton, se joindra à nous sous peu. Je vous remercie tous d'être venus.

    Avant de commencer, comme il s'agit de notre première séance, je pense qu'il serait bon d'expliquer quelque peu ce que nous entendons faire. Notre sous-comité relève du Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, et nous avons intitulé notre étude «Une fonction publique moderne et responsable». À l'issue de nos travaux, nous espérons pouvoir conclure soit que nous avons une fonction publique entièrement moderne et responsable--bien que je soupçonne, dans un monde constamment en quête d'amélioration, que l'on puisse toujours perfectionner quelque chose, peu importe qui... Essentiellement, nous voulons examiner certaines initiatives de renouvellement de la fonction publique lancées en 1997 et après, pour juger de leur influence et déterminer si elles ont été efficaces ou non.

    Bien des questions que nous étudierons suscitent beaucoup d'intérêt. Comme vous le savez, à l'heure actuelle notre fonction publique repose sur un certain nombre de règles. Compte tenu du monde dans lequel nous vivons, est-ce là un cadre que nous voulons conserver, ou pouvons-nous élaborer pour la fonction publique des modèles davantage axés sur les résultats?

    En ce qui concerne le principe de la responsabilité, ces dernières années, quelques incidents ont fait l'objet d'une importante couverture médiatique--Ressources humaines Canada, le registre des armes à feu, les commandites au Québec, pour n'en nommer que quelques-uns. Ces dossiers ont relancé le débat au sujet de la responsabilité ministérielle par rapport à la responsabilité des fonctionnaires.

    Au sein du comité plénier, nous avons aussi énormément discuté de la nécessité d'avoir une meilleure gestion horizontale. Notre comité souhaite examiner cela dans le contexte de la fonction publique et se pencher sur tout aspect organisationnel ou structurel susceptible d'entraver ou de favoriser une bonne gestion horizontale.

    Il y a quantité d'autres questions horizontales, comme la planification de la relève. Est-ce faisable dans la fonction publique? Dans quelle mesure y veille-t-on? La notion de rémunération au rendement, la formation et le perfectionnement sont aussi des sujets qui nous intéressent. Comme vous le voyez, notre mandat est plutôt vaste.

    Sur ce, nous allons commencer. Avez-vous tiré au sort pour décider qui allait prendre la parole en premier?

»  +-(1745)  

+-

    M. John Fryer (professeur adjoint, École d'administration publique, Université de Victoria): Nous avons décidé de procéder par ordre alphabétique--M. Baker, moi-même et ensuite, David Zussman.

+-

    Le président: Très bien.

    Monsieur Baker, vous avez la parole. Prenez une dizaine de minutes, si vous en avez besoin. Ensuite, ce sera au tour de M. Fryer, suivi de M. Zussman. Puis, nous passerons aux questions et commentaires des députés.

    Monsieur Baker.

+-

    M. Ercel Baker (président et directeur général, Baker Group International Inc., À titre individuel): Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir invités à comparaître devant vous.

    Pendant les dix minutes qui me sont allouées, je voudrais faire essentiellement trois choses: me présenter brièvement en vous donnant un aperçu de mes antécédents dans la fonction publique; évoquer un grand mythe, à mon avis, soit que la fonction publique et le secteur privé sont identiques; et enfin, vous communiquer ce que je juge être les principales caractéristiques d'une fonction publique moderne.

    En ce qui me concerne, avant de quitter le gouvernement, en 1995, j'ai servi pendant près de 37 ans dans la fonction publique. Pendant tout ce temps, j'ai occupé divers postes répartis presque également entre le domaine des ressources humaines et de la gestion hiérarchique. Je le mentionne pour que vous compreniez que mes observations sont celles d'un spécialiste des ressources humaines et d'un cadre hiérarchique. J'ai aussi fait partie du comité Fryer et depuis 1988, je suis consultant auprès du gouvernement chinois, qui cherche à moderniser sa fonction publique.

    Au sujet du mythe que j'ai mentionné, c'est-à-dire l'idée reçue voulant que la fonction publique et le secteur privé soient de nature très similaire, j'ai une opinion très arrêtée. J'estime qu'il existe des différences fondamentales entre les deux secteurs.

    Dans la fonction publique, il n'y a pas d'indicateurs de succès immédiats. L'incidence des décisions ne se fait sentir que bien des années plus tard. Dans la fonction publique, le milieu de travail est beaucoup plus diffus que dans le secteur privé.

    La responsabilité des gestionnaires du secteur public est beaucoup plus éclatée que dans le secteur privé. Ils doivent rendre des comptes aux ministres, aux agences centrales et, bien entendu, à la population. À mon avis, cette responsabilité relative à la gestion des ressources exige un niveau de probité plus grand que dans le secteur privé, tout simplement parce que les ressources en question sont nos ressources; c'est la population qui nous paie.

    En raison de ces différences, il faut adopter une approche différente en matière de recrutement. Les fonctionnaires doivent être très compétents--et c'est un trait commun avec le secteur privé--, mais ils doivent faire preuve de dévouement plus grand que ce à quoi on s'attendrait dans le secteur privé. Bon nombre de fonctionnaires considèrent leur travail comme une vocation, plutôt que comme un simple emploi. À mon sens, c'est un élément absolument essentiel dans une fonction publique moderne. Dans un milieu optimal, les fonctionnaires doivent sentir que leur travail est apprécié, qu'ils ont une raison d'être et qu'ils oeuvrent à la réalisation d'un objectif à long terme. Chose importante, il ne faut pas croire que les pratiques du secteur privé sont automatiquement bonnes pour le secteur public. D'après mon expérience, certaines le sont, mais un grand nombre ne le sont pas.

    Comme il s'agit de votre première séance, j'ai réfléchi à ce que je pourrais dire pour vous aider dans vos délibérations futures. Voilà pourquoi j'ai jugé bon de vous communiquer une perspective très personnelle de certaines des caractéristiques d'une fonction publique moderne, perspective qui a été façonnée au fil de 43 ans d'expérience professionnelle, dont 36 ans et demi dans la fonction publique.

»  +-(1750)  

    La première caractéristique--qui devrait être évidente--, le service au public doit être marqué sous le sceau de la compétence et de la neutralité. Il ne faut jamais oublier la raison pour laquelle nous sommes là.

    Dans la fonction publique idéale, les sous-ministres auraient des responsabilités claires ainsi que les ressources voulues pour gérer les ressources humaines. Dans ce contexte, il s'ensuit que les sous-ministres doivent participer à la gestion des effectifs au lieu de déléguer cette responsabilité au directeur des ressources humaines. C'est là l'une des principales différences entre le secteur public et privé, d'après mes observations.

    Dans le secteur privé, le chef de direction accepte comme faisant partie de son rôle la nécessité de façonner le reste des effectifs. Par conséquent, il joue un rôle très actif dans le recrutement, la fixation des objectifs et le développement d'un milieu de travail stimulant. Pour que la fonction publique soit vraiment moderne, il faudrait qu'il y ait un changement de culture au niveau du sous-ministre à cet égard.

    Selon moi, une fonction publique moderne devrait à tout le moins offrir la possibilité de faire carrière. On dit qu'avoir une carrière n'intéresse plus les jeunes, qu'ils préfèrent des emplois à court terme. Personnellement, je n'ai pas observé cela. Je ne pense pas que ce soit vrai. Pour moi, c'est un autre mythe.

    Je suis convaincu qu'il y a encore au Canada des tas de personnes très compétentes qui pourraient être attirées par une fonction publique qui offrirait à certains groupes professionnels la possibilité de faire une carrière qui leur permette de voir les résultats de leurs décisions. Beaucoup trop souvent, les hauts fonctionnaires ne sont pas en poste suffisamment longtemps pour voir ces résultats. Je pense que c'est extrêmement important.

    Je vais maintenant identifier trois éléments entourant ce que les gens appellent généralement la dotation. Pendant un certain nombre d'années, j'ai travaillé à la Commission de la fonction publique. J'étais responsable du système de dotation au gouvernement. Ce qui me fonctionne le mieux pour moi, c'est de diviser le système de dotation en trois éléments: le recrutement, les mutations latérales et les promotions. Il s'agit là de trois activités distinctes et il y a trois raisons différentes de s'en soucier.

    Premièrement, je pense que dans une fonction publique moderne, le recrutement doit viser à trouver le meilleur candidat possible, au lieu de simplement trouver quelqu'un capable de faire le travail. Je suis conscient que cela milite sans doute en faveur du recrutement centralisé plutôt que décentralisé de certains groupes professionnels, peut-être au niveau de la gestion, certainement au niveau de la haute direction.

    Dans une fonction publique moderne, les mutations latérales seraient un véritable outil de gestion pour assurer la formation et le perfectionnement. Pour ce faire, il faut des banques de données exhaustives, au sein non seulement des ministères, mais de l'ensemble de l'appareil gouvernemental. Dans une telle fonction publique, les processus de promotion sont protégés de l'ingérence tant bureaucratique comme politique. Et j'attache une importance égale aux deux. C'est une fonction publique où la formation et le perfectionnement jouent un rôle primordial pour maintenir la compétence des effectifs à tous les niveaux.

    Enfin, si je devais vous laisser un seul message, ce serait de ne jamais oublier l'importance des gens dans tout cela.

»  +-(1755)  

    À mon avis, la réforme du secteur public est beaucoup plus simple que ne l'ont laissé entrevoir les efforts précédents. Dans la fonction publique fédérale d'aujourd'hui, on compte quatre acteurs institutionnels actifs dans la gestion des ressources humaines: le Bureau du Conseil privé, le Secrétariat du Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique et le Centre canadien de gestion.

    Au sein du Bureau du Conseil privé, il est nécessaire de créer un poste de sous-ministre chargé de s'occuper de l'ensemble des sous-ministres. C'est au sein de ce groupe que se retrouvent les leaders de l'organisation, et il me semble approprié qu'il y ait au moins une personne dont ce serait la tâche exclusive.

    De même, je pense qu'au Secrétariat du Conseil du Trésor, l'employeur, il devrait y avoir un chef des ressources humaines bien défini pour l'ensemble de la fonction publique.

    C'est ainsi qu'il y aurait quatre postes clés: le président de la Commission de la fonction publique, le président du Centre canadien de gestion; le chef des ressources humaines et le responsable au Bureau du Conseil privé. Ensemble, il leur appartiendrait d'apporter les changements nécessaires.

    Je suis convaincu que si les bonnes personnes occupaient ces quatre postes et qu'elles avaient au premier chef le mandat d'apporter les changements nécessaires, mais peut-être aussi--chose des plus importantes--une idée claire des attentes du gouvernement, cela éliminerait la nécessité de recourir constamment à des initiatives spéciales de réforme, ce qui a caractérisé les efforts des quelques dernières années.

    Merci. Je suis impatient d'amorcer la discussion avec vous.

+-

    Le président: Merci, monsieur Baker.

    Monsieur Fryer.

+-

    M. John Fryer: Merci, monsieur le président.

    Bonsoir.

    Permettez-moi de commencer en vous remerciant très sincèrement de l'invitation à partager certaines réflexions avec vous.

    J'ai 40 ans d'expérience partagés entre des fonctions de chef syndical élu dans la fonction publique, de professeur de relations de travail et de haut fonctionnaire au niveau provincial. Ces trois différentes carrières m'ont donné la possibilité de voir la fonction publique sous plusieurs angles. Il est gratifiant d'avoir l'occasion de vous communiquer certaines des leçons que j'ai apprises.

    Le thème de la discussion d'aujourd'hui est la nécessité pour le Canada d'avoir une fonction publique moderne et responsable. Le 28 mars 2002, le premier ministre a répondu au rapport annuel de la fonction publique du Canada, présenté par le greffier du Conseil privé de l'époque, M. Mel Cappe, de la façon suivante, et je cite:

À mon avis, une fonction publique compétente et neutre, dotée d'un cadre législatif moderne applicable à la gestion des ressources humaines, est cruciale si l'on veut que le gouvernement puisse répondre aux besoins des Canadiens aujourd'hui et pour les années à venir.

    Comme j'adhère totalement à ce point de vue, c'est avec enthousiasme qu'à l'été de 1999, j'ai accepté l'offre du secrétaire du Conseil du Trésor de l'époque, Peter Harder, de venir à Ottawa pour deux ans afin de présider un comité consultatif sur les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale. Un tel examen était opportun, voire tardif, étant donné que le régime actuel des ressources humaines a été mis en place dans une large mesure en 1967, dans la foulée de l'adoption de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.

    Neuf autres personnes ont été recrutées pour m'aider à mener à bien ce projet. Le comité était tripartite: trois membres représentaient le point de vue du gouvernement fédéral en tant qu'employeur, M. Baker étant l'un de ceux-là; trois autres membres représentaient les intérêts des employés et leurs 17 agents négociateurs; et enfin, trois professeurs d'université spécialistes des questions relatives à la fonction publique et auteurs de documents sur le sujet; Mme Linda Duxbury était l'un d'eux.

    Un jour, nous avons fait une petite addition et nous avons conclu que le groupe, dans son ensemble, comptait près de 400 ans d'expérience des relations patronales-syndicales et de la gestion des ressources humaines.

    Avec l'aide d'une petite équipe très compétente, nous avons produit deux rapports. Le premier, intitulé L'identification des enjeux a été publié en juin 2000. Le second, intitulé Travailler ensemble dans l'intérêt public, est paru en juin 2001.

    Au cours de notre enquête, nous avons interviewé de nombreuses personnes ayant de multiples points de vue et nous avons reçu des mémoires de la plupart des agents négociateurs. Nous avons organisé des tables rondes, fait des sondages et employé diverses autres techniques pour obtenir des avis.

    Permettez-moi de citer la conclusion générale de notre propre rapport, au point 5.6. Comme je l'ai dit, ce rapport s'intitulait L'identification des enjeux. Voici un extrait de notre conclusion:

Les constatations qui ressortent de nos diverses sources de données laissent penser qu'au cours des 10 à 15 premières années de négociation collective dans la fonction publique, les participants avaient généralement une attitude positive à l'égard du régime. Mais avec le passage du temps et les interventions unilatérales de plus en plus fréquentes du gouvernement, notamment les gels de salaire et la suspension de la négociation et de l'arbitrage, les parties sont devenues plus pessimistes quant à la capacité du régime de négociation de résoudre les problèmes. Le manque de confiance et les longs épisodes d'initiative unilatérale du gouvernement constituent probablement la préoccupation la plus sérieuse des représentants syndicaux et patronaux.

La complexité du régime de négociation collective inquiète tout spécialement les représentants de la direction, alors que les représentants syndicaux sont troublés par ce qu'ils perçoivent comme un manque de respect de l'employeur à leur égard.

Pour les syndicats, des questions telles que le champ restreint de la négociation, le nombre toujours aussi élevé de désignations, le recours à des lois de retour au travail et l'exclusion syndicale de nombreux employés demeurent des sujets de préoccupation majeure. Les représentants de la direction restent préoccupés par la durée et la complexité du processus de négociation et la structure de l'AFPC. Les deux côtés déplorent l'absence d'un organisme indépendant de recherche sur les traitements et l'incapacité du Conseil du Trésor de répondre aux besoins des divers ministères et groupes professionnels en raison de l'approche «uniforme» qu'il a adoptée en matière de négociation collective.

    Par conséquent, après avoir identifié les principaux enjeux ayant fait l'objet d'un consensus auprès des parties, le comité s'est attelé à la tâche pour tenter de trouver des solutions. Ce fut un processus long et intense, et mon objectif était d'en arriver à faire l'unanimité parmi les membres du comité. En effet, nous avions le sentiment que la pertinence de notre travail serait sérieusement compromise si le rapport final était entaché par de multiples points de vue minoritaires dissidents. Grâce aux compromis survenus au cours des travaux du comité, nous avons réussi à réaliser l'unanimité.

¼  +-(1800)  

    Le second rapport du comité, intitulé Travailler ensemble dans l'intérêt public, renferme 33 recommandations unanimes en vue d'améliorer et de moderniser les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale.

    Nous avons tenté de résumer les principales constatations du second rapport dans le sommaire qui suit:

Dans ce second et dernier rapport, nous recommandons des changements aux relations patronales-syndicales qui, à notre avis, en assureront la pérennité au cours du XXIe siècle.

Pour atteindre ce but, nous proposons un nouveau modèle, axé sur la collaboration, pour le règlement des problèmes qui surgissent en milieu de travail. Ce modèle part du principe fondamental que des efforts conjoints de la part des employés, de leurs syndicats et de l'employeur amélioreront la qualité des services offerts [à la population canadienne].

La consultation, la codétermination et la négociation collective sont autant de mécanismes appropriés pour concevoir des solutions «gagnant-gagnant» sur tous les plans aux préoccupations qui se posent en milieu de travail.

Afin de faciliter ce virage fondamental, d'une approche axée sur la confrontation à une démarche plus coopérative au règlement des problèmes, il importe de rétablir la confiance et de faire preuve, de part et d'autre, d'une volonté d'explorer différentes solutions--bref, ce qu'on désigne souvent comme un «changement ce culture».

Nous avons la conviction qu'un tel changement, bien qu'audacieux, est néanmoins possible. Nous croyons aussi que ce changement peut être facilité par une révision et une modernisation de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, en y intégrant un système unifié de règlement des plaintes individuelles pour l'ensemble de l'appareil gouvernemental et en créant un nouvel organisme qui aidera les parties à trouver des solutions mutuellement acceptables... [lorsqu'il y a rupture de la négociation collective].

Un régime des relations de travail adéquat, stable et productif devrait être la pierre angulaire d'une bonne gestion des ressources humaines dans un milieu de travail syndiqué. Les employés de la fonction publique du Canada et du secteur public en général sont presque toujours représentés par des agents négociateurs accrédités et cette situation ne devrait pas changer dans un avenir prévisible. Trouver une façon d'établir des relations de travail fructueuses entre les syndicats et l'employeur devient donc une importante question de politique publique. Le comité estime qu'il a élaboré, dans ce rapport, un nouveau cadre dont la mise en oeuvre faciliterait l'établissement de relations patronales-syndicales saines dans le secteur public fédéral.

Nous présentons ces recommandations parce que, au terme de notre réflexion, nous en sommes venus à la conclusion que le modèle industriel de la confrontation dans les relations patronales-syndicales s'est avéré, durant presque quatre décennies, mal adapté et même non approprié à la fonction publique fédérale.

Compte tenu de la diversité de nos antécédents et de nos convictions profondes, nous croyons vraiment que si nous avons pu nous entendre sur ces recommandations de changement, celles-ci méritent un examen sérieux.

Nous demandons qu'elles soient considérées comme un «tout» car elles visent à établir un nouvel équilibre aux relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale.

Par conséquent, nous recommandons à l'unanimité ces changements à toutes les parties concernées.

    Quelques mois après la publication de notre second rapport, le 25 octobre 2001, nous avons été invités à discuter de son contenu devant le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes.

    Le 7 décembre 2001, M. John Williams, député et président du comité, a déposé le 13e rapport du comité à la Chambre des communes. Il renfermait une recommandation unique, la suivante:

RECOMMANDATION : Que le rapport et les recommandations du Comité consultatif sur les relations patronales-syndicales dans la fonction publique fédérale soit étudié avec soin et qu'un suivi y soit rapidement donné.

    J'ai apporté des exemplaires de ce rapport dans les deux langues officielles, si cela intéresse les membres du comité.

    En conclusion, le Canada a besoin d'une fonction publique moderne et responsable; une fonction publique qui recrute des jeunes gens brillants de partout au pays qui sont représentatifs de la transformation démographique du pays; une fonction publique qui veut être un bon employeur en encourageant des initiatives productives qui aideront les employés à mieux concilier leur travail et leur vie personnelle; une fonction publique qui offre une rémunération et des avantages sociaux fondés sur les pratiques des bons employeurs tant dans le secteur public que privé; et enfin, une fonction publique gouvernée par un cadre législatif actualisé dans le domaine des ressources humaines et des relations patronales-syndicales.

    Mon comité a travaillé d'arrache-pied pendant deux ans pour prodiguer au secrétaire du Conseil du Trésor les meilleurs conseils possibles pour actualiser et moderniser les rapports entre le gouvernement, en tant que principal employeur du pays, et ses employés, ainsi que leurs agents négociateurs. Nous espérons sincèrement que nos recommandations pourront être utiles au comité dans son étude de la mission cruciale qu'est le renouvellement de la fonction publique.

¼  +-(1805)  

    Monsieur le président, voilà qui met fin à ma déclaration liminaire. Je suis impatient de répondre aux questions ou aux observations des membres du comité. Merci.

+-

    Le président: Merci, monsieur Fryer. Nous sommes très intéressés à recevoir des exemplaires du rapport. Personnellement, j'en ai un exemplaire que j'ai pris sur le Web. Peut-être pourriez-vous remettre ceux-ci à la greffière.

    Monsieur Zussman, veuillez vous adresser au comité.

+-

    M. David R. Zussman (président, Forum des politiques publiques): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole devant le comité ce soir.

    En guise de contexte, permettez-moi de vous dire que le Forum des politiques sociales a été fondé en 1987 avec le mandat de promouvoir l'excellence au gouvernement. Il s'agit d'un organisme sans but lucratif indépendant dont les membres sont issus de tous les secteurs de la société canadienne: milieu des affaires, gouvernement, syndicat, universités et secteur bénévole.

    Les 175 membres et plus que nous comptons croient qu'un bon gouvernement joue un rôle crucial, stratégique même pour assurer une excellente qualité de vie au Canada. À notre avis, un gouvernement est aussi compétent que le sont ses effectifs. Par conséquent, une bonne gestion des ressources humaines est le gage du succès de la fonction publique.

    Dans le but de renforcer les ressources humaines au sein de l'appareil gouvernemental, nous avons effectué de multiples recherches et amorcé bien des dialogues. Voici quelques exemples illustrant notre travail depuis trois ou quatre ans.

    Au nom de la Commission de la fonction publique, nous avons sondé les étudiants des universités en vue de concevoir des programmes de recrutement plus efficaces auprès des jeunes.

    Nous avons identifié et comparé les pratiques de gestion des ressources humaines modernes dans sept organismes de prestation de services publics, privés et autres afin de recenser les meilleures pratiques pour le gouvernement fédéral.

¼  +-(1810)  

[Français]

    Nous avons rassemblé des leaders des secteurs public et privé de tout le pays pour comparer l'efficacité des pratiques de travail.

    Nous avons réuni deux tables rondes afin qu'elles testent les idées du Groupe d'étude Fryer sur la modernisation des relations patronales-syndicales dans l'administration fédérale.

[Traduction]

    Nous avons élaboré des programmes de formation à l'intention des sous-ministres provinciaux et territoriaux nouvellement nommés.

    Nous avons fait rapport sur dix des postes de direction les plus exigeants dans la fonction publique fédérale.

    Nous avons été les seuls experts-conseils externes consultés au sujet de la conception du récent sondage des employés de la fonction publique, et nous sommes maintenant partie prenante à l'analyse et au suivi de ce sondage.

    Nous avons mené à bien un certain nombre de projets concernant le cybergouvernement. À l'heure actuelle, nous offrons un service de secrétariat au groupe consultatif externe qui prodigue des conseils au greffier du Conseil privé sur la modernisation de la gestion des ressources humaines au gouvernement fédéral.

[Français]

    Ce ne sont là que quelques exemples de projets récents. Notre but est de garantir une fonction publique professionnelle, compétente et sans orientation politique, qui fournisse des services de grande qualité aux représentants élus, et des services économiques et efficaces aux citoyens.

[Traduction]

En fait, ce sont là pratiquement les mêmes termes que nous avons entendus il y a quelques minutes dans la bouche de Ercel.

    La réforme des ressources humaines dans la fonction publique fédérale a fait l'objet d'un nombre d'études stupéfiant. À notre connaissance, il y a eu 30 rapports d'envergure différents proposant des améliorations au régime de gestion actuel des RH depuis qu'il a été institué, il y a 35 ans. Pour certains, c'est trop de paroles et trop peu d'action.

    À mon avis, les changements survenus ont été pour la plupart marginaux et n'ont pas su suivre l'évolution rapide de la gestion depuis dix ans. Toutefois, les fondements et les principes directeurs de la fonction publique fédérale demeurent les mêmes: premièrement, il nous faut une fonction publique professionnelle et neutre qui prodigue des conseils aux élus, applique les lois et règlements et offre des services aux citoyens; deuxièmement, il nous faut une structure de responsabilité prévoyant de nombreux freins et contrepoids dans le système afin d'assurer le respect continu pour le bien et l'intérêt publics.

    Comme vous le savez, des pressions externes sont en train de transformer le rôle du gouvernement: la mondialisation--on constate l'émergence d'un nombre accru d'organismes et d'accords supranationaux qui influent sur le Canada en tant qu'entité politique et sur l'ensemble de la population canadienne; la décentralisation et, dans certains cas, le délestage de responsabilités et de la prestation de services à d'autres paliers et secteurs; et les revendications des citoyens qui réclament un meilleur service, comme de plus longues heures de service et une prestation des services en ligne.

    La complexité croissante des questions de politique exige une plus grande coopération entre les divers pouvoirs publics. D'ailleurs, monsieur Cullen, vous avez évoqué ces questions dans votre introduction.

[Français]

Il y a aussi un effectif vieillissant, dont un grand nombre de travailleurs seront bientôt admissibles à la retraite; une nouvelle génération de travailleurs en demande, dont les attentes de travail sont différentes; la plus grande diversité de la population, qui exige que l'on prête davantage attention à la diversité dans la fonction publique; les attentes en vertu desquelles la fonction publique devrait être plus innovatrice et prendre plus de risques tout en protégeant la santé et la sécurité.

[Traduction]

    La structure hiérarchique traditionnelle de la fonction publique fait qu'il est difficile de relever ces défis. Qui plus est, le cadre législatif actuel qui régit la gestion des ressources humaines et les relations de travail est devenu une entrave à un changement en profondeur, comme l'ont fait remarquer les deux intervenants précédents.

    Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, ce sont les gens qui sont au coeur de tout régime de ressources humaines et les changements doivent être conçus pour leur permettre de faire leur travail de façon plus efficace et efficiente et de ressentir une plus grande satisfaction professionnelle. Comme on le sait, ce sont là des critères liés à un niveau élevé de productivité.

    À l'heure actuelle, la gestion des RH au gouvernement se heurte à des problèmes critiques. L'évolution démographique est bien entendu une préoccupation immédiate. Nous savons qu'un grand nombre de fonctionnaires pourront partir à la retraite d'ici cinq ans. D'après le sondage effectué récemment au sein de la fonction publique, il semble qu'environ 33 p. 100 de l'effectif total a l'intention de partir d'ici les cinq prochaines années.

    À l'heure actuelle, les cadres supérieurs de la fonction publique connaissent plus de stress et de problèmes de santé comparativement à la population en général. Un sondage APEX effectué en 2002 rapporte qu'ils souffrent deux fois plus de stress et cinq fois plus de dépression.

    L'enquête sur la fonction publique de 2002 a révélé des niveaux troublants de harcèlement et de discrimination à tous les niveaux de l'appareil gouvernemental, ainsi qu'une forte préoccupation relativement à la difficulté de concilier le travail et la vie personnelle.

¼  +-(1815)  

[Français]

    Il faudra embaucher de nouveaux employés et perfectionner les compétences de ceux qui resteront. Le marché du travail d'aujourd'hui est très concurrentiel. Les diplômés universitaires professionnels et très compétents sont en demande.

[Traduction]

    Face à ce bilan, quelles mesures convient-il de prendre? Je vais les passer en revue le plus rapidement possible.

    Premièrement, nous avons «une institution fondée sur des valeurs». Le préambule de la nouvelle mesure législative devrait donner le ton en énonçant de façon positive les principes éthiques et les valeurs qui devraient constituer les assises de la fonction publique. Je vous renvoie au cas du Royaume-Uni, cité dans le rapport de 1996 de John Tait intitulé A Strong Foundation. Ces principes et valeurs façonneront la culture d'entreprise qui guidera les pratiques quotidiennes et assurera aux fonctionnaires un milieu de travail apte à réagir à l'évolution d'un monde en changement perpétuel.

    La fonction publique doit pouvoir compter sur des pratiques de gestion des ressources humaines plus souples pour attirer et conserver des employés compétents. L'enquête que nous avons menée auprès des étudiants dans les universités a fait ressortir quels sont leurs critères lorsqu'ils cherchent un emploi: un travail intéressant dans leur domaine de spécialisation, un contrat d'une durée minimale de deux ans et une offre d'emploi opportune. Malheureusement, à l'heure actuelle, il faut compter de six mois à un an environ pour combler un poste dans la fonction publique fédérale. Notre étude a également confirmé que la fonction publique a une piètre image chez les étudiants. Par conséquent, le gouvernement doit améliorer ses méthodes de recrutement pour les attirer.

    Un autre facteur important pour les nouvelles recrues potentielles--et cela a été évoqué dans les deux derniers sondages de la fonction publique--est l'équilibre entre le travail et la vie personnelle. Des conditions de travail souples s'imposent pour répondre à ces préoccupations.

    Je voudrais aussi parler de la pénurie de main-d'oeuvre dans deux domaines en particulier: l'élaboration des politiques et la gestion, où une capacité accrue s'impose. Il y a certes des analystes de politique et des gestionnaires très compétents dans la fonction publique, mais il n'y en a tout simplement pas suffisamment. La vague de retraites qui entraînera le départ de certains fonctionnaires parmi les plus expérimentés et les plus compétents exacerbera encore davantage l'absence de capacité en matière de politiques. Pour répondre à ce besoin, il convient de mettre sur pied des cours de formation et des programmes de mentorat.

    En outre, il existe une grave pénurie de professionnels dans les ministères à vocation scientifique. Les recrues potentielles et les employés actuels ayant des doctorats dans des domaines comme les sciences biologiques reçoivent de firmes du secteur privé des offres d'emploi intéressantes assorties de conditions financières attrayantes. Résultat: le secteur public a du mal à rester dans la course.

    Si le gouvernement ne peut attirer les meilleurs cerveaux, la qualité des politiques publiques qui sont le gage du succès économique et de la qualité de vie des gens déclinera. Pour attirer et garder les éléments brillants, il faut que le secteur public puisse offrir travail intéressant, stabilité, rémunération adéquate et primes au rendement, et tout cela dans des délais raisonnables.

    J'aimerais maintenant aborder les questions de leadership et de responsabilité. On a tendance à croire que les leaders sont au sommet de la pyramide, mais à mon avis, le leadership devrait être le fondement de tout l'édifice. Si la fonction publique veut créer une nouvelle culture d'entreprise, ses dirigeants doivent embrasser et communiquer la nouvelle culture. On doit exiger d'eux des comptes en matière de gestion des ressources humaines.

    Certaines mesures ont déjà été prises, et Ercel a évoqué certaines possibilités. Pour ma part, je vous invite à consulter le site Web du Bureau du Conseil privé, où vous y trouverez un survol des lignes directrices sur la gestion du rendement à l'intention des sous-ministres et des sous-ministres adjoints. À mon avis, c'est un très bon exemple qui offre d'intéressantes possibilités.

    À propos de la responsabilité, il demeure nécessaire de trouver un équilibre adéquat entre la paperasserie et un suivi adéquat. Les problèmes récents survenus à DRHC ont fait ressortir des faiblesses au niveau des pratiques comptables. Toutefois, d'excessives chinoiseries administratives peuvent étouffer des initiatives fort valables. Il faut s'attacher à trouver le juste équilibre entre une reddition de comptes transparente pour toutes les dépenses fédérales et le retour à une administration tatillonne. Dans ce contexte, on accomplit très peu et le coût de la paperasse est plus élevé que la valeur du programme.

    Mon prochain point est très similaire à celui qu'a soulevé Ercel tout à l'heure. Aujourd'hui, un certain nombre d'entités sont responsables de la gestion des ressources humaines: le Bureau du Conseil privé, le Conseil du Trésor, la Commission de la fonction publique, le Centre canadien de gestion et j'en ajouterais un cinquième, Ercel, le bureau du premier ministre, à l'occasion. Mais la confusion règne souvent quant aux rôles respectifs de ces entités. J'espère que le nouveau document qui sera rendu public d'ici quelques semaines renfermera des précisions quant au champ de responsabilités et aux fonctions de chacune de ces entités et qu'elles seront mieux communiquées.

    Comme le temps presse, j'en viens à mon dernier point. À mon avis, il est de plus en plus nécessaire que les parlementaires aient une meilleure compréhension du rôle de la fonction publique. Nous avons organisé un certain nombre de tables rondes ces dernières années, ce qui nous a permis de constater que les élus se faisaient une idée fausse des rôles et responsabilités des fonctionnaires.

¼  +-(1820)  

    Voici mon dernier commentaire, monsieur le président. Compte tenu du mandat de votre comité, il est crucial que chacun d'entre vous comprenne le rôle de la fonction publique et de ses employés. Je sais pertinemment que la réforme des ressources humaines dans la fonction publique n'intéressera pas grand monde dans vos circonscriptions, mais c'est extrêmement important. Une saine gestion des ressources humaines est un gage de succès dans toutes les facettes de l'administration publique et de l'élaboration des politiques stratégiques qui, en bout de ligne, contribuent à la qualité de vie de tous les Canadiens. Par conséquent, j'espère que les membres de votre comité et vos collègues à la Chambre des communes verront dans les discussions qui auront lieu au sujet de la future mesure législative l'occasion d'en apprendre davantage au sujet de la fonction publique du Canada, de ses défis et de ses employés.

    La mesure législative devrait être jugée selon un critère, à savoir: les changements proposés vont-ils permettre aux fonctionnaires de relever les défis actuels et futurs?

    Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de prendre la parole devant vous cet après-midi.

+-

    Le président: Merci, monsieur Zussman.

    Madame Duxbury, je vous remercie d'être venue de Carleton, où vous venez de donner un cours.

+-

    Mme Linda Duxbury (professeure, «School of Business», Université Carleton, directrice de la recherche, «Centre for Research and Education on Women and Work», À titre individuel): Merci, je viens de finir mon cours.

+-

    Le président: Et vous vous êtes précipitée ici. Je vous en remercie beaucoup. Êtes-vous prête à commencer?

+-

    Mme Linda Duxbury: Bien sûr. Mais j'ignore les règles. J'ai raté cette partie.

+-

    Le président: Je vais les répéter brièvement. Vous avez une dizaine de minutes pour faire un exposé et ensuite, nous passerons aux questions et commentaires. Après votre exposé, nous allons sans doute faire une pause de cinq à dix minutes étant donné qu'on nous a servi de la nourriture. Si les gens veulent rapporter une assiette à la table, nous pourrons continuer.

+-

    Mme Linda Duxbury: Fort bien.

    Comme je suis un modeste professeur d'université, je vous dirai d'entrée de jeu que je peux vous communiquer énormément d'information, mais que je ne vous en ferai pas 20 copies car je dépense parcimonieusement mon budget de recherche. Je vous fournirai volontiers cette information électroniquement et vous pourrez en faire autant de copies que vous voulez.

    Cela dit, permettez-moi de décliner mes titres et qualités et de vous expliquer pourquoi j'estime avoir quelque chose à vous dire. Par la suite, si mes titres de compétence ne vous conviennent pas, vous pouvez toujours m'ignorer et attendre le moment de manger.

    En 1991, mes collègues et moi avons effectué une vaste étude sur l'équilibre entre la vie personnelle et la vie active au Canada. Nous avons interrogé 37 000 personnes des secteurs public et privé composant un échantillon géographique représentatif. En 2001, grâce au financement de Santé Canada, nous avons fait un suivi sur les milieux de travail positifs, l'équilibre travail-vie personnelle et le stress. Encore là, l'échantillonnage était représentatif au plan géographique et réunissait quelque 33 000 personnes issues des secteurs public, privé et sans but lucratif.

    Cela signifie qu'au sein de la fonction publique fédérale, 7 000 personnes ont répondu à notre nouveau sondage. Nous avons aussi des répondants des gouvernements provinciaux, de neuf administrations municipales, d'hôpitaux, de conseils scolaires et de 37 organismes du secteur privé.

    Cela m'a permis de faire ce qu'une enquête sur la fonction publique ne peut pas faire, c'est-à-dire établir des comparaisons, par type d'emploi, notamment entre des fonctionnaires et des travailleurs dans d'autres secteurs. En outre, en me servant précisément des mêmes mesures, j'ai pu comparer la situation à l'heure actuelle par rapport à celle d'il y a dix ans. Nous nous sommes servis de critères académiques avalisés par la documentation spécialisée, qui ont un degré de validité élevé, etc.

    J'ai également effectué une étude d'envergure sur le perfectionnement dans la fonction publique fédérale, ainsi qu'une étude miroir sur le perfectionnement dans le secteur privé. Encore là, j'ai une comparaison entre les groupes. Je ne m'intéresse pas uniquement au secteur public, mais à tous les secteurs d'emploi.

    Qu'avons-nous appris de l'étude de 2001 par rapport à celle de 1991? Les mêmes mesures ayant été appliquées, nous avons appris que dans la fonction publique fédérale, l'engagement, c'est-à-dire la loyauté envers l'organisation, la volonté de faire l'effort supplémentaire--un critère que dans le monde universitaire et dans de nombreuses organisations du secteur privé on considère comme un indicateur, un peu comme le canari dans la mine--affiche un taux de 45 p. 100. Cela représente une baisse de 22 points de pourcentage depuis dix ans. Cela signifie que vous ne pouvez imposer des rationalisations, des restructurations et des réformes aux fonctionnaires, les critiquer dans la presse et vous attendre à ce qu'ils fassent preuve de loyauté en retour.

    Au cours de la même période, le stress lié à l'emploi a augmenté de 15 points de pourcentage, et la satisfaction professionnelle a diminué. Moins de 50 p. 100 des fonctionnaires sont maintenant satisfaits de leur travail. En l'occurence, nous sommes en présence d'un déclin de 20 p. 100.

    De façon générale, les niveaux de stress ont augmenté de 22 points de pourcentage; l'humeur dépressive affiche une hausse de 20 points de pourcentage; l'absentéisme a lui aussi accusé une hausse, de même que le coût des avantages sociaux. Je pourrais poursuivre sur ma lancée, mais comme je n'ai que 10 minutes, je vais m'en tenir là.

    Ce qui est le plus étonnant à mes yeux, c'est que dans le secteur privé, nous sommes en présence d'une pyramide. Les cadres supérieurs sont les plus dévoués, les plus loyaux et les plus satisfaits; ce sont eux qui sont les moins susceptibles de penser à partir. Les professionnels viennent au second rang des employés les plus satisfaits, etc.: les employés de la catégorie bureau--soutien administratif sont les plus stressés, les moins heureux et les plus susceptibles de songer à partir.

    Dans la fonction publique fédérale, c'est complètement l'inverse, ce qui laisse entrevoir de véritables problèmes. Les cadres supérieurs sont les plus susceptibles d'avouer qu'ils songent à partir. Il s'agit là du plus fort déclin enregistré au niveau de l'engagement et du différentiel le plus prononcé entre les cadres des secteurs public et privé--un différentiel de 18 points de pourcentage.

    Vous savez, on parle de recrutement et de conservation des effectifs. Or, il est très difficile de recruter dans une organisation où les personnels déjà en place disent: «Pourquoi voudriez-vous travailler ici? Quel est le problème? N'avez-vous pas d'autres possibilités?» L'engagement est donc une mesure très distincte.

    On constate également que les professionnels oeuvrant dans la fonction publique fédérale sont beaucoup moins satisfaits que les professionnels de tout autre secteur. Qui plus est, le groupe qui affiche le plus de satisfaction dans la fonction publique fédérale est celui des employés des groupes bureau--soutien administratif--soutien technique. Il y a donc un renversement complet dans la fonction publique fédérale par rapport au secteur privé et à d'autres secteurs.

¼  +-(1825)  

    En me fondant sur les travaux que j'ai faits dans un grand nombre de ministères, quels sont les principaux défis qui émergent? Premièrement, il existe un fossé profond au sein de la fonction publique fédérale entre le type d'employés et le type de structures actuels. Le modèle administratif est lourd et les interventions se font du haut vers le bas, avec peu de consultation. Vous voulez que les personnels qui travaillent pour vous soient des employés du savoir dynamiques et motivés qui apportent une valeur ajoutée grâce à leurs connaissances. D'une part, on les incite à prendre des risques et d'autre part, on réprimande ceux qui en ont pris et qui se sont heurtés à un échec. Les travailleurs du savoir veulent être consultés et voir l'aboutissement de leur travail. C'est dans ce sens que nous constatons un fossé.

    En ce qui concerne le recrutement et le maintien des effectifs, la première raison évoquée par les cadres qui pensent à partir est la frustration, la deuxième la charge de travail et la troisième--et cela est particulièrement important compte tenu de ce qu'a dit David--, est l'écart marqué entre leurs valeurs et celles de l'organisation.

    Dans la fonction publique fédérale, une personne sur quatre pense à partir en raison de cette dissociation. En comparaison, 3 p. 100 seulement des employés du secteur privé évoquent cette raison pour motiver leur désir de quitter leur organisation. Pourquoi cela? À mon avis, c'est que la fonction publique parle énormément de valeurs, mais que son bilan pour ce qui est de concrétiser ces valeurs est inégal. Dans bien des cas, les valeurs que l'on retrouve en milieu de travail sont tributaires de la personne pour qui on travaille.

    Présentement, le milieu de travail est structuré de telle façon qu'il est plus difficile d'attirer la cohorte des jeunes. J'ai deux étudiants de doctorat qui font une étude sur les différences entre les générations pour ce qui est des valeurs entourant le travail. Nous savons que les jeunes de moins de 30 ans recherchent l'équilibre. Ils veulent un travail intéressant, ce que vous pouvez offrir, mais ils détestent la hiérarchie, la syndicalisation, toutes les frustrations et les multiples étapes.

    L'autre défi tient à l'écart entre la politique et la pratique. La fonction publique fédérale compte les meilleures politiques d'emploi au Canada. D'après nos données, la pratique dépend des responsables organiques, et par là je n'entends pas le ministère, ni la direction dans laquelle on travaille. Par conséquent, je pense que c'est très important.

    Je conseille aux dirigeants de la plupart des ministères avec lesquels je collabore d'en finir avec l'élaboration de politiques et de commencer à les concrétiser. Or, on ne saurait concrétiser quoi que ce soit en l'absence de mesure et de responsabilisation. On ne peut faire la promotion de différentes valeurs et pratiques et ensuite récompenser des choses totalement différentes. Encore là, il y a une coupure entre la structure de l'organisation et le vécu des employés.

    J'ai oublié de vous dire que j'enseigne la gestion du changement à des élèves de quatrième année. J'ai conçu le cours de maîtrise sur le changement et j'enseigne au niveau doctoral. Vous aurez du mal à mettre en oeuvre toute forme de changement dans la fonction publique fédérale car les effectifs se méfient du changement. En effet, les personnels ont vu passer PS 2000, La Relève, la gestion horizontale, la gestion de la qualité totale et en dernier lieu, mais non le moindre, car cela est frais dans l'esprit de tous, le SCU. Ils ont entendu parler de tous ces changements, mais ils n'ont...

    Qu'est-ce que le SCU? Je vous conseille de ne pas vous aventurer là-dedans. Faites-moi confiance. Le sigle signifie système de classification universel.

    La fonction publique est très forte pour parler de changement. En fait, un de mes étudiants a fait sa thèse de maîtrise sur le changement dans la fonction publique fédérale, et je pourrais vous la transmettre. Il a recensé toutes les initiatives liées au changement depuis 35 ans, et ce qui leur est arrivé. C'est une lecture très intéressante.

    D'après les études que j'ai faites, les employés de la fonction publique ont appris à s'accrocher--nouveau ministre, nouveau greffier, nouveau sous-ministre, nouveau sous-ministre adjoint, nouvelle initiative. Par conséquent, l'attitude qui a cours dans la fonction publique fédérale à l'égard du changement est la suivante: «Vous avez parlé de changement, mais vous n'avez pas donné suite. Mon sort n'est pas meilleure. En fait, elle est pire.» Par conséquent, à moins d'associer à toute nouvelle initiative des composantes de mesure et de responsabilisation, vous ne réussirez pas ou vous aurez des tas de problèmes.

    Je n'ai jamais comparu devant un comité comme le vôtre. Peut-être suis-je trop directe pour mon auditoire mais... Est-ce que je m'en tire bien? Vous vouliez savoir ce que je pense, et je vous le dis.

¼  +-(1830)  

Il faut réexaminer les assises de la fonction publique fédérale. Il faut se pencher sur sa structure. C'est un appareil gigantesque qui emploie des travailleurs du savoir. Les choses allaient bien lorsque le travail était surtout routinier. À l'heure actuelle le travail n'a rien de routinier. Les choses allaient bien lorsqu'on ne se préoccupait pas de la satisfaction de la clientèle. Or, aujourd'hui, on met énormément l'accent sur la prestation de services et qui prodigue ces services? Ce sont les fonctionnaires.

    Autre chose, qui n'est guère étonnante, si les employés ne sont pas heureux, ils ne sont pas très efficaces pour assurer la satisfaction de la clientèle. Notre recherche auprès du secteur privé nous a appris qu'il existe une très forte corrélation entre les deux.

    Il vous faudra examiner la structure du système de rémunération. À l'heure actuelle, nous rémunérons bien les concepteurs de politiques, mais non les gestionnaires. Nous ne formons pas non plus de gestionnaires. Et qui mettons-nous dans les postes de gestion sinon les meilleurs employés des opérations? Encore là, on constate la même dissociation. Il faut donc se pencher là-dessus.

    Il faut aussi évaluer le système de promotion. Encore une fois, il faut prévoir des mécanismes de mesure et de responsabilisation car si nous ne faisons pas d'efforts sérieux et visibles à cet égard, nous n'obtiendrons rien de différent dans tous ces domaines.

    Au sujet des valeurs, je comprends l'argument de David, mais à vrai dire, j'hésiterais beaucoup à me lancer dans une tentative de changement fondée sur les valeurs. Les gens sont très cyniques. On parle de valeurs, mais bien des gens sont d'avis qu'on ne les traduit pas dans la réalité. Pour vous dire le fond de ma pensée, ils constatent cela au niveau du ministère; ils constatent cela au niveau du sous-ministre; ils constatent cela au niveau du sous-ministre adjoint.

    Franchement, tant que la Chambre n'embrassera pas cet enjeu, tant qu'elle ne se l'appropriera pas, à votre place, je ne bougerais pas car les gens vont dire: «Vous nous demandez notre opinion, mais en fait vous ne vous souciez pas de notre sort; ce qui vous intéresse, c'est de vous faire élire.» Il y a là un fossé. Il vous faudra faire un lien entre les politiciens qui se font élire et le fait que chacun fasse du bon travail pour obtenir, conserver et motiver une fonction publique compétente.

    Voyons... Voulez-vous que j'en ajoute davantage?

+-

    Le président: Votre temps de parole est écoulé, si vous voulez bien conclure.

+-

    Mme Linda Duxbury: Je réfléchis...

    Au niveau de la gestion, la fonction publique est anorexique. Les cadres doivent obligatoirement être formés pour gérer des effectifs car ils ne savent pas comment s'y prendre.

    Je vous recommande fortement de commencer à défendre la fonction publique dans la presse car il y a un gros problème sur le plan de la reconnaissance et de la rémunération. Dans bien des cas, les fonctionnaires ont le sentiment d'être abandonnés. C'est facile à dire. En rétrospective, on a toujours raison.

    Je crois que c'est tout.

¼  +-(1835)  

+-

    Le président: Merci beaucoup de votre franchise.

    Nous allons maintenant faire une pause d'une quinzaine de minutes. Il y a de la nourriture à l'arrière de la salle. Tout le monde est invité. Sentez-vous bien libre de rapporter une assiette à la table. Nous allons nous arrêter pendant une quinzaine de minutes.

    Merci.

¼  +-(1835)  


¼  +-(1845)  

+-

    Le président: Je me demande si nous ne pourrions pas continuer, si les gens peuvent parler et manger en même temps.

    Monsieur Fryer, êtes-vous prêt?

+-

    M. John Fryer: Oui, bien sûr. Je suis ici.

+-

    Le président: D'accord. Nous allons donc commencer un tour de table de dix minutes avec M. Forseth.

+-

    M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je vous souhaite la bienvenue à notre sous-comité.

    Monsieur Fryer, il en a coulé de l'eau sous les ponts depuis que vous avez hurlé dans un microphone sur les marches de l'assemblée législative de la Colombie-Britannique: «Au nom des fonctionnaires de la Colombie-Britannique...». Vous avez parlé aux fonctionnaires réunis en leur disant qu'ils étaient à genoux et que vous alliez défendre leurs droits et que le gouvernement provincial les traitait comme les gens d'une certaine minorité en Alabama à qui l'on ordonnait d'aller s'asseoir à l'arrière de l'autobus.

+-

    M. John Fryer: C'était en 1981.

+-

    M. Paul Forseth: Vous vous en rappelez. J'étais là et je faisais partie d'un groupe de fonctionnaires debout sur la pelouse en tant que membre en règle du BCGEU à l'époque.

    Je peux lire ici qu'après mûre réflexion, vous êtes arrivé à la conclusion que le modèle de la confrontation dans les relations patronales-syndicales en vigueur pendant près de quatre décennies s'est avéré mal adapté et même non approprié à la fonction publique fédérale.

    Quelle déclaration dans la bouche d'un homme aussi bien placé que vous pour la faire!

    Je voudrais savoir si vous avez vous-même changé. Si vous dites effectivement que ce modèle est inapproprié, pouvez-vous nous préciser ce qui est inapproprié, particulièrement dans le contexte fédéral? Quelle orientation doivent prendre ces relations?

+-

    M. John Fryer: À mon avis, ce qui s'est passé au fil des ans, c'est que la fonction publique est devenue... À cette époque, nous luttions pour le respect de certains droits fondamentaux pour les fonctionnaires. En fait, si je ne m'abuse, l'enjeu de la manifestation en question était la tentative par le gouvernement de l'époque de soustraire les régimes de pension des fonctionnaires à l'indexation au coût de la vie. À l'heure actuelle, la plupart des grandes questions économiques ont été réglées.

    D'après moi, la confrontation cause du tort à la population en général. J'estime qu'elle compromet certains des acquis les plus importants de notre pays, comme le régime d'assurance-santé, le système d'éducation publique; en effet, ce sont les étudiants ou les patients ou, dans le cas de la fonction publique proprement dite, les citoyens, qui se trouvent à en payer le prix.

    Mon opinion a donc évolué depuis 20 ans, au point où je crois en une méthode de règlement des différends axée sur la collaboration, une approche qui reconnaît que nous sommes tous dans le même bateau, que les récipiendaires de nos services sont les citoyens canadiens et que nous devrions être en mesure d'aplanir nos difficultés en faisant preuve de maturité, sans compromettre ces services.

    Je tiens à souligner que le comité comptait 10 membres, dont Linda, et que nos 33 recommandations étaient unanimes. Nous avons constaté que le maintien d'un système conflictuel n'est pas la voie à suivre. Ce système risque uniquement de déboucher sur des interventions politiques car les pouvoirs publics diront qu'ils ne peuvent permettre l'interruption des services. Cela signifie qu'ils imposeront des mesures plutôt draconiennes. Et c'est ce qui donne lieu à des événements comme ceux de 1981. Il y aura une foule de manifestants qui exprimeront leur colère devant les diverses assemblées législatives. Nous reconnaissons tous, et moi le premier, que ce n'est pas la voie de l'avenir.

    Les attitudes ont changé, les gens ont changé. Le rôle du secteur public et de la fonction publique n'est plus le même. Après avoir réfléchi à la question pendant deux ans, nous avons déterminé qu'il valait mieux modifier les rapports entre le gouvernement et ses employés. Nous privilégions désormais une approche axée sur la collaboration pour régler les problèmes, une approche qui fait une plus grande place aux employés.

    D'autres collègues ici ce soir nous ont parlé de la nécessité d'attirer les jeunes. Je suis en conflit avec d'ex-collègues syndicalistes, par exemple, au sujet de la nécessité de régler le problème de la rémunération à tous les niveaux dans la fonction publique. En effet, aujourd'hui, les jeunes--et je suis père de six enfants moi-même--n'acceptent pas que dans le contexte d'une même classification d'emploi, si un fonctionnaire travaille d'arrache-pied et l'autre pas du tout, ils touchent le même chèque de paie à la fin du mois. Ils n'accepteront tout simplement pas cela et ils ne s'engageront pas dans un milieu professionnel où il en est ainsi.

    Ce facteur et d'autres, au fil des ans, m'ont amené à... J'espère que ce n'est pas le fait, qu'avec l'âge, je ramollis. Comme je l'ai dit dans mon introduction, je n'ai pas cédé ma place parmi les contestataires du système. Par la suite, j'ai changé de carrière et j'ai enseigné les relations patronales-syndicales. Cela m'a permis de voir la question sous des angles différents. Ensuite, lorsque j'ai eu l'occasion de participation aux travaux du comité et de m'intéresser précisément à la fonction publique fédérale...

    J'ai observé la fonction publique de loin pendant des années, depuis l'adoption de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. En 1967, par le biais de cette loi, le gouvernement fédéral a accordé la négociation collective à ses employés. À l'époque, c'était une percée car d'autres gouvernements au pays--celui de W.A.C. Bennett, par exemple--ne l'avaient pas fait ou ne voulaient pas le faire.

    Graduellement, toutes les provinces ont emboîté le pas et adopté le modèle fédéral de négociation collective, sous une forme ou une autre. Cependant, selon moi et selon les membres de mon comité, ce système conflictuel ne s'est pas avéré à la hauteur.

    Où cela nous mène-t-il? Quelle est la prochaine étape à venir? Notre rapport est fondé sur la prémisse que nous sommes maintenant au XXIe siècle et qu'il convient d'adopter une approche différente.

¼  +-(1850)  

    Nous espérons qu'en 2003, le gouvernement fédéral fera preuve du même leadership qu'il a manifesté en 1967 et qui a été suivi au niveau provincial et à d'autres niveaux. Je répète: je me préoccupe autant, sinon plus, du secteur de la santé et de l'éducation que du secteur public proprement dit car j'estime que l'affrontement dans tous ces domaines cause du tort et risque de compromettre ces programmes, de compromettre les services prodigués aux Canadiens. Je suis convaincu que si nous pouvons obtenir ce changement de cap de la part du patronat et des syndicats, les choses iront mieux.

    Je vais vous donner en exemple une proposition qui figure dans notre rapport et ensuite, je me tairai. Certes, nous reconnaissons aux travailleurs le droit à la grève, mais si en exerçant ce droit, tout ce qu'ils réussissent à faire, c'est infliger du tort à une tierce partie, à des victimes innocentes, cela n'a guère de sens. Nous avons donc proposé au gouvernement de créer une commission de règlement des différends d'intérêt public. Nous croyons que si les parties recevaient l'aide de personnes compétentes dans le domaine pour trouver des solutions, il serait sans doute possible de régler les conflits à l'avenir au lieu d'en venir à des arrêts de travail perturbateurs.

    La réponse est donc oui, j'ai changé.

+-

    Le président: Très bien. Cela m'amène à mon autre question. En effet, nous savons que d'ici quelques jours, nous serons saisis d'un projet de loi qui reprendra peut-être largement certaines de vos recommandations. Est-ce pour vous un indice que les travaux de votre groupe ont été couronnés de succès que de voir repris dans une mesure législative l'une de vos recommandations, comme cette commission de règlement des différends d'intérêt public?

    Je vais maintenant m'adresser à vous, Linda. Vous avez mentionné cette pyramide inversée que l'on retrouve dans la fonction publique. Vous avez dit que le moral des troupes est vraiment bas et qu'il règne ce que j'appellerais de façon générale une crise de confiance. Lorsque le projet de loi sera rendu public, quelles seraient les composantes qui, pour vous, seraient essentielles pour aller au coeur de ce malaise, de cette crise de confiance?

¼  +-(1855)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Une responsabilisation, un cadre et un système de mesure concrets adaptés aux effectifs, ainsi qu'un système de repérage des coûts découlant d'une mauvaise gestion. À mon avis, on évacue à l'heure actuelle bien des coûts liés à la mauvaise gestion. Je prends dûment note des coûts des médicaments, du Programme d'aide aux employés, des employés qui ne se donnent plus à leur travail. Il faut prendre en compte tous ces facteurs.

    Je voudrais qu'une partie de la rémunération des sous-ministres et de tous les cadres à qui l'on fait directement rapport dépende de leur capacité de gérer des effectifs. En effet, lorsque l'on a affaire à des travailleurs du savoir, on ne peut leur donner des ordres ou les forcer à avoir de bonnes idées, à être enthousiastes, à faire de leur mieux ou à prendre des risques. Il faut leur fournir un milieu de travail qui est propice à ce type d'effort, qui y invite et l'encourage. Il nous faut donc transformer le milieu de travail.

    L'autre chose que je souhaite, c'est une formation obligatoire pour les gestionnaires dans des domaines comme la négociation, la prise de décisions, la résolution de conflits, la rétroaction constructive, positive. La plupart du temps, on se borne à nommer quelqu'un à un poste et on s'attend à ce qu'il sache comment s'acquitter de ses fonctions. Je pense qu'il faut reconnaître l'importance des postes de gestion au sein de la fonction publique.

    En outre, il ressort de nos données que l'appareil gouvernemental est anorexique à ce niveau, mais ce n'est pas un problème que le projet de loi réglera. Nous devons faire en sorte qu'il soit davantage possible pour les cadres de bien faire leur travail de gestion des effectifs et ensuite, les récompenser s'ils s'en tirent bien ou encore leur retirer ce rôle s'ils ne sont pas en mesure de s'en acquitter.

+-

    Le président: Avez-vous fait allusion à l'idée qu'on ne peut vraiment gérer ce que l'on ne peut mesurer?

+-

    Mme Linda Duxbury: C'est l'un de mes articles favoris. Il existe un autre article très connu intitulé «On the folly of rewarding A, while hoping for B». Cela traduit l'idée que pour se doter d'une fonction publique adéquate, nous devons reconnaître l'importance, les difficultés et les défis liés à la gestion de travailleurs du savoir par opposition aux effectifs d'une époque révolue, qui effectuaient un travail de routine, un travail ponctuel--et pour ce faire, nous devons examiner le système de mesure, la responsabilisation et la rémunération.

+-

    Le président: Chose certaine, dans le milieu universitaire, où il y a une certaine relation d'indépendance liée à la titularisation, on est souvent assujetti à diverses mesures. Ainsi, il y a cette obligation de publier ou de sombrer. Il y a des cotes sur...

+-

    Mme Linda Duxbury: Il y a des cotes sur tout.

+-

    M. Paul Forseth: ...la satisfaction des étudiants, etc. Il y a des moyens d'y arriver--des mesures d'accroissement ou autre.

+-

    Mme Linda Duxbury: Il existe des mécanismes concrets qui ont obtenu énormément de succès dans d'autres organisations. Ainsi, le 360 me semble essentiel. Savez-vous ce que c'est? Selon ce principe, une entreprise bien gérée tient compte de quatre séries d'indicateurs. L'argent en est certes un. C'est le volet budget. On mesure la responsabilisation à l'égard de l'argent. Il y a aussi une mesure de la responsabilisation à l'égard de la satisfaction du client. Le gouvernement excelle dans les deux cas.

    Les deux autres séries de mesure de la responsabilisation s'articulent autour de la gestion stratégique--où en sommes-nous maintenant, quelles sont nos priorités, quel est notre plan? Et le quatrième élément est la satisfaction de l'employé. C'est ce qu'on appelle un bulletin équilibré.

    D'après le principe du 360, le rendement de tout employé devrait être mesuré et évalué par son chef, ses subordonnés, ses clients et ses collègues. Toutes ces évaluations permettent d'établir la rémunération de l'employé. La plupart des organisations du secteur privé où l'on emploie les meilleures pratiques ont adopté l'approche du 360 et du bulletin équilibré pour mesurer le rendement. En effet, elles considèrent que dans le cas d'un travailleur du savoir, ce n'est pas seulement son supérieur qui sait à quel point il fait du bon travail; son client est aussi directement concerné, de même que ses subordonnés. J'aimerais que l'on instaure un système comme celui-là, mais je ne suis pas certaine que vous soyez prêts. Vous êtes peut-être prêts, mais c'est un peu rêver.

+-

    Le président: D'accord. Votre temps est écoulé, monsieur Forseth.

    Vous bénéficiez de l'indulgence du comité car je sais que vous devez partir. Avez-vous une dernière brève question?

+-

    M. Paul Forseth: Vous avez parlé de vecteurs nord, sud, est et ouest. L'un d'eux est la satisfaction du consommateur ou du client, l'électeur qui paie la note, celui qui justifie l'existence de la fonction publique. Je viens de prendre la parole au comité des comptes publics au sujet du renouvellement de la fonction publique et du fait qu'on pouvait essayer d'y parvenir à partir du sommet. Le meilleur exemple que l'on donnait était celui de Lee Iacocca, qui a réussi à sortir Chrysler du pétrin, ou du nouveau pdg de IBM qui a redressé la situation de cette entreprise réputée. Dans ces cas-là, l'impulsion est venue d'en haut, avec l'arrivée d'un nouveau leader qui a proposé une nouvelle vision. Dans ce cas, où insère-t-on dans l'équation une approche axée sur la clientèle et dont l'impulsion viendrait de la base de la pyramide?

    Comme je suis un réformiste de la base, je suis toujours à l'écoute de la population. En tant qu'homme politique, je sonde la collectivité. Dans la fonction publique, les forces du marché ne s'exercent pas. Il est impossible de s'adresser à quelqu'un d'autre. Si l'on n'obtient pas le service désiré du ministère de l'Immigration, on ne peut aller ailleurs. Parlons de la satisfaction du client. Si un simple citoyen canadien épouse une étrangère, il lui faudra attendre trois ans pour que celle-ci obtienne le statut d'immigrant reçu alors que c'est un dossier des plus faciles à régler. Le niveau de performance est absolument lamentable.

    Nous allons tous remplir sous peu nos déclarations d'impôt sur le revenu, qui sont d'une complication inouïe. Lorsque je constate la détresse des personnes âgées qui essaient tant bien que mal de remplir ces formulaires, je me demande qui est au service de qui. Et la liste serait longue. Par exemple, j'ai participé à une assemblée publique réunissant des citoyens âgés qui tentaient d'obtenir des prestations d'anciens combattants. Avec l'arrivée du cybergouvernement, les interlocuteurs gouvernementaux se retirent et disparaissent. Avec l'émergence des centres d'appel, il n'y a plus de lien avec la clientèle, et c'est ce genre de choses qui complique tant l'existence des personnes âgées.

    Nous allons bientôt étudier un nouveau projet de loi qui est censé assurer le renouvellement de la fonction publique. Nous espérons que vous demeurerez dans les parages et qu'il sera présenté, vous viendrez nous dire si nous avons raté le coche ou non.

½  +-(1900)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Si vous nous invitez de nouveau, nous reviendrons volontiers.

+-

    Le président: Nous le ferons sans doute. Nous ne voulons tout simplement pas que vous vous épuisiez à faire la navette constamment.

    Merci, monsieur Forseth.

    Monsieur Lanctôt.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Je vais essayer de poser des questions et non pas seulement de faire des commentaires afin que vous puissiez vous exprimer, car on aura besoin de votre compétence.

    Madame Duxbury, vous nous dites qu'on doit aider la fonction publique, qu'on doit aider les gens qui travaillent afin de démontrer que le gouvernement... C'est la main du gouvernement. Je ne sais pas comment vous pourriez nous indiquer de quelle façon on peut arriver à un but, parce que c'est tellement différent.

    Moi, je viens du privé; je ne connais pas du tout le secteur public. La différence, c'est que dans le secteur public, les fonctionnaires doivent rendre des comptes à la population et non pas seulement à leur employeur. Dans le secteur privé, l'employeur doit rendre des comptes si le service est mal rendu. On disait qu'il fallait davantage rendre des comptes quand on est fonctionnaire. Je pense que ça va de soi, mais on ne rend pas des comptes à la même personne. On doit rendre des comptes à la population.

    Le problème, c'est que ça fait déjà plus de 10 ans que la nouvelle gestion essaie de modifier des choses--vous avez dit plus tôt que vous en aviez une liste--, et on se rend compte que ça ne s'améliore pas. Est-ce pire? On ne le sait pas. C'est peut-être parce qu'on a plus de techniques d'information qu'on est capable d'aller chercher les informations. Le but de l'opposition n'est pas de trouver les scandales, mais de s'assurer que l'argent est utilisé à bon escient. Donc, les taxes doivent être payées et on doit rendre le service qui doit être rendu et donner les prestations qui doivent être données.

    Encore une fois, je suis plus pratique que théorique parce qu'en théorie, on peut faire plusieurs projets de loi sans pour autant avancer beaucoup.

    Comment peut-on obliger les fonctionnaires à rendre des comptes à la population sans qu'ils aient à subir l'ingérence du politique? Comme on le sait bien, le travail qui est fait doit atteindre le but ultime de la politique qui a été énoncée. Je vous dirai que nous parlons personnellement avec des sous-ministres. Chacun des membres du comité fait sûrement la même chose. En délégation, par exemple, on parle en privé à des sous-ministres. À ce moment-là, ils nous disent la vérité. Ils nous parlent de plein de choses qui ne devraient pas exister, mais le lendemain, la discussion qu'on a eue avec eux est disparue et ils s'alignent sur la politique ou le résultat qu'on veut obtenir.

    Comment allez-vous faire accepter à cette nouvelle fonction publique--et j'espère que c'est là le but--qu'elle doit essayer d'obtenir de l'indépendance quelque part, mais qu'elle doit aussi rendre des comptes? C'est difficile. On sait qu'avec les juges, c'est un peu plus facile. Ils ne nous font pas de remarques, ils ont des choses à juger, et on essaie d'avoir l'indépendance des tribunaux.

    Je sais que ce que j'essaie de vous dire est complexe, mais ça doit être encore plus complexe de donner la réponse à ça.

½  +-(1905)  

[Traduction]

+-

    Le président: Qui veut commencer?

+-

    Mme Linda Duxbury: C'était une question très compliquée. Ma page est remplie de notes.

    Il faut reconnaître qu'un changement de cette ampleur est tout aussi compliqué. L'adoption d'un petit projet de loi ou d'un grand projet de loi doit être considérée comme un début--quoique ce n'est pas encore fait, n'est-ce pas? Une mesure législative est donc un point de départ, par opposition à un changement qui s'est déjà produit. En fait, ce qui fera la différence, c'est la façon dont les choses se concrétiseront à tous les niveaux après l'introduction du projet de loi.

    Voici un autre article célèbre pour Paul, intitulé «The emperor has no clothes». On y parle du fait que bien des gens n'osent pas dire la vérité aux titulaires du pouvoir, et c'est le problème qu'a évoqué Robert. Cela ne se produit pas seulement dans la fonction publique. Les gens ne disent pas la vérité aux dirigeants s'ils craignent d'être réprimandés.

    Dans bien des cas, le contexte politique fait que l'on se soucie davantage de soustraire un dossier à la presse ou de ne pas mettre le ministre dans l'embarras... Il y a une hiérarchie de l'embarras. On ne veut pas mettre le ministre dans l'embarras, puis le sous-ministre et le sous-ministre adjoint. Il faut reconnaître que si cette hiérarchie de l'embarras existe, on note également un facteur de crainte.

    Je répète constamment qu'il faut défendre les fonctionnaires dans la presse. Il faut que les citoyens canadiens comprennent que les fonctionnaires ne représentent pas un coût, mais un atout. À l'heure actuelle, on présente constamment les choses de cette façon: «Voyez où s'en va votre argent, voyez combien ils vous coûtent». On met toujours l'accent sur le volet coûts de l'équation et non sur celui de la prestation des services. Tout ce que je dis, c'est qu'il faut présenter un portrait équitable: oui, les fonctionnaires sont payés grâce à nos impôts, mais voici ce qu'ils nous offrent en retour. Je pense que l'on devrait insister davantage sur les services qu'ils nous prodiguent, par opposition à ce qu'ils nous coûtent.

    Comprenez-vous?

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Je comprends très bien.

[Traduction]

+-

    Mme Linda Duxbury: Cela dit, ce n'est pas facile. Il faudra cinq à dix ans. Étant donné que plusieurs greffiers pourraient se succéder au cours de cette période, je pense que c'est à la Chambre de prendre les rênes. Si la Chambre ne fait pas sienne cette initiative, les fonctionnaires jugeront que ce n'est qu'une autre mesure, qu'une autre initiative qui n'apportera pas de changement véritable.

    Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?

+-

    M. Ercel Baker: Avec votre permission, tout ce que je souhaite ajouter, c'est qu'il faut réitérer le fait qu'un changement de culture doit intervenir. Ce n'est pas une chose qui arrivera simplement parce qu'on fait de la formation et du perfectionnement. C'est un changement en profondeur dans la façon dont tous les acteurs perçoivent la fonction publique.

    J'ai déjà exprimé l'opinion selon laquelle on devrait nommer au Bureau du Conseil privé quelqu'un dont la responsabilité serait de s'occuper des sous-ministres. Au cours des deux dernières années où j'ai travaillé au BCP, l'une des choses qui m'a frappé c'est qu'une seule personne était à la fois greffier du Conseil privé, secrétaire du cabinet et chef de la fonction publique. Je pense qu'il est déraisonnable de demander à une seule personne de cumuler trois rôles d'une telle importance. Je mentionne cela simplement parce que nous discutons de gestion des ressources humaines mais il faut à la fois examiner les problèmes structurels, le recrutement et l'environnement que nous essayons de promouvoir dans la fonction publique. Ensuite, il faut se demander comment s'y prendre pour susciter le changement de culture qui permettrait de régler tout cela.

    Je suis de l'avis de Linda. Il faudra au moins dix ans avant qu'un tel changement se produise. Le plus difficile, ce sera de changer les mentalités des gens au cours de cette période.

½  +-(1910)  

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Est-ce qu'on parle d'une nouvelle période de 10 ans? Ça fait déjà dix ans qu'on essaie toutes sortes de choses. Est-ce qu'on repart à zéro? Y a-t-il des bases? Je suis pas mal plus d'accord sur ce que vous nous dites. C'est un changement de culture. Après cela, on change l'organigramme, mais il faut avoir une autre mentalité. Selon moi, ce que vous êtes en train de nous dire, c'est qu'il s'agit d'une nouvelle période de 10 ans. Il ne s'agit pas de continuer ce qui est commencé, mais bien de recommencer à zéro. Est-ce que je comprends bien votre intervention?

[Traduction]

+-

    M. Ercel Baker: Oui, je suis d'accord.

+-

    Mme Linda Duxbury: Pour moi qui enseigne dans ce domaine, vous ne partez pas à zéro. Vous avez lancé des initiatives qui ne se sont pas concrétisées, ce qui vous met en-dessous de zéro, à mon avis.

    Vous devez d'abord pousser l'eau jusqu'en haut de la colline pour qu'elle puisse ensuite redescendre.

+-

    M. John Fryer: C'est une question intéressante, mais complexe. À mon avis, avant l'adoption de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, en 1967, la fonction publique fédérale était un appareil entièrement paternaliste. Les fonctionnaires étaient humbles, obéissants, respectueux, soumis; c'était ainsi.

    Selon moi, un certain nombre de hauts fonctionnaires au niveau de sous-ministre ont mal accueilli ce changement en 1967. Le Parlement a adopté une mesure législative qui leur ordonnait de reconnaître les syndicats et de négocier avec eux. Je suis convaincu que bien des sous-ministres n'étaient pas d'accord avec la décision du Parlement et qu'ils ont essentiellement saboté ce changement en 1967. C'est ainsi que la négociation collective a été greffée sur un système paternaliste. Et nous sommes encore coincés dans ce système.

    La Relève était un exercice imposé par la direction; les syndicats n'en étaient pas partie prenante. Fonction publique 2000 était aussi un exercice imposé par la direction; les syndicats et les employés n'ont guère eu leur mot à dire. Et c'est la raison pour laquelle nous essayons de vous faire comprendre qu'il faut changer cette culture. Vous devez faire confiance aux gens qui travaillent pour vous. Vous devez les traiter comme des égaux. Vous devez écouter ce qu'ils ont à dire et ensuite, y répondre intelligemment.

    Le sondage mené auprès des employés de la fonction publique a montré que les employés de la fonction publique fédérale hésitent à déposer des griefs car ils sont convaincus que s'ils osent le faire, ils seront punis. Cela trahit un milieu de travail très malsain.

    L'autre chose que j'ai à dire vous concerne, vous les politiciens. Vous avez malmené les fonctionnaires. Peut-être pas vous personnellement, mais les politiciens en général pensent qu'être dur envers les fonctionnaires leur vaudra des votes dans leur circonscription. Un futur premier ministre a dit qu'il venait à Ottawa pour distribuer aux fonctionnaires des avis de congédiement et des espadrilles. Dans l'opinion publique, on considère que les fonctionnaires sont trop nombreux, qu'ils ne se foulent pas au travail et qu'ils sont surpayés; nous devons changer cette mentalité. Nous devons expliquer aux Canadiens que ces gens-là travaillent très fort.

    Je me souviens d'une campagne de publicité que nous avons lancée en Colombie-Britannique lorsque j'y étais chef syndical. J'aimais particulièrement cette annonce où l'on voyait le dos d'un gardien de pénitencier avec la légende: «Tous les jours, Murray Barnes va en prison pour vous». Autrement dit, pour vous, les citoyens, il est là pour assurer le contrôle de détenus dangereux. Ce ne serait pas la fin du monde de dépenser une partie du budget de publicité pour redorer le blason des fonctionnaires.

    Si j'ai changé--et c'est également une réponse à la question de M. Forseth--, c'est que je me suis rendu compte que nous n'allions arriver à rien en se heurtant constamment. La seule façon d'aboutir à quelque chose, c'est de collaborer ensemble et pour que nous puissions collaborer ensemble, le cadre législatif doit refléter une certaine confiance à l'égard des employés et de leurs agents négociateurs. C'est uniquement ainsi que nous pourrons de concert accomplir cette mission.

    Mais vous avez raison, nous repartons pratiquement à la case départ. Tant et aussi longtemps que nous n'en aurons pas fini avec le paternalisme dans la fonction publique fédérale, nous n'aboutirions à rien.

+-

    Le président: Monsieur Baker, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. Ercel Baker: Je voulais simplement raconter une brève anecdote. Parmi les postes de gestionnaires que j'ai occupés, j'ai déjà été sous-ministre adjoint des opérations au ministère des Pêches et Océans. À vrai dire, ce n'était pas l'un des postes les plus agréables au gouvernement à l'époque car nous fermions la pêche à la morue dans l'Atlantique. Ce qui m'encourageait à me lever le matin pour venir travailler et qui me donnait des ailes, c'est qu'un ministre me disait à la fin de chaque séance d'information: «Très bien. C'est ce que l'analyse nous dit de faire. Quelle est la chose à faire?» Ce n'était pas grand-chose, mais en mes 37 ans de service, c'est la seule fois qu'un ministre m'a fait sentir qu'il accordait de l'importance à mon opinion, à mon jugement. C'est ce genre d'environnement qu'il faut créer et il résulte de la combinaison de nombreux facteurs. Mais je pense que c'est possible. Je sais que c'est possible.

½  +-(1915)  

+-

    Le président: Merci.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt: Je voudrais relancer le débat. Il est vrai qu'il faut un changement de culture, et on le sait bien, mais pour qu'on respecte ces gens qui vont travailler, il faut qu'ils gagnent ce respect. À partir de ce qu'on voit à de hauts niveaux, je peux imaginer combien de gens, à l'intérieur de ça, ont dû se fermer les yeux ou ne pas faire de doléances ou ne pas donner l'information. Ça ne pourra pas se faire même en 10 ans. Comment voulez-vous changer si vous voulez que la population respecte les fonctionnaires? Il faut que ceux-ci commencent quelque part, mais il va falloir qu'ils travaillent fort aussi. Il va falloir qu'ils aient l'obligation de rendre des comptes, et je ne parle pas seulement de sous-ministre. Jusqu'à quel niveau va-t-on les responsabiliser? Jusqu'à quelle étape? Ce n'est pas seulement le sous-ministre qui doit rendre des comptes, un peu comme vous le disiez tout à l'heure, sauf que c'est toujours le sous-ministre qui est obligé de jouer le rôle de directeur des ressources humaines. Il est obligé d'être compétent en ceci, en cela. On ne peut pas avoir toutes ces compétences-là; c'est impossible. Dans le privé, les gens ont des spécialisations. J'espère que dans le public aussi, on pourra obtenir des compétences spécifiques.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci. Merci beaucoup.

    Madame Sgro, je vous prie.

+-

    Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Merci beaucoup à tous.

    Lorsqu'on est assis ici, on fait face à des experts au bout de la table et l'on sait que vous êtes tous dévoués envers le Canada. Nous vivons tous ici, et cette institution politique qui est la nôtre ainsi que la fonction publique sont essentielles au succès du Canada dans son ensemble.

    Pourtant, Linda, vous dites qu'en général, les fonctionnaires ont l'impression que les politiques se fichent d'eux, qu'ils se soucient uniquement d'être élus, et vous avez mentionné qu'un fossé sépare les deux réalités. J'ai moi-même employé ce terme de «fossé» très souvent au cours des derniers mois pour décrire cette dissociation entre les députés du Parlement et les bureaucrates nécessaires pour faire fonctionner l'appareil gouvernemental.

    Vous avez évoqué la frustration des fonctionnaires. Je peux vous assurer que de notre côté de la table, nous constatons un fossé aussi grand entre le rôle que nous sommes censés jouer et notre capacité de nous en acquitter.

    Vous avez parlé des masses d'études qui sont effectuées. Lorsque j'entends dire qu'il faut faire plus d'études... Que ce soit dans un dossier ou dans un autre, il faut toujours faire plus d'études. Et pendant que nous faisons notre étude, il y a une vingtaine d'autres personnes qui, elles aussi, étudient exactement la même chose. Où tout cela va-t-il ensuite?

    Je ne siège pas ici depuis tellement longtemps, mais j'imagine bien la frustration que peuvent ressentir les fonctionnaires chargés de fournir un service. Le fait de se sentir menacé, de ne pas oser sortir des sentiers battus de crainte d'être critiqué et réprimandé et de nuire à sa carrière suscite un sentiment de découragement. On ne fait pas place à la vision et à l'audace.

    Nous disposons déjà d'un tas d'études et l'appareil gouvernemental est tellement lourd. Vous dites que le changement prendra dix ans. Bien des gens qui travaillent ici à l'heure actuelle espèrent que ce changement surviendra avant dix ans.

    Habituellement, je compare notre institution au paquebot Queen Mary, mais à l'occasion, je l'ai comparé au Titanic. Il n'est pas facile de changer de cap et de faire les choses différemment dans tous les secteurs dont vous avez parlé et qui sont très importants à nos yeux: la responsabilisation, la nécessité d'avoir une vision, la reddition de comptes et la reconnaissance. En bout de ligne, les représentants élus sont tous responsables. Quoi qu'il arrive, nous sommes responsables. Voilà pourquoi nous avons souvent le sentiment que nous sommes ceux qui devront rendre des comptes à l'électorat, mais que la bureaucratie, elle, est protégée.

    Il faut que ces deux volets travaillent main dans la main et pour cela, la volonté politique est nécessaire. En toute franchise, notre succès dépendra de la collaboration de la fonction publique. Les attitudes négatives m'inquiètent énormément. Je pense que le respect mutuel s'impose pour que ce dossier progresse.

    Vous avez mentionné de multiples idées qui, à votre avis, contribueraient à faire avancer les choses. La meilleure chose à faire maintenant, outre les efforts que nous déployons pour faire progresser le dossier, c'est d'appuyer le nouveau projet de loi qui sera présenté à la Chambre des communes et de convaincre nos collègues de la nécessité d'y adhérer. Autrement dit, nous devons faire en sorte qu'il soit débattu et rallier l'appui de nos collègues. Étant donné qu'une mesure nous sera soumise d'ici quelques jours, c'est sans doute l'occasion de tirer parti de l'information que vous nous avez donnée et d'essayer de faire adopter cette mesure, peut-être avec certains changements.

    Comment modifier les perceptions, convaincre tous les acteurs qu'ils appartiennent à la même équipe, qu'ils sont parties prenantes à ce changement de culture? Il n'y aura pas un nouveau premier ministre qui se lèvera pour dire que tout va changer à partir d'aujourd'hui; commencez à penser différemment et nous allons tous vous apprécier. Ce ne sera pas aussi facile.

    Si l'on souhaite favoriser un changement de culture, il faudra faire la preuve que vous êtes capables de concrétiser le changement. Si l'on examinait ce projet de loi plus tôt et qu'on y apportait ce genre de changement, serait-ce pour la fonction publique un indice que nous sommes sérieux, que nous avons vraiment la volonté de mettre en oeuvre les changements qui ont été recommandés dans ces innombrables rapports?

    Il s'agit là de commentaires généraux auxquels quiconque peut répondre. Je sais que tout le travail effectué aujourd'hui était le fait du gouvernement.

½  +-(1920)  

+-

    Le président: Monsieur Fryer.

+-

    M. John Fryer: Nous avons constitué l'Agence des douanes et du revenu du Canada, l'ancien ministère du Revenu national. C'est maintenant à cette agence que nous payons nos impôts. Cette transition, qui nous a fait passer de la fonction publique proprement dite à un organisme de service public quasi indépendant a nécessité des ajustements de la part des employés, notamment au niveau des syndicats et des conventions collectives.

    Les employés ont eu beaucoup de mal à obtenir leur première convention collective à la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada. Même si ces personnes avaient toutes travaillé auparavant pour le ministère du Revenu national et avaient été couvertes pendant des années, les choses en étaient au point de rupture. Les gens étaient sur le sentier de la guerre, et on envisageait de fermer la boîte. On m'a demandé de leur parler.

    Le dirigeant, M. Wright, m'a appelé pour me demander si je voulais bien m'entretenir avec lui à ce sujet. Au cours de ma visite, j'ai appris qu'il n'avait jamais rencontré les chefs syndicaux qui représentaient ses employés. Ils ne s'étaient jamais rencontrés face à face pour discuter. J'ai simplement facilité certaines de ces réunions et après cela, les choses se sont tassées. Maintenant, ils s'appellent par leur prénom. Ils se sont rendus compte, d'un côté comme de l'autre, qu'ils n'avaient pas affaire au diable incarné.

    Cela peut sembler très simple, mais il faut avancer petit à petit.

    Lorsqu'on parle de dix ans, on ne veut pas dire que soudainement, après avoir fait tout cela, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes. Ce que nous essayons de vous faire comprendre, c'est que les choses se feront progressivement.

    Pour reprendre votre analogie maritime, un pétrolier ne peut changer de direction rapidement. Il lui faut deux milles pour changer de cap. C'est vraiment une analogie parfaite. La fonction publique a été dirigée dans un mode commandement et contrôle depuis très longtemps. Il faut qu'elle change. Il faut qu'elle adopte une attitude davantage axée sur la coopération et la collaboration, une attitude inspirée par la conviction que «nous sommes tous dans le même bateau», politiciens élus comme bureaucrates. Nous sommes tous dans le même bateau.

    À notre avis, cela prendra sans doute une dizaine d'années, si tant est que c'est possible.

+-

    Mme Linda Duxbury: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. Nous vous affirmons que cela prendra dix ans, mais cela ne veut pas dire qu'on ne verra pas de changement visible en cours de route. En fait, il faudra qu'il y ait des changements concrets car autrement, les gens vont renoncer.

    Dans les affaires, nous avons des expressions imagées pour tout. Dans le secteur privé, on appellerait ça un «fruit à portée de la main». Il vous faudra identifier certains fruits à portée de la main qui sont très visibles et faciles à récolter, mais qui ne sont pas pourris. Nous ne voulons pas de fruits pourris.

    Moi qui travaille avec le secteur public, je peux identifier des secteurs d'excellence que vous pourriez mettre de l'avant. Par exemple, j'ai travaillé avec la direction de la technologie de l'information à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, qui compte 4 500 employés. Le sous-ministre adjoint a fait tout simplement un travail formidable. Nous avons sondé ses employés tous les ans pendant deux ans et demi avant qu'ils croient qu'un changement était possible. Deux ans et demi! Ils n'arrêtaient pas de dire: «C'est possible, mais vous allez partir et à ce moment-là, nous serons de retour à la case départ», ce qui est une perception répandue. Voilà pourquoi je dis que c'est à vous de prendre les rênes. En effet, l'attitude des employés est généralement la suivante: «Vous dites cela maintenant, mais vous allez partir; nous venons d'une famille éclatée et nous craignons que cela se reproduise et c'est pourquoi nous n'allons pas nous rallier.» Il lui a fallu deux ans et demi pour renverser la vapeur.

    Au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, il y a une authentique perle d'excellence, soit l'initiative dirigée par David Mulroney. Encore là, c'est un créneau. Il y a là d'excellents dirigeants qui ont pris la commande.

    Je vous suggère d'examiner certains des succès au sein de la fonction publique pour en tirer des enseignements et les appliquer ailleurs. Je ne pense pas qu'il faille faire davantage d'études--certes non. J'adore faire des études mais pour être honnête, j'avoue que j'ai suffisamment de données.

    Il existe des secteurs d'excellence. Nous devons identifier les raisons de leur succès, peut-être faire quelques études de cas sur leurs éléments stratégiques. La documentation qui existe sur le changement nous a déjà appris quelles composantes clés doivent être en place.

½  +-(1925)  

+-

    Le président: Quelqu'un d'autre veut-il intervenir?

+-

    Mme Judy Sgro: À propos du travail sur les politiques publiques que vous faites--et nous vous en sommes reconnaissants--, Sheldon nous a exposé ce matin ce que le Forum des politiques publiques était censé faire et ce qu'il continue de faire. Mais comble-t-il un vide? Est-ce parce que nous ne faisons pas suffisamment d'études de politique à l'intérieur du système que nous dépendons maintenant beaucoup plus d'organismes externes pour faire énormément de travail dans ce domaine pour le gouvernement fédéral?

+-

    M. David R. Zussman: Depuis quelques années, nous avons constaté un déclin généralisé de la capacité de la fonction publique d'élaborer de bonnes politiques publiques. Il y a donc un nombre croissant d'organismes qui effectuent une analyse des politiques pour le gouvernement. Ce n'est pas une mauvaise chose, loin de là. En fait, je pense que c'est très positif, pour autant que la relation entre les organismes externes et la fonction publique soit symbiotique et non conflictuelle. Il ne doit pas y avoir de conflit entre les deux.

    Cela dit, le Forum des politiques publiques a signalé à maintes occasions qu'il est nécessaire de renforcer la capacité d'élaboration des politiques. L'un des résultats involontaires de l'examen des programmes a été un déclin plutôt radical de la taille des directions d'élaboration des politiques. De façon générale, on pensait que le gouvernement fédéral n'allait plus élaborer des politiques et se contenter de structurer des programmes existants.

    Depuis que le gouvernement accuse des surplus, il est redevenu très actif pour ce qui est d'élaborer des politiques et des mesures législatives et il a besoin de gens compétents dans ce domaine. Mais il a aussi besoin, comme l'a fait remarquer Ercel, de bons gestionnaires. Le système a tendance à récompenser de façon disproportionnée les concepteurs de politiques pour leur contribution; nous n'accordons pas suffisamment de crédits aux gens qui dirigent bien les programmes. Cela va dans le même sens que l'argument qui a été soulevé tout à l'heure. La nécessité de récompenser l'excellence au niveau de la gestion mais aussi de reconnaître les dangers inhérents à la prise de risques dans les grandes organisations. C'est l'un des véritables défis et l'un des points que j'allais avancer plus tard en guise de récapitulation. Je pense que tout le monde a dit, d'une façon ou d'une autre, qu'il importe de reconnaître le mérite et la valeur du volet gestion, tout comme nous le faisons pour l'analyse de politiques.

    Nous avons tous évoqué votre rôle en tant que députés au Parlement, et je trouve cela intéressant puisque nous ne nous sommes pas concertés auparavant. Nous estimons tous qu'en tant que députés, vous pouvez jouer un rôle de premier plan pour assurer la réalisation de ces mesures de réforme. D'abord, en demandant une reddition de comptes, en prodiguant davantage d'encouragements, en posant des questions pointues. En somme, en accordant davantage d'attention à la fonction publique qui, en fait, est à votre service.

+-

    Mme Judy Sgro: Lorsque le projet de loi sera présenté et que les fonctionnaires entendront cela ils diront: «Ciel, qu'est-ce qui va nous arriver maintenant? Encore des discours et moins d'action.» Nous avons besoin de remporter quelques victoires rapides pour gagner leur confiance.

½  +-(1930)  

+-

    Mme Linda Duxbury: Je n'ai pas consulté qui que ce soit avant de dire cela, mais je pense que la fonction publique est un environnement fabuleux pour ce qu'on appelle la filière de la double carrière. Par exemple, la société Pratt & Whitney, qui fabrique des moteurs d'avion, a promu ses meilleurs ingénieurs à des postes de cadres. Ce faisant, elle a perdu les services de ses meilleurs ingénieurs et mis en place des administrateurs absolument lamentables. Cela confirme ce que David disait. Nous devons récompenser les concepteurs de politiques parce que ce sont de bons concepteurs de politiques, et nous devons leur permettre de continuer de l'être. De la même façon, il faut qu'il y ait une filière pour les gestionnaires pour que nous puissions compter sur d'excellents gestionnaires.

    Au sein de la fonction publique, on compte un grand nombre d'experts fort compétents qui ne veulent pas devenir gestionnaires. Ils veulent simplement obtenir une meilleure classification, une meilleure rémunération et la reconnaissance qu'ils sont de très bons spécialistes, les meilleurs. Je pense que ce pourrait être une victoire rapide.

+-

    Le président: John Fryer.

+-

    M. John Fryer: Mon cheval de bataille, ce sont les relations patronales-syndicales. Les syndicats nous disent qu'ils n'ont pas le sentiment qu'on les respecte, qu'on leur fait confiance, qu'on les traite en égaux. Nous avons fait dans notre rapport une recommandation pour qu'à l'avenir, les réunions syndicales se déroulent sur les lieux de travail pendant les heures de travail. Quand les réunions sont tenues le soir dans un motel au centre-ville, la plupart des gens n'y vont pas. C'est donc très facile pour un petit groupe non représentatif de s'emparer de l'organisation et d'affirmer ensuite représenter la majorité. Bien sûr, la direction rétorque: «Non, ce n'est pas vrai. Je sais ce que mes employés pensent, et ça ne correspond pas à ce que vous nous dites.» Nous avons donc recommandé qu'on laisse les syndiqués tenir leurs réunions au travail et qu'ils aillent ensuite vous rencontrer pour vous faire part de leurs préoccupations; en tant que gestionnaires, vous pouvez discuter et travailler avec eux.

    Nous avons fait cette recommandation il y a un an et demi et le Conseil du Trésor nous a dit qu'une politique serait élaborée dans les plus brefs délais. Jusqu'à maintenant, nous n'avons rien vu. Donc, 18 mois plus tard, rien n'a été fait pour donner suite à cette recommandation qui, nous semblait-il, aiderait énormément.

    Si la nouvelle initiative connaît le même sort, alors vous serez indubitablement confrontés au renforcement de tout ce dont nous vous avons parlé.

+-

    Le président: Bon, merci beaucoup.

    Comme nous sommes un petit comité restreint et informel, je vais m'accorder quelques minutes à moi-même, si vous n'y voyez pas d'objection.

    Je pense que nous avons cerné ici des questions importantes et de grande envergure. Et je pense que nous avons l'occasion, comme Linda et Judy et David l'ont dit, d'obtenir l'adhésion des députés au Parlement. Je pense que nous pouvons nous faire les champions de certains de ces changements qui prendront du temps.

    J'ai une question à vous poser, monsieur Fryer, après quoi je voudrais aborder avec M. Zussman la question de la hiérarchie, du risque, etc.

    Au sujet de la mesure législative dont nous serons saisis, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, la question est de savoir si elle sera renvoyée à notre comité ou bien au comité principal. Si vous deviez en faire l'analyse, simplement pour établir le contexte, dans quelle mesure ce projet de loi, à votre connaissance, correspond-il aux questions dont nous avons discuté aujourd'hui? Lui donneriez-vous une note de deux sur dix, ou bien huit sur dix? Et je pense que Mme Duxbury a dit que c'était seulement un début.

+-

    M. John Fryer: Voyons si j'ai bien compris la question.

    Quand elle a été adoptée en 1967, la loi était à la fine pointe du progrès. Je ne vois donc pas comment vous pourriez appliquer votre échelle à cette loi.

+-

    Le président: Non, je parle du projet de loi qu'on s'apprête à présenter.

+-

    M. John Fryer: Je ne sais pas. Je ne connais pas suffisamment les détails de la nouvelle loi. Je dis qu'à un moment donné, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique était ce qui se faisait de mieux comme cadre législatif régissant les relations patronales-syndicales. C'était essentiellement le mandat de mon comité que de formuler au gouvernement des recommandations pour ramener la loi à la fine pointe du progrès à l'avenir. Nous devrons donc attendre de voir ce qu'il y a dans le projet de loi pour savoir si, tout compte fait, nous avons le sentiment d'être en présence d'une législation dernier cri.

+-

    Le président: Je devrai peut-être reformuler ma question.

    M. John Fryer: Je suis désolé.

    Le président: Ce n'est pas un secret que votre rapport, intitulé Travailler ensemble dans l'intérêt public, a certainement influencé la réflexion qui a abouti à ce projet de loi.

    Supposons que le projet de loi correspond à vos recommandations, disons presque complètement. Dans quelle mesure, en pareil cas, aurions-nous réussi à régler la problématique dont nous avons discuté depuis une heure?

+-

    M. John Fryer: Dans le domaine des relations patronales-syndicales, je pense que cela nous ramènerait tout près du premier rang. Si l'on donne suite à ces recommandations dans le projet de loi qui nous sera présenté, alors je pense que nous allons de nouveau donner l'exemple, parce que nous allons orienter dans le sens des relations patronales-syndicales le changement culturel, parallèlement à d'autres initiatives qui seront prises en même temps. Par exemple, une partie de l'intervention du législateur portera sur la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

    Je suis personnellement d'avis que l'élément relations de travail est important parce que, comme Linda l'a dit, les jeunes détestent les syndicats. C'est un fait que la fonction publique est syndiquée et, d'après les membres de mon comité, elle va demeurer syndiquée. Nous n'envisageons pas que le gouvernement décide de se doter d'une fonction publique non syndiquée.

    Donc, dans un contexte de syndicalisation, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique devient le cadre juridique clé dans lequel le changement de culture prend place, et il faudra voir de quoi il retourne quand on nous présentera le document.

½  +-(1935)  

+-

    Le président: En bref, vous diriez que c'est un début, mais même pour les ressources humaines ou pour les relations de travail, bien que ce soit un élément important, ce n'est que l'un des éléments. Nous pourrions discuter de l'organisation du perfectionnement des ressources humaines, de la culture, du moral, etc.

+-

    M. John Fryer: Absolument. Je reconnais tout à fait que c'est seulement une partie de la solution, mais si vous voulez obtenir l'adhésion des employés et surtout de leurs représentants élus, il me semble que c'est un élément crucial. Je ne prétends pas que ce soit le seul élément, ni même le plus important, mais c'est un élément fondamental.

+-

    Le président: Très bien. C'est acceptable, parce que notre sous-comité examine la question plus globalement et sous l'angle du long terme, et cette mesure législative est extrêmement importante, mais c'est une pièce du casse-tête, et c'est peut-être l'une des pièces clés du casse-tête.

    Je voudrais revenir à M. Zussman et à la question de la hiérarchie. Nous avons beaucoup parlé au comité principal de la nécessité de mieux gérer horizontalement. Cela m'a frappé et j'ai posé la question aux autres témoins qui ont comparu devant nous. Dans la fonction publique, est-ce prendre ses désirs pour des réalités, est-ce trop ambitieux de s'imaginer que nous allons pouvoir remanier l'organisation, comme cela s'est fait dans le secteur privé pour déboucher sur des organisations plus horizontales, moins hiérarchiques, le travail à ses risques et périls, pour le lancement d'un produit ou quoi que ce soit. Telle semble être l'évolution, bien que tout cela se fasse par cycles. Si nous voulons mieux gérer horizontalement, est-il possible de remanier, de reconfigurer l'organisation du gouvernement pour y parvenir?

+-

    M. David R. Zussman: La réponse est oui, en grande partie parce que les grands dossiers d'affaires publiques auxquels nous sommes désormais confrontés sont de nature horizontale. Le gouvernement fédéral n'est pas seul en cause, bien sûr, puisque ces questions touchent souvent d'autres compétences, qu'elles soient fédérales, provinciales et même internationales. C'est un défi auquel nous ne pouvons pas nous dérober.

    Mais cela dit, je pense que la réponse à cette question réside dans certaines observations qu'Ercel et Linda ont faites, et John aussi, mais c'est moins accentué du côté des syndicats, quant à la nécessité de préciser les rôles. Vous devriez espérer que l'on apporte dans cette mesure législative des précisions quant aux rôles des divers intervenants, comme Ercel l'a dit explicitement, de même que Linda, au sujet de la reddition de comptes et de la matrice entourant ces nouveaux rôles. Cela peut contribuer dans une grande mesure à l'atteinte de certains objectifs qui ont été évoqués autour de la table ce soir.

    L'horizontalité est un fait dans les organisations modernes, où tout est lié à tout le reste. Le défi est de trouver le moyen de s'organiser pour y faire face et il n'y a bien sûr aucun moyen idéal d'y parvenir. La manière la plus simple de s'y prendre est de trouver une personne, de lui confier la responsabilité et de l'obliger à rendre des comptes, en lui confiant les ressources voulues pour faire le travail, et de mesurer les résultats, en précisant par la suite à la personne choisie dans quelle mesure elle s'en est bien tirée, quitte à tirer les leçons de l'expérience et à passer à autre chose.

+-

    Le président: Madame Duxbury.

+-

    Mme Linda Duxbury: Notre expérience dans le secteur privé nous a appris que l'horizontalité fonctionne bien s'il y a un aspect social dans les relations de travail. On ne partage pas de l'information avec quelqu'un à moins de savoir que cette personne travaille à un dossier qui n'est pas sans ressembler au vôtre. On ne partage pas son savoir avec quelqu'un à moins de connaître suffisamment bien cette personne et de lui faire confiance pour utiliser ce savoir à bon escient.

    Dans le secteur privé, il n'y a pas d'hésitation à intégrer un élément social dans le travail. Il n'y a pas de tollé au sujet du coût de cet élément social, du genre: comment osez-vous faire telle ou telle chose sous prétexte que c'est un élément social? C'est l'aspect social qui rend possible le partage du savoir.

    Dans la fonction publique, nous n'avons pas cet élément social du travail, parce que c'est l'argent des contribuables, alors comment peut-on se permettre de le dépenser à cette fin? Ensuite, on s'étonne qu'il n'y ait aucun partage du savoir d'un service à l'autre.

    Cela revient à ce que je disais, à savoir que ce cloisonnement fonctionne bien quand il n'est pas nécessaire de partager quoi que ce soit d'un silo à l'autre, mais nous avons maintenant besoin de partager et d'avoir une plus grande fluidité dans nos structures. Nous devons, je le répète, intégrer un élément social dans le travail si nous voulons obtenir ce partage du savoir, parce que bien souvent, on ne sait même pas ce que l'on devrait partager avant d'avoir établi les contacts.

½  +-(1940)  

+-

    Le président: Merci.

    J'ai une autre brève observation sur le goût du risque et l'aversion du risque.

    Souvent, dans la fonction publique, quand on passe à travers un examen des programmes et des coupes sombres, la réaction traditionnelle consiste à fermer les écoutilles, rentrer la tête dans les épaules, en espérant que l'on va survivre au couperet, ce qui n'est pas vraiment favorable à la prise de risques. Par ailleurs, c'est une question de cycle et de retour du balancier.

    John, quand nous étions en Colombie-Britannique, nous avons subi une réorganisation de fond en comble du ministère des Forêts, une décentralisation très poussée. La décentralisation donne souvent lieu à des oscillations du pendule, parce que quand on décentralise la prise de décisions, on crée davantage de risques, et si quelqu'un commet une gaffe dans un bureau local, quelqu'un ne manque pas d'argumenter en faveur de tout ramener vers le centre.

    C'était la même chose dans le dossier de DRHC; il est clair que l'on n'avait pas fait diligence dans certains dossiers. J'ai lu un document d'un ancien sous-ministre qui a déclaré: «Dorénavant, on va tout noyer dans la paperasse. Peut-être que c'était un peu trop libre auparavant, mais maintenant, tout sera tellement rigoureux que plus rien ne va se faire.»

    Je me dis quelque part que quelqu'un, tout là haut, dans un poste haut placé, doit prendre une décision de gestionnaire et décréter que tout cela devra être plus rigoureux. Mais j'ai suffisamment d'expérience pour savoir que parfois, il faut opérer un changement institutionnel ou motivationnel pour amener une organisation à maintenir un certain élément de risque raisonnable.

    Quelqu'un a-t-il des réflexions là-dessus?

+-

    M. John Fryer: Je dirais que vous avez mis exactement dans le mille. C'est précisément ce qui se passe ou ce qui s'est passé, et c'est ce que recommande Ercel, à savoir qu'il y ait des personnes clés dans les quatre agences, ou les cinq, si l'on y ajoute le cabinet du premier ministre, des personnes qui seraient clairement chargées et responsables de la gestion et du succès dans le domaine des ressources humaines.

    Par exemple, je fais aussi partie d'un comité qui fixe les salaires et les avantages sociaux des cadres supérieurs, y compris les sous-ministres. Je pense que je suis le seul du secteur public, pour des raisons symboliques, puisque la plupart des autres sont des PDG de grandes entreprises canadiennes. Les sous-ministres ont actuellement des contrats de performance et nous nous penchons sur la question de la rémunération des sous-ministres au rendement. Mais il n'y a pas un seul sous-ministre qui ait sur son bureau le dossier de la gestion des ressources humaines. C'est toujours délégué. Dans le meilleur des cas, c'est un SMA qui est chargé des ressources humaines, et souvent même un directeur général, mais il n'y a pas un seul sous-ministre qui est tenu responsable de la gestion des effectifs du ministère, de s'assurer que les gens soient heureux de leur sort.

    Il y a actuellement une mentalité qui doit changer. Ce sont donc des mesures que nous sommes nombreux à préconiser et si nous commençons à prendre ces mesures, l'élan sera peut-être donné et nous obtiendrons de vrais changements et peut-être qu'il ne faudra pas dix ans. Mais c'est tout à fait élémentaire, si vous voyez ce que je veux dire.

    Nous n'avons pas fait les changements voulus à la base. Nous n'avons pas à l'heure actuelle une fonction publique dans laquelle il est établi que la ressource la plus importante, ce sont les gens qui travaillent pour nous. On fait semblant d'y croire, mais en pratique, ce n'est pas ainsi que l'on voit les choses.

+-

    Le président: C'est extraordinairement révélateur, quand on songe que l'administration publique est tellement axée sur les gens. Je sais que Mme Duxbury veut intervenir, mais je voudrais vous poser une question là-dessus.

    Est-ce parce que les sous-ministres ne sont pas à l'aise avec les ressources humaines? Est-ce un dossier trop embêtant? Quelle est la raison?

+-

    M. John Fryer: Non, je pense que c'est parce que les sous-ministres considèrent que leur principale responsabilité est d'éviter que leur ministre ait le moindre problème, et quelqu'un d'autre s'occupe des gens qui travaillent pour eux.

+-

    Le président: Bon.

    Madame Duxbury ou monsieur Baker, avez-vous des observations?

+-

    M. Ercel Baker: Je voudrais seulement ajouter que c'est un amalgame de différents éléments.

    Dans mon esprit, la première obligation du sous-ministre est de veiller à ce que le ministre soit équipé pour fonctionner à la chambre et au cabinet, et il y a dans ces lieux une orientation fortement politique, ce qui explique en grande partie pourquoi, traditionnellement, les sous-ministres sont issus des sphères qui s'occupent de l'élaboration des politiques.

    Il y a aussi la dimension qu'une seule personne ne peut pas assumer un fardeau illimité. J'en suis très conscient quand on parle d'un changement de culture. Si l'on veut qu'un sous-ministre s'occupe activement de la gestion des ressources humaines, il faudra peut-être, entre autres choses, qu'un ministre doive se contenter de travailler avec le sous-ministre adjoint chargé des politiques.

    C'est seulement une possibilité que vous pourriez envisager, mais ce n'est pas aussi simple que je l'ai probablement présenté. Mais je suis convaincu qu'il est absolument essentiel que le dirigeant le plus haut placé s'occupe activement de cette fonction de la gestion des ressources humaines.

½  -(1945)  

+-

    Le président: Nous allons passer au tour suivant, si les députés sont intéressés, mais pour revenir là-dessus, est-ce qu'un sous-ministre dans la fonction publique fédérale s'occupe d'une manière ou d'une autre de planifier sa succession?

    Je sais que les choses sont différentes dans la fonction publique, mais si l'on voit ce qui se fait dans le secteur privé, c'est parfois une obsession. Les cadres supérieurs passent leur temps à planifier et à comploter en vue de leur succession.

    Est-ce qu'un sous-ministre manifeste un intérêt quelconque, ou est-il au moins mis au courant et a-t-il son mot à dire pour ce qui est de déceler les jeunes loups, les brillants cerveaux auxquels on veut faire gravir les échelons?

+-

    M. Ercel Baker: Je pense que cela va plus loin qu'être simplement mis au courant. Je pense qu'ils doivent s'en occuper activement.

+-

    Le président: Mais je pose la question: s'en occupent-ils à l'heure actuelle? Ils ne touchent même pas...

+-

    M. Ercel Baker: Eh bien, pas tellement.

+-

    Mme Linda Duxbury: Cela dépend du sous-ministre. Il y en a qui en comprennent l'importance et qui s'en occupent.

    Je voudrais toutefois revenir sur la culture marquée par l'aversion pour le risque. Je suis convaincue que la fonction publique fédérale répugne au risque, qu'elle est frileuse, mais l'on en revient toujours à ceci que si l'on veut obtenir des résultats, il faut offrir des récompenses. On dit donc aux fonctionnaires qu'ils doivent prendre des risques, mais le risque s'accompagne inévitablement d'erreurs. On ne peut pas être créateur, être novateur, prendre des risques, tout en étant parfait, et la fonction publique a tendance à être intolérante à l'égard des erreurs, surtout si l'erreur se retrouve dans les journaux.

    Ce que les fonctionnaires entendent, c'est qu'ils doivent être créateurs, faire preuve d'innovation, mais ce qu'ils voient, c'est que ceux qui commettent des erreurs sont punis. Ce qui compte, c'est donc ce que l'on fait, pas ce que l'on dit.

    Nous utilisons deux analogies: nous disons que dans le secteur privé, la roue qui grince reçoit de l'huile; mais dans la fonction publique, le clou qui dépasse reçoit un coup de marteau. Vous voulez davantage de roues qui grincent, mais vous ne pouvez pas les punir parce qu'ils grincent. Cela revient au cadre de responsabilité: quel sort réserve-t-on à ceux qui commettent des erreurs?

+-

    Le président: Monsieur Baker.

+-

    M. Ercel Baker: Mais il ne faut jamais confondre le fait de prendre des risques avec une gestion brouillonne.

    Mme Linda Duxbury: Non, ce n'est pas la même chose.

    M. Ercel Baker: Souvent, la raison pour laquelle des erreurs sont commises, c'est qu'un cadre supérieur n'avait pas le dossier bien en main. Ce n'était pas une question de...

    Mme Linda Duxbury: De prendre des risques.

    M. Ercel Baker: ...de risque et de créativité.

-

    Le président: J'ignore si les témoins sont disposés à rester encore un peu.

    Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Lanctôt? Madame Sgro?

    Je voudrais profiter de l'occasion pour vous remercier, au nom de tous les membres du sous-comité, d'être venus nous rencontrer ce soir pour partager avec nous vos vues, vos connaissances et votre expérience. Qui sait, nous vous demanderons peut-être de revenir à un moment donné, mais nous vous sommes reconnaissants de votre contribution, qui nous sera très utile dans nos délibérations.

    Mme Linda Duxbury: Merci.

    M. Ercel Baker: Merci.

    Le président: La séance est levée.