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PACC Rapport du Comité

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CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6


Conformément à l’article 108(3)e) du Règlement, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a l’honneur de présenter son

PREMIER RAPPORT

Après l’examen du rapport de la vérificatrice générale du Canada pour décembre 2001 (chapitre 13 — Autres observations de vérification : affaiblissement de la surveillance par le Parlement d’une allocation pour frais de chauffage ciblée), le Comité permanent des comptes publics a convenu de déposer le rapport suivant.

INTRODUCTION

Dans son Énoncé économique et sa mise à jour budgétaire d’octobre 2000[1], le gouvernement du Canada s’est dit inquiet de l’effet de la montée des prix de l’énergie sur les frais de chauffage des Canadiens à revenu faible ou modeste. C’est pour cette raison qu’il a annoncé qu’il verserait une allocation pour frais de chauffage à tous ceux qui étaient admissibles au crédit pour la taxe sur les produits et services (CTPS) payable en janvier 2001. Le montant de l’allocation a été fixé à 125 $ pour les particuliers et à 250 $ pour les familles. Cette mesure a coûté plus de 1,4 milliard de dollars pour l’exercice s’étant terminé le 31 mars 2001, selon les estimations et a touché 8,6 millions de personnes[2].

Le gouvernement a proposé de faire modifier la Loi de l’impôt sur le revenu pour obtenir l’autorisation dont il avait besoin pour effectuer les versements. Après l’adoption de l’avis de motion de voies et moyens, le Parlement a toutefois été dissous pour permettre la tenue des élections générales de novembre 2000. La législation nécessaire pour modifier la Loi de l’impôt sur le revenu n’a donc pas été présentée, débattue, ni approuvée avant la dissolution du Parlement.

Après la dissolution du Parlement, le gouvernement a décidé de verser l’allocation sous forme de paiements à titre gracieux autorisés par le gouverneur en conseil. Un paiement à titre gracieux est fait à la discrétion du gouvernement, par bienveillance et dans l’intérêt public. Même si le gouvernement avait obtenu cette autorisation du gouverneur en conseil, le Parlement devait toujours fournir les fonds. Ce dernier ayant été dissous, le gouvernement a donc obtenu des mandats spéciaux pour financer les paiements. Le Parlement a autorisé le recours à des mandats spéciaux pendant la période où il a été dissous, ne pouvant alors voter de crédits pour un paiement que le bien public exigeait de toute urgence.

En plus de la manière dont le gouvernement a autorisé et obtenu le financement de cette mesure, le ciblage de l’allocation aurait pu être amélioré. Après avoir évalué un certain nombre de scénarios, le ministère des Finances a décidé que, compte tenu des objectifs de politique, le crédit pour la taxe sur les produits et services était le meilleur mécanisme existant capable de faire bénéficier les ménages à revenu faible ou modeste de l’allocation pour frais de chauffage. Le Bureau du vérificateur général a examiné par la suite le programme en question et conclu que le gouvernement ne disposait pas de suffisamment d’information pour cibler avec précision les ménages à revenu faible ou modeste devant faire face à une hausse de leurs frais de chauffage. Selon l’analyse du vérificateur général, au moins 40 % des paiements ont été versés à des ménages à haut revenu ou à des personnes qui n’auraient pas à souffrir de la hausse des frais de chauffage liée à l’état du marché de l’énergie en 2000-2001. Qui plus est, parce que les paiements du titre du CTPS de janvier 2001 étaient fondés sur le revenu de 1999, au moins 90 000 personnes à revenu faible ou modeste devant faire face à une hausse des coûts de chauffage n’ont pas eu droit à l’aide financière prévue.

Le Comité attache beaucoup d’importance à la transparence et à la reddition de comptes du gouvernement envers le Parlement et, en fin de compte, la population canadienne. La manière par laquelle le gouvernement a obtenu l’autorisation et le financement du programme d’allocation pour frais de chauffage lui a permis, dans les faits, de contourner le processus normal d’examen, de débat et d’approbation par le Parlement. Attachant une grande importance à la surveillance par le Parlement des dépenses publiques, le Comité s’est donc réuni le 11 avril 2002 pour analyser les conclusions du rapport de la vérificatrice générale sur le programme d’allocation pour frais de chauffage. Sheila Fraser (vérificatrice générale du Canada), James Hood (directeur principal) et Richard Domingue (directeur) représentaient le Bureau du vérificateur général. Les représentants du ministère des Finances étaient Stephen Richardson (sous-ministre adjoint principal à la Direction de la politique de l’impôt) et Serge Nadeau (directeur de la Division de l’impôt des particuliers, à la Direction de la politique de l’impôt). Pour l’Agence des douanes et du revenu du Canada, étaient présents David Miller (sous-commissaire, Direction générale des cotisations et des recouvrements), et Kathy Turner (directrice générale de la Direction des programmes de prestations à la Direction générale des cotisations et des recouvrements).

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

Les membres ont demandé aux témoins les mesures qu’il fallait envisager prendre pour mieux cerner et cibler des groupes particuliers. Dans sa déclaration d’ouverture, M. Richardson a expliqué pourquoi le ministère des Finances avait retenu le mécanisme du CTPS pour fournir une aide ponctuelle à des segments de la population canadienne considérés comme les plus vulnérables à la hausse des coûts d’énergie. Une fois que le gouvernement du Canada a décidé de fournir cette aide financière, le ministère des Finances a envisagé plusieurs scénarios. Ces scénarios avaient ensuite été évalués à la lumière de trois grands objectifs : le ciblage, la vitesse d’exécution et le coût d’administration. Selon M. Richardson, le mécanisme du CTPS avait été retenu parce que c’était le seul à répondre à ces trois critères. C’est en effet le meilleur mécanisme pour cibler les Canadiens à revenu faible ou modeste, car il est conçu comme une prestation soumise à une évaluation du revenu familial. De plus, c’était aussi le seul mécanisme fournissant une aide financière rapidement à de nombreuses personnes avant la fin de l’hiver 2000-2001, et c’était le moyen administratif le plus économique de venir en aide aux groupes ciblés[3].

Les membres du Comité ont demandé si fort des connaissances et des outils sophistiqués dont il dispose, le ministère des Finances, aurait pu trouver un meilleur instrument de ciblage de l’allocation pour frais de chauffage. M. Richardson a répondu que le Ministère était constamment « à la recherche de meilleures méthodes de ciblage »[4] et que l’un des nombreux problèmes qui se posent dans le développement de la politique fiscale est de cibler les ménages à revenu faible ou modeste devant subir une hausse subite et substantielle de leurs frais de chauffage[5]. Certains membres du Comité ont demandé si le ministère des Finances cherchait actuellement d’autres méthodes de ciblage. M. Richardson a répondu que le ministère des Finances n’examinait pas pour le moment d’autres moyens de cibler la population, car aucune autre mesure ou politique de ce type n’était envisagée pour le moment. M. Richardson a répété que, étant donné les objectifs du programme, le CTPS était un moyen relativement précis de cibler les Canadiens à revenu faible ou modeste et était le meilleur mode de ciblage existant. Il a toutefois affirmé que, si le moment du versement n’avait pas eu une telle importance stratégique, d’autres options auraient pu être envisagées[6].

Étant donné l’instabilité des marchés énergétiques mondiaux, des hausses importantes et soudaines des prix de l’énergie dues à des pénuries temporaires peuvent se produire et se produisent effectivement. Par ailleurs, la population canadienne est plus vulnérables aux hausses subites des prix de l’énergie en raison de sa situation géographique. Donc, comme l’ont fait remarquer certains membres, il serait tout à fait justifié, avant qu’une nouvelle crise ne survienne, que le ministère des Finances mette au point un certain nombre d’instruments à utiliser en cas d’urgence, au lieu de réagir au coup par coup par des mesures improvisées. Par conséquent, le Comité formule la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 1

Que le ministère des Finances, en collaboration avec d’autres ministères et organismes pertinents, mette sur pied, pour le cas où il y aurait des fluctuations excessives des prix de l’énergie, un plan d’assistance publique comportant des instruments de politique qui permettraient de cerner les segments de la population les plus vulnérables aux hausses subites et importantes des prix de l’énergie; et que le ministère des Finances prépare et dépose un document résumant ce plan au Parlement et au Comité des comptes publics le 31 mars 2003 au plus tard.

Dans son Énoncé économique d’octobre 2000, le gouvernement avait annoncé son intention de fournir une aide financière aux ménages canadiens devant faire face à une hausse de leurs frais de chauffage et proposé de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu pour obtenir l’autorisation du Parlement nécessaire pour effectuer ces paiements. Tout en reconnaissant la légalité du recours à des paiements à titre gracieux et de l’émission de mandats spéciaux, la vérificatrice générale s’inquiète de ce que le gouvernement, désireux d’accorder les allocations pour frais de chauffage aux ménages admissibles, n’ait pas permis au Parlement d’examiner, de discuter et d’approuver l’initiative.

Le gouvernement estime que l’obtention d’un décret du gouverneur en conseil était cruciale pour que les bénéficiaires de l’allocation pour frais de chauffage reçoivent leur paiement avant la fin de l’hiver 2000‑2001. Si le gouvernement avait attendu jusqu’à ce que le Parlement reprenne ses travaux pour déposer son projet de loi, et même si le projet de loi avait été adopté presque immédiatement, l’aide n’aurait pas pu être versée avant le milieu du mois de mars 2001 au plus tôt. Ce retard aurait été inévitable en raison des procédures administratives, comme l’impression des chèques, qui exige au moins six semaines, une fois les paiements approuvés. Selon M. Richardson, un tel retard serait allé à l’encontre de l’objectif du gouvernement, qui était de fournir une aide à la population ciblée avant la fin de l’hiver[7].

Le Comité estime qu’il est important de maintenir le rôle du Parlement pour ce qui est de surveiller les dépenses publiques. Quels que soient les mérites des mesures qu’il prend, lorsqu’il est question de sommes importantes, le gouvernement doit chercher avec une diligence raisonnable à obtenir une approbation claire et explicite du Parlement. Qui plus est, l’étude par le Parlement peut être bénéfique pour les mesures législatives ou projets de loi avancés, le débat et l’examen qui en résultent pouvant être l’occasion d’améliorer les initiatives proposées. Le Comité reconnaît que le gouvernement doit parfois agir rapidement pour répondre à des situations d’urgence, mais espère qu’à l’avenir, lorsque le gouvernement fédéral envisagera de nouvelles mesures entraînant des dépenses importantes, il fera tout ce qui est raisonnablement possible pour que le Parlement ait l’occasion de les analyser, d’en discuter et de les approuver. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 2

Qu’à l’avenir, lorsqu’il décidera de mettre en œuvre des initiatives spéciales visant des montants importants de fonds publics, le gouvernement fasse tout ce qui est raisonnablement possible pour faire en sorte que celles-ci soient renvoyées devant le Parlement afin que ce dernier les autorise de manière claire et explicite.

CONCLUSION

Le Comité estime qu’il est important de maintenir le rôle du Parlement en matière d’examen et de contrôle des fonds publics. Le processus par lequel le projet d’allocation pour frais de chauffage a été autorisé et financé ne prévoyait pas d’examen, de débat, ni d’approbation par le Parlement. Si des deniers publics doivent servir à financer des programmes de l’État, il est dans l’intérêt de la transparence et de la reddition de comptes que le gouvernement cherche l’approbation du Parlement.

Conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande que le gouvernement dépose une réponse globale au présent rapport.

Un exemplaire des procès-verbaux pertinents (séances no 47, 56 et 62 de la 1re Session de la 37ième législature et séance no 3 de la 2e Session de la 37ième législature) est déposé.

 

Respectueusement soumis,

Le président,

JOHN WILLIAMS, DÉPUTÉ



[1]       Ministère des Finances, Énoncé économique et mise à jour budgétaire, Ottawa, 18 octobre 2000, p. 98.

[2]      Selon les documents budgétaires de 2001, l’allocation pour frais de chauffage devait coûter 1,345 milliard de dollars et viser   11 millions de Canadiens.

[3]       Ibid.

[4]       Ibid.

[5]       Ibid.

[6]       Ibid.

[7]       Ibid.