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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 3 février 2003




¹ 1535
V         Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.))
V         M. Vic Allen (chef de la direction, « Upper Canada Networks »)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président
V         M. John McLennan (vice-président et chef de la direction, AT & T Canada)

¹ 1550

¹ 1555
V         Le président
V         M. John McLennan

º 1600
V         Le président
V         M. William Linton (président et chef de la direction, « CallNet Enterprises Inc. »)

º 1605
V         Le président
V         M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne)
V         M. William Linton

º 1610
V         M. James Rajotte
V         M. William Linton
V         M. James Rajotte
V         M. William Linton
V         M. James Rajotte
V         M. John McLennan
V         M. James Rajotte

º 1615
V         M. John McLennan
V         M. James Rajotte
V         M. John McLennan
V         M. James Rajotte
V         M. John McLennan
V         M. James Rajotte
V         M. John McLennan
V         Le président
V         M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.)
V         M. John McLennan

º 1620
V         M. Larry Bagnell
V         M. John McLennan
V         M. Larry Bagnell
V         M. Vic Allen

º 1625
V         Le président
V         M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ)
V         M. William Linton
V         M. John McLennan

º 1630
V         M. Paul Crête
V         M. John McLennan

º 1635
V         Le président
V         M. William Linton
V         Le président
V         M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.)
V         M. John McLennan

º 1640
V         M. Dan McTeague
V         M. William Linton
V         M. John McLennan
V         M. Dan McTeague

º 1645
V         M. William Linton
V         M. John McLennan
V         Le président
V         M. Vic Allen

º 1650
V         Le président
V         M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD)
V         M. William Linton
V         M. Brian Masse
V         M. John McLennan

º 1655
V         M. Brian Masse
V         M. William Linton

» 1700
V         M. John McLennan
V         Le président
V         Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)
V         M. William Linton
V         Mme Paddy Torsney
V         M. William Linton
V         Mme Paddy Torsney
V         M. William Linton
V         Mme Paddy Torsney
V         M. William Linton
V         Mme Paddy Torsney
V         M. William Linton
V         Mme Paddy Torsney
V         M. William Linton
V         M. John McLennan

» 1705
V         Mme Paddy Torsney
V         M. John McLennan
V         Mme Paddy Torsney
V         M. John McLennan
V         M. Vic Allen
V         Le président
V         M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne)

» 1710
V         M. John McLennan
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. William Linton
V         M. John McLennan

» 1715
V         M. William Linton
V         M. John McLennan
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. John McLennan
V         M. Brian Fitzpatrick
V         M. John McLennan
V         Le président
V         M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.)

» 1720
V         Le président
V         M. John McLennan
V         M. William Linton
V         M. John McLennan

» 1725
V         Le président
V         M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.)
V         M. John McLennan
V         Le président










CANADA

Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie


NUMÉRO 014 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 3 février 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Notre ordre du jour, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, consiste à examiner les restrictions à l'investissement étranger dans le secteur des télécommunications.

    Nous entendons aujourd'hui plusieurs témoins. Je vous les présente. M. Vic Allen, représentant Upper Canada Networks, M. John McLennan et Chris Peirce de AT&T Canada; et M. William Linton, Jean Brazeau et Ian Scott de CallNet Enterprises.

    Les témoins disposent de dix minutes pour un exposé liminaire et nous aurons ensuite une période de questions. Je vous demande de commencer, monsieur Allen, et nous suivrons la liste telle qu'elle figure à l'ordre du jour.

    Monsieur Allen.

+-

    M. Vic Allen (chef de la direction, « Upper Canada Networks »): Merci, monsieur le président et membres du comité permanent. Je suis ravi de comparaître cet après-midi pour vous faire part de ce que nous vivons dans le secteur des réseaux communautaires, qui forment la base des télécommunications.

    Upper Canada Networks est une société ontarienne sans but lucratif fondée spécifiquement pour conclure un accord avec le gouvernement provincial aux fins de l'attribution d'un financement pour le lancement d'un réseau communautaire couvrant les comtés fusionnés de Leeds et Grenville. Leeds et Grenville, pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, jouxte Ottawa au sud. C'est la porte à côté de l'agglomération d'Ottawa.

    Notre mission consiste à fournir aux secteurs public et privé du comté de Leeds et Grenville et à ses habitants un accès de prix abordable aux services à large bande. Le réseau que nous avons mis en place a peut-être été le mieux décrit par le Groupe de travail national sur les services à large bande dans son rapport sur l'accès des petites localités aux services à large bande.

    En effet, le groupe de travail, dans son rapport final, a fait état de notre réseau communautaire. En tant que membre de ce groupe de travail et maintenant membre du comité de sélection national, je considère que les réseaux communautaires sont réellement le seul vecteur de connexion viable des petites villes et campagnes canadiennes. Déjà, plus de 200 collectivités ont demandé à Industrie Canada des fonds pour mener des études de viabilité et, à partir de là, construire des réseaux dans tout le pays. Ce mouvement est considéré comme indispensable à la vitalité des collectivités au 21e siècle, particulièrement en zone rurale.

    J'aimerais vous donner une idée de ce qui s'est passé au cours de la brève durée d'existence d'Upper Canada Networks. Nous avons lancé notre programme en avril 2000. C'était après plus d'une année de préparation de demandes de financement. Lorsque nous avons emménagé dans notre bureau à Kemptville, juste au sud d'Ottawa, nous avons estimé qu'en tant que fournisseur d'accès à large bande, nous devrions disposer d'un système de démonstration que nous puissions montrer à nos voisins.

    Nous avons présenté une demande au fournisseur titulaire et à AT&T Canada. C'étaient les seules entreprises qui pouvaient nous offrir la connexion T1--je précise pour les membres du comité que l'accès T1 est de 1,4 mégaoctet par seconde. Nous avons reçu deux devis, l'un du titulaire, à 5 515 $ par mois, plus des frais de branchement de 4 000 $, et un d'AT&T Canada pour 2 800 $ par mois. Ces prix dépassaient évidemment nos moyens et nous nous sommes tournés vers des entreprises de service fixe sans fil d'Ottawa, en avons choisi une qui nous a offert un site pilote et le prix d'un accès équivalent à T1 par système fixe sans fil s'est avéré être de 300 $ par mois.

    Je vous raconte cela simplement pour montrer les écarts énormes de prix et, le coût étant un facteur absolument primordial pour les usagers des petites villes, je pense que l'anecdote illustre bien le défi à relever sur le plan du coût.

    Notre réseau est devenu opérationnel en mai 2002. Au cours des dix premiers mois de fonctionnement, nous avons pu préserver ou créer plus de 60 emplois dans la localité, 60 emplois à un salaire moyen d'environ 30 000 $. Donc, nos premiers balbutiements ont déjà rapporté environ 1,8 million de dollars à la localité, et ce n'est là qu'un début.

    Mesdames et messieurs, cela illustre bien ce qu'un réseau communautaire peut faire sur le plan de la création d'emplois et de l'amélioration des services de santé et d'enseignement dans des localités rurales qui ne peuvent actuellement être branchées sur le réseau normal.

    Vous vous demanderez ce que l'expérience d'un réseau communautaire a à voir avec les restrictions à l'investissement étranger? À notre avis, elle a tout à voir avec le contrôle de l'investissement étranger ou les restrictions à cet investissement. Le marché des télécommunications aujourd'hui n'est pas pleinement concurrentiel. De fait, il y a moins de concurrents aujourd'hui sur ce marché qu'il y a deux ans, ce qui fait que le choix des fournisseurs est limité.

    Si, dans l'exemple de l'accès T1 que j'ai donné, nous étions toujours dans ce contexte et n'avions qu'un seul fournisseur à notre disposition, soit le titulaire, nous aurions eu beaucoup plus de mal à démarrer. Ce secteur doit être soumis à plus de concurrence. Les réseaux communautaires qui vont apparaître au cours des 18 prochains mois à travers le Canada doivent disposer d'un choix de fournisseurs et de partenaires. Si les restrictions ne sont pas levées, nous craignons que ces localités n'auront pas ce choix et que, par voie de conséquence, leurs programmes seront soit retardés soit moins robustes qu'ils ne pourraient l'être.

    Il est clair que les deux grands fournisseurs monopolistique de la région, qui font un bon travail, affichent de beaux bilans et disposent des moyens d'avancer. Leurs concurrents ne sont pas dans une situation aussi enviable, ce qui fait que le terrain de jeu n'est pas égal s'agissant de servir au mieux l'intérêt des Canadiens.

    Un autre facteur en jeu est que le CRTC a tranché que tous les fournisseurs titulaires doivent donner libre accès, autrement dit qu'un réseau communautaire comme le nôtre devrait pouvoir installer son matériel dans leurs locaux. C'est une bonne politique de libre accès en théorie, mais elle ne marche pas en pratique. À moins d'engager plusieurs avocats pendant plusieurs mois et plusieurs ingénieurs et disposer de gros moyens, nous n'obtiendrions jamais accès aux installations des titulaires. Cela n'a pas été le cas avec AT&T, qui nous a offert un partenariat dès le début. C'est une considération à laquelle vont se heurter nécessairement tous les réseaux communautaires desservant le Canada rural.

    Il nous est apparu, en préparant ce document et notre comparution devant le comité, que la question à laquelle il faut répondre est de savoir si cette politique de restriction ajoute de la valeur au secteur des télécommunications? Toutes nos recherches, lectures et expériences indiquent que la réponse est non.

¹  +-(1540)  

    Deuxièmement, est-ce que cette politique de restriction est susceptible d'ajouter de la valeur au mouvement des réseaux communautaires à travers le Canada? Là encore, notre réponse est non.

    Enfin, et puisqu'il s'agit de servir les petites localités et campagnes canadiennes, il faut se demander si la politique de restriction aidera ces dernières à participer efficacement à l'économie mondialisée? Mesdames et messieurs, par les temps qui courent, si vous n'êtes pas branché, vous n'existez pas. Nous ne voyons pas en quoi le maintien de cette politique apporterait quelque contribution à ces différents niveaux.

    Le Canada rural doit disposer d'un accès de prix abordable aux services à large bande, et ce immédiatement. Il a besoin d'un choix de fournisseurs, ce qui suppose l'existence d'une concurrence. Sans un meilleur accès aux concurrents et aux nouveaux entrants dans le marché des télécommunications, nous craignons que la concurrence ne soit pas suffisamment robuste dans ce marché pour faciliter le branchement des Canadiens ruraux.

    Merci beaucoup de votre attention.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Allen. J'apprécie que vous ayez respecté la limite de temps.

    Nous passons maintenant à M. McLennan, d'AT&T.

+-

    M. John McLennan (vice-président et chef de la direction, AT & T Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je pense que vous avez tous reçu un exemplaire du mémoire que nous avons envoyé la semaine dernière. Il explique en détail toute notre position sur ce sujet.

    Avec votre permission, je vais formuler quelques commentaires de mon cru, qui ne sont pas tous contenus dans le document. Si vous le voulez bien, je vais commencer sans autre préambule.

    Le président: Oui, je vous en prie.

    M. John McLennan: AT&T Canada est le plus gros fournisseur concurrentiel national de services de télécommunications par fil aux entreprises canadiennes. Nous avons plus de 4 000 employés à travers le pays et nous avons investi des milliards de dollars dans la construction d'un réseau de télécommunications locales et nationales. Mais, bien qu'ayant investi plusieurs milliards de dollars, l'empreinte de notre réseau national reste une toute petite fraction de l'infrastructure de l'ancienne compagnie téléphonique qui jouissait du monopole.

    Je travaille depuis plus de 30 ans dans l'industrie canadienne des télécommunications et cela a été une période passionnante marquée par de profondes mutations. J'ai eu la chance d'occuper le poste de premier dirigeant de Bell Canada. J'ai travaillé dans diverses entreprises de téléphone cellulaire et sans fil et ai été vice-président exécutif de l'une des premières entreprises de haute technologie canadienne à avoir percé, Mitel Corporation, à Kanata, tout à côté d'ici, au cours de ces huit premières années d'expansion phénoménale.

    Chez AT&T Canada, nous sommes en train de restructurer la dette qui grève notre bilan, ce qui a des répercussions directes sur la propriété de l'entreprise, un sujet sur lequel je reviendrai.

    En rapport avec cette restructuration, la société mère américaine AT&T Corp. a décidé qu'elle ne veut plus être actionnaire de notre entreprise. Nous allons donc changer de nom et adopter une nouvelle identité commerciale au cours des prochains mois. Donc, à l'issue de notre restructuration financière fin mars, nous serons une société canadienne indépendante, en concurrence avec les anciens monopoles, Bell Canada et TELUS, ainsi qu'avec les autres concurrents qui resteront debout, tels que mon collègue ici, M. Linton. Nous sommes un concurrent qui s'est débattu et continuera à se débattre sous le régime actuel--le régime réglementaire, principalement, mais aussi les restrictions actuelles à la propriété étrangère.

    Chercher à persuader l'autorité réglementaire et le gouvernement à introduire un élément de neutralité concurrentiel dans le régime réglementaire déséquilibré actuel a certainement été l'une de mes préoccupations au cours des deux dernières années et je pourrais passer le restant de l'après-midi à vous parler de ce seul aspect. Cependant, ce n'est pas le sujet dont vous m'avez demandé de traiter et c'est pourquoi je vais me concentrer cet après-midi sur l'investissement étranger et les aspects qui en découlent.

    Avant de vous expliquer notre situation, j'aimerais situer la question de l'accès au capital dans le contexte de l'intérêt national canadien, tel que je le conçois, et, je l'ajoute, selon la perspective d'un Canadien très fier de l'être.

    Je souscris de tout coeur aux objectifs ambitieux de la stratégie d'innovation du Canada et à l'idée qu'au 21e siècle la prospérité canadienne passera par son influence économique au-delà de nos frontières, sa souveraineté, si vous voulez. Il ne suffit pas pour nous de simplement réussir à l'échelle nationale canadienne. Nous devons travailler et être des leaders à l'échelle mondiale, car l'économie nouvelle n'est rien de moins que mondiale. Pour cela, dans notre secteur, nous devons devenir des chefs de file sur les plans de la recherche et de l'innovation, de la création, de la gestion et de la dissémination du savoir, qui sont clairement des ingrédients fondamentaux de la réussite dans un monde des télécommunications concurrentiel, qui fournit l'axe de transport de cette économie nouvelle, car des plates-formes de télécommunications dynamiques et concurrentielles reliant sans faille le monde sont l'un des catalystes cruciaux de la création et de la commercialisation de technologies nouvelles, des applications et produits qui nous offrent la possibilité réelle de percer sur la scène mondiale. Cette nouvelle économie repose sur le capital intellectuel, et non des biens matériels, mais ce capital est tributaire des rails d'une infrastructure de communications de tout premier rang.

    Pour être compétitive à l'échelle mondiale, notre infrastructure exige une industrie concurrentielle qui soit capable d'effectuer en continu les investissements requis dans les installations, les services et les technologies nécessaires. Pour des fournisseurs comme nous, soumis à la concurrence, cet investissement n'est tout simplement pas disponible auprès des seules sources canadiennes. Le capital dont nous avons besoin peut être qualifié de capital à haut risque, un risque certainement plus grand que celui couru par les anciens monopoles, Bell et TELUS, et la disponibilité de ce capital-risque est limitée au Canada.

¹  +-(1550)  

    Comme c'est généralement le cas du restant de l'économie canadienne, le gros du capital à haut risque vient de l'étranger, principalement des États-Unis. Mais, au-delà des investissements en argent, pour soutenir la concurrence des Goliath, soit les sociétés titulaires Bell Canada ou TELUS, des fournisseurs comme nous doivent pouvoir nouer des alliances stratégiques avec des partenaires internationaux, lesquels comptent pouvoir exercer une influence en rapport avec les risques qu'ils prennent, ce qui n'est certainement pas une exigence déraisonnable.

    Je suis par conséquent convaincu que les restrictions à l'investissement étranger, en tout cas telles qu'elles s'appliquent à des fournisseurs concurrentiels comme nous-mêmes, font directement obstacle à la réalisation des objectifs économiques nationaux du Canada. Elles sont contraires à l'intérêt national canadien. De fait, à mon sens, les restrictions heurtent tellement l'intuition, étant donné nos aspirations économiques, que plutôt que de se demander s'il y a lieu de les modifier, la question que vous devriez vous poser est de savoir si elles sont même justifiables en soi? Dans le contexte des services de télécommunications concurrentiels, la réponse est clairement non.

    Quelles sont donc les conséquences des restrictions actuelles imposées à des fournisseurs concurrentiels comme nous? L'effet pratique des restrictions actuelles est simple. Les fournisseurs concurrentiels comme nous-mêmes ont dû faire appel aux emprunts à l'étranger pour la masse de leurs investissements. Je peux vous le dire, j'ai beaucoup de mal à voir en quoi cela est favorable à l'intérêt national canadien.

    Prenez ma société, par exemple. Étant donné que les restrictions limitent la participation étrangère au capital-actions, le gros de notre capital doit prendre la forme d'emprunts publics sur le marché obligataire, le marché des obligations étrangères, principalement américaines. Étant donné notre profil de risque, il nous était impossible de lever un capital-actions suffisant au Canada. De même, l'accès au crédit canadien était également limité. Nous n'avons pas choisi de nous adresser à l'étranger pour couvrir nos besoins de capitaux, nous n'avions pas le choix. Il faut également dire que la participation initiale limitée d'AT&T Corp. à notre capital-actions et les investissements sous forme d'obligations qui ont suivi étaient fondées sur la croyance que les restrictions à l'investissement étranger auraient été levées il y a déjà quelque temps et le seraient certainement maintenant.

    Faisons donc dérouler le film jusqu'au moment présent. Les quelques fournisseurs concurrentiels encore debout--et les deux principaux sont réunis ici même--sont tous parvenus à la conclusion qu'ils ne pourront pas rembourser la dette qu'il leur a nécessairement fallu encourir pour construire les réseaux nécessaires pour être compétitifs--des installations, je l'ajoute, que la politique gouvernementale continue d'exiger. Dans notre cas, nous qui sommes certainement le plus grand concurrent tributaire d'un réseau fixe, la dette publique totalise près de 5 milliards de dollars, qui donne lieu à des paiements d'intérêts annuels de plus de 400 millions de dollars--des paiements d'intérêts qui s'ajoutent aux plus de 400 millions de dollars que nous payons chaque année à Bell et à TELUS pour l'accès de nos clients au réseau public existant.

    Ces détenteurs d'obligations, principalement étrangers, sont maintenant disposés à participer à notre restructuration et à échanger toutes leurs créances contre des actions, au lieu de liquider la société et ses biens, car ils reconnaissent qu'avec des revenus annuels de presque 1,5 million de dollars, un important réseau et un bassin de clients dans tout le Canada, nous sommes un concurrent à l'avenir prometteur. Ces détenteurs d'obligations sont donc prêts à courir ce risque ici au Canada, mais les restrictions actuelles à l'investissement nous ont contraint de leur dire qu'ils ne pourraient avoir, dans l'ensemble, qu'un intérêt économique dans notre société, mais pas de droit de vote notable ni d'emprise sur la gestion de l'entreprise.

    Il est absurde qu'ils ne puissent participer véritablement à la prise de décision dans l'entreprise, alors que sans eux, notre société et la concurrence dans les services filaires ne pourraient littéralement pas exister. À l'évidence, ces restrictions à l'investissement ont compliqué inutilement notre effort de restructuration et il faut se demander dans quel but. Priver les détenteurs d'obligations qui ont investi au Canada de la possibilité de récupérer leur mise, à moins de faire éclater le premier concurrent national? Je ne peux le croire.

    Cela m'amène à la manière dont les restrictions actuelles touchent les sociétés titulaires, Bell Canada et TELUS.

¹  +-(1555)  

    Sachez bien que nous ne sommes pas opposés à la levée symétrique des restrictions imposées aux concurrents, aux titulaires et aux câblodistributeurs. Mais sachez bien que les restrictions actuelles n'ont pas des répercussions symétriques aujourd'hui. J'emploie ce terme car je sais que vous l'entendrez de la bouche des titulaires lorsqu'elles comparaîtront ici.

    Tandis que les fournisseurs de services concurrentiels peinent pour servir et restructurer leur dette étrangère et créer des plans d'entreprise susceptibles d'attirer de nouveaux investissements--une rude tâche vu le terrain de jeu inégal créé par la réglementation--les entreprises titulaires peuvent lever tous les capitaux dont elles ont besoin. Du fait qu'elles sont les héritières du monopole, qu'elles continuent de contrôler bien plus de 90 p. 100 de leurs marchés locaux et de l'assurance qu'elles ont de ce fait de disposer de revenus et de facilités de trésorerie, je les appelle des quasi monopoles.

    Prenez Bell Canada, par exemple. En 2001 et 2002, la société a levé 1,8 milliard de dollars sous forme d'emprunts à long terme, et 2 milliards de dollars de capital-actions en 2002. De même, toujours en 2002, elle a vendu à des intérêts étrangers la branche annuaires pour plus de 2 milliards de dollars. Cette activité est totalement l'héritage de l'ancien monopole de Bell. Donc, Bell Canada a pu trouver ces emprunts et ce capital-actions en un clin d'oeil étant donné que, du fait de son statut de quasi monopole, elle venait en 2002 au quatrième rang des entreprises les plus profitables de ce pays, bien plus profitable qu'elle ne l'a jamais été lorsqu'elle était un monopole réglementé.

    Il faut bien savoir qu'aucun fournisseur de services de télécommunications en situation de concurrence n'a jamais pu réaliser un profit au cours des dix années que nous avons passées à tenter d'établir une concurrence dans les services filaires au Canada. De ce fait, les titulaires ont beau parler de libéralisation des restrictions d'une manière purement académique, puisqu'ils savent qu'ils sont clairement avantagés par les règles actuelles par rapport à leurs concurrents. Je comprends tout à fait pourquoi Bell Canada fera valoir ici que rien ne presse. Pour le titulaire, la vie est extrêmement bonne ici au Canada.

    Vous voyez donc que les restrictions actuelles n'ont pas un impact symétrique. Pour utiliser une tournure qui me paraît tout à fait pertinente, elles ne sont pas concurrentiellement neutres. Un accès concurrentiellement neutre au capital est l'un des deux ingrédients clés d'une concurrence viable et profitable, l'autre étant évidemment un régime réglementaire lui aussi concurrentiellement neutre.

    Notre mémoire passe en revue plusieurs des arguments que vous entendrez en faveur du statu quo ou d'une démarche lente. À cet égard me vient à l'esprit le mot de John Kenneth Galbraith :

Fac au choix entre changer d'avis et prouver qu'il n'est pas nécessaire de le faire, presque tout le monde s'attarde sur la preuve.

    Pour répondre brièvement à ces arguments, tout d'abord ne vous laissez pas troubler par le débat sur la similitude entre radiodiffusion et télécommunications. Le reste du monde a très bien su séparer les deux volets, en maintenant généralement les restrictions à l'investissement applicables aux radiodiffuseurs et en libéralisant les télécommunications. Pour ceux qui, comme les câblodistributeurs ou BCE qui font les deux, la question peut être réglée en séparant structurellement les éléments d'actif.

    Ne vous laissez pas troubler par l'argument sur la symétrie. Premièrement, la plupart des pays distinguent entre les nouveaux entrants concurrentiels et les fournisseurs traditionnels. Ils ont totalement libéralisé l'investissement dans les premiers et maintenu certaines restrictions pour les seconds. Et c'est tout à fait logique. Après tout, on demande aux nouveaux entrants de construire ce que les fournisseurs traditionnels ont édifié en plus de 100 années de monopole garantissant un bon taux de rendement. Nous avons besoin d'accéder au capital partout où il se trouve.

+-

    Le président: Monsieur McLennan, je vais devoir vous demander de conclure. Vous avez dépassé le temps imparti. Vous pourriez peut-être conclure rapidement et mettre à profit la période des questions pour présenter quelques autres arguments.

+-

    M. John McLennan: Je ferai de mon mieux.

    En résumé, ce secteur a connu dernièrement une période extrêmement difficile, mais je pense qu'il va repartir. Avec une réglementation et des règles d'investissement favorables, les fournisseurs canadiens, dont certains nouveaux venus, émergeront avec une vitalité renouvelée. Mais si nous voulons réussir, nous avons besoin de capital. Je ne suis pas du tout sûr que les entreprises concurrentielles pourront de nouveau s'en remettre aux emprunts étrangers à coût élevé. Je vous demande donc d'agir maintenant, de lever les restrictions à l'investissement pour les fournisseurs concurrentiels et d'instaurer un régime de licences pour les grands fournisseurs titulaires si vous l'estimez nécessaire, comme nous l'expliquons dans notre mémoire.

    Je laisse le reste pour la période des questions.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Linton.

+-

    M. William Linton (président et chef de la direction, « CallNet Enterprises Inc. »): Je tiens à vous remercier, monsieur le président et membres du comité, de votre invitation à participer à cette discussion, au nom de CallNet et de notre filiale, Sprint Canada.

    Je suis heureux de voir que les difficultés auxquelles sont confrontées les télécommunications canadiennes, qui forment un élément vital de notre infrastructure, sont examinées au niveau le plus élevé. Nous espérons pouvoir continuer à participer au processus, à condition bien sûr que nous survivions jusqu'à l'année prochaine.

    Je commencerai par faire une prédiction. C'est quelque chose que nous ne faisons pas très souvent dans l'industrie des télécommunications, surtout lorsqu'il s'agit de profits. Mais cela, vous le savez déjà si vous avez lu les journaux au cours des deux dernières années, mais je vais quand même en hasarder une aujourd'hui. Je vous prédis que notre présentation sera très différente de presque toutes les autres que vous entendrez. Et cela pour la bonne raison que nous ne croyons pas que la question de la propriété étrangère figure parmi les plus importants problèmes qui confrontent notre industrie à l'heure actuelle.

    Si on nous demandait d'énumérer les trois questions les plus urgentes à résoudre selon nous, en tant que compagnie de téléphone concurrentielle, la question de la propriété étrangère ne vient qu'au quatrième rang, loin derrière d'autres enjeux. Sommes-nous favorables à l'assouplissement des restrictions? Évidemment. Mais en l'absence de politiques nationales de télécommunications qui favorisent clairement la concurrence, nous considérons que cette question n'a pas grande importance à l'heure actuelle. En fait, nous croyons même qu'une levée rapide des restrictions à la propriété étrangère, sans d'abord remédier à l'état de la concurrence dans le secteur des télécommunications canadien, aura même un effet néfaste pour les entreprises concurrentes. Je m'explique.

    Un cadre concurrentiel n'est pas seulement un des objectifs énoncés par la Loi sur les télécommunications, il fait partie intégrante du fondement économique du Canada. Depuis près de 11 ans, CallNet, par l'entremise de Sprint Canada, a fait connaître la concurrence aux Canadiens. Pourtant, nous subissons encore le lourd fardeau d'une approche gouvernementale qui a échoué à établir un terrain de jeu égal. Cette approche permet la concurrence, mais peu a été fait pour la promouvoir.

    Considérez les faits suivants. Au sein du marché des services locaux aux entreprises, les titulaires détiennent une part de marché d'environ 96 p. 100. Du côté des services locaux résidentiels, c'est encore pire, puisque les titulaires maintiennent une part du marché de plus de 99 p. 100. Considérez que la tendance majeure qui s'est fait jour dans l'industrie n'est pas davantage d'innovation, un meilleur service ou un plus grand choix, c'est plutôt l'échec d'entreprises de services locaux concurrentiels tels que Group Telecom, AXXENT, C1 Communications et Cannect. C'est l'échec de fournisseurs de services interurbains comme 360 Networks et d'entreprises de services sans fil comme MaxLink. À l'évidence, quelque chose ne tourne pas rond lorsque les seules sociétés à prospérer sont celles qui ont 100 années d'avance sur le restant du peloton, les titulaires Bell et TELUS.

    On aurait beau ouvrir les vannes demain et inviter tous les investisseurs internationaux que l'on pourra trouver à investir autant qu'ils le veulent dans l'industrie canadienne des télécommunications, pourquoi quiconque sait aligner trois chiffres choisirait-il d'investir dans un secteur qui a fait autant de victimes et vu s'évaporer tant d'investissements? Tant que nous n'aurons pas instauré un terrain de jeu égal et une saine concurrence, il y aura peu d'investissements.

    Cela n'est pas nécessairement vrai pour les anciennes compagnies de téléphone monopolistiques qui ont prospéré avec les règles actuelles. En ce sens, la levée des restrictions à la propriété étrangère fournirait sans doute un avantage instantané aux Bell et TELUS de ce monde, mais ne soulagerait que très peu à court terme des compagnies comme la nôtre.

    Le fait est que ce n'est pas l'accès au capital qui ralentit la concurrence dans le secteur des télécommunications canadien, c'est la faible perspective d'un retour sur l'investissement. Actuellement, le cadre établi par la politique nationale en matière de télécommunications et les décisions réglementaires qui en découlent influent beaucoup plus sur la réussite ou l'échec de la concurrence dans ce secteur. En bref, sans une politique des télécommunications nouvelle qui encourage clairement la concurrence, la question de la propriété étrangère ne se pose même pas.

    Commencer par une telle révision est comme vouloir réparer quatre pneus crevés de votre voiture en remplissant le réservoir d'essence. À moins de régler le vrai problème, celui qui empêche d'avancer, vous n'irez nulle part. Plus de capital étranger ne fera pas avancer la concurrence. Il ne va pas égaliser le terrain de jeu. Il ne va pas réduire les prix gonflés que nous payons aux titulaires pour l'accès à leur réseau, qui est l'héritage d'un monopole centenaire. Il ne changera rien au fait que les politiques de notre pays n'ont jamais été ajustées pour intégrer entièrement le concept de la concurrence, avec pour résultat que la plupart des concurrents ont dépéri au lieu de prospérer.

    Mais il existe un remède. Le gouvernement, le CRTC et l'industrie doivent travailler ensemble pour créer un cadre qui soit équitable, tant pour les titulaires que pour les concurrents, un cadre qui non seulement permet, mais surtout promeut la concurrence.

º  +-(1605)  

    Nous avons pris la liberté d'inclure nombre de nos idées sur la manière de relever ce défi dans le mémoire écrit que nous avons déposé aujourd'hui.

    Cela dit, je ne voudrais pas vous donner l'impression que nous rejetons la nécessité d'une modification des règles en matière de propriété étrangère, ni qu'il ne s'agit pas là d'une question importante. J'ai répondu à la question par « oui, mais ». En fait, nous pensons qu'une révision de ces restrictions est inévitable. Elle peut être réellement bénéfique, mais pour CallNet il existe un ordre de priorités. Nous sommes en faveur de changements graduels une fois que l'industrie nationale sera mieux portante. Mais même alors, nous espérons que le gouvernement réfléchira soigneusement à la manière d'assouplir les restrictions.

    Notre infrastructure de télécommunications est peut-être suffisante aujourd'hui, mais étant donné l'évolution du monde filaire, il faudra un jour investir de nouveau. Ces investissements détermineront notre compétitivité nationale et notre capacité à créer les emplois durables fondés sur le savoir dont notre avenir dépend tellement. Des décisions importantes devront être prises sur la nature de ces investissements : comment, quand, pour qui. Ces décisions auront un impact sur les Canadiens, tant économique que culturel.

    Nous devrons nous demander où nous voulons que ces décisions soient prises. Veut-on qu'elles soient prises au Canada, par des Canadiens qui ont un intérêt réel à assurer notre compétitivité, ou bien dans les conseils d'administration de San Antonio, de Kansas City ou de New York où le territoire canadien n'est qu'une autre zone ombrée sur la carte, à la merci de l'humeur de dirigeants ayant une douzaine d'autres régions à considérer? Je pense que ces décisions sont beaucoup trop importantes pour notre survie pour que nous les laissions prendre par un autre pays. C'est pourquoi nous insistons, lorsque les restrictions à la propriété étrangère seront modifiées, pour qu'on ne jette pas simplement les clés de la voiture à un autre pays en nous contentant d'être le passager.

    Les grandes décisions opérationnelles doivent continuer à être prises par des Canadiens, dans l'intérêt des consommateurs canadiens. Cela peut être accompli de plusieurs façons. Par exemple, le système des licences peut être utilisé pour imposer des niveaux minimaux d'investissement dans la recherche-développement, la présence de sièges sociaux au Canada, des obligations en matière d'emploi ou encore de composition des conseils d'administration. Ce type de mesures, que nous évoquons également dans notre mémoire, aurait pour effet de protéger le contrôle canadien d'une part vitale de notre infrastructure, tout en assurant l'ouverture aux investissements étrangers.

    Mais pour CallNet, ce sont-là des enjeux pour l'avenir, une fois que l'on aura mis en place un cadre de politiques nouveau qui favorise la concurrence et crée un environnement dans lequel les investisseurs voient une réelle possibilité de profit dans notre industrie concurrentielle. À défaut, je peux faire une autre prédiction. Nous n'aurons pas à nous inquiéter de promouvoir la concurrence, parce que tous les concurrents auront été acculés à la faillite.

    Merci encore de votre invitation à comparaître.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous aurons des tours de questions de huit minutes.

    Monsieur Rajotte.

+-

    M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Merci à vous, messieurs, d'être venus aujourd'hui, ainsi que de vos présentations. J'ai trois questions que j'espère avoir le temps de traiter pendant mes huit minutes, et je vous demanderais donc de donner des réponses brèves, s'il vous plaît.

    La première est une question d'assez grande envergure et elle s'adresse à CallNet. Vous avez parlé de façon générale dans votre exposé de la nécessité pour le gouvernement, le CRTC et l'industrie de collaborer à l'établissement d'un cadre, et vous en faites état dans votre mémoire. Pourriez-vous brièvement énumérer certains des changements précis que vous demandez avant que l'on puisse parler d'une levée des restrictions à l'investissement étranger?

+-

    M. William Linton: Le changement le plus important est que des concurrents comme nous-mêmes et AT&T Canada aient accès à ces parties du réseau qui ne peuvent être reproduites, ce que l'on appelle les parties essentielles du réseau. Ainsi, par exemple, les raccordements dans votre maison ne seront jamais reproduits. Personne ne va venir installer de nouveaux fils de cuivre dans votre maison. Nous avons besoin d'un accès à prix raisonnable à ces services et à beaucoup, beaucoup d'autres de façon à pouvoir concurrencer la compagnie de téléphone et offrir ainsi des ensembles de services différents, une tarification différente, tant aux entreprises qu'aux particuliers. Le fil de cuivre est un exemple. Il y a beaucoup d'autres éléments de service essentiels.

    La deuxième partie est le chiffrage du coût, qui est un autre élément de cela. Actuellement, il y a une méthode très complexe de calcul du coût qui est en cours de révision cette année.

º  +-(1610)  

+-

    M. James Rajotte: Êtes-vous d'accord avec M. Allen lorsqu'il dit que le CRTC a tranché que tous les concurrents doivent avoir libre accès aux installations des titulaires, mais que cela n'est pas le cas dans la réalité? Ou bien diriez-vous que c'est la réalité, mais que le prix exigé est tout simplement prohibitif?

+-

    M. William Linton: Cela se fait. Cela se fait lentement, mais le prix reste prohibitif.

+-

    M. James Rajotte: Ma deuxième question découle de votre exposé, monsieur Linton. Mais je voudrais la poser à M. McLennan pour lui donner l'occasion de s'exprimer sur ce sujet.

    Monsieur Linton dit que la levée des restrictions à la propriété étrangère avantagerait instantanément les Bell et TELUS de ce monde. Mais le dernier groupe de témoins que nous avons entendu disait tout à fait le contraire. Il disait que l'écart, particulièrement sur le plan de l'accès au capital, rétrécit en réalité.

    Donc peut-être, monsieur Linton, devrais-je vous demander d'expliquer pourquoi vous êtes en désaccord avec les témoins qui ont présenté cette argumentation la dernière fois.

    Ensuite, monsieur McLennan pourriez-vous nous dire pourquoi vous considérez que le différentiel diminuerait?

+-

    M. William Linton: J'ai dit cela parce que les sociétés téléphoniques concurrentes n'ont actuellement pas accès au capital au Canada. Nos règles nationales sont telles que nul ne veut investir chez nous--que ce soit sous forme de prêt ou de capital-actions, à aucun prix. Or, les titulaires sont dans une situation privilégiée, puisqu'elles sont très profitables et ont accès au capital. Leur seul problème est qu'elles paient un léger surcoût, à cause des règles de propriété étrangère, un inconvénient qui disparaîtrait.

+-

    M. James Rajotte: Monsieur McLennan.

+-

    M. John McLennan: J'aurais pu souscrire énergétiquement à quantité des autres points de vue exprimés par M. Linton.

    Je ne suis pas sûr de convenir que si les restrictions à la propriété étrangère étaient levées aujourd'hui tout l'avantage irait aux titulaires. Comme je l'ai montré avec les exemples que j'ai cités, les titulaires sont très capables de lever des capitaux.

    Je ne suis pas sûr d'être en désaccord avec Bill pour ce qui est de la capacité de réunir tous les capitaux dont nous avons besoin même si les restrictions étaient levées aujourd'hui, pour toutes les raisons qu'il a dites. Nous sommes dans une situation très difficile, extrêmement difficile. Avec la dernière décision du CRTC, rendue en mai dernier, nous sommes dans une situation aussi difficile que jamais auparavant, car le conseil a indiqué très clairement que tout doit être axé sur les installations. Évidemment, pour construire des installations, il faut des capitaux. Nous avons déjà dépensé des milliards.

    On ne va pas reproduire en double l'infrastructure des télécommunications, particulièrement la partie locale. Personne ne va jamais financer cela. Donc, comme M. Linton l'a dit, nous devons avoir accès à cela--non pas à un prix inférieur au prix de revient des compagnies titulaires, mais à un rabais raisonnable par rapport au prix de détail, afin que nous puissions l'utiliser dans le cadre de notre stratégie de tarification au moment de constituer des grappes de services.

    C'est donc un sujet très complexe. J'ai choisi de ne pas aborder tous les autres problèmes. La propriété étrangère est un aspect important. Mais je conviens avec Bill que ce n'est certainement pas l'aspect primordial à ce stade. Mais la suppression des restrictions serait un pas dans la bonne direction. Il y a beaucoup d'autres problèmes qu'il faudra régler si l'on veut créer un environnement viable pour la concurrence.

    Le volet des services sans fil est un sujet sensiblement différent. Mais du côté des services filaires, nous parlons-là des réseaux de transmission de données sur longue distance, des réseaux locaux, toutes ces choses. Tout cela est totalement menacé à l'heure actuelle dans ce pays.

+-

    M. James Rajotte: À cet égard, d'autres témoins nous ont bien expliqué que le secteur des télécommunications n'est pas rentable.

    À l'occasion de l'examen actuel, devons-nous considérer simplement les restrictions à l'investissent étranger, s'agissant de rendre le secteur profitable? Est-ce là une étape décisive ou bien en faudra-t-il beaucoup d'autres pour rendre l'industrie profitable?

    L'un des arguments que les titulaires feront certainement valoir est qu'il y a trop de concurrents au Canada, parce que--

º  +-(1615)  

+-

    M. John McLennan: Nous ne sommes plus que deux.

    Des voix: Oh, oh!

    M. John McLennan: Et le nombre va rapidement en diminuant.

+-

    M. James Rajotte: Elles se considèrent elles-mêmes comme des concurrents.

+-

    M. John McLennan: La vie aujourd'hui est très douce pour les titulaires dans ce pays, aussi bien du fait du cadre réglementaire dont M. Linton a parlé que des limites de propriété étrangère. Elles sont très solidement implantées.

    Après la décision de mai dernier, j'ai prédit que Bell Canada deviendrait la compagnie téléphonique la plus profitable du monde. Si vous regardez ses derniers résultats trimestriels, elle est bien partie pour cela. C'est principalement le résultat de la structure et du cadre réglementaires en place dans ce pays.

    Soit vous voulez la concurrence, soit vous n'en voulez pas. Nombre d'investisseurs étrangers potentiels qui ont essayé d'investir et de participer ont carrément baissé les bras.

+-

    M. James Rajotte: Eh bien, pouvez-vous nous en donner un exemple? L'un des témoins à la dernière réunion nous a donné quelques exemples réels d'investisseurs stratégiques qui étaient prêts à se lancer, mais qui hésitent parce qu'ils ne détiendraient que des actions sans droit de vote.

    Je ne veux certes pas compromettre des transactions ou accords potentiels, mais pourriez-vous donner des exemples au comité pour montrer que oui, il existe effectivement des investisseurs stratégiques potentiels?

+-

    M. John McLennan: Oui. Je peux vous indiquer le plus évident, dans notre cas, AT&T Corporation. Elle a investi beaucoup d'argent, offrant autant de capital-actions et de prêts qu'elle le pouvait. Elle a prêté sa marque, son nom, son soutien, pour près de huit ou neuf ans. Et la société attendait impatiemment cette récente décision réglementaire rendue au mois de mai. Je pense que lorsque AT&T a vu le résultat--je ne veux pas m'exprimer en son nom, mais je dirais que cela a été la dernière paille qui a cassé le dos du chameau.

+-

    M. James Rajotte: Est-ce que AT&T serait intéressé de nouveau si les restrictions à l'investissement étranger étaient réduites, ou bien faudrait-il démonter d'autres obstacles encore?

+-

    M. John McLennan: Comme M. Linton l'a dit, il n'y a pas que les restrictions à la propriété étrangère. J'inscrirais ces derniers dans un groupe de quatre problèmes majeurs à régler. Je suis tout à fait d'accord avec M. Linton. Le premier qui est identifié est l'accès aux installations des titulaires à prix raisonnable.

    Si vous regardez ce qui se passe aux États-Unis, il y a là une intensité incroyable. Il n'y a aucune compagnie de téléphone titulaire confortablement établie aux États-Unis en ce moment. Aucune compagnie concurrente n'est à l'aise non plus. Tout le monde est dans un état d'agitation. Mais le client y gagne. Le consommateur y gagne il y a là un environnement beaucoup plus concurrentiel.

    C'est donc une question complexe. Je ne dis pas que les choses sont simples, mais il y a un réel déséquilibre dans ce pays, et je suis d'accord là-dessus avec Bill. Mais je ne suis pas certain que la suppression des restrictions à la propriété étrangère nous amènerait beaucoup de capitaux à ce stade. C'est possible, selon la manière dont on structure les plans d'entreprise. J'ai fait état du plan d'entreprise dans mon exposé. Nous travaillons très très fort à constituer un plan d'entreprise susceptible d'attirer l'investissement. Ce sera difficile.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous reviendrons à vous.

    Monsieur Bagnall.

+-

    M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Je souscris à ce qu'a dit M. Linton sur la concurrence, ayant travaillé exactement sur ce sujet dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et j'encourage le ministre et le comité à faire tout le possible à ce sujet. Mais la question n'est pas là aujourd'hui. J'en ai quelques autres.

    Monsieur McLennan, je réfléchis aux effets possibles de cet investissement s'il se matérialise et à la prémisse de ceux qui le souhaitent. Ce type de capital-risque, un investissement dans la haute technologie, est assez rare et n'existe qu'en quantité limitée. Ne se pourrait-il pas qu'il serve non pas à ce que nous souhaitons, soit accroître la concurrence, comme tout le monde l'espère, ou bien cette quantité limitée d'investissement étranger disponible ne servirait-il simplement qu'à acheter les grandes sociétés canadiennes prospères comme TELUS et Bell, ce qui pénaliserait en fait ceux qui le souhaitaient en premier lieu afin que les petites compagnies puissent se renforcer et livrer concurrence.

+-

    M. John McLennan: Il est difficile de répondre à cette question. Certes, si on levait totalement toutes les restrictions à la propriété étrangère, pour les titulaires comme pour les nouveaux arrivants, il y aurait des acheteurs potentiels de TELUS et Bell. Il incombe au gouvernement de décider ce qui est stratégique et comment l'on va créer ce climat propice à l'innovation, à cette percée sur la scène mondiale. Je ne pense pas qu'une société de télécommunications canadienne assise sur un réseau deviendra un chef de file mondial sans se transformer en autre chose.

    Mais je pense qu'un nombre égal d'investisseurs potentiels s'intéresseront à la société de M. Linton et à la mienne pour voir comment renforcer le projet d'entreprise fondamental et injecter dans l'équation plus que de l'argent pour en faire une réussite. Si, en fin de compte, ils décident que l'on pourrait créer un plan d'activité favorable en combinant leurs ressources, pas seulement financières mais certaines de leurs plates-formes technologiques ou administratives, en apportant les produits et services que nous n'avons pas, alors certes il pourrait y avoir des investissements et une concurrence beaucoup plus forte.

    Je ne pense donc pas que Bell et TELUS seraient nécessairement rachetés purement et simplement. D'ailleurs, dans notre mémoire, nous parlons du fait que le gouvernement pourrait octroyer une licence d'exploitation à chaque compagnie--c'est ce qui se fait aux États-Unis. Donc, tout le monde devrait posséder une licence d'exploitation et ainsi quiconque voudrait racheter Bell ou TELUS devrait suivre un mécanisme d'agrément pour obtenir le transfert de la licence. C'est ce qui se passe dans le cas des projets de grosses fusions, et dans le cas de Sprint et MCI, cela n'a pas marché.

    Je suis un peu plus optimiste quant à l'ouverture au capital étranger que mon ami M. Linton, car je pense qu'il y aurait des sociétés internationales qui chercheraient réellement à transformer notre plate-forme commerciale de base en une activité profitable. Mais je peux vous dire tout de suite que si elles n'ont pas cette perspective, elles n'investiront pas, car l'époque de la spéculation et de l'espoir dans le secteur des télécommunications est révolue depuis longtemps.

º  +-(1620)  

+-

    M. Larry Bagnell: Je suis d'accord pour utiliser les deux méthodes de concurrence en matière d'investissement étranger pour obtenir une prolifération de sociétés concurrentielles. Mais pour me faire l'avocat du diable, vous avez parlé de toutes ces compagnies américaines et cela me rappelle la prolifération de banques américaines au moment de la grande dépression, dans un environnement moins réglementé que le nôtre qui produisait, lui, des banques solides, et pratiquement toutes les faillites sont intervenues dans le système bancaire américain.

    Si nous avions cette prolifération de compagnies dans un marché fixe, n'y a-t-il pas le risque que l'on prépare plus de faillites potentielles dans ce secteur que nous n'en voyons déjà, au détriment des consommateurs qui perdraient ainsi une infrastructure très critique? Comme je l'ai mentionné lors de la dernière réunion, certains dans ma circonscription ont pâti, non pas du fait de faillites mais d'une perte de services.

    N'est-ce pas là une possibilité?

+-

    M. John McLennan: À mon sens, la suppression des restrictions à la propriété étrangère n'entraînerait pas une prolifération de nouvelles compagnies. Elle ferait que certaines sociétés internationales très intéressées examineraient de très près la société de M. Linton et la mienne. Mais il ne sera pas facile de rattraper ce que nous avons réalisé au cours des huit ou dix dernières années, et vous ne verrez donc pas une prolifération de nouvelles compagnies propriétaires-exploitantes de réseaux. Mais il y aura peut-être un peu d'espoir pour les deux qui restent.

+-

    M. Larry Bagnell: D'accord. Ma dernière question s'adresse à M. Allen.

    Je viens d'une région très similaire à la vôtre, je crois. Elle est très isolée--le Yukon--et certaines localités n'y ont pas encore de réseau. Pourriez-vous me donner quelques précisions sur la manière dont ces 60 emplois ont été préservés et créés? Quel travail se fait dans ces emplois qui n'aurait pas été fait autrement?

+-

    M. Vic Allen: Oui, avec plaisir. Il y avait 25 ou 26 emplois dans une société de camionnage qui est l'une des plus grosses de l'Est du Canada et qui a des bureaux à Mississauga et à Prescott. Cette maison a été fondée à Prescott, un peu plus au sud, au bord du fleuve. Elle avait besoin... Comme vous le savez, le secteur du camionnage est presque entièrement informatisé; les camions sont répartis, gérés et contrôlés électroniquement à l'échelle de l'Amérique du Nord. Et la compagnie avait un problème. Elle n'avait accès qu'à une connexion T1 plutôt coûteuse fournie par le titulaire et une ligne T1 ne suffisait pas.

    Elle était confrontée à un coût très lourd et une option était de déplacer une vingtaine d'emplois de Prescott à Mississauga. C'était rationnel, sauf que l'Est de l'Ontario, en particulier, connaît un lent déclin depuis une quinzaine d'années.

    M. Larry Bagnell: Et les 34 autres emplois?

    M. Vic Allen: Pour les 34 autres emplois, il y avait une imprimerie qui avait des contrats aux États-Unis, à Watertown, et les clients n'étaient pas ravis de devoir transporter des copies et des documents de Watertown jusqu'à Prescott, par exemple. Nous avons mis en place une connexion de deux mégaoctets et le problème s'est évaporé. L'imprimerie aurait été contrainte autrement de déplacer une vingtaine d'emplois, probablement vers Ottawa, ce qui aurait durement touché une localité qui a désespérément besoin d'emplois.

    Par ailleurs, une entreprise toute nouvelle du nom de Lab 7 Networks Inc., qui crée des logiciels de sécurité, notamment pour le ministère de la Défense nationale, cherchait à ouvrir des bureaux à partir desquels elle pourrait se développer. L'autoroute 416 facilite le trajet jusqu'à Kemptville. Nous avons un fonds communautaire de capitaux-risques qui a pu l'aider et dans nos locaux elle pouvait obtenir la connexion à large bande pour quelques centaines de dollars au lieu de payer des milliers de dollars. Elle s'est donc installée dans le même édifice que nous, et cela représente 12 ou 14 emplois.

º  +-(1625)  

+-

    Le président: Monsieur Crête.

[Français]

+-

    M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Merci, monsieur le président. Merci pour les présentations.

    À la lecture rapide des deux documents, j'ai pensé à ce que vous répondriez au ministre, qui nous a écrit une lettre au mois de décembre pour nous dire d'étudier la propriété étrangère.

    Dans le document de M. McLellan de AT&T, il y a une phrase, à la page 30, qui dit :

Sans l'instauration de règles nécessaires à la création d'un contexte de concurrence durable, le fait que le marché soit ouvert à l'investissement étranger direct ne suffira pas à attirer les investissements nécessaires.

    Et dans la présentation de M. Linton, on dit :

Bref, si l'on n'adopte pas avant tout une politique en matière de télécommunications qui favorise incontestablement la concurrence, la question de la propriété étrangère n'a aucune raison d'être abordée.

    Et M. Linton ajoute :

En ce sens, l'élimination des restrictions à la propriété étrangère fournirait sans doute un avantage immédiat aux sociétés comme Bell et TELUS.

    Si vous aviez à répondre au ministre, qui nous consulte sur la pertinence de la propriété étrangère, est-ce que, finalement, vous ne lui diriez pas qu'il n'aborde pas le bon problème et que l'établissement d'un cadre de concurrence serait plus pertinent? Qu'est-ce que vous diriez dans votre lettre, en quelques points, sur le cadre qui permettrait une concurrence réelle?

[Traduction]

+-

    M. William Linton: Je suis totalement d'accord avec vous. Je dirais que c'est une question importante, mais que ce n'est pas la bonne question à ce stade et que je ne voudrais pas que le ministre pense qu'en agissant dans ce domaine on va régler les problèmes que connaît le secteur des télécommunications filaires. Ce serait une bonne chose, mais elle ne sera pertinente qu'un peu plus tard dans l'avenir, à condition que nous ayons un secteur totalement concurrentiel.

+-

    M. John McLennan: Si je puis répondre également à la question, je dirais au ministre qu'il est nécessaire de modifier les restrictions à la propriété étrangère. Mais ce n'est pas la solution complète du problème. C'est une pièce de l'ensemble, alors faisons-le. AT&T Canada a déposé un appel au Cabinet. Il est actuellement dans le bureau du ministre et nous lui avons demandé de se pencher sur nombre des questions soulevées par M. Linton. Ce sera soumis au Cabinet dans un avenir proche et nous attendons impatiemment ses réponses à quantité d'autres questions qui ont été évoquées ici et qui parachèveraient l'ensemble.

º  +-(1630)  

[Français]

+-

    M. Paul Crête: Monsieur le président, serait-il possible que les témoins nous fassent parvenir, sous une forme passablement résumée, les conditions qu'ils voudraient qu'on change à l'intérieur du système pour qu'il y ait une concurrence adéquate, notamment ce que M. McLennan--et peut-être aussi M. Linton--vient de nous présenter?

    D'après ce que j'ai saisi, vous avez fait des propositions à cet égard au ministre, monsieur McLennan. Je ne veux pas nécessairement obtenir des documents confidentiels du ministre; toutefois, il pourrait être intéressant pour nous, en tant que comité, d'intégrer cela dans la réponse que nous allons soumettre concernant l'étude. C'est une question qu'on va devoir se poser.

    On pourrait dire oui à l'idée d'ouvrir la porte, tout en précisant que ce n'est qu'une partie de la solution, et ensuite décrire ce qui, à notre avis, est le plus important.  Si vous avez, à cet effet, du matériel à nous fournir, ce serait apprécié étant donné qu'on n'est pas tous des spécialistes de cette industrie.

[Traduction]

+-

    M. John McLennan: Dans notre présentation au ministre interjetant appel de la décision du mois de mai du CRTC, nous avons très précisément abordé le principal problème, à savoir l'utilisation des installations des titulaires à un prix raisonnable. Si nous devons payer le prix du détail pour l'accès à leur réseau, autant nous en passer. Mais si nous ne pouvons servir le client, alors on nous empêche manifestement de livrer concurrence.

    La décision prise par l'autorité réglementaire fin mai disait expressément qu'elle souhaitait une concurrence axée sur les installations, exclusivement. Nous avons fait valoir à plusieurs reprises qu'il n'y a pas de capitaux disponibles dans le monde pour reproduire un réseau téléphonique local.

    Nous avons préconisé pendant les audiences du CRTC que l'on nous autorise à acheter l'accès aux installations des compagnies titulaires à leur prix de revient. C'est ce que j'entends par neutralité concurrentielle et c'est là le problème le plus important.

    Nous avons même proposé de nous sevrer au fil du temps de ces installations et de construire les nôtres propres. Mais, dans l'intervalle, si vous voulez stimuler la concurrence, il faudra bien que nous ayons accès à la clientèle à un prix raisonnable, concurrentiel. Sans la neutralité concurrentielle, il n'y a pas de concurrence car elle n'est pas viable.

    Dans le secteur du sans fil, les deux ont démarré en même temps. La compagnie de téléphone et les nouveaux entrants ont tous deux construit un réseau, en même temps, à partir de rien. Personne n'avait d'avance sur l'autre.

    C'est beaucoup plus compliqué du côté des communications filaires. Une infrastructure est en place depuis plus d'un siècle. Nous ne pouvons reproduire ces infrastructures, et nous avons donc besoin de l'accès à ces installations à un prix de gros raisonnable, qui ne soit pas inférieur au prix de revient--c'est d'ailleurs l'une des plus grosses complications car ce prix de revient n'est pas facile à calculer, mais nous pensons qu'il y a un moyen d'y arriver.

    Nous avons formulé des propositions très réalistes au cours de l'audience mais l'autorité réglementaire s'est totalement écartée de ce genre de solution.

    Or, c'est exactement celle qui est mise en oeuvre aux États-Unis, où les compagnies de téléphone interurbain ont accès à la clientèle et le coût de cet accès est fixé par les autorités réglementaires des États. C'est très controversé. Ce n'est pas une problématique en noir et blanc, mais il semble bien qu'aux États-Unis on va conserver ces prix de gros.

    Une société comme AT&T, par exemple, a acquis au dernier trimestre plus de 500 000 nouveaux clients grâce à ce mécanisme de tarification. C'est beaucoup. Les compagnies de téléphone locales sont autorisées à recouvrer leur coût plus une petite marge bénéficiaire, mais pas l'énorme marge bénéficiaire que leur rapportent les tarifs locaux, et cela fait que les compagnies de téléphone interurbain peuvent livrer concurrence.

    En échange de cela, les compagnies locales aux États-Unis sont autorisées à offrir le service interurbain. Chez nous, malheureusement, les compagnies de téléphone restent totalement intégrées, si bien qu'elles offrent déjà des services interurbains; elles sont implantées aussi dans le service local, elles occupent tout le terrain.

    Nous avons donc interjeté appel de cette décision et je sais que tout un débat se déroule au Cabinet.

    Comme M. Linton l'a dit, ce sont d'énormes enjeux qui ont un effet immédiat immense, mais il ne faut pas négliger pour autant la suppression des restrictions à la propriété étrangère. C'est un pas important si l'on veut établir un cadre où nous pouvons soutenir ouvertement la concurrence. Voilà donc la réponse que je donnerais.

º  +-(1635)  

+-

    Le président: Monsieur Linton.

+-

    M. William Linton: Je pourrais résumer en rangeant ce que nous avons dit sous trois catégories. La première est l'accès au prix de revient aux services essentiels des ESLT. Le deuxième élément est que les nouveaux entrants supportent tout le risque du processus réglementaire. Ainsi, aujourd'hui, nous présentons une demande d'accès à une certaine partie du réseau et, dans un an et demi, le CRTC va nous dire oui, vous avez raison, monsieur Linton, ce devrait être à un coût inférieur de 50 p. 100. Mais nous n'obtenons ce taux qu'à partir du moment où la décision est rendue, et nous avons donc été privés de cet avantage pendant les cinq dernières années. Donc, le délai réglementaire nous pénalise, nous, et avantage les sociétés titulaires.

    Le troisième élément est qu'il faut mettre en place au CRTC un processus tel que le Conseil doit se demander, à l'égard de chaque décision, si elle est proconcurrentielle. Va-t-elle aider les concurrents à parvenir à une part de marché de 10 p. 100? Car ce n'est qu'à partir de ce seuil que le consommateur commence à retirer les avantages, sous forme de prix plus bas et de services nouveaux et différents. Actuellement, le CRTC traite Bell Canada et Sprint Canada sur un pied d'absolue égalité.

+-

    Le président: Monsieur McTeague.

+-

    M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Merci. Je tiens à dire que j'ai trouvé très intéressantes toutes vos présentations d'aujourd'hui et j'y vois beaucoup de cohérence. Certains d'entre nous s'inquiètent d'une remonopolisation suite à la décision. Certains d'entre nous se demandent même pourquoi nous n'examinons que la question de l'investissement étranger car celle-ci semble être en rapport avec une panoplie d'autres options. M. Linton et M. McLennan ont tous deux évoqué diverses autres possibilités.

    À première vue, considérez-vous que peu importe le pourcentage d'investissement étranger autorisé, si les marges sont si minces sous le régime actuel que vous ne pourrez jamais investir davantage--et c'est vous, monsieur McLennan, qui l'avez fait remarquer -- aussi favorable que soit le marché en ce moment?

+-

    M. John McLennan: Si j'ai bien compris votre question, étant donné les coûts que nous avons, le plus gros étant le tarif que nous payons au titulaire, nous sommes tout juste en mesure de survivre. Nous allons pouvoir dégager un petit profit, mais à condition de ne pas nous lancer dans un programme d'investissement réellement agressif. Nous ne construisons donc pas les installations dont nous sommes censés nous doter. C'est comme si on nous donnait quelques gouttes d'eau au lieu d'un sceau.

    Chez AT&T Canada, nous avons totalement remanié la structure de coût de notre entreprise, avec un programme en trois points pour rétablir la viabilité financière et dégager un profit. Je signale d'ailleurs que nous avons des centaines de milliers de clients canadiens.

    Premièrement, nous allons réduire les coûts autant que nous le pouvons. Nous avons dû mettre à pied pour cela plus de 2 000 employés... et tailler dans de nombreux autres frais.

    Deuxièmement, nous sommes allés voir nos créanciers et obligataires et leur avons dit que nous ne pourrions rembourser la dette et que nous voulions négocier une prise de participation en échange des crédits. Nous avons donc complètement restructuré notre bilan. À un moment donné, le CRTC a déclaré qu'il n'allait pas renflouer ces compagnies. Eh bien, je peux vous dire que les porteurs d'actions dans notre société n'ont pas été renfloués. Ils ont perdu toute leur mise. Aujourd'hui, ce sont les obligataires qui détiennent ce qui reste de la société. Nous avons donc fait tout notre possible, à mon sens.

    Le troisième gros volet de cette revitalisation de notre société est la lutte qui se poursuit en vue de créer un environnement réglementaire neutre du point de vue de la concurrence et c'est là où le bât blesse encore sérieusement. Pouvons-nous survivre? Certainement, nous survivrons. Mais pouvons-nous aller lever des capitaux pour exécuter une stratégie de concurrence agressive? Ce sera très difficile.

º  +-(1640)  

+-

    M. Dan McTeague: L'un des aspects intéressants de l'exposé fait ici par le sous-ministre était une comparaison entre les pays du monde d'où il ressortait que le Canada était en retard, et habituellement c'est un argument que l'on emploie pour indiquer qu'il est temps d'apporter rapidement des changements.

    Pourriez-vous donner au comité des exemples de pays dans une situation similaire, c'est-à-dire où vous avez des compagnies titulaires ayant 100 ans d'avance et ce mélange dont vous avez fait état, où les nouveaux entrants jouissent d'un régime libéral et où les titulaires restent réglementés dans une certaine mesure, car à défaut on retomberait probablement dans le monopole d'antan.

    Avez-vous donc des exemples de pays qui ont réussi à faire cela, soit encourager la concurrence tout en conservant un environnement réglementé qui ne permet pas un retour au monopole?

+-

    M. William Linton: Je pense que les États-Unis sont un excellent exemple de séparation structurelle. La société qui détient 5 p. 100 de notre compagnie et dont je loue la marque, Sprint, s'est taillée un chiffre d'affaires de 20 milliards de dollars dans les communications sans fil et interurbaines. On l'a laissée livrer concurrence et elle a pu acquérir une envergure nationale, alors que les sociétés Bell régionales n'étaient que des acteurs locaux.

    Donc, dans un scénario très différent du nôtre, où il y avait cette séparation structurelle, cette énorme industrie s'est constituée avec de nombreuses grosses sociétés--toutes les compagnies Bell régionales, puis les AT&T, les Sprint et WorldCom. Maintenant, on assiste à une réintégration graduelle, toutes ces sociétés restant en concurrence les unes contre les autres dans toutes sortes de domaines au fur et à mesure que le marché s'ouvre.

+-

    M. John McLennan: C'est probablement le cadre le plus concurrentiel, bien que la plupart des autres pays de l'OCDE soient parvenus à un niveau important de concurrence aussi.

    J'ai été très intéressé par la visite, la semaine dernière, de Stephen Timms, le ministre d'État britannique du Commerce électronique et de la compétitivité, qui rencontrait son homologue canadien. À la question de savoir si la suppression des règles de propriété étrangère accroîtrait l'accès au capital et conduirait à des investissements agressifs, voici ce qu'il a répondu:

J'ai parlé particulièrement du projet de loi sur les communications que je pilote au Parlement en ce moment. L'une des choses que nous faisons dans ce projet de loi, c'est supprimer les restrictions restantes à la propriété étrangère dans le secteur des médias. Dans le secteur des télécommunications, ces restrictions ont été levées il y a de nombreuses années. Et je peux dire que cela a donné de très bons résultats au Royaume-Uni. Nous avons attiré beaucoup d'investissements dans le secteur des télécommunications qui n'auraient pas eu lieu autrement.

    Il existe donc des régimes et des structures dans le monde qui représentent d'excellents exemples d'une promotion de la concurrence par l'investissement.

    J'insiste sur un point. La réglementation et la structure de l'industrie, notamment l'investissement étranger, ne sont pas seulement importants, ils sont tout. Tout passe par là. C'est cela qui détermine si l'on va avoir un environnement favorable à la concurrence.

+-

    M. Dan McTeague: Monsieur McLennan et monsieur Linton, vous semblez nous présenter le scénario de la poule et de l'oeuf. Nous aimerions savoir ce qui est le plus important. Nous comprenons certes l'importance du capital et du libre mouvement du capital. Suite à diverses autres interventions, nous comprenons également le problème présenté par les termes de l'échange qui tiennent à la nature du marché canadien.

    Mais pensez-vous que la capitalisation, ou l'accès à l'investissement étranger, soit une étape du renforcement de la concurrence? Ou bien est-ce une condition nécessaire en soi, aujourd'hui, pour préserver votre viabilité? Ou bien faudrait-il envisager, comme M. Linton l'a dit, une gamme d'options? Étant donné l'histoire, cela suppose rechercher des possibilités qui vous permettent de prospérer dans cet environnement plutôt confiné et réglementé.

º  +-(1645)  

+-

    M. William Linton: Dans mon exposé, j'ai essayé de dire que notre réponse est « oui, mais ». Oui, la propriété étrangère est un outil qui est nécessaire à l'expansion de notre compagnie, mais avant de pouvoir investir il nous faut devenir une société plus grosse, plus profitable et plus compétitive. La seule façon d'y parvenir est d'adapter les règles nationales.

    D'ici quelques années, aimerais-je que Sprint investisse 50 millions de dollars dans notre société afin que nous puissions mieux servir les multinationales et lancer les communications vidéo par DSL? Absolument. Mais personne n'y songera tant que je n'aurai pas prouvé qu'il y a des profits à faire au Canada.

+-

    M. John McLennan: J'ai passé tous ces derniers mois en réunion avec nos obligataires. Ces établissements ont investi 5 milliards de dollars dans notre société. Les actionnaires qui ont investi dans la société ont vu leur avoir s'évaporer, ils n'ont rien récupéré. Nous avons donc dû rencontrer nos obligataires et les convaincre qu'il y avait au moins quelque intérêt à participer au capital de la société au lieu de la mettre en faillite et de liquider ses biens.

    Nous y sommes parvenus car nous avons pu les convaincre que nous avons une chance de réussir, avec la restructuration entreprise et l'allégement de nos coûts et en mettant à profit les éléments d'actif que nous avons. Ils ont donc accepté d'échanger leurs obligations contre des actions--sans droit de vote, certes, mais c'est au moins une participation économique--au lieu de simplement liquider la compagnie, vendre ses avoirs, ce qu'ils envisageaient très sérieusement.

    Je dirais que la structure réglementaire, telle nous l'évoquons ici, n'est pas la solution à long terme pour assurer une concurrence viable. Elle est d'importance critique à court terme, mais je pense réellement que d'ici quelques années il y aura des technologies différentes et des moyens différents de livrer concurrence contre la société titulaire. Mais cela ne se fera pas dans les quatre prochaines années et les quatre prochaines années seront absolument cruciales pour nos deux entreprises. Je dirais donc que la propriété est un élément d'un ensemble plus grand.

+-

    Le président: Monsieur Masse.

+-

    M. Vic Allen: Pourrais-je faire une observation, monsieur le président?

    Le président: Certainement.

    M. Vic Allen: Il me semble que la question dont le comité est saisi aujourd'hui est essentiellement celle des restrictions à l'investissement, des limites de propriété étrangère. Avec mes connaissances limitées du fonctionnement du secteur des télécommunications, que je qualifie parfois de dysfonctionnel, il m'apparaît qu'Industrie Canada, le gouvernement fédéral, cherche réellement à promouvoir tout ce domaine des réseaux communautaires et d'apporter la connectivité aux 25 à 30 ou 40 p. 100 de la population qui n'en disposent pas actuellement, afin qu'ils puissent fonctionner efficacement au 21e siècle. Il est important que le Canada puisse avancer au 21e siècle avec tous les cylindres de son moteur en ordre de marche et sans que 25 à 30 p. 100 du pays et toute l'économie rurale soient hors d'état de fonctionner.

    Donc, de notre point de vue, et je pense du point de vue des autres réseaux communautaires en train de se former, nous aimerions trouver une issue à l'impasse. J'aimerais voir lever les restrictions à la propriété étrangère, non pas que cela résoudrait tous les problèmes énoncés par M. Linton et que M. McLennan connaît bien, tout comme les autres participants au secteur, mais ce dernier se caractérise aussi par le fait que, dès qu'on élargit la discussion, on trouve 65 raisons d'étudier la problématique plus avant et de ne rien faire.

    Je ne suis pas tout jeune et il ne me reste pas autant de temps à vivre dans ce monde qu'à M. Linton, et j'aimerais bien que les choses bougent aujourd'hui. J'aimerais que votre comité recommande la suppression des restrictions à la propriété étrangère et nous verrons bien ce qui arrivera. Au moins ce sera un pas en avant dans ce qui est apparemment un voyage long et difficile, mais ce serait une étape stratégique.

º  +-(1650)  

+-

    Le président: Monsieur Masse.

+-

    M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

    Il est apparu à l'évidence, même après les premiers exposés des témoins--et ceux d'aujourd'hui étaient également très bons--que ce secteur est beaucoup trop endetté, qu'il n'est pas profitable à cause de l'environnement qui a été créé et qu'il souffre également de l'absence d'une vision générale. La même chose a été réitérée aujourd'hui.

    J'aimerais poser une question à M. Linton concernant la conclusion de son mémoire: le paragraphe 57 page 20. Il m'inspire deux questions. Je vais vous le lire et demander et à M. Linton et à M. McLennan un commentaire.

    Vous isolez certains problèmes fondamentaux qui se poseraient en l'absence d'un cadre de politique générale.

Faute d'un tel engagement, l'ouverture du marché canadien à une quantité illimitée d'investissements étrangers n'obtiendrait certainement pas les avantages escomptés, ne servant en fait qu'à permettre la vente à rabais des entreprises canadiennes aux intérêts étrangers--une situation qui est loin d'être dans l'intérêt du Canada.

    Cela nous amène au coeur de la décision d'ouvrir éventuellement tout le processus.

    Ma première question porte sur votre conception de l'intérêt public. Si une telle situation survient, en quoi cela nuira-t-il aux consommateurs canadiens, et je songe à des choses particulières qui pourraient se produire, telles que les types d'emplois qui seraient perdus ou créés dans tout ce scénario?

    On nous a dit que l'investissement étranger conduirait à davantage de recherche-développement dans le pays. Ma deuxième question est de savoir si vous croyez à cet argument et si cela serait le cas ou non.

+-

    M. William Linton: Pour ce qui est du premier point, s'il n'y avait absolument aucune restriction aux transferts d'actions, on pourrait avoir un scénario tel qu'une société de télécommunications canadiennes serait rachetée par des intérêts étrangers qui ne seraient nullement tenus de prendre des décisions ayant un impact sur la région canadienne. Il pourrait être dans l'intérêt de cette société étrangère de ne prendre aucune initiative au Canada, mais simplement d'extraire le maximum de profit et d'investir l'argent plutôt--je choisis un endroit au hasard--à Porto Rico.

    Si vous avez un scénario où les règles de propriété étrangère sont assouplies sans condition de licence ni aucune sorte de règles, vous pourriez avoir une situation où les consommateurs et entreprises canadiennes ne seront pas écoutés ou pas servis à l'avenir, sur le plan de la modernisation technologique.

    Pour ce qui est du deuxième point--et là encore je m'inscris dans notre optique--du fait que nous avons une relation avec Sprint qui possède 5 p. 100 de notre société, elle contribue beaucoup de recherche-développement. Ainsi, une énorme quantité de recherche-développement se fait pour notre société qui ne nous coûte que cinq cents par dollar.

    Pour vous donner un exemple, Sprint a mis au point son propre logiciel qui commande tous ses commutateurs. Il comporte différentes caractéristiques et différents dispositifs de sécurité, toute cette sorte de choses. Pour notre part de 5 p. 100 du coût de développement, nous bénéficions de la totalité du résultat.

    Nous arrivons tout juste à soutenir sur le plan technique la concurrence des Bell et TELUS parce que nous avons une relation avec une société comme Sprint. De fait, et je pense qu'il en va de même pour John, les consommateurs canadiens--et en ce moment les entreprises encore davantage--bénéficient d'un énorme effort de R-D grâce à cette relation que nous avons. Je ne pense pas que cela changerait beaucoup si les règles de propriété étaient modifiées. Je pense que nous retirons déjà l'avantage en matière de R-D maintenant.

    Je ne sais pas si cela répond à vos questions sur la R-D.

+-

    M. Brian Masse: Si, tout à fait.

+-

    M. John McLennan: Je vais tenter de répondre d'abord à la première question, celle de savoir si des compagnies comme Bell et TELUS seraient rachetées à vil prix si les restrictions étaient levées. Je ne suis pas d'accord. Je ne pense pas que cela arriverait. Bell Canada est certainement l'une des sociétés de télécommunications les plus solides et les plus profitables du monde. Elle serait vendue très cher.

    Cependant, je pense que le gouvernement peut contrôler le sort de Bell et TELUS en instaurant un mécanisme de licence tel que quiconque veut racheter ces sociétés devrait répondre à des conditions très strictes et agressives en matière de modernisation du réseau et de recherche-développement. Il se pourrait même que de très grosses sociétés d'envergure mondiale donnent cet engagement au Canada.

    Je n'entrevois donc pas de scénario catastrophe. Il faut bien voir ce qui est réellement d'importance stratégique. Mais nous n'aurons pas au Canada de sociétés exploitantes de rang mondial. Bell ne deviendra pas leader mondial parce qu'elle n'a pas l'envergure. Mais nous pouvons devenir leader mondial de la création de services et d'applications et de beaucoup d'autres choses qui peuvent résulter de la recherche-développement.

    Donc, pour répondre à votre première question, non, je ne pense pas qu'elles seraient rachetées à vil prix. Deuxièmement, si elles sont rachetées, elles le seront à des prix très élevés car ce sont des sociétés très profitables et solides.

    Deuxièmement, je pense que le gouvernement peut contrôler ce qu'il adviendrait de ces réseaux et stimuler beaucoup d'investissement productif au Canada, ce qui serait beaucoup plus profitable pour les Canadiens qu'une société exploitée simplement pour le profit et qui n'investirait pas dans la recherche-développement.

    Votre deuxième question porte sur toute la notion de la promotion de la recherche-développement. J'étais PDG de Cantel l'année de son lancement en 1985 et nous voulions utiliser initialement une technologie canadienne pour concurrencer les compagnies téléphoniques. Il s'est avéré qu'il n'y avait pas de technologie canadienne pouvant concurrencer Nortel à l'époque, et nous avons dû nous adresser à une société du nom d'Ericsson.

    Je crois que M. Hurtubise a comparu ici la semaine dernière et vous a raconté l'histoire. Nous avons travaillé ensemble là-dessus et nous avons dit que si nous allons utiliser votre matériel et le mettre en place à l'échelle du pays, vous devez vous engager à établir 50 postes de création de logiciels à Montréal. J'espère qu'il vous a donné le même chiffre, car nous étions deux à travailler là-dessus. Quoi qu'il en soit, ces 50 postes de création de logiciels, qui étaient la condition de cette commande, ce sont mués en près de 2 000 emplois de programmeurs, emplois qui ont été maintenus pendant toute cette période de crise.

    Donc, encore une fois, la recherche-développement est quelque chose d'énorme. Je persiste à dire que c'est là le réel avantage pour le consommateur canadien, en sus de disposer d'une des meilleures infrastructures du monde. Ce devrait être là la première priorité du gouvernement, et ça l'est. Une autre priorité devrait être de stimuler beaucoup de recherche-développement, par tous les moyens, car c'est avantageux pour le Canada.

    Je sais ce que je négocierais si je devais négocier les conditions de vente de TELUS ou Bell à un géant étranger et je peux vous dire que ce serait réellement bénéfique pour le Canada. Deuxièmement, si quelqu'un arrivait... et j'imposerais des conditions même au rachat d'une société comme la nôtre, conditions qui seraient bénéfiques pour le Canada du point de vue de la recherche-développement, de la modernisation, etc.

    Ce qui importe donc, c'est d'attirer les capitaux au Canada et de faire en sorte qu'ils soient investis de façon agressive et de telle manière que le consommateur canadien soit le mieux servi du monde. Tout cela est possible.

º  +-(1655)  

+-

    M. Brian Masse: S'il y a un certain potentiel d'investissement mais que seules quelques compagnies pourraient bénéficier de cet investissement étranger, cela ne crée-t-il pas le danger que toute une série de compagnies qui n'obtiendraient pas ce type d'investissement tout de suite seraient éliminées?

    Quel serait l'effet sur ces compagnies qui ne pourraient attirer l'investissement? Tout le monde part en quête d'investissement, et certains en trouvent et d'autres non. Pourraient-elles se maintenir en attendant que d'autres changements se produisent, ou bien se verraient-elles rayées de la carte à toutes fins pratiques? Je pose la question à tous les témoins.

+-

    M. William Linton: Toutes sortes de capitaux sont prêts à s'investir dans des sociétés profitables, et il n'y a donc pas de pénurie d'argent. La difficulté est que cet argent n'est pas actuellement à la disposition de l'industrie filaire parce que nous n'avons pas les politiques nationales qui puissent nous rendre profitables ou nous rendre compétitives et en expansion. Si ces règles changeaient, il y aurait assez de capital pour moi et pour John et pour tous les autres. Nous l'obtiendrons en fonction de la qualité de nos plans d'activité plutôt qu'en fonction de notre situation géographique, Canada ou États-Unis.

»  +-(1700)  

+-

    M. John McLennan: J'ajouterais que la plupart des compagnies ont déjà été éliminées. Vous devriez le savoir. Il ne reste pratiquement plus que deux sociétés propriétaires exploitantes. Donc, si vous ouvrez le champ à la propriété étrangère, cela ne peut qu'être favorable. Cela ne pourra devenir pire. Il ne reste pratiquement plus que nous deux et je vous ai dit que nous pourrons survivre tous deux, mais que nous allons réellement devoir considérablement renforcer notre stratégie commerciale pour attirer les investissements dont nous avons besoin.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Madame Torsney.

+-

    Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur Linton, vous dites que les compagnies ne sont pas actuellement assez profitables pour intéresser les capitaux étrangers et vous avez dit que si la restriction était levée, l'argent irait s'investir chez Bell et TELUS qui ne feraient ainsi que grossir car ce sont elles qui sont profitables dans le régime réglementaire actuel. Est-ce exact?

    Ce que je ne comprends pas c'est pourquoi, si toutes ces localités dont M. Allen parle sont actuellement privées de services, pourquoi vous autres n'allez pas leur fournir les services que Bell et TELUS apparemment n'offrent pas, et pourquoi cela ne serait-il pas profitable? Mon impression est que si nous levions les restrictions et changions quelque peu le cadre réglementaire, l'investissement n'irait pas se placer en Saskatchewan et au Nunavut. L'investissement se fera dans les grandes villes, Toronto, Montréal et Vancouver, car c'est là où il y a du profit à faire.

    Donc, comment pouvons-nous avoir les deux, ou bien est-ce que je me trompe complètement et que vous n'envisagez pas d'investir au centre-ville de Toronto, mais plutôt au Nunavut et en Saskatchewan?

+-

    M. William Linton: On investit là où se trouvent la population et les entreprises. La Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick sont actuellement la destination privilégiée de beaucoup d'investissements en télécommunications. Pourquoi? Parce que des centres d'appel s'y installent en grand nombre et qu'ils sont de gros usagers des télécommunications.

+-

    Mme Paddy Torsney: Et qui gagne l'argent? C'est vous?

+-

    M. William Linton: Oui, nous en gagnons une partie. Si vous appelez pour un dépannage parce que votre ordinateur Dell ne marche pas, vous parlerez probablement à quelqu'un au Nouveau-Brunswick ou à Nashville. Chatham est bien équipée en fibre optique, mais uniquement parce que plusieurs centres d'appel y sont installés, dont certains sont nos clients. On dépense donc là où se trouvent la population et les entreprises.

+-

    Mme Paddy Torsney: Mais ne pourriez-vous pas aussi gagner beaucoup d'argent en concluant des partenariats pour desservir des localités que Bell et TELUS ignorent?

+-

    M. William Linton: Bell couvre 100 p. 100 du marché et il se trouve que nous ne pouvons pas desservir les petites localités qui n'ont pas la population requise pour couvrir nos frais fixes.

+-

    Mme Paddy Torsney: En sera-t-il toujours ainsi même si nous modifions la règle sur l'investissement étranger?

+-

    M. William Linton: Les règles d'investissement étranger n'y changeront rien, il faudrait plutôt nous donner l'accès au réseau de Bell. Actuellement, comme je l'ai dit, nous louons le fil de cuivre qui aboutit chez vous. Tout ce qui est derrière nous appartient. Vous pouvez donc être un client local de Sprint. Si vous modifiez cette règle, alors je peux offrir le service non plus dans les 130 régions actuelles mais dans peut-être 350 et je pourrais peut-être offrir un service DSL compétitif et d'autres types de services. Mais je suis actuellement limité aux grandes zones urbaines car je n'ai pas les moyens de faire autre chose vu ce que je dois payer à Bell et TELUS. Si vous modifiez l'argent que je dois leur payer pour l'accès aux co-implantations, ou «colos», et pour la location de ce fil de cuivre, alors je pourrai étendre mon empreinte de plus en plus loin.

+-

    Mme Paddy Torsney: Et faudrait-il modifier pour cela les règles d'investissement étranger?

+-

    M. William Linton: Cela m'aiderait, oui, car j'ai besoin de capital pour le faire.

+-

    Mme Paddy Torsney: Et dans votre demande--

+-

    M. William Linton: C'est l'ordre de priorité qui fait problème.

+-

    M. John McLennan: Pourrais-je ajouter un mot rapide?

»  +-(1705)  

+-

    Mme Paddy Torsney: Certainement.

+-

    M. John McLennan: L'infrastructure téléphonique a été brillamment conçue et mise en place au cours des 125 premières années. Tous les profits et toutes les liquidités supplémentaires étaient générés dans les grands centres urbains et des systèmes très élaborés ont été mis en place pour distribuer ce capital excédentaire dans les zones rurales et peu peuplées de façon à créer un service téléphonique partout à très bas prix. Qui a payé pour cela? Le centre-ville de Toronto. C'est ainsi que les choses ont été faites partout dans le monde. C'était simple, mais brillant. Maintenant que l'on introduit la concurrence dans ce scénario, vous ne verrez certainement pas les concurrents se précipiter dans les régions peu peuplées qu'il a fallu subventionner en premier lieu pour qu'elles aient le service.

    Le coin de Vic est l'exemple parfait. Nous avons travaillé de manière très diligente avec lui pour l'aider. Vous demandez pourquoi nous ne desservons pas ces régions. Nous l'avons fait pour celle de M. Allen. Mais si merveilleux que soit M. Allen, il n'est pas l'un de nos meilleurs clients commerciaux.

    Mme Paddy Torsney: Jusqu'à présent.

    M. John McLennan: Et s'il pouvait payer ses factures un peu plus vite, nous nous porterions d'autant mieux.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Mme Paddy Torsney: Je sens une odeur de linge sale.

+-

    M. John McLennan: Mais il est un client stratégique que nous voulons cultiver, mais nous ne pouvons en cultiver qu'un nombre limité.

+-

    M. Vic Allen: Puisque je suis l'un des élus, j'aimerais dire quelques mots sur le mouvement des réseaux communautaires. La raison de son existence est précisément qu'il n'y a pas d'intérêt commercial pour TELUS, Bell ou n'importe qui d'autre à desservir ces marchés. Ce n'est certainement pas rentable. Cependant, ces localités peuvent se regrouper et avec un gros apport en nature des habitants, le soutien d'organisations comme AT&T, et nous avons quelques spécialistes du sans fil qui nous aident aussi, avec des travaux de génie... nous sommes comme toute société naissante. Nous avons besoin d'un investissement initial et d'un peu de temps pour devenir autosuffisants et profitables. Ce sera la caractéristique de centaines de nouveaux réseaux communautaires qui vont être fondés par Industrie Canada dans les quelques années qui viennent afin que les campagnes deviennent branchées.

    Cependant, notre expérience nous a appris que, si nous avions su il y a trois ans ce que nous savons aujourd'hui, nous aurions pu construire notre réseau pour le tiers probablement de ce qu'il nous a coûté, et cela est dû au fait que nous étions des amateurs bien intentionnés.

    Lorsque nous avons eu quelques conversations avec la titulaire au début, nous avons essayé de faire valoir que lorsqu'une localité crée son propre réseau avec un financement de diverses sources, tant internes qu'externes, elle crée en quelque sorte un revenu supplémentaire pour les compagnies de téléphone, car au fur et à mesure que la localité croît et que sa population augmente grâce à la connectivité, les gens gagnent un peu plus, la localité s'enrichit, et tout le monde achète des téléphones et les autres services que fournissent les compagnies de téléphone. C'est pur bénéfice pour elles, car elles n'ont rien payé en premier lieu pour créer l'infrastructure initiale.

    Donc, avec une combinaison de travail acharné et d'investissement local, on peut créer des réseaux communautaires peuvent être créés dans la plupart des localités qui peuvent devenir autosuffisants dans un délai raisonnable. Il existe beaucoup de localités dans le grand Nord, qui sont réellement isolées, et qui ne seront probablement jamais autosuffisantes avec la technologie actuelle. Cependant, c'est là une affaire de politique publique. Mais la majorité peuvent être autosuffisantes.

    Mon collègue Blake Cram et moi-même donnons l'engagement à ces messieurs de payer nos factures sous peu.

    Des voix: Oh, oh!

+-

    Le président: Merci, madame Torsney. Votre temps de parole est écoulé.

    Mme Paddy Torsney: Inscrivez-moi pour un autre tour.

    Le président: Oui.

    Monsieur Fitzpatrick.

+-

    M. Brian Fitzpatrick (Prince Albert, Alliance canadienne): J'aimerais moi aussi faire une observation sur votre point 57. Il semble que trop souvent dans notre pays les gens se plaignent de ne pas être compétitifs; ensuite, dès que l'on ouvre un peu la porte, ils annoncent que nos sociétés vont être rachetées. Je ne peux m'empêcher de songer à CN, qui est devenu l'un des géants ferroviaires d'Amérique du Nord. Magna International est un autre exemple. Nortel, en dépit de ses problèmes temporaires, est un fournisseur majeur de matériel de télécommunications dans le monde et conserve sa culture canadienne.

    Je ne suis donc pas prêt à admettre que si nous levons des restrictions, quelqu'un va venir tout rafler et que nous ne pouvons affronter la concurrence. Si nous ne pouvons affronter la concurrence, notre pays a vraiment des problèmes. Il faudrait plutôt considérer cela comme une opportunité.

    L'autre aspect que j'aimerais aborder est le problème de l'entrée. J'ai observé en Saskatchewan--où ce n'est pas Bell Canada, c'est un monopole gouvernemental--que lorsque la concurrence est arrivée, je n'ai jamais vu un gouvernement bouger aussi vite de toute ma vie. Les choses se sont énormément améliorées, sur le plan de l'efficience, des gaspillages, etc. et l'ancien monopole s'est mis au service de ses clients plus rapidement qu'aucune bureaucratie publique ne l'a jamais fait, pour concurrencer les nouveaux arrivants. De ce fait, les abonnés en Saskatchewan se sont dits: « Eh bien, j'aime bien la concurrence, mais vu que mon fournisseur s'est amélioré pour égaler les concurrents, je n'ai aucune raison de changer ». Ils sont donc restés avec le même fournisseur. J'imagine que vous avez le même problème avec Bell Canada; il est difficile de mettre le pied dans la porte. Il me semble que--

»  +-(1710)  

+-

    M. John McLennan: Je ne suis pas d'accord.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: D'accord, mais c'était une observation qui se limitait à la Saskatchewan, de toute façon. Peut-être ne peut-on pas généraliser.

    Il me semble que la suppression des contraintes de propriété étrangère ne va pas nécessairement amener tout l'investissement et la concurrence que l'on voudrait. C'est ce que tout le monde a dit ici, me semble-t-il.

    Je sais que les États-Unis ont investi deux fois plus que nous et si nous allons être des chefs de file dans le monde... Pour devenir chef de file, il faut investir, et si nous ne sommes qu'à la moitié du niveau américain, cela présage mal pour l'avenir. Il me semble donc qu'il faut une refonte complète de la politique gouvernementale en matière de télécommunications. Je sais ce que les États-Unis ont fait au début des années 80 et je crois que tout le monde en a tiré profit. Les exploitants régionaux associés à Bell ont scindé le service local et le service interurbain et cela a engendré une révolution.

    Face aux deux titulaires que nous avons au Canada, avez-vous un plan de grande envergure en vue d'engendrer la concurrence au Canada?

+-

    M. William Linton: Non. Le meilleur exemple au Canada est de considérer le service interurbain, ou même SaskTel, qui est réellement devenue plus compétitive. Le prix des appels interurbains est tombé à 10 p. 100 de ce qu'il était. Chaque ménage peut s'adresser à quatre ou cinq fournisseurs différents. C'est un merveilleux exemple de ce que la concurrence peut faire. Nous voulons simplement étendre cela au service résidentiel et commercial local, mais pour cela nous avons besoin de quelques modifications des politiques en vigueur. Si nous obtenons ces changements, John et moi allons créer un environnement tel que les Canadiens seront mieux servis, non seulement par nous mais aussi par Bell et TELUS et Manitoba Tels, etc. La concurrence est un outil fantastique pour améliorer le service, rendre les fournisseurs plus compétitifs. Il suffit au gouvernement de donner à John et à moi-même la possibilité de livrer concurrence pour les services autres qu'interurbains. Sinon, nous resterons au point mort, là où nous sommes actuellement.

+-

    M. John McLennan: Pour ce qui est de considérations politiques plus lointaines telles qu'une séparation structurelle du service interurbain et local, ce cheval s'était échappé de l'écurie en 1994 ou 1995. Il y a eu un long débat. L'autorité réglementaire a décidé que les titulaires resteraient intégrés et que les concurrents interurbains qui se présenteraient seraient avantagés sur le marché pendant quelque temps, ce qui a été le cas.

    La part du marché interurbain des titulaires a fortement baissée. Pendant quelque temps, la baisse de prix a fait augmenter le volume. Ainsi, bien que leur part de marché ait spectaculairement baissé, les revenus des titulaires sont restés à peu près stables pendant quelque temps. Puis, lorsque les prix se sont réellement effondrés, évidemment les revenus du service interurbain... alors même que les minutes continuaient à augmenter, les revenus ont continué à baisser. Mais nous ne proposons même plus la séparation structurelle. Nous n'envisageons pas de revenir là-dessus.

    Il faut toujours partir du point où l'on se trouve. Nous sommes une société comptant des centaines de milliers de clients commerciaux très satisfaits. Simplement, il nous en coûte trop cher pour les services pour pouvoir dégager suffisamment de revenus et investir agressivement. Nous sommes en bien meilleure situation financière aujourd'hui, maintenant que tous les actionnaires ont vu s'évaporer leur avoir et que les obligataires ont trinqué. Nous n'avons plus de dettes sur notre bilan.

    Nous sommes évidemment une société flambant neuve, mais nous avons besoin de quelques autres changements structurels comme ceux que nous avons proposés. Partant d'où nous sommes, cela aurait un effet retentissant sur la concurrence dans le pays et c'est l'optique dans laquelle je m'inscris. Ce ne sont pas des changements majeurs que nous proposons, c'est une façon intérimaire d'arriver là où l'autorité réglementaire veut aboutir dans quatre ou cinq années. Mais pour cela, au moins l'un d'entre nous devra survivre pendant les quatre ou cinq prochaines années, et c'est toute la difficulté.

»  +-(1715)  

+-

    M. William Linton: John McLennan et moi-même sommes les deux plus gros clients de Bell et nous n'aimons plus ni le prix ni le service.

+-

    M. John McLennan: Je suis le premier client de Bell, il est le deuxième, et le gouvernement fédéral est le troisième. Nous leur payons des centaines de millions de dollars chaque année et nous payons la plupart des services au prix de détail plein.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Où Manitoba Telephone et SaskTel s'insèrent-elles dans tout cela? Sont-elles dépendantes de ces compagnies dominantes?

+-

    M. John McLennan: Elles ont leur propre territoire local où elles dominent. Je serai très franc avec vous. Il est très peu économique pour une compagnie comme la mienne d'aller déployer des installations valant un milliard de dollars pour livrer concurrence sur ce marché, pour la même raison que celle que j'ai dite tout à l'heure. Si vous voulez attraper du poisson, vous allez sur un lac où il y a du poisson et le poisson se trouve dans les grands centres urbains. C'est là où nous devons prospérer, afin de faire partie de la solution dans les bassins plus petits.

+-

    M. Brian Fitzpatrick: Les résultats financiers de Manitoba Telephone sont très bons.

+-

    M. John McLennan: Oui, c'est une société très bien gérée, mais elle est loin d'affronter une concurrence aussi intense que celle que l'on voit à Toronto, Montréal, Vancouver ou en Alberta. C'est là où la concurrence est très intense.

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Fitzpatrick.

    Monsieur Normand.

[Français]

+-

    M. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): Si les autres pays étaient nombreux à suivre les mêmes restrictions que le Canada, à mon avis, plusieurs compagnies canadiennes n'auraient rien vendu dans des pays étrangers comme la Chine, la Pologne, la République tchèque et la Russie. J'ai dirigé plusieurs délégations dans le cadre de missions canadiennes. Or, à ce moment-là, les Canadiens étaient bien reçus et avaient la chance de vendre leurs produits de télécommunication dans ces pays.

    Selon vous, dans les années à venir, ce qu'on appelle le   wireless   va-t-il prendre le dessus sur le  wirenet? Présentement, deux problèmes différents se présentent à nous. Le wirenet est, à toutes fins pratiques, la location des infrastructures déjà en place. Dans notre région, on a vu TELUS acheter Québec-Téléphone, et la perte d'emplois qui pouvait s'ensuivre nous inquiétait.

    Par contre, un genre d'ambivalence semble prévaloir actuellement. On a vu Bell et TELUS investir des sommes d'argent faramineuses dans la fibre optique, alors qu'au même moment, dans la majorité des autres pays, c'est vers le broadband et le wireless qu'on se tourne.

    Au début de janvier, je me trouvais à 2 000 kilomètres d'ici, soit à la baie James, pour chasser le caribou. Assis sur mon skidoo, avec mon GPS et mon téléphone satellite, je pouvais parler à ma femme et à ma secrétaire. Le soir, au camp, je regardais CNN ou Radio-Canada transmis par satellite.

    Laquelle des deux technologies va se développer le plus dans les années qui viennent? Aujourd'hui, avec un Pocket PC, je peux envoyer mes e-mails, faire mes téléphones, organiser mon agenda, et d'ici quelques mois, j'en suis sûr, je pourrai aussi regarder la télévision par satellite.

    Pourquoi ceux qui, comme Paul et moi, demeurent dans un milieu rural, ne peuvent-ils pas, par exemple, avoir accès au service Internet haute vitesse? Pour ma part, je reçois la télévision par satellite, mais j'ai hâte de tout capter de cette façon et de ne plus être limité au wirenet.

    Selon vous, est-ce que la réglementation actuelle ralentit le développement des nouvelles technologies, principalement en ce qui a trait au wireless? Voilà ma première question.

    Voici la deuxième. Étant donné qu'on est en train d'adopter un mode de télécommunications qu'on pourrait qualifier de global ou d'universel, les pays seront-ils encore capables de réglementer les communications par wireless? Est-ce que ça vaut la peine de commencer à faire des réglementations qui pourront être contournées? En ce qui me concerne, je peux très bien partir demain matin pour la Floride en roulotte, équipé de la coupole que j'ai à la maison; je pourrai alors regarder la même télévision que je regarde chez nous, au lac Trois-Saumons, et ce, grâce au même abonnement.

    À l'heure actuelle, n'y a-t-il pas un genre d'ambivalence qui règne dans le développement des télécommunications? Un jour ou l'autre, va-t-on prendre une direction au détriment de l'autre, ou va-t-on continuer à développer autant le wirenet que le wireless? Merci.

»  +-(1720)  

[Traduction]

+-

    Le président: Puis-je vous demander de répondre aussi brièvement que possible?

+-

    M. John McLennan: C'est un bon résumé de l'industrie.

+-

    M. William Linton: Je pense que le sans fil est une technologie d'accès. Si vous prenez votre téléphone portable maintenant et appelez quelqu'un à Vancouver, la partie sans fil de la communication va d'ici jusqu'à la première tour et tout le reste passe par des fils. Nous fournissons ces fils, et donc que nous soyons le fil qui aboutit chez vous ou l'élément cellulaire qui fait marcher votre téléphone, le réseau filaire sera toujours là. Il offre une vitesse élevée, une plus grande sécurité, etc. Il ne fait aucun doute que le sans fil va continuer à croître avec le temps, mais il ne se substituera pas à l'industrie filaire.

    Pour ce qui est de la réglementation des sociétés mondiales, je pense qu'il y a toujours de très forts arguments en faveur d'une réglementation canadienne, américaine, etc. pour protéger l'infrastructure. Dans l'avenir prévisible, vous et moi irons travailler dans un bureau et ce bureau et tous les systèmes qui l'entourent dépendront d'une infrastructure de télécommunications parfaite si nous voulons disposer du courriel, de l'accès à l'Internet, toute cette sorte de choses. Il est dans l'intérêt du Canada de réglementer dans une certaine mesure cet environnement, afin que toute l'infrastructure sous-jacente de l'économie du savoir soit continuellement modernisée et fasse l'objet d'investissements.

+-

    M. John McLennan: Je vais essayer de répondre très rapidement. Mon optique est un peu différente de celle de Bill, mais nous pensons que les communications sans fil remplaceront certaines communications par fil. Elles vont certainement remplacer beaucoup de communications vocales. Un grand nombre de gens aujourd'hui qui vivent en appartement et même des maisons n'ont pas de téléphone à fil chez eux. Ils ont peut-être l'accès Internet haute vitesse, mais ils n'ont pas de ligne téléphonique séparée. Ils se contentent de leur téléphone portable.

    Le nombre de connexions locales ou de lignes à fil commence à diminuer aux États-Unis, à un rythme croissant. Je pense qu'une bonne partie est due au service sans fil. Mais ce qui croît le plus vite, c'est la large bande à haute vitesse ou large bande par câble.

    Je suis donc d'accord avec Bill pour dire que l'infrastructure qui transportera toutes ces données, signaux vidéo et voix sera une infrastructure filaire reliant divers réseaux sans fil à différents réseaux filaires et certainement à des satellites. Si vous utilisez un téléphone par satellite sur une motoneige à la Baie James, mon Dieu, vous ne vous préoccupez pas beaucoup du prix par minute. La liaison doit vous coûter au moins trois dollars la minute. Il n'y a pas beaucoup...

    Lorsqu'Iridium, un très gros satellite, ou 66 satellites en orbite basse autour de la terre, a été initialement conçu par Motorola il y a dix ans, chacun était équipé d'un commutateur téléphonique. Ils allaient transmettre les appels téléphoniques d'un satellite à l'autre dans le ciel. Ils n'avaient besoin que d'un million d'abonnés dans le monde pour que cela soit rentable. Ils se sont cassé la figure après avoir investi 6 milliards de dollars. Quelqu'un d'autre a maintenant ramassé l'équipement pour une bouchée de pain, mais la demande n'existait tout simplement pas. Vous avez parlé de téléphone par satellite. Il y a un marché réel pour cela, mais pas en volume suffisant pour que le satellite remplace le téléphone sans fil terrestre ou les téléphones à fil.

    Mais toutes ces technologies continuent de progresser. On peut déjà accéder à l'Internet par nos appareils portables. Les gens envoient sans cesse des courriels par voie hertzienne avec leurs Blackberries et autres appareils.

    Donc, le résultat global de la transition dont vous parlez est une réduction notable et croissante du nombre de lignes à fil aux États-Unis. On commence à constater le phénomène également au Canada, ce qui complique un peu le problème. Mais cela montre aussi que vous avez un environnement structuré qui durera encore quatre ans. Mais au-delà, tout ce que vous évoquez aura un impact beaucoup plus grand.

»  -(1725)  

+-

    Le président: Nous avons convenu de libérer la salle à 5 h 30. Nous approchons donc de la fin.

    Je vais autoriser M. St. Denis à poser au moins une question.

+-

    M. Brent St. Denis (Algoma—Manitoulin, Lib.): Je serai très bref.

    J'aimerais remercier les témoins d'être venus et de nous avoir fait une description très stimulante de ce secteur passionnant.

    En Ontario, on a séparé la production et la transmission d'électricité. Dans le cas des lignes électriques, on pense que l'on aboutira en Amérique du Nord à ce que l'on appelle des droits de transit. Vous pourrez acheter l'électricité que vous consommez chez vous à une société de l'État de Washington. Dans le cas des routes, tout le monde a le droit d'y rouler, elles sont publiques. Même chose pour les lignes ferroviaires. Il est question de séparer un jour la propriété des rails de celle du matériel roulant, avec libre accès au rail, selon certaines règles.

    Est-il possible que la même chose arrive avec les lignes de télécommunications, à savoir que dans 10 ou 20 ans je pourrais théoriquement acheter mon service téléphonique à une société californienne--si effectivement il y a libre accès à la ligne téléphonique qui aboutit à ma maison? Est-il possible que si nous n'adaptons pas notre politique maintenant, cette évolution va nous échapper à long terme? Tout ceci pour dire que je reconnais qu'il ne faut pas se limiter à examiner les règles de propriété étrangère.

    Donc, en substance, quel sera l'avenir si l'on donne libre accès aux lignes de transmission?

+-

    M. John McLennan: J'ai vu quelques projets passionnants de sociétés que je qualifierais de compagnies de téléphone virtuelles. Elles ne possèdent aucune infrastructure elles-mêmes mais offrent toute la gamme des services de télécommunications, avec facturation et tous les services administratifs. Ce qu'elles font, en gros, c'est consolider et revendre les réseaux d'autrui.

    Je ne dis pas que ce serait une évolution négative pour l'avenir. Vous n'aurez alors qu'un nombre fini de propriétaires exploitants, et c'est pourquoi il faut opérer la transition vers ce nouveau monde des communications, déterminé en partie par la révolution du sans fil et par l'apparition de ce que j'appelle des compagnies de téléphone virtuelles, qui ne possèdent pas les réseaux mais qui achètent l'accès au prix de gros et le revendent. Les propriétaires exploitants gagneront ainsi un bon rendement sur leur investissement dans le réseau et ces compagnies de téléphone virtuelles, qui peuvent être implantées n'importe où dans le monde, pourront effectivement offrir une excellente valeur aux consommateurs et créer un environnement très concurrentiel directement sur le bureau du client, là où se déroule la concurrence.

    Donc, oui, je pense qu'il n'y a rien à dire contre cela. Cela pourrait certainement arriver. C'est déjà commencé.

-

    Le président: Je présente mes excuses à M. St. Denis et à Mme Torsney qui voulaient poser d'autres questions, mais le temps nous manque.

    Je veux remercier les témoins de ces deux heures de discussion passionnante, qui nous aide à comprendre encore mieux le monde des télécommunications. Merci beaucoup.

    La séance est levée.