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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 3 juin 2003




¿ 0905
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Gerry Barr (président, Conseil canadien pour la coopération internationale)

¿ 0910

¿ 0915
V         Le président
V         Mme Mary Durran (recherchiste, Développement et paix)

¿ 0920
V         Le président
V         M. Pierre Laliberté (économiste principal, Congrès du travail du Canada)

¿ 0925
V         Le président
V         M. Stuart Clark (conseiller principal en politiques, Banque de céréales vivrières du Canada)

¿ 0930
V         Le président
V         M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne)

¿ 0935
V         Mme Carol Devine (Liaison pour l'accès aux médicaments essentiel, Médecins sans frontières)
V         Le président
V         M. Gerry Barr

¿ 0940
V         Le président
V         M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ)
V         Le président
V         M. Gerry Barr

¿ 0945
V         Le président
V         M. Stuart Clark

¿ 0950
V         Le président
V         M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.)
V         Le président
V         M. Stuart Clark
V         M. Mark Eyking
V         M. Stuart Clark

¿ 0955
V         Le président
V         M. Mark Fried (coordonnateur des communications et de la défense des intérêts, Oxfam Canada)
V         Le président
V         Mme Mary Durran
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         M. Mark Fried

À 1000
V         Le président
V         Mme Carol Devine
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         M. Stuart Clark
V         Le président
V         Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)

À 1005
V         M. Mark Fried
V         Mme Karen Kraft Sloan
V         M. Mark Fried
V         Mme Karen Kraft Sloan
V         M. Mark Fried
V         Le président
V         Mme Mary Durran
V         Le président
V         M. Keith Martin

À 1010
V         Le président
V         Mme Carol Devine
V         M. Keith Martin
V         Mme Mary Durran
V         Le président
V         M. Stuart Clark

À 1015
V         Le président
V         L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.)
V         M. Stuart Clark
V         Le président
V         Mme Carol Devine
V         Le président
V         M. Pierre Laliberté

À 1020
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         M. Mark Fried
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough

À 1025
V         Le président
V         M. Gerry Barr
V         Le président
V         M. Gerry Barr
V         Le président
V         Le président
V         M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)

À 1040
V         Le président
V         M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.)
V         Le président
V         M. Keith Martin

À 1045
V         Le président
V         Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.)

À 1050
V         Le président
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

À 1055
V         Le président
V         Mme Karen Kraft Sloan
V         Le président
V         M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.)
V         Le président
V         Mme Aileen Carroll

Á 1100
V         Le président
V         Mme Aileen Carroll
V         Mme Alexa McDonough
V         Mme Karen Kraft Sloan
V         Mme Alexa McDonough
V         Le président
V         Mrs. Karen Kraft Sloan
V         Le président
V         M. Irwin Cotler
V         Mme Aileen Carroll
V         M. Irwin Cotler
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Irwin Cotler

Á 1105
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 038 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 3 juin 2003

[Enregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions aujourd'hui des questions liées à la cinquième réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce.

    Nous avons le plaisir, ce matin, d'accueillir comme témoins M. Gerry Barr, président du Conseil canadien pour la coopération internationale, Mme Mary Durran, recherchiste de Développement et paix, M. Pierre Laliberté, du Congrès du travail du Canada, M. Stuart Clark, conseiller principal en politiques à la Banque de céréales vivrières du Canada, Mme Carol Devine, Liaison pour l'accès aux médicaments essentiels de Médecins sans frontières, et M. Mark Fried, d'Oxfam Canada.

    Je crois savoir que quatre d'entre vous prendront la parole pendant cinq minutes. Nous disposons d'une heure et demie, et il faut absolument avoir fini au plus tard à 10 h 30, parce que d'autres engagements nous attendent. Nous allons donc entendre M. Barr, Mme Durran, M. Laliberté et M. Clark.

    Je tiens à rappeler à mes collègues que nous avons aussi le privilège, ce matin, d'accueillir comme invités les membres d'une délégation du Bahreïn, y compris le président du Comité des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité nationale. Je parle bien sûr de l'honorable cheik Dr Khalid Al Khalifa.

    Je souhaite la bienvenue à tous les membres de la délégation.

[Français]

Soyez les bienvenus au Canada.

[Traduction]

    Nous sommes ravis de vous compter parmi nous.

    Monsieur Barr, vous avez la parole.

+-

    M. Gerry Barr (président, Conseil canadien pour la coopération internationale): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et je vous salue tous.

    Je m'appelle Gerry Barr et je suis président et chef de la direction du Conseil canadien pour la coopération internationale. Le CCCI est une coalition regroupant plus de 90 organismes qui travaillent, à l'échelle mondiale, au développement humain durable, à la promotion des droits de la personne et à l'élimination de la pauvreté. Nos membres viennent de groupes de développement à la fois religieux et séculiers, d'associations professionnelles, de syndicats de travailleurs et de groupes qui se consacrent à la litératie, à l'éducation et à la jeunesse. Ils comptent des bénévoles et partisans aux quatre coins du Canada.

    Je suis heureux de me trouver ici aujourd'hui, en compagnie de cinq de mes collègues associés à ces organisations membres, et nous remercions le comité permanent de tenir ces audiences.

    Nous sommes venus commenter le rôle que joue et pourrait jouer le Canada dans les négociations qui mènent à la cinquième réunion ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce, à Cancun. Ces préoccupations sont également décrites dans le document diffusé récemment par le CCCI et intitulé Cancun à la croisée des chemins : Quelle voie pour le développement?

[Français]

    J'étais à Doha quand l'OMC a annoncé le Programme de Doha pour le développement. Depuis ce temps, le Canada et plusieurs autres pays du monde industrialisé ont pris des positions de négociation qui sont opposées aux demandes et aux besoins des pays en développement. Cela doit changer rapidement. La Cinquième Conférence ministérielle de l'OMC, qui aura lieu au Mexique en septembre, est la dernière chance pour le Canada et les pays industrialisés de changer la direction de l'OMC, de l'orienter vers un programme réel de développement. Mais jusqu'à maintenant, les probabilités ne sont pas très bonnes.

¿  +-(0910)  

[Traduction]

    Si le Canada souhaite exercer une influence en faveur du développement à Cancun, il lui faudra accomplir cinq choses : mettre de côté l'exigence voulant que soient négociées de nouvelles questions, appelées les questions de Singapour, et régler plutôt ce qui cloche dans les accords actuels; dégager une marge de manoeuvre dans les négociations sur la propriété intellectuelle, c'est-à-dire l'accord sur les ADPIC, de manière à pouvoir y inclure les médicaments d'importance vitale et des questions de sécurité alimentaire essentielles; laisser de la place dans la négociation des services, c'est-à-dire du GATS, pour des choix d'orientation qui favorisent les services publics; faire du développement une question centrale des règles commerciales en matière d'agriculture; et, plaise à Dieu, prendre enfin des mesures concrètes en vue de démocratiser l'OMC.

    Je vais vous parler brièvement des nouvelles questions et de la démocratisation de l'OMC, après quoi mes collègues prendront la relève et discuteront avec vous d'autres éventuels objectifs.

    Pour ce qui est des questions nouvelles, les économies développées surchargent le calendrier de négociations en insistant pour négocier des questions « en deçà de la frontière » comme l'investissement, la concurrence, la transparence en matière d'approvisionnement gouvernemental et la facilitation du commerce. Hier ou la veille, les dirigeants du G-8 ont réaffirmé leur détermination à entamer des négociations sur ces mêmes questions. Toutefois, les mêmes États ont fait preuve de très peu de souplesse ou de fidélité dans le respect de vieilles promesses faites dans le cadre des régimes commerciaux et portant sur la mise en oeuvre des accords existants, c'est-à-dire des « questions de mise en oeuvre ». Bien qu'il ait été prévu de régler ces questions de mise en oeuvre à Doha, elles demeurent, pour la plupart, toujours en suspens. En d'autres mots, 90 des 95 questions n'ont pas été réglées. L'essentiel à retenir, c'est qu'il faut exclure toutes les nouvelles questions et régler les problèmes posés par les accords actuels.

    Pour ce qui est de la démocratisation, le processus de négociation est ainsi conçu qu'il défavorise les pays en développement. À son crédit, le Canada a exercé des pressions en vue d'une plus grande transparence, avec un certain succès. C'est en partie grâce aux efforts déployés par le Canada à cet égard que nous avons maintenant accès aux documents de l'OMC sur lesquels se fondent certaines recommandations que nous faisons aujourd'hui.

    Toutefois, cette candeur initiale au sujet de la documentation doit être suivie d'une ouverture du processus, et il reste encore beaucoup à faire. L'an dernier, un groupe de pays en développement a proposé des changements de manière à rendre le processus de négociation beaucoup plus ouvert. Bien que cela puisse sembler étonnant, certains pays qui sont parties à un accord ont de la difficulté à prendre part aux discussions qui le précèdent. Je dois malheureusement dire que le Canada et d'autres pays riches se sont opposés, par leurs paroles et leurs gestes, à une plus grande transparence du processus de négociation. Il faudrait que cela prenne fin.

    À cet égard, nous demandons que le Canada renchérisse sur ses premiers efforts en vue d'une plus grande transparence au sein de l'OMC en présentant de nouvelles propositions visant à démocratiser les règles et la procédure de manière à ce que les gouvernements des pays en développement puissent participer, à pied d'égalité et avec efficacité, à la prise de décisions de l'OMC. Les membres de votre comité peuvent aider à donner à l'équipe de négociation canadienne l'orientation et le mandat dont elle a besoin pour faire réinscrire le développement au programme de développement de Doha.

    Comme vous le savez, presque tous s'entendent pour dire que le commerce international n'est pas une fin en soi ni, plus particulièrement, un moyen pour les riches de s'enrichir sur le dos des pauvres. Le commerce international a le potentiel de faire une énorme contribution au développement, mais il faudra apporter des changements à l'OMC pour que ce potentiel soit exploité.

    Un exemple flagrant du deux poids deux mesures des arrangements actuels est que les restrictions commerciales imposées dans les pays riches coûtent aux pays en développement quelque 100 milliards de dollars US par année, soit le double à peu près de ce que touche toute la planète en aide venue des mêmes économies.

    Le gouvernement et les négociateurs du Canada prendront note des vues de votre comité lorsqu'ils se prépareront pour la cinquième réunion ministérielle de Cancun. Je vous demande d'envisager la possibilité de leur dire de cesser de prôner le début de nouvelles négociations sur les questions nouvelles et de se concentrer plutôt sur les questions de mise en oeuvre dont une foule sont toujours en suspens.

¿  +-(0915)  

    Ensuite, servez-vous de la position du Canada comme membre de la Commission quadrilatérale pour défendre l'idée d'une démocratisation des règles et de la procédure de manière à ce que les gouvernements des pays en développement participent à pied d'égalité et avec efficacité aux décisions prises par l'OMC.

    Nous serons à Cancun en septembre et, comme le reste de la planète, nous verrons si le développement est autre chose qu'un coquille vide à l'OMC.

    C'est avec plaisir que je vous présente maintenant Mary Durran, de Développement et paix, qui va vous exposer certaines de nos réflexions concernant les droits de propriété intellectuelle et les débats entourant les ADPIC.

+-

    Le président: Monsieur Barr, je vous remercie.

    Madame Durran, je vous en prie.

+-

    Mme Mary Durran (recherchiste, Développement et paix): Bonjour. Je m'appelle Mary Durran et je suis recherchiste à Développement et paix.

    En tant qu'organe officiel de développement international de l'Église catholique canadienne, Développement et paix s'intéresse au droit à la sécurité alimentaire du monde en développement. Cette question se retrouvera à nouveau sur la table à Cancun, durant les négociations de l'accord de l'OMC sur les aspects liés au commerce des droits de propriété intellectuelle, soit les ADPIC, qui permettent actuellement de breveter des formes de vie, y compris des semences assurant la sécurité alimentaire.

    Nous exhortons le Canada à encourager d'autres membres de l'OMC, particulièrement des pays du G-8, à ne pas oublier le rôle essentiel de l'OMC dans l'atteinte, d'ici 2015, des objectifs de développement du millénaire. Nous demandons également que le Canada réaffirme l'engagement pris dans le cadre du consensus de Monterrey, lors de la conférence sur le financement du développement qui a eu lieu dans cette ville en 2002, en vue de promouvoir le commerce comme moteur de développement, plutôt que comme une simple fin en soi.

    Durant la plus récente campagne menée par Développement et paix, au moins 260 000 Canadiens ont envoyé des cartes postales au premier ministre pour lui demander de modifier les ADPIC de manière à faire interdire les brevets.

    Pour reprendre les paroles du théologien indien Josanthony Joseph:

Si on l'examine la question des brevets délivrés à l'égard de produits biologiques sous l'angle de ceux qui ont faim, il faut conclure que ce qui est contraire à l'éthique et par conséquent inacceptable n'est pas le fait que de la recherche soit effectuée qui pourrait peut-être aboutir à de meilleures récoltes et accroître la sécurité alimentaire dans le monde. Ce qui est inacceptable, c'est le fait que ces brevets permettent la concentration dans de moins en moins de mains du contrôle exercé sur l'approvisionnement mondial en aliments.

    Nous considérons ce problème comme étant très grave.

    L'expérience nous a appris que les fermiers des pays en développement sont ceux qui sont les mieux placés pour voir à la sécurité alimentaire de leurs collectivités au moyen de méthodes agricoles traditionnelles faisant peu appel à la technologie. Toutefois, les brevets délivrés à l'égard des semences des cultures vivrières empêchent le libre-échange des semences et de l'information nécessaires pour promouvoir l'innovation au niveau rural dans un contexte de faible technologie. Les brevets empêchent les fermiers de conserver à la fin de chaque saison les semences et de se les échanger et ils donnent aux phytogénéticiens du Nord des droits exclusifs sur des variétés de plantes qui ont essentiellement été développées par des fermiers du Sud.

    Les brevets délivrés à l'égard de formes de vie, y compris des semences, vont aussi à l'encontre des dispositions de la Convention sur la diversité biologique signée par la plupart des États membres de l'OMC, y compris par le Canada. La convention oblige les parties étatiques à respecter la propriété collective de la biodiversité, y compris le soutien aux systèmes agricoles des populations rurales.

    En théorie, l'alinéa 27(3)b) des ADPIC, dans leur forme actuelle, donne aux membres de l'OMC une certaine latitude concernant l'inclusion dans leurs lois nationales de brevets sur des formes de vie—je dis bien en théorie. Toutefois, dans la pratique, les pays du Sud ont fait l'objet d'énormes pressions en vue d'adopter des engagements sur le plan de la propriété intellectuelle qui vont au-delà de l'accord sur les ADPIC.

    Par exemple, un groupe de pays africains a élaboré une loi modèle africaine qui tente de concilier les obligations des États membres avec à la fois les accords sur les ADPIC et la Convention sur la biodiversité. Cette loi modèle a reçu l'appui de l'union africaine; toutefois, les membres du groupe africain qui font la promotion de cette idée ont fait l'objet de très fortes pressions de la part d'organismes multilatéraux, y compris de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, en vue de leur faire adopter des lois qui permettent de breveter des formes de vie, y compris des semences.

    Nous demandons par conséquent au Canada de se faire le porte-parole, à la prochaine réunion ministérielle de Cancun, de la position adoptée par un nombre important de Canadiens selon laquelle les brevets sur les formes de vie vont à l'encontre des principes d'éthique et sont inacceptables et, en tant que tels, devraient être interdits dans l'accord sur les ADPIC. De plus, nous exhortons le Canada à appuyer l'idée d'accorder le statut d'observateur au secrétariat de la Convention sur la diversité biologique, lors des réunions du Conseil des ADPIC.

    Nous aimerions aussi porter à votre attention la question des ADPIC dans l'optique de la santé publique. Carol Devine, de Médecins sans frontières, fait partie de notre groupe d'experts ce matin et elle pourra répondre à vos questions à ce sujet.

    Même si l'on croyait qu'elle avait été définitivement réglée à Doha, la question de l'accès aux médicaments essentiels est en fait toujours en suspens. Le rôle du Canada dans les négociations jusqu'ici a consisté à travailler contre les pays en développement en prônant des restrictions sur le recours aux dispositions de santé publique prévues dans les ADPIC. Nous demandons donc au Canada de revenir sur sa position et de travailler à la résolution du problème de l'accès aux médicaments d'une manière qui couvre toutes les maladies et avantage tous les pays en développement.

    Je vous remercie.

¿  +-(0920)  

[Français]

+-

    Le président: Nous entendrons maintenant M. Pierre Laliberté du Congrès du travail du Canada.

    Monsieur Laliberté, s'il vous plaît.

+-

    M. Pierre Laliberté (économiste principal, Congrès du travail du Canada): Bonjour. Je viens témoigner devant vous aujourd'hui du soutien du Congrès du travail du Canada au mémoire préparé par le Conseil canadien pour la coopération internationale, que vous avez devant vous.

    Nous croyons que le Sommet de Cancun nous donne l'occasion de rétablir un meilleur équilibre dans les priorités commerciales et humanitaires et de donner un visage plus équitable à la mondialisation. C'est une occasion qu'il faut saisir. Je vais restreindre mon propos à l'Accord général sur le commerce des services, qui se négocie présentement.

    Comme vous le savez certainement, cet accord prend de plus en plus d'importance parmi les priorités des pays, qu'ils soient en développement ou développés, et pour cause. L'accord a une portée très vaste et s'étend, en principe, à presque toute la gamme des services possibles ainsi qu'à toutes les façons de les fournir. Il affecte potentiellement toute mesure de réglementation, à tous les niveaux de gouvernement, affectant directement ou indirectement la fourniture de ces services. Il affecte même la fourniture des services essentiels comme la santé, l'enseignement, l'eau et l'électricité, dont l'accès et la qualité posent déjà un défi majeur dans une majorité de pays en développement.

    Une des grandes préoccupations concernant l'accord sur les services est qu'il intensifie les pressions en faveur de la commercialisation de ces mêmes services essentiels. La préservation de la portée des services devant être livrés sans frais directs par l'entremise de l'État ou à titre non lucratif constitue un élément critique en matière de développement et de droits de la personne dans les pays en développement.

    Sous l'impulsion des conditions rattachées aux politiques d'ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale, la privatisation des services a pris de l'ampleur dans les pays du Sud. Les investissements privés accrus peuvent contribuer à améliorer les infrastructures et ont leur place. Mais, comme l'a noté le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, il ont tendance à accentuer des tendances préoccupantes, comme la fourniture de services à deux vitesses, l'exclusion de certaines classes de prestataires et une prédominance des objectifs commerciaux sur les objectifs sociaux. On notera qu'en vertu de la clause de  la nation la plus favorisée, si un pays a déjà ouvert un secteur à un fournisseur de services étranger, le secteur est à toutes fins pratiques libéralisé en fonction de l'accord sur les services.

    Si plusieurs pays ont privatisé des pans de leurs services publics, il n'est pas dit qu'ils ne désireront pas changer l'équilibre entre le privé et le public à l'avenir. Or, en vertu de l'accord sur les services, un tel retour serait coûteux car il impliquerait une compensation non seulement des fournisseurs étrangers, potentiellement brimés, mais également de leurs gouvernements. Bien que l'accord sur les services prévoie une exclusion des services fournis dans le cadre de l'exercice gouvernemental, la définition donnée de ces services demande qu'ils ne soient fournis ni sur une base commerciale ni sur une base concurrentielle, ce qui limite énormément la portée de l'exclusion.

    Le Canada a indiqué qu'il voulait soustraire ses propres services essentiels, soit la santé, l'enseignement public et les services sociaux, à la négociation et qu'il ne fera pas de demande à ses partenaires dans ces mêmes secteurs. Cela représente, à notre avis, un développement qui vaut la peine d'être souligné et qui, nous l'espérons, sera imité par d'autres pays. Cependant, nous ne croyons pas que ce soit suffisant. Nous croyons que le Canada doit veiller à ce que les accords sur les services ne sapent pas la portée de l'objectif gouvernemental d'offrir des services publics accessibles et de qualité.

    Dans sa forme actuelle, l'Accord général sur le commerce des services, quoi qu'en disent ses promoteurs, ne protège pas adéquatement la capacité des gouvernements de fournir, au besoin, les services publics essentiels. C'est pourquoi nous pensons que le Canada se doit d'appuyer l'établissement d'une exception générale dans l'Accord général sur les services pour les secteurs de services dits essentiels, comme la santé, l'enseignement et l'eau.

    De plus, considérant la vaste portée de l'accord sur les services et ses effets potentiels non seulement sur la fourniture de services de base, mais aussi sur la capacité des gouvernements de légiférer et d'adopter des politiques de développement, nous considérons que le Canada se doit d'appuyer la mise en oeuvre d'une évaluation minutieuse des conséquences d'un élargissement de l'accord pour les pays en développement. Une telle évaluation était par ailleurs mandatée par l'article 19 de l'accord lui-même, mais a été remise, dans les faits, aux calendes grecques. Nous croyons, au contraire, qu'il est impératif de faire cette revue avant de poursuivre un programme élargi de libéralisation des services.

    Il est clair qu'une telle évaluation aura sans doute pour effet de ralentir le rythme des négociations, mais pour nous, c'est un moindre mal étant donné les conséquences. Nous pensons que si on élargit l'accord, on doit le faire en toute connaissance de cause. À l'instar de plusieurs, nous ne croyons pas que ce soit le cas actuellement.

    Je vous remercie.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Laliberté.

    Nous allons maintenant passer à M. Stuart Clark, de la Banque de céréales vivrières du Canada. Monsieur Clark, s'il vous plaît.

[Traduction]

+-

    M. Stuart Clark (conseiller principal en politiques, Banque de céréales vivrières du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Je sais que vous avez déjà entendu une partie de ce que nous avons à dire aujourd'hui. Je tiens également à donner l'assurance aux membres du comité que nous avons essayé de tenir compte du fait que trois mois s'étaient écoulés—soit la moitié du temps à partir du moment où nous avons parlé pour la dernière fois et la rencontre ministérielle de Cancun—, de sorte que nos observations d'aujourd'hui se concentreront surtout sur la dernière partie du processus si, en fait, nous arrivons à conclure un accord satisfaisant à Cancun.

    Il importe de souligner que l'agriculture est le pivot de toutes les sociétés. Dans les pays en développement, l'agriculture est également la source de huit gagne-pain sur dix, c'est-à-dire qu'elle permet à huit personnes sur dix de survivre. Si l'on veut que ces sociétés prospèrent, il faut que les systèmes agricoles soient également prospères.

    J'aimerais souligner en à-côté que l'engagement à l'égard de l'agriculture renouvelé par le Canada dans son aide extérieure est un signe très encourageant que l'on est conscient de cette très importante réalité.

    Mis à part le taux de précipitations, les prix sont l'enjeu le plus important pour les agriculteurs. Aujourd'hui plus que jamais, le commerce international dicte le cours des produits agricoles partout dans le monde. Alors qu'au Canada, nous y sommes habitués—c'est une réalité ici depuis des décennies—, pour de nombreux pays de l'Afrique subsaharienne, par exemple, là où la sécurité alimentaire est vraiment importante, c'est une nouveauté.

    Nous soutenons donc que le programme de développement convenu à Doha concerne essentiellement les prix consentis aux agriculteurs des pays en développement. Je ne crois pas trop exagérer en l'affirmant, étant donné la prépondérance de l'agriculture comme source de revenus dans ces pays.

    J'aimerais aborder avec vous deux questions particulières, des questions dont nous avons déjà parlé mais qui ont, au cours des derniers mois précédant la réunion ministérielle de Cancun, changé quelque peu. La première est la question de l'équilibre.

    Vous savez tous que le commerce international de produits agricoles est celui qui comporte le plus de distorsions. C'est là un point qui a été souligné par le Canada et intégré à sa position de négociation initiale en vue de régler le problème des niveaux élevés de subventions dont a parlé M. Barr. Toutefois, il est clair aussi que, pour au moins les cinq prochaines années, ce niveau de subvention se maintiendra en Union Européenne et aux États-Unis, de sorte que des produits subventionnés seront exportés partout dans le monde, y compris dans les pays en développement.

    En résumé, la façon dont les choses se dessinent actuellement, ce déséquilibre massif va persister, et ses conséquences seront tout à fait désastreuses. Cela signifie que les fermiers... et cela arrive; beaucoup d'entre vous font des voyages, visitent des pays en développement. Vous vous rendez probablement dans les villes en premier, et vous voyez les grands bidonvilles. La plupart des personnes qui y habitent étaient auparavant des agriculteurs.

    La tendance se maintient et elle est très déstabilisatrice. Dans tout accord que nous négocions actuellement, les prix consentis pour les produits de ces agriculteurs sont cruciaux pour maintenir l'équilibre.

    Nous souhaitons donc exhorter vraiment le Canada, durant la dernière étape de la négociation de Cancun, à demeurer ouvert à l'idée d'accorder aux pays en développement des droits compensateurs spéciaux qui leur permettraient de recourir à des barrières tarifaires pour se protéger contre les importations fortement subventionnées.

    La logique sur le plan du développement est évidente, mais nous tenons aussi à souligner que la logique pour ce qui est de la position de négociation canadienne est aussi claire, car l'existence de ce genre de droit compensateur maintiendrait une pression forte et soutenue sur ceux qui subventionnent leur secteur agricole à tour de bras. Cette proposition est donc tout aussi avantageuse sur le plan du développement que sur celui des intérêts canadiens.

¿  +-(0930)  

    Le second point que je tiens à faire valoir concerne les produits spéciaux. Dans les ébauches de texte qui ont été présentées, nous parlons de cultures vivrières. Ce concept est repris dans la notion des produits spéciaux, et nous aimerions appuyer la demande faite par les pays en développement pour qu'un certain pourcentage de leurs produits agricoles ne soit pas soumis à une réduction supplémentaire des tarifs.

    On a beaucoup discuté des produits qu'il faudrait exempter. Nous avons effectué beaucoup de recherches pour voir s'il n'existe pas des règles rapides auxquelles on pourrait se reporter dans toute une gamme de situations pour décider quels genres de produits devraient être qualifiés de spéciaux. Le résultat de ces travaux en bref, c'est qu'il faut simplement régler cette question selon le contexte national, en raison de la diversité de l'agriculture et des préoccupations des différents pays en matière de sécurité alimentaire.

    Permettre aux pays d'exempter ces produits de réductions supplémentaires des tarifs aurait un impact très concret sur les prix qu'obtiennent les agriculteurs des pays en développement et aiderait aussi ces pays à porter à maturité les projets qu'ils souhaitent exporter. Un point important à retenir, c'est que les produits spéciaux tels que proposés seraient tous des produits exportés non nets, de sorte que nous ne parlons pas de règles du jeu injustes ou inégales sur le plan du commerce international.

    J'aimerais aborder brièvement deux autres points dont il a déjà été question Certains d'entre vous auront peut-être des questions à ce sujet tout à l'heure. Le premier point est l'importance d'ouvrir les marchés du Nord aux produits que commencent à exporter les pays en développement. Cela soulève d'importantes questions au sujet de l'instabilité des prix au sujet de laquelle mon collègue Mark Fried, d'Oxfam, aura des messages bien clairs à vous transmettre.

    Le dernier point est le besoin de mettre en place dans les pays en développement des systèmes de mise en marché ordonnée. Le Canada le reconnaît puisqu'il a ses propres systèmes de gestion de l'offre. Nous vous prions de ne pas fermer la porte aux pays en développement qui souhaitent établir des systèmes analogues. À nouveau, sans des secteurs agricoles prospères, il n'y aura pas de développement, de sorte que le programme de développement convenu à Doha sera une coquille vide.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Nous allons passer aux questions et aux réponses. Je tiens simplement à rappeler à mes collègues que, ce matin, ils disposent de cinq minutes pour à la fois poser des questions et entendre les réponses.

    Nous allons commencer par M. Martin.

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci, monsieur Patry, et je remercie également tous les témoins d'être venus aujourd'hui.

    Avant de commencer, j'aimerais simplement vous féliciter, monsieur Fried et votre organisme, Oxfam, de prendre en charge tous ces orphelins sidatiques de Pretoria et des alentours. Je vous en remercie vivement.

    De plus, j'aimerais remercier M. Clark de son immense travail en vue d'aider bon nombre d'entre nous à faire face à la famine qui sévit en Afrique subsaharienne.

    Nous n'aurons pas le temps de répondre à toutes les questions que je vais poser aujourd'hui, mais si vous avez la gentillesse de répondre par écrit, je vous en serai profondément reconnaissant.

    Mesdames Devine et Durran et monsieur Barr, j'aimerais beaucoup savoir comment nous pouvons donner accès aux médicaments aux pays en développement. Vous pourriez peut-être suggérer au comité, par écrit, des solutions que le Canada pourrait adopter dans le cadre de l'accord sur les ADPIC et qui permettraient aux pays en développement d'avoir un meilleur accès à ces médicaments, à moindre coût.

    Pour ce qui est de l'accord sur les ADPIC, monsieur Barr, vous pourriez peut-être nous proposer certaines solutions propres à assurer la sécurité alimentaire, question que vous avez mentionnée dans votre exposé.

    Monsieur Clark, vous pourriez peut-être, vous aussi, nous proposer des solutions par écrit.

    Enfin, monsieur Barr, vous avez parlé de solutions que nous pourrions présenter en vue de démocratiser l'OMC. Il s'agit d'une situation très complexe que la plupart d'entre nous ont de la difficulté à cerner, et je vous serais reconnaissant de tout document à ce sujet.

    Donc, si l'un d'entre vous veut profiter des deux dernières minutes pour tenter une réponse, il est le bienvenu.

    Madame Devine.

¿  +-(0935)  

+-

    Mme Carol Devine (Liaison pour l'accès aux médicaments essentiel, Médecins sans frontières): Merci beaucoup.

    Je suis heureuse de vous entendre dire que vous aimeriez recevoir un document, car nous serions nous-mêmes extrêmement heureux de vous en envoyer un.

    En fait, nous croyons que l'occasion qui se présente à Cancun est incroyablement importante et qu'il faut la saisir, sans quoi tout le système des ADPIC comme porte d'accès pour les pays pauvres aux médicaments sera remis en question. Actuellement, six millions de personnes ont besoin d'antirétroviraux disponibles en Occident pour prolonger leur vie. Comme vous le savez fort bien, des économies entières sont détruites et des populations, décimées par le sida.

    La déclaration de Doha à laquelle le Canada a souscrit il y a plus d'un an et demi déjà reconnaissait qu'il fallait qu'il y ait une solution—il s'agit d'un paragraphe de la déclaration de Doha—pour régler vraiment la question des pays qui n'ont pas la capacité de production de ces médicaments antirétroviraux. Ce qu'il faut maintenant, c'est donner la latitude d'importer ces médicaments absolument essentiels, et le Canada est un de ceux qui bloquent cet accès. En septembre, nous espérons vraiment que le Canada va revenir sur sa position et qu'il contribuera à la solution dont l'importance lui semblait évidente il y a un an et demi, une solution simple, immédiate et économiquement viable.

    Quelques propositions que nous avons vues préconisent de limiter le nombre de maladies pour lesquelles on assouplirait l'accès aux médicaments. Quelques pays seulement, le Bahreïn ou le Canada je crois... la déclaration de Doha dit que tout pays devrait pouvoir décider de la nature de son problème de santé publique et de la façon dont il va promouvoir l'accès universel.

    Nous espérons donc vraiment que le Canada contribuera à une solution multilatérale pratique et que la fourchette de maladies ne sera pas limitée, pas plus que le nombre de pays, et que cette solution comprendra des vaccins et des appareils de diagnostic. Pour l'instant, le Canada, les États-Unis, l'Union européenne, le Japon et la Suisse plient sous les pressions des grandes pharmaceutiques. Au moment même où l'on se parle, on se perd en formalités administratives, discussions, négociations et jargon juridique alors qu'on pourrait sauver des vies.

    Je vous remercie.

+-

    Le président: Y a-t-il d'autres observations?

    Monsieur Barr.

+-

    M. Gerry Barr: J'aurais simplement un point rapide à faire valoir au sujet de l'accès aux médicaments. À mesure que nous nous rapprochons de Cancun, on court le risque que, dans la chaîne des événements, on prétende à Cancun faire une concession en donnant accès aux médicaments et qu'on dise que c'est là un gain important. Je suis ici pour vous dire que ce n'est pas le cas.

    À la dernière réunion de Doha, on a en fait réalisé un gain important en matière de propriété intellectuelle pour ce qui est de l'accès à des médicaments essentiels sous forme d'une déclaration politique qui donnait l'assurance aux États membres qu'ils pourraient utiliser des médicaments génériques lorsqu'ils le jugeaient bon dans des dossiers cruciaux de santé publique. Toutefois, ce qu'on n'a pas dit, c'est que les pays qui n'avaient pas eux-mêmes la capacité de produire les médicaments génériques ne seraient pas en mesure de les importer de pays qui les fabriquent, ce qui laissait les économies les moins développées encore une fois dans la pire situation.

    Or, on nous a donné l'assurance que ce problème serait réglé. Il ne l'a pas été, et les économies développées ont gardé cet atout dans leurs manches jusqu'à Cancun quand, dans le contexte de l'approche de l'engagement unique, elles sortiront cette carte et la présenteront comme un gage important d'avance. Voilà selon moi un exemple justement du genre de chose qui engendre beaucoup de cynisme partout dans le monde.

    On pourrait aussi repérer les questions de mise en oeuvre. Le ministre Pettigrew a dit, en route pour Doha, que plus de la moitié des questions de mise en oeuvre était dans les faits résolue. Je suis sûr qu'il parlait de bonne foi, mais à ce stade-ci, seulement cinq des 95 questions ont été résolues. Parmi celles que l'on croyait réglées, presque toutes sont à nouveau dans le collimateur. On en discute à nouveau, dans cet interminable processus où l'on s'échange des atouts en retour de concessions nouvelles et importantes de la part du monde en développement.

¿  +-(0940)  

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Rocheleau, s'il vous plaît.

+-

    M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Merci, monsieur le président.

    Merci, mesdames et messieurs, d'être venus nous rencontrer ce matin pour alimenter notre réflexion. J'ai trois questions. Les deux premières s'adressent à M. Barr et la troisième, à M. Clark.

    Monsieur Barr, vous dites dans votre document préliminaire, au point 5, « Démocratiser l'OMC »:

Encore tout récemment à Doha, une série de tactiques déloyales ont gâché le processus de négociation dont les résultats vont à l’encontre des besoins des pays pauvres.

    J'aimerais que vous élaboriez sur ce sujet qui m'apparaît très intéressant.

    Deuxièmement, vous dites à la fin du point 5:

Le directeur général de l’OMC a réclamé l’adoption d’un code de conduite à l’intention des multinationales pour contrôler l’influence qu’elles exercent par leurs manoeuvres de couloirs.

    J'aimerais que vous nous disiez où on en est rendu quant à l'adoption de ce code de conduite.

    Ma troisième question s'adresse à M. Clark. Vous avez parlé de la gestion de l'offre. On sait qu'au Québec, on a des mécanismes très sophistiqués de gestion de l'offre en agriculture, dont le Canada s'est inspiré, qui pourraient servir d'exemples et de modèles à beaucoup de pays en développement, mais les échos que nous avons font en sorte que nous sommes de plus en plus pessimistes quant au maintien de ces mécanismes de la gestion de l'offre alors qu'ils pourraient être davantage répandus. Vous nous dites qu'ils devraient être davantage répandus. C'est un peu en opposition. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Barr.

+-

    M. Gerry Barr: Je remercie le député d'avoir posé la question. Il y a bien des choses à dire en réponse à cette question, mais je vais me limiter à certains points.

    Dans les négociations commerciales, on se retrouve avec un énorme défi sur les bras, soit de concilier le discours de la coopération et du développement international avec des arrangements commerciaux qui ont toujours fait l'objet d'âpres discussions entre les États. Cependant, à mesure que ces négociations commerciales et le jargon commercial se sont élargis, qu'a crû la mondialisation et que le discours a englobé tant de domaines, la terminologie du développement et de la coopération internationale a pris de plus en plus d'importance, naturellement. Pourtant, il existe une contradiction fondamentale dans l'approche de ces deux styles de négociation entre pays—une qui s'appuie sur des négociations serrées et l'autre qui est motivée par la logique de la coopération internationale.

    Dans ces négociations, on est frappé par le problème des pays les plus influents et de leur capacité, parce que seules quelques grandes économies de la place internationale sont capables d'imposer leurs propres programmes. Les explications données dans ce contexte parlent d'un système fondé sur des règles, ce qui à première vue peut sembler très équitable et convenable. Toutefois, ceux d'entre nous qui ont de l'expérience en coopération et en développement savent que l'affirmation de règles peut finir par perpétuer l'inégalité plutôt que de favoriser l'égalité.

    Au Canada, il en existe de nombreux exemples. Prenons l'exemple de la discrimination en fonction du sexe, de la différence culturelle, de la race. Il y a beaucoup d'exemples dans ce domaine de règles qui semblent équitables parce qu'elles s'appliquent à tous, mais qui en réalité affirment l'inégalité, l'articulent et la renforcent. Cela vaut aussi pour la place internationale.

    La démocratisation de l'OMC a surtout rapport avec le fait d'avoir voix au chapitre, d'avoir accès au processus, et avec l'impact sur les marginalisés de l'économie internationale. Il existe des douzaines de moyens par lesquels ces questions émergent dans le contexte de l'OMC. Cependant, au niveau de l'engagement unique par exemple, vous pourriez croire que les échéances fixées dans les négociations étaient destinées à servir de véritables points repères, mais en réalité, si vous êtes un négociateur cherchant à obtenir un engagement unique, la dernière chose que vous souhaitez est qu'une échéance soit respectée. Vous souhaitez que tout demeure en suspens, que vous conserviez toutes vos options—c'est-à-dire si vous êtes le négociateur d'une économie efficace et robuste.

    Si, à mesure que vous voyez ces échéances non respectées... et presque toutes ne le sont pas. Il n'y a presque pas d'échéances qui sont respectées en prévision de la réunion de Cancun. Ce que vous y voyez, c'est la fin des espoirs du tiers monde parce que, lors de l'engagement définitif, cette espèce de spasme à la fin d'un processus très coûteux, on laisse tomber toutes les questions accessoires et périphériques au profit de celles qui comptent vraiment, et ce qui compte vraiment, ce sont les préoccupations et les programmes des grands acteurs économiques.

    À mesure que vous vous rapprochez de l'échéance de Cancun, si vous sentez une certaine trépidation chez les acteurs des pays industrialisés, c'est qu'il existe une fort bonne raison. Ils ont vu les échéances non respectées constamment. Des questions qui, par conséquent, auraient pu être mises de côté et réglées dans un esprit de coopération internationale mais qui ne l'ont pas été sont laissées en suspens. Vous avez l'assurance qu'à quelques rares exceptions près—certaines seront conservées pour maquiller la réalité—, ces questions et intérêts relativement marginaux sauteront en faveur du programme central.

    J'estime donc qu'il faut trouver un moyen de régler ce problème de l'engagement unique.

¿  +-(0945)  

+-

    Le président: Je vous remercie. Ce n'est pas que je veuille vous interrompre, mais il serait préférable de faire des réponses un peu plus courtes.

    Monsieur Clark, vous aviez quelque chose à ajouter?

+-

    M. Stuart Clark: Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais dire qu'à mon avis, la question posée par M. Rocheleau est absolument cruciale aux négociations relatives à l'agriculture et, en fait, à toute l'OMC. César Gaviria, secrétaire général de l'OEA, lors d'une importante conférence économique qui a eu lieu au mois de mai, a dit qu'il fallait convaincre les gens de partout dans le monde que cet effort était valable.

    On s'interroge sur la légitimité des régimes commerciaux, une question que l'on se pose de plus en plus et que se posent les fermiers dont l'offre est gérée au Canada et ailleurs. Si vous examinez, par exemple, les régimes commerciaux, il ressort très clairement que chaque pays a son propre produit spécial. Dans le premier accord commercial en matière d'agriculture, c'est-à-dire à la fin du cycle d'Uruguay, on avait prévu, bien qu'ils ne soient pas explicitement nommés, plusieurs créneaux pour les produits spéciaux. L'agriculture est si différente des trucs de fabrication, et elle exige, si vous allez l'intégrer à un régime commercial, beaucoup d'exceptions en raison des circonstances qui varient énormément.

    Donc, pour ce qui est de la gestion de l'offre et du sort qui lui sera réservée sous la pression constante en vue de réduire les tarifs, je crois qu'en l'agriculture, il existe dans presque tous les pays des produits spéciaux et que des secteurs spéciaux seront défendus. De plus, le Canada cherchera par tous les moyens à conserver le système des contingents tarifaires. Mais comme l'a dit M. Barr, les pays en développement ont bien besoin du même genre de souplesse. Or, jusqu'ici, le Canada se refuse à envisager de leur offrir ce genre de produits spéciaux. Bien qu'il en soit fait mention dans le texte du président, je sais que le Canada, lorsqu'il prend la parole, exprime de nombreuses réserves et qu'il est fermé à cette idée. Toutefois, il est très clair qu'il va tout simplement falloir accepter l'existence des produits spéciaux.

    J'espère sincèrement que la gestion de l'offre sera un moyen grâce auquel le Canada pourra insérer l'agriculture dans le commerce international et j'espère que la porte sera laissée ouverte aux pays en développement qui voudront faire la même chose.

    Je vous remercie.

¿  +-(0950)  

+-

    Le président: Monsieur Eyking.

+-

    M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Ma question s'adresse probablement à M. Clark.

    L'ACDI semble être l'organisme qui, chez nous, aide beaucoup les pays sous-développés. Donc, un grand nombre de défis et de solutions et notre façon de les traiter devaient être intégrés dans nos politiques relatives à l'ACDI.

    Pour ma part, j'ai beaucoup travaillé en Amérique centrale auprès de groupes agricoles avant de me lancer en politique. J'ai travaillé avec des coopératives, pour les aider à s'occuper de leurs systèmes grandissants, de l'irrigation et de leurs systèmes de mise en marché.

    J'aimerais simplement en savoir plus sur ce que vous pensez lorsque vous traitez avec certains de ces groupes. Heureusement, j'étais moi-même agriculteur, de sorte que je pouvais comprendre bien des problèmes, mais j'ai aussi constaté qu'on se plaignait beaucoup du fait que le monde occidental débarque avec toutes ses idées brillantes, mais qu'il ne lui viendrait pas à l'esprit de partir de la base pour trouver une solution locale.

    J'aimerais donc que vous nous donniez plus de détails sur la façon dont nous pourrions peut-être changer nos politiques relatives à l'ACDI, la façon dont nous voyons ces pays, le fait qu'il ne faudrait pas les voir et les traiter comme des structures primitives, qu'on puisse leur montrer par exemple comment faire pousser du café biologique ou des plantes médicinales sans faire basculer toute leur société.

+-

    Le président: Monsieur Clark.

+-

    M. Stuart Clark: Je vous remercie. J'estime que vous posez-là une question très importante.

    Nous avons amorcé la discussion en parlant de commerce agricole, et nous souhaitons préciser qu'il faut avoir en place comme condition essentielle au développement agricole en Amérique centrale, tout comme en Afrique subsaharienne, de bonnes règles. Cependant, ce n'est pas suffisant. Il s'agit d'une condition essentielle, mais qui ne suffit pas à elle seule.

    Pour ce qui est de la politique d'aide extérieure, on se rend de plus en plus compte, preuves scientifiques à l'appui, que les méthodes agricoles indigènes sont solides. Je ne dis pas qu'elles offrent toutes les réponses, mais le milieu scientifique aurait intérêt à les examiner et en reproduire peut-être certains éléments. Vous avez peut-être vous-même fait ce genre de travail. Si la méthode que nous utilisions auparavant, soit de transplanter notre régime agricole, n'a pas disparu, elle a certainement changé.

    Le groupe de la politique de la sécurité alimentaire travaille fort à la façon dont l'ACDI pourrait utiliser ses nouvelles ressources dans le domaine de l'aide à l'agriculture. Un des points sur lesquels nous insistons beaucoup est qu'une majorité de cette aide à l'agriculture devrait aller à réduire la pauvreté. Comme vous le savez fort bien, l'agriculture peut prendre diverses orientations. L'investissement dans la production à grande échelle de farine industrielle pourrait produire bien des revenus pour un pays, et nous n'en nions pas l'importance, mais nous estimons que l'aide agricole du Canada et de l'ACDI devrait se concentrer sur des méthodes agricoles concrètes qui aident ceux qui vivent actuellement dans la pauvreté.

+-

    M. Mark Eyking: Faisons-nous du bon travail à cet égard? Comment pourrions-nous l'améliorer dans le cas contraire?

+-

    M. Stuart Clark: Après une décennie de déclin, l'annonce... Notre aide à l'agriculture est passée, en données brutes, de 300 millions de dollars au début des années 90 à 100 millions de dollars à la fin de la décennie. Voilà maintenant que le ministre actuel annonce que d'ici 2006, je crois, l'aide de l'ACDI sera portée à 500 millions de dollars. Tout cela pour dire qu'une bonne partie de ces nouvelles sont très fraîches. Je ne crois pas que l'on ait décidé encore de la façon dont le Canada profitera de l'occasion.

    Certes, il nous tarde de travailler avec l'ACDI et, parfois, de vous tenir au courant de ce qu'il faudrait faire, selon nous, pour qu'une contribution importante à l'agriculture soit utilisée de la manière la plus judicieuse possible.

    Il est donc en réalité trop tôt pour évaluer ce que nous avons fait, sauf pour dire que, durant la dernière décennie, ce ne fut pas terrible.

¿  +-(0955)  

+-

    Le président: Monsieur Fried.

+-

    M. Mark Fried (coordonnateur des communications et de la défense des intérêts, Oxfam Canada): Je pourrais peut-être renchérir quelque peu.

    Pour en revenir à la question commerciale, un des changements que l'ACDI a commencé à mettre en oeuvre dans sa politique globale d'aide est d'appuyer les gouvernements nationaux dans leurs propres efforts de lutte à la pauvreté et d'appuyer l'élaboration locale des solutions plutôt que d'imposer des programmes conçus au Canada. C'est certes là une tendance positive chez tous les pays donateurs. Simultanément, toutefois, le régime de commerce international impose des restrictions sur la nature des programmes nationaux de lutte contre la pauvreté—il y a des politiques que vous ne pouvez pas adopter et poursuivre, des politiques que certains pays en développement ont mis en oeuvre avec beaucoup de succès dans le passé. Par exemple, la Corée du Sud, Taïwan et d'autres tigres d'Asie s'en sont très bien sortis en limitant les importations et en faisant la promotion des exportations. Il existe plusieurs méthodes, particulièrement en agriculture, pour appuyer le développement agricole local. Ce genre de mesures est limité par les règles commerciales actuelles et, à moins qu'un changement ne survienne dans le régime commercial international, l'efficacité des efforts nationaux de lutte contre la pauvreté ne sera pas aussi grande qu'elle pourrait l'être.

+-

    Le président: Madame Durran.

+-

    Mme Mary Durran: En ce qui concerne l'aide et l'ACDI, il importe beaucoup de ne pas donner d'une main et de retirer de l'autre. Il est effectivement très nécessaire d'injecter de la cohérence dans les politiques de commerce international par rapport à celles de l'ACDI.

    Par exemple, pour en revenir à la question des semences, d'une part, l'ACDI appuie certains excellents projets de développement agricole dans les pays en développement, y compris en Amérique centrale. D'autre part, si le Canada appuie les règles de l'OMC visant à permettre le brevetage des semences, ce qui nuit en réalité à la sécurité alimentaire des agriculteurs, alors ce n'est pas bon. Cela revient à donner d'une main et à retirer de l'autre.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Avant de céder la parole à Mme McDonough, j'aimerais simplement mentionner que nous avons le plaisir d'accueillir ce matin, en plus de la délégation du Bahreïn, Mme Audrey McLaughlin, ex-chef du NPD et députée du Yukon. Je crois qu'elle fait maintenant partie du conseil d'administration du National Democratic Institution.

    Madame McDonough, vous avez la parole.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Je vous remercie beaucoup.

    Vous m'avez enlevé les mots de la bouche, car j'allais justement souhaiter la bienvenue à notre collègue Audrey McLaughlin qui a comme défi stimulant de travailler aux efforts de démocratisation déployés actuellement au Bahreïn. C'est fantastique d'avoir parmi nous aujourd'hui Audrey et la délégation. Je vous souhaite à tous la bienvenue.

    J'aimerais prendre quelques instants pour essayer de mieux comprendre la cause de la dichotomie entre les discours et les gestes du Canada lorsqu'il est temps de donner suite aux résolutions de Doha, plus particulièrement aux engagements pris à l'égard des pays en développement et appauvris. Quand on essaie de convaincre une personne, un organisme ou un gouvernement de changer de comportement, il faut avant tout essayer de comprendre pourquoi il agit comme il le fait.

    Quelquefois, un petit bijou nous saute aux yeux, et voilà Mary Durran en train d'expliquer que de donner d'une main pour ensuite retirer de l'autre n'aboutit pas vraiment à un développement utile, permanent et véritable.

    Je me demande si vous pouvez nous parler plus abondamment de cette question. Que fait le Canada au juste dans ces discussions ou que ne fait-il pas qui donne l'impression qu'il n'est pas solidaire des pays en développement et ne respecte pas l'accord de Doha? A-t-il adopté des positions ouvertement contraires ou est-ce dû à l'absence de position?

    Ensuite, y a-t-il d'autres pays développés, d'autres économies de taille moyenne qui ont une attitude plus proactive, vraiment progressiste et plus fidèle à l'essentiel de l'accord de Doha dont le Canada devrait s'inspirer et dont il pourrait peut-être tirer des leçons?

+-

    M. Mark Fried: Je vous remercie beaucoup d'avoir posé la question. Elle revient en partie à ce dont parlait M. Barr au sujet de la logique différente selon qu'il s'agit de négociations commerciales ou de développement.

    Malheureusement, les négociateurs d'accords de commerce sont coincés par leur interprétation de l'intérêt économique à court terme de leur pays, sous l'influence essentiellement des intérêts exportateurs. C'est vrai pour la plupart des pays du monde. Pour atteindre les objectifs de développement fixés à l'issue du cycle de Doha, qui ont l'air fort bien sur papier, il faudra une autre sorte d'approche, une approche que seul le leadership politique peut offrir. Elle ne peut venir des négociateurs. C'est quelque chose que l'on attend de nos parlementaires et de nos ministres, quelque chose qui va au-delà de la rhétorique et qui voit les négociations comme un tout. Nous avons ce défi mondial du développement. Il n'est pas dans notre intérêt de voir la pauvreté, la faim et les conflits prendre de l'ampleur. Toutefois, il s'agit-là d'un intérêt à plus long terme, pour lequel il faut aller au-delà de questions plus immédiates comme: combien de ces produits vais-je vendre à tel pays, comment puis-je le convaincre d'ouvrir ses marchés pour que je puisse exporter davantage chez lui? Il faut pouvoir voir plus loin que ses propres intérêts et avoir une vue d'ensemble.

    C'est ce que l'on attend des hommes et femmes politiques. Nous avons essayé de proposer, dans nos mémoires antérieurs, de petits gestes que pourrait poser le Canada dans ces négociations particulières afin de les orienter dans la bonne voie. Il existe une vue d'ensemble, mais il y a aussi de petits gestes que l'on peut prendre tout de suite, dont certains que j'ai mentionnés aujourd'hui.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: D'autres observations?

    Madame Devine.

+-

    Mme Carol Devine: Merci.

    Pour ce qui est des positions que le Canada adopte ouvertement à l'égard de l'accès aux médicaments, nous avons vu des pays en développement et des activistes travailler vraiment fort pour obtenir la déclaration de Doha de 2001. Or, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'industrie pharmaceutique exerce beaucoup de pressions et un vent de protectionnisme souffle en Occident quand vient le temps de discuter de l'accès aux médicaments et de la capacité pour les pays en développement d'avoir des médicaments génériques.

    Quand Médecins sans frontières et d'autres organismes prennent la parole à l'OMC, des pays en développement viennent nous voir après notre exposé au sujet du fardeau causé par la maladie et des possibilités réelles d'action—simplement exporter et donner aux pays pauvres une capacité de production de manière à ce qu'ils puissent produire eux-mêmes des médicaments génériques efficaces à meilleur prix—et nous disent: « Merci de l'avoir dit, parce que nous avons de la difficulté à l'exprimer. Nous subissons d'autres pressions à cause de notre dette et de notre agriculture. »

    Toutes ces questions sont donc liées entre elles, mais j'aimerais être extrêmement franche et dire que nous avons vu le Canada et d'autres pays occidentaux plier sous la pression de l'industrie pharmaceutique.

+-

    Le président: Je vous remercie.

+-

    Mme Alexa McDonough: Je vous demande à nouveau, en rapport avec la deuxième partie de ma question, s'il y a d'autres pays qui agissent de façon plus responsable que nous et que nous devrions imiter ou avec lesquels nous devrions collaborer?

+-

    M. Stuart Clark: Pour répondre brièvement, pour ce qui est de l'agriculture, si vous examinez les pays de l'OCDE qui ont une agriculture très particulière, plus particulièrement la Suisse et la Norvège, ils sont très conscients de la difficulté d'intégrer l'agriculture aux règles commerciales. Leurs propositions, qui assument beaucoup des questions intéressant les pays en développement, en témoignent en réalité fort bien.

    C'est là selon moi un point très important. Ces pays qui ont de la difficulté à s'adapter au moule universel proposé par les pays riches, tout comme nous avons de la difficulté avec la gestion de l'offre, sont ceux dont on peut s'inspirer.

+-

    Le président: Madame Kraft Sloan.

+-

    Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.

    Beaucoup des points que vous soulevez gravitent à de nombreux égards autour de questions entourant la justice environnementale et les droits environnementaux. J'aurais quelques questions.

    Tout d'abord, vous avez, d'une part, la Convention sur la biodiversité dont sont signataires des pays du monde entier et, d'autre part, ces contradictions que vous tentez de réconcilier dans une optique strictement commerciale. Quels gouvernements nationaux, particulièrement dans le monde industrialisé, appuient le genre de choses que vous prônez?

    J'aimerais rapidement porter à votre attention un document qu'est en train d'examiner le Conseil européen visant à intégrer au système de protection des droits de la personne le droit à l'environnement. Dans ce document, on cite la déclaration de Stockholm de 1972, selon laquelle:

    L'homme

    —ce terme désigne aussi les femmes, faut-il espérer—

    a le droit fondamental de jouir de liberté, d'égalité et de conditions adéquates de vie, dans un environnement d'une qualité qui permet de vivre dans la dignité et le bien-être...

    Donc, déjà en 1972, il était question d'intégrer ces questions à l'économie, à l'environnement et à l'égalité. Qui, au niveau national, appuie ce genre de principes qui vous préoccupent?

    Par ailleurs, un des témoins a précisé dans son document—j'essaie de retrouver la source—que cela appuie les objectifs du NPDA en termes de l'approche que vous énoncez ici ce matin. Voici ma question: cela appuie-t-il les valeurs épousées dans le NPDA ou ce que nous pourrions voir se concrétiser lors de la mise en oeuvre du NPDA?

À  +-(1005)  

+-

    M. Mark Fried: Cela correspond certainement aux valeurs auxquelles on adhère dans le cadre du NPDA. Peu de choses se sont faites en matière de mise en oeuvre du NPDA jusqu'ici, si bien qu'il est difficile d'en parler.

    Nous ne sommes pas le porte-parole des gouvernements des pays en développement, car ils ne sont pas nos administrés. Nous parlons en fonction de notre expérience sur le terrain, de notre compréhension de ce dont ont besoin les agriculteurs, les gens et les collectivités à faible revenu, dans le contexte de règles susceptibles d'encourager et de permettre leur développement. Très souvent, nos partenaires sur le terrain disent que leur propre gouvernement national représente autant un obstacle que les règles commerciales internationales. Par conséquent, leurs problèmes de politique nationale sont également fondamentaux.

    Ce qui nous intéresse surtout au chapitre des règles et des régimes commerciaux, c'est qu'ils offrent une flexibilité qui permet la mise sur pied de meilleures politiques nationales. Malheureusement, la réalité est toute autre, puisque des contraintes s'exercent sur les politiques nationales, lesquelles ne peuvent s'épanouir comme le souhaiteraient nos partenaires qui se trouvent sur le terrain, dans les collectivités pauvres.

+-

    Mme Karen Kraft Sloan: Y a-t-il des gouvernements dans les pays développés qui voudraient aller à contre-courant de cette tendance particulière?

+-

    M. Mark Fried: Oui, certainement. On peut parler de l'Inde, qui a fait preuve de leadership dans ce domaine, ainsi que du Brésil. Le groupe des pays d'Afrique, mené par le Zimbabwe, n'a pas mâché ses mots, tout comme le Kenya. Plusieurs négociateurs des pays en développement se sont fait les champions de ces propositions...

+-

    Mme Karen Kraft Sloan: Désolée, j'ai parlé de pays « développés ».

+-

    M. Mark Fried: Oh, désolé, les pays développés...

+-

    Le président: Madame Durran.

+-

    Mme Mary Durran: La première partie de votre question semble porter sur la cohérence politique dont, je crois, les pays en développement prennent de plus en plus conscience. J'ai entendu dire dans les milieux gouvernementaux canadiens qu'effectivement, il faut faire cadrer davantage l'ADPIC avec la Convention sur la diversité biologique. Je pense toutefois que ce n'est que maintenant que l'on commence à penser de la sorte.

    On retrouve au sein de l'ONU tout un processus de cohérence politique entre les lois relatives aux droits de la personne et la politique commerciale. Il a débuté plus ou moins en même temps que le processus du millénaire et le sommet du millénaire en 2000 à l'ONU. On s'est certainement rendu compte que le monde doit être plus compatible et cohérent en matière de politiques.

    Encore une fois l'an passé, le Consensus de Monterrey faisait du commerce le moteur du développement tout en soulignant la nécessité de cohérence entre tous les volets politiques. Je crois donc que l'on commence à y penser, mais ce n'est pas encore une idée entièrement retenue.

+-

    Le président: Nous passons maintenant à M. Martin.

+-

    M. Keith Martin: Madame Devine, vous avez parlé de l'incapacité des pays en développement à avoir accès aux vaccins et aux diagnostics. Je fais la liaison avec les compagnies de recherche pharmaceutique ainsi que les compagnies génériques pour essayer de parvenir à des ententes. J'aimerais que vous indiquiez au comité les obstacles que dressent ces compagnies.

    J'ai également appris que les décisions internes prises par plusieurs pays en développement de l'Afrique subsaharienne ont entraîné une augmentation inutile des coûts des médicaments en vente libre et des médicaments sur ordonnance. Si tel est le cas, pouvez-vous nous en parler un peu plus?

    Madame Durran, vous avez fait mention du brevetage de certaines denrées alimentaires. Voulez-vous parler des denrées transgéniques ou non?

    Enfin, monsieur Clark, j'ai soulevé la question des pays en développement qui pourraient être autorisés à imposer des droits compensateurs, à l'instar des subventions auxquelles ont recours les pays développés. J'ai soulevé ce point au cabinet de notre ministre et on m'a répondu que non, une telle proposition ne serait jamais appuyée, puisqu'elle va complètement à l'encontre de ce qui se fait actuellement.

    Existe-t-il une autre option qui permettrait aux pays en développement d'être en concurrence loyale, ou s'agit-il de la meilleure selon vous?

    Merci.

À  +-(1010)  

+-

    Le président: Madame Devine.

+-

    Mme Carol Devine: Pour ce qui de l'accès des pays en développement aux vaccins, aux diagnostics et aux médicaments, j'en ai parlé dans le contexte de certaines des solutions proposées à cet égard. Au cours des négociations de décembre 2002, nous avons en fait vu le président... un texte visant à trouver une solution à la question du paragraphe 6, les diagnostics étaient supprimés, il ne s'agissait que des médicaments. Nous avons jugé qu'il était extrêmement important d'inclure les vaccins ainsi que toutes les technologies de la santé dans la déclaration de Doha et l'ADPIC.

    Les médicaments sont une chose, mais nous observons dans les pays en développement, compte tenu des maladies négligées et des grandes maladies infectieuses, qu'il y a pénurie de vaccins, de diagnostics et, comme vous le savez très bien, les médicaments sont inefficaces, archaïques, toxiques, non existants, non disponibles ou trop coûteux, tandis que les vaccins sont également extrêmement importants.

    D'après un des arguments avancé par des ONG comme MSF, il doit bien y avoir une solution possible à la déclaration de Doha, l'ADPIC relatif aux médicaments pour les pauvres... un point que nous voulons réfuter publiquement. Nous avons reçu une lettre de Catherine Dickson indiquant que dans les domaines de la recherche et du développement et de l'innovation, si la protection intellectuelle diminue, l'innovation, la recherche et le développement des diagnostics, vaccins et médicaments deviendront plus difficiles.

    Eh bien, nous réfutons cet argument, car pour ce qui est du sida et de bien d'autres maladies négligées, il ne se fait pratiquement pas de recherche et de développement, parce qu'il n'y a pas de marché. Les gens ne peuvent pas payer ces médicaments, si bien que ni le secteur public ni le secteur privé ne s'y intéressent. Même si dans les universités, etc., des chercheurs travaillent sur les maladies négligées, cela ne donne rien au plan commercial. Pour vous donner un exemple rapide, ces 25 dernières années, seulement 3 p. 100 de la recherche et du développement ont été consacrés à la malaria et à la tuberculose, et 1 p. 100 aux maladies négligées.

    Par conséquent, je ne suis pas d'accord en ce qui a trait à la recherche et au développement, aux vaccins, aux diagnostics et aux médicaments; c'est une erreur que de dire qu'une propriété intellectuelle plus forte se traduit par plus de médicaments et de vaccins. En fait, je crois que l'on peut démontrer que la recherche et le développement axée sur les besoins ne s'est jamais faite jusqu'ici et qu'il faut trouver des solutions novatrices à ce sujet. MSF a une proposition à cet égard, que je vais vous envoyer.

    Pourriez-vous répéter votre deuxième question?

+-

    M. Keith Martin: Il s'agit de la question des semences, mais je voulais en fait la poser à Mme Durran. Nous avons parlé de formes de vie transgéniques, ou non, car ce n'est évidemment pas la même chose.

+-

    Mme Mary Durran: Au sujet de cette question, les aliments transgéniques et le brevetage sont deux choses différentes, tout en étant reliées. À toutes fins pratiques, la plupart des cultures vivrières qui sont brevetées sont transgéniques, mais il arrive en fait qu'un aliment ou une semence non transgénique soit également breveté. On pourrait alors parler de « biopiratage » lorsque, par exemple, une société s'approprie une semence produite par plusieurs générations d'agriculteurs en disant : « C'est la nôtre et nous allons la breveter. » C'est déjà arrivé.

    En pratique, toutefois, dans le cas d'une culture produite sur plusieurs générations, une société peut introduire une petite modification génétique et la breveter.

    Développement et Paix n'a pas pris position sur les aliments transgéniques en tant que tels, car nous considérons qu'il s'agit d'une toute autre question. Ce qui nous inquiète, c'est la question de propriété de la chaîne alimentaire, lorsque, par exemple, une société s'approprie le résultat de plusieurs générations de culture et déclare :« C'est à nous et personne d'autre ne peut mettre la main dessus. » C'est légèrement différent des aliments transgéniques.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Clark.

+-

    M. Stuart Clark: M. Martin a posé une question au sujet des droits compensateurs.

    Je tiens à dire que la position du cabinet du ministre cadre parfaitement avec la position de négociation du Canada et aussi bien sûr avec les intérêts de tous les pays en développement. Les subventions du Nord sont ce qui font problème et la réduction des exportations fortement subventionnées qui inondent le marché mondial représente le défi du développement. Nous sommes d'accord sur ce point.

    Du point de vue du Canada qui est avant tout un pays exportateur, des mesures comme les droits compensateurs apparaissent--strictement du point de vue du Canada-- aussi négatives, à moins que l'on ne prétende qu'il s'agit d'une tactique visant les subventions que l'on veut voir diminuer.

    Il faut, je crois, indiquer clairement aux négociateurs canadiens qu'au sujet de cette question critique pour les pays en développement, dans les dernières étapes, s'il est très clair—ce qui me paraît déjà extrêmement clair, à en juger par le US Farm Bill et la Politique agricole commune—que ces subventions ne vont pas diminuer à court et à moyen termes, le Canada doit, à ce moment-là, se ranger du côté des pays en développement en leur fournissant une solution pratique.

    Je ne tiens pas à prendre beaucoup de temps du comité, mais je me ferais un plaisir de vous expliquer que le GATT renferme un point de détail fort simple. L'Europe et les États-Unis bénéficient de ce que l'on appelle la « clause de paix », qui les protège de toute remontrance ou punition pour leurs subventions. Cette disposition vient à expiration à la fin de cette année et ils vont s'efforcer de la reconduire. Lorsque cette clause de paix arrivera à expiration, on disposera d'une période limitée pendant laquelle il serait possible d'aborder cette question fort importante d'outil de défense. J'aimerais que les négociateurs canadiens s'y montrent favorables à ce moment-là.

À  +-(1015)  

+-

    Le président: Merci.

    Madame Marleau.

+-

    L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): En fait, M. Clark, vous venez juste d'aborder la question que j'allais poser au sujet de toute la politique américaine qui doit être mise en équation.

    Je sais bien que les É.-U. ont déclaré qu'ils allaient consacrer beaucoup plus de fonds au développement. Je sais qu'ils semblent avoir mis de l'argent de côté pour ce faire. J'aimerais connaître votre sentiment, à vous tous, à ce sujet. Comme vous et moi le savons bien, les États-Unis sont très sélectifs quand il s'agit de cibler certains pays, certaines choses.

    Peut-être vais-je vous laisser parler du rôle joué par les États-Unis, qui est un rôle clé pour notre bien-être au Canada, comme nous le savons tous, et qui est à l'origine de bien des décisions prises pour ainsi dire n'importe où.

+-

    M. Stuart Clark: C'est une vaste question et je sais que nous avons peu de temps, si bien que je vais y répondre brièvement.

    La volonté des Américains de relever les niveaux de l'aide, comme vous le savez sans doute, dépend de ce qu'ils appellent la bonne gouvernance. Bien sûr, qui peut être contre la bonne gouvernance? Personne n'est contre la bonne gouvernance. Toutefois, elle désigne assez précisément l'ouverture des marchés, la réduction des tarifs, etc. Il s'agit donc du principe de la carotte et du bâton, pour ainsi dire, et je crois que les pays en développement en ont bien conscience.

    Bien sûr, les Américains ne sont pas les seuls à offrir de l'aide au développement, si bien qu'il y a d'autres options. J'espère que le Canada ne fait pas ce genre de liens, lorsqu'il incite les pays à la bonne gouvernance.

+-

    Le président: Madame Devine.

+-

    Mme Carol Devine: Je vais parler très brièvement de la position des États-Unis et, par le fait même, des positions officielles, comme l'a demandé l'honorable Alexa McDonough.

    La position des États-Unis sur l'ADPIC est parfaitement claire et représente un défi pour les pays qui veulent avoir accès aux médicaments génériques, ainsi que pour les pays en développement qui veulent avoir accès aux médicaments. Nous pensons que le Canada se doit d'affirmer que tous les accords commerciaux internationaux, bilatéraux et régionaux ne devraient pas dépasser le cadre du Programme de Doha . Nous sommes inquiets à propos de Cancun et de l'OMC; deux mois plus tard, l'ALEA craignait que 34 pays des Amériques, y compris le Canada, ne soient coincés à propos de l'accès aux médicaments. Nous estimons que l'ALEA ne devrait pas comporter de dispositions en matière de propriété intellectuelle; par ailleurs, le fait que les États-Unis mettent vraiment l'accent sur une propriété intellectuelle plus forte rend l'accès des pays pauvres aux médicaments très difficile.

    C'est deux poids deux mesures. Nous l'avons vu dans le cas de l'anthrax. Le Canada et les États-Unis ont ... ou brandi la menace d'une licence obligatoire, si bien que la ciproflaxine a été très peu coûteuse. Qu'en est-il des pays pauvres? Il ne devrait pas y avoir deux poids deux mesures. Les États-Unis sont les premiers à adopter pareille tactique et nous espérons que le Canada ne va pas les imiter.

    Nous savons que c'est difficile, car il s'agit de notre principal partenaire. Par contre, dans le domaine de l'ADPIC relatif à l'agriculture... nous assistons à d'âpres négociations dans le domaine des médicaments et de l'agriculture; or, les gens sont importants.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Laliberté, vous avez la parole.

+-

    M. Pierre Laliberté: J'aimerais ajouter quelques commentaires à ce sujet, car c'est important. On a parlé de la ZLEA, mais plusieurs négociations bilatérales ont aussi présentement lieu et il est clair que les Américains jouent à tous les niveaux.

    Parlons des droits de propriété intellectuelle. On notera que les propositions des Américains, au niveau bilatéral, vont encore plus loin que dans le cadre de la ZLEA. Il est donc très important pour nous de faire de l'OMC un cadre vraiment adéquat. Comme l'a dit Aristote, il n'y a pas de pire injustice que de traiter de façon égale les gens qui sont inégaux. Le coeur du problème est l'opposition entre les impératifs du développement et les impératifs du commerce. Si on peut avoir un équilibre un peu meilleur--il n'y aura jamais de solution parfaite--et obtenir quelque chose de satisfaisant, toute cette course vers les traités bilatéraux et sous-régionaux va probablement s'estomper d'elle-même. En tout cas, c'est le pari qu'on fait. Merci.

À  +-(1020)  

+-

    Le président: Merci. Vous pouvez poser une question, madame Lalonde.

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je vous remercie infiniment de cette courte présentation, compte tenu de l'importance des enjeux.

    J'aimerais vous entendre encore parler d'agriculture. Il me semble que tout se tient. Dans les pays en voie de développement, la population oeuvre en grande partie dans le secteur agricole. Un règlement satisfaisant sur cette question m'apparaît absolument indispensable. Expliquez-nous pourquoi, selon vous, il n'y aura pas d'entente sur l'élimination des crédits à l'exportation.

    Hier encore, M. Bush a refusé la demande à cet effet faite aux pays membres du G-8. Nous devions appuyer cette demande, à savoir que les pays en voie de développement puissent utiliser des moyens simplifiés de défense commerciale contre les importations de denrées injustement subventionnées. Pourriez-vous nous expliquer cela pour que le comité puisse, comme je le souhaite, se pencher là-dessus?

[Traduction]

+-

    M. Mark Fried: Merci beaucoup pour cette question.

    Pour ce qui est des crédits à l'exportation, les États-Unis y ont recours dans deux secteurs principaux, ce qui leur permet de mettre des aliments subventionnés sur le marché mondial et d'abaisser les cours mondiaux. Un de ces crédits à l'exportation, versé à un gouvernement ou à des sociétés étrangères qui achètent des produits américains, leur permet d'offrir des produits sur le marché à prix réduit. L'autre domaine important, c'est l'aide alimentaire; les États-Unis apportent constamment une aide alimentaire importante aux pays qui n'en ont pas besoin. Il s'agit des pays où les intérêts commerciaux des États-Unis sont en concurrence avec ceux d'autres pays; ils veulent donc baisser les prix pour se débarrasser de leurs concurrents.

    Il s'agit de deux domaines tout à fait vulnérables à la manipulation politique à cause de la nature du système politique américain; des sociétés peuvent faire du lobbying pour obtenir de l'aide et des crédits afin de s'implanter là où il y va de leur intérêt commercial. Il s'agit, du point de vue du Canada et de l'Union européenne et, certainement aussi de celui des pays en développement, de deux problèmes graves dont il faut se débarrasser. La dynamique politique est telle que les États-Unis s'y refusent. Vous avez toutefois raison de dire qu'il s'agit d'un problème bien précis.

    Pour ce qui est des droits compensateurs, question abordée par M. Clark, ces genres de subventions, comme les crédits à l'exportation et l'aide alimentaire dans le cas des États-Unis, ou les subventions directes à l'exportation dans le cas de l'Union européenne, font partie des lois des États-Unis et de l'Union européenne, lesquelles vont continuer de s'appliquer pendant au moins cinq autres années et probablement plus longtemps encore. Les subventions qui permettent d'inonder le marché mondial d'aliments peu coûteux vont pousser les agriculteurs pauvres au bord de la faillite et faire des dégâts.

    Les pays pauvres ont besoin d'une façon simple de se défendre. Actuellement, en vertu des règles en vigueur, il faut prouver qu'un secteur a subi un dommage de l'ordre de 80 p. 100 avant de pouvoir imposer un droit compensateur, et il est impossible pour un pays pauvre d'obtenir la signature de 80 p. 100 de ses agriculteurs, indiquant que des importations à bon marché ont détruit leur secteur. C'est simplement impossible. Il faut prévoir un droit compensateur simplifié, une mesure simplifiée précisant que tout produit subventionné et exporté dans un pays pauvre fera l'objet d'un tarif équivalent à la subvention; ce serait une mesure de défense dont disposeraient les pays pauvres.

+-

    Le président: Merci.

    Madame McDonough, une question rapide, la dernière.

+-

    Mme Alexa McDonough: J'ai juste une question très rapide.

    J'ai assisté à un symposium sur la crise de l'Afrique en fin de semaine où l'on a dit que le NPDA, au moins au moment de sa création, s'inspirait beaucoup du modèle de globalisation des sociétés, qu'il n'était pas établi et qu'il était très hiérarchisé. Je sais que l'on a dit ici que le gouvernement canadien doit être félicité pour sa plus grande ouverture, ses consultations plus nombreuses de la société civile, et je me demande si, face aux préoccupations plus vastes que vous soulevez, il est normal de faire preuve d'optimisme et de croire que le NPDA, depuis sa création, s'est davantage implanté, qu'il y a en fait plus de participation de la société civile, des universitaires, etc., voire même des gouvernements africains.

    Je sais que bien des éléments ont apparemment été mis en oeuvre. Ce sont surtout des paroles et peu de gestes. Peut-on toutefois faire preuve d'optimisme et croire qu'il y a plus de participation sur le terrain au sujet des questions dont vous parlez, croire que les échanges et le commerce libéralisé unilatéral ne sont pas vraiment la réponse et que ce que vous proposez conviendrait mieux?

À  +-(1025)  

+-

    Le président: Monsieur Barr.

+-

    M. Gerry Barr: Quelques points rapides...

+-

    Le président: Un seul point; je vous connais bien.

+-

    M. Gerry Barr: Si l'on peut faire preuve d'optimisme, c'est parce que le NPDA veut traiter des préoccupations et de la problématique africaines d'une façon qui provoque la participation des grands pays donateurs. Il suffit de prendre l'exemple du G-8 pour s'apercevoir que le NPDA a survécu grâce, en grande partie, au gouvernement français, je crois, qui lui a accordé une véritable priorité; tant mieux.

    D'importantes questions liées au processus et au contenu du PNAD subsistent. La société civile n'a même pas commencé à envisager le processus. On peut espérer que l'on améliore ces visions mal conçues, qui proviennent, on le sait, de sources africaines, ces derniers temps, à tout le moins, car elles ont été précédées par d'autres que l'on retrouvait à l'ouest et dans le monde développé; on est en droit de s'inquiéter du fait que pour obtenir l'appui des principaux donateurs du Nord, les leaders africains ne se soient efforcés de présenter des idées facilement acceptables par ces pays; par conséquent, le NPDA manque d'une vision différente des choses.

    Toutefois, ce qui est positif, c'est qu'apparemment le NPDA a été confirmé au G-8 où les donateurs internationaux se sont déclarés toujours prêts à participer; nous en sommes très satisfaits.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    J'aimerais remercier tous nos témoins de ce matin qui ont bien voulu comparaître pour nous parler de cette question fort importante. Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes, avant de poursuivre à huis clos pour procéder à l'étude d'une ébauche de rapport sur la catastrophe humanitaire dans plusieurs États africains et pour, éventuellement, nous prononcer sur une motion de M. Cotler.

    Merci.

À  +-(1028)  


À  +-(1036)  

[Français]

+-

    Le président: Chers collègues,

[Traduction]

    Avant de poursuivre à huis clos, nous avons une motion qui a été distribuée par courriel à tous les membres du comité, le 30 mai; cette motion nous vient de M. Cotler.

    Monsieur Cotler, vous avez la parole.

+-

    M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Cette résolution s'inscrit dans le contexte des lieux de massacres en République démocratique du Congo où, comme il l'est prouvé de façon incontestable, une guerre, que certains appellent la troisième guerre mondiale, dure depuis quatre ans, mettant en jeu une demi-douzaine de pays africains et exterminant plus de trois millions de personnes. Cette guerre est reproduite en miniature dans le district d'Ituri où depuis 1999, 60 000 personnes ont été tuées et 500 000 autres déplacées.

    Le Conseil de sécurité des Nations Unies qui s'est réuni vendredi a autorisé le déploiement d'une force de 1 400 nouveaux soldats, dirigée par la France—la plupart sont Français mais d'autres viennent de l'Afrique et d'autres pays—à Ituri, en République démocratique du Congo. Par conséquent, certains pourraient penser que ma résolution est dépassée compte tenu des mesures prises vendredi par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

    Je tiens simplement à souligner, monsieur le président, que dans la foulée de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, le New York Times a publié un éditorial intitulé « Stopping the Genocide in Congo ». Par ailleurs, l'International Crisis Group a fait une mise en garde à propos du génocide imminent.

    D'après des observateurs bien informés, cette force de sécurité est insuffisante et arrive trop tard, pour reprendre le proverbe, et il faut faire davantage; il faut non seulement renforcer la force de sécurité des Nations Unies, mais aussi privilégier des approches politiques, diplomatiques et humanitaires en vue de mettre un terme au génocide au Congo.

    J'ajouterais que 350 civils ont été tués en fin de semaine sur ces lieux de massacres et que les médias n'en ont absolument pas parlé, même si cela s'est produit après la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies autorisant le déploiement.

    Je crois qu'il est également important de souligner que cette force de sécurité des Nations Unies ne pourra pas quitter Bunia, la capitale, en vertu de son mandat. La plupart de la population s'est enfuie à la campagne et les massacres se produisent dans la campagne.

    J'aimerais citer l'éditorial du New York Timesde samedi, le jour après la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies:

    Nous craignons que les troupes soient trop peu nombreuses et que leur mandat soit trop limité pour accomplir ce qui s'impose: mettre un terme aux massacres, stopper l'afflux d'armes des pays avoisinants et désarmer les milices. Le contingent dirigé par la France et ses nouveaux pouvoirs sont également temporaires.

    Enfin, monsieur le président, cette force des Nations Unies n'est qu'un élément de l'ensemble. Des approches diplomatiques, politiques et humanitaires s'imposent également afin d'accroître les pressions exercées sur le Congo, l'Ouganda et le Rwanda pour que ces pays mettent en application les accords de paix afin d'arrêter les milices de l'armée, etc.

    Le Canada a donc un rôle multicouche et multilatéral à jouer. Il ne s'agit pas uniquement de renforcer les troupes, mais aussi de prévoir d'autres efforts diplomatiques, politiques et humanitaires.

    C'est pourquoi, je présente cette résolution, monsieur le président, que:

    Le comité

    devant l'aggravation de la crise en République démocratique du Congo et les preuves péremptoires qui lui ont été récemment présentées

    —je veux parler de notre sous-comité des droits de la personne—

    exhorte le gouvernement du Canada à intensifier ses efforts visant à conclure une entente aux Nations Unies et par l'entremise d'autres canaux multilatéraux, en vue d'agir immédiatement et fermement pour mettre fin au combat dans ce pays, entreprendre un vaste programme de secours humanitaire et enjoindre la communauté internationale à jouer son rôle dans la stabilité et le développement à long terme de la région,

exhorte également le gouvernement du Canada à envisager sérieusement d'envoyer un fort contingent de représentants des Forces canadiennes et de la police civile à une nouvelle force de sécurité des Nations Unies en République démocratique du Congo, où la crédibilité du Canada dans la région et son savoir-faire en matière de maintien de la paix et de reconstruction post-conflit lui permettront de contribuer grandement à la résolution de la crise;

reconnaît les conséquences de l'intervention du Canada dans d'autres activités multilatérales mais croit que l'urgence et l'ampleur de cette crise humanitaire doivent en faire une priorité pour le gouvernement.

    Monsieur le président, je n'emploie pas le mot « génocide » à la légère. Je ne pense pas que tous ceux qui ont rapporté ce qui se passe actuellement au Congo, comme l'International Crisis Group, ou l'éditorial duNew York Times—après la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies vendredi—emploient ce mot à la légère.

    À mon avis, la situation est extrêmement urgente et doit représenter pour notre gouvernement une priorité incontournable.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Cotler.

    Nous allons passer à M. Eggleton, M. Martin, puis, à Mme Carroll.

+-

    M. Art Eggleton (York-Centre, Lib.): Monsieur le président, j'appuie fortement cette motion. Lorsque Irwin Cotler présente une motion comme celle-ci, il faut y prêter beaucoup d'attention,car il connaît son sujet à fond.

    Hier soir, j'ai visionné à nouveau une bande magnétique au sujet des événements au Rwanda. Vous savez, si ce genre de choses continue...

    Cette région de l'Afrique est victime de ce terrible et horrible génocide. J'ai été également consterné par la réaction des Nations Unies et celle des pays occidentaux. Une fois de plus, Roméo Dallaire a demandé instamment de l'aide et ne l'a pas obtenue. Nous avons certainement tiré les leçons de ce qui s'est passé et nous ne pouvons pas laisser les choses se reproduire. Il faut absolument prendre position à ce sujet.

    On peut lire dans la deuxième partie de la motion que nous devrions également envisager « d'envoyer un fort contingent des représentants des Forces canadiennes et de la police civile ». Eh bien, je sais que nous ne disposons pas des Forces canadiennes voulues pour ce faire, et je considère que c'est également consternant, car je crois que les Forces canadiennes devraient intervenir dans ce genre de situation au Congo. Je connais toutefois la réalité. Nos forces sont toutes mobilisées et nous devons remplir nos engagements en Afghanistan, sans parler de la Bosnie. Nous ne disposons tout simplement pas des troupes voulues pour ce faire. Il faut donc par conséquent revoir nos priorités ou avoir plus de soldats. Je crois que c'est la deuxième solution qui s'impose, nous avons besoin de plus de soldats.

    Vous savez, le Canada arrive à changer les choses de cette nature à l'échelle de la planète. Nous avons toujours préconisé la nécessité d'intervenir pour protéger les hommes et les femmes de ce genre de catastrophe. Nous devrions être là-bas, je crois, et c'est à mon avis terrible que nous n'y soyons pas.

    Par conséquent, j'appuie fermement la résolution. Je sais toutefois que nous ne pourrons pas envoyer des Forces canadiennes en grand nombre, mais nous devrions le souligner et demander au gouvernement de l'envisager.

+-

    Le président: M. Martin, Mme Carroll et Mme McDonough.

+-

    M. Keith Martin: J'appuie également fortement la résolution de M. Cotler et je me fais l'écho des observations de M. Eggleton.

    J'ai vu des gens, des adultes et des enfants, découpés à la machette. Même si c'est impossible pour nous d'imaginer ce que cela représente, croyez-moi, lorsque vous le voyez en face de vous, c'est tout aussi impossible d'en comprendre les raisons.

    Il y a presque quatre fois plus de gens assassinés au Congo qu'il y en a eu au Rwanda. Comme l'a indiqué M. Cotler, il s'agit du plus grand nombre de personnes tuées depuis la Deuxième Guerre mondiale.

    Nous ne sommes pas intervenus suffisamment. Nous devons contribuer dans trois grands domaines--même s'il peut s'avérer impossible de contribuer dans l'un deux--Je veux parler de la diplomatie, des besoins humanitaires et de la défense. Même si nous risquons de ne pas pouvoir participer au renforcement des troupes, cela ne nous empêche pas de jouer un rôle de premier plan et de demander à d'autres pays d'envoyer des soldats, à l'instar peut-être de la Force ouest-africaine de paix.

    Nous pouvons en assurer le financement, car nous en avons parfaitement la capacité, ce qui nous permettrait de faire une contribution.

    Deuxièmement, plus de gens sont morts au Congo non pas par suite des massacres, mais en raison de la famine et de la maladie. Nous pouvons contribuer de façon importante au plan des médicaments et du personnel médical, peut-être par l'entremise d'un groupe comme Médecins sans frontières, qui se rendrait dans les secteurs une fois qu'ils ne présentent plus de risque, afin d'y dispenser des soins médicaux.

    Enfin, ceux qui s'y rendront en qualité de gardiens de la paix devront suivre de strictes règles d'engagement, en vertu d'une entente découlant du chapitre 7. Nous ne pouvons pas nous contenter de ne rien faire face à cette catastrophe. Nous aimons bien discréditer les Nations Unies, mais nous sommes les Nations Unies, nous en faisons partie. Le monde entier attend qu'un pays sonne l'appel du clairon et demande instamment une réponse agressive, efficace, faisable et rapide à cette crise, dans le sens de la diplomatie, de la défense et des besoins humanitaires.

    Enfin, il faut exercer des pressions sur le Rwanda, l'Ouganda et le Zimbabwe, qui sont également coupables. Nous ne sommes pas intervenus suffisamment. L'Ouganda est l'enfant chéri de la communauté internationale. Nous sommes prêts à faire abstraction de sa participation à ce qui se passe au Congo et nous l'inondons d'argent. Certains de ces fonds appuient en fait ce conflit, si bien qu'il nous faut examiner froidement et objectivement l'utilisation de notre aide financière et y mettre un terme en ce qui concerne les gouvernements de l'Ouganda et du Rwanda, à moins qu'ils ne soient prêts à vouloir activement mettre un terme à ce conflit.

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Martin.

    Nous allons passer à Mme Carroll, puis à Mme McDonough, Mme Lalonde et Mme Kraft Sloan.

    Madame Carroll.

+-

    Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je me joins à mes collègues pour dire que nous souhaitons que notre comité fasse une déclaration sur les horreurs dont nous sommes témoins et sur la nécessité d'une réaction.

    J'aimerais simplement dire, Keith, qu'à mon avis il est important de reconnaître certaines choses. Je ne pense pas que nous ne faisions rien... et je ne le dis, bien sûr, que sur le ton de la conversation. Depuis 1998, nous avons injecté de 36 à 38 millions de dollars pour essayer d'éradiquer la famine, selon la définition de l'aide humanitaire en général. Le Canada est actif depuis 2001, si l'on pense aussi à notre envoyé spécial pour la paix.

    Je ne veux absolument pas laisser entendre, d'après ce que nous pouvons observer, que tout cela ait porté fruit, mais le Canada a été très proactif par l'entremise des Nations Unies dans tout ce qu'il a essayé de faire, qu'il s'agisse d'aide monétaire à des fins humanitaires ou d'efforts diplomatiques. Nous avons, dans les deux cas, tiré parti de l'expertise et de la réputation qui sont les nôtres.

    Je comprends parfaitement ce dont il est question ce matin, mais pour reprendre les termes d'Art Eggleton... qui reconnaît, tout en appuyant la motion dont nous sommes saisis, que nous n'avons pas les troupes voulues. Je crois que nous les utilisons pratiquement au maximum. Il a dit qu'il fallait « revoir nos priorités ». Peut-être notre comité devrait-il reconnaître que c'est cela qui s'impose.

    Même s'il est fort important pour notre Comité des affaires étrangères d'exprimer son horreur et d'accorder la priorité au Congo par rapport à toutes les autres régions en crise, si en fait c'est là où nous mène cette conversation, je crois qu'il faut également reconnaître ce que nous avons fait jusqu'à présent, qui est considérable, surtout si l'on pense aux efforts déployés par rapport à d'autres, peut-être; je pense adopter une motion indiquant que, pour citer la vôtre, Irwin, le comité « reconnaît les conséquences de l'intervention du Canada dans d'autres activités multilatérales »...

    Proposez-vous un redéploiement ou, si l'on reprend les termes de M. Eggleton, une révision de nos priorités? Je pense qu'il faut en quelque sorte prendre en considération l'impact des mots d'une motion et qu'il faut également être prêt à défendre les suggestions avancées.

    Enfin, je suis sûre que tout le monde sait bien que le Canada a réagi, tout comme la France, en envoyant des troupes et des avions Hercules. Nous avons également des officiers canadiens qui se trouvaient à Paris ces derniers jours et qui sont sur le point de rentrer, qui ont travaillé avec les Français pour planifier la mission des Nations Unies.

    Merci, monsieur le président.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Madame McDonough.

+-

    Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, j'aimerais me prononcer fortement en faveur de la résolution. Je ne veux pas parler de l'urgence immédiate—bien évidente—mais j'espère que nous allons saisir l'occasion de prendre un engagement précis et, dans le cadre de nos travaux, demander à des témoins de comparaître devant le comité, si pas au printemps, à l'automne, afin de tirer les leçons du Rwanda. À mon avis, il s'agit d'un nouveau Rwanda; je crois une fois de plus, que l'on refuse de reconnaître véritablement les mesures qui doivent être prises face à cet horrible génocide.

    J'ai deux points rapides à soulever. Il est évident qu'il faudrait, en ce moment même, prévoir un redéploiement de troupes, mais je pense également qu'il ne faudrait pas perdre de vue l'importance du genre de partenariats créatifs entre déploiement militaire et déploiement civil du maintien de la paix. À mon avis, beaucoup de travail créatif se fait et peut se faire.

    Par ailleurs, j'ai fait référence un peu plus tôt à un symposium en fin de semaine sur la crise en Afrique. Il a été fait mention à plusieurs reprises de la complicité et, dans de nombreux cas, de la violence gratuite de certaines sociétés multinationales au Congo et dans d'autres conflits de la région. À mon avis, il faut absolument affronter cette situation et se faire beaucoup plus entendre à ce sujet. En fait, ce sont les ressources prises à l'ennemi qui permettent de payer les mercenaires.

    À mon avis, les autres pays font erreur lorsqu'ils jugent ne rien pouvoir faire et qu'ils déclarent qu'il s'agit d'un problème interne de tribus qui se font la guerre, etc. Ce n'est en fait pas vraiment le cas. Beaucoup de problèmes plus fondamentaux sont créés par la puissance et l'influence des sociétés sur lesquelles, dans une très grande mesure, le Canada et d'autres pays ferment les yeux.

[Français]

+-

    Le président: Mme Lalonde a la parole et elle sera suivie de Mme Kraft Sloan.

+-

    Mme Francine Lalonde: Je suis heureuse que le comité soit saisi d'une résolution sur cette question. Cependant, je ne suis pas d'accord sur l'utilisation de l'expression « l'aggravation de la crise ». Je ne crois pas que nous soyons en période d'aggravation de la crise. Il y a des risques de génocide, mais ces risques ne sont pas nécessairement d'une grande amplitude. Il ne faut pas oublier qu'il y a eu entre trois et quatre millions de morts déjà et que plusieurs étapes de règlement ont été franchies. En fait, ironiquement, les événements sanglants des derniers temps se sont produits parce que l'Ouganda a accepté de retirer ses troupes. Au cours de ces années, des groupes de militaires, formés d'enfants ou de miliciens, comme on l'a vu ailleurs en Afrique, se sont développés et les armes sont extrêmement répandues. Bien sûr, ces groupes n'obéissent à aucune règle. Je suggère donc d'éliminer l'expression « l'aggravation » et d'écrire plutôt « devant la crise », parce qu'il s'agit d'une crise qu'on a laissé s'aggraver. Madame Carroll, tous les pays occidentaux se sont--pour paraphraser une expression de langue anglaise--assis sur leurs mains face à cette situation. On a laissé faire pour toutes sortes de raisons, pour des raisons d'intérêts, parce qu'on pensait qu'on ne pouvait rien faire ou parce qu'on ne voulait pas investir les ressources nécessaires pour ce faire.

    Tant mieux si le contexte international permet d'attirer l'attention sur ce qui se passe, qui à plusieurs égards n'est pas plus grave que ce qui s'est passé antérieurement. Il est bien qu'on soit capable de faire quelque chose et qu'on soit décidé à aider les pays d'Afrique qui cherchent à régler tout cela. Il ne faut pas oublier que les Uruguayens ont envoyé 700 soldats, dont le mandat est d'observer la trêve et de protéger uniquement les travailleurs étrangers. Il est certain que ce n'est pas suffisant. Je souhaite que cette proposition aide non seulement à conclure la paix de façon définitive, mais aussi à prévenir les génocides et à donner un sérieux coup de pouce au développement. Je voudrais ajouter que le Congo est un immense pays, comme nous le savons tous.

À  +-(1055)  

+-

    Le président: Merci.

    Madame Kraft Sloan, c'est à vous.

[Traduction]

+-

    Mme Karen Kraft Sloan: Merci beaucoup, monsieur le président.

    J'aimerais exprimer fortement mon appui pour cette motion. Je crois que plusieurs membres du comité ont déjà souligné ces points, mais je tiens toutefois à en faire ressortir un ou deux.

    Mme McDonough a parlé des partenariats et d'une créativité à cet égard. Je crois que des possibilités internationales sont offertes et pas seulement des possibilités au Canada.

    Je suis désolée, j'aurais voulu apporter l'article qui a paru dans le Globe and Mail à propos de la situation au Congo. À de nombreux égards, selon moi, plusieurs idées fort excellentes sont exposées dans cet article. Ce qui est le plus évident, c'est le montant des fonds qui, d'après l'auteur, vont être dépensés au cours des deux prochaines années. Même s'il semble qu'il s'agisse d'un montant extrêmement élevé, il ne représente qu'une seule journée des coûts de l'attaque en Irak—une journée de conflit armé. Ces fonds pourraient permettre de financer deux années de travail important, global et intégré visant à résoudre ce problème particulier dans cette région de l'Afrique.

    Je comprends le travail difficile de la secrétaire parlementaire au sein de notre comité et de n'importe quel comité, en fait. Toutefois, je suis convaincue que nous avons le devoir, en tant que parlementaires, de fixer des priorités, et également d'appuyer le gouvernement, une fois ces priorités établies, pour trouver les ressources nécessaires.

    Je suis donc parfaitement en faveur de cette motion.

+-

    Le président: Monsieur Harvey.

[Français]

+-

    M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Monsieur le président, la journée même où la motion a été déposée aux Nations Unies, la résolution 1484 stipulait l'urgence d'intervenir dans ce conflit. Or, M. Cotler pourrait nous expliquer le lien qui existe, en termes de productivité, entre sa motion, qui a été déposée la journée même où les Nations Unies ont statué sur l'urgence de la situation, et notre proposition. Le Canada a déjà pris des engagements à l'égard de la proposition 1484 des Nations Unies. Je voudrais savoir quelle est l'utilité de notre motion dans ce contexte.

+-

    Le président: Merci, monsieur Harvey. Nous en avons terminé avec M. Cotler. Madame Carroll.

[Traduction]

+-

    Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur le président.

    J'aimerais soulever un dernier point, soit la situation de nos forces armées et de nos gardiens de la paix. J'appuie entièrement les propos d'Art et ce, depuis mon élection en 1997, qui visent la nécessité d'augmenter nos forces armées. Il se souviendra de bien des interventions faites dans certains endroits. Toutefois, nous sommes le 3 juin 2003 et ce que nous avons est bien ce que nous avons et rien de plus.

    En fait, 2 600 militaires sont déployés dans le cadre d'opérations à l'étranger. Nous avons plus de 1 200 Canadiens en Bosnie-Herzégovine. Nous sommes sur le point de déployer 1 800 soldats—au combat--en Afghanistan. Nous avons plus de 1 000 soldats affectés à d'autres forces armées, qui participent à la lutte contre le terrorisme. Nous en avons ensuite des centaines, pas un nombre important, dispersé entre les hauteurs du Golan, la frontière israélo-syrienne, la Sierra Leone et l'Éthiopie.

    Je veux simplement dire qu'il vaut parfois la peine de rappeler ces faits et j'aimerais en même temps souligner que le ratio entre les troupes canadiennes déployées dans le cadre de missions de maintien de la paix et le total des troupes de notre pays est l'un des plus élevé au monde.

    Je suis d'accord avec la façon dont notre comité perçoit la situation au Congo, mais je doit également ramener aux réalités, et je crois que le comité m'appuie toujours à cet égard.

Á  +-(1100)  

+-

    Le président: Vous faites bien votre travail, nous sommes d'accord.

+-

    Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur le président.

+-

    Mme Alexa McDonough: Monsieur le président, j'ai une question fort simple à propos de l'article du Globe and Mail dont a fait mention Karen.

    S'agit-il de l'article de Peter Langille, de la semaine dernière, ou d'un nouvel article paru hier ou avant-hier?

+-

    Mme Karen Kraft Sloan: Je pense qu'il est tout récent. Dans cet article—j'ai l'impression de connaître ce nom, et il se peut fort bien que l'article ait paru la semaine dernière—l'auteur indique qu'il faudrait examiner l'utilisation des troupes africaines qui, de toute évidence, empêchent certains pays à participer au processus, mais qui font participer des Africains aussi, ce qui, à mon avis, se prête bien à votre argument à propos de partenariats plus créatifs.

    Je l'ai à mon bureau.

+-

    Mme Alexa McDonough: Pouvez-vous le distribuer aux membres du comité?

+-

    Le président: Oui, une fois que vous l'aurez retrouvé, pourriez-vous le distribuer, s'il vous plaît?

+-

    Mrs. Karen Kraft Sloan: Absolument.

+-

    Le président: Nous passons maintenant à M. Cotler.

+-

    M. Irwin Cotler: Monsieur le président, je vais simplement répondre aux observations fort utiles des membres de notre comité. Je pourrais commencer par les observations faites par notre collègue, Aileen Carroll, en sa qualité que secrétaire auprès du ministre des Affaires étrangères.

    Il est important de savoir, je crois, que la résolution découle de témoignages entendus par le sous-comité des droits de la personne, dont celui de Denis Paradis, secrétaire d'État pour l'Afrique, qui a déclaré que la guerre en République démocratique du Congo est la crise politique et humanitaire la plus grave en Afrique. Je crois donc que le gouvernement l'a reconnu. Nous avons également eu un envoyé spécial, Marc Brault, et la motion s'appuie aussi en partie sur son témoignage devant le comité.

    C'est la raison pour laquelle, à la troisième phrase de la résolution, nous utilisons le mot « intensifier », nous exhortons le gouvernement du Canada à « intensifier ses efforts ». Nous ne laissons pas entendre que le Canada n'est pas engagé; nous disons simplement que ses efforts, en raison de la gravité de la situation, doivent s'intensifier.

    Pour ce qui est du déploiement des troupes, je tiens simplement à dire—car j'essaye de m'informer à fond—que nous avons exactement 1 277 soldats en Bosnie-Herzégovine...

+-

    Mme Aileen Carroll: J'ai arrondi, mais j'aurais bien sûr pu donner le chiffre exact.

    Des voix : Oh, oh!

+-

    M. Irwin Cotler: Je tiens simplement à dire que je me suis renseigné et que je sais exactement combien de soldats nous avons—1 037, affectés à la lutte contre le terrorisme, etc.

    Cette résolution vise en fait, comme Art Eggleton... essentiellement à tirer sur la sonnette d'alarme. C'est ce que nous voulons faire, nous voulons indiquer, en ce qui concerne notre travail et celui du gouvernement à l'échelle internationale, que nous considérons qu'il s'agit d'une occasion pour le Canada d'exercer son leadership diplomatique, politique, humanitaire et moral à cet égard. Il ne s'agit pas seulement de l'exercer dans le contexte d'un redéploiement de troupes; c'est une décision que le gouvernement peut prendre. Nous demandons au gouvernement d'« envisager sérieusement ». C'est ce que nous disons, à la lumière des priorités, « envisager sérieusement » comment ces genres de redéploiement peuvent et doivent se faire.

    Alexa a parfaitement raison lorsqu'elle parle des ravages causés par les sociétés multinationales au Congo. Cela fait partie de notre rapport du sous-comité des droits de la personne, et nous y faisons également référence.

    À l'intention de Francine Lalonde, je dirais que nous parlons de « l'aggravation de la crise », car depuis le retrait des troupes ougandaises et les efforts déployés par un contingent de sécurité des Nations Unies très modeste, soit 712 soldats, des massacres gratuits et ciblés se sont produits. Depuis la fin de semaine, il semble que la crise s'emballe. C'est pourquoi nous parlons d'« aggravation ».

+-

    Mme Francine Lalonde: Nous avons déjà été témoins de crises semblables, c'est tout ce que je voulais dire.

+-

    M. Irwin Cotler: Je vous remercie de cette remarque, nous aurions dû intervenir plus tôt et dans ce sens-là, vos observations sont bien fondées.

    Je dirais à André Harvey, à propos de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l'autorisation d'envoi de troupes, que nous essayons par cette motion de faire ce que la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies n'a pas fait, à notre avis, c'est-à-dire tirer sur la sonnette d'alarme.

    Il se pourrait fort bien, comme Keith Martin l'a dit, que le Conseil de sécurité des Nations Unies devrait en débattre en vertu du chapitre 7 et non pas simplement dans le cadre d'une autre résolution. Pour ce qui est d'adopter le genre de résolution découlant du chapitre 7... qui engloberait tous les éléments. Je dis simplement que nous demandons au Canada d'exercer un leadership multicouche, c'est-à-dire de faire référence au Conseil de sécurité des Nations Unies, d'exercer des pressions sur le Congo, le Rwanda, l'Ouganda, les sociétés multinationales, etc.

Á  -(1105)  

+-

    Le président: Merci, monsieur Cotler.

    Vous avez la motion devant vous.

    (La motion est adoptée.)

    Le président : Merci.

[Français]

    Je propose que la résolution soit adoptée comme un rapport du comité à la Chambre et que le président ou la personne qu'il désignera présente ce rapport à la Chambre.

[Traduction]

    Êtes-vous tous d'accord?

    Des voix :D'accord.

    Le président :Oui.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Au sujet de la séance de ce matin, est-ce que nous allons présenter une motion? Est-il prévu que le comité fasse un rapport? Pour que ce soit utile, il faudrait faire entendre notre voix relativement aux interventions que nous avons entendues. Est-ce que je vais préparer une motion?

-

    Le président: Nous avons, je crois, adopté une résolution voulant que le ministre des Affaires étrangères comparaisse devant le comité. À mon avis, il serait la personne toute désignée pour entendre nos remarques et les constatations que nous avons faites ce matin, lors de la comparution des différents témoins.

[Traduction]

    Nous allons maintenant siéger à huis clos pour, conformément à l'article 108(2) du Règlement, procéder à l'étude d'une ébauche de rapport sur la catastrophe humanitaire dans plusieurs États africains.

    [La séance se poursuit à huis clos.]