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INST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON INDUSTRY, SCIENCE AND TECHNOLOGY

COMITÉ PERMANENT DE L'INDUSTRIE, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 17 mai 2001

• 0932

[Traduction]

La présidente (Mme Susan Whelan (Essex, Lib.)): Nous sommes réunis pour étudier le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur les brevets.

Nous accueillons quatre groupes de témoins: l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, la Corporation canadienne des retraités intéressés, l'Association des syndicalistes retraités du Canada et la Coalition canadienne de la santé.

Je sais que le greffier vous a expliqué comment nous procédons. Vous disposez d'environ cinq minutes pour votre exposé préliminaire et nous passerons ensuite aux questions.

Je vais procéder dans l'ordre où les témoins sont inscrits. M. Jim Keon, président de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques va commencer.

M. Jim Keon (président, Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques): Merci, madame la présidente.

Je suis accompagné par Ed Hore, avocat-conseil auprès de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques. Il répondra volontiers à vos questions au besoin.

L'ACFPP représente la totalité ou presque des fabricants de médicaments génériques et de produits chimiques fins au Canada. Les médicaments génériques sont des versions moins coûteuses des médicaments d'ordonnance d'origine, approuvés par Santé Canada. Cette approbation signifie que les médicaments génériques ont été jugés aussi sûrs et efficaces que leurs équivalents d'origine.

Les médicaments génériques permettent d'économiser en moyenne 50 p. 100 du coût des équivalents d'origine et jouent un rôle vital en faisant en sorte que les médicaments d'ordonnance restent abordables au Canada. Le meilleur exemple que je puisse vous donner est le suivant: environ 41 p. 100 de toutes les ordonnances sont remplies au Canada avec des médicaments génériques; pourtant, ces derniers ne représentent que 14 p. 100 des dépenses en médicaments d'ordonnance. En ce qui concerne le volume, nous sommes un acteur de taille dans le secteur. En ce qui concerne la valeur, nous sommes un intervenant très modeste, comparé aux fabricants de médicaments d'origine.

Pour en revenir au projet de loi S-17, l'ACFPP reconnaît que le gouvernement du Canada doit apporter des modifications législatives à la Loi sur les brevets pour se conformer à nos obligations commerciales internationales. L'Association ne s'oppose pas à des lois qui protègent convenablement les brevets. Nous sommes pleinement conscients des avantages que retire la population canadienne de la R-D pharmaceutique, lorsqu'elle a cours. Nous nous opposons cependant à l'abus de la réglementation actuelle qui prive les Canadiens de l'accès à des médicaments bénéfiques et moins coûteux, dans un délai approprié et équitable pour le titulaire du brevet original. Nous ne sommes donc pas ici pour nous opposer à la principale raison d'être du projet de loi à l'étude. Nous croyons cependant qu'il pourrait être amélioré.

Nous demandons instamment au comité d'y apporter des modifications pour deux raisons fondamentales. Premièrement, le projet de loi S-17 contribue à l'aggravation constante du contexte juridique et réglementaire des médicaments génériques au Canada. Deuxièmement, et cette raison est peut-être la plus importante de votre point de vue de législateurs, le coût des soins de santé ne cesse d'augmenter au Canada.

• 0935

Les coûts des médicaments sont de loin ceux qui augmentent le plus rapidement parmi tous les coûts des soins de santé au Canada. La prolongation des brevets, prévue dans le projet de loi S-17, ajoutée à une interdiction de constituer des réserves, envenimera le problème de la flambée des coûts payés par les patients, les employeurs qui offrent des régimes d'assurance-médicaments et les gouvernements provinciaux.

Le projet de loi S-17 s'inscrit également dans une tendance, constatée depuis 15 ans au Canada, voulant que soit intensifiée constamment la protection garantie par les brevets sur les médicaments. Comme vous le savez, en 1987, le projet de loi C-22 et en 1993, le projet de loi C-91, ont d'abord limité puis supprimé l'octroi des licences obligatoires, qui était une politique préconisée par les libéraux au Canada pendant 25 ans. À ce moment-là, en 1993, en troisième lecture sans débat, le gouvernement a adopté le paragraphe 55.2(4) pour qu'il figure dans la Loi sur les brevets, qui autorise le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Ce paragraphe fait l'objet d'une modification dans le projet de loi dont vous êtes saisis. La même année, de nouveau sans consultation, le gouvernement a adopté à la hâte les règlements mettant en vigueur le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité). Ce Règlement a fait de l'industrie pharmaceutique la seule au Canada à posséder son propre ensemble de règles pour le règlement des litiges liés à des brevets.

En résumé, le Règlement donne aux fabricants de produits d'origine le droit automatique d'empêcher Santé Canada d'approuver un produit générique pendant au moins deux ans, sur une simple allégation de contrefaçon de brevet. Ces injonctions automatiques ont tenu de nombreux médicaments populaires à l'écart du marché bien longtemps après l'expiration de leur brevet. Comment se peut-il que des brevets aient expiré et que l'on ne puisse pas commercialiser les produits génériques qui leur correspondent? Je pense que c'est là un élément très central à notre argumentation.

Les coûts débridés constituent la plus grande menace pour le système de santé publique canadien. D'après l'Institut canadien d'information sur la santé, le coût des soins de santé qui augmente le plus rapidement est celui des médicaments. Il représente actuellement 15,5 p. 100 de toutes les dépenses en matière de santé alors qu'en 1975, ces dépenses ne représentaient que 8,8 p. 100 du total. Les médicaments sont au deuxième rang des dépenses globales en matière de santé. Les Canadiens dépensent maintenant davantage pour les médicaments que pour les services des médecins.

Beaucoup de gens ne s'en rendent pas compte, mais un grand nombre de Canadiens, en particulier les personnes âgées et les personnes à revenu fixe, doivent payer des quotes-parts et des franchises de plus en plus élevées qui minent leur capacité de se procurer des médicaments d'ordonnance. On a fait plusieurs études sur cet aspect, y compris une étude de l'université McGill effectuée au Québec l'année dernière. Étant donné les épargnes que permettent de réaliser les médicaments génériques, les fabricants de produits génériques peuvent jouer un rôle important à l'égard de ce problème. Toutefois, le régime des brevets au Canada doit être, à notre avis, rééquilibré.

Je fais passer rapidement à ce qui est souhaitable, à notre avis. L'ACFPP est convaincu que les lois canadiennes concernant les brevets ne devraient pas dépasser nos strictes obligations internationales et que l'on devrait supprimer tout ce qui impose des contraintes en sus de ces obligations.

Nous recommandons que le projet de loi S-17 soit amendé comme suit. Il faudrait amender l'article 45 proposé de façon à prévoir une durée de 20 ans à partir de la date de dépôt de tous les brevets. Si le Canada doit prolonger la durée de certains brevets pour se conformer à la décision de l'OMC, il doit également ramener à 20 ans la durée de ceux qui dépassent cette exigence. Dans l'industrie pharmaceutique, 80 p. 100 à 90 p. 100 des brevets relevant de l'ancienne loi ont des durées de plus de 20 ans, ce qui devrait être rabaissé au minimum obligatoire. Ce projet de loi prolonge la durée de certains brevets, laquelle sera désormais de 20 ans.

Deuxièmement, il faudrait abroger l'actuel paragraphe 55.2(4) pour supprimer le Règlement qui prévoit une injonction automatique de 24 mois. Les litiges en matière de brevets pharmaceutiques doivent se résoudre par la procédure normale de règlement des litiges utilisée par toutes les autres industries canadiennes. Les sociétés les plus riches du monde n'ont pas besoin de leur propre ensemble spécial de règles pour résoudre les litiges, en particulier quand ces règles font l'objet d'abus systématiques pour prolonger des monopoles au-delà de la date d'expiration des brevets de base et obliger les Canadiens à payer plus cher les médicaments et ce, pendant plus longtemps. Comme je vous l'ai dit, nous discuterons volontiers avec vous de cette pratique de renouvellement à perpétuité et comment les fabricants de médicaments d'origine peuvent empêcher les génériques d'être commercialisés une fois que le brevet est expiré.

Je voudrais aussi signaler que les États-Unis sont le seul pays, outre le Canada, où il existe aussi une injonction automatique liée aux brevets et aux approbations des médicaments génériques. Aux États-Unis, deux sénateurs influents, John McCain et Charles Schumer—l'un républicain et l'autre démocrate—pensent qu'il est temps de mettre fin aux abus. Il y a tout juste trois semaines, les sénateurs se sont joints à une vaste coalition de consommateurs, d'employeurs et de syndicats et ils ont présenté un projet de loi bipartite au Sénat américain en faveur de l'abolition de l'injonction automatique. C'est hier, précisément, que ce même projet de loi a été introduit à la Chambre des représentants par le représentant Sherwood Brown, un démocrate et la représentante Joanne Emerson, une républicaine.

• 0940

Les sénateurs et les représentants ont déclaré que la loi a donné aux fabricants de produits d'origine «carte blanche pour intenter des litiges non fondés au sujet des brevets qui bloquent l'approbation des médicaments génériques». Leur projet de loi vise à restaurer l'intention des lois sur les brevets. Aux États-Unis, il existe les mêmes lois, les mêmes abus, les mêmes tentatives de redressement, et nous avons diffusé un communiqué de presse aujourd'hui réclamant que l'on prenne au Canada les mêmes mesures que celles qui figurent dans le projet de loi déposé au Congrès et au Sénat américains.

En conclusion, nous pensons que le Règlement et l'injonction automatique doivent être abolis au Canada. Les amendements que nous proposons n'empêcheraient pas le Canada de respecter entièrement ses obligations commerciales internationales et l'industrie des produits d'origine disposerait toujours des pleins recours judiciaires pour protéger ses brevets. Outre le respect de nos obligations commerciales, ces modifications contribueraient à rétablir l'équilibre de la politique pharmaceutique canadienne, et à contrer la flambée des coûts des médicaments d'ordonnance au Canada.

Je sais, pour en avoir parlé personnellement à un grand nombre de membres du comité, que certains préconisent que ces préoccupations ne soient pas prises en compte à l'occasion de l'examen de ce projet de loi. Ce serait très regrettable. Toutefois, si telle est votre décision, nous vous demandons respectueusement d'envisager, en temps opportun, un examen distinct du Règlement dont nous vous avons parlé aujourd'hui.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Keon.

La parole est maintenant à la représentante de la Corporation canadienne des retraités intéressés, madame Vera Brown, qui remplace Mme Barbara Black.

Madame Brown.

Mme Vera Brown (première vice-présidente, Organisme national, Corporation canadienne des retraités intéressés): Merci, madame la présidente. Je m'appelle Vera Brown. Je suis d'Edmonton, de sorte que je suis encore à moitié endormie, et ne vous attendez pas...

Une voix: Nous aussi.

Mme Vera Brown: Au nom de la Corporation canadienne des retraités intéressés (organisme national), et de la Corporation canadienne des retraités intéressés (section de l'Ontario), je remercie le comité de la Chambre des communes de me permettre de participer à l'étude du projet de loi S-17, dont le comité est saisi.

La Corporation canadienne des retraités intéressés, fondée en 1969 en Ontario, est un organisme bénévole impartial de défense des droits des citoyens; il s'agit d'une organisation provinciale et nationale dont les membres sont des Canadiens d'âge mûr qui ont à coeur de préserver et de promouvoir une vision de la vie axée sur l'être humain. Dans notre rôle de défense des droits, nous nous occupons de dossiers comme ceux des pensions, des soins de santé, du logement et des transports. Nous nous intéressons non seulement aux questions qui touchent les personnes âgées mais également à tous les facteurs qui contribuent à former une société civile juste et compatissante pour tous les groupes d'âges.

Nous reconnaissons la nécessité de protéger les droits de propriété intellectuelle dans l'intérêt de la personne qui a développé ces idées ainsi que dans l'intérêt public en général. Toutefois, nous pensons qu'il y a lieu de limiter ces droits dans la mesure où l'intérêt public est en cause. Dans une société civile comme celle du Canada, personne n'exerce de droits absolus en matière de propriété privée.

En 1993, on a déposé le projet de loi C-91 qui éliminait les licences obligatoires et étendait aux nouveaux produits pharmaceutiques la protection par brevet sur 20 ans. Nous pensions que le texte de loi de 1993 allait entraîner l'augmentation du prix des médicaments à un niveau inutilement élevé. Nous avions prédit que le fardeau qui en résulterait pour l'ensemble du système de santé commencerait à compromettre les avantages que tous les Canadiens recevaient du régime national d'assurance-maladie. L'industrie canadienne des médicaments génériques avait prouvé sa capacité de produire des médicaments sûrs et efficaces à moindre coût. Les médicaments génériques coûtent de la moitié au tiers du prix des médicaments comparables d'origine, et selon des avis juridiques, les restrictions à l'égard des médicaments génériques n'étaient pas nécessaires en vertu de l'ALENA.

• 0945

Le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés estime que les nouveaux médicaments procurent un avantage thérapeutique modéré, minime ou nul par rapport aux médicaments existants, bon nombre d'entre eux n'offrant qu'une amélioration marginale à des prix accrus. Le coût des médicaments a augmenté plus rapidement que celui de n'importe quel autre élément de coût de la santé à l'échelle nationale, et ce coût est maintenant supérieur aux sommes versées aux médecins.

Le sondage national effectué en 1996-1997, par Santé Canada a mis au jour des renseignements troublants. Six millions de Canadiens ne sont pas suffisamment assurés pour les médicaments d'ordonnance. Au Canada, 61 p. 100 du produit des ventes de médicaments d'ordonnance sont versés aux fabricants de médicaments brevetés. Les gens doivent renoncer à des médicaments d'ordonnance dont l'achat leur interdirait de subvenir à leurs besoins essentiels. Toutes les provinces exigent maintenant que les consommateurs paient leur quote-part dans les régimes d'assurance-médicaments. Puisque vous avez reçu ce rapport, je n'en ai signalé que l'effet saillant.

Enfin, avec la nouvelle pratique qui consiste à transférer les soins des institutions au foyer des patients, le fardeau du coût des médicaments incombe de plus en plus aux particuliers et aux régimes d'assurance-médicaments. Les gens les plus susceptibles de bénéficier d'une certaine protection sont les travailleurs à plein temps, les assistés sociaux, les personnes âgées, etc. Il en résulte qu'un grand nombre de Canadiens vulnérables ne sont pas couverts.

Le gouvernement doit agir afin d'harmoniser les droits de propriété privée et l'intérêt public de tous les Canadiens. Je le répète, les fabricants ont droit à une protection raisonnable de leurs inventions, mais nous pensons qu'un brevet d'une durée de 20 ans est trop généreux. On donne la préférence à la richesse des entreprises plutôt qu'à la santé du public. Il faut faire cesser la pratique de plus en plus répandue qu'ont les fabricants d'ajouter sans cesse de nouveaux brevets grâce à des modifications mineures à leurs brevets existants, afin de prolonger la durée du brevet original.

Puisque le gouvernement a accepté de se conformer à la décision de l'organisation mondiale du commerce en ce qui concerne les aspects commerciaux des droits de propriété intellectuelle en présentant le projet de loi S-17, la Corporation canadienne des retraités intéressés recommande ce qui suit. Tout d'abord, imposer une limite absolue de 20 ans sur tous les brevets et imposer une baisse des prix pour tous les brevets qui actuellement dépassent cette limite. Deuxièmement, faire débuter la limite de 20 ans au moment du dépôt de la demande de brevet auprès de Santé Canada. Troisièmement, il faudrait abroger les règlements spéciaux visant l'industrie pharmaceutique et traiter cette industrie comme tous les autres titulaires de brevets. Quatrièmement, il faudrait limiter à deux, le nombre de brevets par médicament. Cinquièmement, et ce serait l'idéal, nous souhaiterions qu'on instaure un régime national d'assurance-médicaments en vertu duquel des organismes fédéraux ou provinciaux surveilleraient l'achat et la distribution des médicaments. Cela permettrait à tout le monde d'épargner de l'argent et chacun en profiterait.

Merci beaucoup. Je vous ai fait un résumé du document que vous avez tous reçu.

La présidente: Merci beaucoup, madame Brown.

Nous accueillons maintenant le premier vice-président, M. Larry Wagg et la représentante nationale pour l'Ontario, Mme Mary Eady, du Congrès canadien des syndiqués retraités. Si je ne m'abuse, M. Wagg va faire l'exposé.

M. Larry Wagg (premier vice-président, Congrès canadien des syndiqués retraités): Tout d'abord, je tiens à remercier les membres du comité de me donner l'occasion de présenter aujourd'hui le point de vue de notre organisation. Toutefois, je tiens à signaler une chose avant de commencer. Je sais que le temps est rigoureusement imparti pour l'étude d'un projet de loi. Toutefois, pour des organisations comme la nôtre, et d'autres qui sont représentées autour de cette table, qui comptent essentiellement sur le travail de bénévoles, cette situation est contraignante. Je vous le signale cela parce que nous espérons qu'à l'avenir, nos organisations bénéficieront d'un plus long préavis... Mais je ne peux parler qu'au nom des retraités.

• 0950

Nous représentons 500 000 syndiqués à leur retraite affiliés à l'échelle du Canada, tous ayant appartenu à des syndicats actifs au Canada. Il existe des fédérations de syndiqués retraités dans 8 des 10 provinces et nous oeuvrons également par l'intermédiaire des nos conseils municipaux et régionaux.

En 1997, nous avons témoigné devant un autre comité—et je pense que certains d'entre vous en étaient membres—et nous avons alors présenté un mémoire beaucoup plus substantiel. Je m'abstiendrai de faire cela aujourd'hui. En fait, je vais vous donner les faits saillants de notre mémoire. Je vais en lire une partie et ma collègue Mary Eady lira le reste.

Le coût astronomique des médicaments d'ordonnance crée désormais des inégalités sociales dans le régime de soins de santé au Canada. Un peu plus tôt cette année, on pouvait lire dans le Globe and Mail, que quelque 6 millions de Canadiens ne bénéficiaient pas d'une assurance adéquate pour les médicaments d'ordonnance. L'escalade des coûts des médicaments constitue un problème pour les personnes âgées en particulier qui vont probablement prendre des médicaments et qui d'ordinaire, couramment plus de médicaments d'ordonnance que les jeunes.

Selon une enquête de Statistique Canada effectuée en 1996 et 1997, près de la moitié des personnes âgées de 75 ans et plus prennent au moins trois médicaments, alors que seulement 30 p. 100 de l'ensemble de la population est dans le même cas. En fait, vous avez sous les yeux deux exemples vivants de cette situation.

Quand les gouvernements provinciaux et les régimes d'assurance essaient de juguler ces coûts, ce sont les personnes âgées qui assument les compressions de plein fouet car les quotes-parts et les franchises sont augmentées. On essaie aussi de juguler les coûts en limitant le nombre de médicaments couverts—en d'autres termes, en en excluant de la liste des médicaments admissibles. De toute manière, nous sommes le groupe perdant.

Je tiens à signaler que si l'on modifiait cette loi, le gouvernement disposerait de sommes supplémentaires qu'il pourrait consacrer à d'autres secteurs des soins de santé—les hôpitaux, le personnel infirmier, la nouvelle technologie, les soins à domicile, et, oui, de nouveaux médicaments d'ordonnance.

Certains d'entre vous ont peut-être eu connaissance du symposium qui s'est tenu à Ottawa le 1er mai et que l'on a intitulé «Juguler les coûts de nos médicaments: Perspectives canadiennes et internationales sur des médicaments accessibles et abordables». Le professeur Malcolm Anderson de l'université Queen's était l'un des conférenciers invités. Son étude a fait la une du Ottawa Citizen, ce jour-là, de sorte qu'il se peut que certains d'entre vous l'ait vue. Sa recherche conclut que les Canadiens perdent environ 5 millions de dollars par mois parce qu'on tarde à homologuer des médicaments génériques.

Les abus des dispositions de la Loi sur les brevets se résument ainsi: le Règlement sur l'avis de conformité des médicaments brevetés introduit en 1993 donnait aux fabricants d'origine le droit automatique d'empêcher Santé Canada d'approuver un médicament générique à meilleur marché pendant deux ans, en alléguant tout simplement une contrefaçon de brevet. Les fabricants de médicaments d'origine ont abusé de cette injonction automatique de deux ans et intenté des poursuites en vertu de ce Règlement, peu importe le bien-fondé de leurs allégations. Manifestement, une prolongation de deux ans ou plus sans concurrence peut représenter des millions de dollars en bénéfices supplémentaires.

Je tiens à faire remarquer aux membres du comité que ces bénéfices supplémentaires viennent directement de la poche de vaillants Canadiens.

L'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques, qui représente les fabricants de médicaments génériques au Canada, a fait distribuer lors du symposium des documents qui établissent que près de 200 poursuites judiciaires ont été intentées en vertu de ce règlement et que les retards subis en conséquence ont coûté plus de 300 millions de dollars aux Canadiens pour leurs médicaments.

Les fabricants de médicaments d'origine utilisent une autre tactique, qui constitue un abus du Règlement, à savoir l'adjonction de brevets supplémentaires à des variantes mineures d'un même médicament. On accepte facilement que les fabricants de médicaments d'origine tiennent à protéger leurs brevets—et je pense que nous reconnaissons tous que la protection des brevets est indispensable pour encourager la mise au point de nouveaux médicaments—mais on abuse de ce Règlement afin que les fabricants de médicaments génériques soient retenus devant les tribunaux pendant des années, à l'expiration des brevets, tout simplement parce que les fabricants d'origine veulent prolonger leur monopole, et cela est répréhensible.

• 0955

Ma collègue va maintenant vous expliquer ce que nous réclamons.

Mme Mary Eady (représentante nationale pour l'Ontario, Congrès canadien des syndiqués retraités): Nous prions les membres du comité de recommander que cette loi soit modifiée afin d'abroger le Règlement concernant l'avis de conformité des médicaments brevetés. À défaut de cela, chaque médicament ne devrait pas faire l'objet de plus d'un brevet. C'est une question d'équité: si les fabricants d'origine obtiennent leurs brevets de 20 ans, quand ces derniers expirent, la concurrence devrait pouvoir s'installer pour que les Canadiens aient accès à des médicaments moins coûteux. Selon nous, le sectarisme ne devrait pas jouer en l'occurrence.

Le 1er mai de cette année, le sénateur John McCain, un républicain et le sénateur Charles Schumer, un démocrate, ont présenté ensemble un projet de loi aux États-Unis, dont l'adoption aurait pour résultat de réaliser ce que nous réclamons. M. Keon vous a donné un aperçu de ce projet de loi. On propose de supprimer le droit à une injonction de 30 mois dont jouissent actuellement les compagnies américaines au détriment des fabricants de médicaments génériques. Les sénateurs américains ont publié un communiqué de presse le jour où ils ont déposé leur projet de loi:

    Le grand nombre d'appuis dont jouit ce projet de loi témoigne de la façon dont l'application de cette disposition permettrait de réaliser des épargnes colossales aux personnes âgées et aux familles, sans pour autant s'engager dans une polémique, mais tout simplement en restaurant l'intention de nos lois sur les brevets.

Cela nous semble une bonne idée.

Finalement, le ministre de l'Industrie, Brian Tobin, a dit publiquement à la Chambre des communes et aux médias qu'il comprend que le Règlement pose des difficultés, mais il n'envisage pas de le modifier dans un avenir immédiat. Nous pensons que c'est là une erreur. Le Parlement étudie actuellement la Loi sur les brevets. On devrait donc saisir l'occasion pour agir. Pourquoi devrions-nous laisser ces abus se perpétuer et le coût des médicaments grimper, alors que nous avons l'occasion idéale de redresser les choses maintenant? Nous vous exhortons à saisir cette occasion et à faire vôtres, nos recommandations.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous passons maintenant à notre dernier groupe de témoins, les représentants de la Coalition canadienne de la santé. La délégation est nombreuse: Kathleen Connors, la présidente; Joel Lexchin, conseiller en politique et Daniel Benedict, coprésident de la Coalition ontarienne de la santé. Je pense que c'est Mme Connors qui va faire l'exposé.

Mme Kathleen Connors (présidente, Coalition canadienne de la santé): Voici comment nous allons procéder. Je serai le porte-parole, mais ceux qui m'accompagnent vont également participer à la discussion et Joel a des renseignements supplémentaires à vous fournir.

La présidente: Je tiens à vous rappeler que nous espérons que vos exposés ne dureront pas plus de cinq à sept minutes au total. Je pense que le greffier vous l'avait signalé, et en toute justice pour les autres groupes, il faut faire respecter cette règle.

Mme Kathleen Connors: Je vais me contenter donc de présenter le sujet et laisser ceux qui ont tous les renseignements vous les communiquer.

Madame la présidente, nous pensons que ce processus très accéléré est contrariant, un temps limité pour l'exposé, un préavis très court, quand nombre de... La Coalition canadienne de la santé n'est pas une organisation énorme. Elle fait son travail essentiellement grâce aux efforts de bénévoles.

De toute façon, cela dit, c'est en tant que présidente de la Fédération canadienne des syndicats d'infirmiers et d'infirmières que je suis à la Coalition canadienne de la santé. Les infirmières représentent 80 p. 100 des fournisseurs de soins de santé, et travaillent en première ligne dans les hôpitaux, les établissements de soins à long terme, et les collectivités. L'une des premières choses que nous apprenons à faire en tant que fournisseurs de soins de santé est de défendre ceux qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes.

• 1000

Les personnes âgées vous ont déjà présenté un témoignage tout à fait percutant. Si les personnes handicapées avaient pu être représentées également, vous auriez constaté que leurs préoccupations sont les mêmes.

Quand on songe aux prix exorbitants des médicaments au Canada, et en tant qu'infirmières nous savons ce qui se passe dans le régime de soins de santé—nous le reconnaissons, l'argent est limité. Nous exhortons votre comité à envisager très sérieusement... Je ne suis pas experte en matière de commerce, mais les gens qui m'accompagnent feront d'autres recommandations.

Effectivement, il faut tenir compte d'éventuelles mesures de rétorsion mais le Canada s'est déjà affirmé par le passé. Il doit le faire encore à propos des soins de santé et à cause du coût des médicaments qui ne cesse de grimper pour atteindre des niveaux exorbitants.

Je vais demander à Mike de vous exposer brièvement la situation.

M. Michael McBane (coordonnateur national, Coalition canadienne de la santé): Merci, madame la présidente.

Je vais lire la déclaration étant donné qu'elle n'a pas été distribuée. À deux jours d'avis, nous n'avons pas eu le temps de la faire traduire.

Le ministre de l'Industrie, Brian Tobin, a dit à la Chambre des communes, en ce qui concerne le projet de loi S-17, Loi modifiant la Loi sur les brevets—et je pense que c'était lundi lors du débat de deuxième lecture—que la Loi canadienne sur les brevets touchant le prix des médicaments serait changée de façon radicale parce que l'OMC avait déterminé que certaines des anciennes lois canadiennes sur les brevets ne respectaient pas les obligations imposées par l'ADPIC. Le projet de loi S-17 produira inéluctablement une augmentation importante du prix des médicaments et on nous dit que l'incidence du projet de loi ne peut pas être débattue, voire discutée.

À cause d'un diktat ministériel, on refuse aux Canadiens le droit de participer à un débat démocratique portant sur les brevets et sur l'incidence d'une prolongation des brevets sur la durabilité de l'assurance-maladie, et on leur refuse le droit de débattre du prix élevé des médicaments, de l'absence de l'assurance-médicaments et l'accès restreint aux médicaments qui en résulte. Le diktat ministériel sur le projet de loi S-17 illustre de façon spectaculaire comment les accords commerciaux internationaux mettent la démocratie en péril.

Je ne sais pas combien de membres du comité ont lu la décision du groupe spécial de règlement des différends de l'OMC—je soupçonne qu'aucun ne l'a fait. Et pourtant, nous faisons acte de foi. Nous avons une foi inébranlable et touchant dans l'OMC.

Le groupe spécial de règlement des différends de l'OMC a rendu une décision défavorable à une loi canadienne. Il a tenu des délibérations secrètes, les citoyens et les groupes d'intérêt public n'ayant pas voix au chapitre. Le ministre de l'Industrie dit non seulement que le Canada ne peut pas édicter ses propres lois, dans le but très précis de rendre les médicaments essentiels plus accessibles, mais il ajoute que les Canadiens ne peuvent même pas débattre des conséquences sur le plan de la politique de l'élargissement du monopole sur le prix des médicaments au Canada.

Si les citoyens canadiens devaient accepter la logique de Brian Tobin sur le S-17, il deviendrait parfaitement superflu d'élire qui que ce soit au Parlement. On n'aurait plus besoin d'un comité parlementaire.

La Coalition canadienne de la santé ne respectera pas ce diktat ministériel au sujet du projet de loi S-17. Nous allons discuter des conséquences de ce projet de mesure pour la santé des Canadiens. Le projet de loi S-17 porte sur les brevets des médicaments, et non sur des lecteurs de disque compact. C'est une question de santé. Les médicaments essentiels sont un élément de plus en plus important du Régime de soins de santé du Canada, et la viabilité de ce régime est directement touchée par l'augmentation des prix monopolistiques des médicaments, une augmentation qui empêche des millions de Canadiens de pouvoir se procurer ces médicaments essentiels.

D'après l'Institut canadien d'information sur la santé, les sommes consacrées aux médicaments d'ordonnance ont presque quintuplé depuis 15 ans. Le ministre de l'Industrie voudrait nous faire croire que la prolongation de la durée des monopoles de brevets n'a aucun effet sur le prix des médicaments. C'est ce qu'il a dit lundi - «aucun effet sur les prix des médicaments».

Le fait est qu'à lui seul, sans égard pour les autres dispositions sur les brevets de médicaments, le projet de loi S-17, s'il est adopté, augmentera de près de 200 millions de dollars les coûts de médicaments d'ordonnance des Canadiens, et ce, alors qu'on a déjà perdu tout contrôle sur les prix du Régime de soins de santé.

Le projet de loi S-17 s'inscrit dans un régime de brevets de médicaments qui a pour effet d'éliminer toute concurrence et de faire grimper le coût des médicaments. L'augmentation des coûts des médicaments a pour effet, entre autre, de limiter la capacité de se procurer des médicaments essentiels. D'après un rapport récent de Santé Canada—j'en ai des exemplaires—tiré du Globe and Mail du 14 mars—six millions de Canadiens n'ont pas une assurance suffisante pour le paiement de leurs médicaments d'ordonnance; on parle de six millions de Canadiens.

• 1005

Et ce nombre augmente parce que le gouvernement fédéral favorise l'augmentation des coûts et que les gouvernements provinciaux désassurent des médicaments de leur régime d'assurance-médicaments. Dix pour cent des Canadiens n'ont aucune assurance-médicaments. Dix autres pour cent ne sont pas suffisamment assurés, ce qui signifie qu'on leur rembourse moins de 35 c. sur chaque dollar. J'ai constaté à ma grande surprise que la plus grande province du Canada, l'Ontario, n'a pas d'assurance-médicaments.

Le plus troublant dans le projet de loi S-17, c'est qu'il montre bien l'approche qu'adopte le gouvernement Chrétien au sujet des médicaments nécessaires et essentiels. Cette question est traitée par un comité de l'industrie à la seule fin de protéger les intérêts de l'industrie pharmaceutique. On accorde la primauté aux intérêts commerciaux et aux brevets de médicaments de monopole plutôt qu'à la santé publique.

On est témoin aujourd'hui les effets de la corruption morale de cette politique en Afrique, où une grande société pharmaceutique refuse de fournir des médicaments qui pourraient sauver la vie de millions de personnes atteintes du sida. Stephen Lewis, ancien ambassadeur du Canada aux Nations Unies, a posé la question suivante au sujet de ceux qui accordent plus d'importance au droit de propriété intellectuelle qu'au droit à des médicaments qui peuvent sauver des vies: «Je voudrais qu'on m'explique pourquoi on ne parle pas de meurtre dans ce cas». Les membres de votre comité ou du cabinet Chrétien peuvent-ils répondre à cette question?

Madame la présidente, cela ne touche pas seulement l'Afrique. Des Canadiens meurent également en raison des pratiques irresponsables des grandes sociétés pharmaceutiques, entre autres l'escalade du coût des médicaments qui fait qu'un nombre croissant de Canadiens ne peuvent pas se les procurer. Un certain nombre d'études bien documentées—dont une par le Dr Tamblyn de Montréal—montrent que des personnes âgées meurent au Québec parce que des médicaments sont désassurés du régime public et que leur prix est inabordable.

Les brevets de monopole sur les médicaments contribuent de plus en plus à l'américanisation de notre régime de soins de santé. J'entends par là que les brevets et les lois sur les médicaments, comme le projet de loi S-17, visent à accroître les dépenses au titre des médicaments et à en limiter l'accès à ceux qui peuvent se les offrir. C'est de cette façon que fonctionne le régime de soins de santé américain.

Il est ridicule de dire que nous ne pouvons même pas débattre de la politique relative aux médicaments à cause de l'OMC. Ceux qui disent cela n'ont certes jamais lu l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce—l'ADPIC.

Il est temps que le Canada se joigne aux autres groupes internationaux pour accorder la priorité à la population plutôt qu'aux profits des grandes pharmaceutiques en appliquant ce qui était une grande innovation canadienne—les licences obligatoires—et en intégrant de nouveau les médicaments dans le régime de santé publique et la politique officielle. Comme l'a déclaré le Forum national sur la santé dans son dernier rapport au premier ministre, il faut appliquer de façon uniforme aux médicaments les principes qu'on applique aux services des hôpitaux et des médecins. Cela signifie qu'il faut cesser de traiter les médicaments comme des produits de commerce.

L'un des moyens pratiques pour cela consiste à rétablir le régime des licences obligatoires. L'ADPIC comprend un certain nombre d'options qui permettent un tel régime. Nous avons retenu trois options qui ont été présentées par divers avocats spécialistes du droit international et des politiques. Il s'agit d'un document d'analyse préparé par John Dillon sur la question des licences obligatoires et de la propriété intellectuelle. Je le dépose auprès de votre greffier et j'en ai des exemplaires pour les membres du comité. J'espère que le comité le fera traduire et distribuer à tous ses membres.

La présidente: Nous le ferons. Merci beaucoup, monsieur McBane.

Je dois vous demander de conclure.

M. Michael McBane: Oui. Merci de nous avoir donné l'occasion de tenir cette brève discussion sur une question de santé importante. Je vais maintenant laisser la parole au Dr Joel Lexchin.

La présidente: Veuillez être très bref, monsieur Lexchin.

Dr Joel Lexchin (conseiller en politique, Coalition canadienne de la santé): Puis-je utiliser le projecteur?

La présidente: Monsieur Lexchin, comme j'ai essayé de l'expliquer, vous disposiez de cinq à sept minutes pour votre exposé. Vous en avez pris 10 jusqu'à maintenant. Le projecteur est-il prêt à fonctionner? Je ne savais pas que nous l'utilisions. Est-il prêt?

• 1010

Dr Joel Lexchin: Je veux simplement illustrer brièvement quels effets auront cette mesure législative et d'autres qui ont été adoptées au sujet des brevets.

Voici un tableau des changements dans les prix des médicaments depuis que le projet de loi C-22 est entré en vigueur.

Les dépenses au titre des médicaments sont passées d'un peu plus de 3 milliards de dollars par an à près de 10 milliards, même après les ajustements. Cela s'explique par un certain nombre de raisons, mais la principale est l'augmentation du prix des médicaments d'ordonnance. Les consommateurs sont très préoccupés par le prix des médicaments d'ordonnance lorsqu'ils vont à la pharmacie. Vous pouvez voir sur ce tableau que le prix des nouveaux médicaments brevetés mis en marché depuis 1993, a augmenté d'environ 20 p. 100 par an, comparativement à une augmentation de 6 p. 100 par an pour les médicaments brevetés existants et 4 p. 100 par an pour les médicaments génériques ou sans brevet.

Sur ce tableau, vous constaterez que les médicaments brevetés représentent une proportion croissante du total des ventes de médicaments. En 1999, même si le nombre des médicaments brevetés était relativement faible, leur vente représentait 61 p. 100 de toutes les ventes de médicaments d'ordonnance au Canada, en valeur monétaire. Soixante et un pour-cent de 10 milliards de dollars, c'est environ 6 milliards de dollars.

Qu'est-ce que cela signifie? Eh bien, que se produit-il lorsque des médicaments sont en concurrence avec des médicaments génériques? Vous pouvez voir sur ce tableau que lorsque deux sociétés mettent un produit en marché, un produit générique dans un cas et un produit de marque dans l'autre, le produit générique coûte environ 25 p. 100 de moins que le produit de marque. Cinq ou six produits génériques permettent de réaliser des économies d'environ 60 p. 100. Le projet de loi dont vous êtes saisis retardera la mise en marché de ces produits concurrents et retardera d'autant les économies possibles.

Deux autres choses, rapidement. Si ces nouveaux produits permettaient de procurer des avantages accrus en matière de santé, l'augmentation de leur prix pourrait être justifiée. Mais comme vous pouvez le constater dans les chiffres publiés par le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, les médicaments de catégorie 2, c'est-à-dire ceux qui représentent une percée ou une amélioration considérable, constituent moins de 10 p. 100 des médicaments qui sont introduits sur le marché canadien chaque année. Si vous doutez des chiffres canadiens, voici des chiffres qui viennent de France; vous pouvez voir que sur 2 200 médicaments évalués, un peu moins de 3,5 p. 100 représentent une innovation importante.

Nous avons donc une mesure législative qui augmentera la protection des brevets sur des médicaments qui, pour la plupart, ont une valeur thérapeutique faible ou nulle, et retardera l'introduction de médicaments génériques. Les médicaments génériques permettent de réaliser des économies de 25 à 50 p. 100 par rapport aux médicaments de marque. En retardant ces économies, on augmente les sommes consacrées aux médicaments brevetés et on augmente le coût général des médicaments d'ordonnance au Canada.

Cela signifie que les provinces seront obligées de prendre certaines mesures. Elles devront soit désassurer des produits, limiter l'accès aux médicaments, ou augmenter les droits que paient les utilisateurs. D'autres groupes ont également mentionné les effets de telles mesures.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions. J'ai une longue liste de gens qui veulent poser des questions et je dois donc rappeler aux membres du comité que notre temps est limité. Veuillez être bref dans vos questions de même que dans les réponses.

Commençons par M. Rajotte.

M. James Rajotte (Edmonton-Sud-Ouest, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

Je ne sais pas dans quelle mesure je puis être bref. À vrai dire, on a soulevé aujourd'hui des questions fort valables, mais je me contenterai d'exprimer ma plus grande préoccupation.

Cette préoccupation, c'est que notre date limite est au mois d'août, même si nous devons traiter aujourd'hui de questions très importantes. Toutes ces questions sont fort valables, mais si nous entreprenons d'en débattre, je ne vois pas comment nous pourrons respecter cette date limite.

• 1015

Je pose la question à la cantonade. Si nous nous lançons dans ce grand débat sur le coût des médicaments et la relation entre les brevets et les médicaments, ne devrions-nous pas nous inquiéter des conséquences que pourrait avoir la non-conformité aux règles de l'OMC?

Deuxièmement, le ministre s'est engagé à la Chambre à discuter de toute la question de la propriété intellectuelle. Y a-t-il un grand risque à attendre jusqu'à l'automne? En quoi le fait d'attendre jusqu'à l'automne pourrait-il nuire à ce grand débat?

La présidente: M. Benedict et M. Keon souhaitent répondre à la question.

Monsieur Benedict, je vous en prie.

M. Daniel Benedict (coprésident, Coalition canadienne de la santé (Ontario)): Je m'appelle Daniel Benedict. Je suis membre du conseil exécutif de la Coalition des organismes d'aînés et d'aînées de l'Ontario. Je fais partie de la délégation de la Coalition canadienne de la santé, à laquelle j'ai le plaisir d'appartenir. En outre, j'ai 83 ans, je suis atteint du cancer et je lutte pour surmonter des problèmes très graves.

Permettez-moi de vous parler de l'aspect humain de cette question. Il est vrai que des pressions sont exercées de toutes parts pour que les choses avancent et pour éviter qu'il y ait trop de conflits. Mais certaines choses valent la peine qu'on lutte pour elles. Dans toute l'histoire des lois sur les brevets de médicaments et des coûts des médicaments brevetés, on a constaté que chaque fois que les fabricants de médicaments d'origine demandent une extension de leur monopole, cela ne leur suffit pas. Ils reviennent rapidement à la charge pour obtenir davantage. C'est ce qui se produit maintenant. C'est pour cela que le président du Sénat a déclaré que l'augmentation contestée des durées de monopole est «comparable à un abus de procédure». C'est ce qu'il disait au sujet des audiences du Sénat. Je sais qu'il peut y avoir une certaine rivalité, mais ne faites pas la sourde oreille aux problèmes humains.

Il n'existe pas de loi qui vous empêche d'agir comme des êtres humains. Les médicaments désassurés et les quotes-parts imposées entraînent des coûts humains énormes et cela est plus important que tous les mécanismes de profit qu'encouragent des lois comme ce projet de loi S-17. D'autres ont mentionné certaines des choses que permet cette mesure législative. La durée des brevets est passée de 17 ans à 20 ans et on veut maintenant l'étendre de 20 ans à 22. C'est abusif et à titre de représentant de la population canadienne, c'est votre devoir d'y réfléchir et d'éliminer les facteurs d'abus.

La présidente: Merci, monsieur Benedict.

Monsieur Keon.

M. Jim Keon: J'ai deux remarques.

Ce que nous réclamons, à l'heure actuelle, c'est l'abrogation du paragraphe 55.2(4) de ce projet de loi. Cette disposition est sans limite et on pourrait obtenir le même résultat au moyen d'un amendement. Les États-Unis sont en train de régler cette question à l'heure actuelle. Les abus se produisent également là-bas. Les mêmes sociétés pharmaceutiques se retrouvent aux États-Unis, au Canada et aussi en Afrique, comme on l'a mentionné. Si nous n'agissons pas maintenant, nous permettons que ces abus se perpétuent.

• 1020

Deuxièmement, je ne comprends pas très bien ce que le ministre a l'intention de faire à l'automne. D'après ce que j'ai entendu, le gouvernement pourrait publier un Livre vert ou un Livre blanc sur l'innovation. Dans le cadre de cette discussion, on pourrait parler du rôle de la propriété intellectuelle. Il s'agit d'un énorme débat, d'un débat très long qui touchera tous les secteurs, de la haute technologie jusqu'aux divertissements, en passant par la fabrication, et on ne traitera pas des questions que nous vous demandons d'examiner maintenant, c'est-à-dire des abus de règles bien précises qui ne s'appliquent pas à d'autres secteurs. Je ne crois pas que notre problème pourra être traité dans ce contexte. Pour nous, la discussion doit maintenant se faire dans le cadre de ce projet de loi sur les brevets des médicaments.

La présidente: Merci, monsieur Keon.

Dernière question, monsieur Rajotte.

M. James Rajotte: J'ai bien d'autres questions à poser, mais voici la seconde. On nous a beaucoup parlé de la situation au Canada par rapport à celle des États-Unis, et de ce que font le sénateur McCain et le représentant Charles Schumer. Comment les règles sur les brevets des autres pays se comparent-elles à celles du Canada? Existe-t-il dans d'autres pays une protection semblable de 20 ans pour les brevets? Ces pays ont-ils les mêmes règlements que nous ou sont-ils différents? Encore une fois, c'est une question que je pose à la cantonade, mais M. Keon souhaitera peut-être y répondre.

Le président: Monsieur Keon.

M. Jim Keon: Le Canada offre une protection de 20 ans sur les brevets conformément aux règles de l'Organisation mondiale du commerce et de l'ADPIC. Pour défendre sa loi devant l'Organisation mondiale du commerce, lorsqu'elle était attaquée par la Commission européenne, le Canada a allégué qu'il connaissait 7, 8 ou 9 pays qui avaient des dispositions semblables à celles qui étaient appliquées auparavant au Canada. On dit parfois que c'est pour cela que nous avons besoin de ces règlements, des injonctions automatiques, parce que les sociétés qui fabriquent des médicaments génériques peuvent faire approuver leurs médicaments par Santé Canada. En revanche, nous allons donner aux fabricants de produits pharmaceutiques d'origine la possibilité d'injonctions automatiques pour que les médicaments génériques ne soient pas approuvés. L'Australie, Israël, les États-Unis, le Canada, la Hongrie—ce sont ceux dont je me souviens—ont tous des dispositions semblables. Mais, à part le Canada et les États-Unis, aucun autre pays ne prend de telles injonctions automatiques.

On exagère donc peut-être lorsqu'on dit qu'il y a un lien entre les deux. Ce lien n'existe certes pas sous le régime des règles de l'ADPIC et de l'OMC, et c'est très clair dans la décision qui a été rendue contre le Canada.

La présidente: Monsieur Lexchin.

Dr Joel Lexchin: Merci.

Il y a aussi une autre question qui s'ajoute à ce que M. Keon a dit, et c'est l'effet que cette mesure aura sur les prix. D'autres pays prennent des mesures plus agressives que le Canada pour contrôler les prix. Par conséquent, si nous faisons la comparaison entre le Canada et l'Australie, qui a un régime de soins de santé assez comparable au nôtre, les prix au Canada en 1995 étaient de 30 p. 100 supérieurs à la moyenne des pays de l'OCDE alors qu'en Australie ces prix étaient de 30 p. 100 inférieurs à la moyenne de l'OCDE. Peu importe que d'autres pays aient ou non des lois semblables, certains du moins prennent des mesures plus agressives pour contrôler le coût des médicaments, pour réduire les dépenses et accroître l'accès aux médicaments d'ordonnance. Si l'Australie est en mesure d'offrir à ses citoyens un régime national d'assurance-médicaments, c'est parce que son gouvernement contrôle les prix, ce que le Canada ne fait pas.

La présidente: Merci.

Madame Torsney, s'il vous plaît.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

Ma question s'adresse surtout aux représentants de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques. En 1992, l'un de vos présidents avait déclaré que la nouvelle loi n'empêcherait pas seulement les entreprises membres de l'Association de croître, elle les obligerait à fermer leurs portes. Vous avez déclaré en 1992 que l'industrie pharmaceutique canadienne serait réduite à 2 p. 100 de tout le marché. En avril de cette année, M. Sherman a déclaré que le secteur des produits pharmaceutiques génériques au Canada était en train de s'écrouler. Et pourtant, en août 2000, M. Sherman était au 11e rang sur la liste des Canadiens les plus riches, avec des avoirs de 2,5 milliards de dollars. Cette année, il est au 10e rang, avec 3,5 milliards de dollars. D'après la revue Canadian Business, il a refusé de respecter un engagement de 25 millions de dollars envers des oeuvres de charité. Au 16e rang des Canadiens les plus riches, on trouve Eugene Melnyk, propriétaire de Biovail. Leslie Dan dirigeait auparavant les Novopharm—il est au 27e rang des Canadiens les plus riches.

Je n'ai rien contre la réussite, mais je ne crois pas que ces types ont hérité de leur argent. Ils font de l'argent dans l'industrie pharmaceutique. Si vous ne cessez de faire ces déclarations catastrophiques à propos des malheurs dont sont victimes les Canadiens alors qu'en fait vous devenez de plus en plus prospères, tout d'abord, comment pouvons-nous croire ce que vous dites et comment pouvez-vous dire que l'industrie innovatrice est trop profitable? À quel point Apotex est-elle profitable si son président a gagné ou a accumulé une fortune d'un milliard de dollars supplémentaires en dix mois à peine?

• 1025

La présidente: Monsieur Keon.

M. Jim Keon: Je ne savais pas qu'il avait accumulé un milliard de dollars en dix mois.

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Augmenter leur droit.

M. Jim Keon: Je doute que ce soit vrai, mais je ne sais pas au juste où vous avez obtenu vos chiffres.

Je ne peux pas commenter les propos cités qui remontent à 1992. Si vous voulez les déposer, je pourrai y jeter un coup d'oeil et déterminer qui a fait ces déclarations et où elles ont été faites et dans quelles circonstances.

Les médicaments génériques se vendent moins chers que les médicaments d'origine. La croissance des entreprises est attribuable au fait qu'elles fournissent un produit de qualité à bon prix.

Il est vrai qu'au cours des quatre dernières années, la part de l'industrie des médicaments génériques a diminué, tant au niveau des ordonnances qu'au niveau monétaire. Notre part du marché diminue. En ce qui concerne les médicaments d'ordonnance, nous occupons 14 p. 100 du marché. Je ne suis pas sûr de la proportion que veut occuper l'industrie des médicaments de marque. Elle accapare déjà près de 87 p. 100 du marché. À quel stade décidera-t-elle que la part des médicaments génériques n'est pas suffisante?

Le prix des médicaments brevetés, comme l'a indiqué l'Institut canadien de recherche sur la santé, est l'une des principales causes de ces augmentations. Comme M. Lexchin l'a signalé, le prix moyen d'un médicament breveté a augmenté de 20 p. 100. Le prix moyen d'ordonnance d'un médicament générique a augmenté de 4 p. 100. Ce que nous disons aujourd'hui c'est d'autoriser l'entrée des produits génériques sur le marché, d'éliminer les règlements et de favoriser une plus grande concurrence dans l'industrie des médicaments génériques. Nous voulons plus de concurrence dans l'industrie des médicaments génériques.

Mme Paddy Torsney: En parlant de concurrence, il existe essentiellement deux grandes sociétés de médicaments génériques. Elles ont plus ou moins le contrôle du marché des médicaments génériques, n'est-ce pas?

Deuxièmement, le CEPMB établit le prix des nouveaux médicaments qui arrivent sur le marché. Disons par exemple, qu'une pilule est introduite sur le marché au prix de 10 $. Tout ce qu'un fabricant de médicaments génériques a à faire, c'est de produire une pilule qui coûte 70 p. 100 de moins, c'est-à-dire 7 $. Doit-il justifier ce coût? Est-ce que la pilule lui a en fait coûté un dollar à produire? Il n'existe aucun contrôle des prix des médicaments génériques.

Franchement, s'il s'agit uniquement d'une question de prix, je trouve étonnant que les autres groupes ici présents n'aient pas proposé d'établir le prix des médicaments génériques par voie législative afin qu'il reflète mieux la situation, car apparemment, ce type se débrouille vraiment bien financièrement.

L'autre question que j'aimerais poser, c'est que de nombreux groupes aujourd'hui, et il ne fait aucun doute que l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques a été l'une des premières à le faire, semblent indiquer que les innovations apportées aux médicaments existants sont vraisemblablement inutiles. Vous ne voulez pas présenter le premier brevet; vous voulez aller directement au brevet le plus récent, le plus novateur, celui qui a fait l'objet d'une plus grande recherche, qu'il s'agisse d'un médicament à libération lente ou quoi que ce soit d'autre. Si toutes ces innovations sont inutiles, qu'il s'agisse simplement d'une façon de prolonger la durée du brevet, pourquoi n'optez-vous pas pour délivrer le brevet du médicament d'origine?

Deuxièmement, si vous vous plaignez à propos de la prolongation des délais, ce qui, d'après les représentants de l'industrie, n'est pas correcte en ce qui concerne les avis de conformité, le fabricant de médicaments génériques contrôle le moment où il demande cet avis de conformité. S'il s'agit d'un problème de délais, pourquoi ne l'introduisez-vous pas plus tôt au cours de la période de 10 ans?

M. Jim Keon: Je demanderais à M. Hore d'expliquer pourquoi nous ne pouvons pas entrer sur le marché après l'expiration du premier brevet. Je trouve que c'est une très bonne question.

En ce qui concerne les deux grandes sociétés qui dominent le marché, cela était vrai à la fin des années 80 ou au début des années 90. Aujourd'hui, elles représentent moins de 50 p. 100 du marché des médicaments génériques, et leur part est à la baisse. Il y a d'autres entreprises qui arrivent sur le marché avec des produits moins récents et qui les évincent du marché à l'aide de leurs produits moins récents. Car elles ne peuvent pas introduire de nouveaux médicaments génériques comme elles le faisaient par le passé, parce que le système a énormément changé, à leur détriment.

En ce qui concerne les prix des médicaments génériques, ils font l'objet d'une réglementation et d'un contrôle au niveau provincial. La raison pour laquelle les médicaments brevetés sont assujettis à un régime fédéral de contrôle des prix, c'est parce que les brevets relèvent de la compétence du gouvernement fédéral en vertu de la Constitution, et d'après ce que je crois comprendre, le gouvernement fédéral n'exerce pas de contrôle sur les prix, c'est pourquoi il laisse les provinces s'en occuper.

• 1030

Comme je l'ai dit, l'Ontario a adopté des règles en matière d'établissement des prix qui garantissent que le premier médicament générique assurera une économie d'au moins 30 p. 100, et le deuxième une économie d'au moins 37 p. 100.

Je demanderai à Ed Hore de vous expliquer pourquoi nous n'introduisons pas de produits sur le marché dès que les brevets expirent, car nous aimerions beaucoup le faire.

Me Ed Hore (avocat-conseil, Association canadienne des fabricants des produits pharmaceutiques): La raison est la suivante: il existera un brevet de base pour le produit, et une fois qu'il expirera, il y aura d'autres brevets énumérés en vertu du Règlement. La marque a droit à une injonction automatique en ce qui concerne les brevets qu'elle a énumérés. Il peut exister 6, 8 brevets ou plus. Chaque fois que la marque ajoute un nouveau brevet, cela relance à nouveau l'injonction. C'est un peu comme franchir une haie, mais chaque fois la haie se déplace.

Donc, lorsque vous demandez pourquoi nous n'utilisons pas la version précédente, c'est exactement ce qu'elles veulent faire, mais le brevet peut porter sur l'enrobage d'un médicament ou sur une forme quelconque d'excipient inerte, que n'utilisera pas le fabricant de médicaments génériques. C'est pourquoi il veut introduire le produit sur le marché, parce qu'il ne s'agit pas d'une contrefaçon du médicament breveté, mais le brevet fait de toute façon l'objet d'une injonction.

C'est là le problème. Même s'il ne s'agit pas d'une contrefaçon du médicament breveté, il ne peut pas entrer sur le marché. Cela signifie donc que les Canadiens paient plus cher. Ils paient un prix de monopole pour ce médicament même s'il existe un concurrent qui pourrait mettre sur le marché un produit qui n'est pas une contrefaçon du médicament breveté.

J'ai quelques exemples de cas de ce genre, que je remettrai au greffier.

Vous avez par exemple, l'Omeprazole, qui fait l'objet à l'heure actuelle de huit brevets. Le brevet de base a expiré en juillet 1999. Il existe un certain nombre de fabricants de médicaments génériques, pas simplement deux, mais trois ou quatre, qui veulent fabriquer ce médicament, mais qui ne peuvent pas le faire à cause de l'existence des huit brevets. Le nombre de brevets inscrits au registre, c'est-à-dire énumérés en vertu du Règlement, ne cesse d'augmenter de sorte qu'il devient pratiquement impossible d'introduire sur le marché un produit générique, même s'il ne s'agit pas d'une contrefaçon d'aucun de ces brevets.

M. Jim Keon: J'aimerais faire valoir aussi qu'aux États-Unis encore—et nous signalons le cas des États-Unis parce que les mêmes sociétés fonctionnent là-bas et ici—la Commission fédérale du commerce, leur instance antitrust, a commencé à enquêter sur l'usage abusif des brevets dont font les entreprises pharmaceutiques multinationales en utilisant des inscriptions tardives de brevets et des brevets multiples.

Nous implorons à nouveau le comité d'examiner cette situation. C'est une pratique qui existe au Canada et aux États-Unis et qui est encouragée par le Règlement prévu par le paragraphe 55.2(4) du projet de loi.

La présidente: Avez-vous une question, madame Torsney?

Mme Paddy Torsney: Je vous remercie. C'est plutôt un commentaire.

De toute évidence, les opinions divergeront, mais monsieur McBane, il est vraiment inconcevable de laisser entendre que ceux qui siègent de ce côté-ci de la Chambre sont corrompus ou qu'un ministre, grâce à ses pouvoirs incroyables, impose le silence aux Canadiens. La population canadienne peut dire tout ce qu'elle veut, mais le fait de laisser entendre qu'il a émis un diktat ministériel pour interrompre le débat... Je peux vous dire que je débattrais de ces questions autant que je le voudrais et que personne ne m'imposera le silence.

La présidente: Je vous remercie, madame Torsney.

[Français]

Monsieur Brien, s'il vous plait.

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Pour poursuivre dans la voie de Mme Torsney, monsieur McBane, moi aussi je vous ferai un commentaire. Vous pouvez exposer vos points avec autant de conviction que vous le faites, mais sous-entendre que personne ici n'a lu le jugement ou les ententes internationales me paraît difficile à accepter. D'autant que, dans votre introduction, vous qui vous prétendez plus expert que nous, avez dit que vous aviez dû vous présenter ici à courte échéance. Il était pourtant très clair, d'après le jugement de l'Organisation mondiale du commerce, que l'échéance était d'une année. Je suis d'ailleurs certain que vous êtes en relation avec les lobbyistes du secteur générique et qu'ils ont dû vous avertir que vous auriez à comparaître bientôt. Donc, sur ce point, j'en prends et j'en laisse.

Il n'est pas vrai que, parce que nous sommes des députés, nous devons accepter de nous faire dire n'importe quoi et de n'importe quelle façon. Je ne suis pas un député du Parti libéral, qui est au pouvoir, mais je me sens aussi visé qu'eux.

Maintenant, ma question s'adresse à M. Keon. Moi, j'ai un problème vis-à-vis de votre association. Je travaille sur le dossier pharmaceutique depuis longtemps, en fait à peu près depuis que je suis en politique. La crédibilité des informations que nous donne votre association est parfois douteuse. Je vous en donne un exemple; vous dites que vous gagnez dans 80 p. 100 des cas, ce qui semble vouloir dire qu'il y a là la preuve qu'il existe un problème concernant le règlement de liaison. C'est là une information très partielle. Vous ne tenez pas compte des cas que votre industrie elle-même a retirés.

• 1035

Vous imaginez-vous qu'on ne sera pas capables de creuser la question davantage et d'étoffer les informations que vous nous donnez? Pourquoi ne pas nous présenter un tableau plus réaliste, ce qui nous permettrait d'entendre avec plus de confiance les autres arguments que vous nous présentez et de leur accorder plus de crédibilité?

Le président: Monsieur Keon.

M. Jim Keon: La statistique de 80 p. 100 des cas a été fournie par M. Hore. C'est donc la crédibilité de M. Hore que vous mettez en question et je lui demanderais de vous répondre.

M. Pierre Brien: Parfait.

[Traduction]

Me Ed Hore: Je considère que ce chiffre de 80 p. 100 est exact. Nous examinons les cas où un tribunal a effectivement étudié la question du brevet, a effectivement dit, ce médicament générique risque-t-il d'être une contrefaçon de ce brevet ou non? Et dans les cas où le tribunal a effectivement examiné cette question, la question même faisant l'objet d'un litige entre les parties, c'est-à-dire les médicaments génériques, depuis la dernière série de modifications apportées en 1998, le nombre de cas était d'environ 80 p. 100. Il y a beaucoup de cas où le résultat n'est pas concluant, ou de cas où il s'agit d'une décision procédurale qui n'a rien à voir avec le mérite du brevet, parce que le règlement lui-même est extrêmement compliqué et souvent ne permet pas de régler le contentieux civil entre les parties. Mais lorsque le tribunal rend une décision, que ce soit dans le cadre d'un procès ou en vertu du règlement même, sur le mérite du brevet, l'industrie des médicaments génériques remporte environ 80 p. 100 de ces cas.

Donc, dans l'ensemble, il semble que lorsque ce genre de poursuites sont intentées, et nous ne sommes pas au courant de toutes les décisions car beaucoup d'entre elles sont en cours—l'industrie des médicaments génériques remporte la grande majorité de ces causes, même s'il importe de dire que même si elle a gain de cause, comme cela a été le cas par exemple avec Naproxen, elle peut être retardée pendant quatre ou cinq ans à cause d'un brevet qui peut être considéré nul.

[Français]

M. Pierre Brien: Est-ce que l'information que j'ai est exacte à l'effet que le 80 p. 100 des cas gagnés depuis 1998 repose sur un grand total de cinq cas, donc sur quatre cas parmi cinq. On ne parle pas de centaines de cas. On parle de cinq cas. Est-ce là votre 80 p. 100?

[Traduction]

Me Ed Hore: Non. Il s'agit d'une proportion de quatre sur cinq.

[Français]

M. Pierre Brien: Sur combien de cas cela porte-t-il? Il s'agit de 80 p. 100 de quel total? Combien y a-t-il eu de cas, en tout?

[Traduction]

Me Ed Hore: Si ma mémoire est bonne, il s'agit d'environ 65 cas, à peu près, où une décision a été effectivement rendue sur le bien-fondé d'un brevet. Dans bien d'autres cas, le résultat n'a pas été concluant, la cause est toujours en instance, ou une interdiction a été imposée pour des raisons de procédure. Mais ce que je dis, c'est que j'examine les cas où une décision porte effectivement sur une question concernant le brevet. En d'autres mots, quelle est la fréquence des poursuites intentées par suite d'une préoccupation réelle concernant un brevet? Et la réponse, d'après les indications, semble être, pas très souvent.

[Français]

M. Pierre Brien: J'ai un problème parce que, dans le tableau fourni par Santé Canada, les cas qui ont été posés à la cour, depuis 1998, ne totalisent pas le nombre que vous me donnez. Avez-vous déjà vu ce tableau de Santé Canada?

[Traduction]

Me Ed Hore: Oui, j'ai vu ce tableau.

[Français]

M. Pierre Brien: Entre le nombre de cas qui auraient été soumis à la cour depuis 1998, selon le tableau, et le nombre de décisions que vous venez de citer et sur lequel a porté votre étude, nombre correspondant à 80 p. 100, il y a un écart considérable. Vous dites que votre étude repose sur au-delà de 60 cas. Or, il n'y a pas eu, au total, autant de cas qui ont été présentés à la cour.

M. Jim Keon: Je pense que les données de Santé Canada portent sur les cas soumis par les compagnies de marque au début de chaque année. M. Hore discute des décisions rendues après le changement des règlements, en 1998.

M. Pierre Brien: J'aimerais quand même avoir plus d'explications concernant le 80 p. 100.

M. Jim Keon: Mais, c'est clair qu'on en a eu deux ou trois ans avant.

[Traduction]

Me Ed Hore: Ce tableau, à mon avis, indique quelque chose de tout à fait différent. Ce qu'il indique, ce sont les poursuites qui ont été intentées, et non les cas où une décision a été rendue. J'examine les cas dans lesquels une décision a bel et bien été rendue. Certains de ces cas dans lesquels une décision a été rendue depuis 1998, bien entendu, avaient débuté bien avant. Par exemple, les causes portées devant la Cour suprême du Canada ont débuté il y a plusieurs années et pendant toute la période, soit les quatre ou cinq ans pendant lesquels les causes ont été entendues, l'industrie des médicaments génériques s'est trouvée écartée du marché.

[Français]

M. Pierre Brien: Comme votre 80 p. 100 est basé sur plus d'une soixantaine de décisions, j'aimerais que vous nous fassiez parvenir un sommaire de votre analyse.

• 1040

[Traduction]

Me Ed Hore: Avec plaisir.

[Français]

M. Pierre Brien: J'ai adressé mon commentaire à M. McBane, mais je ne lui ai pas laissé l'occasion d'en parler. Toutefois, en lui posant une question, je vais lui donner l'occasion de dire quelques mots. Je vois, depuis tout à l'heure, qu'il a des choses à dire.

Mme Torsney a fait allusion au contrôle des prix des médicaments génériques qui sont sur le marché. Vous avez présenté un tableau démontrant qu'après l'expiration d'un brevet, alors qu'on payait 85 p. 100 du coût pendant les premières années, le coût tend à diminuer s'il y a plus de deux compagnies. Ne devrait-on pas examiner comment on peut s'assurer que le prix des médicaments, après l'expiration des brevets, demeurera à un niveau raisonnable?

Soixante-dix pour cent, c'est très arbitraire. Le contrôle fait par les provinces, qu'a évoqué M. Keon, c'est celui-là. Les remboursements des régimes provinciaux ne vont pas au-delà d'un certain pourcentage. Ils ne sont pas basés sur le coût de production, etc. Il peut donc arriver qu'on achète des médicaments génériques à des prix très élevés, qu'ils soient fabriqués par les compagnies génériques ou d'origine. Ce marché représente alors quand même quatre milliards de dollars par année.

Vous et vos groupes de consommateurs, considérez-vous qu'il y aurait lieu d'examiner de plus près le prix des médicaments génériques qui sont sur le marché?

[Traduction]

Dr Joel Lexchin: Tout d'abord, en ce qui concerne les produits de marque, le Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés ne fonde pas ses décisions concernant le prix de lancement maximal sur les coûts de fabrication de ces médicaments. Donc il n'existe aucun médicament mis en marché au Canada dont le prix est décidé en fonction des coûts de fabrication. En fait, il est très difficile de déterminer les coûts, parce que, surtout les coûts liés à la recherche, peuvent être attribués à une vaste gamme de produits différents. Donc, ce que vous demandez, c'est que les médicaments génériques fassent l'objet d'une norme différente de celle appliquée aux médicaments d'origine.

Deuxièmement, qui va se charger de réglementer le prix des produits génériques? Comme ce sont les provinces qui les ont inscrits sur leurs formulaires, il faudrait que ce soit les provinces qui se chargent de la réglementation. On a signalé qu'en Ontario le prix du premier produit générique devait être de 30 p. 100 inférieur à celui du produit d'origine. Ce que nous sommes en train de faire ici, c'est essentiellement d'adopter les critères du Conseil d'examen des prix des médicaments brevetés. D'après ces critères, un nouveau produit d'origine ne peut pas coûter plus cher que les produits existants dans la même catégorie thérapeutique. Le gouvernement de l'Ontario indique que le prix des produits génériques doit être de 30 p. 100 inférieur au prix des produits d'origine auxquels ils font concurrence.

La présidente: Monsieur McBane.

M. Michael McBane: J'aimerais ajouter certains points moi aussi. En ce qui concerne les commentaires qui ont été lus et que vous lirez—je parle de la primauté accordée aux intérêts commerciaux aux dépens des intérêts en matière de santé publique—s'il y a des membres du Parti libéral qui considèrent que ce n'est pas le résultat du projet de loi S-17, ils ne font pas preuve de bonne foi. C'est cette politique que je critique—et non des personnes en particulier. La politique consistant à accorder la priorité aux intérêts commerciaux dans le cadre de brevets concernant les médicaments plutôt qu'à la santé humaine est...

Des voix: Oh, oh.

La présidente: À l'ordre je vous prie?

Monsieur McBane, pourriez-vous tâcher de modérer vos paroles?

M. Michael McBane: En ce qui concerne le deuxième point, à savoir interrompre le débat, je cite le ministre qui a dit qu'il n'y aura aucun débat ni aucune discussion sur les incidences plus générales. Il est inacceptable de considérer que trois jours d'audiences soient suffisants.

La présidente: Monsieur McBane, vous n'êtes peut-être pas au courant du fonctionnement du processus parlementaire, mais le fait est que le projet de loi S-17 a un S dans le titre parce qu'il a été d'abord présenté au Sénat. Le Sénat a tenu des audiences pendant de nombreux jours et de nombreuses heures. Lorsque nous faisons l'inverse—et il s'agit du processus inverse dans le cas de la Chambre—nous tâchons de ne pas répéter tout ce qui a déjà été fait. Nous tâchons d'exprimer les divergences d'opinions qui existent peut-être toujours avant que le projet de loi en arrive à l'étape de l'étude, article par article. Si vous examinez les antécédents de ce comité et du comité du Sénat, je crois que vous constaterez que lorsque nous tenons de longues séances sur un projet de loi, le Sénat en tient de plus courtes. Mais tout le monde a eu amplement le temps, depuis la décision de l'OMC, de savoir que les audiences auraient lieu à un certain moment au cours du mois de mai, lorsque le projet de loi a été renvoyé à notre comité.

Donc, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous allons passer à notre prochain intervenant, M. McTeague.

• 1045

M. Dan McTeague (Pickering—Ajax—Uxbridge, Lib.): Je vous remercie, madame la présidente.

Je tiens tout d'abord à faire savoir à chacun d'entre vous à quel point je regrette qu'on vous ait tous groupés ainsi. Je constate que l'industrie comparaît ici en compagnie d'autres groupes d'intérêts, et je ferai probablement la même chose le 29, comme la présidente l'a expliqué, par suite de circonstances indépendantes de la volonté du comité.

C'est toutefois une question qui me tient à coeur, pour des raisons évidentes. Je suis député, et j'ai été dûment élu, comme tous mes collègues ici. La santé est la question qui préoccupe le plus chaque Canadien, indépendamment du côté de l'industrie où l'on veut se ranger. Pour cette raison, je pense que le principal objectif des députés ici présents, c'est de déterminer ce qui est dans l'intérêt public général. Je crois que nous respectons et comprenons tous l'importance de nos obligations internationales, mais nous ne pouvons pas oublier les obligations que nous avons envers les Canadiens. Donc, j'aimerais vous signaler un certain nombre de préoccupations qui ont été soulevées.

Comme vous le savez, les représentants de l'industrie ont comparu ici hier. Les discussions ont été assez intéressantes. J'aimerais demander à la présidente, ou au greffier, de s'assurer qu'un exemplaire du projet de loi Schumer-McCain est effectivement distribué aux députés. Je crois que ce sera extrêmement important tant maintenant que plus tard.

C'est la troisième fois que le comité entend des témoignages sur la réglementation. À ma connaissance, ni la décision de l'OMC, ni la loi sur les brevets, telle qu'elle était envisagée en 1993, ne prévoyait le recours à l'injonction automatique, laquelle, comme le ministère de l'Industrie l'a laissé entendre l'autre jour, est propre à cette industrie. Ce qui n'est pas propre à cette industrie, c'est le fait que le comité de l'industrie en 1997 a entendu—et je cite l'une des recommandations—les témoignages des deux camps laissent entendre que le système tel qu'il existe à l'heure actuelle pose problème et a entraîné une prolifération de litiges.

Le 25 avril 1997, la veille du déclenchement des élections fédérales—je me demande comment j'ai manqué cela—un communiqué du ministre précédent indiquait que la recommandation particulière du comité portant sur le cadre réglementaire de la politique sur les brevets concernant les médicaments, réclamait un changement permettant de répondre aux préoccupations des intéressés, d'assurer l'équité et l'efficacité, et de réduire les litiges inutiles. Le ministre avait indiqué qu'en abordant la nécessité d'un changement, nous devions tenir compte de la nécessité de faire la part des choses.

Avançons rapidement jusqu'en 1998. Nous avons alors découvert qu'Industrie Canada avait effectivement procédé à un examen. Il avait effectivement réduit de 30 à 24 mois la durée de l'injonction automatique, mais cette mesure s'est avérée insuffisante parce que ceux qui font les allégations continuent d'obtenir des prolongations. Nous savons aussi que parallèlement, au lieu de permettre d'aborder précisément cette question, comme le comité en avait exprimé l'intention en 1997, la question des contestations précédentes qui auraient permis à l'ensemble du processus de se dérouler au moment du 20e anniversaire, vient d'être neutralisée dans les faits, ici encore par des gens qui ne sont pas responsables devant le Parlement, mais qui devraient peut-être l'être.

Comme nous avons un certain nombre de députés qui tiennent à présenter le CEPMB comme le modèle parfait propre à nous rassurer sur le fait que rien ne cloche dans cette industrie, l'autre jour nous avons réussi à déterminer, en ce qui concerne la R-D de l'ordre de 900 millions de dollars par des fabricants de médicaments d'origine, qu'une forte proportion de ce montant était consacrée à la publicité, et non à la recherche directe.

J'ai donc quelques questions car je sais que d'autres collègues voudront peut-être faire allusion au fait que les prix canadiens des médicaments sont moins élevés en règle générale. M. Lexchin, vous en indiquez certains dans votre tableau. J'aimerais pouvoir vérifier ce qui suit. Si je me trompe, veuillez me le dire, car j'ai quelques questions à poser à ce sujet.

Les États-Unis sont le pays au monde où les prix des médicaments sont les plus élevés, et le taux de change canadien signifie que la plupart des médicaments sont meilleur marché au Canada. Lorsque nous parlons des prix meilleur marché en fonction des pourcentages et des coûts des médicaments partout dans le monde, nous parlons des sept pays de l'OCDE utilisés comme référence par le CEPMB pour le prix des médicaments brevetés. Les sept pays, c'est-à-dire la France, l'Allemagne, l'Italie, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni et les États-Unis sont parmi les pays où le prix des médicaments est le plus élevé. À l'exception de l'Italie, tous ces pays ont quelque chose en commun, mais pas avec le Canada, à savoir que le siège social de ces fabricants de médicaments d'origine se trouve dans ces pays.

Ma question est très simple—en fait, elle se décompose en deux parties. Les représentants d'Industrie Canada nous ont dit l'autre jour qu'en 1998, après l'examen quinquennal des dispositions législatives, prévu par la loi, ils avaient procédé à un examen complet et exhaustif des répercussions du Règlement. Ils ont alors ajouté qu'ils estimaient qu'un équilibre approprié avait été établi. Lorsque l'on parle de 1998, cela ne remonte pas à si longtemps. J'aimerais savoir si les choses ont changé, ou si nous sommes revenus à la case départ?

• 1050

La deuxième question porte sur les mises au point à l'avance. Le représentant a déclaré, indépendamment de ce qui a été dit à l'OMC, que les mises au point à l'avance étaient uniquement utilisées par l'industrie des médicaments génériques. J'ai posé la question à ces représentants, grâce à l'aide de mon efficace attaché de recherche, Geoff Kieley. Il y avait d'autres industries dans la même situation—pesticides, agriculture, produits chimiques, dispositifs médicaux—qui ont promis de fournir une réponse au comité.

Pourriez-vous nous éclairer sur cette question, monsieur Keon?

M. Jim Keon: Oui. Je vais aborder la question de la mise au point à l'avance.

Il s'agit d'une question assez intéressante. La mise au point à l'avance et l'entreposage ont été contestés par l'Union européenne qui considérait que cela n'était pas conforme à l'ADPIC. Le gouvernement canadien les a défendus et a dit non, ils sont conformes à l'accord. Comme nous étions l'industrie visée, ils nous ont convoqués et ont travaillé en collaboration avec nous, et nous leur en sommes très reconnaissants.

L'un des points soulevés par l'Union européenne, c'est que la disposition sur la mise au point à l'avance violait l'ADPIC parce qu'elle était discriminatoire; elle ne s'appliquait qu'à un secteur, le secteur pharmaceutique. En vertu de cet accord, on est censé appliquer les règles régissant les brevets de façon plus générale, à tous les secteurs. L'un des arguments invoqués par le Canada pour se défendre—un argument très solide, c'était que non, c'était faux; il s'agit d'une disposition d'application générale qui peut s'appliquer à toute industrie au Canada qui est tenue de présenter une demande réglementaire.

Donc un fabricant de produits génériques, dans n'importe quel secteur, y compris ceux que vous avez mentionnés, peut profiter de la disposition concernant la mise au point à l'avance.

Je demanderai à Ed Hore—en fait il y a eu des litiges à ce sujet, où les tribunaux ont effectivement déterminé que, oui, la disposition est d'application générale.

Me Ed Hore: Il y a un cas, le cas Visex, dont a été saisie la Cour d'appel fédérale. Cela concernait la chirurgie de l'oeil, je crois. L'un des arguments invoqués dans ce secteur concernait la disposition relative à la mise au point à l'avance, et le tribunal a maintenu que cette disposition pouvait s'appliquer à cette industrie.

M. Dan McTeague: Pourriez-vous, messieurs, m'expliquer... Nous avons entendu des témoignages très intéressants à la suite de la question posée par mon collègue, monsieur Brien. Je constate que dans sa province, comme dans la mienne, vous avez indiqué qu'il existe une lacune, à savoir que 60 p. 100 ou 70 p. 100 de la population ne reçoit peut-être pas les médicaments dont elle a besoin. En raison de l'importance de cette question pour nous tous en tant que décideurs, malgré le fait que les politiques sont peut-être de plus en plus dictées et élaborées par des gens qui ne sont pas responsables devant le Parlement...

Je crois également comprendre qu'une étude a été faite il y a un certain temps au Québec, et je voulais savoir si vous pourriez nous donner des précisions à ce sujet. Je ne sais pas si c'est l'université McGill qui a laissé entendre que bien des gens dans cette province se trouvent dans une situation où ils doivent souvent choisir entre l'achat de médicaments et l'achat de nourriture, et que l'effet de ce dosage insuffisant est une plus grande préoccupation dans cette province et certainement dans son projet de loi général sur l'assurance-maladie.

M. Jim Keon: Je commencerai. Je pense que M. Lexchin pourra également pour fournir des éclaircissements à ce sujet.

Je crois que vous faites allusion à une étude faite par Mme Tamblyn de l'université McGill. Elle avait été chargée par le gouvernement du Québec d'examiner les répercussions des changements apportés au programme universel d'assurance-médicaments de cette province.

M. Dan McTeague: Par le gouvernement du Québec?

M. Jim Keon: Par le gouvernement du Québec.

En 1997, le gouvernement du Québec a lancé un programme universel d'assurance-médicaments qui est sans doute offerte à tout le monde. Mais pour la première fois, le gouvernement a exigé que les prestataires d'aide sociale et les aînés versent une quote-part et des cotisations. Dans le cadre de son étude, Mme Tamblyn a constaté—et je céderai maintenant la parole à M. Lexchin—qu'en raison de ces coûts, les gens cessaient de leurs médicaments et par conséquent tombaient malades et dans certains cas mourraient parce qu'ils n'avaient pas accès aux médicaments.

La présidente: Monsieur Lexchin.

Dr Joel Lexchin: Je vous remercie.

M. Keon a essentiellement résumé la situation. L'étude a constaté que dans le cas de personnes particulièrement vulnérables, et dans ce cas-ci il s'agissait de prestataires d'aide sociale, l'établissement des quotes-parts a effectivement entraîné une diminution de l'utilisation des médicaments nécessaires. Nous ne parlons pas ici de prendre un antihistaminique en cas de rhume des foins; nous parlons d'utilisation de médicaments pour des gens ayant des problèmes cardiaques, de diabète, des choses de ce genre.

On a constaté dans le cas des prestataires d'aide sociale une augmentation du taux d'hospitalisation de 194 p. 100, une augmentation de 22 p. 100 de visites chez le médecin et une augmentation d'un peu plus 100 p. 100 des visites aux services des d'urgence. Il s'agit des conséquences directes de l'établissement des quotes-parts pour ce groupe qui auparavant n'en payait pas. On a constaté également des augmentations semblables, bien que moins spectaculaires, du taux d'hospitalisation, de visites chez le médecin et de visites au service des urgences chez les personnes âgées.

• 1055

Si on calcule tout cela, on se rend compte que l'augmentation des dépenses engagées par le gouvernement du Québec au titre des soins de santé a probablement été plus importante que celle tirée des quotes-parts.

La présidente: Merci.

Je suis désolée, monsieur McTeague, mais je dois donner la parole à quelqu'un d'autre. Vous avez dépassé vos dix minutes.

Madame Desjarlais.

Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Je dois reconnaître d'emblée que nous, les députés, ne partageons pas les mêmes points de vue idéologiques sur les décisions commerciales touchant notamment les soins de santé, mais je ne veux pas me lancer dans un débat car nous n'avons pas le temps de le faire. Je vais donc vous demander de clarifier certaines choses pour moi.

Je ne sais pas qui l'a dit au juste, mais je crois que quelqu'un a dit qu'en Australie, on exerce rigoureusement le contrôle des prix. Comment procède-t-on exactement en Australie?

Dr Joel Lexchin: En Australie, la réglementation des médicaments se fait au niveau national. Les médicaments doivent passer par ce que l'on appelle là-bas le Pharmaceutical Benefits Advisory Committee, lequel comité fait une étude pharmaco-économique des médicaments en question et recommande de les inscrire au formulaire national ou non. Si le comité recommande l'inscription du médicament, celui-ci est alors envoyé à un comité chargé de l'établissement des prix qui entame des négociations avec le fabricant. Si le fabricant rejette le prix qu'on lui propose, il est libre de le commercialiser, mais le médicament ne sera pas couvert par le Régime d'assurance-médicaments.

Si le médicament n'est pas couvert par le Régime d'assurance-médicaments, le fabricant perd le gros du marché australien. C'est pourquoi les fabricants de médicaments ont généralement intérêt à accepter le prix de lancement suggéré.

Mme Bev Desjarlais: Quelqu'un a dit qu'il n'était pas nécessaire de maintenir l'avis de conformité pour se conformer à la décision de l'OMC. Certains d'entre nous, ici présents, ont probablement déjà lu la décision. Je vais vous rappeler ce en quoi elle consiste, mais je vais vous épargner les détails, car certains d'entre nous, des deux côtés de la Chambre, savent déjà de quoi il s'agit. L'avis de conformité, on en conviendra tous, ne fait pas partie de la décision. Ayant lu la décision, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il n'y figure pas. On semble vouloir accélérer les choses, et c'est pourquoi on ne veut rien changer et on veut maintenir l'avis de conformité. Or, c'est justement les abus auxquels donne lieu l'avis de conformité que vous voudriez que nous éliminions. Vous ne voulez pas lancer un débat idéologique, mais simplement attirer notre attention sur les abus qui pourraient découler de l'avis de conformité.

M. Jim Keon: C'est bien cela.

Mme Bev Desjarlais: Dans le même ordre d'idées, quand vous parlez du nombre de brevets, histoire de clarifier les choses, je vous donnerai le premier exemple qui me vient à l'esprit. Supposons que vous fabriquez de l'acide acétoxybenzoïque et que vous voulez fabriquer de la gomme à base d'acide acétoxybenzoïque, ou encore vous voulez produire du liquide à base acétoxybenzoïque, est-ce que cela signifie que pour chaque procédé, il y a un brevet différent?

Me Ed Hore: Pis encore, il peut s'agir d'un simple comprimé. Il n'est pas nécessaire d'avoir différents comprimés, puisque le même comprimé peut être protégé par six brevets différents, et de nouveaux brevets peuvent être ajoutés n'importe quand. C'est le cas du médicament Omeprazole, par exemple. Il s'agit de la même pilule.

Mme Bev Desjarlais: Serait-ce que la mise en circulation est lente, que le comprimé est enrobé ou...

Me Ed Hore: C'est que le fabricant demande un brevet pour un procédé qui fait que le produit est fabriqué d'une façon par opposition à une autre, ou que l'enrobage se fait d'une façon et non d'une autre et ainsi de suite.

Mme Bev Desjarlais: Autrement dit, que le produit soit enrobé de chocolat, de yogourt...

Me Ed Hore: Exactement, vous pourriez demander un brevet pour quelque chose de ce genre, par exemple. Les brevets n'ont donc pas vraiment de poids, mais ils sont là.

Mme Bev Desjarlais: Autrement dit, ce n'est même pas l'ingrédient médical qui doit forcément être conforme au procédé décrit dans le brevet en question.

Me Ed Hore: Vous avez tout à fait raison. Cela dit, l'injonction de 24 mois est déclenchée automatiquement. Plus il y a de brevets, plus c'est compliqué, puisque l'injonction est déclenchée chaque fois que l'on ajoute un nouveau brevet. Cela peut durer à l'infini.

Mme Bev Desjarlais: On pourrait présumer que ces procédés ne coûtent pas des millions de dollars en R-D aux fabricants de médicaments brevetés.

Me Ed Hore: C'est évidemment très difficile à dire. Cela dépend des cas.

• 1100

Mme Bev Desjarlais: J'imagine que si cela était le cas, ce ne serait pas le meilleur plan d'entreprise.

Me Ed Hore: Mais voyez-vous, les fabricants de médicaments génériques ne procèdent peut-être pas de la même façon. En effet, peut-être se disent-ils: «Ce médicament étant protégé par un brevet, je ne vais pas le fabriquer de cette façon-ci, mais j'essaierai d'une autre façon.»

Peut-être devrais-je préciser davantage notre position; nous ne nous opposons pas à ce que les fabricants puissent obtenir des brevets. Il est évident qu'ils doivent pouvoir se protéger au moyen de brevets. En revanche, nous pensons qu'ils ne devraient pas pouvoir se prévaloir systématiquement d'une injonction. Ils devraient avoir droit à tous les recours auxquels ont accès les autres détenteurs de brevets de l'industrie, notamment le droit d'entamer des poursuites pour contrefaçon de brevet. Ceci étant dit, nous pensons que l'injonction ne devrait pas être accordée systématiquement.

Mme Bev Desjarlais: Des représentants de l'industrie nous ont dit durant leur comparution ici—à moins que ce ne soient des représentants ministériels—qu'aucun médicament ne dépassait la protection de 20 ans. Ils nous ont dit qu'ils feraient en sorte que tous les médicaments jouissent d'une protection de 20 ans, mais que les brevets qui ont dépassé les 20 ans ne pourraient être ramenés à cette période. Avez-vous connaissance de médicaments qui tombent dans cette catégorie, à savoir les médicaments qui ont dépassé la période de 20 ans et dont la protection ne sera pas ramenée à 20 ans?

M. Jim Keon: Oui. En fait, la vaste majorité des brevets obtenus en vertu de l'ancienne loi régissant les médicaments—il s'agit des brevets demandés avant 1989, quand la période de protection était de 17 ans à compter du jour où le brevet est octroyé—et je pense que les chiffres se situent entre 80 p. 100 et 90 p. 100, dépassaient les 20 ans.

Les statistiques officielles révèlent que, dans l'ensemble, 60 p. 100 à 65 p. 100 de tous les brevets dépassaient effectivement la période de 20 ans. Mais si l'on se limite à l'industrie pharmaceutique, soit la seule industrie visée par ce projet de loi et la seule à avoir manifesté un intérêt pour cela—et là encore, je cite des statistiques officielles—entre 80 p. 100 et 90 p. 100 des brevets dépassent la protection de 20 ans.

Le médicament le plus important s'appelle Vasotec. Il s'agit d'un médicament pour le coeur dont la durée de protection par brevet est d'environ 27 ans. Au Canada, le brevet est censé expirer en 2007. Au chapitre des ventes de médicaments au Canada, je crois qu'il est cinquième. Aux États-Unis, où c'est désormais un médicament générique, son prix a baissé considérablement. Par contre, au Canada, il faudra encore attendre six ans avant l'expiration du brevet.

Dans notre mémoire, nous exhortons le gouvernement de ramener la protection de ces brevets à 20 ans. S'il est juste de prolonger à 20 ans la durée de certains brevets, ne serait-il pas aussi juste de ramener à 20 ans la durée de ceux qui dépassent les 20 ans? À cela, les pouvoirs publics nous ont répondu: «C'est que l'OMC ne nous a pas obligés à le faire.»

Mme Bev Desjarlais: Revenons au cas de ce médicament en particulier. Quelles seraient les économies réalisées avec ce médicament?

M. Jim Keon: Je vais reprendre les statistiques évoquées par M. Lexchin. En Ontario, qui est le marché le plus important, le premier médicament générique ne peut être commercialisé à moins que son prix ne soit d'au moins 30 p. 100 celui du médicament breveté. Le deuxième ne peut être commercialisé avant que son prix ne soit d'au moins 37 p. 100 inférieur au prix original. Le médicament breveté en question rapporte annuellement près de 150 millions de dollars. Donc, 37 p. 100 de ce chiffre signifie plus de 50 millions de dollars en économies, et ce, sur un seul médicament. Or, le Canada devra encore attendre six ans pour cela. À défaut de ramener à 20 ans la protection octroyée à ce médicament, les Canadiens devront débourser environ 300 millions de dollars.

Mme Bev Desjarlais: Très bien.

Le vice-président (M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.)): Avez-vous d'autres questions?

Mme Bev Desjarlais: Non, je vous remercie.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): La parole est à Mme Jennings.

[Français]

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur Lastewka et merci beaucoup pour vos présentations.

J'aimerais commencer en vous souhaitant, monsieur Benedict, bonne chance et la réussite dans la lutte que vous menez.

Deuxièmement, monsieur McBane, je joins ma voix à celle de mes collègues des deux côtés de la Chambre pour dire que j'ai trouvé vos commentaires disgracieux et regrettables. Je pense que la présidente du comité vous a bien expliqué le processus et les règlements, la façon dont les choses s'organisent et le fait que compte tenu que ce projet de loi émane du Sénat, l'usage veut qu'on prenne moins de temps au niveau de la Chambre des communes et qu'on s'attarde seulement aux points sur lesquels il semble y avoir encore de la confusion ou un manque d'information.

J'ai essentiellement une question. Les médicaments non brevetés ou génériques, ça m'intéresse beaucoup. La Coalition des Médecins pour la Justice Sociale est dans mon comté, à Montréal. C'est une des voix les plus fortes et respectées au Québec sur la question du droit des patients, du droit des malades, de la nécessité d'avoir accès au service médical, y compris aux médicaments à bon prix, etc.

• 1105

J'ai également des beaux-parents qui prennent tous deux des médicaments pour se garder en vie, et si ce n'était du fait qu'ils ont la chance d'avoir des enfants qui peuvent les aider financièrement, ils seraient mal pris, malgré le régime universel de médicaments du Québec et, en partie, à cause de cela.

Donc, je suis sensibilisée à cette question, mais j'ai quand même quelques questions à poser à l'association. Si on se base sur les cinq dernières années, combien y a-t-il eu, en moyenne par année, de médicaments brevetés dont les brevets sont arrivés à échéance? On peut présumer que ça donne la possibilité aux compagnies pharmaceutiques génériques de produire ces médicaments. Dans une année, combien y en a-t-il?

Si, par exemple, on a 90 000 médicaments sur le marché et que 80 000 d'entre eux sont brevetés, à chaque année, on peut dire qu'il y a de nouveaux médicaments brevetés qui arrivent sur le marché, mais qu'il y a des médicaments qui ne sont plus brevetés ou qui arrivent sur le marché sans brevet, tout simplement. Et c'est un marché qui est disponible pour les compagnies pharmaceutiques génériques qui désirent les produire. J'aimerais savoir combien il y a de tels médicaments dans une année. De ce nombre, pour combien de médicaments demandez-vous l'avis de Santé Canada afin de pouvoir commencer à les produire? Combien de demandes sont déposées annuellement à Santé Canada? De ce nombre total de demandes, combien de compagnies pharmaceutiques détenant des brevets contestent? Donc, on parle de l'injonction.

Je dois vous dire que je suis avocate de formation et qu'avant de conclure que les informations et les données sont exactes, je veux voir la situation globale. Alors, quand vous arrivez et que vous dites que l'utilisation de ce pouvoir est abusive de la part des compagnies pharmaceutiques qui produisent les médicaments brevetés, je veux voir de quelle façon, où ça se situe.

Quand on vient me dire que les policiers abusent de leur pouvoir d'émettre des contraventions pour excès de vitesse, je veux voir les données. Je demande combien y a-t-il de cas d'excès de vitesse, et de ce nombre, combien résultent en l'émission d'une contravention, par exemple, avant de déterminer que c'est effectivement abusif. Je ne m'attends pas à ce que vous me fournissiez les données maintenant, mais j'aimerais que vous les fournissiez au comité. Le greffier et la présidente vont certainement s'assurer de les distribuer aux membres du comité.

J'ai entendu parler d'une étude qui a eu lieu en 1999, qui a démontré que les 72 produits pharmaceutiques non brevetés les mieux vendus représentaient 10 p. 100 des ventes annuelles des produits pharmaceutiques. Est-ce exact? Si c'est exact, combien sont produits par vos compagnies membres comparativement à ceux qui sont produits et vendus par les compagnies qui font la recherche? Si vous ne pouvez pas nous fournir les informations maintenant, j'apprécierais que vous nous les fournissiez par écrit.

J'ai une dernière question. Quel est le délai moyen entre la demande d'approbation pour la production d'un médicament générique sur lequel il existe ou il existait un brevet et l'approbation ou la non-approbation? Je parle du délai moyen pour la prise de décision par nos officiels? Ça aussi, ça doit être pris en compte si on veut conclure qu'il y a, de la part des compagnies, une utilisation abusive du droit de demander une injonction. Si vous n'avez pas l'information maintenant, vous pourriez toujours la faire parvenir par écrit au au comité.

Merci.

• 1110

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Keon.

M. Jim Keon: Sur le marché, les compagnies génériques vendent 41 p. 100 des produits d'ordonnance au Canada. Cependant, les compagnies génériques n'ont que 14 p. 100 des revenus.

Mme Marlene Jennings: Ce n'est pas ce que je vous ai demandé.

M. Jim Keon: Au total, nos compagnies manufacturent et vendent des centaines de produits. Les grandes compagnies comme Apotex, Novopharm, Genpharm produisent et vendent... Apotex, par exemple, produit et vend 400 ou 500 produits. Alors, elles en vendent beaucoup.

En ce qui concerne les autres questions du marché, peut-être pourrions-nous vous faire parvenir l'information et les résultats par écrit.

En ce qui concerne les questions juridiques, je vais demander à M. Hore d'y répondre.

[Traduction]

Me Ed Hore: Si j'ai bien compris votre question, vous me demandez comment nous savons qu'il y a abus, et comment nous pouvons le quantifier. Je crois que ce qui compte en bout de ligne, c'est de déterminer si le produit générique empiète sur le brevet. S'il n'y a pas eu de contrefaçon de brevet et qu'il y a eu injonction, cela constituerait alors un abus dans la mesure où on a empêché la commercialisation d'un produit. Je pense que les données que nous allons fournir à la demande de M. Brien répondront à votre question.

Je pense que vous m'avez également demandé, si les enquêtes commencent toujours à partir du moment où il y a eu allégation de contrefaçon.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Non, non. Voici ce que j'ai demandé. Vos compagnies membres peuvent demander à Santé Canada l'autorisation de produire un certain nombre de produits pharmaceutiques. Pour combien de ces produits le font-elles? S'il y a 1 000 produits pharmaceutiques qui ont été brevetés et que vous pouvez être autorisés à les produire en tant que compagnies, pour combien de ces produits faites-vous une demande d'autorisation? Est-ce 5 sur 1 000? Est-ce 500 sur 1 000? Est-ce 1 000 sur 1 000?

[Traduction]

M. Jim Keon: Comme je l'ai déjà dit, les grands fabricants de médicaments génériques nous représentant fabriquent des centaines et des centaines de produits. C'est l'une des caractéristiques qui distinguent le fabricant générique du fabricant de médicaments brevetés. La plupart des fabricants de médicaments brevetés ne fabriquent qu'un éventail très limité de produits—entre 10 et 12 produits. En revanche, les grands fabricants de médicaments génériques fabriquent des centaines de produits.

La contribution des médicaments génériques consiste à permettre des économies pour le système de soins de santé. Il en découle que si l'on commercialise une version générique d'un médicament qui se vend à 200 millions de dollars par année au Canada, les économies seront beaucoup plus importantes que si l'on essayait de commercialiser un médicament dont les ventes annuelles sont de 2 millions de dollars par année. Les entreprises que nous représentons, dans l'ensemble, concentrent leurs efforts sur les produits qui réussissent le mieux sur le marché. Ce sont ces produits qu'elles visent, car ils sont plus précieux pour le système de soins de santé.

Nous vous ferons parvenir des statistiques, car je n'en ai pas sous les yeux, mais quoi qu'il en soit, les fabricants de médicaments génériques essaient de commercialiser plusieurs dizaines de produits chaque année.

[Français]

Mme Marlene Jennings: Si je comprends bien, puisque vous dites que votre objectif est d'améliorer la situation des consommateurs canadiens, vous êtes des entités à but non lucratif. Votre objectif n'est pas de maximiser le profit. Donc, comme vous venez de le dire vous-même, vous ne choisissez pas nécessairement les produits dont les ventes démontrent que vous allez pouvoir générer des profits pour vos actionnaires en les mettant sur le marché. Cela n'a aucune incidence quant aux produits que vous choisissez pour demander une autorisation de mise en marché. Ce n'est pas un facteur qui est pris en considération dans le choix des produits que vous désirez mettre sur le marché. C'est pour cela que je vous ai demandé combien de produits vous pourriez être autorisés à mettre sur le marché chaque année et pour combien de produits, parmi ceux-là, vous faites une demande.

• 1115

[Traduction]

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Madame Jennings, je demanderai à M. Keon s'il peut fournir au comité ces statistiques.

M. Jim Keon: D'accord. Je voudrais simplement clarifier quelque chose, à savoir que nous représentons des entreprises qui, nous l'espérons, sont rentables. Ce sont des entreprises qui se spécialisent dans la fabrication de médicaments génériques. Les médicaments génériques sont censés être les équivalents de médicaments brevetés, qui sont commercialisés à des prix inférieurs. C'est ce que font les membres de notre association, et ils le font très bien. Comme je l'ai déjà dit, il existe quelque 5 000 médicaments sur le marché, mais la capacité de production des fabricants de médicaments génériques est limitée. En effet, ils ne peuvent pas fabriquer tous les médicaments. C'est pourquoi ils choisissent les médicaments...

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Ma collègue vous a posé une question, mais vous n'êtes pas obligé d'y répondre maintenant. Vous pouvez envoyer une réponse au comité plus tard. Quel serait le pourcentage possible? Pourriez-vous nous donner des chiffres?

Monsieur Rajotte, vous avez cinq minutes.

M. James Rajotte: Je vous remercie, monsieur le président.

Je voudrais parler de l'incidence de ce projet de loi. J'ai été quelque peu surpris par l'une des choses qui ressortait des exposés d'aujourd'hui. Tous semblent penser que l'incidence sera beaucoup plus grande que je ne l'ai perçue au début. D'après les informations que j'ai reçues, à peine une trentaine de brevets seront touchés par ce projet de loi, et l'incidence sera relativement minime.

Monsieur Keon, peut-être pourriez-vous répondre à cette question, ou peut-être quelqu'un d'autre. Le nombre de brevets qui seront touchés est-il supérieur? Pour ce qui est de la durée, on semble dire qu'il s'agit de trois ans, autrement dit on passerait de 17 à 20 ans, mais là encore, selon les informations dont je dispose, cette période serait en réalité de six mois. Ces informations sont-elles correctes? Avez-vous d'autres informations à me fournir?

M. Jim Keon: Je crois que les informations que vous avez évoquées proviennent d'Industrie Canada. Je ne pense pas que seuls 30 brevets ou produits seront touchés dans le secteur pharmaceutique. On nous a dit que quelque 30 000 brevets bénéficieraient de ce projet de loi, mais la plupart d'entre eux n'auraient aucune valeur commerciale.

À en croire les statistiques d'Industrie Canada, dans le secteur pharmaceutique, il y aurait environ 30 produits qui seraient touchés, ce qui représenterait quelque 200 millions de dollars en coûts supplémentaires.

Il faudrait se rappeler également que l'article de la loi autorisant la prise de règlements en matière d'emmagasinage a été abrogé. En vertu de cette disposition, les fabricants de médicaments génériques pouvaient fabriquer un produit en quantités commerciales, l'emballer et le préparer en vue de son expédition, et ce, pratiquement le jour où le brevet arrive à expiration ou le jour où ils obtiennent gain de cause auprès des tribunaux.

Or cela n'est plus possible; il y a donc un décalage. Pour chaque médicament générique nouveau, il faudra prévoir un décalage de plusieurs semaines ou mois, selon la difficulté que le fabricant aura à le préparer. C'est ce que prévoit le règlement sur l'emmagasinage.

À notre avis, le projet de loi poursuit cette tendance visant à octroyer une plus grande protection par brevet.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je ne sais pas si l'on a répondu à votre question. Est-ce que vous vouliez savoir quel était le nombre de médicaments touchés?

M. James Rajotte: Vous ne remettez pas en question le fait qu'il s'agit de 30 produits?

M. Jim Keon: C'est bien cela, le prolongement du brevet touchera 30 produits. J'essayais simplement de vous expliquer que pour chaque nouveau médicament générique, il faut attendre l'expiration du brevet ou la fin du procès, ce qui se traduira probablement par un retard de plusieurs semaines ou mois, étant donné que la disposition concernant l'emmagasinage a été abrogée. Le projet de loi aura donc deux effets.

M. James Rajotte: L'autre question que je voulais aborder a déjà été soulevée par d'autres membres du comité. Je crois qu'on appelle cela la reconduction perpétuelle de brevets. Je ne suis pas sûr de comprendre comment cela marche exactement. Si on obtient un brevet pour les ingrédients d'un médicament, comme M. Hore l'a signalé, on peut quand même demander ultérieurement un brevet pour le codage. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi le fabricant de médicaments génériques ne peut pas utiliser les éléments figurant dans le premier brevet et peut-être concevoir son propre codage. Pourriez-vous éclairer ma lanterne, s'il vous plaît?

• 1120

Me Ed Hore: C'est précisément ce que la reconduction perpétuelle de brevets fera. Le fabricant de médicaments brevetés dira qu'il veut éviter toute contrefaçon de brevet de codage, et c'est pourquoi il utilise un nouveau codage. Étant donné que le brevet de codage est régi par le règlement, le fabricant de médicaments brevetés a automatiquement droit à une injonction de 24 mois qu'il y ait eu contrefaçon de brevet ou non. En d'autres mots, le fabricant de médicaments génériques aura beau dire que son produit est différent, le fabricant de médicaments brevetés pourra le poursuivre et obtenir automatiquement une injonction de 24 mois. Tout en sachant qu'il n'y a pas de contrefaçon de brevet, le fabricant de médicaments brevetés peut quand même décider de se prévaloir de l'injonction de 24 mois.

M. James Rajotte: Je veux m'assurer de vous avoir bien compris.

Supposons que l'on découvre les ingrédients d'un médicament, ou que l'on soit sur le point de les découvrir, et on demande un brevet. Le fabricant en question obtient alors un brevet d'une durée de 20 ans. Il conçoit le codage, ou voire un autre type de codage, et supposons que tout cela se produit sur une période de cinq ans. Cela signifie-t-il que le fabricant de médicaments génériques ne peut utiliser les éléments figurant dans le premier brevet, car le fabricant de médicaments brevetés détient un deuxième brevet pour un codage différent?

Me Ed Hore: C'est bien cela. À supposer que le premier brevet a expiré.

M. James Rajotte: Pourquoi le fabricant de médicaments génériques ne pourrait-il pas utiliser des éléments figurant dans le premier brevet en se servant de son propre codage ou d'un codage différent?

Me Ed Hore: C'est précisément ce qu'on ferait. On utiliserait son propre codage. On utiliserait un codage distinct, mais pour reprendre votre exemple, étant donné que le deuxième brevet, qui porte sur le codage, est régi par le règlement, on dispose expressément que le fabricant de médicaments génériques doive soumettre une demande de brevet. Le fabricant de médicaments brevetés peut alors entamer des poursuites. En intentant un procès, le fabricant de médicaments brevetés déclenche automatiquement une injonction de 24 mois.

Je m'excuse si mon explication n'est pas tout à fait claire. Grosso modo, même après l'expiration du brevet initial, le fabricant de médicaments brevetés peut entamer des poursuites pour contrefaçon des autres brevets. Il peut s'agir d'un brevet de codage ou du brevet d'un procédé de fabrication de médicaments. Peut-être s'agit-il d'un brevet de ce qu'on appelle une forme cristalline. Chacun de ces brevets peut éventuellement déclencher une injonction de 24 mois en attendant que les tribunaux déterminent s'il y a eu contrefaçon ou non.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Désolé de vous interrompre, mais je dois donner la parole à quelqu'un d'autre.

Monsieur Cannis, allez-y.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Honnêtement, je ne sais par où commencer. Nous avons commencé notre discussion au sujet du projet de loi S-17, et nous avons parlé de tout sauf de cela. Je voudrais revenir à ce que mes collègues disaient...

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je vous demanderais de poser votre question et d'être précis, sinon je vais être obligé de vous interrompre.

M. John Cannis: J'ai récemment lu une déclaration faite par M. Keon—et je présume qu'il parlait au nom de l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques—dans laquelle il parlait de la décision de l'OMC et des 30 médicaments brevetés. Ensuite, il a abordé la question de l'injonction de 24 mois, etc.

J'ai lu votre déclaration, monsieur Keon, notamment en ce qui a trait à la prorogation de la protection de trois ans. Vous n'êtes pas sans savoir que des représentants d'Industrie Canada ont comparu devant nous il y a à peine deux jours pour parler de ce projet de loi. Ces représentants nous ont dit que la prorogation des brevets s'appliquerait à environ 30 médicaments—et je crois que vous ne contestez pas ce chiffre—et ce, pour une période moyenne inférieure à six mois. Est-ce que vous contestez cela, oui ou non?

M. Jim Keon: Vous avez évoqué deux choses distinctes. La première, c'est celle de la prorogation des brevets en vue de se conformer à la décision de l'Organisation mondiale du commerce. Selon Industrie Canada, la prorogation de brevets ne toucherait que 30 produits. La deuxième question, distincte, c'est de savoir si les fabricants de médicaments brevetés peuvent étendre leur monopole grâce aux règlements.

M. John Cannis: Le projet de loi S-17 porte sur la décision.

M. Jim Keon: Nous avons été assez clairs à ce sujet. La décision ne porte pas sur le règlement. La décision concerne la durée des brevets et l'emmagasinage. L'article du projet de loi autorisant la prise de règlement a été ouvert, puisque nous devons éliminer la disposition concernant l'emmagasinage, mais la décision ne dit rien au sujet du règlement.

M. John Cannis: Monsieur Keon, vous avez indiqué dans votre déclaration que la décision de l'OMC donnait au Canada 15 mois pour se conformer. Je crois comprendre que nous avions jusqu'au 12 août 2001 pour le faire, c'est-à-dire 10 mois. Pourriez-vous nous dire, pour le compte rendu, si l'OMC nous a donné 10 ou 15 mois?

M. Jim Keon: Je ne pense pas avoir dit que c'était 15 mois. Je conviens que la date est le 12 août.

M. John Cannis: Pourtant, vous dites ici dans votre propre communiqué...

M. Jim Keon: Quelle date est-ce qu'on donne?

M. John Cannis: C'est dans votre tout dernier communiqué. Je pourrais vous le dire si vous le souhaitez. Je cite:

    Dans sa décision d'octobre 2000, l'OMC donne au Canada 15 mois pour prolonger de 17 à 20 ans la durée des brevets. Pour se conformer à cette décision, le gouvernement fédéral propose des changements législatifs à la Loi sur les brevets.

Fin de citation.

• 1125

M. Jim Keon: La date butoir est le 12 août. Personne ne s'y oppose et personne ne le conteste.

M. John Cannis: Je m'adresse maintenant à M. McBane. C'est lui qui a parlé de la décision.

Vous connaissez la décision? Pouvez-vous nous en parler? Peut-être ignorons-nous ce qu'elle dispose exactement.

M. Michael McBane: J'ai lu le commentaire du Pr John Love...

M. John Cannis: Vous ne l'avez pas lu au complet, comme vous l'avez dit tout à l'heure.

M. Michael McBane: ...qui a mentionné que c'était une décision extrêmement longue et très compliquée.

M. John Cannis: Les ramifications de la décision...

M. Michael McBane: Celle-ci n'est pas vraiment abordée...

M. John Cannis: Sur quoi porte la décision?

M. Michael McBane: ...dans les délais impartis soit au Sénat, soit à la Chambre.

M. John Cannis: Qu'en savez-vous au juste? Quelles sont les deux principales questions qu'elle aborde? Le savez-vous?

M. Michael McBane: Ce que je sais de la décision... des arguments sur la propriété intellectuelle extrêmement techniques et les effets directs sur les questions touchant la santé.

M. John Cannis: Monsieur le président, à ce que je sache, l'incidence du projet de loi S-17 ne sera que minime.

M. Michael McBane: Ce que je veux vous expliquer, et j'ai l'impression que vous n'avez pas compris mon propos, c'est que l'on donne aux droits de propriété intellectuelle la priorité sur la politique en matière de santé, notamment dans le secteur des médicaments. Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un dans cette salle qui contesterait le fait que les médicaments constituent une composante importante du système de soins de santé. Or, on privilégie les intérêts commerciaux sur les médicaments, et c'est manifestement quelque chose qui est inclut dans le projet de loi S-17 et dans la décision de l'OMC.

M. John Cannis: Personne n'est en désaccord avec vous, monsieur McBane, mais la décision de l'OMC ne fait que prolonger la durée des brevets de quelques médicaments et éliminer la disposition concernant l'emmagasinage.

S'agissant de l'emmagasinage, le président d'Apotex, M. Jack Kay, a dit: «Les fabricants canadiens de médicaments génériques ne subiront pas de préjudice.» Et d'ajouter:

    Avec les méthodes de production modernes, les entreprises peuvent fabriquer jusqu'à 10 millions de comprimés par jour, et la version générique du médicament pourrait se retrouver sur la chaîne de fabrication en l'espace de deux semaines...

Au fonds, cette décision n'est nullement préjudiciable à des entreprises comme Apotex. C'est ce que nous a dit son propre représentant, monsieur le président.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Keon, allez-y.

M. Jim Keon: Je voudrais apporter une petite précision à cela. Je suis porte-parole d'Apotex aujourd'hui, et je puis vous dire que la décision nuit grandement à Apotex.

M. John Cannis: Je ne faisais que citer ce qu'il a dit.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Monsieur Brien, je m'excuse de vous presser, mais nous devons procéder rapidement, et c'est mon devoir de président qui me l'impose.

[Français]

M. Pierre Brien: Je veux revenir à une question qui n'est pas directement liée au projet de loi S-17, mais dont on a parlé. Vous parlez d'une injonction automatique de 24 mois et vous répétez cela comme si c'était systématiquement toujours 24 mois.

Ma question s'adresse à M. Hore. Est-ce que la cour ne peut pas rejeter les allégations dès le départ?

[Traduction]

Me Ed Hore: Oui, dans certaines circonstances, on peut déposer une motion au tout début pour faire rejeter la poursuite. En général, de telles motions ne sont pas couronnées de succès, et le procès a lieu.

[Français]

M. Pierre Brien: Vous dites que cela n'a pas été un succès. Vous remettez en cause le travail de cette instance judiciaire. Vous dites qu'elle n'a pas été efficace, qu'elle aurait dû accepter ces...

[Traduction]

Me Ed Hore: Non, nous pensons que les tribunaux, en ayant recours à la procédure civile ordinaire, la même procédure utilisée dans les différends concernant les brevets dans d'autres industries, sont tout à fait capables de trancher dans des différends opposant des acteurs de l'industrie pharmaceutique. Toutefois, nous nous retrouvons dans une situation où des règles spéciales sont imposées aux juges les obligeant à s'écarter de la procédure civile ordinaire pour favoriser un fabricant de médicaments brevetés. Donc, les chances de succès d'une motion comme celle que vous avez mentionnée sont très faibles. On qualifie généralement ces motions de frivoles et de vexatoires. Il est très difficile de satisfaire à un critère très élevé.

En matière de contentieux de cette nature, il y a beaucoup de jurisprudence qui permet d'établir s'il faut accorder une injonction ou non. C'est ainsi que l'on procéderait s'il s'agissait d'un brevet octroyé à IBM, Motorola ou une entreprise semblable. Dans les autres industries, les détenteurs de brevets sont assez capables de défendre leurs droits en recourant à la procédure civile ordinaire utilisée par le système judiciaire dans l'ensemble.

[Français]

M. Pierre Brien: Mon problème, c'est que vous nous présentez des cas dans lesquels, de toute évidence, on a fait preuve de mauvaise foi en vue d'étirer des brevets. Il me semble que si c'était si évident que cela, le juge aurait eu la possibilité de rejeter, dès ce moment-là, la demande faite par les compagnies de médicaments d'origine.

• 1130

[Traduction]

Me Ed Hore: Je ne pense pas avoir utilisé l'expression «de mauvaise foi». Je vous dirais ceci: rappelez-vous que ce sont là des dossiers très compliqués. Il s'agit de brevets qui sont souvent très longs et complexes. Il se peut que le brevet relève du domaine de la chimie organique.

Il est très difficile d'arriver à une décision sur la base d'une motion sommaire remettant en question le bien-fondé d'une poursuite. Dans l'ensemble, étant donné le critère utilisé, les tribunaux autorisent la tenue du procès. Il faut attendre longtemps avant d'avoir une date d'audience, et le procès a tendance à s'éterniser. Il arrive souvent qu'à l'approche de l'audience, le fabricant de médicaments brevetés dépose une plainte pour contrefaçon d'un autre brevet. Cela signifie qu'il faut recommencer à zéro. Pour un seul médicament, on pourrait entamer plusieurs poursuites. La procédure est très alambiquée et complexe, et elle est interminable. Tant que le procès n'est pas terminé, le médicament générique ne peut être commercialisé.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Merci beaucoup, monsieur Brien.

Je vais maintenant donner la parole à M. Bélanger, qui pourra poser quelques questions, puisqu'il n'a pas encore eu l'occasion de le faire.

[Français]

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Merci, monsieur le président. Il y a trois choses, et je vais les faire dans les trois minutes qui me sont allouées.

Premièrement, je voudrais faire un commentaire à l'intention de M. McBane. Je sais qu'il est passionné par la question de la santé publique et qu'il croit en ce qu'il dit. D'ailleurs, je lui ferai remarquer qu'une grande majorité des 301 députés à la Chambre des communes partagent cette passion d'un service de santé publique qui réponde aux attentes des Canadiens. Par contre, le mépris qu'il manifeste envers les députés va à l'encontre des intérêts qu'il tente de défendre. Je lui demanderais de faire preuve de moins de mépris envers les députés à l'avenir.

Deuxièmement, je n'ai pu assister à la séance du comité d'hier parce que je présidais un autre comité en même temps. Si j'avais été là, j'aurais demandé aux représentants du ministère de l'Industrie si le Bureau des affaires des consommateurs avait été prié de se pencher sur cette question et s'ils avaient un commentaire à faire, et sinon, s'ils étaient prêts à le faire à temps pour le 29, alors qu'on continuera les délibérations sur ce projet de loi. Je pose cette question.

[Traduction]

En ce qui concerne la reconduction perpétuelle de brevets, qui n'est pas abordée dans le projet de loi S-17, je crois que le comité devrait se pencher là-dessus à un moment donné. J'encouragerais certainement le comité à y consacrer un peu de temps l'automne prochain.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je vous remercie de vos observations.

Monsieur Keon, l'une des questions que de nombreux membres du comité ont soulevée... Je vais utiliser l'expression «abus du règlement» et ainsi de suite. Je vous demanderais de nous faire part de votre point de vue sur la question de l'abus. Je vous demanderais d'être concis et précis. Cela pourrait éclairer certains intervenants qui vous ont posé des questions allant dans ce sens.

Mme Paddy Torsney: J'ai un rappel au Règlement. Je veux simplement rappeler à tous nos invités aujourd'hui, par votre intermédiaire, monsieur le président, que tout le monde a toujours le droit de nous envoyer des informations. Cela n'a pas nécessairement besoin d'être un témoignage verbal. Si les membres de votre organisation veulent envoyer des informations aux membres du comité, ça se fait par l'intermédiaire du greffier, et nous sommes toujours très heureux de les recevoir.

Mon seul autre commentaire, c'est que nous n'approuvons pas toujours les mesures de nos collègues provinciaux. Nous partageons plusieurs préoccupations avec eux.

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Vous avez très bien résumé mon dernier commentaire.

M. Dan McTeague: Je vais conclure sur le même point.

J'espère que les fonctionnaires d'Industrie Canada qui ont comparu ici il y a deux jours s'assureront également que les réponses qu'ils nous ont promises nous parviendront avant le 29 mai. Nous ne voulons rien d'un fait accompli.

Voulez-vous vous assurer qu'il en sera ainsi, monsieur le président?

Le vice-président (M. Walt Lastewka): Je crois que la présidente y veille, comme elle l'a dit plus tôt aujourd'hui.

Je ne lui donnerai pas le droit de parole. Je lève la séance en disant merci à vous tous. Passez une excellente journée.

La séance est levée jusqu'à la convocation du président.

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