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HEAL Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON HEALTH

COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 24 octobre 2001

• 1539

[Traduction]

La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour. La séance est ouverte. Je souhaite la bienvenue à toutes les personnes présentes, en particulier à nos professeurs de droit. Nous avons entendu hier le point de vue de la profession médicale et aujourd'hui nous allons entendre celui des juristes.

Je suis heureuse de vous présenter notre premier intervenant, M. Patrick Healy, professeur agrégé de la Faculté de droit de l'université McGill. Monsieur Healy, vous avez la parole.

M. Patrick Healy (professeur agrégé, Faculté de droit, université McGill): Merci beaucoup, madame la présidente.

Avant de parler du fond de ce projet de loi, permettez-moi d'exprimer, de ma part et j'en suis convaincu de celle de mes deux collègues, notre reconnaissance pour l'invitation qui nous a été faite de venir vous présenter quelques commentaires au sujet de ce projet de loi.

Je dirais en ce qui me concerne que je suis avocat et également professeur de droit mais que mon répertoire est assez limité. Je suis un pénaliste. Je ne peux pas trop m'éloigner de mon domaine étroit de spécialisation mais si mes commentaires sur le droit pénal et les aspects constitutionnels de ce droit peuvent vous être utiles, je serais très heureux de vous les présenter.

• 1540

Il est évident que je ne suis pas en mesure de faire des commentaires sur les aspects scientifiques de ce projet de loi. Je sais que vous avez déjà entendu plusieurs témoins sur ces aspects et je ne vais même pas essayer d'aborder un domaine qui m'est étranger. En tant que pénaliste, j'aimerais néanmoins faire quelques brefs commentaires dans ma déclaration préliminaire et je pourrais peut-être vous fournir davantage de détails sur ces aspects par la suite.

Il me semble qu'il y a en fait trois raisons qui pourraient justifier le recours au droit pénal à l'égard de ces nouvelles techniques de reproduction. La première serait d'essayer de dissuader les citoyens d'exercer certaines activités qui, dans l'opinion du législateur, méritent vraiment d'être interdites.

La deuxième—et je n'ai pas classé ces raisons par ordre de priorité—serait d'utiliser ce droit pour faire savoir publiquement que l'on reconnaît certaines valeurs en matière de techniques de reproduction, des valeurs sociales et des valeurs morales que le Parlement et les députés ont adoptées et qui reflètent le sentiment de l'ensemble des Canadiens.

La troisième est peut-être plus technique mais elle est néanmoins importante. Le législateur ne peut espérer intervenir dans ce domaine du droit en se basant sur son pouvoir en droit pénal que si ces dispositions législatives peuvent vraiment être qualifiées, sur le plan constitutionnel, de pénales.

Le projet de loi opère une division fondamentale entre les actes prohibés, qui figurent dans la première partie et ce qu'il appelle les activités réglementées, qui viennent ensuite. J'estime que votre comité et le Parlement devraient se demander si la division proposée entre les actes prohibés et les activités réglementées devrait être conservée sous la forme que lui donne le projet de loi.

Voilà pourquoi je vous mets en garde: en tenant pour acquis que l'on puisse effectivement qualifier de pénale la nature de ce projet de loi, et je pense que cela est possible parce que le pouvoir que possède le Parlement en matière de droit pénal est très large, comme l'ont récemment confirmé les tribunaux, je ne suis pas convaincu que l'approche adoptée dans la première partie du projet qui contient des interdictions absolues, les articles 3 à 7, est un modèle à suivre. Je ne fais aucun commentaire sur les aspects scientifiques du projet et ne porte aucun jugement sur eux. Je fais un commentaire et je pose un jugement sur la nature de la prohibition proposée. C'est une prohibition absolue. Les députés et les autres personnes concernées doivent être certains que la portée de ces prohibitions absolues est suffisamment circonscrite, qu'elle n'est pas trop large et n'est pas susceptible de viser des activités que nous ne souhaiterions pas interdire de façon aussi absolue.

Il ne faudrait pas déduire de ma question qu'il faudrait, pour tenir compte de mes observations, renoncer à ce projet de loi ou même renoncer au recours au droit pénal qu'il propose. Il serait souhaitable, d'après moi, d'examiner soigneusement la possibilité d'appliquer à tous les actes décrits aux articles 3 à 7, ou à certains d'entre eux, le modèle de réglementation qui est applicable aux activités réglementées énumérées aux articles 8 et suivants.

Je vous invite à réfléchir soigneusement à ce que cela veut dire. Je ne vous demande pas d'approuver les actes décrits aux articles 3 à 7. Je vous demande d'examiner la possibilité d'utiliser une autre méthode pour les interdire. Si l'on plaçait les actes visés par les articles 3 à 7 dans la partie qui traite des activités réglementées, ces actes seraient prohibés à moins d'être autorisés. Aucune autorisation ne serait accordée. S'il existait un consensus chez les Canadiens, chez les députés et chez les fonctionnaires d'après lequel ce genre d'actes devraient être interdits et le demeurer, le gouvernement n'autoriserait jamais ces actes. On se retrouverait ainsi dans la même situation que si l'on avait conservé ces interdictions absolues.

• 1545

L'avantage d'une telle façon de procéder est qu'elle est plus souple. Il est possible que notre opinion au sujet des aspects scientifiques de ces techniques de reproduction évolue.

Je connais au moins une affaire très complexe, et il est possible que je sois mal renseigné, qui est arrivée au Royaume-Uni; il s'agissait d'un jeune enfant qui souffrait d'une maladie fatale et la seule façon de guérir cet enfant aurait exigé que l'on commette un des actes qui sont interdits par ce projet de loi. Est-ce que nous voulons conserver ce genre de prohibition absolue, qui ne connaîtrait aucune exception?

L'avantage qu'offre la réglementation de ces activités est qu'elle revient à interdire d'une façon générale les activités en question, sauf si le ministre accorde une autorisation ou une exemption particulière; aucun ministre n'accorderait une telle exemption sans avoir soigneusement examiné les questions très graves que soulèvent ces activités.

Mon premier commentaire est donc très simple: Le législateur peut, d'après moi, se fonder sur sa compétence en droit pénal pour adopter un projet de loi portant sur les nouvelles techniques de reproduction. Il n'est toutefois pas nécessaire que cette compétence en matière de droit pénal prenne la forme des prohibitions absolues qui figurent dans la première partie du projet. Cette compétence peut également s'exercer par la réglementation, le mécanisme qui s'applique aux activités réglementées. Je répète qu'avec la seconde méthode, tous ces actes seraient interdits, à moins d'être autorisés expressément conformément à la loi.

C'est ce que nous avons fait, je le signale en passant, pour d'autres questions, comme les armes à feu, c'est un sujet qui n'est pas controversé, je le sais, et le jeu. Au Canada, le jeu, comme vous le savez probablement, est absolument interdit par le Code criminel, parce qu'il porte atteinte à nos valeurs morales, sauf s'il est autorisé par une province dans le cadre d'un régime approuvé par le Code criminel, auquel cas cette activité permet aux provinces de se procurer des fonds. Je pourrais vous fournir de nombreux exemples et il y en a également beaucoup dans la jurisprudence.

Je vous demande donc de réfléchir à la possibilité d'utiliser le droit pénal de façon limitée et souple, ce qui permettrait de suivre l'évolution des connaissances scientifiques sans renoncer à la désapprobation que le législateur veut exprimer à l'égard de certains actes.

Madame la présidente, j'aurais quelques commentaires à faire sur certains points précis du projet de loi, mais j'attendrai pour le faire la suite de l'audience de cet après-midi. Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Healy.

Notre prochain témoin est Alison Harvison Young, doyenne de la Faculté de droit de l'université Queen's. Madame Young.

Mme Alison Harvison Young (témoignage à titre personnel): Merci. J'aimerais également remercier le comité de m'avoir donné la possibilité de venir aujourd'hui. Je suis vraiment ravie de pouvoir échapper à mes obligations de doyenne pour quelques heures.

Je tiens à préciser que je parle ici en mon nom personnel et aucunement au nom de mon institution.

J'ai également témoigné au sujet du projet de loi C-47 et je crois que celui-ci représente une nette amélioration. En particulier, je suis très heureuse qu'on ait adopté la notion d'activité réglementée et un régime d'autorisation préalable. Je crois que cette méthode tient compte d'un des dénominateurs communs que l'on retrouve dans la plupart de ces techniques, à savoir que ce n'est pas tant la technique ou la pratique elle-même que l'on veut interdire mais l'abus ou le mauvais usage que l'on peut en faire, et qui suscite, de façon très légitime, des inquiétudes.

Cela dit, je vais consacrer mon temps de parole à un aspect du projet de loi qui me gêne encore; c'est la distinction qui est faite entre la vente de gamètes ou la rétribution des mères porteuses, qui demeurent interdites, et le remboursement des frais correspondants à ces mêmes actes, qui sont des activités réglementées. Je crois que cet aspect illustre fort bien le problème que pose la distinction entre la notion d'interdiction, de criminalisation d'un acte, dans ce cas-ci, et la notion d'activité réglementée. Je souscris à l'opinion de M. Healy selon laquelle il serait préférable, en particulier si l'on parvenait à régler les questions de compétences, de traiter tous ces actes comme des activités réglementées.

• 1550

C'est une question générale mais j'aimerais centrer mes remarques sur la question des mères porteuses, même si la plupart de mes commentaires à ce sujet s'appliqueraient également à la question des gamètes, et même à d'autres aspects de ce projet de loi. Je m'inquiète de la différence qui est faite entre les actes criminels et les activités réglementées, qui ne me paraît pas suffisamment importante pour justifier le recours à l'artillerie lourde que représente le droit pénal.

Je ne crois pas que la différence qui existe entre les mères porteuses altruistes ou le don de gamètes permet de justifier le recours au droit pénal, sous son aspect le plus brutal, celui des interdictions. Cette distinction s'estompe, d'après moi, lorsque l'on pense aux raisons qui justifient normalement les interdictions, la criminalisation des comportements, et qui s'appuient habituellement sur les notions de réification, d'exploitation des femmes, d'autonomie, d'intérêt de l'enfant, et il y en a d'autres.

Je tiens à souligner que je suis tout à fait d'accord pour que ces activités soient réglementées, et de façon très stricte, mais je ne pense pas qu'il soit souhaitable de créer des interdictions. Je vais faire quelques commentaires sur chacun de ces motifs dans un instant mais avant de parler de ces points précis, j'aimerais faire une remarque générale. L'histoire nous montre qu'au Canada, et ailleurs aussi, la prohibition ou la criminalisation de certaines activités échoue lamentablement lorsque l'activité en question suscite la controverse dans la population. Il arrive en outre que la solution de la criminalisation soit pire que le mal. Par exemple, la prohibition de l'alcool n'a pas réussi à supprimer la consommation d'alcool au Canada mais tout le monde reconnaît que cette prohibition a donné naissance à une industrie et à des activités qui n'ont fait que prospérer depuis.

L'avortement est un autre exemple. Quelle que puisse être votre position au sujet de l'avortement, vous devez sans doute reconnaître que le fait de criminaliser cet acte n'a pas mis fin à la pratique mais qu'il a eu pour effet de le rendre clandestin et d'entraîner indirectement l'exploitation des femmes les plus exploitées et les plus vulnérables de notre société, celles qui n'avaient pas les moyens de se faire avorter par un médecin dans la sécurité d'une clinique.

J'ai examiné les témoignages que votre comité a entendus, j'ai lu les lettres qui ont été envoyées aux journaux ces derniers mois et il m'a paru évident qu'il n'existait pas de consensus général sur ces questions. En fait, je ne sais même pas quelle serait ma position sur ces questions, mais il n'existe pas de consensus général en faveur de l'interdiction de tous ces actes, qu'ils s'agissent de la rétribution des mères qui acceptent de porter un enfant, celle des donneurs de spermes, des donneurs d'organes, par exemple. Tout ce que l'on peut dire, d'après moi, c'est que ces questions sont controversées. Je tiens simplement à faire remarquer que ce sont précisément ces questions que le droit pénal résout mal, parce qu'il fait appel à des prohibitions générales. Ces prohibitions ne font pas disparaître les maux qui nous préoccupent. Je reviendrai dans un instant sur les aspects particuliers de ces interdictions.

Il y a aussi le fait que les controverses, les consensus évoluent avec le temps. Je crois que nous avons pu le constater à l'égard de la fertilisation in vitro depuis une dizaine d'années. Je crois que les opinions ont changé sur cette question. Il existe de nombreux aspects des nouvelles techniques de reproduction qui sont désormais jugés autrement. Je sais qu'il existe des études, en Angleterre, par exemple, qui montrent que les opinions au sujet des mères porteuses ont beaucoup évolué depuis 10 ans. Mon argument est que je ne pense pas qu'une interdiction absolue changerait tout cela, éviterait que cela change, et entre-temps, ces interdictions demeureraient parce qu'elles sont coulées dans le moule du droit pénal.

• 1555

J'aimerais maintenant parler de réification et d'exploitation. La réification est un sujet de préoccupation tout à fait légitime mais je ne pense pas que l'on puisse répondre à cette préoccupation en s'attachant uniquement à l'argent ou à la contrepartie que peut recevoir la mère porteuse ou le donneur. Lorsqu'on se limite à cet aspect, et c'est exactement ce que fait une interdiction absolue, on ne tient pas compte de la dynamique plus vaste qui joue dans ce domaine.

Là encore, la distinction que l'on opère à l'égard des mères porteuses est qu'il est très mal d'être une mère porteuse vénale mais qu'il est acceptable d'être une mère porteuse sans but lucratif. Nous sommes prêts à accepter les mères porteuses désintéressées ou du moins, à réglementer cette activité.

Je ne pense pas que cette distinction résiste à l'examen. Je ne pense pas qu'elle puisse jamais justifier le recours à une interdiction, à une interdiction pénale dans le premier cas. En s'intéressant uniquement au fait que la mère ou le donneur est rétribué, on laisse de côté d'autres facteurs sociaux plus larges qui risquent eux aussi de réifier la reproduction.

Par exemple, à l'heure actuelle, l'accès à la procréation assistée est dans une large mesure une question d'argent. Il faut avoir beaucoup d'argent pour utiliser la fertilisation in vitro, pour obtenir un don d'ovaire ou d'autre chose, que le donneur de gamètes ou la mère porteuse soit payé ou non. Cela coûte très cher, et certains pourraient dire que les futurs parents sont prêts à faire un gros sacrifice financier pour devenir parents. C'est une réalité qu'aucune loi ne pourra modifier; c'est une question sociale beaucoup plus vaste. Je me demande en fait s'il est vraiment important que la mère porteuse ou le donneur de gamètes obtienne un peu d'argent, pour tenir compte de leur contribution, et que cet élément déclenche l'application du droit pénal, alors que s'il n'y a pas échange d'argent, l'opération est soustraite au droit pénal? Je ne le pense pas.

Je ferais également remarquer qu'habituellement, la somme que l'on remet au donneur de gamètes ou à la mère porteuse est relativement faible comparée au coût total de l'opération. C'est pourquoi je ne pense pas que le fait d'autoriser la femme qui fait le don de gamètes à recevoir un dédommagement transforme cet acte qui ferait autrement partie du processus habituel de reproduction non réifié en la réification du mal, pour utiliser une expression frappante.

Il y a aussi le fait que la notion de commercialisation et de contrepartie n'est pas aussi claire que le projet de loi semble l'indiquer. Comme vous l'avez entendu dire par d'autres témoins, le seul fait qu'une mère porteuse reçoive un dédommagement pour ce service, qu'elle n'aurait peut-être pas pu rendre sans cet argent, ne veut pas nécessairement dire que son seul motif, ou son principal motif, est l'argent.

Pour illustrer ce point, il suffit de penser à toutes ces professions dont les membres nous paraissent se dévouer à autrui mais qui sont tout de même rémunérés, comme les prêtres, les travailleurs sociaux, les infirmières, par exemple. Nous voyons tous les jours dans notre société des actes qui sont motivés par l'intérêt et d'autres, par l'altruisme. Je ne pense pas qu'il soit juste d'affirmer qu'une personne qui est rémunérée pour avoir donner des gamètes ou accepté d'être une mère porteuse agit de façon vénale et commet, par ce seul fait, un acte criminel.

J'aimerais également signaler, ce que je fais dans mon mémoire et que je n'aborderai donc pas ici en détail, que cette question a été abordée par des féministes, en particulier des féministes américaines, ne serait-ce que parce qu'il y a davantage d'auteurs et d'universitaires aux États-Unis.

• 1600

Il y a une auteure qui est opposée au caractère exécutoire des contrats de grossesse, caractéristique à laquelle je m'opposerai également—je m'oppose à ce que l'on oblige la mère d'un enfant qui a changé d'idée à remettre l'enfant qu'elle a conçu—et qui s'oppose également vigoureusement à la criminalisation de la maternité de substitution vénale. Elle soutient également que l'interdiction de ce que l'on appelle la maternité de substitution vénale reflète des attitudes tout à fait semblables à celles que l'on retrouve dans de nombreux pays à l'égard du travail domestique des femmes. Elle écrit:

    La conséquence de l'interdiction des contrats de grossesse ou de la rémunération des services des mères porteuses est illustrée par la question que pose la mère porteuse: «Pourquoi dit-on que je suis exploitée lorsque mon travail est rémunéré, mais je ne le suis pas si je le fais gratuitement?»

Shanley poursuit:

    Lorsque l'État interdit que le contrat de grossesse, de grossesse vénale, soit rémunéré, il considère cette activité reproductrice comme il a traité traditionnellement le travail domestique des femmes: des actes d'amour non rémunérés, non économiques et non pas une contribution réelle à la vie familiale.

Elle fait remarquer que c'est là une des attitudes qui a nui aux femmes dans la société.

Je ne défends pas nécessairement cette opinion, mais je dirais tout de même qu'il convient de se demander pourquoi l'idée de donner de l'argent à la mère porteuse ou au donneur de gamètes est tellement choquante et pourquoi les cas qui nous semblent les moins acceptables concernent ceux où c'est la femme qui est le bénéficiaire d'une indemnité, soit à titre de donneur d'ovules soit de mère porteuse.

J'aimerais faire quelques remarques au sujet de l'exploitation des femmes. Il me paraît très clair que le vrai danger ici, comme vous l'ont dit d'autres témoins, est que cette interdiction de la maternité de substitution vénale risque d'inciter les personnes concernées à dissimuler leurs actions ou à se rendre à l'étranger, ce qui est préoccupant.

Les femmes qui veulent être des mères porteuses et qui n'ont pas les moyens de le faire si on ne les rétribue pas vont soit se rendre aux États-Unis ou le faire en se cachant. Cela ne pourra que faciliter leur exploitation, tant sur le plan économique que sur celui de la santé. C'est un aspect dont nous devrions tenir compte, si nous ne voulons pas nous contenter de mentionner, pour la forme seulement, le risque d'exploitation des femmes.

Je voudrais également mentionner que le projet de loi tient pour acquis qu'il y a de la contrainte, réelle ou implicite, dans les cas de maternité de substitution vénale, mais qu'il n'y en a pas lorsque cette maternité est désintéressée.

Dans le livre que je vous citais il y a un instant, une autre femme du nom de Uma Narayan critique longuement cette distinction parce que, bien souvent, les cas de mère porteuse altruiste correspondent souvent à des situations familiales. Dans les familles ou dans les cultures où la fertilité est une valeur très forte, cela peut constituer un problème très grave.

Il me paraît donc faux de penser que commercialisation veut dire contrainte, et altruisme, absence de rétribution, et donc pratique acceptable. Je sais que ce n'est pas de cette façon que le mécanisme de réglementation proposé considère l'altruisme. Je tiens simplement à faire remarquer qu'il serait préférable de traiter de la même façon la maternité de substitution, qu'elle soit vénale ou désintéressée.

Lorsque ce type de maternité est réglementé, il est possible de définir ce que sont des dépenses raisonnables, d'imposer des limites, de prévoir des recours pour la mère porteuse si elle est maltraitée par les futurs parents. Si l'on interdit complètement cette opération, on risque fort de priver de tout recours la personne la plus vulnérable dans cette opération, habituellement la mère porteuse.

Ma dernière remarque concerne l'intérêt de l'enfant. C'est bien sûr une considération très importante mais je ne vois pas comment elle pourrait justifier la criminalisation d'activités comme la maternité de substitution commerciale ou l'attribution d'une contrepartie pour la vente de gamètes.

• 1605

Je ne vois pas comment cela pourrait être très différent, du point de vue de l'enfant, du cas où les parents ont dépensé de fortes sommes d'argent pour l'adopter. L'enfant va-t-il avoir connaissance de ces aspects, va-t-il les considérer comme pertinents? Il me semble que leur situation générale, celle d'enfants très désirés, tend à fournir des réponses négatives à ces questions.

Là encore, je ne dis pas que cela est une excellente chose. Je ne pense pas que l'on devrait faire ouvertement la promotion de la maternité de substitution. Je pense néanmoins que cela nous invite à faire preuve de prudence et de précaution. Il faudrait examiner les modalités de la réglementation pour suivre la situation, au lieu d'interdire cette opération et faire comme ci elle n'existait pas. Nous avons appris, grâce à l'avortement, que ce genre de problème ne disparaît pas tout seul.

Voilà mes commentaires. Je serais heureuse de répondre à vos questions par la suite. Merci.

La présidente: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Bernard Dickens, professeur de droit de la santé, titulaire de la chaire d'éthique biomédicale, faculté de droit, faculté de médecine, joint centre for bioethics, Université de Toronto.

Monsieur Dickens.

M. Bernard Dickens (professeur de droit de la santé, titulaire de la chaire d'éthique biomédicale, Faculté de droit, Faculté de médecine, Joint Centre for Bioethics, Université de Toronto): Merci, madame la présidente. Comme mes collègues, je vous suis très reconnaissant de m'avoir invité.

Vous avez, ou allez avoir, un résumé de mon mémoire. Compte tenu du temps dont nous disposons et des commentaires qui vous ont été présentés, et auxquels je souscris entièrement, je vais pouvoir être bref. Le document qui vous sera distribué va simplement appuyer mes commentaires.

Je me suis spécialisé dans les aspects juridiques de la santé en général, des soins médicaux en particulier, et plus précisément, de la santé génésique. Le domaine de la santé génésique fait l'objet depuis longtemps de commentaires religieux et philosophiques, et plus récemment dans un contexte séculier, bioéthiques. Les aspects juridiques sont essentiellement pragmatiques. Ils touchent la réalité et parfois, les lacunes du droit.

J'aimerais aborder quatre points, surtout les trois premiers. Ils portent sur un domaine auquel le projet de loi que vous êtes en train d'examiner pourrait gravement nuire. Je veux parler des méthodes de sélection du sexe, de l'interdiction de créer des embryons à des fins de recherche et enfin, de la nature privée du recours à une mère porteuse.

Je tiens à vous dire que je souscris aux critiques qu'a formulées la doyenne Harvison Young. Mes derniers commentaires porteront sur la nature de l'organisme de réglementation.

Premièrement, il y a l'interdiction des actes visant à favoriser l'apparition d'un embryon d'un sexe déterminé. C'est l'alinéa 3(1)h) du projet de loi qui interdit cette pratique. L'idée à l'origine de cette disposition est de dissuader les parents de chercher à avoir un enfant de sexe masculin. La plupart des spécialistes qu'a entendus la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction partaient du principe que les parents préféraient les enfants mâles. La commission a effectué une vaste enquête, coûteuse d'ailleurs, sur les attitudes de la population canadienne et elle a constaté que cette opinion était fausse.

Je pourrais ajouter que les témoignages sur lesquels la commission royale s'est basée venaient de Bombay. Il s'agissait pour l'essentiel de témoignages indiens et non pas canadiens.

Permettez-moi de citer les commentaires des commissaires au sujet de cette enquête:

    Le sondage a révélé que, contrairement à la situation qui prévaut ailleurs, la grande majorité des Canadiens et des Canadiennes n'ont pas de préférence particulière quant au sexe de leur enfant. La plupart des intervenants [...] ont supposé que les parents canadiens préféraient avoir des garçons. Notre sondage a révélé que cette supposition n'était pas fondée [...]

La plupart des gens ne s'intéressent guère au sexe de leur futur enfant. Ils veulent plutôt une famille équilibrée. Là encore, je cite la commission royale:

    [...] ces préférences sont généralement considérées comme peu importantes ou même négligeables. Par ailleurs, le sondage a révélé que la quasi-totalité des futurs parents aimeraient beaucoup avoir au moins un enfant de chaque sexe.

La commission royale a fortement préconisé l'application d'une médecine scientifique. Elle favorise également l'élaboration de politiques sociales fondée sur des faits. Les données relatives au Canada indiquent que les parents n'ont pas de préférence pour ce qui est du sexe de leur enfant. À la différence peut-être d'autres pays, nous vivons dans un contexte de neutralité face au sexe des enfants. Il est intéressant de constater que les familles souhaitent avoir des enfants des deux sexes.

• 1610

Depuis que la criminalisation de l'avortement a été déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême en 1988, nous savons que l'avortement n'est pas assujetti au droit pénal. Il n'est pas limité à certaines conditions particulières. La commission royale a constaté que l'opinion publique était contre l'avortement motivé par le sexe de l'enfant à naître et contre l'avortement à des fins non thérapeutiques. C'est exactement ce que ferait le projet de loi qui a été soumis à votre examen.

Il arrive qu'un couple ayant un enfant, ou peut-être deux enfants du même sexe, souhaite compléter la famille en ayant un enfant de l'autre sexe et essaie d'en concevoir un. Si le diagnostic prénatal indique que l'enfant serait du même sexe que ceux qu'ils ont déjà, ils peuvent interrompre la grossesse. Cela est parfaitement légal. Avec ce projet de loi, les familles vont être obligées d'essayer d'équilibrer la composition de leur famille en ayant des enfants des deux sexes. Si nous déclarons illégales les méthodes utilisées pour favoriser un enfant d'un sexe ou de l'autre, c'est ce que devront faire les familles.

Certaines provinces ont essayé de supprimer ces pratiques en interdisant la divulgation du sexe du foetus. Cela va bien évidemment à l'encontre du principe fondamental du consentement libre et éclairé. Cela est en outre probablement inconstitutionnel. Nous ne voulons pas que les femmes soient obligées d'avoir des grossesses successives pour essayer d'avoir un enfant d'un sexe différent de celui des enfants qu'elles ont déjà.

C'est pourquoi je recommande d'introduire une deuxième exception, de façon à compléter celle qui figure actuellement dans le projet de loi. Le choix du sexe est acceptable lorsqu'il existe le risque de transmettre une maladie reliée au sexe. Cela vise essentiellement les foetus mâles. La disposition actuelle parle de motifs liés à la santé de l'être humain à venir.

Je recommande d'apporter une autre exception qui serait basée sur des motifs reliés au sexe des autres enfants de la famille. Cela ne permettrait pas de donner la préférence à un sexe ou à l'autre pour le premier enfant.

Là encore, d'après les chiffres qu'elle a obtenus auprès des personnes qui envisageaient d'avoir des enfants, la commission royale a obtenu des éléments indiquant que 82 p. 100 des familles ne se préoccupaient nullement du sexe de leur premier enfant et que sur les 18 p. 100 restant, 10 p. 100 préféraient un enfant de sexe masculin et huit pour cent un enfant de sexe féminin.

On peut empêcher les parents de choisir le sexe de leur premier enfant en disant que, lorsqu'ils ont un enfant, ou deux enfants du même sexe, les parents ont le droit d'utiliser des méthodes visant à favoriser la conception et la naissance d'un enfant de l'autre sexe. Il s'agit ici d'équilibrer les familles et non pas de favoriser un enfant par rapport à un autre.

Il y a eu également la question de la portée de l'alinéa 3(1)h). Cette disposition interdit le fait d'«accomplir un acte pour... augmenter les chances d'obtenir... un embryon d'un sexe déterminé.»

Il y a l'exemple historique de l'Ancien Testament qui offre des conseils sur le moment où les parents devraient avoir des relations sexuelles et sur la position à adopter pour favoriser la conception d'un enfant d'un sexe ou de l'autre. Il me paraît difficile d'imaginer que le législateur souhaite sanctionner la lecture de l'Ancien Testament par dix ans d'emprisonnement ou une amende de 500 000 $, ou par ces deux peines à la fois. De toute évidence, cette disposition est d'une portée beaucoup trop large.

La création d'embryons aux fins de recherche pourrait être autorisée en vertu du projet de loi. Celui-ci ne définit pas ce qu'est la «recherche», ni un «traitement». Il est possible que, si l'on voulait fabriquer un embryon à des fins thérapeutiques, en utilisant par exemple une technique de clonage thérapeutique et non de clonage en vue de la reproduction, on pourrait peut-être tolérer l'interdiction de créer une autre personne, un autre être qui serait vous ou moi. On pourrait autoriser le clonage d'un embryon dans le but d'identifier les cellules souches susceptibles de fabriquer les tissus ou l'organe dont a besoin un malade. Dans ce cas, il ne serait pas possible d'utiliser uniquement des embryons surnuméraires. Ils seraient génétiquement différents du donneur et seraient rejetés par celui-ci.

• 1615

C'est pourquoi lorsque le projet de loi autorise la recherche, ce qui est autorisé à l'heure actuelle jusqu'au 14e jour de gestation, sur des embryons surnuméraires, cela montre bien que les embryons n'ont rien de sacré. Il est évident que cette notion fait l'objet de nombreux commentaires philosophiques et religieux et que ceux qui s'opposent, pour des raisons de conscience, à la manipulation d'embryons, notamment à leur destruction, seraient rassurés par ces dispositions.

Par contre, si l'on veut faire progresser la recherche sur les cellules souches au point où l'on pourrait spécifier quelles sont les cellules souches qui deviendront du tissu nerveux, des cellules du cerveau qui vont produire de la dopamine pour les malades atteints de la maladie de Parkinson—ou, compte tenu du manque de coeurs susceptibles d'être greffés dont faisait état le journal d'aujourd'hui, si l'on voulait fabriquer pour les personnes qui sont en danger constant d'avoir une crise cardiaque, et par conséquent de mourir, des tissus cardiaques que ces personnes ne rejetteraient pas, ce serait en utilisant leurs cellules, en créant des embryons pour elles.

Si l'on qualifie cela de traitement, l'opération n'est pas visée par le projet de loi. Par contre, si l'on estime qu'avant d'utiliser en thérapie des techniques médicales non testées, il faut faire de la recherche, alors cela constitue de la recherche. Il faut donc nécessairement créer des embryons en vue d'effectuer cette recherche.

Nous savons qu'il existe au Canada, d'un océan à l'autre, un énorme potentiel dans le domaine de la génétique. L'université Dalhousie, l'université Memorial de Terre-Neuve, jusqu'à l'Université de la Colombie-Britannique et l'université Simon Fraser, toutes ces institutions ont des centres de recherche où il se fait de la recherche et de la thérapie génétiques.

Pour faire cette recherche, il faut créer des embryons fabriqués dans un certain but, possédant certaines caractéristiques génétiques particulières. Si l'on peut uniquement utiliser les embryons surnuméraires provenant de la fertilisation in vitro, nombreux sont les embryons qui devront être testés et détruits parce qu'ils ne possèdent pas les caractéristiques que recherchent les chercheurs, les savants. Cela entraînera un gaspillage de temps et de ressources, alors qu'il serait possible de créer des embryons possédant les caractéristiques génétiques voulues pour pouvoir faire des tests essentiels.

Le Royaume-Uni a modifié sa loi pour tenir compte de cette situation. Le Human Fertilisation and Embryology Act du Royaume-Uni a abrogé ce qui constitue de nos jours une interdiction désuète visant la création d'embryons dans le seul but de faire de la recherche, parce qu'il a fallu tenir compte du fait que la recherche sur les cellules souches a besoin d'embryons, qu'il faut donc en créer au moindre coût possible, tout en contrôlant ces activités par des dispositions réglementaires, qui obligent notamment les responsables de la recherche à rendre des comptes.

C'est pourquoi je recommanderais que la création d'embryons à des fins de recherche ne figure plus dans l'article du projet de loi interdisant cet acte mais figure à l'article 8, à titre d'activité réglementée susceptible de faire l'objet d'une autorisation, de façon à prévoir des contrôles et pour que les organismes qui les acceptent puisse faire de la recherche.

Le système adopté par le Royaume-Uni a prévu un mécanisme qui permet de contrôler chaque embryon qui est créé et qui est utilisé par la recherche. Cela ne veut pas dire que l'on peut faire n'importe quoi. Il ne s'agit pas de fournir des embryons humains à des élèves du secondaire pour qu'ils puissent faire des expériences; ils sont confiés uniquement à des organismes qui sont tenus de respecter certaines obligations.

Le troisième point reprend ce qu'a dit la doyenne Harvison Young au sujet de la maternité de substitution. On pourrait dire que ce projet de loi pousse les personnes qui veulent procéder de cette façon à s'arranger entre elles au sein de leur famille, ce qui donne naissance à la pire des situations possibles.

• 1620

Je vais faire un peu d'histoire maintenant. J'étais directeur de projet auprès de la Commission de réforme du droit de l'Ontario lorsqu'elle a étudié la reproduction artificielle et des questions connexes. Des pédopsychiatres et des travailleurs sociaux d'expérience sont venus déclarer, au sujet des mères porteuses, qu'à une époque, la soeur et les belles-soeurs des futurs parents étaient les seules personnes qui pouvaient porter un enfant pour un couple stérile, et il n'y avait pas besoin d'utiliser une technique très raffinée; on ne parlait pas de «maternité de substitution», avec fertilisation in vitro, de sorte que la mère porteuse n'était pas la mère génétique; cela se faisait bien avant que l'on adopte des techniques de pointe, ou utilisait l'insémination artificielle, et il s'agissait simplement de se servir d'une poire à jus.

En fait, au début des années 80, on parlait même des enfants de la poire à jus. La pratique consistait à injecter le sperme du mari dans le vagin de sa belle-soeur, la soeur de sa femme infertile, à l'aide d'une poire à jus. La belle-soeur se rendait à l'hôpital, donnait le nom et le numéro d'assurance-maladie de sa soeur, et donnait naissance à l'enfant qui était enregistré sous le nom qu'elle avait fourni. Elle remettait ensuite l'enfant à la famille. La plupart de ces arrangements ont donné d'excellents résultats. En fait, il ne semble pas que cet arrangement ait donné lieu à des disputes familiales.

Il y a eu toutefois des enfants qui ne savaient pas très bien si leur tante était leur mère ou si leur mère était leur tante. Il y avait aussi le fait que ces mères, qui étaient dans ces cas-là également la mère biologique, ce qui permet facilement de contourner tous ces mécanismes d'autorisation et toutes ces techniques, s'occupaient beaucoup de l'enfant, parfois trop. En fait, le pédopsychiatre qui a témoigné au début des années 80 a déclaré que, si l'on veut appliquer le critère de l'intérêt de l'enfant, il est dans l'intérêt de l'enfant que la mère porteuse, qu'elle soit ou non la mère génétique—avec une fertilisation in vitro, celle-ci ne serait évidemment pas la mère génétique—soit une étrangère pour la famille, ce qui veut dire qu'il faudrait trouver le moyen de la convaincre d'accepter de faire cela.

Qu'elle soit ou non rémunérée, il faudra de toute façon trouver une femme disposée à porter un enfant. La question se pose: comment trouver une femme que l'on ne connaît pas qui serait prête à porter un enfant? Au Royaume-Uni, ainsi qu'aux États-Unis, il faudrait passer par des courtiers commerciaux.

La Commission de réforme de l'Ontario recommandait de confier aux sociétés d'aide à l'enfance de l'époque, et aux directeurs des services de l'aide à l'enfance, la tâche de recenser les personnes prêtes à offrir ce service et celles qui le recherchent, en procédant à un contrôle approprié.

Bien sûr, faute d'étrangère prête à rendre ce service, il y a parfois la soeur, disons, de la femme qui est la seule à pouvoir porter un enfant et refuse de le faire; alors le couple lui reproche sa stérilité. En outre, elle peut subir des pressions de la part de ses parents, parce qu'ils veulent avoir des petits enfants. La doyenne Harvison Young a déjà parlé des pressions considérables qui peuvent s'exercer sur elle.

Le projet de loi est également mal conçu parce qu'il favorise à la fois l'évitement et l'évasion. Il y a évitement parce que le projet interdit toute rétribution. S'il n'est pas possible de rétribuer la mère porteuse, il n'est pas possible d'autoriser l'opération. Si ce projet de loi était adopté, il pourrait arriver qu'un couple réussisse à convaincre, sans exercer de pressions peut-on espérer, une soeur ou un autre membre de la famille à porter un enfant pour eux, ce qui créerait une situation familiale quelque peu irréelle.

Il faudrait que les parents obtiennent l'autorisation d'une autorité fédérale pour pouvoir payer sa nourriture. Eh bien cela n'est certainement pas ce qui va se passer. Il s'agit ici de relations familiales intenses et prolongées et d'un remboursement qui serait, selon ce projet de loi, une façon illégale de contourner la loi. La rétribution pourrait s'effectuer plusieurs années après l'événement, en rémunérant un service trois ans plus tard, en payant des vacances à la mère porteuse et à son partenaire, en faisant un cadeau à un enfant de la mère porteuse, qu'il existe déjà ou non. Il n'existe aucune méthode permettant de suivre les échanges de cadeaux ou de services au sein d'une famille. Cela est tout simplement irréaliste.

• 1625

Comme nous l'avons entendu dire, et la doyenne Young en a parlé en détail, cela a uniquement pour effet d'amener les intéressés à agir de façon clandestine, ce qui crée une situation où les risques de pressions, d'exploitation et d'échanges inéquitables sont aggravés.

La Commission de réforme du droit de l'Ontario avait recommandé de rendre ces arrangements transparents, c'est-à-dire, de ne pas les restreindre à un contexte privé. C'est tout ce que prévoyait le projet de loi. La commission recommandait que ces ententes soient publiques et fassent l'objet d'un examen avant d'être mises en oeuvre.

Selon les recommandations de la commission ontarienne, un juge du tribunal de la famille devait examiner ces ententes, parler aux parties, examiner les modalités, notamment financières, de l'entente et indiquer clairement aux parties que ce genre d'ententes ne pouvait être exécuté devant les tribunaux et qu'une fois né, l'enfant se verrait appliquer le principe habituel, celui de l'intérêt de l'enfant.

Un tel contrat ne lie donc pas les parties. Il y a beaucoup de contrats qui sont tout à fait légaux mais dont l'exécution ne peut être imposée par les tribunaux. Ceux-ci ne peuvent ordonner l'exécution des contrats conclus dans le domaine des spectacles et des sports. Un tribunal pourrait ordonner à un joueur professionnel de mettre le maillot de son équipe, et de faire de son mieux. Si le joueur ne respectait pas son contrat, le tribunal dirait simplement qu'il n'a pas droit à une rémunération et qu'il ne peut jouer pour une autre équipe.

Ces contrats ne sont pas exécutoires mais ils sont tout à fait légaux. La Commission de réforme de l'Ontario recommandait que les juges expliquent clairement aux parties tous les aspects de l'entente, vérifient que l'entente n'est pas inéquitable et laissent ensuite les choses suivre leur cours.

Il semble qu'il serait plus facile de procéder ainsi s'il s'agissait d'une activité réglementée, qui ferait l'objet d'un examen indépendant avant d'être exercée, dont la légalité serait reconnue, mais pas le caractère exécutoire.

Je vais aborder le dernier point, qui porte sur la nature de l'organisme de réglementation, qui n'est pas précisée dans le projet de loi. Celui-ci parle uniquement de la création par la ministre de la Santé d'un mécanisme d'autorisation.

Cela paraît faisable, mais mal conçu, si l'on pense en particulier à la voie qu'a choisie le Royaume-Uni avec la Human Fertilization and Embryology Authority. C'est un organisme indépendant du ministre, qui s'est donné un code de déontologie et qui réglemente ces activités en vérifiant la compétence des personnes et qui effectuent ces opérations et les installations des cliniques où elles s'effectuent.

Il renseigne également la population au sujet des centres, de ce qu'ils font; il publie les résultats obtenus par ces centres, lorsqu'ils fonctionnent depuis suffisamment longtemps pour pouvoir évaluer ces résultats.

Cela entraîne parfois des problèmes, parce que les journaux se sont emparés de ces renseignements et les ont présentés comme des bulletins de note, dans lesquels figurent les centres qui obtiennent le plus de succès et ceux qui en obtiennent le moins, sans tenir compte du fait que les centres qui ont moins de succès sont ceux qui acceptent les cas les plus difficiles. Ce sont les plus consciencieux, ceux qui recherchent l'équité sociale, et qui acceptent les cas difficiles et ne se contentent pas des cas faciles.

C'est un système qui prévoit des contrôles. Il jouit de la confiance des personnes qui utilisent les cliniques et de celles qui souhaitent avoir accès à ces cliniques. Les médecins qui travaillent dans ces cliniques ont confiance en lui. La communauté scientifique qui s'occupe de la biologie de la reproduction a confiance en lui, et certains de ses membres en font même partie. Le public en général est disposé à confier à cet organisme des décisions importantes et délicates, en sachant qu'elles seront prises par des personnes sérieuses.

Cela évite au ministre d'avoir à prendre des décisions très délicates et d'avoir à rendre des comptes à leur sujet. Nous pourrions imaginer, par exemple, qu'un ministre de la santé, qui serait un catholique pratiquant, ait beaucoup de mal à accepter une méthode qui prévoirait la destruction d'embryons après un certain temps.

Cela évite également que le public soupçonne que l'organisme soit influencé par des considérations personnelles ou politiques. Un organisme de réglementation indépendant du ministre renforce sa crédibilité et libère le ministre. Le domaine demeure assujetti à un contrôle législatif, puisque la loi habilitante peut toujours, bien entendu, être modifiée par le Parlement.

• 1630

Sur cette question, je recommanderais de confier à un organisme indépendant du ministère de la Santé le contrôle des activités réglementées.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur Dickens. Votre exposé nous donne matière à réflexion et vous allez en savoir davantage lorsque nous commencerons la période de questions.

Nous allons débuter avec M. Manning.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Alliance canadienne): J'aimerais d'abord vous remercier tous les trois d'être venus nous parler. J'ai mentionné tout à l'heure que nous avions consacré beaucoup de temps aux aspects scientifiques, moraux et éthiques de ces questions mais que nous n'avions pas traité en détail des aspects juridiques et administratifs; je pense d'ailleurs que nous nous engageons dans cette voie. Merci donc d'avoir alimenté ce débat.

Ma première question s'adresse davantage à la doyenne Young et au professeur Healy. M. Dickens nous a donné son opinion sur la forme idéale que devrait avoir l'organisme de réglementation chargé d'administrer ce projet de loi. J'ai quelques questions précises à poser à ce sujet et je me demandais également si vous souhaitiez faire des commentaires généraux.

Je sais que vous ne prétendez pas être des spécialistes du droit administratif mais j'aimerais connaître votre opinion, compte tenu de vos préoccupations et de vos intérêts particuliers, sur la forme que devrait avoir l'organisme de réglementation qui sera chargé d'appliquer ce projet de loi.

Mme Alison Harvison Young: Je pense que la HFEA constitue un bon point de départ; c'est un exemple de structure qui fonctionne relativement bien. Je pense qu'un tel organisme doit être indépendant et tenu de rendre compte de ses décisions. Je dois avouer que je ne connais pas tous les détails mais j'ai tout de même entendu le président actuel de l'organisme anglais faire une allocution à ce sujet cet été. D'après lui, l'équilibre qui existe entre le cadre législatif et les décisions que doit prendre l'organisme lui-même de façon régulière est tout à fait satisfaisant.

Permettez-moi de vous présenter quelques observations. Je pense que l'autorité, c'est comme ça que l'appelle ce texte législatif, est composée d'un certain nombre de personnes provenant de domaines différents. Il y a des savants, des médecins et des avocats. C'est là un aspect important de la composition de cette autorité. Il faut qu'elle soit représentative des intérêts concernés, et c'est un aspect que le projet de loi devrait lui-même prendre en considération, idéalement.

Le mécanisme de contrôle est important, comme l'a mentionné M. Dickens. Il faudrait également que cet organisme rende des comptes à la population, et non pas simplement au Parlement; il faudrait qu'il soit tenu de répondre aux préoccupations de la population. Je sais que le mécanisme anglais joue un rôle éducatif. Cette autorité publie des documents d'information pour indiquer où il est possible d'obtenir certains traitements, le genre de questions à poser, et ce genre de choses.

Patrick.

M. Preston Manning: Patrick, je vais peut-être poser ma deuxième question avant de vous laisser intervenir, parce que je crois qu'elle touche votre domaine, le droit pénal.

J'aimerais savoir ce que vous pensez de la forme que devrait avoir cet organisme de réglementation. Compte tenu du fait que ce projet de loi utilise principalement le droit pénal, de nombreux témoins ont affirmé que l'organisme de réglementation devrait être indépendant. Mais si cet organisme est chargé d'administrer ce qui constitue fondamentalement une loi de type pénal, j'aimerais savoir s'il existe d'autres exemples d'autorités de réglementation indépendantes qui sont chargées d'administrer une loi essentiellement pénale? Le fait que cette loi s'appuie sur le droit pénal impose-t-il des restrictions au genre d'organisme de réglementation que l'on peut mettre sur pied? Je pense que cela touche votre domaine, et je me suis permis de poser cette question avant de vous laisser répondre.

• 1635

M. Patrick Healy: Vous avez en fait posé plusieurs questions, comme vous le savez fort bien.

M. Preston Manning: Eh bien, notre présidente nous incite à être économe et nous essayons de poser autant...

La présidente: Ce n'est pas une très bonne réputation.

M. Patrick Healy: Eh bien, monsieur Manning, je vais essayer d'être tout aussi frugal dans ma réponse.

Je ne pense pas que l'on puisse recommander un modèle unique. Il me semble personnellement, et je ne pense pas que M. Dickens dise autre chose, que le ministre devrait être indépendant, et que l'organisme devrait être lui aussi indépendant du ministre pour ce qui est de son fonctionnement quotidien, quelle qu'en puisse être la forme. De toute façon, le ministre n'a pas le temps ni l'expertise nécessaire pour exercer ce genre de fonction administrative, et cela ne me paraît pas non plus souhaitable. Évidemment, le ministre devrait rendre compte de son action, et c'est là qu'il faudrait mettre en place un mécanisme de contrôle.

Nous pourrons parler tout à l'heure si vous le souhaitez de certains modèles. Il y a des exemples: l'impôt sur le revenu, les enquêtes en matière de faillite et la Loi sur la concurrence. Il existe dans tous ces domaines des organismes administratifs qui exercent des pouvoirs dont la constitutionnalité repose, en totalité ou en partie, sur le droit pénal. Il y en a plusieurs.

Si vous souhaitez aller un peu plus loin avec votre question, ce qui est le cas je crois, il y a le fait qu'un tel organisme, quel qu'il puisse être, serait chargé d'appliquer une loi, et donc d'exercer des fonctions très proches de celles des services policiers.

C'est une chose de parler d'un organisme administratif chargé d'accorder des autorisations, et c'en est une autre très différente de parler de mécanisme d'application de la loi et de sa mise en oeuvre par l'organisme responsable. Je dois dire que je ne vois pas très bien comment ces mécanismes d'application de la loi pourraient fonctionner. Là encore, il y a des exemples. Si l'on pense à la législation canadienne dans le domaine de l'agriculture, on constate que l'on inspecte toutes sortes d'activités agricoles. Il y a des inspections qui visent le transport de produits dangereux et qui sont confiées à la police du CN ou d'autres compagnies de chemins de fer. Il existe des mécanismes qui prévoient l'inspection de toutes sortes d'activités et de produits dangereux: combustible nucléaire ou autre. Mais c'est là un type d'activité très spécialisé. Je ne peux imaginer que des agents de la GRC aillent frapper à une porte et dire à la personne qui répond, excusez-moi, je n'ai pas de mandat mais je voudrais vérifier vos appareils.

Cela me paraît difficile... Je comprends que, si cet organisme sait que certaines activités régies par la loi sont exercées dans certains locaux, il souhaiterait que ses représentants aillent y jeter un coup d'oeil. Mais comment l'aurait-il su au départ? Comment ces représentants exerceraient-ils les pouvoirs, qui, entre parenthèses, sont des pouvoirs de perquisition et de fouille assez larges, que leur accorde le projet de loi?

M. Preston Manning: Ce que vous venez de dire vient conforter votre remarque initiale, à savoir que dans la mesure où cet organisme est chargé de réglementer par voie d'autorisation, il est possible de lui donner une structure. Par contre, s'il joue un rôle de policier ou de régulateur, il sera difficile de trouver une structure qui convienne aux deux rôles.

M. Patrick Healy: Excusez-moi de vous interrompre mais vous venez de mettre le doigt sur un des points très subtils du droit pénal et du droit constitutionnel. Il s'agit de la distinction entre les infractions de nature réglementaire et les activités de réglementation, qui, d'un côté, sont plutôt de nature administrative, mais qui, de l'autre, se rapprochent beaucoup du droit pénal et des véritables infractions. Il existe une zone grise qui est très difficile à situer et je dois dire que vos voisins de la rue Wellington n'ont guère précisé cela, les neuf voisins, et pas... Ils n'ont rien fait pour éclaircir cet aspect.

En fait, la Cour suprême a déclaré, dans une de ses décisions récentes les plus importantes, que les infractions de nature réglementaire étaient tout à fait constitutionnelles. Il s'agissait dans cette affaire du Wholesale Travel Group qui avait été accusé d'avoir commis une infraction de publicité trompeuse dans le contexte de la Loi sur la concurrence, qui réglemente ces activités économiques. La Cour a même déclaré qu'un acte criminel réprimant la publicité trompeuse et punissable d'une peine maximale de cinq ans sans qu'il soit nécessaire d'établir une faute, c'est-à-dire une infraction de responsabilité stricte, était constitutionnel.

• 1640

La Cour suprême a été encore plus loin en ce qui concerne la Loi réglementant les produits du tabac, que vous connaissez tous, et elle a déclaré qu'une bonne partie de la validité de cette loi découlait de la compétence fédérale en droit pénal.

Je pense, même si je ne peux pas être absolument sûr de ce qui pourrait arriver, que, si la Cour suprême est disposée à reconnaître que la réglementation par le législateur de produits dangereux pour la santé constitue un exercice valide d'un pouvoir en droit pénal, et la cour l'a dit à plusieurs reprises, elle le dira également quand il s'agira de réglementer la vie. Cela ne répond certes pas à votre question au sujet du genre d'uniforme qu'il faut donner aux personnes qui vont frapper aux portes et dire qu'elles veulent inspecter les appareils, mais...

M. Preston Manning: Vous dites en fait que si cet organisme doit s'occuper, d'un côté, d'actes véritablement criminels dans le sens traditionnel de ce terme et aussi de violations d'autorisation et d'obscures dispositions administratives, il est probable que cet organisme ne pourra s'acquitter correctement de certaines de ces tâches.

M. Patrick Healy: Il faudrait qu'il soit très spécialisé. C'est la seule chose dont nous soyons sûrs.

M. Bernard Dickens: On ne m'a pas demandé de répondre à cette question mais si la loi du Royaume-Uni crée des sanctions, ce ne sont pas des sanctions qui répriment certaines activités. Ce sont des sanctions qui visent les personnes qui défient sciemment l'autorité de réglementation.

Selon l'article 38 du projet de loi, il faut le consentement du procureur général fédéral pour intenter des poursuites. Dans le cas d'une erreur, il est probable qu'il n'y aurait pas de poursuite parce que la sanction est dans ce cas très sévère.

La Human Fertilisation Embryology Authority du Royaume-Uni, la HFEA, utilise les services d'inspecteurs qui possèdent des compétences scientifiques et techniques. Ils se rendent sur les lieux, peuvent exercer des pouvoirs de contrainte, qu'ils n'ont jamais eu à utiliser jusqu'ici, et vérifient si les normes sont respectées. Si ce n'est pas le cas, ils peuvent suspendre une autorisation ou faire dépendre son maintien du respect de certaines normes dans un délai donné, avec des mesures de suivi. En ce sens, il s'agit plutôt d'une réglementation technique que de violation volontaire même si un jeune docteur qui offrirait de cloner un être humain, par exemple, pourrait certainement faire l'objet des sanctions sévères qui sont prévues par cette loi.

La présidente: Merci, monsieur Manning.

Monsieur Lunney.

M. James Lunney (Nanaimo—Alberni, Alliance canadienne): Merci, madame la présidente.

Je vais aborder un autre aspect. Les trois témoins qui ont pris la parole cet après-midi se sont tous opposés vigoureusement à ce que la loi contienne des interdictions. Ils semblent penser que les interdictions n'ont aucun effet si ce n'est celui de pousser certaines activités dans la clandestinité, et que nous ne devrions donc pas interdire ces activités, mais plutôt les réglementer.

J'ai même entendu un argument montrant que l'interdiction n'est pas efficace lorsqu'il s'agit de limiter le jeu. Les gouvernements font des bénéfices en vendant des permis aux établissements de jeux et cela nous montre comment les interdictions pourraient être efficaces pourvu qu'il y ait des exceptions. En fait, lorsqu'on parle d'argent, il semble que l'on soit irrésistiblement poussé à en profiter à moins qu'il n'y ait une interdiction. Cela m'inquiète, parce que votre argument revient essentiellement à dire qu'il ne faut rien interdire parce que nous sommes une société très libérale et très tolérante et que nous devons tout accepter.

J'aimerais simplement vous dire, et je reviens d'une conférence où j'ai passé trois jours à Victoria avec 1 140 autres personnes pour examiner une question. C'était une question de santé, mais un peu différente de celle dont nous parlons. C'était une réunion de l'Association canadienne des soins palliatifs, qui regroupait des personnes qui s'intéressent à la question de la mort et des mourants et qui cherche à aider les êtres humains à faire ce passage très difficile.

J'aimerais mentionner, pour le compte rendu, quelque chose qu'a dit un des conférenciers, la Dre Rachel Naomi Remen, une spécialiste très connue des questions médicales qui vient de la Californie. Elle a été professeure dans trois facultés de médecine et a enseigné pendant plus de 25 ans dans ce domaine. Elle a déclaré qu'il était possible d'étudier la vie pendant des années et de n'en pas connaître la nature.

• 1645

Elle a parlé des mystères que posaient les guérisons inexplicables; il y avait des assemblées regroupant 200 médecins au cours desquelles les participants essayaient de comprendre ce qui était arrivé et personne ne réussissait à les expliquer. Elle a poursuivi en disant que, si nous confions à la science le soin d'analyser et de quantifier la vie, nous risquons de passer à côté de ce qui est l'essence de la vie. La vie se trouve parfois en dehors des catégories.

Il y a des choses dont on a parlé à cette conférence... J'ai regardé autour de moi et j'ai vu des infirmières, des médecins et des bénévoles qui travaillent avec les mourants et qui avaient les larmes aux yeux au moment où ils contemplaient les mystères de la vie. Ce qui fait que quand j'entends des arguments comme ceux qui ont été présentés cet après-midi par les trois témoins, en particulier par M. Dickens, des arguments favorisant la destruction des embryons à cause de leur sexe, des arguments indiquant que les Canadiens ne s'intéressent pas aux méthodes de sélection du sexe dans le cas des êtres humains, je suis obligé de vous faire savoir qu'il n'y a pas beaucoup de Canadiens qui partagent vos opinions.

Il est possible que les opinions des Canadiens évoluent dans ce domaine, parce que nous comprenons un peu mieux les questions reliées à la vie. Mais cela m'inquiète beaucoup.

Quand je vous entends citer l'Ancien Testament au sujet des méthodes de sélection du sexe, et parler des pratiques et des positions susceptibles d'influencer le sexe des bébés, j'aimerais vous citer des choses moi aussi, parce que je pense que vous ne savez pas de quoi vous parlez.

Je veux passer à une autre question, monsieur Dickens, le développement des cellules d'embryon pour la maladie de Parkinson ou pour les cardiaques, et vous dites qu'il faudra beaucoup d'embryons, et que peut-être les embryons provenant de fertilisations in vitro ne suffiront peut-être pas. Il faudrait des embryons ayant des caractéristiques particulières, et il en faudrait donc beaucoup.

Nous avons entendu de nombreux témoins, des experts et des savants, qui étaient enthousiasmés par les progrès considérables réalisés avec les cellules souches d'adulte. Nous savons que si l'on prend des cellules d'embryon et qu'on les fait se reproduire pour un cardiaque ou une personne souffrant de la maladie de Parkinson, je parle de cellules provenant d'une autre source, il faudra lutter contre le phénomène de rejet. Il y a un système immunitaire qui voudra rejeter ces cellules. Le patient devra donc prendre des médicaments toute sa vie.

Le fait de prendre des cellules d'un autre organisme soulève de nombreuses questions. En fait, pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson, les médecins ont obtenu des résultats catastrophes lorsqu'ils ont pris des cellules foetales provenant d'un autre être humain et qu'ils ont essayé de les introduire chez le malade.

On nous a dit... même des professeurs de votre université, madame Young, il y a des chercheurs de McGill qui ont fait des avancées considérables dans le domaine de l'utilisation des cellules de la peau pour développer des cellules adultes. Les greffes autologues vont devenir tout à fait possibles grâce aux progrès que nous avons réalisés dans ce domaine, qui permettent de prendre des cellules de son propre corps, de les faire se développer et de les réintroduire ensuite dans le même corps. C'est un domaine de la recherche médicale qui est très intéressant parce qu'il offre la possibilité d'obtenir de meilleurs résultats thérapeutiques; les malades n'auront pas à prendre des médicaments pour lutter contre le rejet et ils seront véritablement guéris.

C'est pourquoi, quand je vous entends parler de réification, quand je vous entends utiliser ce terme, et vous dites que nous ne devrions pas nous inquiéter de la réification, et cela vaut également pour les commentaires de Mme Young au sujet des mères porteuses, je dirais que vous parlez en fait de la réification ou de l'industrialisation des tissus humains. Je tiens à vous faire savoir que cela est très choquant pour une bonne partie de la population. Ces personnes ne veulent pas se cacher derrière des termes scientifiques, qui ont tendance à faire avaler tout cela au public avant qu'il n'ait pu vraiment comprendre ce qui se passait.

Nous avons entendu des témoins qui ont parlé en ce sens. Je voulais que cela figure au procès-verbal. J'aimerais entendre votre réponse.

M. Bernard Dickens: Merci.

J'ai critiqué la destruction des embryons par rapport à la sélection du sexe, parce que le projet de loi que vous êtes en train d'examiner va favoriser cette pratique. C'est-à-dire que si l'on veut interdire les avortements fondés sur le sexe, il faudrait contrôler le sexe des embryons avant de les implanter. Cela est interdit par le projet de loi. C'est pourquoi ce projet n'est pas cohérent parce qu'il augmente la probabilité que l'on détruise des embryons pour la seule raison qu'ils ne sont pas du sexe souhaité. C'est une lacune de ce projet de loi.

Je ne vais pas vous citer des versets, mais cela est vrai. Je n'ai pas repris cela dans mon mémoire parce que j'ai pensé que c'était un peu pédant.

• 1650

Pour ce qui est de l'utilisation des cellules souches adultes, je dois dire qu'elles offrent des possibilités. Par contre, si l'on examine les critiques qu'ont formulées certains savants éminents au sujet du projet américain de limiter les souches cellulaires à celles qui existent déjà et de ne faire de la recherche qu'avec des cellules souches adultes, il est certain que cela sera insuffisant. Il est possible que l'on puisse faire quelques progrès en utilisant uniquement des cellules souches adultes mais il semble que si l'on veut exploiter toute la richesse, toutes les possibilités qu'offre ce genre de recherche, il faudra utiliser des cellules souches d'embryons.

Il faut tenir compte du fait que les Canadiens ont déjà accepté des lignes directrices qui autorisent la recherche portant sur des embryons de moins de 14 jours. Il y a eu de l'opposition, cela était à prévoir, mais d'une façon générale, ces mesures ont été acceptées. La recherche à l'aide des cellules souches se ferait à l'intérieur de cette période de 14 jours, et, je le répète, cela est déjà accepté.

De plus, si certains s'opposent à l'utilisation d'embryons pour la fabrication de produits thérapeutiques, rien n'indique que les personnes qui s'y opposent pour des raisons de principe refusent d'utiliser les produits thérapeutiques fabriqués à partir de ces embryons, et dans ce sens, cette opposition se justifie et mérite le respect. Là encore, on pourrait tenir compte de ces réactions en adoptant des dispositions relatives à l'objection de conscience pour les personnes qui devraient normalement participer à ce type d'opération et celles qui pourraient utiliser ce genre de produit.

On peut dire en conclusion que la nature n'accorde pas aux embryons la même importance que nous. La commission royale a montré qu'un pourcentage élevé d'embryons produits au cours de la reproduction naturelle est détruit spontanément. Nous avons accepté le fait que des embryons puissent servir à la société en les utilisant pour faire de la recherche, et même pour fabriquer des produits, les vaccins. Le vaccin Salk contre la polio, par exemple, a été obtenu grâce à la recherche sur les embryons et ceux qui s'opposent à cette recherche pour des raisons de principe ne refusent pas les avantages qu'offrent les résultats obtenus grâce à cette recherche. Il existe donc une certaine incohérence qui est courante chez les groupes humains. Mais l'idée de créer une interdiction à cause d'un choix philosophique devrait s'accompagner d'une certaine souplesse.

La présidente: Merci.

Vous avez en fait parlé un peu moins de dix minutes.

M. James Lunney: Vous n'êtes pas sérieuse.

La présidente: Vous avez fait un excellent discours, ce qui est assez inhabituel pour vous. Vous pouvez poser une dernière question, parce que vous prenez rarement autant de temps.

M. James Lunney: Merci, madame la présidente.

Je voudrais parler de la question de la maternité de substitution, parce qu'une bonne partie des témoignages a porté sur ce sujet. Là encore, certains ont déclaré aujourd'hui qu'on ne devrait pas interdire la rétribution des personnes qui ont donné des gamètes ou accepté de porter un enfant dans un but lucratif. Je pense que, lorsque nous envisageons de rémunérer des jeunes filles pour utiliser leurs ovaires, lorsque nous les payons pour que l'on stimule leur production d'ovules, nous ouvrons la porte à des abus. Les jeunes n'envisagent pas toujours les conséquences qu'ils risquent d'avoir à payer en acceptant des pratiques qui peuvent compromettre leur fertilité plus tard. C'est une possibilité qui inquiète beaucoup de gens.

Nous avons également entendu des témoins dire qu'ils souhaitaient recevoir à l'avance les sommes qu'ils pourraient obtenir pour porter un enfant, qui leur seraient remboursées, pour les frais uniquement, qui représentent de 2 500 à 5 000 $ par mois. L'idée que des femmes puissent faire carrière dans la production d'enfants n'est pas très réjouissante pour la société. Mais si nous autorisons ce genre de remboursement, c'est ce qui risque d'arriver, et c'est très inquiétant.

Mme Alison Harvison Young: Je suis d'accord avec vous. Je dois dire que c'est une question qui se pose dans la réalité, il y a par exemple les étudiantes qui donnent des ovules pour payer leurs droits universitaires, et qui le font de façon régulière. C'est un grave problème.

Mon argument, et il va dans le sens de l'observation de M. Dickens, est que c'est ce qui risque de se passer si l'on interdit cette activité au lieu de la réglementer. Si l'on réglemente cette activité et si l'on prévoit certaines conditions... Il ne faut pas accorder d'autorisation dans certaines situations, notamment lorsque les intéressés n'ont pas atteint un certain âge. Je connais des centres de bonne réputation aux États- Unis qui n'acceptent pas les donneurs qui n'ont pas encore eu d'enfants, etc.

• 1655

Je suis tout à fait d'accord avec vous; on peut faire de graves erreurs dans un domaine mais si l'on se contente de criminaliser ces activités en pensant qu'elles ne seront plus exercées, cela revient à se cacher la tête dans le sable. En fait, une partie du problème vient du fait que les termes utilisés dans ce projet de loi peuvent être interprétés de différentes façons. Par exemple, il est interdit de vendre des gamètes mais le remboursement des dépenses est une activité réglementée. Dans le cas de la maternité de substitution, la loi est plus stricte puisqu'elle interdit toute contrepartie.

La contrepartie, entre parenthèses, est une notion très technique utilisée dans le droit des contrats. Si vous la comprenez, vous êtes plus rapide que la plupart des étudiants de première année qui écrivent leur examen de fin d'année. Et cela remonte assez loin pour moi.

M. Patrick Healy: Et cette notion n'existe pas au Québec.

Mme Alison Harvison Young: C'est en fait une bonne remarque, cette notion de contrepartie. Je pense que si ce projet de loi est adopté, la notion de ce qui constitue le remboursement de frais va progressivement être élargie. Cela revient donc à approuver une distinction fausse parce qu'il serait plus honnête de dire que nous allons contrôler toutes ces activités et qu'aucune autorisation ne sera accordée dans ce genre de situation.

Si nous autorisons le don d'ovules, il faudrait imposer des conditions. L'organisme de réglementation peut préciser qu'il est possible de rembourser les dépenses médicales, la nourriture, etc., et peut-être d'autres dépenses. Dans le cas des mères porteuses, le remboursement des frais peut-il porter sur ce qu'il en coûte à la mère porteuse de rester chez elle, pour s'occuper de ses enfants pendant une année de plus, au lieu de retourner au travail à la fin de son congé de maternité?

Je crois que la définition des frais va progressivement être élargie. Il faut être honnête dans ce genre de situation. Je suis d'accord avec vous. Je ne pense pas que les Canadiens veulent que l'on réifie la reproduction et je ne pense pas qu'ils veuillent voir des adolescents ou des jeunes adultes exploités de cette façon. C'est pourtant exactement ce qui va se produire si l'on choisit de procéder en interdisant complètement ces activités.

La présidente: Merci, monsieur Lunney.

Madame Beaumier.

[Note de la rédaction: Inaudible]

Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): ...et moi nous faisions partie du comité qui a examiné le projet de loi C-47 initial, et la seule chose qui ait vraiment changé depuis, ce sont les aspects scientifiques. Ceux d'entre nous qui faisaient partie du comité ont été très heureux de voir que des élections ont été déclenchées et que le projet de loi est mort au Feuilleton, parce que nous n'aurions pas eu le temps de bien faire notre travail. Ce projet de loi a été préparé très rapidement et nous l'avons approuvé sans bien nous en rendre compte.

Je constate que ces questions soulèvent un certain nombre de problèmes. Vous dites que l'interdiction de ces actes va inciter ceux qui veulent les commettre à le faire dans la clandestinité, mais la réglementation n'est pas une technique très différente de l'interdiction. Tous les savants pensent que nous sommes stupides, et ils ont raison, mais cela est fascinant lorsqu'il s'agit de science. Tous les médecins viennent nous dire, faites-nous confiance, nous n'avons pas besoin de vous, nous allons agir de façon responsable. Nous avons été élus pour rendre des comptes à nos électeurs. Si l'on prend le cas de l'avortement, par exemple, nous savons tous que les médecins respectent certains principes, mais nous savons également que ces principes ne sont pas respectés, parce que les infirmières viennent nous le dire.

Je suis tout à fait pro-choix mais il est beaucoup plus facile de ne rien faire et de dire qu'il vaut mieux ne pas faire de règles, et de laisser les docteurs s'en occuper et les tribunaux en décider.

• 1700

Nous cherchons nous aussi à nous soustraire à nos responsabilités. J'ai écouté les médecins et les juristes. Pour l'essentiel, ils disent que nous ne devrions pas avoir de loi du tout, parce que si les interdictions ne donnent pas de résultat, ce n'est pas la réglementation qui le fera.

Il serait beaucoup plus facile pour les membres du comité de confier tout cela à un organisme de réglementation et de nous en laver les mains. Je me trompe peut-être mais je ne pense pas que ce soit pour cela que les Canadiens nous ont élus.

Mme Alison Harvison Young: Dans un sens, c'est une question très complexe, parce qu'elle comporte beaucoup d'aspects qui exigent qu'on ait une connaissance approfondie de certaines choses. C'est une question plus complexe, dans ce sens, que celle de l'avortement. Elle comporte davantage d'aspects et elle est plus compliquée.

Je dirais en fait que les députés se soustraient à leurs obligations au moins autant s'ils se contentent de dire qu'il faudrait adopter une loi. Nous allons interdire tout cela. La question sera réglée. Nous avons assumé nos responsabilités sans nous demander si cette interdiction allait avoir quelque effet.

C'est tout à fait ce qu'ils ont en Angleterre. Lorsque l'on parle d'un organisme de réglementation, on parle d'un organisme qui sait ce qui se passe, qui est capable de suivre ces activités, et qui a les ressources pour le faire. C'est une partie importante de cette surveillance. Un tel organisme est également en mesure de faire les distinctions subtiles qu'il faut faire.

C'est là un des problèmes que soulève ce projet. Il n'y a pas... Et Patrick Healey pourrait vous en dire long à ce sujet. C'est du droit pénal. Les interdictions absolues sont des instruments grossiers qui ne permettent pas de prendre tous ces facteurs en considération.

La présidente: Avez-vous terminé, Colleen?

Mme Colleen Beaumier: Non. Je pense que M. Dickens va répondre et je vais peut-être me souvenir de ce qu'allait être ma réponse.

M. Bernard Dickens: Nous savons qu'une loi peut avoir des effets pervers. Ce sont des choses qui arrive, en particulier lorsque l'on adopte des lois. Lorsque les difficultés sont prévisibles, il faut assumer une certaine responsabilité pour ce genre de choses.

Nous avons déjà entendu, dans le domaine de la reproduction, une expression qui est laide parce qu'elle banalise les choses. On parle de tourisme de reproduction. Les personnes à qui l'on interdit certaines pratiques dans le pays où elles vivent se rendent ailleurs pour obtenir les services qu'elles demandent. Favoriser ce genre de choses, pour que ces gens ne se rendent non seulement à l'étranger mais qu'ils y achètent aussi les services de mères porteuses, cela représente le genre de mauvais fonctionnement, c'est-à-dire l'exportation d'une oppression que nous voulons en fait éviter.

La question de la maternité de substitution entraîne à la fois l'évitement légal et l'évasion illégale. Et il est tout à fait évident qu'au début ce genre de pratique sera très limité. Il y a en fait très peu de couples qui utilisent des mères porteuses. On a eu recours au Canada à un certain nombre de mères porteuses, et cela n'a pas entraîné apparemment d'oppression, ni de problèmes sociaux.

Qu'il s'agisse du remboursement des frais, de récompenses financières, il est très difficile de faire la différence. Il paraît insuffisant de vouloir régler un problème en imposant une interdiction absolue, à moins d'être également prêt à en assumer toute la responsabilité. Il ne suffit pas de répondre aux préoccupations de la population mais il faut également assumer la responsabilité d'une situation qui va déboucher sur des problèmes prévisibles, qui va entraîner des dommages prévisibles qu'on aurait pu éviter en adoptant un mécanisme de réglementation efficace.

• 1705

Mme Colleen Beaumier: Si les organismes de réglementation devaient présenter régulièrement des rapports au Parlement, je crois que cela nous conviendrait davantage. Mais une fois créé, un organisme de réglementation a tendance à devenir indépendant.

Lorsque vous parlez de réglementation et de punir les laboratoires ou les cliniques, on dirait que vous voulez mettre sur pied un bureau d'éthique commerciale pour les cliniques de fertilité. Avec des promotions, on attire toujours des clients. Je sais que je simplifie les choses.

M. Bernard Dickens: Le fait est qu'il s'agit là d'un commerce, comme la doyenne Young l'a mentionné. Ces services ne sont pas couverts par les régimes d'assurance-maladie provinciaux. C'est une médecine de luxe. Il s'agit en fait de protéger la conception.

La présidente: Si c'est une médecine de luxe, pourquoi devrions-nous la favoriser?

M. Bernard Dickens: Ce n'est pas ce que nous faisons.

La présidente: Il faudrait consacrer des fonds à cet organisme de réglementation et faire face aux dépenses considérables que représenteraient des inspecteurs suffisamment compétents pour comprendre les nuances dont a parlé Mme Young. Ce sont là des soins de santé très coûteux. Pourquoi devrions-nous assumer ces coûts pour des gens qui ont déjà versé beaucoup d'argent pour essayer d'avoir ce que j'appellerais des enfants sur mesure, la plupart du temps?

M. Bernard Dickens: Oui. Vous êtes en train de démontrer que le gouvernement devrait subventionner l'utilisation des techniques visant à remédier à l'infertilité ainsi que les inégalités sociales.

La présidente: Même avec l'inspection, on parle d'un organisme de réglementation qui devra embaucher des inspecteurs très compétents. Qui va payer tout cela si ce n'est pas le gouvernement? En fait, cela reviendrait à subventionner cet organisme, même si tous les services étaient facturés aux usagers et non pas à un régime d'assurance-santé.

Je signale que de nombreux témoins ont demandé que ces activités soient couvertes par un régime d'assurance-maladie d'un bout à l'autre du pays. C'est l'argent des contribuables. Si nous ne nous en chargeons pas et que ces personnes assument elles-mêmes ces frais, puisque de toute façon les personnes qui veulent des enfants ont de l'argent, pourquoi devrions-nous payer l'inspection de ces établissements?

M. Bernard Dickens: Ce n'est pas nécessairement le cas. Au Royaume-Uni, le gouvernement accorde une subvention modeste à l'organisme chargé de la réglementation. Celui-ci obtient le gros de ses recettes grâce aux droits qu'il fait payer aux cliniques qui obtiennent des autorisations. Bien entendu, le montant de ces droits se reflète dans le prix des services. Ce sont les utilisateurs de ces services qui en paient le coût.

La présidente: Ceux qui ont une autorisation doivent payer des droits? Je ne comprends pas.

M. Bernard Dickens: Les cliniques qui ont obtenu une autorisation doivent payer des droits pour couvrir les mesures d'inspection et de suivi. Là encore, les frais que ces cliniques facturent pour leurs services tiennent compte de ces droits. Ce sont en fin de compte les personnes qui consomment ces services qui en paient le coût.

La présidente: Cela fait monter les prix.

Pourquoi ne parle-t-on pas de réification? Il y a des témoins qui ont dit qu'il s'agissait là d'une industrie, avec les mères porteuses. Les parents qui retiennent leurs services demandaient que l'on verse environ 36 000 $ par année à ces mères porteuses. C'est pourquoi le Dr Lunney a parlé de carrière. Il y a des gens qui ne peuvent espérer gagner un jour de telles sommes. S'ils gagnent ce genre de somme une fois, ils vont sans doute vouloir recommencer.

Je crois que nous sommes très troublés par ce que vous dites. Cela me trouble en tout cas, je ne sais pas si c'est le cas pour les autres.

M. Bernard Dickens: Le terme de réification est un terme négatif qui est choisi pour cette raison. Il s'agit en fait essentiellement d'un échange de services. Les lois sur la protection des consommateurs s'appliquent aux personnes qui achètent des véhicules de luxe. Nous ne disons pas que cela n'intéresse aucunement la population.

Avec un bon système de réglementation, on pourrait dissuader les mères porteuses de faire carrière. On procéderait à une inspection indépendante des situations dans lesquelles ce genre de services est offert. Si une femme qui peut travailler essaie de faire carrière comme mère porteuse, on peut bien penser que cela ne serait pas accepté. Encore une fois, en interdisant ce genre de chose, on pousse les gens à se cacher, à se rendre à l'étranger, et on favorise tout cela, dans un certain sens. Si la question est abordée de façon ouverte, on peut alors introduire le genre de réglementation qui existe au Royaume-Uni.

La présidente: Je ne comprends pas la différence. Si le fait d'interdire quelque chose oblige les gens à se cacher pour le faire, n'est-ce pas le rôle du gouvernement de dire ce qui est bien et ce qui est mal? Autrement dit, nous avons interdit les vols de banque. Cette activité est passée dans la clandestinité et déclenche le recours au droit pénal.

M. Bernard Dickens: Oui.

La présidente: Nous ne pouvons pas empêcher les gens de faire les choses qui sont interdites, si c'est cela qu'ils veulent faire. Il me semble que nous avons un rôle à jouer et que c'est à nous de décider ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas.

M. Bernard Dickens: Nous ne parlons pas de gens malveillants qui veulent exploiter les autres et leur prendre leur bien. Nous parlons de gens qui veulent avoir des enfants.

• 1710

La présidente: Non. Ils veulent prendre les ovules, le sperme des autres, et tout le reste.

Au Canada, nous avons tendance à penser que les choses matérielles sont plus importantes que les personnes. S'il s'agit de dollars dans une banque ou d'or dans une chambre forte, ces biens deviennent tout à coup importants et il faut recourir au droit pénal et aux policiers. C'est terrible non? Et lorsqu'on exploite les gens et qu'on achète ce qui fait leur essence, tout à coup il faudrait parler de réglementation. Ce n'est plus une infraction criminelle.

D'après moi, le deuxième cas est pire que le premier. Je préférerais avoir un enfant qui décide de dévaliser une banque qu'un enfant qui va essayer d'exploiter quelqu'un pour obtenir des ovules et des spermes et faire porter l'enfant par quelqu'un d'autre. Il faut faire intervenir trois personnes pour en produire une quatrième qui ne saura même pas d'où elle vient. Cela est beaucoup plus grave.

M. Bernard Dickens: Les comparaisons que vous faites sont tout à fait appropriées, mais jusqu'à un certain point. Nous savons que la prohibition des boissons alcooliques a entraîné l'apparition du crime organisé. Nous en ressentons encore les conséquences. Nous avons criminalisé l'utilisation de certaines drogues à des fins récréatives et nous sommes en train aujourd'hui de revoir cette question parce que cette solution cause de nombreux problèmes.

Cela n'est pas comparable aux vols de banque. Ce sont des gens qui essaient de vivre à leur façon et qui, apparemment, ne font de mal à personne. Il faut évaluer le coût des interdictions fondées sur la morale. Je pense que personne ne conteste qu'il est immoral de dévaliser des banques. Le fait d'essayer d'avoir son propre enfant en utilisant les seuls moyens à sa disposition ne se situe pas sur le même plan, pour ce qui est de la moralité, à moins de le prétendre faire pour alimenter un débat.

La présidente: Non. Vous affirmez que la maternité de substitution existe ici et qu'elle ne cause aucun problème social. Cela n'est pas vrai. Nous n'avons aucune preuve qui le démontre. Il n'existe aucune donnée statistique qui démontre que cela n'est pas vrai pour aucun des participants et surtout, pour l'enfant qui en résulte.

M. Bernard Dickens: La Commission de réforme du droit de l'Ontario avait des preuves. C'étaient des preuves fragmentaires mais elles venaient d'une travailleuse sociale qui avait beaucoup d'expérience. Je vais donner son nom parce qu'elle a pris position publiquement sur cette question. Ruth Parry est une professeure éminente dans le domaine du travail social, qui a longtemps travaillé pour une clinique de droit familial en Ontario.

Il est évident qu'il n'est pas possible de trouver des statistiques sur cette question, parce que cela se fait, par définition, de façon clandestine. Il n'est pas possible d'obtenir des chiffres à ce sujet. Nous sommes donc limités à des aspects qualitatifs et à des expériences personnelles.

Ruth Parry a déclaré que ce genre de chose se pratique depuis longtemps dans de nombreuses communautés d'immigrants ou autochtones. On insémine artificiellement une femme et celle-ci donne naissance à un enfant qu'elle remet au groupe familial. Ces familles ne sont pas enthousiasmées par cette façon de faire mais elles ne fonctionnent pas plus mal que d'autres familles canadiennes. C'est une chose qu'elles acceptent et qui ne soulève pas vraiment de problème.

La présidente: Je suis désolée, madame Wasylycia-Leis. Je vous ai passé devant. Allez-y.

Je n'avais pas le nom de Mme Picard. Je n'ai pas vu sa main. J'ai ensuite Mme Wasylycia-Leis. Nous ne suivons pas un ordre; je donne la parole aux personnes qui veulent parler, dans l'ordre où elles me le font savoir. Je ne termine pas la rangée. Si cela s'est déjà produit, c'est parce que vous étiez la troisième à lever la main.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Je vais la laisser prendre la parole avant moi.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Je suis vraiment outrée d'entendre parler de marchandises, de transactions, de commercialisation. Je n'ai pas du tout ces valeurs-là.

Plusieurs de mes collègues ont posé des questions que je me posais. Dans un premier temps, je veux savoir si j'ai bien compris Me Young. Vous semblez considérer que les femmes porteuses d'un enfant font un travail comparable à n'importe quel travail manuel. Vous avez aussi comparé ce travail à celui des prêtres et des travailleurs sociaux. À mon point de vue, c'est une attaque à la dignité humaine des femmes. Je ne peux pas comprendre qu'on puisse en arriver à tenir ce langage quand il s'agit du don de la vie.

Je crains que l'exploitation des femmes va se faire beaucoup plus si on les rémunère que si on ne les rémunère pas. En fait, on ne doit pas craindre que les femmes les plus démunies qui ont actuellement à prendre leurs responsabilités pour soigner leurs enfants utilisent cette méthode plus souvent que les femmes qui en ont les moyens pour avoir de l'argent pour être capables de subvenir aux besoins de leur famille.

• 1715

Vous parlez des jeunes filles qui sont prêtes à donner leurs ovules pour être capables de payer leurs études. Ne croyez-vous pas qu'il y a là une exploitation? Il faut donc que ce soit réglementé.

Il y a aussi toute la question de la santé. Dans votre raisonnement, vous ne parlez pas de la santé de ces femmes, parce qu'il y a une limite à la stimulation des ovaires. On parle de cancer des ovaires et de toutes sortes d'autres conséquences. Il y a aussi les droits de ces femmes qui donnent des ovules. Qui vous dit que l'enfant à naître n'aura pas besoin de connaître un jour l'identité de sa mère biologique? Donc, il y a aussi les droits de l'enfant.

Je pense qu'il faut absolument réglementer et interdire cette pratique. Pour ma part, je pense que ce geste doit être fait comme un don de vie et non comme si c'était un vulgaire commerce. On est en train de prendre l'utérus des femmes comme des laboratoires de procréation. Je ne suis pas du tout de votre avis en ce sens-là.

J'ai aussi une question à poser à Me Healy. Vous parlez de la portée de ces interdictions et vous dites qu'elles doivent être bien définies. L'avant-projet de loi qu'on étudie actuellement englobe les interdictions ou la réglementation de l'utilisation de ces techniques à des fins thérapeutiques et toutes les techniques de procréation assistée, et j'ai l'impression qu'on ne se retrouve pas là-dedans. Croyez-vous que la portée de cet avant-projet de loi devrait être plus restreinte?

Vous avez également dit que vous aviez d'autres recommandations à faire et que vous pourriez nous donner des exemples. Quelles sont ces recommandations?

Mme Alison Harvison Young: Vous avez posé beaucoup de questions.

[Traduction]

Tout d'abord, au sujet de la réification, moi non plus je ne veux pas que l'on réifie la reproduction humaine. C'est quelque chose qu'il ne faut pas encourager. Je vais encore revenir sur ce que j'ai dit; si l'on interdit cette méthode, les gens vont y recourir en se cachant. Il me paraît préférable de la réglementer pour que l'on puisse tenir compte de différents aspects.

Pour prendre votre exemple des risques de cancer, c'est exactement le genre de chose qu'un organisme bien conçu devrait examiner, selon la méthode envisagée, qu'il s'agisse d'un don d'ovules ou d'autre chose. Et il faudrait tenir compte de la façon dont cette autorité, qui comprendrait, d'après moi, des médecins, des avocats et d'autres représentants de la société, je ne propose pas du tout que cet organisme soit uniquement composé de médecins, a évalué les risques. C'est là que cela devrait se faire.

J'ai utilisé le terme «réification» à dessein, pour répondre à votre préoccupation. Cela figure même dans le préambule. On y parle de la commercialisation ou de la réification des fonctions de reproduction. On nous demande de faire quelque chose à ce sujet. Je n'essaie pas du tout d'en faire la promotion.

Si les risques d'exploitation nous préoccupent, en particulier l'exploitation des femmes vulnérables, et là, je dirais que cela englobe les mères porteuses... C'est la mère porteuse et l'étudiante qui donne ses ovules qui risquent le plus d'être exploitées si l'on interdit cette pratique. Prenons le cas de la mère porteuse. Cela se fait à l'heure actuelle. Une de mes anciennes étudiantes à Montréal m'a parlé d'un certain nombre de cas de ce genre lorsque j'étais encore à McGill.

• 1720

Il est fréquent que les couples s'adressent à un avocat pour négocier un contrat. Habituellement, le couple est instruit et prospère; la mère porteuse est moins instruite. Elle sait que cela n'est pas tout à fait légal. Bien sûr, à l'heure actuelle, ce n'est pas que cela soit illégal, c'est juste que ce genre de contrats ne lie pas les parties au Québec. Ce n'est pas interdit par le droit pénal, cela n'est pas prévu par la loi.

S'il surgit un problème, si la mère porteuse est exploitée, c'est elle, parce qu'elle est moins instruite, qui risque de ne pas savoir quoi faire. Je ne parle pas seulement d'obtenir de l'argent ici; je parle d'accès à des soins médicaux si elle a des problèmes au cours de sa grossesse. Que va-t-elle faire si les futurs parents veulent qu'elle se fasse avorter parce que le foetus n'est pas bien formé? Il y a toutes ces questions. Lorsque cela se fait en cachette et que c'est interdit, la mère porteuse se trouve démunie dans ce genre de situation. S'il existe un régime de réglementation, il est alors possible de contrôler ce genre de situation.

Encore une fois, comme Patrick Healy l'a mentionné, il se peut que l'organisme de réglementation dise que pour ce qui est des dons d'ovules, il n'y aura pas d'autorisation parce qu'il n'est pas convaincu que la situation le permet; l'organisme peut également faire savoir qu'il va accorder ce genre d'autorisation dans des cas limités, lorsqu'on utilise des médicaments peu puissants ou à d'autres conditions. Mais c'est l'organisme de réglementation qui aura le pouvoir d'imposer de telles conditions.

Je vais donc répéter encore une fois que je ne suis pas favorable à la réification, je ne suis pas favorable à l'exploitation des êtres humains. J'affirme, que si vous voulez vraiment éviter ce genre de choses, il faudrait examiner sérieusement ce que propose Patrick Healy, à savoir confier toutes ces décisions à un organisme de réglementation qui s'occupera de cela très sérieusement.

Je vais faire une dernière remarque avant de donner la parole à mon collègue. Il me paraît très injuste de traiter toutes les personnes qui examinent ces possibilités comme si elles voulaient avoir des enfants sur mesure. Il faut examiner toute cette question, et c'est ce qu'attendent de vous vos électeurs, avec beaucoup de compassion. Je ne pense pas que les gens aient le droit absolu d'avoir des enfants, qui Dieu leur a donné le droit d'en avoir mais je pense toutefois que la société devrait traiter ces gens avec dignité, respect et compassion.

Patrick.

M. Patrick Healy: Deux questions m'ont été posées et je vais y répondre.

Répondre à la première de ces questions revient, dans un certain sens, à répéter ce que j'ai déjà dit, ce que la doyenne Young a déjà fait. Je ne m'interroge pas sur l'opportunité de prévoir des interdictions; la question est celle de la méthode utilisée pour le faire. Les deux s'appuient sur le droit pénal: il y a l'interdiction absolue, la façon habituelle de mettre en oeuvre le droit pénal et l'interdiction assortie d'une autorisation. Un organisme compétent pourrait classer les différents types d'activités et il les approuverait en fonction de l'opinion de ses experts et après consultation, auprès du Parlement ou d'autres intéressés.

Ce n'est pas une question d'interdiction. Je ne discute pas de cet aspect. Nous parlons de la forme que devrait prendre l'interdiction et de la souplesse que devrait avoir le système pour qu'il puisse autoriser certaines choses, et maintenir l'interdiction pour d'autres. Mme Harvison Young en a parlé, et je n'en dirai pas davantage.

Pour répondre à la question de Mme Picard, si vous le permettez, madame la présidente, j'aimerais faire quelques commentaires sur le projet de loi, qui porte sur des aspects techniques mais non dénués d'importance, si je puis le dire moi- même.

Tout d'abord, à la page 3, je ne sais pas très bien pourquoi le mot «femme» est défini de cette façon. On peut lire «personne de sexe féminin âgée d'au moins 18 ans». J'ai examiné le projet de loi pour savoir pourquoi on définissait ce terme technique. J'ai découvert plusieurs références à la notion de «mère porteuse» mais je ne vois pas la raison technique qui expliquerait cette définition. J'ai peut-être lu ce projet trop rapidement et je l'ai peut-être manqué.

J'ai déjà signalé un aspect plus important, à savoir les pouvoirs très larges que ce projet accorde en matière de perquisition et de saisie qui, si l'on se fondait exclusivement sur la formulation pénale de ces interdictions, seraient contestés dès qu'un inspecteur les utiliserait. Il n'est pas nécessaire qu'ils soient aussi larges.

• 1725

À la page 24, à l'article 26, on peut lire qu'«il est interdit d'entraver...». Si l'on se reporte ensuite aux articles qui créent les infractions, les articles 34 et 35, on constate que l'article 26 n'y est pas mentionné. L'article 26 interdit le fait d'entraver l'action d'un inspecteur dans l'exercice de ses fonctions mais ce fait ne constitue pas une infraction. C'est un oubli et l'on peut penser que l'infraction consistant à entraver un inspecteur devrait être visée par l'article 35.

Ensuite, à la page 28, à l'article 36 et ailleurs également dans ce projet de loi, on utilise deux principes qui n'ont pas bonne réputation, si je peux le dire, en droit pénal. Le premier est celui de la responsabilité du fait des tiers qui fait supporter à la personne X la responsabilité de la conduite qu'a eue la personne Y. Il est vrai que ce principe s'applique dans certaines circonstances, notamment dans le cas de la responsabilité pénale des sociétés et celles des administrateurs d'entreprises mais je vous signale cela parce que ces aspects seront certainement critiqués.

Cet article est également choquant parce qu'il s'appuie sur un autre principe qui a mauvaise réputation, puisqu'il est directement contraire à la présomption d'innocence: cette disposition oblige l'accusé à prouver qu'il n'est pas coupable.

Mon commentaire suivant, auquel M. Dickens a fait allusion, concerne la page 29. On peut y lire qu'il ne peut être engagé de poursuites «sans le consentement du procureur général, au sens du Code criminel». Il est rare que je me permette de corriger M. Dickens, mais dans le Code criminel, cette expression désigne le procureur général d'une province, et non pas le procureur général fédéral.

Ce projet de loi fédéral ne fait pas partie du Code criminel. La pratique habituelle que l'on retrouve dans la Loi sur les aliments et drogues, dans la loi réglementant certaines drogues et autres substances, ainsi qu'à l'égard d'autres infractions réglementaires et pénales graves comme celles que contient la Loi sur la concurrence, consiste à obtenir le consentement du procureur général fédéral. Si l'on veut appliquer une politique cohérente dans ce domaine, je crois qu'il faudrait envisager sérieusement de confier au procureur général fédéral le soin d'appliquer cette loi et d'intenter les poursuites pour les infractions qu'elle prévoit.

Je remarque que l'article 40 attribue au gouverneur en conseil des pouvoirs remarquables en matière de désignation des catégories d'activités réglementées, susceptibles de faire l'objet d'une autorisation. Cela est conforme à tout ce que nous avons dit à ce sujet. Il s'agit de l'alinéa a), mais l'alinéa m) parle d'exemption visant toute catégorie d'activités réglementées. Et bien, je ne suis pas certain du tout qu'il est souhaitable d'accorder ce genre de pouvoir réglementaire au ministre, pour les raisons qu'a mentionnées M. Dickens.

Je ne parle pas ici de la création d'un organisme indépendant chargé de faire rapport au ministre, le ministre faisant de son côté rapport au Parlement; un tel organisme n'est pas envisagé ici. Cette disposition attribue directement ce pouvoir au ministre et je pense qu'il y a lieu de réexaminer sérieusement le bien-fondé d'une telle disposition.

Mon dernier commentaire, madame la présidente, et je vais être très bref sur ce point, malgré son importance, porte sur l'article 41, que je trouve, et je dis cela avec beaucoup de respect, très bizarre. Cet article accorde au gouverneur en conseil le pouvoir de déclarer, par décret, que certains articles—les infractions réglementaires prévues aux articles 8 à 40—ne s'appliquent pas à une province particulière. Ce genre de chose est constitutionnel, la Cour suprême l'a déclaré. Mais cela ne veut pas dire que ce soit une bonne idée.

Cette idée paraît même encore plus bizarre lorsqu'on l'examine de près. Ce projet de loi s'appuie exclusivement, ou à tout le moins de façon importante, sur le pouvoir que possède le Parlement en matière de droit pénal. Comment le ministre peut-il s'entendre avec une province et affirmer qu'il existe des dispositions équivalentes dans la province, alors qu'aucune province n'a le pouvoir d'adopter de dispositions de nature pénale? Cela est absurde.

• 1730

Si cet article a pour but d'autoriser le gouverneur en conseil, le cabinet, à écarter l'application du droit pénal, en adoptant un décret, lorsqu'il existe des dispositions comparables en matière de santé dans une province, je dirais que le législateur n'a pas choisi une façon d'appliquer le droit pénal très respectueuse des principes. Je pense également que cela affaiblit le fondement constitutionnel de ce projet de loi.

La présidente: Monsieur Healy, je me demande si vous pourriez écrire une page ou deux sur cet article avec vos commentaires.

Je comprends tout à fait ce que vous dites. Cela me paraît très important et il serait très utile d'avoir quelque chose de bien écrit, surtout pour les non-juristes, de façon à pouvoir présenter correctement nos arguments.

M. Patrick Healy: Madame la présidente, je dois vous avouer un secret. Je sais que nous sommes au Parlement et je suis convaincu de ce que je dis mais j'ai une réputation pour ce qui est du respect des délais...

Elle le sait. Nous sommes amis depuis 25 ans et votre proposition la fait rire, mais je vais essayer. Je vous le promets.

Voilà quels étaient mes brefs commentaires.

La présidente: Madame Wasylycia-Leis.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je sais que mon temps de parole est pratiquement écoulé et je serai donc très brève.

J'ai trouvé ce débat fascinant. Il porte sur les aspects essentiels des questions qui nous préoccupent, l'équilibre à atteindre entre les possibilités qu'offre la science, que nous ne pouvons même pas imaginer ou prévoir, et le respect des valeurs des Canadiens.

Je comprends ce que veut dire Alison lorsqu'elle dit qu'il ne faut pas juger les gens, parce qu'il y a des familles qui veulent avoir des enfants mais qui ne peuvent pas en avoir, et cela est grave pour elles, cela touche leur qualité de vie. Mais cela devrait nous amener à être encore plus prudents avec ce projet de loi, parce que l'existence de ces techniques exerce des pressions sur notre système, comme notre présidente l'a dit, pour que notre régime d'assurance-maladie couvre certains actes au risque de surcharger ce régime, et nous devons donc être très prudents.

Cela nous ramène aux valeurs, aux normes et aux moeurs de notre société d'aujourd'hui qui doivent se refléter dans notre droit. Nous en avons parlé un peu aujourd'hui, et jusque-là, je pensais qu'il s'agissait de vérités sacro-saintes. Une de ces vérités était qu'il ne fallait jamais permettre aux parents de choisir le sexe de leurs enfants. Ce principe n'est pas seulement reconnu au Canada mais également sur le plan international dans les conventions sur la bioéthique et dans les projets de convention.

J'apprécie la franchise de M. Dickens et je crois qu'il propose, et c'est le premier à le faire devant nous, de reconnaître que la sélection du sexe de l'enfant pour équilibrer une famille est un objectif légitime. D'après nous, cela est contraire à tout ce que nous avons entendu dire par les témoins ainsi qu'aux valeurs des Canadiens et à ce que nous savons de ce qui se fait au niveau international. Est-ce que je me trompe? N'est-ce pas là une valeur reconnue internationalement qui doit être protégée par le droit ou y a-t-il des exceptions dans certains pays?

M. Bernard Dickens: Il existe plusieurs façons d'interpréter cette interdiction. Lorsqu'il existe dans une société une préférence marquée pour les enfants de sexe masculin par rapport aux enfants de sexe féminin, ou lorsque les parents préfèrent que leur premier enfant soit de sexe masculin, cela renforce la discrimination contre les enfants de sexe féminin, et de façon plus large, celle des femmes dans la société.

Mais l'équilibre de la famille est une valeur qui est très populaire chez les Canadiens, et c'est un aspect que d'autres communautés peuvent accepter. Je ne veux pas vous parler de mes expériences mais j'assistais à une réunion au Caire en novembre dernier où l'on parlait de l'éthique médicale musulmane. Cette réunion avait lieu à l'université Al-Azhar, qui est le centre de l'orthodoxie sunnite de l'Islam, et les participants trouvaient tout à fait légitime qu'une famille puisse souhaiter équilibrer la composition de ses enfants de sorte que, dans le cas où il n'y aurait que des enfants d'un seul sexe, il serait possible de faciliter la conception d'un enfant de l'autre sexe, sans obliger la mère à subir des grossesses répétées non désirées.

• 1735

Cela se justifie lorsqu'il est possible de prouver qu'il n'y a pas de discrimination contre un sexe ou contre l'autre, l'autre étant toujours, bien entendu, le sexe féminin. Lorsqu'il n'y a pas de discrimination contre le sexe féminin, autoriser les familles à équilibrer le sexe de leurs enfants ne constitue pas de la discrimination, et d'après les éléments de preuve rassemblés par la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction, ce genre de préjugés n'existe pas au Canada, de façon générale.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Les valeurs changent, tout comme les gouvernements. Il y a toujours le risque que quelqu'un abuse de cette loi pour faire de la discrimination, qu'il y ait une intention malveillante ou un traitement discriminatoire. N'est-ce pas à cela que sert le droit, à protéger une valeur pour éviter que l'on puisse y porter atteinte, et une de ces valeurs et de ces principes, comme l'énonce l'article 14 de la Convention sur les droits de l'homme et la biomédecine, n'est-elle pas que les techniques d'assistance médicale à la procréation ne doivent pas être utilisées dans le but de choisir le sexe d'un futur enfant, sauf lorsque l'on cherche à éviter une maladie héréditaire grave reliée au sexe de l'enfant?

M. Bernard Dickens: Oui. Il se pourrait que l'on constate à l'avenir que lorsqu'il n'y a pas de partialité sexuelle, comme c'est le cas au Canada, ou lorsque cette partialité a été éliminée, il n'y a aucune raison de conserver ce principe. Il faut en fait rechercher l'objectif derrière les termes utilisés, et reconnaître que, dans les sociétés où les femmes sont dévalorisées, que ce soit à cause des coutumes, des traditions, parfois à cause de raisons religieuses, il est interdit d'utiliser ces techniques pour favoriser cet objectif mais lorsqu'il est démontré qu'il n'existe pas de préjugé de ce genre, il semble qu'obliger les femmes à subir des grossesses non désirées pour avoir le genre de famille qu'elles souhaitent revient à les victimiser. Cela semble vouloir dire que l'on peut obliger les femmes à avoir des grossesses répétées jusqu'à ce qu'elles aient la répartition des enfants qu'elles souhaitent, à savoir une famille équilibrée. Il me paraît contradictoire d'avoir une loi qui vise à libérer les femmes et qui affirme en même temps que celles-ci doivent avoir des grossesses répétées si elles veulent avoir le genre de famille qu'elles souhaitent.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Est-ce que les deux autres témoins ont une opinion sur la question de la suppression de l'interdiction de la sélection du sexe?

Mme Alison Harvison Young: Je pense que cet aspect serait tout aussi bien réglé par voie réglementaire. Autrement dit, il s'agit là, encore une fois, sur le plan technique, d'une activité réglementée, mais en fait l'autorisation...

À l'heure actuelle au Canada, je dirais probablement, en me fondant sur les valeurs des Canadiens, et sur ce point je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Dickens, qu'une des règles serait de ne pas autoriser l'utilisation des méthodes de sélection du sexe des enfants pour des raisons non thérapeutiques.

Autrement dit, j'aurais tendance à penser que, si l'on faisait un sondage au Canada, et comme vous le savez tous, il n'est pas facile de faire un sondage, d'une façon générale, les gens diraient, dans l'ensemble, que l'utilisation de l'avortement pour sélectionner le sexe de l'enfant n'est pas une bonne chose.

Je crois que les avis seraient plus partagés au sujet des méthodes pratiquées avant l'implantation et si l'on découvrait, par exemple, un médicament grâce auquel il y aurait 90 p. 100 de chances d'avoir un garçon ou une fille, selon le cas, il y aurait alors, je crois, davantage de Canadiens qui trouveraient cela acceptable, probablement parce qu'ils verraient là plutôt le souci d'avoir une famille équilibrée, dont a parlé M. Dickens.

La valeur dont vous parlez vient, je pense, de l'époque où la méthode utilisée pour choisir le sexe du futur enfant consistait à avorter lorsque l'enfant n'était pas du sexe désiré. Cela dit, je crois que l'on peut y parvenir aussi bien en interdisant cette pratique par voie réglementaire plutôt qu'en ayant recours au droit pénal.

La présidente: Merci, madame Wasylycia-Leis.

Je m'excuse auprès des témoins de m'être emportée. Vous avez tout à fait raison. Je ne voulais pas dire que les gens qui recherchaient ce genre d'aide voulaient des enfants sur mesure. Je voulais répondre à l'intervention de M. Dickens au sujet d'une répartition équilibrée des enfants dans une famille, ce qui revient pour moi à vouloir une famille sur mesure. Je vous demande donc de pardonner mon emportement...

• 1740

Il y a certaines choses qui ont été dites aujourd'hui et qui m'ont vraiment mise en colère. C'est ce qui explique que je me sois emportée. Les membres du comité savent qu'en général je suis très calme, mais ce n'est pas ce qui s'est produit aujourd'hui.

Je tiens à vous remercier de nous avoir présenté vos réflexions et vos idées, ce qui a compliqué les choses pour nous, je dois le dire. C'est sans doute une bonne chose. J'aimerais vous demander, au cas où nos attachés de recherche aimeraient vous reparler, s'ils pourraient vous appeler au téléphone pour vous demander des précisions.

Je vais soulager Patrick Healy du fardeau que je lui ai imposé il y a un instant, parce que je me suis rendu compte que tout cela allait figurer dans le compte rendu. Nous pourrons simplement reprendre la partie de vos commentaires qui porte sur les divers articles du projet de loi pour nous en servir, et cela sera très bien. Vous n'aurez donc pas à écrire ces deux pages.

M. Patrick Healy: Si je pouvais ajouter quelque chose que j'ai oublié...

La présidente: Bien sûr.

M. Patrick Healy: ... je vous invite à vous reporter à la page 28, là où se trouvent les articles 34 et 35. Ce sont les deux articles du projet de loi qui créent des infractions. J'ai déjà attiré votre attention sur le fait que l'article 26 n'est pas mentionné dans l'article 35, mais il y a un autre point sur lequel j'aimerais également attirer votre attention.

L'article 34 crée des infractions qui concernent les actes interdits tandis que l'article 35 crée les infractions relatives aux activités réglementées. Il n'est pas facile pour les députés de déterminer ce qui constitue une peine appropriée mais je dirais que ces peines sont disproportionnées. Je ne dis pas qu'elles sont excessives, je dis qu'elles sont disproportionnées si on les compare.

L'article 34 prévoit une peine maximale de 10 ans ou une amende de 500 000 $ si l'on procède par voie de mise en accusation. À l'alinéa b) de cette disposition, la peine est de 250 000 $ ou un emprisonnement de quatre ans. Vous ne savez peut-être pas que la peine maximale prévue par le Code criminel pour les infractions sommaires est de 2 000 $, six mois d'emprisonnement ou les deux peines. Ces peines sont très, très éloignées de ce que prévoit la norme légale.

Il y a des exceptions, je ne dis pas le contraire. Il y a des exceptions pour ce qu'on appelle maintenant, dans le Code criminel, les «superinfractions sommaires», qui sont punissables habituellement de 18 mois de prison. Mais là on parle de quatre ans. Et cela veut dire, je le signale, dans un pénitencier fédéral et non pas une prison provinciale, où la durée maximale de la peine est de deux ans.

Lorsqu'on demande au Parlement d'examiner l'adoption de peines de ce genre, cela envoie un message clair au sujet de la gravité avec laquelle on considère l'activité concernée. Je comprends que les actes interdits sont considérés comme étant très graves. Cela est tout à fait acceptable. Il faut toutefois réfléchir, d'après moi, et je le dis avec respect, à la gravité du comportement qui est sanctionné.

Regardez l'article 35. Il sanctionne la contravention à une condition d'une autorisation ou à une activité réglementée. Il ne s'agit pas d'actes interdits mais d'activités réglementées. Ces dispositions prévoient 250 000 $ ou cinq ans, 100 000 $ ou deux ans. Quel est le rapport qui existe entre l'alinéa a) de l'article 35 et l'alinéa b) de l'article 34?

Je ne vais pas vous donner la réponse, parce qu'il n'y en a peut-être pas, et je dois vous avouer qu'il n'y a peut-être pas de méthode scientifique qui permette d'établir de tels chiffres. Il faut simplement penser à la gravité de la peine qui est prévue pour ces différentes infractions.

J'aurais pensé, par exemple, et là je ne fais qu'exprimer mon opinion, que si le législateur tenait à conserver ces interdictions générales, il ne devrait pas prévoir d'infraction sommaire. Il devrait uniquement prévoir des infractions punissables par mise en accusation avec le consentement du procureur général. La méthode retenue par ce projet de loi accorde à ces infractions le même traitement que la conduite dangereuse, et cela ne donne pas, d'après moi, le message qu'il conviendrait de donner.

Par contre, il est possible de se demander si la peine de cinq ans d'emprisonnement par mise en accusation est proportionnée à la nature de l'atteinte portée à une activité réglementée comme le prévoit l'article 35. Si c'est bien le cas, cela revient à dire que les personnes qui commettent ces contraventions sont aussi coupables que celles qui ont commis un homicide involontaire coupable, un vol de banque, une agression sexuelle grave, tout cela.

• 1745

Je vous demande simplement d'être très prudent lorsque vous examinerez le niveau des peines, tant celui des peines d'emprisonnement que celui des amendes, qui peuvent être fixées pour les contraventions à ce genre de projet de loi. Je comprends pourquoi les amendes sont aussi élevées, c'est parce qu'elles pourraient viser des entreprises. Je comprends cela. Mais cela ne suffit pas à justifier la disproportion apparente qui existe entre ces deux dispositions.

Merci.

La présidente: Merci beaucoup. Merci pour ces commentaires supplémentaires.

J'ai quelques informations à transmettre aux membres du comité. Tout d'abord, vous avez approuvé hier une motion dans laquelle nous acceptions d'examiner les OMG à la demande du ministre, et vous m'avez autorisé à écrire une lettre en ce sens.

Le greffier a été très sollicité par les médias sur cette question. Je me demande donc si vous seriez d'accord pour que je publie un communiqué de presse qui dirait essentiellement la même chose, c'est-à-dire:

    Le comité a accepté aujourd'hui d'examiner les organismes modifiés génétiquement qui sont contenus dans les aliments et il va examiner les quatre aspects suivants de cette question.

J'ai une copie du communiqué ici, si quelqu'un veut y jeter un coup d'oeil.

Le greffier du comité: Je crois que nous l'avons distribué.

La présidente: C'était dans ce paquet, très bien.

Pouvons-nous adopter une motion à ce sujet? Il semble que je ne puisse pas publier un communiqué de presse sans votre approbation.

M. James Lunney: Adoptée.

(La motion est adoptée)

La présidente: Vous avez peut-être déjà entendu entre les branches que notre demande de déplacement avait été refusée hier au cours de la réunion des leaders parlementaires. J'ai demandé à mon leader parlementaire, le leader du gouvernement, si l'on pouvait faire quelque chose. Il m'a demandé à quel moment nous voulions partir. Je lui ai dit dimanche soir, et il m'a déclaré qu'il n'y avait rien à faire parce que la décision a été prise hier et que ces personnes ne se réunissent pas avant la semaine prochaine. Il semble donc que notre comité ne siégera pas dans les régions pour parler d'assistance à la procréation.

J'ai pu réfléchir un certain temps à tout cela aujourd'hui et je me suis demandée si nous ne pourrions pas consacrer une de nos réunions de la semaine prochaine à la visite d'une clinique, si le greffier peut arranger cela. Je lui en ai parlé. Il m'a dit qu'il faudrait un budget de voyage pour louer un minibus... Je me dis que si c'est à Ottawa, pourquoi ne pas prendre des taxis et payer nous-mêmes ces frais?

Mme Judy Sgro (York-Ouest, Lib.): Il y en a une tout près d'ici, qui a été mentionnée par quelqu'un.

M. Preston Manning: L'Université d'Ottawa.

Une voix: M. Ménard y a été.

La présidente: Il faudrait que vous soyez d'accord pour qu'il n'y ait pas d'interprétation au cours de cette visite, parce que faute de budget, nous ne pourrons pas payer les interprètes. Cela vous convient-il? Si vous dites tous que vous êtes d'accord, cela ira.

Des voix: D'accord.

La présidente: Monsieur Manning.

M. Preston Manning: Je sais que je suis un peu en retard, madame la présidente, mais je me demande si le comité ne serait pas prêt à examiner la possibilité, puisque nous ne pouvons voyager, de demander à nos leaders parlementaires s'il serait possible d'organiser cet automne un débat exploratoire grâce auquel nous pourrions demander à nos collègues députés quelque chose comme, nous n'avons pas pu voyager, mais peut-être...

La présidente: J'ai proposé cela à un certain nombre de personnes qui n'y semblent pas favorable pour le moment. Elles ne pensent pas que nous soyons prêts à le faire. Nous n'avons même pas eu de débat à ce sujet au sein de notre comité; alors l'idée de lancer ce débat à la Chambre, où des gens qui n'ont pas eu l'occasion de réfléchir à la question vont vouloir parler pendant dix minutes; cela serait peut-être plus dangereux qu'utile pour le moment pour un sujet aussi controversé.

Je ne pense donc pas que cette idée soit destinée à avoir beaucoup de succès, monsieur Manning. Je crois que vous l'avez proposé au cours de l'été et qu'elle n'a pas été retenue. Je l'ai présenté en votre nom et cela a été refusé.

M. Preston Manning: Je pourrai peut-être la présenter à nouveau une autre fois.

La présidente: Je me demande, monsieur Manning, si on ne pourrait pas adapter cette idée pour qu'on le fasse au cours d'une de nos réunions, et l'on pourrait avoir un genre de débat exploratoire avec les membres du comité. Au cours de cette réunion, chacun des membres pourrait passer en revue le projet de loi, ainsi que les notes qu'il a prises au sujet des témoignages et faire un exposé de disons cinq minutes sur leurs principales préoccupations et conclusions sur ces questions. De cette façon, nous saurions au moins où nous en sommes et nous pourrions ensuite essayer d'en arriver à un consensus.

M. Preston Manning: Oui, cela me paraît être une bonne idée.

La présidente: Je me demande ce qu'en pensent les autres membres du comité. Pensez-vous qu'il soit utile de partager avec les autres membres du comité vos réflexions au sujet de toute cette information que nous avons reçue?

M. Preston Manning: J'aimerais bien que nous ayons à un moment donné une réunion qui soit moins officielle et au cours de laquelle nous pourrions simplement parler entre nous de ces sujets.

La présidente: Tant que nous avons des témoins, nous devons suivre la procédure habituelle.

M. Preston Manning: Oui, je le sais, mais nous pourrions peut-être nous réunir entre nous pour comparer nos points de vue.

• 1750

La présidente: Je vais voir s'il ne serait pas possible de faire cela au cours d'une de nos réunions de la semaine prochaine.

Vous avez également reçu un résumé des témoignages. On vous a remis à la dernière réunion deux choses: les chapitres du rapport de la commission royale concernant les mères porteuses et le résumé des témoignages entendus cet automne. Vous avez déjà le résumé des témoignages entendus au printemps dernier. Il serait bon, d'après moi, de consacrer l'une de nos réunions de la semaine prochaine à l'examen du résumé des témoignages pour que nos attachés de recherche et nos rédacteurs sachent s'ils vont dans la bonne direction.

Une autre réunion sera consacrée à la visite d'une clinique, si nous pouvons en trouver une qui soit prête à nous accepter aussi rapidement.

Pour la troisième réunion, nous pourrions parler ensemble de ce qui nous préoccupe au sujet de ces questions, des conclusions auxquelles nous en sommes arrivés, des témoignages que nous aimerions entendre et des sujets que nous ne comprenons pas bien.

Cela vous paraît-il être un programme acceptable pour la semaine prochaine?

Monsieur Lunney.

M. James Lunney: Madame la présidente, vous ne parliez pas sérieusement de nous limiter à cinq minutes pour exprimer notre opinion sur ce sujet.

Une voix: À vous seulement.

La présidente: Ce serait simplement pour le premier tour de table; nous pourrions ensuite avoir une conversation beaucoup plus libre, comme celle que propose M. Manning. Mais chacun présenterait d'abord son point de vue.

Mme Judy Sgro: Demain matin? Le ministre va-t-il venir demain matin?

La présidente: Le ministre sera là demain matin. Il devait être là à 9 heures mais on m'a dit qu'il n'arriverait qu'à 9 h 15, Pouvez-vous donc être ici à 9 h 10? Dans la pièce 253-D de l'édifice du centre. L'audience que nous aurons plus tard demain aura lieu dans la pièce 269 de l'édifice de l'Ouest.

Merci.

La séance est levée.

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