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HAFF Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 1er novembre 2001

• 1104

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): La séance est ouverte.

Je vais vous présenter nos témoins dans un instant. Nous sommes saisis aujourd'hui d'une question de privilège soulevée le 15 octobre 2001 par le député de West Vancouver—Sunshine Coast concernant la divulgation aux médias de renseignements sur la teneur du projet de loi C-36, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada, la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et d'autres lois, et édictant des mesures à l'égard de l'enregistrement des organismes de bienfaisance, en vue de combattre le terrorisme, avant les parlementaires.

• 1105

Avant de poursuivre là-dessus, puisqu'un parti n'est pas encore représenté, nous pourrions traiter d'une autre question à l'ordre du jour, à savoir la représentation au comité de liaison en vertu des articles 104 et 107 du Règlement. Je vous en ai parlé la dernière fois. J'ai entre les mains une ébauche de rapport. Chaque parti a présenté la liste des membres associés au comité de liaison.

J'attends que quelqu'un propose la motion indiquée ici.

M. John Reynolds (West Vancouver—Sunshine Coast, Alliance canadienne): Je propose la motion.

(La motion est adoptée)

Le président: Permettez-moi maintenant de présenter nos témoins qui comparaissent sur la principale question à notre ordre du jour. Nous avons le plaisir d'accueillir Richard Fadden, sous- greffier, conseiller juridique et coordonnateur de la sécurité au Bureau du Conseil privé, et Oonagh Fitzgerald, secrétaire adjointe du Cabinet, législation et planification parlementaire. Ai-je bien prononcé votre prénom, Oonagh?

Mme Oonagh Fitzgerald (secrétaire adjointe du Cabinet, Législation et planification parlementaire): Oui, merci.

Le président: Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux.

Monsieur Fadden, nous vous écoutons. Vous avez une déclaration liminaire, n'est-ce pas? Allez-y, et ensuite, nous vous poserons des questions.

M. Richard Fadden (sous-greffier, conseiller juridique et coordonnateur de la sécurité, Bureau du Conseil privé): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier les membres du comité de me donner l'occasion de venir discuter ici de cette importante question.

Pour commencer, je voudrais réaffirmer la politique du gouvernement concernant les séances d'information préalables, et ensuite je rappellerai les déclarations publiques faites par la ministre avant la parution de l'article de M. Fife, après quoi je vous décrirai les enquêtes administratives qui se poursuivent et dont la ministre McLellan vous a parlé. Enfin, je tirerai ensuite certaines conclusions qui, je l'espère, vous conviendront, avant de répondre à vos questions.

Les membres du comité savent que les ministres Boudria et McLellan ont affirmé la position actuelle du gouvernement concernant la protection du contenu des lois déposées au Parlement. Cette position reprend celle qui est énoncée dans le rapport que votre propre comité a déposé l'année dernière. En tout état de cause, la législation gouvernementale est protégée jusqu'à ce qu'elle soit déposée à l'une des chambres du Parlement. Dans des cas exceptionnels, comme dans le cas d'une loi complexe ou technique, des séances d'information préalables peuvent intervenir. Quand ces séances sont organisées à l'intention des médias, elles doivent l'être également à l'intention des parlementaires.

Cette position est décrite dans la réponse du gouvernement au rapport du comité du 9 mai, réponse qui a été déposée par le ministre Boudria le 8 juin. À la demande des membres du comité, et comme l'annonce la réponse du gouvernement, M. Boudria a envoyé au comité copie du Guide de préparation des lois et règlements fédéraux. Ce guide avait été modifié et y figure désormais la politique de séances d'information préalables dont s'est doté le gouvernement. Le nouveau guide est à la disposition de tous les ministres fédéraux.

[Français]

En plus de ces démarches, j'ai avisé tous les sous-ministres de la politique du gouvernement concernant les séances d'information préalables au dépôt des projets de loi. Des hauts fonctionnaires du Bureau du Conseil privé et du cabinet du premier ministre ont, pour leur part, informé leurs directeurs généraux des communications dans les ministères et les bureaux de ministres. Le 8 juin de cette année, j'ai fait parvenir aux sous-ministres une note réitérant la position du gouvernement sur la confidentialité des projets de loi et des séances d'information qui en précèdent le dépôt.

On s'est également efforcé de limiter la circulation des informations. Ainsi, les personnes qui prenaient part aux réunions se voyaient souvent interdire de quitter la salle avec le matériel utilisé. Des mesures concrètes ont aussi été mises en oeuvre pour restreindre la distribution des copies du projet de loi et pour s'assurer que celles-ci n'étaient pas fournies à qui que ce soit, sauf pour des raisons opérationnelles. En fin de compte, peu de personnes ont eu en leur possession une copie du projet de loi.

[Traduction]

Comme vous le savez, le premier ministre et les ministres ont déclaré à la Chambre des communes, et ce à plusieurs reprises depuis le 11 septembre, que le gouvernement préparait une réponse exhaustive aux événements tragiques qui se sont produits aux États- Unis, et que cette réponse comporterait des propositions législatives. Le 18 septembre, la ministre de la Justice a annoncé à la Chambre que nous sommes en train de mettre la dernière main au processus de ratification de deux conventions, la Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, et la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme.

La Convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif traite de nouvelles infractions concernant le ciblage de lieux publics, de moyens de transport en commun, d'installations d'infrastructure gouvernementale avec des explosifs ou d'autres mécanismes meurtriers. Elle exige que les États qui ont ratifié la convention déclarent ces actes des crimes lorsqu'ils sont commis à l'extérieur de leurs frontières et que les États intentent des poursuites ou procèdent à l'extradition de leurs auteurs s'ils se trouvent à l'intérieur de leurs frontières.

• 1110

La Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme vise à priver les terroristes de l'appui financier qui leur permet de poursuivre leurs opérations. La convention exige que les États parties déclarent que quiconque fournit ou réunit des fonds sachant qu'ils peuvent être utilisés pour des activités terroristes se rende coupable d'un crime. Le Canada a signé ces conventions et s'est engagé à procéder à leur ratification. «Je présenterai au Parlement»—c'est la ministre de la Justice qui parle—«des mesures législatives de mise en oeuvre qui nous permettront de poursuivre les auteurs de ces crimes au Canada.

Le 18 septembre, la ministre de la Justice a affirmé à la Chambre:

    On a recourt à des technologies de pointe pour se prémunir contre les activités illégales dont le terrorisme. Bien que les dispositions actuelles du Code criminel permettent l'interception de communications et la recherche et la saisie de renseignements dans les systèmes informatiques, les technologies nouvelles et en constante évolution mettent nos capacités à l'épreuve sous ce rapport. Nous nous employons à mettre au point de meilleurs moyens pour contrer l'usage de technologies de l'information susceptibles de faciliter et d'aider les activités terroristes.

    En plus de ces protections offertes par le Code criminel, j'ai l'intention de proposer des modifications à la Loi sur les secrets officiels en ce qui a trait aux activités de collecte de renseignements par les États étrangers et des groupes terroristes qui pourraient menacer les infrastructures essentielles du Canada.

Le président: Monsieur Fadden, excusez-moi, je n'ai pas bien suivi. Qui est l'auteur de ces citations?

M. Richard Fadden: C'est encore la ministre de la Justice.

Le président: Merci beaucoup.

M. Richard Fadden: Je poursuis:

    En outre, je prévois proposer des modifications à la Loi sur la preuve au Canada, en vue de mieux régir l'usage et la protection de l'information susceptible de compromettre, une fois divulguée, la sécurité nationale. Ces modifications protégeraient également les renseignements fournis sous le sceau de la confidence par nos alliés.

Le 19 septembre, la ministre de la Justice a déclaré:

    Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, le Canada a déjà signé, ratifié et mis en oeuvre 10 des 12 conventions mentionnées. Il n'en reste que deux.

    Comme je l'ai dit clairement à la Chambre hier, nous allons présenter des mesures législatives pénales, sous peu, afin de veiller à ce que nous puissions mettre en oeuvre à la fois la Convention pour la répression des attentats terroristes à l'explosif et la Convention pour la répression du financement du terrorisme.

Le 19 septembre, la ministre de la Justice a déclaré à la Chambre:

    Le projet de loi C-24 élargit les dispositions du Code criminel en ce qui concerne la saisie et la confiscation de biens dans certaines circonstances. Nous allons collaborer avec nos alliés pour veiller à pouvoir compter sur les lois nécessaires pour couper les organisations terroristes de leur argent qui leur est absolument essentiel.

Le 19 septembre, la ministre de la Justice a ajouté également:

    D'autres pays ont récemment adopté des projets de loi antiterroristes ou sont en train de le faire, l'Angleterre et la Nouvelle-Zélande par exemple, ces deux pays imposant des peines d'emprisonnement allant jusqu'à 14 ans à quiconque est déclaré coupable de réunir des fonds afin de financer des activités terroristes.

La ministre a dit que le gouvernement fédéral s'inspirait de ces projets de loi pour préparer ses mesures législatives antiterroristes. Elle a dit qu'elle déposerait un projet de loi qui permettrait au gouvernement d'emprisonner les personnes qui réunissent des fonds à des fins terroristes ou de saisir leurs actifs.

Le 21 septembre, alors qu'on avait demandé à la Chambre au secrétaire d'État aux institutions financières si le gouvernement envisagerait d'apporter des modifications à la Loi sur le blanchiment de l'argent, récemment adoptée pour combattre le terrorisme, celui-ci a répondu:

    C'est précisément ce que nous comptons faire. Nous avons eu des discussions avec Fintrac au sujet de notre Loi sur le recyclage des produits de la criminalité, et nous examinons la question.

Le 25 septembre la ministre de la Justice a déclaré à la Chambre:

    Monsieur le Président, si la question du député concerne la mise en oeuvre de la Convention des Nations Unies sur la répression du financement du terrorisme, nous sommes en train d'examiner tant une définition des organisations terroristes que l'établissement d'une liste d'organisations désignées, lesquelles seraient définies comme étant des organisations terroristes.

Le 26 septembre, la ministre de la Justice annonçait à la Chambre son intention de modifier le Code criminel:

    Monsieur le président, le député confond deux choses. Il y a, en vertu de la Loi sur les Nations Unies, la situation qui concerne expressément ben Laden et ceux qui lui sont directement ou indirectement associés. Nous avons l'infrastructure juridique en place pour autoriser le blocage des actifs de toute organisation dirigée par ben Laden ou associée à ce dernier.

    Cependant, la Convention pour la répression du financement du terrorisme va beaucoup plus loin. Nous sommes en train de modifier le Code criminel afin de pouvoir appliquer les dispositions de cette convention.

Le président: Je suis embrouillé. C'est la ministre de la Justice qui parle, n'est-ce pas? Et auparavant c'était le secrétaire d'État...

M. Richard Fadden: Aux institutions financières.

Le président: Merci beaucoup.

M. Richard Fadden: Le 2 octobre, le ministre des Affaires étrangères, M. Manley, a déclaré à la Chambre:

    Le premier ministre a annoncé hier la création d'un nouveau comité de ministres ad hoc pour examiner la sécurité publique et l'antiterrorisme, comité que je présiderai à sa demande. Le comité a déjà commencé à élaborer une stratégie devant permettre au gouvernement de relever les défis immédiats que pose la sécurité publique.

    Nous analysons l'ensemble des politiques, des lois, des règlements et des programmes du gouvernement dans le but de resserrer tous les aspects de notre sécurité publique à la lumière des événements du 11 septembre et conformément aux obligations fixées par le Conseil de sécurité de l'ONU la semaine dernière.

[Français]

Le 2 octobre, le ministre Boudria a confirmé que le gouvernement s'apprêtait à déposer prochainement aux Communes un projet de loi antiterroriste de façon à harmoniser les lois canadiennes avec les résolutions de l'ONU en ce sens, notamment la résolution 1373 du Conseil de sécurité.

• 1115

[Traduction]

Le 2 octobre, le gouvernement fédéral a déposé des mesures de réglementation afin de déclarer illicite toute collecte de fonds visant à appuyer des terroristes identifiés comme tels par le gouvernement, bloquant les actifs des gens impliqués dans des actes de violence à motif politique, et exigeant que les particuliers et les banques déclarent toute transaction suspecte aux autorités. Ce jour-là, la ministre de la Justice a indiqué que l'essentiel des nouvelles mesures sont des solutions intérimaires et qu'elle entendait déposer sous peu un train de mesures législatives proposant l'interdiction de collectes de fonds visant à appuyer le terrorisme, la participation à des groupes terroristes, et une définition du terrorisme, qui n'existaient pas au Canada jusqu'à présent.

La ministre de la Justice, Mme McLellan, a annoncé que les réformes proposées préciseraient et enchâsseraient dans la loi ces nouveaux règlements:

    «Il ne s'agit pas ici d'interdire l'appartenance à une organisation terroriste», a souligné Mme McLellan, mais de proposer la criminalisation de certaines activités des organisations terroristes.

Elle annonce également qu'elle envisage de donner aux autorités des pouvoirs plus vastes pour l'interception de communications afin de contrer le terrorisme et de moderniser la Loi sur les secrets officiels, qui est archaïque.

Dans les médias, le 2 octobre, on a annoncé que le gouvernement avait aussi l'intention de définir «terroriste» et d'imposer de lourdes sanctions aux groupes qui correspondraient à cette définition. La ministre de la Justice a affirmé qu'il fallait faire preuve de prudence. Je cite Mme McLellan:

    Nous cherchons à trouver le juste milieu afin que la définition ne contraigne pas les autorités chargées de l'application de la loi, mais en même temps nous ne voulons pas toucher des activités innocentes et légitimes, par exemple les manifestations étudiantes sur les campus.

Le 4 octobre, le leader du gouvernement à la Chambre a annoncé:

    Le lundi 15 octobre sera une journée désignée. J'ai consulté les leaders de l'opposition à la Chambre au sujet d'un projet de loi que nous prévoyons présenter ce jour-là et débattre le lendemain. Ce projet de loi proposera des mesures pour mettre en oeuvre des conventions de l'ONU, des modifications au Code criminel, de la Loi sur les secrets officiels et de la Loi sur la preuve au Canada, et d'autres mesures de sécurité pour protéger les Canadiens. Nous espérons entreprendre l'étude de ce projet de loi le mardi 16 octobre.

La ministre de la Justice a indiqué en réponse à une question le 25 septembre:

    [...] le gouvernement va prendre les mesures nécessaires pour ratifier et mettre en oeuvre les deux conventions de l'ONU sur les attentats terroristes à l'explosif et sur la répression du financement du terrorisme.

Tout journaliste, ayant lu le texte de ces deux conventions et les ayant comparées à la loi canadienne actuelle, pouvait vraisemblablement tirer certaines conclusions concernant les mesures législatives éventuelles pour la mise en oeuvre de ces conventions.

Le 4 octobre, le leader du gouvernement à la Chambre a signalé que le 15 octobre serait un jour désigné et qu'on tenterait d'adapter les conventions des Nations Unies, le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada et que l'on proposerait d'autres mesures.

Permettez-moi, monsieur le président, de revenir à l'article du 13 octobre...

Le président: Ralentissez un peu, s'il vous plaît.

M. Richard Fadden: Je le ferai volontiers. Je pensais que j'allais ennuyer les membres du comité en citant tous ces extraits, et c'est pour ça que je me dépêchais.

Le président: Il serait utile de ralentir pour l'interprétation et la compréhension.

M. Richard Fadden: Volontiers, monsieur le président.

Le samedi 13 octobre, un article paraissait à la une du National Post, intitulé «Un nouveau projet de loi pour définir le terrorisme: la loi est attendue à la Chambre lundi». Je dirais que cet article était en partie un ramassis de déclarations concernant les diverses mesures législatives qu'on entendait mettre en application grâce au projet de loi antiterroriste et en partie une description des lois existantes comparables aux États-Unis et en Grande-Bretagne.

Permettez-moi de parler d'abord de la teneur générale de l'article. L'article relatait des faits du domaine public, des choses qui avaient déjà été annoncées par les ministres dans les semaines qui ont suivi le 11 septembre. J'ai déjà cité cela. La ministre de la Justice dans son témoignage devant le comité le 18 octobre a rappelé que l'article contenait des renseignements qui avaient été du domaine public depuis des semaines. L'article rappelait aussi les remarques du premier ministre et des ministres concernant la teneur du projet de loi qu'on attendait.

En outre, la ministre McLellan a rappelé que l'article contenait des renseignements qui en plus d'être du domaine public, étaient de nature à être accessibles au grand public.

Permettez-moi d'aborder les faits relatés dans l'article, point par point.

Le fait qu'on était en train de préparer un nouveau projet de loi pour édicter de nouvelles mesures antiterroristes était de notoriété publique. Plusieurs ministres avaient fait des déclarations à cet effet à la Chambre. En outre, le projet de loi avait été inscrit au Feuilleton des avis du 12 octobre. Le fait que le projet de loi devait être déposé à la Chambre des communes le lundi était connu du public. C'est le leader du gouvernement à la Chambre qui avait annoncé cela. Les lois en vigueur en Grande- Bretagne et aux États-Unis sont connues. Le fait que le projet de loi allait contenir certaines mesures modifiant le Code criminel, la Loi sur les secrets officiels, la Loi sur la preuve au Canada était aussi connu. M. Boudria avait annoncé à la Chambre que le projet de loi allait modifier ces textes de loi.

Le fait que le projet de loi contiendrait des mesures de mise en oeuvre des obligations du Canada au titre des conventions des Nations Unies était connu. La ministre de la Justice avait déclaré le 25 septembre que le gouvernement prendrait les mesures nécessaires pour ratifier et mettre en oeuvre ces conventions.

• 1120

Encore une fois, un journaliste qui aurait pris connaissance du texte de ces conventions était en mesure de supposer quelles modifications législatives minimums seraient nécessaires pour mettre en oeuvre lesdites conventions.

Le fait que le gouvernement avait déjà annoncé certaines nouvelles mesures de sécurité pour contrer les menaces terroristes était de notoriété publique. Par exemple, parmi les mesures mentionnées dans l'article, il y avait la dactyloscopie et les renifleurs d'explosifs dans les aéroports et de nouvelles cartes d'identification à l'épreuve de la fraude. L'article lui-même signalait que ces mesures avaient déjà été annoncées par le gouvernement.

Le fait que certaines mesures visaient à obliger les institutions financières qui repéreraient les actifs des groupes ou des particuliers dont les noms figureraient sur la liste des terroristes à en faire rapport aux autorités était de notoriété publique. Comme l'article lui-même le signale, les conséquences générales de ces mesures avaient déjà été annoncées par le gouvernement.

J'aimerais passer, monsieur le président, à l'examen administratif dont madame McLellan a parlé au comité et qu'entreprend le Bureau du Conseil Privé.

L'article du National Post dit citer des hauts fonctionnaires qui auraient vu des avant-projets de la loi et des hauts fonctionnaires qui auraient donné des interviews d'information. Le gouvernement prend la chose très au sérieux et la ministre McLellan a dit que nous allions entreprendre un examen. Elle a commencé à le faire en demandant à son personnel exempté et politique s'il y avait eu des révélations non autorisées et je crois savoir qu'elle a indiqué au comité qu'il n'y en a pas eues.

À la demande du greffier du Conseil privé, les divisions chargées de la sécurité des opérations au Bureau du Conseil privé ont effectué un examen de sécurité de tous les ministères qui ont participé à la rédaction et à la formulation de la loi pour voir si quelqu'un avait parlé à des journalistes. Des demandes de renseignements ont été faites auprès de personnes qui auraient eu accès à l'avant-projet de loi C-36 et à d'autres qui auraient pu avoir participé à la rédaction et à la formulation du projet de loi.

À ce jour, nous avons conclu que 386 personnes avaient eu accès ou eu connaissance du projet de loi C-36 avant son dépôt et, jusqu'à présent, 214 personnes—en date d'hier après-midi—avaient été interviewées. Nous nous attendons à ce que toutes les interviews soient terminées d'ici à la fin de la semaine ou au début de la semaine prochaine.

À ce jour, aucun élément n'indique que quelqu'un en particulier a révélé délibérément ou par inadvertance des renseignements détaillés concernant le projet de loi C-36. Je ne veux pas dire par là que personne n'a parlé aux journalistes. Des gens qui ont travaillé au projet de loi doivent de par leur fonction parler aux journalistes. Toutefois, rien n'indique jusqu'à présent que quiconque a révélé des renseignements de fond qui n'étaient pas déjà de notoriété publique.

Pour conclure, monsieur le président, je veux dire que l'article du National Post ne faisait que reprendre en grande partie les propos tenus à la chambre ou publiquement par le premier ministre ou des ministres dans des discours. Une partie des renseignements contenus dans l'article concernaient des propositions législatives non pas du Canada mais du Royaume-Uni ou des États-Unis. Une partie de l'information provenait de conventions internationales, que la ministre de la Justice avait annoncé vouloir mettre en oeuvre. Une partie des renseignements de l'article concernaient des mesures déjà annoncées par le gouvernement. Encore une fois, cette information était du domaine public.

En outre, l'article contenait deux erreurs: le nombre de pages du projet de loi et la définition du mot «terrorisme».

Des citations de l'article révélaient des précisions de la part de hauts fonctionnaires qui allaient effectivement plus loin que ce qui avait été dit par les ministres. Toutefois, il peut très bien s'agir là de conjectures du journaliste découlant de conversations avec les fonctionnaires.

La ministre McLellan a indiqué avoir été informée que son personnel exempté et des hauts fonctionnaires du ministère avaient indiqué qu'il n'y avait eu aucune discussion avec les médias avant le dépôt du projet de loi C-36 qui donnait des renseignements précis sur le projet de loi.

Encore une fois, peu après la publication de l'article, le BCP a lancé une enquête administrative et, à ce jour, nous n'avons découvert aucune indication qu'un fonctionnaire identifiable ait fait des révélations inopportunes.

C'est ici que se termine mon effort pour passer en revue les renseignements objectifs actuellement disponibles. J'aimerais conclure, toutefois, en disant que l'article du National Post n'évoque pas un grand nombre des aspects du projet de loi qui ont par la suite attiré le plus d'attention au Parlement et dans les médias. Je ne prétends pas être un expert en la matière, mais normalement lorsque quelque chose fait l'objet d'une fuite ou lorsque quelqu'un rédige un article qui en découle, on essaie de trouver les éléments les plus controversés. Cela n'a pas été le cas ici. Il est certain que si une copie préliminaire avait été remise à un journaliste, on se serait attendu à ce que l'article s'attarde moins sur l'information déjà de notoriété publique et davantage sur les questions susceptibles d'attirer la controverse. Ce n'est pas ce que l'on trouve dans l'article.

• 1125

Nous avons essayé d'expliquer ici qu'à notre avis la plus grande partie de l'information de l'article était déjà de notoriété publique à la suite de déclarations faites en Chambre par la ministre; qu'un bon journaliste, comme M. Fife, aurait pu extrapoler le petit nombre de points mineurs qui n'étaient pas déjà de notoriété publique; et que nos enquêtes à ce jour, qui ne sont pas terminées, ne nous ont pas encore indiqué que quelqu'un a agi incorrectement.

Acceptez mes excuses pour la longueur de ma déclaration. Je vous remercie de votre patience et je serai heureux d'essayer de répondre à vos questions.

Le président: Il n'y a pas de quoi vous excuser. La question nous intéresse beaucoup et nous sommes donc très heureux.

J'arrive à ma liste dans un instant. Y figurent John Reynolds, Joe Jordan, Bill Blaikie, Geoff Regan et Cheryl Gallant. D'abord, j'aimerais que vous et vos collègues nous expliquiez en termes simples vos rôles au Bureau du Conseil privé—nous avons vos titres—et particulièrement dans votre cas, monsieur Fadden, en ce qui concerne la sécurité et la Chambre des communes, si vous le voulez bien.

M. Richard Fadden: Oui. Il faut que je convainque mes supérieurs de simplifier mes titres.

Au Bureau du Conseil privé, je suis responsable des relations des portefeuilles du premier ministre avec le Parlement. Nous nous occupons des affaires législatives, des affaires de la Chambre, du Sénat. Je suis aussi légiste principal au Bureau du Conseil privé et nous donnons des conseils au portefeuille en matière juridique. Dans l'affaire qui vous occupe, moi-même, mon collègue et les membres de notre personnel qui travaillons à ces dossiers, nous nous sommes occupés du projet de loi C-36 tant dans la phase préparatoire qu'au moment de la rédaction.

Comme coordonnateur de la sécurité et du renseignement, je m'occupe pour le premier ministre de la coordination, grosso modo, des activités de sécurité et de renseignement du gouvernement. Au BCP, je dois m'assurer de la sécurité du premier ministre et des ministres du portefeuille. Je donne des conseils sur la sécurité du Parlement. Au fil des années, je me suis aussi occupé de conduire des enquêtes administratives concernant des fuites de cette nature.

J'espère avoir éclairé votre lanterne.

Le président: Madame Fitzgerald.

Mme Oonagh Fitzgerald: Mon rôle comporte essentiellement deux volets. D'abord comme avocate auprès du Conseil privé et des ministres du portefeuille. À ce titre, une des mes responsabilités est la protection des secrets du Cabinet. Deuxièmement, mon groupe apporte son soutien au ministre Boudria et à la sénatrice Carstairs dans la gestion des affaires parlementaires, y compris des lois.

Le président: Merci beaucoup.

Avez-vous déjà participé à une enquête de ce genre?

M. Richard Fadden: Moi-même, non; mes collaborateurs, oui.

Le président: Merci.

Ce sera John Reynolds, Joe Jordan et Bill Blaikie.

M. John Reynolds: Je vous remercie tous les deux d'être venus et de nous avoir fait cet exposé.

J'aimerais savoir si vous avez eu de l'aide de l'extérieur ou s'il n'y a que votre personnel ordinaire qui s'est occupé de ceci? De plus, à votre connaissance, la GRC a-t-elle participé à l'enquête?

M. Richard Fadden: Monsieur le président, les premières enquêtes faites au sein du ministère de la Justice ont été effectuées par des fonctionnaires de ce ministère. Lorsque le greffier du Conseil privé, vu l'intérêt manifesté par le comité, m'a donné l'ordre de conduire une enquête, nous avons décidé qu'il serait bon de faire appel à un expert de l'extérieur. Nous avons donc passé un marché avec Deloitte & Touche, une entreprise qui a une excellente réputation. La maison a demandé à un de ces experts chevronnés de conduire l'enquête et c'est cette personne qui effectue la plupart des interviews.

À l'heure actuelle, la GRC n'est pas dans le tableau parce qu'il est admis depuis longtemps qu'elle n'intervient pas à moins qu'il n'y ait des indications d'une infraction à une loi criminelle. Normalement, nous menons une enquête administrative et si nous avons des éléments à lui transmettre, nous faisons appel à la GRC. Mais jusqu'à présent, nous n'avons rien trouvé de semblable.

M. John Reynolds: Vous estimez donc maintenant que M. Fife, journaliste chevronné, a concocté un récit à partir de renseignements du domaine public et qu'il l'a parsemé d'expressions comme «selon de hauts fonctionnaires», «d'après des sources qui ont vu des avant-projets du texte», et «un haut fonctionnaire parlant sous le couvert de l'anonymat», pour essayer de faire croire qu'il a parlé à quelqu'un.

M. Richard Fadden: Je décrirais les choses d'une manière légèrement différente, monsieur le président. Je ne doute pas que M. Fife ait parlé à des fonctionnaires. Ce que je dis, c'est que dans le cas soit de ceux qui ont été autorisés à parler aux médias—et il y en a beaucoup au gouvernement—ou de ceux interviewés pour attribution indirecte, nous n'avons rien trouvé qui indique qu'ils ont révélé quoi que ce soit qui n'était pas du domaine public. Je ne veux donc pas dire que M. Fife essaie de camoufler son article. Je dis seulement que dans les discussions qu'il a pu avoir nous n'avons rien décelé qui indique la moindre révélation inopportune.

• 1130

M. John Reynolds: On peut lire dans l'article: «parlant sous le couvert e l'anonymat», «selon un haut fonctionnaire». Il y a certaines choses... Vous êtes certain que le nombre de pages est erroné. Je vais dire ceci. On dit ici que le projet de loi ne nommera aucune organisation terroriste mais fixera les règles en fonction desquelles une liste d'associations de ce genre pourrait être confectionnée. Un fonctionnaire a dit que cette liste allait être révisée en permanence... Cela, ce n'était pas vraiment du domaine public.

L'article dit qu'au lieu d'obéir à la Charte des droits et libertés, la loi reprendra la loi fédérale antigang. Je ne pense pas que cela non plus ait été du domaine public et je ne pense pas que ce soit quelque chose que M. Fife ait pu imaginer.

Dans la loi il est dit que si l'on donne de l'information générale aux médias, il faut la communiquer aux parlementaires au même moment. Je reste convaincu que cela n'a pas été fait. Je me demande comment on peut aller au fond de cette histoire.

M. Richard Fadden: C'est une question légitime. Pour ce qui est du rapport entre ce projet de loi et la loi sur le crime organisé, vous avez raison, aucun ministre à ce que nous sachions n'a fait de déclaration en ce sens. Je pense qu'un journaliste du calibre et de l'expérience de M. Fife, qui rassemble les divers éléments connus et qui est au fait de ce qui se passe dans le dossier du crime organisé pourrait établir un tel lien.

À ce que je sache, une des décisions prises par le Parlement au moment de l'examen de la loi sur le crime organisé était de savoir si l'appartenance à un gang allait être considérée comme un crime en soi. C'est une des diverses questions débattues par les fonctionnaires, et je crois qu'elle sera débattue à nouveau en Chambre. Encore une fois, en l'absence de preuve du contraire, il ne me semble pas déraisonnable de conclure que M. Fife, vu son expérience et ses connaissances, ait pu établir ce lien.

Comme je l'ai dit au début, nous ne pouvons pas expliquer la présence de chacun des renseignements dans cet article par recoupement avec les déclarations des ministres. Nous pensons toutefois que jusqu'à 90 p. 100 d'entre eux, et l'essentiel du reste, sinon tout le reste, peut raisonnablement être une extrapolation d'un journaliste chevronné.

M. John Reynolds: Quelqu'un de votre ministère a-t-il communiqué avec M. Fife? Je ne m'attends pas à ce qu'il divulgue ses sources, mais quelqu'un lui a-t-il demandé s'il avait une source?

M. Richard Fadden: Non. Pour des enquêtes administratives comme celle-ci, nous nous occupons d'abord des fonctionnaires et des employés des ministres. L'enquête n'a aucune compétence pour communiquer avec quiconque à l'extérieur du gouvernement, dans son sens vaste. Nous ne le ferions pas sans d'abord arriver à une conclusion ferme, à l'issue de la première phase de l'enquête administrative, qui indique que cela est justifié.

M. John Reynolds: Le leader du gouvernement à la Chambre a laissé entendre que cela pourrait être considéré comme une infraction à la Loi sur les secrets officiels. Je sais que vous n'avez pas terminé votre enquête, mais sur les 396 personnes, vous dites en avoir interviewé 244, je crois.

Le président: Deux cent quatorze.

M. John Reynolds: C'est donc dire qu'à moins que vous ne trouviez quelqu'un parmi ce groupe, il semble que votre rapport finira par conclure ce que vous avez dit—qu'il s'agit d'un bon journaliste qui a eu un coup de chance. Je me demande s'il est question ici de la Loi sur les secrets officiels. Est-ce qu'il se pourrait qu'à un moment donné la GRC veuille examiner ceci?

M. Richard Fadden: C'est une question légitime. La décision relève du commissaire au bout du compte. Comme vous le savez, la GRC est indépendante du gouvernement. La Gendarmerie, toutefois, n'a généralement pas pour règle d'ouvrir une enquête criminelle à moins qu'elle ne dispose d'indications qui laissent entendre qu'il y a quelque chose qui pourrait conduire à une poursuite.

Les personnes qui s'occupent de ce dossier au gouvernement, tant les agents de sécurité du ministère que nos consultants, ont beaucoup d'expérience en la matière. Beaucoup d'entre eux sont d'anciens membres de la GRC. Je vous assure que si nous trouvons des éléments qui donnent à penser qu'une loi du Code criminel a été enfreinte, nous soulèverons la question auprès de la GRC. Je ne peux vous dire, très honnêtement, que jusqu'à présent nous n'avons rien trouvé.

Le président: Je sais que c'est ce qui vous intéresse, mais...

M. John Reynolds: Est-ce que je pourrais poser une dernière question?

Le président: Je vous en prie.

M. John Reynolds: Vous n'avez rien trouvé, mais si en fait... Vous avez beau dire que le journaliste a fait une supposition, mais il y a quand même un certain nombre d'autres choses que je n'ai pas évoquées. On pourra peut-être en discuter plus tard.

Si vos collaborateurs ont interviewé ces personnes et qu'ils ont fait chou blanc, la GRC a-t-elle quand même un rôle à jouer s'il s'agit d'une infraction à la Loi sur les secrets officiels à l'extérieur du gouvernement? Ce n'est pas que je ne respecte pas les avocats qui travaillent pour vous ou vos enquêteurs expérimentés, mais il faut parfois quelqu'un de l'extérieur.

• 1135

M. Richard Fadden: Je n'essaie pas d'éluder votre question. C'est une question légitime. Il faudra voir le rapport final, ses conclusions, voir la réaction du comité et déterminer s'il y a des points précis de l'article que nous ne pouvons pas expliquer. Si nous pouvons trouver des cas concrets que même quelqu'un comme moi ne pourrait pas expliquer, alors nous examinerons cette possibilité.

M. John Reynolds: Merci.

Le président: Merci, monsieur Reynolds.

Joe Jordan, Bill Blaikie et Geoff Regan.

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Fadden, vous dites avoir participé à des enquêtes administratives sur des fuites de ce genre et vous avez ensuite précisé qu'il s'agissait de gens qui relevaient de vous. Avez-vous déjà élucidé une affaire comme celle-ci? Avons-nous déjà trouvé la source d'une fuite lors d'une enquête administrative?

M. Richard Fadden: Si vous remontez loin en arrière, oui, mais ce n'est pas chose facile, pour être honnête, et ce n'est pas arrivé souvent.

Dans la pratique, à moins d'avoir un peu de chance, les enquêtes administratives n'ont pas de pouvoir coercitif. Les gens ont des droits. Les gens ont des droits dans les syndicats. Cela devient très difficile passé un certain point, mais je dois dire que jusqu'à présent tous ceux à qui nous avons parlé—fonctionnaires, personnel exonéré et tous les autres—ont collaboré.

L'effet principal d'une enquête administrative comme celle-ci est de rappeler aux gens, avec beaucoup de sérieux, qu'il s'agit d'une question grave et qu'il faut être prudent.

M. Joe Jordan: Mais cela est le message depuis le début, n'est-ce pas?

M. Richard Fadden: Oui.

M. Joe Jordan: Votre exposé a été très utile, sauf que j'aurais aimé l'avoir par écrit. Vous avez essentiellement fait ce que j'ai moi-même essayé de faire, mais je ne disposais pas des mêmes moyens que vous, pour écarter ce qui était du domaine public. Comme M. Reynolds l'a dit, il y a quand même des éléments qui n'étaient pas de notoriété publique. La question est donc: Comment les a-t-on découverts?

Vu le message initial qui a été donné et le nouvel engagement du gouvernement en faveur de la sécurité dans ces questions, il est très improbable que M. Fife ait eu des sources; je pense qu'il s'agit plutôt d'une seule source. Ce n'est pas M. Fife qui va nous le dire et il n'y a même pas lieu de lui poser la question. Nous connaissons toutefois le comportement de M. Fife.

Quand vous avez interviewé les 214 personnes, quelqu'un a-t-il dit que M. Fife avait communiqué avec elles?

M. Richard Fadden: C'est une des questions posées par l'enquêteur. Dans chaque cas, on a demandé à la personne si elle avait eu des contacts avec M. Fife et son collègue. Dans de rares cas, la réponse a été oui, parce que cela faisait partie de leur travail. Dans la plupart des cas, la réponse était non. On m'a posé la même question. J'ai fait l'objet d'une enquête et je n'avais parlé à ni l'un ni l'autre.

M. Joe Jordan: Si M. Fife avait parlé à une dizaine de personnes—j'ignore le nombre—pour obtenir des renseignements et s'il les avait contactées à nouveau une heure et demie plus tard avec des compléments d'information, pour obtenir une confirmation, on pourrait affirmer qu'il s'agit d'un article puisé à plusieurs sources. S'il avait une seule source, vu l'accent sur la sécurité, prête à lui donner de l'information, il aurait très bien agir différemment. Je suis donc rassuré que cela fasse partie des questions.

Allez-vous faire cette analyse lorsque ce sera terminé? Allons-nous recevoir un autre rapport ou seulement celui dont il est question ici?

M. Richard Fadden: Oui, monsieur le président.

Le président: Je sais que vous avez donné une idée du moment où vous allez terminer les interviews. Grosso modo, quand pensez- vous que le rapport final sera prêt?

M. Richard Fadden: Je dirais soit tout de suite avant ou tout de suite après la relâche parlementaire pour le jour du Souvenir.

Le président: Merci.

Bill Blaikie est le suivant, suivi de Geoff Regan et Pierre Brien, parce qu'ils n'ont pas eu leur chance, puis Cheryl Gallant.

Bill.

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): Eh bien, monsieur le président, je ne sais pas, il y a quelque chose qui ne va pas dans la façon dont on procède ici.

Le témoin dit que si quelqu'un pouvait trouver une explication... Et vous avez fait un travail admirable pour essayer de trouver une explication, mais je ne veux pas d'explication. Je veux aller au fond de cette affaire.

Pour moi, cette enquête administrative n'est pas... Si je vous ai bien compris, à moins que vous n'obteniez des aveux fortuits, vous pouvez interviewer une multitude de gens qui ne feront que nier.

• 1140

D'après ce que nous avons entendu, je n'ai pas grand espoir qu'au bout du compte nous en sachions davantage que maintenant, ni même qu'au début, sur comment il se fait que malgré de nombreuses interventions de la Chambre, de multiples annonces par les ministres et une foule de décisions du Président de la Chambre et de plaintes de l'opposition, cela soit arrivé.

Je ne veux pas en attribuer tous les mérites à M. Fife. Il a réussi à rassembler un récit qui donne l'impression qu'il avait une source alors qu'en fait il n'en avait pas. Il me semble qu'il y a autre chose.

Cette question n'est pas tant pour vous, monsieur Fadden, que pour nous tous. Si c'est tout ce dont nous disposons, nous n'avons pas grand-chose pour arriver au fond de la question de savoir si la volonté politique collective de la Chambre—le gouvernement, l'opposition et l'administration—peut être contrariée de la façon dont elle semble avoir été, et pourtant tout ce dont nous disposons, c'est de ces mécanismes très inefficaces.

Je ne sais quoi dire d'autre. Je n'ai pas vraiment de questions à vous poser.

Le président: dans l'hypothèse où il n'y a pas eu de fuite mais que le journaliste affirme qu'il y en a eu une, pourriez-vous nous dire si cela porte atteinte au Parlement et à ses privilèges?

M. Bill Blaikie: Considérez que la question vous a été posée.

Des voix: Oh, oh!

M. Richard Fadden: Merci, monsieur le président.

Une des choses que j'ai apprises à Ottawa, monsieur le président, c'est que je ne devrais jamais attribuer aux journalistes des intentions malveillantes. Je pense que le travail des médias est d'essayer de découvrir ce qui se passe. Je ne prête donc pas d'intention malveillante aux journalistes.

En ce qui concerne les fonctionnaires qui ont pu avoir une conversation téléphonique ou autre, le cas est difficile. Nous essayons d'avoir un gouvernement ouvert et d'être ouvert lorsque nous parlons aux gens. On a encouragé tout particulièrement la population dans ce cas-ci à examiner de près ce projet de loi parce qu'il est très sensible pour quantité de raisons. Je pense que le raisonnement que j'ai échafaudé explique en large partie ce qui s'est passé.

Monsieur le président, M. Blaikie fait allusion au fait qu'une enquête administrative a eu une efficacité limitée. Mais même si l'on conduit une enquête criminelle, avant de pouvoir parler à quelqu'un, il faut leur rappeler qu'ils ont des droits constitutionnels et juridiques. Il existe un droit contre l'auto- incrimination.

Beaucoup d'enquêtes administratives ou criminelles, dans quelque domaine que ce soit, aboutissent parce qu'un schéma finit par se dégager, comme votre collègue l'a dit, ou parce que vous avez un coup de chance.

Je comprends votre frustration, mais dans ce domaine il est très difficile de trouver quelqu'un, vu les droits constitutionnels, juridiques et syndicaux qu'ont les gens. Comme M. Blaikie, monsieur le président, j'essaie d'être utile sans pouvoir dire qu'il y a une solution idéale, parce qu'il n'y en a pas.

Le président: J'ai sur ma liste Geoff Regan, Pierre Brien et Cheryl Gallant.

M. Geoff Regan (Halifax-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président. Par votre intermédiaire, j'aimerais remercier nos invités d'aujourd'hui.

Tout d'abord, j'aimerais essayer de voir quelles parties de l'article restent inexpliquées; autrement dit, quelles parties n'étaient pas de notoriété publique. M. Reynolds a parlé de l'appartenance ou de la participation à des gangs et le fait que le projet de loi allait reprendre la loi antigang. C'est un point qui n'a pas été élucidé, si j'ai bien compris, après votre examen exhaustif des déclarations des ministres.

• 1145

Avez-vous relevé, comme je pense vous l'avez fait, les autres points de l'article qui ne correspondent pas aux diverses déclarations examinées et qui sont toujours des points dont il n'avait pas été question auparavant?

M. Richard Fadden: En fait, monsieur le président, la question de la définition ou de faire de l'appartenance un crime avait été évoquée à une ou deux occasions. La ministre de la Justice a dit à un moment donné:

    La convention exige des États parties qu'ils décrètent que quiconque fournit ou réunit des fonds en sachant qu'ils pourraient servir à une activité terroriste commet un acte criminel.

Plus loin, il est question de la définition de l'acte criminel.

Pour répondre à votre question directement, vous pouvez trouver pour à peu près tout dans cet article un lien direct ou indirect. Je ne vais pas dire que la ministre a employé une expression qui est reprise dans l'article. Mais une des choses qui caractérise les déclarations des ministres sur ce point à la Chambre c'est qu'elles étaient assez générales. Elles contenaient des formulations générales, et M. Fife a fait la même chose, je crois.

M. Geoff Regan: Une des questions qui fait problème c'est justement la question de la sécurité. Je reconnais ce que vous avez dit à propos du fait que les mesures concernant la détention et les audiences d'enquête, qui sont peut-être les éléments les plus controversés du projet de loi, n'étaient pas mentionnées dans l'article. Je pense que cela mérite d'être signalé vu ce que nous pensons du degré de gravité.

Il ne fait aucun doute que cet article nous préoccupe beaucoup, et chose certaine l'apparence d'une fuite aussi, mais je crois qu'il est important que notre comité mesure le degré de gravité de ce qui s'est passé ici, s'il s'agit bien d'une fuite.

Oublions un moment les questions que soulève cet article. On a dit qu'il y avait eu violation du secret. En fait, le leader du gouvernement à la Chambre a déclaré:

    Je crois que le leader parlementaire des conservateurs a parlé de renseignements protégés. En fait, cela va bien au-delà de cela. Ce sont des renseignements secrets au sens du secret gouvernemental. [...] Ce n'est pas seulement un manquement aux règles parlementaires, c'est en outre un manquement à la sécurité gouvernementale.

Depuis lors, on a dit au comité qu'il ne s'agissait pas simplement d'un manquement à la sécurité gouvernementale mais d'un manquement à la sécurité nationale et que cela avait d'une certaine manière compromis l'intérêt national. Je ne comprends pas très bien le raisonnement qu'il y a derrière cela. J'aimerais que vous me disiez si à votre avis le fait que des aspects uniques de ce projet de loi aient été portés à l'avance à la connaissance du public aurait d'une manière quelconque mis en péril la sécurité nationale.

M. Richard Fadden: Monsieur le président, on peut répondre simplement par un non. Pour retenir cette hypothèse, il aurait fallu obtenir ces renseignements avant que le projet de loi ne soit déposé à la Chambre, après quoi le projet de loi est envoyé au Sénat, obtient la sanction royale et entre en vigueur. La plupart des dispositions de ce projet de loi sont des dispositions à long terme. Étant donné les délais qui entrent en jeu, de tels renseignements ne profiteraient pas à un terroriste ou à un terroriste en puissance. Donc, du point de vue de la sécurité nationale, j'avance que cela n'aurait pas eu d'effet.

M. Geoff Regan: Malheureusement, M. Blaikie n'est pas des nôtres pour le moment, mais il a dit qu'il manquait quelque chose dans l'enquête. Je regrette qu'il ne nous ait pas dit ce qu'on aurait pu faire d'autre.

Le président a soulevé l'hypothèse selon laquelle le journaliste aurait pu avoir commis un méfait. Cette piste ne m'apparaît pas prometteuse parce que cela nous conduirait à la question de savoir si le comité veut convoquer ce journaliste. Si le journaliste nous répond naturellement que non, il ne divulguera pas sa source, je crois qu'il nous sera pas mal difficile de conclure s'il avait une source ou non.

De toute évidence, monsieur Fadden, vous avez tâché de savoir s'il y avait une source. Ce n'est pas ce journaliste qui va nous le dire. S'il nous dit qu'il ne divulguera pas sa source, nous pouvons l'accuser d'outrage, ce qui n'est pas à mon avis une solution très attrayante du point de vue du comité, ou alors ce n'est pas le genre de chose que nous voulons faire. Le problème reste donc entier, cela ne fait aucun doute, et il nous reste à savoir comment régler ça ou comment conclure cette affaire.

J'en reviens à M. Blaikie qui disait qu'il manquait quelque chose dans cette analyse, et j'aimerais que vous me disiez si on a omis quelque chose ou ce qu'on aurait pu faire pour que l'enquête soit plus fructueuse; moi je ne vois rien, mais peut-être que vous oui.

• 1150

M. Richard Fadden: Eh bien, monsieur le président, nous non plus.

Je tiens à faire savoir au comité que lorsque je reconnais qu'il est difficile de faire aboutir de telles enquêtes, je dis la vérité. Mais cela étant dit, 300 personnes ont été interrogées. On leur a posé une série de questions qui avaient été mûries par des enquêteurs expérimentés.

Nous allons dépenser pas mal d'argent pour retenir les services d'un enquêteur chevronné de Deloitte & Touche à qui nous confirons cette affaire. Nous n'avons pas le pouvoir de contraindre des témoins. Nous ne pouvons pas obliger des personnes à agir contre leur propre intérêt. Comme je l'ai dit plus tôt, même si vous faites appel à la police, vous vous heurtez à toute une série de problèmes constitutionnels et juridiques qui compliquent les choses.

Au fil des ans, au Conseil privé, nous nous sommes vraiment creusés les méninges pour régler le problème des fuites, qu'il s'agisse de fuites concernant le Parlement, le Cabinet ou d'autres instances. À moins de vouloir créer une sorte de système où l'on réduirait considérablement l'ampleur des consultations auxquelles on procède—ce qui ne serait pas souhaitable à mon avis parce que les projets de loi qui seraient alors soumis au Parlement ne seraient pas aussi bien faits—, il y aura toujours des difficultés.

Donc, nous tâchons de rappeler les gens à l'ordre. Dans certains cas, nous limitons la circulation des documents et nous faisons une série d'autres choses aussi. Mais pour être franc avec vous, monsieur le président, je ne peux pas proposer de nouvelles mesures parce que nous avons en effet essayé de trouver des solutions à ces difficultés pratiques et nous n'y sommes pas parvenus.

M. Geoff Regan: On a proposé de faire intervenir la GRC. Je ne vois pas très bien quelle méthode d'enquête elle pourrait utiliser que vous n'avez pas déjà vous-même utilisée. Mais j'imagine que la vraie question dans mon esprit est celle-ci: à votre point de vue, sachant le genre de travail que fait en ce moment la GRC, est-ce qu'on emploierait ainsi à bon escient les ressources de la GRC?

Le président: Veuillez être bref, monsieur Fadden.

M. Richard Fadden: Bien, monsieur le président.

Non, je ne crois pas; je ne pense pas que ce serait bien employer les ressources de la GRC, à moins que nous puissions leur indiquer une piste. Nous n'avons pas trouvé cette piste, monsieur le président.

Le président: Pierre Brien.

[Français]

M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Lors de son passage ici, la ministre de la Justice nous a dit qu'elle avait la certitude que la fuite ne venait pas de son ministère. Pouvez-vous nous donner la même assurance?

M. Richard Fadden: Monsieur le président, je pense qu'au Conseil privé, toutes les entrevues sont terminées sauf une. On a les mêmes résultats que Mme McLellan.

M. Pierre Brien: Dans son ministère?

M. Richard Fadden: Non. Je pensais que vous parliez de mon ministère.

M. Pierre Brien: Elle a dit qu'elle était sûre que cela ne venait pas de son ministère. Pouvez-vous affirmer la même chose qu'elle?

M. Richard Fadden: Je ne peux le faire avant d'avoir vu le rapport final, mais les discussions qu'on a eues jusqu'à présent avec ses agents de sécurité et avec les miens indiquent qu'elle a tout à fait raison. Je voudrais me réserver la possibilité de modifier ma réponse une fois que j'aurai vu et analysé le rapport final.

M. Pierre Brien: Je veux être sûr d'avoir bien compris. Finalement, vous prenez contact avec les personnes qui ont eu accès à l'information, en partie ou en totalité, et vous leur demandez si elles ont été en contact avec les médias. À partir du moment où une personne dit non, elle n'est plus potentiellement suspecte.

M. Richard Fadden: C'est ça, monsieur le président. À moins qu'on ait une indication contraire venant d'une autre source, on présume que les fonctionnaires et les membres des cabinets de ministres qui répondent aux questions disent la vérité.

M. Pierre Brien: Avez-vous espoir que ça va vous mener à quelque chose?

M. Richard Fadden: Comme je l'ai dit en réponse à la question de M. Regan, on a de la difficulté à cet égard, mais les gens ont tous fait le serment de respecter les secrets et d'agir d'une façon acceptable. À moins qu'il y ait indice particulier, on ne peut pas présumer que quelqu'un est coupable et on ne peut pas présumer qu'il va nous mentir. Je crois bien que vous nous traitez de la même façon devant ce comité: vous présumez que je vais vous dire la vérité. On fait la même chose lors d'une enquête administrative.

M. Pierre Brien: Je ne m'aventurerai pas sur cette voie, mais je doute fort qu'on arrive à quoi que ce soit dans le cas actuel.

Mon inquiétude est la suivante. Finalement, on peut conclure de tout ça qu'il serait très facile qu'une telle chose se répète à l'avenir et qu'on n'ait aucune solution à ça. En plus de faire enquête sur la situation actuelle, est-ce que vous essayez de trouver des nouveaux mécanismes ou des nouvelles façons de faire? Est-ce qu'il y a moyen d'avoir davantage de contrôle qu'actuellement pour s'assurer que ça ne se répète pas à l'avenir ou que, si ça se répète, on soit davantage en mesure de partir sur la trace de sources possibles?

• 1155

M. Richard Fadden: Monsieur le président, permettez-moi de diviser ma réponse en deux parties. Pour les projets de loi ordinaires, je pense qu'il y a eu très peu de fuites au cours des années. Des procédures sont en place, et les gens respectent très bien les règles.

La difficulté particulière de ce projet de loi et des autres projets de loi qui sont rédigés très rapidement, c'est qu'il faut impliquer un très grand nombre de personnes très rapidement. En des temps ordinaires, on aurait de la difficulté à agir de cette manière. Donc, je ferais une distinction entre les situations normales et les situations particulières où il y a urgence.

On est en train de voir ce qu'on peut faire pour limiter un peu l'accès et pour contrôler un peu mieux les documents, mais on est un peu dans un dilemme. Si on veut coordonner d'une façon efficace, initialement pour les ministres et ensuite pour le Parlement, la rédaction de ces projets de loi, on doit consulter un très grand nombre de personnes.

La façon la plus facile est de simplement limiter le nombre de gens qui ont accès aux documents. On a appris, au cours des années, qu'au bout de la ligne, ça ne marche pas. Il faut que les gens consultent. Une autre façon de le faire est de traiter les documents comme s'ils étaient des documents très, très secrets. Chaque document est numéroté et on obtient la signature de tout individu à qui on donne une copie du document. On fait ça dans le cas des documents très, très secrets, reliés à la sécurité nationale, mais ça entraîne des retards assez substantiels. C'est difficile de le faire.

Est-ce qu'on va revoir un peu la façon dont on agit? Oui. Est-ce qu'on s'attend à pouvoir éliminer à 100 p. 100 le risque? Je ne peux pas vous dire oui.

M. Pierre Brien: Je fais un parallèle. Il y a un exercice budgétaire qui se fait à chaque année. Toute fuite budgétaire a des implications majeures, puisque certains peuvent profiter de renseignements financiers pour en tirer avantage. Je prends l'exemple des modifications de taux d'imposition des gains en capital. Cette année, pour la deuxième année consécutive, on amorce le processus budgétaire à l'automne. À ma connaissance, ce n'est pas le processus régulier. Cela se fait à un moment inhabituel.

L'an passé, on n'a pas eu de problèmes de fuites budgétaires. Étant donné ce que vous me dites, je pourrais être un peu inquiet cette année par rapport au budget. Vous dites que lorsqu'on fait ça rapidement, il y a plus de risques. Est-ce qu'il y a plus de risques pour le budget cette année, ou si on réserve un traitement particulier au budget, traitement qu'on n'a pas appliqué au projet de loi dont on parle?

M. Richard Fadden: Monsieur le président, je n'ai pas les détails, mais je sais qu'un processus a été élaboré au cours des années pour traiter du budget. Également, le budget implique plusieurs ministères, mais il est contrôlé d'assez près par le ministère des Finances.

La difficulté dans le cas du projet de loi que vous aviez devant vous, c'est qu'il touchait au moins sept ou huit ministères d'une façon vraiment substantielle. Souvent, dans le budget, il n'y a que deux ou trois postes budgétaires qui touchent un ministère. Donc, on limite le nombre de gens ainsi que le nombre de copies. Dans ce cas-là, il n'y a pas beaucoup de rédaction législative, non plus. Dans ce cas-ci, il y avait un très, très grand nombre de personnes impliquées.

Je dirais que le processus budgétaire normal va s'appliquer cette année. Je ne pense pas que le risque soit plus élevé. Est-ce que quelques-unes des mesures qu'on utilise dans le processus budgétaire pourraient être adoptées dans des cas comme celui-ci? Vous soulevez un bon point, et on va regarder la situation.

Le président: Pierre, ça va?

[Traduction]

Cheryl Gallant.

Mme Cheryl Gallant (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le président, j'ai trois questions et je serai brève. J'aimerais que les réponses soient aussi brèves de telle sorte qu'on puisse répondre à mes trois questions.

L'un des rôles du greffier du Conseil privé consiste à conseiller le Cabinet. Étant donné que vous secondez le greffier, vous intervenez de ce côté également. Un document publié par le Conseil privé et intitulé Les responsabilités du Bureau du Conseil privé parle du gouvernement responsable et dit ceci:

    Les responsabilités individuelles et collectives des membres du conseil des ministres envers le Parlement forment la base du gouvernement responsable au Canada. Les ministres sont légalement responsables des politiques, des programmes et de l'administration de leurs ministères, et ils doivent répondre personnellement au Parlement des décisions et des mesures prises dans l'exercice des responsabilités inhérentes à leur portefeuille.

J'aimerais que vous me définissiez les termes «légalement responsables» et que vous nous expliquiez un peu la notion de «responsabilité ministérielle» et que vous nous disiez comment ces notions interviennent dans cette affaire.

M. Richard Fadden: Oui, monsieur le président, j'essaierai, même si cette question n'est pas simple, comme le sait sûrement la députée.

• 1200

Le principe de la responsabilité ministérielle a beaucoup évolué au fil des ans, et ainsi, il y a plusieurs années, le ministre était politiquement et légalement responsable de chaque mesure prise par son ministère, tandis qu'aujourd'hui, et c'est le cas ici ainsi qu'au Royaume-Uni, pour ce qui est des détails des opérations normales du ministère, le ministre est responsable de s'assurer que les modalités et les pratiques qui sont en place sont raisonnables, mais le ministre n'est pas politiquement ou légalement responsable à titre personnel de toute erreur qui pourrait se produire.

Il y a toute une série de variations entre ces deux extrêmes. À titre d'exemple, si un fonctionnaire commet une erreur au ministère du Développement des ressources humaines ou à Agriculture Canada à propos d'un détail concernant l'octroi d'une subvention ou d'une contribution, si le processus en place était raisonnable et avait été approuvé par le ministre, le ministre ne serait pas légalement responsable de cette erreur, alors qu'il y a une cinquantaine d'années de cela, en vertu de la doctrine qui prévalait au Royaume-Uni, le ministre aurait été tenu responsable de la moindre erreur. Il y a eu évolution depuis.

Mme Cheryl Gallant: Merci.

Dans n'importe quelle organisation, si vous n'obtenez pas satisfaction à un certain niveau, vous gravissez les échelons, et vous finissez par parvenir au décideur ultime. Ce qui veut dire le ministre dans un tel scénario.

Que va-t-il se passer si l'on n'arrive pas à trouver la personne responsable de cet outrage au Parlement? Si la ministre, ou le premier ministre, étaient responsables en fin de compte, je pense que quelqu'un devrait écoper—l'un des deux.

Le comité a fait savoir qu'il n'acceptera pas d'excuses cette fois-ci. La doctrine de la responsabilité ministérielle obligerait- elle la ministre à démissionner, ou le premier ministre à la limoger? Quelle autre mesure pourrait-on prendre pour obliger le gouvernement à se conformer à la doctrine de la responsabilité ministérielle si la ministre refuse de démissionner, ou si le premier ministre refuse de la limoger?

Mme Carolyn Parrish (Mississauga-Centre, Lib.): J'invoque le Règlement, c'est une question politique, et il n'est pas juste que l'on demande à M. Fadden d'y répondre.

Le président: Je ne suis pas certain que ce soit le cas, mais monsieur Fadden, vous avez entendu les arguments qui vous ont été présentés, et vous pouvez y répondre aussi bien que nous. Si vous jugez que la question est politique, sentez-vous libre de ne pas y répondre, mais si vous pouvez y répondre, veuillez y répondre.

M. Richard Fadden: Je remercie la députée de son intervention, mais je peux répondre à partir de la doctrine gouvernementale. Je ne veux pas entrer dans les détails.

On peut répondre simplement par un non, pour la même raison que j'ai donnée il y a un instant. Les ministres et le premier ministre sont responsables de leurs ministères, mais ils ne sont pas responsables de chacune des mesures qui sont prises, en particulier lorsque le premier ministre ou les ministres ont mis en place des modalités et des pratiques raisonnables.

Je ferai valoir que le premier ministre et les ministres ont mis en place des règles, des règlements et des pratiques parfaitement raisonnables. Ils ont rappelé ou fait rappeler l'importance de ces pratiques à leurs fonctionnaires. Je répondrai donc sans l'ombre d'un doute, monsieur le président, qu'il n'y a rien ici qui fasse intervenir la question de la responsabilité politique qui exigerait des mesures ressemblant...

Le président: Cheryl, votre dernière question.

Mme Cheryl Gallant: Je cite de nouveau ce document du Conseil privé, qui dit: «Les ministres restent en fonction tant et aussi longtemps qu'ils conservent la confiance de la Chambre des communes.» On ne mentionne pas les ministères, ce qui nous amènerait à croire qu'il est possible qu'un ministre perde la confiance de la Chambre sans que cela cause la chute du gouvernement tout entier. Est-ce ainsi que vous comprenez les choses? Notre comité pourrait conclure que la ministre ne peut pas rester en fonction, et si nous le disions dans notre rapport, la ministre serait obligée de démissionner.

M. Richard Fadden: Monsieur le président, je préfère ne pas répondre à cette question. À mon avis, il ne m'appartient pas d'y répondre.

Le président: C'est votre droit.

Tony Tirabassi.

M. Tony Tirabassi (Niagara-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je tiens moi aussi à remercier les témoins qui sont venus nous aider à voir clair dans cette affaire.

Je comprends les divers éléments qui interviennent dans cette enquête—surtout en ce qui concerne votre ministère et la société que vous avez recrutée, Deloitte & Touche.

Je comprends que la GRC soit totalement indépendante du gouvernement et qu'il faut décider si l'on dispose de preuve suffisante pour faire appel à elle, mais à quel moment la GRC intervient-elle? Autrement dit, est-ce le premier jour de l'enquête? Quelqu'un a-t-il l'obligation de faire appel à elle? La GRC intervient-elle de son propre chef? Y a-t-il un intermédiaire quelconque? Cette société de l'extérieur que vous avez recrutée devra-t-elle soumettre un rapport? Pouvez-vous m'expliquer simplement comment tout cela fonctionne?

• 1205

M. Richard Fadden: Au sujet de la question générale de l'indépendance de la GRC, le gouvernement, un ministre, un fonctionnaire peut toujours demander à la GRC de faire enquête. Il appartient à la GRC de décider si elle fera enquête ou non. On a jugé, au fil des ans, dans notre pays, que la faculté d'ordonner à la GRC de faire enquête ou de mener une enquête d'une manière particulière dépassait les attributions des ministres ou des fonctionnaires. Seuls les tribunaux peuvent contrôler cet aspect des choses.

Par conséquent, si le commissaire de la GRC, en lisant les journaux, par exemple, était d'avis—pour en revenir à la question de M. Regan—que tout cela a entraîné une infraction à la sécurité nationale, ce que je ne crois pas, il aurait été parfaitement en droit de déclencher une enquête de son propre chef. Personne n'aurait pu y trouver à redire.

Si, en revanche, il n'en était pas arrivé à cette conclusion et que, au cours de nos enquêtes, nous avions conclu qu'il y a eu infraction au droit pénal, nous serions tenus, en vertu de nos procédures, d'en saisir la GRC.

Sur le plan pratique, toutefois, étant donné le vaste éventail de responsabilités qu'assume la GRC, ses membres doivent prendre des décisions quant à la suite éventuelle à donner à une affaire. Si nous n'avons en main aucun élément de preuve, aucune suggestion, aucun indice qui puisse inciter la GRC à affecter ses maigres ressources à une enquête criminelle, elle ne le fera sans doute pas. Je tiens à bien insister sur le fait que la décision lui revient. Ce ne sont ni les ministres ni les hauts fonctionnaires qui prennent cette décision.

Au fil des ans, les sous-ministres ou le greffier ont fait intervenir la GRC en cas de fuite et, en général, il s'agissait de problèmes en rapport avec la sécurité nationale. Dans certains cas, la GRC a fait enquête et dans d'autres non. En fait, il faut revoir les faits propres à chaque affaire, monsieur le président, et en dernier ressort, c'est à la GRC qu'il revient de décider si elle va ou non faire enquête.

Si nous avons trouvé un indice qui nous porte à croire qu'il y a eu infraction au droit pénal, je le répète, nous en saisirons la GRC qui décidera des mesures à prendre.

M. Tony Tirabassi: C'est tout, monsieur le président.

M. John Reynolds: Après avoir écouté la conversation, j'en déduis que le prochain projet de loi sur la sécurité qui nous sera présenté d'ici deux semaines sera sans doute assez confidentiel.

Vous avez dit que jusqu'ici, rien ne prouve que quiconque ait divulgué des renseignements importants aux médias. J'ai deux questions à poser. Premièrement, qu'entendez-vous par «importants»? En second lieu, faut-il en déduire que, lors de vos entrevues, certaines personnes ont admis avoir divulgué des renseignements d'ordre général aux médias, ce qu'elles n'étaient pas censées faire, à notre avis, à moins de nous en faire part en même temps?

M. Richard Fadden: Lorsque je dis «importants», je veux parler de renseignements qui n'étaient pas encore du domaine public.

Par exemple, les services d'information des divers ministères, au cabinet du premier ministre, éventuellement, se font poser toutes sortes de questions au sujet des déclarations faites à la Chambre. On leur demande de les étoffer, de les expliquer. D'après mes renseignements, certaines de ces conversations ont eu lieu. Je voulais dire que, hormis ce qui a été déclaré à la Chambre ou par des ministres, ces personnes qui ont eu des contacts n'ont rien révélé de plus.

Je regrette, mais j'ai une cervelle d'oiseau et j'ai oublié le deuxième volet de votre question.

M. John Reynolds: Décrivez simplement le terme «important».

M. Richard Fadden: Je voulais parler d'un renseignement qui n'était pas déjà du domaine public.

M. John Reynolds: J'ai une citation sous la main. Voici ce qu'on peut lire dans l'article:

    Le projet de loi va également créer une nouvelle infraction au Code criminel relative à l'emploi d'armes explosives ou meurtrières dans des lieux publics et il permettra au Canada de poursuivre les criminels accusés d'actes terroristes dans d'autres pays et d'extrader les terroristes du Canada pour qu'ils subissent leurs procès à l'étranger, selon certaines sources.

Pour en arriver à de tels faits, il faut être un sacré bon journaliste, à mon avis, d'après ce que j'ai lu et entendu au sujet des déclarations de la ministre. J'espère donc que, dans votre rapport final, vous me direz comment un journaliste a pu en arriver à de tels faits. Cela pourra nous prouver qu'il n'y a eu aucune fuite. Il se pourrait qu'il ait été assis devant sa machine à écrire la veille au soir et que, après réflexion, il ait ajouté «selon certaines sources». Peut-on espérer voir ce genre de chose dans votre rapport écrit?

M. Richard Fadden: Nous essaierons de le faire, monsieur le président.

Je tiens à signaler que la ministre de la Justice a parlé de la question de l'extraterritorialité, mais cela n'est qu'un élément de ce que vous venez de dire.

M. John Reynolds: Merci beaucoup, monsieur.

• 1210

Le président: Chers collègues, il reste sur la liste Jacques Saada, Carolyn Parrish, Joe Jordan et Cheryl Gallant.

Jacques.

[Français]

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Merci, monsieur le président. J'aimerais faire un commentaire plutôt que poser une question.

Il y a une contradiction dans les termes. On ne pas à la fois vouloir que le législateur soit transparent dans son approche et le déplorer. Ou bien on s'ouvre, ou bien on ne s'ouvre pas. On ne peut pas attendre d'un journaliste qu'il emploie sa recherche, son jugement et son esprit de synthèse et, quand il le fait, le déplorer.

Par exemple, le lien entre le crime organisé et le terrorisme a été fait il y a longtemps. Dans le projet de loi C-22 de la législature antérieure, on parlait déjà de ce lien. Le projet de loi C-16 sur les organismes de charité en traitait aussi.

M. Reynolds vient de poser une question qui me rappelle—là je cite de mémoire et on me corrigera au besoin—la question de l'extradition. Ces éléments ont été abordés au Comité de la justice, quand on a modifié la Loi sur l'extradition.

Il y a tellement d'éléments qui sont faciles à recouper pour quelqu'un qui veut vraiment faire un travail en profondeur que ça m'amène à une réflexion qui, à mon avis, peut être fondamentale. Mme Gallant a posé une question. Elle a dit:

[Traduction]

«Que se passe-t-il si on ne trouve pas une personne responsable d'outrage»? Ce à quoi je réponds: «Et s'il n'y a pas d'outrage?»

Si vous continuez à essayer de trouver une personne responsable d'outrage et qu'il n'y a pas d'outrage, nous ne sommes pas très loin d'une chasse aux sorcières. C'est ce qui me préoccupe. Je réserve mon jugement

[Français]

jusqu'à ce que j'aie le rapport de M. Fadden. J'ai vraiment tendance à croire que c'est une chose qui a été faite de bonne foi, sans qu'il y ait eu glissement, sans qu'il y ait eu de mauvaise intention, sans même qu'il y ait eu d'erreur de parcours. Je crois qu'on est pris devant le fait qu'un processus transparent a été traité d'une façon intelligente et profonde par un journaliste compétent, et on se retrouve avec les conséquences de ce qu'est notre système actuellement.

Je me réserve le droit de changer d'avis, mais je crois a priori qu'il n'y a pas vraiment eu outrage.

Le président: Merci, Jacques.

[Traduction]

Mme Carolyn Parrish: J'ai également une observation à faire, plutôt qu'une question à poser.

Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter de votre exposé, qui était extrêmement minutieux, même si j'ai manqué le début. Et lorsque vous dites que vous avez une cervelle d'oiseau, je suis plutôt impressionnée par votre modestie. Votre allocution était excellente.

Soit dit en toute déférence envers les autres journalistes présents, lors de mon arrivée sur la Colline en 1993, on m'a mise en garde en me disant de faire attention à M. Fife, lequel sait vous extorquer un petit renseignement à votre insu. Je pense donc que M. Fife est tout à fait capable de faire exactement ce qu'on a dit en reliant tous ces éléments d'information. Il est également très capable, en se fondant simplement sur le ton avec lequel vous répondez à une demande de renseignement, de décider de ce que vous avez en tête. On nous a tous bien mis en garde à l'égard de M. Fife.

J'ai une autre remarque à faire. C'est un phénomène qui a évolué au fil des ans. Par le passé, pour accorder la moindre crédibilité à une histoire, il fallait vraiment citer ses sources. Et j'ai remarqué que, depuis 10 ans, le journalisme a fondamentalement évolué à ce titre. De nos jours, les journalistes parlent plus souvent de sources sans les citer que de sources citées.

J'ai déjà travaillé dans les médias. On nous disait toujours que lorsqu'on faisait cela—et j'étais relativement sans expérience, par rapport à ces types—que l'histoire n'avait aucun poids si l'on ne pouvait pas obtenir le témoignage d'au moins une personne. Après quoi, on pouvait ajouter une ou deux sources sans les nommer.

À l'heure actuelle, tant sur la Colline que dans la plupart des médias, les sources non désignées l'emportent sur celles qui sont nommément désignées. Les gens désireux de divulguer certaines choses à la presse le font en toute légèreté et c'est ainsi qu'on en arrive à ce genre d'histoire où certaines personnes se lancent dans une chasse aux sorcières à la recherche du coupable. Tout ce principe des sources non désignées a incité les journalistes à créer les nouvelles au lieu de les présenter. Voilà ce que je voulais dire à ce sujet.

À mon avis, vous vous êtes extrêmement bien débrouillé pour me convaincre ainsi que M. Blaikie, dont je respecte l'esprit analytique, qu'il n'y avait pas de chasse aux sorcières et qu'il n'y avait aucune fuite. Je pense que M. Fife a fait, de façon admirable, ce que font aujourd'hui tous les journalistes: il a créé un récit très factuel en utilisant les diverses méthodes à la disposition des journalistes.

Le président: Encore une fois, au cas où il suivrait nos délibérations, je pense...

Mme Carolyn Parrish: Je suis refaite.

• 1215

Le président: Non. Vous devriez être prudente, car vous devriez parler de chasse aux sorcières ou aux sorciers, au cas où quelqu'un interprète vos propos.

Mme Carolyn Parrish: Puis-je ajouter un mot? Je pense qu'il a une très belle plume.

Des voix: Oh, oh!

Le président: N'en rajoutez pas, d'accord?

La parole est à Joe Jordan, suivi de Cheryl Gallant et Geoff Regan.

M. Joe Jordan: Monsieur le président, je viens d'avoir un bref échange avec M. Reynolds. Je suis d'accord avec lui. À mon avis, si vous pouvez trouver une façon de remonter à l'auteur de cette fuite, le caucus libéral sera volontiers de la partie.

Des voix: Oh, oh!

M. Joe Jordan: Nous pourrons peut-être obtenir une offre globale.

J'ai deux brèves remarques à faire pour répéter ce que vous avez dit. Un des problèmes qui se pose, c'est que cette fuite est différente de celles qui ont eu lieu par le passé dans la mesure où le projet de loi mettait en cause plusieurs ministères. Pour qu'on parte du principe que, en fin de compte, c'est la ministre de la Justice qui doit être responsable de cet incident, il faudrait qu'on dispose de preuves selon lesquelles la fuite a bien émané de son ministère.

Ce projet de loi fourre-tout est par définition problématique, car en général, on peut prévoir un train de mesures qui relèvent d'un seul ministère. Le principe de la responsabilité ministérielle peut alors s'appliquer au niveau pertinent. Dans ce cas, c'est un peu différent puisque le projet de loi a suscité un énorme intérêt, non seulement auprès des journalistes mais également du grand public. C'est ce que j'ai cru vous entendre dire, et j'aimerais que vous répondiez brièvement à cela.

J'ai deux dernières remarques à faire. La première, et c'est l'un des problèmes auquel je suis confronté, c'est qu'une fuite est une fuite. Je ne pense pas qu'il y en ait de bonnes ou de mauvaises. Il y a des fois où les bureaucrates divulguent des renseignements à l'opposition, par exemple. À mon avis, il faut également réagir avec fermeté à ce genre d'activité. Je ne pense pas que l'on puisse faire une distinction en disant que, si elle s'accompagne d'avantages politiques, c'est une bonne fuite et, au cas contraire, c'est une mauvaise fuite. Les fuites sont une source de préoccupation chaque fois qu'elles se produisent.

Voici ma dernière question: À votre avis, le rapport contiendra-t-il une liste quantitative des ressources directes et indirectes qui ont été consacrées à cette enquête? Cela donnera une idée du sérieux que l'on a accordé à cette enquête.

Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Fadden, allez-y.

M. Richard Fadden: Merci, monsieur le président.

Pour répondre à votre première question, il s'agit d'un projet de loi fourre-tout. De par leur nature, ces projets de loi sont particuliers. Celui-ci mettait en cause cinq ou six ministres. À l'heure actuelle, il y a très peu de projets de loi qui relèvent de la responsabilité exclusive d'un seul ministre. Il y avait des liens fondamentaux entre les divers éléments du projet de loi, de sorte qu'un grand nombre de personnes étaient concernées.

Quant à vos remarques au sujet des fuites, du point de vue du Bureau du Conseil privé et de la fonction publique, je ne saurais être plus d'accord avec vous. Ou les gens sont autorisés à communiquer certains renseignements ou ils ne le sont pas. Lorsqu'on a une autorisation, il faut suivre des règles particulières selon que le Parlement est concerné ou non.

Quant à la liste détaillée dont vous parlez, je vais veiller à ce que ces renseignements se trouvent dans le rapport.

Le président: La parole est à Cheryl Gallant.

Mme Cheryl Gallant: Merci, monsieur le président.

Le document dont j'ai cité un extrait lors du premier tour de questions—où il est dit que «les ministres sont légalement responsables»—est tiré du document intitulé La responsabilité constitutionnelle, publié par le Bureau du Conseil privé, Ottawa 1993. Or, l'article qui m'a orientée vers cette note de bas de page provenait d'un document actuellement disponible sur l'Internet parlementaire; il semble donc que ce document soit toujours d'actualité pour ce qui est de la mention de la responsabilité légale.

Ma question a trait à la réponse que nous a fournie le témoin. Était-ce sa façon d'interpréter l'évolution du principe en cause, ou y a-t-il une erreur dans ce document disponible sur l'Internet parlementaire?

Le président: Monsieur Fadden, si vous connaissez bien le document... Comprenez-vous de quoi il s'agit?

M. Richard Fadden: Je pense que oui. Je ne puis vous fournir, monsieur le président, qu'une réponse partielle. Je m'engage volontiers à examiner ces documents de façon minutieuse et à vous fournir une réponse plus tard.

• 1220

Le principe de base, c'est que lorsqu'un ministère est constitué par le Parlement, un ministre est désigné pour ce ministère et la loi stipule en général que ce ministre assure le contrôle et la direction du ministère. C'est là-dessus que se fonde la responsabilité légale de ce qui se passe au ministère.

Cela dit, la Loi sur la gestion des finances publiques, la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et une longue liste de lois que je pourrais vous citer précisent que les ministres peuvent déléguer leurs pouvoirs à des sous-ministres et à des fonctionnaires. Au fil des ans, les tribunaux ont statué en disant que même si le ministre continue d'assumer une responsabilité constitutionnelle assez importante, au sens abstrait, et qu'il est légalement et politiquement responsable, en pratique, si un ministre délègue légalement sa responsabilité et son pouvoir et établit des règles et des usages relatifs à l'exercice de cette responsabilité, le ministre en question ne peut pas être traîné devant un tribunal et tenu légalement responsable à titre personnel.

C'est tout ce que je peux vous dire pour l'instant, monsieur le président. Il me faudra examiner les documents. Je tiens à bien insister sur le fait que je n'ai pas donné mon avis personnel, mais j'ai essayé de transmettre celui du Bureau du Conseil privé.

Le président: La parole est à Geoff Regan, suivi de John Reynolds. Je vous demanderais d'être brefs.

M. Geoff Regan: Merci, monsieur le président.

J'ai également une remarque à faire. Tout d'abord, l'opposition et l'Alliance en particulier ont exprimé de vives préoccupations au sujet des infractions à la Loi sur les secrets officiels. Ce que je trouve extraordinaire, c'est que je n'ai jamais entendu exprimer ce genre d'inquiétude lorsqu'un député de l'opposition a reçu, par exemple, une enveloppe en papier bulle contenant des renseignements secrets, lesquels ont ensuite été divulgués par le député en question. Il semblerait que ce genre de fuite ne suscite pas les mêmes préoccupations que la prétendue fuite dont nous sommes témoins. C'est ma première remarque.

En second lieu, monsieur le président, l'Alliance cherche le recours possible si l'on constatait qu'il y a eu outrage. L'Alliance a demandé la démission de la ministre de la Justice. Or, de toute évidence, s'il était établi qu'il y a bien eu outrage, cela exigerait une peine très sévère. Avant d'imposer une peine sévère, il faudrait que le fardeau de la preuve soit très contraignant. D'après ce que nous avons vu jusqu'ici, même si certains s'inquiètent et si nous souhaitons voir le rapport final du Bureau du Conseil privé, il n'a pas été prouvé clairement, monsieur le président, qu'un secret a été divulgué ou qu'une partie du projet de loi a bien été divulguée par un fonctionnaire quelconque.

À mon avis, avant de pouvoir demander la démission de la ministre ou l'imposition d'une peine sévère, l'Alliance va devoir établir de façon beaucoup plus évidente non pas qu'un article intéressant a été publié qui renfermait certains renseignements au sujet du projet de loi, mais bien que ces renseignements n'étaient disponibles nulle part ailleurs, qu'ils n'auraient pas pu être obtenus ailleurs et qu'ils ne pouvaient provenir que d'une fuite. Même dans ce cas, il reste à voir quelles mesures devront être prises en conséquence. Je ne suis pas convaincu que les recours recherchés par l'Alliance soient adéquats.

À mon avis, nous devrions tout d'abord attendre la publication du rapport du Bureau du Conseil privé à ce sujet. Je ne pense pas que, en dernier ressort, Mme Gallant puisse obtenir la peau du responsable, comme elle le souhaite, même si elle réussira peut- être à susciter l'attention des médias qu'elle souhaite vraiment.

Le président: C'est le tour de John Reynolds, puis de Cheryl Gallant.

Au fait, chers collègues, je m'en remets à vous. J'ai l'impression que nous allons terminer bientôt, n'est-ce pas? Je donne la parole à John, suivi de Cheryl.

M. John Reynolds: Je suis choqué de voir que mon collègue pense que nous cherchons à susciter l'attention des médias. Nous faisons tous de la politique.

J'aimerais dire quelques mots au sujet des observations de ma collègue Mme Parrish. C'est très important en l'occurrence, du point... Certains diront peut-être que M. Fife a tout inventé lorsqu'il a dit des choses comme «selon certains hauts fonctionnaires», «selon des sources qui ont vu des ébauches du projet de loi» et «un haut fonctionnaire parlant sous le couvert de l'anonymat». Je peux vous dire, d'après mes années d'expérience dans les médias, avant d'entrer en politique, que je n'aurais jamais fait ce genre de déclarations si elles n'étaient pas vraies, et je ne pense pas que M. Fife le fasse non plus. C'est là le coeur du problème. On n'invente pas ce genre de choses lorsqu'on est journaliste. Lorsque j'animais une émission débat en Colombie- Britannique, je recevais de nombreuses fuites, y compris dans des enveloppes brunes. La plupart de ces renseignements ne provenaient pas de hauts fonctionnaires, mais plutôt de hauts responsables du parti qui était au pouvoir ou dans l'opposition.

• 1225

J'ai plus de respect pour les médias du fait que j'ai été journaliste, sachant qui étaient mes sources d'information. C'est pourquoi vous faites ce genre d'enquête.

Allez-vous interroger les ministres et les secrétaires parlementaires qui ont eu accès à cette information, outre tous les employés du ministère? C'est extrêmement important, selon moi.

M. Richard Fadden: Oui, monsieur le président.

Le président: La parole est à Cheryl Gallant.

Mme Cheryl Gallant: Merci, monsieur le président.

Dans le 14e rapport du comité, nous avons admis, ainsi que le Parlement, qu'il y avait bien eu atteinte au privilège lorsque le ministère avait informé les journalistes au sujet du projet de loi C-15. Cette fois-là, la ministre a été accusée d'outrage au Parlement, ce qui signifie qu'elle était responsable de cette atteinte. Cette fois-ci, si l'on reconnaît que la faute revient à son ministère, pourquoi ne serait-elle pas à nouveau tenue responsable?

Nous en revenons donc au rapport du Conseil privé. Nous parlons de responsabilité légale. Pourquoi la ministre aurait-elle été jugée responsable la première fois, mais pas cette fois-ci?

M. Geoff Regan: Il faut établir...

Le président: L'affaire suit son cours. Cet ordre de renvoi de la Chambre des communes, à moi en tant que président et à nous en tant que comité, est une affaire très grave. D'une part, nous en avons été saisis par la Chambre des communes. La question a été soulevée à la Chambre et nous devons l'examiner. En second lieu—et je pense aux membres du comité en particulier—, cette question de privilège, ce qui paraît exotique pour nos électeurs, met en cause l'efficacité des représentants élus et le fonctionnement d'une énorme bureaucratie. Il s'agit donc d'une question des plus graves que notre comité prend très au sérieux. Nous nous efforçons d'établir s'il y a eu une fuite et une atteinte au privilège. Je m'exprime ici non pas en tant que député, mais en tant que président du comité.

C'est ce que nous sommes en train de faire, Cheryl, et au mieux de notre compétence, je pense. J'écouterais volontiers ce que vous avez à dire, si vous voulez ajouter quelque chose.

M. Cheryl Gallant: Très bien.

D'après ce que nous dit notre témoin, l'évolution du rapport du Bureau du Conseil privé semble indiquer que la ministre n'est pas responsable. Ce n'est pas notre avis. Par conséquent...

Le président: Je comprends ce que vous voulez dire.

Monsieur Fadden, voulez-vous répondre à cette remarque précise?

M. Richard Fadden: Non, cela m'est impossible, monsieur le président.

Le président: Ah bon?

Je donne très brièvement la parole à Geoff, sur la même question.

M. Geoff Regan: À mon avis, monsieur le président, il y a une importante distinction à faire en l'occurrence. Dans le cas du projet de loi C-15, il a été prouvé qu'il y avait eu outrage, atteinte au privilège. La ministre l'a même admis.

Le président: Où voulez-vous en venir?

M. Geoff Regan: Cela n'a pas été prouvé cette fois-ci.

Le président: Il nous faut démontrer...

John, soyez bref.

M. John Reynolds: Le fait à retenir, c'est que, la dernière fois, la ministre a admis son erreur. Je suppose ce qui nous préoccupe—d'après ce qu'a dit le témoin—c'est que, selon nos traditions, la ministre n'a peut-être plus...

Si nous découvrions qu'il y a eu atteinte au privilège, la ministre serait-elle responsable? Si vous découvrez lors de vos entrevues que la fuite provenait de l'un des employés de la ministre, qui sera responsable, cette personne ou la ministre elle- même?

Le président: À mon avis, c'est au comité et non aux témoins d'en décider, et de discuter, comme vous essayez de le faire, du lien existant entre l'atteinte au privilège de la Chambre des communes et cette responsabilité ministérielle.

Je donne la parole à Carolyne Parrish. Soyez brève, je vous prie.

Mme Carolyn Parrish: Oui, je serai on ne peut plus brève.

Je propose, monsieur le président, que nous invitions M. Fife à venir répondre à toutes ces questions. Je crois comprendre qu'il ne va pas révéler ses sources, car c'est interdit. Nous pourrions toutefois lui poser des questions du genre: «Avez-vous vraiment parlé à une personne importante? De qui s'agissait-il? Où avez-vous obtenu votre information? Quelle part avez-vous laissée à la déduction?» À mon avis, il serait très instructif et distrayant d'entendre le témoignage de M. Fife.

Pourquoi tourner autour du pot? C'est lui l'auteur de l'article.

Le président: Très bien.

Chers collègues, avant de remercier nos témoins, je vous serais reconnaissant de rester dans la salle, car je vais essayer de réfléchir à haute voix quant à la suite des événements.

J'ose espérer, d'après ce que vous avez dit, que vous aborderez dans votre rapport final la question de la sécurité nationale.

M. Richard Fadden: Oui, monsieur le président.

• 1230

Le président: Très bien.

Deuxièmement, pouvez-vous me dire si, d'après vous, le rapport sera prêt dans une semaine jour pour jour?

M. Richard Fadden: Non, monsieur le président.

Le président: Puis-je vous demander, monsieur Fadden, de nous confirmer cette réponse, ou de nous dire que le rapport est prêt, au plus tard mercredi prochain? C'est important pour nous.

Bien. Chers collègues, j'ai réfléchi à ce que nous devrions faire. Au début de la réunion d'aujourd'hui, je pensais que nous devrions continuer à étudier cette question jusqu'à mardi. Voici toutefois ce que j'aimerais proposer. Pour en revenir à l'objet de la motion, car je sais qu'il me faut prendre une décision à ce sujet, je pense qu'il vaudra mieux la proposer lorsque nous aurons reçu le rapport. Il faudra au préalable confirmer qu'il y a bien matière à enquête, entre nous.

Mme Carolyn Parrish: C'est bien.

Le président: Je propose donc que nous siégions mardi, chers collègues. Nous avons un certain nombre de choses à faire. D'une part, donner suite à la visite de M. Kingsley au sujet du remaniement des circonscriptions électorales, la poursuite de l'examen du règlement référendaire, la question de l'information des conseils. Je propose de tenir une séance pour discuter de ces questions. Puis, à huis clos ou non—nous en déciderons à ce moment-là—, nous pourrons discuter brièvement de la suite de nos travaux.

Une possibilité—qui est fort peu probable, d'après moi—serait de reprendre l'étude de cette question jeudi prochain. Il est beaucoup plus vraisemblable—monsieur Fadden, j'espère que vous en prenez note—que nous reprenions nos discussions le mardi après la semaine de relâche. Là encore, je vous saurais gré d'informer le comité quant à l'état du rapport, car cela déterminera notre décision à ce sujet.

Cela vous convient-il, chers collègues? Nous allons examiner certaines questions courantes, puis réfléchir à la suite à donner à ce dossier, et décider ensuite de ce que nous ferons jeudi prochain. Dans deux semaines jour pour jour, je pense, nous reprendrons l'étude de cette question. Cela vous convient-il, chers collègues?

Des voix: Oui.

M. John Reynolds: Et la motion de Mme Parrish?

Le président: Je pense qu'elle l'a retirée.

Mme Carolyn Parrish: Non, je ne l'ai pas retirée.

Le président: Non, elle ne l'a pas retirée.

Que pensez-vous de mon idée? Je pense qu'il vaudra mieux examiner cette motion lorsque nous aurons pris connaissance du rapport.

Mme Carolyn Parrish: Je m'en remets toujours à vous.

Le président: Chers collègues, nous nous reverrons à 11 heures mardi prochain. La séance est levée.

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