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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 novembre 2001

• 0910

[Traduction]

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Chers collègues, nous sommes suffisamment nombreux pour entendre les témoins, que le secrétaire parlementaire semble avoir détournés.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Wesley Pue, professeur de droit à l'University of British Columbia, et à Scott Fairley, ex-professeur qui pratique actuellement le droit.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Je veux poser une petite question avant qu'on ne commence.

Nous avions donné le nom de la Ligue des droits et libertés du Québec, qui pourrait nous parler de ce qui s'est passé au Sommet de Québec, ce qui pourrait nous être utile dans nos débats. Le greffier m'a dit qu'il avait laissé un message vendredi, mais que c'était trop tard pour qu'ils viennent ce matin. Serait-il possible qu'on les entende jeudi matin?

Le président: Je ne serai pas là jeudi matin. Donc, on entendrait un seul témoin avant de procéder à l'étude article par article?

Mme Francine Lalonde: Oui.

Le président: Ça dépend de Mme Augustine, qui présidera à ce moment-là. Combien d'heures avons-nous en tout?

[Traduction]

Le greffier du comité: Nous y avons réservé trois heures, monsieur le président.

[Français]

Le président: On a trois heures pour l'étude article par article. Vous pourriez nous donner une idée des amendements que vous voulez proposer. Évidemment, il nous faut absolument terminer l'étude article par article jeudi. S'il n'y a pas beaucoup d'amendements, j'imagine qu'on peut prendre trois quarts d'heure pour entendre un témoignage avant de procéder à l'étude article par article.

Mme Francine Lalonde: Je pense qu'on peut avoir trois quarts d'heure de témoignage.

Le président: C'est ce que vous proposez?

Mme Francine Lalonde: Oui.

Le président: Si on prend 45 minutes pour entendre le témoignage, cela nous laisse deux heures et 15 minutes pour l'étude article par article.

Je vais maintenant donner la parole à M. Pallister parce que c'est lui qui a le plus grand problème politique et psychologique face à ce projet de loi.

[Traduction]

M. Brian Pallister (Portage—Lisgar, AC): Monsieur le président, vous m'excuserez, mais je n'entends pas l'interprète. J'ai entendu des bribes, mais je ne suis pas sûr d'avoir suffisamment compris...

Le président: Pour vous résumer brièvement, Mme Lalonde avait un important témoin du Québec à nous faire entendre, quelqu'un qui devait nous parler de ce qui s'est produit au Sommet de Québec. Comme le témoin était incapable de venir ici aujourd'hui, elle demande si nous pouvons l'entendre brièvement jeudi matin.

M. Brian Pallister: Naturellement.

Le président: Nous avons prévu trois heures pour l'étude article par article. Il faut absolument qu'elle soit terminée jeudi. Donc, si nous réservons 45 minutes pour entendre ce témoin, nous aurons 45 minutes de moins pour faire l'étude article par article.

Toutefois, je pars de l'hypothèse, monsieur Pallister, que bien que vous ayez des amendements à proposer au projet de loi à l'étude, ils ne viseront peut-être que deux articles. Les autres articles ne posent pas de problème. Seule la disposition qui porte sur le pouvoir accru de la police...

Des voix: Oh, oh!

Le président: Vous excuserez le lapsus—je parlais donc des pouvoirs conférés aux policiers et de l'immunité diplomatique. Ai- je raison de croire que, s'il y a des amendements, ils ne porteront que sur deux questions? Ainsi, nous aurions le temps d'entendre le témoin.

Chers collègues, sommes-nous d'accord? Mme Augustine a l'air nerveuse, car c'est elle qui devra présider la séance et je sais qu'elle a autre chose cet après-midi-là. Il faut donc avoir fini l'étude article par article au plus tard... Nous siégeons de 9 heures à midi, n'est-ce pas?

Le greffier: Effectivement, monsieur le président.

Le président: Il faudra donc avoir fini l'étude article par article à midi au plus tard. Nous nous entendons donc pour mettre de côté 45 minutes, au début de la séance, pour entendre le témoin du Québec.

Pouvons-nous parler d'amendements? Je sais qu'il n'en a pas encore été question au comité directeur et que nous avons reçu une recommandation ferme, mais les amendements pourraient-ils nous être soumis d'ici midi demain au plus tard, pour que le greffier les ait en main?

• 0915

M. Brian Pallister: Vous devez déjà avoir mes amendements.

Le président: Il faut les remettre au greffier.

M. Brian Pallister: D'accord.

Le président: Donc, vos amendements vont parvenir au greffier d'ici midi demain?

M. Brian Pallister: Oui.

[Français]

Le président: Madame Lalonde, si c'est possible, pouvez-vous nous donner vos amendements d'ici demain midi?

Mme Francine Lalonde: Je vais faire mon possible.

Le président: Ou le plus tôt possible afin d'éviter ce qui s'est passé la dernière fois.

[Traduction]

Voilà qui est réglé. Chers collègues, nous accueillons donc aujourd'hui M. Pue et M. Fairley.

Nous allons suivre l'ordre de la liste. Monsieur Pue, si vous pouviez commencer, après quoi M. Fairley fera son exposé, et nous pourrons ensuite passer aux questions. Si vous pouvez limiter votre exposé à 10 minutes environ, nous aurons plus de temps pour poser des questions.

Je vous remercie beaucoup.

M. Wesley Pue (professeur de droit, University of British Columbia): Je vous remercie beaucoup. J'ai remis au greffier un document plutôt long dont je me servirai pour faire mon exposé sans pour autant vous en faire la lecture. Les membres du comité pourront, s'ils le souhaitent, en obtenir un exemplaire.

Je suis venu vous entretenir d'une partie du projet de loi C-35, de la partie qui porte sur la sécurité aux conférences intergouvernementales. Je n'ai pas beaucoup de temps, de sorte que j'irai droit au but.

La mesure législative à l'étude est tout à fait déplorable. Bien qu'elle cherche manifestement à atteindre des fins tout à fait convenables, elle donne nettement l'impression d'avoir été rédigée avec une grande hâte. Il est fort possible que cet article du projet de loi change du tout au tout le droit canadien, et l'orientation qu'il lui donnerait serait selon moi très fâcheuse.

Le président: De quel article du projet de loi s'agit-il?

M. Wesley Pue: Je vous parle de l'article visant la sécurité des conférences intergouvernementales, soit l'article 5 du projet de loi C-35 modifiant l'article 10 de la loi.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Monsieur le président, je suis navrée. J'ai le texte de l'exposé de M. Fairley, mais je n'ai pas celui de M. Pue.

Le président: Il n'a pas été distribué...

Mme Aileen Carroll: Ce serait en réalité beaucoup plus facile.

Le président: Il ne nous a pas été remis dans les deux langues officielles, de sorte que nous ne pouvons pas le distribuer.

M. Wesley Pue: J'aimerais aborder trois points au sujet de cet article. Le premier est la nouveauté de cette loi. Ce serait selon moi commettre une grave erreur que de croire que le projet de loi C-35 reprend simplement des principes de la common law bien établis au sujet de la police. En fait, si c'était le cas, il ne serait pas nécessaire de les inscrire dans la loi.

Tout d'abord, l'article affirme la primauté de la GRC par rapport aux autres corps policiers et par rapport aux autres organismes publics dans certains circonstances particulières. On pourrait voir cela, avec raison, comme une nouveauté en droit canadien, dans la mesure où cela représente le blocage d'une pratique contemporaine. C'est une question que les députés voudront peser avec beaucoup de soin.

Ensuite, la loi confère explicitement à la GRC, pour la première fois, le pouvoir d'établir des périmètres de sécurité. Il s'agit-là aussi d'une innovation importante et, en l'absence de l'établissement bien réfléchi de limites que l'on ne retrouve pas dans le libellé actuel, c'est une nouveauté dangereuse.

La disposition d'exemption, qui dispose que les pouvoirs sont mentionnés pour plus de certitude et qu'ils ne changeront pas les pouvoirs revenant à la police aux termes de la common law, témoigne d'un but souhaitable, mais elle a très peu d'effet. Dans un pareil contexte législatif, en fait, elle donne davantage l'impression d'interdire la dérogation que de restreindre les nouveaux pouvoirs conférés.

J'aimerais demander aux députés d'essayer de s'imaginer pour un instant le monde réel dans lequel travaillent de véritables policiers. Dans un pareil monde, l'article du projet de loi sera la seule ou principale référence à leur disposition pour les guider. Les policiers n'ont tout simplement pas le temps ou les ressources pour faire des recherches dans la common law. S'ils l'avaient, ils découvriraient qu'il est difficile de cerner la common law et encore plus difficile de l'interpréter.

Dans un monde réel, je soutiens que les agents de la GRC de tous les rangs interpréteront la loi dans son sens le plus naturel, soit qu'ils peuvent faire tout ce qu'ils estiment être raisonnable et opportun. Toutefois, la définition de ce qui est raisonnable et opportun change selon celui qui l'interprète, et la pierre de touche qui le guidera est la sécurité, et la sécurité uniquement.

À première vue, l'article du projet de loi semble habiliter la police, mais il ne le fait qu'en un sens seulement. Il ne fournit pas aux policiers de principe pour déterminer de ce qui est opportun et de critères auxquels se fier. Cette absence laisse les agents de la GRC de tous les rangs dans une situation extrêmement vulnérable. Ils sont en effet vulnérables s'ils sont aux prises avec des exigences abusives présentées par des gouvernements étrangers comme des préoccupations relatives à la sécurité. Ils sont vulnérables et hésitent quant à la façon de réagir aux gouvernements canadiens. L'article leur laisse une foule de décisions difficiles à prendre, mais ne leur fournit rien pour les aider à le faire.

• 0920

Par contre, ce sont eux, les agents de la GRC, qui en fin de compte feront l'objet de mesures disciplinaires, de poursuites au civil, de longs processus d'examen et peut-être même de poursuites au criminel s'ils n'ont pas frappé le juste équilibre. Les policiers chargés de ces importantes fonctions méritent pour leur propre protection que la loi leur donne des instructions très claires.

Le deuxième point dont j'aimerais vous parler concerne la protection de mes compatriotes ainsi que, comme toujours, des policiers. Il s'agit des périmètres de sécurité.

Il est peut-être étonnant de constater qu'actuellement, il n'existe pas de pouvoir législatif qui autorise clairement la GRC ou d'autres corps policiers à installer des barricades et à protéger des zones d'accès réservé. Ils le font actuellement en s'appuyant sur une interprétation très élastique de leurs fonctions de maintien de l'ordre public.

De toute évidence, il faut que la loi réponde aux besoins contemporains, mais l'article proposé est loin d'y parvenir. La GRC est en droit de s'attendre, dans la loi, à recevoir ce genre d'instructions claires et directes qui lui assurent une protection juridique, et les compatriotes ont le droit de s'attendre à ce que les pouvoirs extraordinaires conférés à la police soient clairement définis et limités dans la loi.

Arrêtez-vous un moment aux droits qu'on pourrait transgresser en établissant un périmètre de sécurité. Il y a le droit de libre circulation au Canada, la liberté de réunion, la liberté d'expression, le droit de jouir de sa propriété, le droit de travailler, le droit de vaquer à ses occupations en toute légalité. L'établissement d'un périmètre de sécurité peut compromettre les libertés de milliers de personnes, de sorte que les forces policières doivent disposer de directives et de pouvoirs clairs et bien définis à cet égard.

Le libellé actuel de l'article laisse beaucoup de questions en suspens. Premièrement, la durée. Pour combien de temps peut-on créer une zone de sécurité? Seulement pour la durée de la réunion, ou à partir d'une journée, d'une semaine ou d'un mois à l'avance? Il n'y a aucune directive à cet égard dans l'article.

Deuxièmement, la violation de droits. À quels droits de propriété peut-on porter atteinte dans ce contexte? Ceux des entreprises privées canadiennes? Des entreprises privées protégées en vertu de l'ALENA? Des propriétaires privés? Des municipalités? Des églises? Des organisations religieuses? Des organes de presse? Des gouvernements provinciaux? Des bandes indiennes? Quel recours juridique peut-on invoquer si un propriétaire privé s'objecte? Que se passe-t-il si un autre ordre de gouvernement ou une bande indienne s'y oppose?

Si l'on empêche l'utilisation pleine et entière d'une propriété ou qu'on en exproprie une partie à court terme, quelle indemnité sera versée? Dans le contexte de l'érection d'un périmètre de sécurité, entend-t-on par «mesures qui s'imposent» qu'il faut verser une indemnité? Sur quelle base la GRC l'évalue-t-elle? L'article est muet à ce sujet.

Troisièmement, les préavis. Combien de temps à l'avance la GRC doit-elle donner avis aux personnes dont les droits seront touchés? Où le périmètre de sécurité sera-t-il érigé? Cela touchera-t-il votre propriété? La GRC peut-elle vous aviser le jour même ou un mois à l'avance? Faut-il vous en informer un an à l'avance? Nous n'en savons rien.

Quatrièmement, quelle est l'étendue du périmètre de sécurité? Les limites des périmètres de sécurité, qui semblent toujours de plus en plus grands, doivent-elles être établies par voie législative? Quelle est l'importance de la sécurité par rapport à celle des droits constitutionnels pour l'établissement des dimensions d'une zone de sécurité par les corps policiers?

Pour ce qui est du respect des droits, la Constitution canadienne dicte clairement que les Canadiens respectueux des lois ont le droit de se réunir, de s'exprimer et de manifester. L'article projeté ne rappelle toutefois pas aux agents de police qu'ils ont le devoir de protéger ces droits. Il ne les aide pas du tout à trouver le juste équilibre entre la sécurité et les libertés.

Cinquièmement, les laissez-passer de sécurité. Lorsqu'est érigé un périmètre de sécurité, certaines personnes ont le droit d'y pénétrer, d'autres pas. Sur quelle base la police attribue-t-elle des lassez-passer de sécurité ou des passeports internes autorisant des gens à se déplacer à l'intérieur de ces zones? Quels critères faudrait-il appliquer? À qui la police peut-elle demander conseil? Quel renseignement peut-elle utiliser? Dans quelle mesure est-elle tenue de justifier à des citoyens pourquoi l'accès leur est refusé? Peut-elle refuser à un propriétaire l'accès à sa maison? Peut-elle refuser l'accès à un locataire? Qu'arrive-t-il si un propriétaire ayant la permission de demeurer à un endroit précis reçoit des soins de quelqu'un qui est réputé représenter une menace pour la sécurité? Le profil racial ou religieux peut-il servir de critère d'accréditation ou d'émission de laissez-passer de sécurité? La GRC doit-elle admettre les renseignements reçus des organismes de sécurité étrangers? À qui doit-elle se soumettre au Canada?

• 0925

Le profil politique est-il acceptable? Dans l'affirmative, qui peut en faire l'objet? Greenpeace, les écologistes, les souverainistes québécois, les sympathisants des causes du Proche-Orient, de l'Espagne ou de l'Irlande? Selon quels critères certains journalistes sont-ils admis alors que d'autres ne le sont pas? La police a besoin de paramètres précis.

Enfin, qu'en est-il de la responsabilité première de la GRC et de ses relations avec les gouvernements canadiens? Le paragraphe 10.1(1), qui confère à la GRC la responsabilité première d'assurer la sécurité, est peut-être destiné à clarifier un élément important. Il vise fort probablement à préciser le principe fondamental, en démocratie, que les forces policières sont indépendantes du pouvoir politique.

Malheureusement, la signification de cette disposition demeure obscure. Si c'est bel et bien l'intention, le paragraphe n'est pas très très bien formulé. Il ouvre, en fait, à l'interprétation exactement opposée. Le bon déroulement d'un événement est certainement tributaire d'une bonne liaison avec le gouvernement. Cependant, la façon de l'assurer et qui y participe n'est pas clair. Le paragraphe laisse la GRC en pleine confusion et reste imprécis quant aux droits des citoyens.

L'article écarte donc les forces policières provinciales et municipales, de tout ce qui pourrait toucher les droits civils et de propriété sur leur territoire. L'article embrouille le rôle de la GRC qui maintient l'ordre au pays et qui joue aussi le rôle de sûreté dans certaines provinces, ce qui n'est pas souhaitable. Il touche clairement aux droits civils et de propriété à l'intérieur d'une province, sans même obliger la GRC, selon le libellé actuel, à consulter les autorités provinciales. Voilà qui pose également problème, à mon avis.

Ce sera tout. Je vous remercie.

Le président: Je vous remercie, monsieur Pue.

Monsieur Fairley.

M. Scott Fairley (témoignage à titre particulier): Je vous remercie, monsieur le président. Mesdames et messieurs les députés, bonjour.

Je suis ici aujourd'hui sur l'invitation de Aileen Carroll, députée et secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, et du greffier de votre comité.

Avant de vous faire part de mes observations personnelles, je dois préciser que, même si le cabinet d'avocats pour lequel je travaille représente un certain nombre de missions consulaires à Toronto et que je suis ancien président de la Section du droit international et de la Section de droit constitutionnel de l'Association du Barreau canadien, je comparais aujourd'hui devant vous uniquement en mon nom personnel.

J'ai lu la documentation relative aux objectifs que poursuit le gouvernement en déposant ce projet de loi. Contrairement à M. Pue, je présenterai des commentaires de nature plus générale sur les principales modifications vues comme un tout.

De façon générale, les modifications d'ordre administratif ne me semblent pas susciter de controverse. Elles ont pour effet d'élargir l'application de la loi aux organisations intergouvernementales auxquelles participent le Canada. Je crois qu'elles sont avantageuses pour le Canada, en ce sens qu'elles inciteront sans soute davantage les organisations internationales à établir leur centre ici et à s'y réunir plus souvent.

J'ai cependant des observations à faire sur le même article que M. Pue, soit l'article 5 du projet de loi qui ajoute un nouvel article 10.1 à la loi et prescrit la codification des pouvoirs de la police.

Je vous entretiendrai ensuite de la catégorie de modifications que j'appelle les dispositions de représailles et de réciprocité et qui donnent au ministre des Affaires étrangères et au gouverneur en conseil des pouvoirs plus étendus pour l'accréditation d'agents diplomatiques et consulaires. Je terminerai par un bref commentaire sur la disposition de coordination avec le projet de loi C-11 relatif à l'immigration et sur la responsabilité du Cabinet quant aux étrangers indésirables. De plus, il semble qu'on puisse être considéré agent diplomatique dans certains cas et agent consulaire dans d'autres.

• 0930

Pour commencer, en ce qui concerne les pouvoirs de la police, je suis en règle générale d'accord avec pratiquement tout ce qu'a dit M. Pue. À mon sens, cette disposition est soit inutile, si elle ne vise qu'à codifier la situation actuelle soit tout à fait incomplète.

Le paragraphe 10.1(1) du projet de loi confère à la GRC la responsabilité première d'assurer la sécurité des conférences intergouvernementales, mais il ne traite pas de la liaison ou de la coopération avec les autres corps policiers sur les territoires desquels ont lieu ces conférences. Dans la plupart des villes canadiennes susceptibles d'accueillir des conférences de ce genre, il y aurait au moins un autre corps policier. À Toronto et à Montréal, par exemple, il y en aurait au moins deux: la police municipale et la sûreté provinciale.

Jusqu'à présent, en common law, les chaînes de responsabilité ont censément été définies à la satisfaction de tout en fonction de chaque événement organisé. Cependant, il peut être problématique et inquiétant d'inscrire dans la loi un seul maillon de la chaîne, soit la responsabilité première de la GRC, en laissant le reste à la pratique si jamais la disposition devait être examinée et mise en application dans le cadre de procédures judiciaires ou parajudiciaires découlant de tel ou tel incident. À la lumière de ce qui s'est passé à Vancouver et à Québec, une telle éventualité se réalisera plus tôt que tard si cette disposition prend force de loi.

L'autre grande question, c'est la portée des pouvoirs que le paragraphe 10.1(2) confère à la police. Le paragraphe 10.1(3) stipule que le paragraphe (2) est sans effet sur les pouvoirs que possède la police en vertu de la common law, mais le terme «Précision» dans la marge suggère qu'il y a déjà eu incertitude à ce sujet et que les tribunaux seront appelés—s'il y a poursuite, et il y en aura—à interpréter et à appliquer la disposition en fonction de l'objet visé plutôt qu'en tant que détail superflu.

Cela étant, la responsabilité et le mandat incombant au premier chef à la GRC, selon le paragraphe 10.1(2), de «prendre les mesures qui s'imposent» aux conférences intergouvernementales, «notamment en contrôlant, en limitant ou en interdisant l'accès à une zone dans la mesure et selon les modalités raisonnables dans les circonstances», doivent être considérés comme étant à la fois accrus et clarifiés.

Il reviendra aux tribunaux de décider ce qui est raisonnable dans les circonstances dans l'éventualité où le comportement de la police serait contesté. Un mandat aussi ouvert risque également d'être taxé par un tribunal ou une commission royale d'imprécision inconstitutionnelle dans la mesure où il touche à des libertés fondamentales protégées par l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés et de violation directe de la Charte dans un cas particulier.

Par conséquent, il semble à propos d'énoncer plus clairement le mandat dans l'intérêt des agents de la paix investis de la responsabilité ainsi que des éventuels sujets d'une action policière. Sinon, il serait beaucoup plus prudent, selon moi, de laisser cette question potentiellement controversée carrément dans le domaine de la common law où elle réside actuellement.

Pour ce qui est des représailles et de la réciprocité, j'estime que ces dispositions dans leur ensemble s'imposaient depuis longtemps et qu'elles fournissent à l'exécutif les moyens nécessaires pour réagir rapidement—au besoin et aussi longtemps que besoin est—aux mesures indues que des pays prennent à l'égard des missions étrangères du Canada tout en restant compatibles avec nos obligations internationales aux termes des conventions de Vienne.

Je sais que l'immunité diplomatique est devenue un sujet de vive controverse, particulièrement à Ottawa, depuis l'horrible accident qui a coûté la vie à Mme Catherine MacLean, frappée par un conducteur en état d'ébriété jouissant du statut de diplomate étranger.

Le président: À quel article faisiez-vous référence lorsque vous parliez de représailles?

• 0935

M. Scott Fairley: Les représailles et la réciprocité, monsieur le président, sont traitées dans l'article 2 du projet de loi modifiant l'article 4 de la loi, dans l'article 3 modifiant l'article 5 de la loi et dans l'article 4 remplaçant l'article 6 de la loi.

Le président: D'accord. Je comprends bien pourquoi vous nous parlez de réciprocité, mais je vois moins bien pourquoi vous nous parlez de représailles. N'allez-vous pas un peu trop loin...

M. Scott Fairley: J'utilise le mot «représailles», monsieur le président, parce que ces dispositions donnent essentiellement au gouverneur en conseil et au ministre des Affaires étrangères le pouvoir exécutif de retirer leur accréditation à des gouvernements ou à des missions étrangères coupables de conduite indue.

Le président: Si un diplomate canadien n'a pas été traité comme il se doit dans ce pays, est-ce...

M. Scott Fairley: C'est juste, mais cela pourrait également s'appliquer à d'autres situations. L'article 2 porte sur la rétention par les douaniers de marchandises à la frontière. Ainsi, je crois que les outils donnés au ministre ici sont un peu plus vastes que les simples représailles pour sanctionner des missions en particulier, mais c'est certainement là la principale situation visée.

Le président: Je m'excuse de vous interrompre. C'est seulement que nous n'avons pas encore parlé de cet aspect du projet de loi, mais je ne crois pas que quiconque...

M. Scott Fairley: Je crois qu'il faut avant tout garder à l'esprit, lorsqu'on examine ces modifications, la règle de base de l'immunité essentiellement absolue dont jouissent les agents diplomatiques, particulièrement en matière criminelle. À cet égard, je renvoie les députés au texte de l'article 31 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et à l'article 41 de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, qui porte sur l'immunité conditionnelle dont jouissent les agents consulaires.

Le principe fondamental de ces conventions est l'immunité accordée dans le cadre du processus d'accréditation et, en raison des obligations internationales du Canada aux termes de ces conventions, il s'agit-là du principe fondamental pour tous les pays faisant partie de la communauté diplomatique parce que, si nous ne le faisons pas pour eux, ils ne le feront pas pour nous. Je voudrais ici ouvrir une parenthèse pour faire remarquer que l'immunité dont les services diplomatiques et consulaires du Canada jouissent à l'étranger peut signifier beaucoup plus pour eux compte tenu du lieu de leur travail et des dangers auxquels ils pourraient être exposés. Cela diffère souvent du traitement réservé aux missions étrangères ici. Le Canada se considère à juste titre comme l'une des nations les plus civilisées. Nous avons des relations diplomatiques et consulaires avec beaucoup de pays qui, il faut bien l'admettre, ont des perceptions fort différentes et moins rigoureuses de ce que signifient équité et cours normal de la justice, entre autres. C'est l'une des raisons pour lesquelles les conventions de Vienne sont particulièrement importantes pour nous.

Cela étant dit, le Canada peut certainement resserrer son processus d'accréditation et faire preuve de plus de rigueur pour ce qui est de retirer l'accréditation de pays et d'agents étrangers au Canada qui ont une conduite répréhensible. Le projet de loi C-35 répond admirablement à ce besoin.

Mon dernier point porte simplement sur le raccordement avec le projet de loi C-11, soit le paragraphe 5(4) proposé. Cette disposition supprime essentiellement tout conflit avec les restrictions à l'entrée au Canada prescrites par l'article 19 de la Loi sur l'immigration, ce qui évite la nécessité et la difficulté éventuelle d'obtenir une exemption de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration avant d'accréditer un agent diplomatique étranger.

L'article 10, soit la disposition de coordination proposée, atteint le même objectif dans l'éventualité où le projet de loi C-11 serait adopté. C'est une bonne disposition, selon moi. Elle assure une plus grande certitude que l'éventualité d'une décision judiciaire de même effet et elle est compatible avec nos obligations conventionnelles en vertu de traités. D'après la documentation que m'a transmise Mme Carroll, il me semble qu'en cas de conflit entre le processus d'accréditation du ministre des Affaires étrangères et la liste noire de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, il existe un avis juridique selon lequel c'est le processus du ministre des Affaires étrangères qui aurait préséance au regard de la loi. Je crois que cela faciliterait beaucoup les choses si l'on centralisait le pouvoir dans un ministère, plutôt que de nager entre deux eaux.

• 0940

La seule chose qu'on peut se demander est pourquoi le Canada devrait accorder une protection diplomatique à des personnes considérées autrement comme des étrangers indésirables. Je crois que le gouvernement ne peut régler cette question qu'au cas par cas dans la loi révisée, comme le propose le projet de loi. Le projet de loi n'entrave en rien l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire sauf qu'il le centralise dans un ministère, ce qui, à mon avis, est nettement mieux.

Voilà pour les observations que j'avais à faire, monsieur le président. Je me tiens votre disposition pour répondre aux questions.

Le président: Je vous remercie, monsieur Fairley.

Avant d'entendre les questions, je voudrais seulement indiquer aux députés qu'après que M. Pue a exprimé ses commentaires sur le manque de clarté des lignes directrices, nous avons posé la question aux représentants du solliciteur général lors de leur passage ici. Le greffier vient tout juste de recevoir du cabinet du solliciteur général un cahier plutôt volumineux. Je vois, à la fin, qu'il contient des renseignements sur la gestion des risques, entre autres, qui justifie les interventions policières.

Le cabinet du solliciteur général enverra aux députés un document exposant les lignes directrices sur les interventions policières qu'ils utilisent dans de telles circonstances. Je ne suis pas là pour en commenter la qualité, mais pour préciser que nous obtiendrons le document bientôt.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Quand?

Le président: Pendant la matinée.

Mme Francine Lalonde: Ah, bon.

Mme Aileen Carroll: Est-ce qu'on va recevoir cela aujourd'hui?

[Traduction]

Le président: Le bureau du greffier l'a reçu. Il est en train de le faire photocopier et le distribuera dès qu'il sera prêt.

[Français]

Mme Aileen Carroll: D'accord, merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Pallister.

M. Brian Pallister: Merci, monsieur le président. Merci également à vous, messieurs, pour vos exposés de ce matin. Cela est très apprécié.

Monsieur Fairley, vous avez parlé au début de votre exposé des avantages que le Canada tirera de cette loi. Vous dites qu'elle aidera le Canada à attirer davantage les délégations étrangères aux réunions et autres événements organisés ici.

J'ai toutefois quelques observations à exprimer. D'abord, nous ne semblons pas avoir beaucoup de problèmes à attirer les gens à nos réunions internationales en ce moment. Nous serons bientôt l'hôte du G-20, du G-8 et probablement du Forum économique mondial. Il ne me semble donc pas si important de nous montrer plus accueillants.

Par contre, je m'inquiète davantage de la sécurité. C'est une question qui préoccupe probablement beaucoup de Canadiens, de sorte que je mettrai l'accent là-dessus, si vous me permettez.

Vous nous avez parlé de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, dont l'article 43 dispose que: «Les fonctionnaires consulaires et les employés consulaires ne sont pas justiciables des autorités judiciaires et administratives de l'État de résidence pour les actes accomplis dans l'exercice des fonctions consulaires.» C'est ce que dit l'article 43.

Je crains que l'interprétation que fait le Canada de la Convention de Vienne ne soit particulièrement large. En termes clairs, nous accordons aux employés consulaires une immunité totale, alors que la Convention n'exige qu'une immunité pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions consulaires. Cette loi ne fait strictement rien pour aider le Canada à respecter la Convention de Vienne. Elle nous donne plutôt encore plus de latitude que par le passé.

Prenons l'exemple, monsieur, de l'incident qui a coûté la vie à Catherine MacLean. Le même avant-midi, un autre employé de l'ambassade russe, M. Evgeni Blokhin, a été interpelé pour conduite en état d'ébriété seulement 30 minutes plus tard. Heureusement, il n'a tué personne. Il est un chauffeur, monsieur, et il a obtenu le droit de quitter le pays parce que nous lui accordons l'immunité complète. Cet homme ne fait toutefois pas partie de la même catégorie que celui qui a tué Catherine MacLean. L'homme qui a tué Catherine MacLean jouissait bien sûr de l'immunité absolue prévue dans la Convention de Vienne. Cet autre employé aurait pu tuer quelqu'un pendant qu'il était en état d'ébriété, mais ce n'est pas arrivé. Nous ne l'avons pas poursuivi. Nous ne pouvons donc pas dire que nous appliquons la Convention de Vienne, dans ce cas-là.

De plus, cette loi ne prévoir pas en détail...

• 0945

Vous dites que nous pourrions resserrer le processus d'accréditation et faire preuve de davantage de rigueur pour retirer des accréditations. Vous dites aussi que cette loi le fait très bien, mais monsieur, comment peut-elle le faire très bien si elle ne remédie même pas à la principale préoccupation que nourrit probablement la population canadienne. Elle ne nous permet même pas, malgré la Convention de Vienne, de poursuivre des personnes jouissant de l'immunité diplomatique pour des comportements causant la mort de Canadiens ou perturbant gravement leur vie. Comment pouvez-vous dire que ce projet de loi résout très bien le problème, qu'il resserre les règles de quelque façon?

M. Scott Fairley: D'abord, il ne faut pas confondre les pommes et les oranges. Les incidents impliquant des employés de l'ambassade russe relèvent de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et non de la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Ces deux conventions confèrent une immunité différente. Pour revenir à votre exemple, si cet incident était arrivé à un membre du Consulat russe de Toronto, nous aurions pu le poursuivre, mais...

M. Brian Pallister: ...un chauffeur d'Ottawa, non.

M. Scott Fairley: S'il est accrédité comme agent diplomatique, alors la réponse est, malheureusement, et malgré les circonstances, non, en raison de l'article 31 de la Convention de Vienne, qui dit que: «L'agent diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction pénale de l'État accréditaire.»

M. Brian Pallister: Vous savez sans doute que les autres pays sont beaucoup plus rigoureux que nous pour ce qui est de déterminer qui peut obtenir l'immunité diplomatique absolue sur leur territoire?

M. Scott Fairley: Je ne sais pas exactement comment...

M. Brian Pallister: Le Royaume-Uni...?

M. Scott Fairley: ...les agents canadiens sont traités par les États étrangers par comparaison avec la façon dont nous traitons les agents étrangers. Ce projet de loi donne au ministre les moyens d'agir avec rigueur. Si notre façon de faire semble trop laxiste, c'est le ministre qui doit en répondre devant le Parlement ou d'autres parties concernées et expliquer pourquoi certains agents diplomatiques sont accrédités et d'autres, pas.

Tout ce que je dis, c'est que ce projet de loi, en règle générale, donne au ministre et au gouverneur en conseil plus d'outils et plus de souplesse pour resserrer ou relâcher les règles, selon le cas. Je suis d'avis que la loi doit conserver ce degré d'élasticité, qu'autrement cela ne fonctionnerait tout simplement pas en situations concrètes.

Ainsi, je ne crois pas que cette loi puisse remédier d'une façon ou d'une autre à votre principale préoccupation. Elle donne des outils au ministre. Il lui revient ensuite à lui seul de décider de les appliquer ou pas, selon le cas, dans une situation donnée.

M. Brian Pallister: Quoi qu'il en soit, vous semblez convaincu, selon vos commentaires du moins, que ce projet de loi est une bonne chose. Vous avez également fait allusion aux questions de sécurité à quelques reprises. Ainsi, je vous demande d'abord et avant tout si ce projet de loi améliore la situation de quelque façon. Vous dites qu'il nous «donnera encore plus de latitude», mais ce n'est pas là une appréciation qualitative...

M. Scott Fairley: D'après moi, les dispositions sur les représailles et la réciprocité donnent au ministre et au gouverneur en conseil plus d'outils que la loi actuelle. Ils peuvent dorénavant retirer des accréditations plus vite qu'avant et, surtout, surveiller davantage chacune des missions diplomatiques et consulaires présentes au pays.

Si on critique surtout le trop grand laxisme qui régnait avant et le fait qu'une fois qu'un agent était accrédité, on ne pouvait plus faire grand-chose contre lui sauf de le renvoyer chez lui si un terrible accident comme celui dans lequel est morte Catherine MacLean survenait, je crois que le gouvernement peut beaucoup plus facilement qu'auparavant, dans la mesure où il en a la volonté, scruter à la loupe les missions diplomatiques et consulaires sur le point d'être envoyées ici ou qui y sont déjà. Vue sous cet angle, la situation s'est améliorée.

• 0950

M. Brian Pallister: Peut-être, sauf qu'on ne le faisait pas avant. Même avec les mécanismes restreints dont nous disposions déjà, à ce que vous nous dites, nous ne le faisions pas. Nous ne menions pas les examens préalables que beaucoup souhaiteraient peut-être. Nous n'examinons pas les dossiers des personnes envoyées ici en mission diplomatique. Le fait est que notre interprétation est plus large que ne l'exige la Convention de Vienne, et vous nous dites que nous aurons encore plus d'outils.

C'est merveilleux. C'est merveilleux d'avoir plus d'outils, je suppose. Si nous exploitions effectivement les outils dont nous disposions jusqu'à maintenant, ce pourrait être profitable et constituer un argument cohérent. Or, le fait est qu'il ne semble pas y avoir une grande volonté actuellement d'utiliser les outils existants.

Ainsi, je ne vois pas pourquoi le ministre voudrait soudainement, parce qu'il a plus d'outils, adopter des mesures plus sévères devant des agissements semblables à l'incident qui a entraîné la mort de Catherine MacLean ou à tellement d'autres exemples. Je ne comprends pas comment ce projet de loi y changera quoi que ce soit. Si le but est d'accroître la sécurité entourant l'accréditation ou l'application des diverses catégories d'immunité diplomatique recommandées par la Convention de Vienne, je ne vois pas comment ce projet de loi remédie à la situation. J'aimerais que vous m'expliquiez.

M. Scott Fairley: Comme je vous l'ai déjà dit, la boîte à outils a été enrichie, dans la mesure où le ministre décide de l'utiliser. Si je comprends bien votre commentaire, vous déplorez que le ministre des Affaires étrangères n'utilise pas les outils dont il dispose actuellement et vous vous demandez quelles seraient les chances qu'il utilise la nouvelle? Par ailleurs, la solution qui permettrait de régler le problème que vous soulevez serait d'obliger le ministre, en quelque sorte, à prendre des mesures dans des circonstances précises. Or, je crois que cela serait irréaliste.

M. Brian Pallister: À quoi sert la Convention de Vienne, alors, si ce n'est pour prescrire des mesures obligatoires? Elle décrit divers mécanismes et protocoles. Nous ne les suivons pas. Et vous semblez laisser entendre que ma recommandation manque de souplesse... Ce n'est pas du tout ce que je propose. Je propose que nous étudiions la Convention de Vienne et que nous la respections peut-être un plus à la lettre. C'est tout ce que je souhaite pour l'instant.

M. Scott Fairley: Malgré tout le respect que je vous dois, je crois que c'est ce que nous faisons avec ce projet de loi. Il ne va pas à l'encontre des principes de base. Rien ne nous dit que le ministre n'utilisera pas ces outils...

M. Brian Pallister: Ou qu'il les utilisera.

M. Scott Fairley: ...ou qu'il les utilisera.

M. Brian Pallister: Voilà.

M. Scott Fairley: Mais...

Le président: D'accord. Cela suffit. J'accorderai maintenant la parole à madame Lalonde. Nous y reviendrons peut-être plus tard, monsieur Pallister.

M. Brian Pallister: Je vous remercie.

Le président: Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup, monsieur Pue et monsieur Fairley. Vos témoignages m'apparaissent extrêmement importants, et je suis certaine que Mme Carroll, qui a demandé que vous veniez, est aussi impressionnée par le contenu de ce que vous avez dit.

Monsieur le président, je vais évidemment parler de l'article 5.

[Traduction]

Mme Aileen Carroll: J'ai un rappel au Règlement, monsieur le président; alors même que j'ai suivi avec beaucoup intérêt l'exposé de M. Pue, ce n'est pas un témoin que j'avais invité, contrairement à M. Fairley—juste au cas où il faudrait le préciser aux fins du compte rendu. Je ne sais pas vraiment quel député a invité M. Pue.

Le président: Ce n'est pas ainsi que j'ai compris les propos de Mme Lalonde.

Mme Aileen Carroll: Merci.

Le président: Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur Pue, j'aurais été heureuse de vous inviter si je vous avais connu. Je pense que votre témoignage est tout aussi important. De toute façon, M. Fairley a dit qu'il était d'accord sur ce que vous aviez dit, et dans sa conclusion, qui est d'ailleurs très bien écrite, il dit:

    ...il semble à propos d'énoncer plus clairement le mandat dans l'intérêt des agents de la paix investis de la responsabilité ainsi que des éventuels sujets d'une action policière. Sinon, il serait peut-être beaucoup plus prudent de laisser cette question potentiellement controversée carrément dans le domaine de la common law où elle réside actuellement.

• 0955

Si je comprends bien, il s'agirait de faire disparaître ces trois articles qui n'ont pas besoin d'être là. Ce qui s'est passé au Sommet de Québec le montre amplement.

Le président: Dois-je comprendre que le Bloc québécois est en faveur du common law?

Mme Francine Lalonde: Non.

Le président: J'accepte ce ralliement au système de common law pratiqué dans d'autres provinces.

Mme Francine Lalonde: On n'est pas en faveur du common law. C'est cela, riez, mais vous ne compterez pas cela dans mon temps, monsieur le président. On est pris avec le common law, mais il s'agit justement de ne pas dire qu'on met le common law alors que le common law prévoit un peu de souplesse, à ce que je comprends, parce qu'il serait fort compliqué de savoir ce que ça veut dire.

Comme M. Pue l'a dit, les agents de la paix n'ont ni le temps ni les ressources pour interpréter ce qu'ils auraient besoin d'interpréter pour savoir quels sont leurs droits par rapport à la GRC.

Ce qui me trouble, monsieur le président, c'est la clarté avec laquelle M. Pue a dit ce que je sentais confusément, ce que je pouvais tirer d'autres informations et de ce que j'avais. Il y a là un problème pour la GRC, un problème pour l'État canadien et un problème grave pour les citoyens quant à leurs droits et quant à la contestation si, par le périmètre, on abuse de leurs droits.

Troisièmement, même si l'article 3 reconnaît les pouvoirs que les agents de la paix possèdent et toutes les lois provinciales, il reste que la façon dont sont rédigés les deux premiers articles est telle qu'aucun agent de la paix ne pourra contester ce qui est écrit là. C'est plus qu'une priorité, c'est une suprématie, mais qui comporte des problèmes pour les policiers eux-mêmes. C'est ce que j'ai compris des deux interventions. C'est unanime.

On entend ces interventions avant celle de la Ligue des droits et libertés. M. Pue prend le soin de dire que quand les événements se passent au Québec, il y a la Charte des droits et libertés du Québec qui confère des droits aux citoyens et à laquelle on ne fait aucune référence.

Ma question s'adresse à M. Pue. Pour préciser et donner de nouveaux pouvoirs à la police, parce que c'est ce qu'on donne à la police, tout en faisant état des droits et des devoirs de chacun, on aurait besoin d'un projet de loi qui soit beaucoup plus élaboré que celui qui est là, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Wesley Pue: À mon avis, l'une des grandes lacunes de cette disposition, ce n'est pas son objet, qui peut être valable—bien qu'il soit difficile de le discerner à la lecture du projet de loi. Le vrai problème, c'est qu'elle n'est pas du tout détaillée ni suffisamment précise quant aux obligations, aux droits, aux responsabilités et aux devoirs des agents de la GRC.

À mon avis, n'importe quel spécialiste indépendant qui se penche depuis plusieurs années sur la question de la GRC et du rôle qu'elle doit jouer dans le cadre de ces conférences, en est arrivé à la conclusion qu'il est essentiel d'avoir une loi pour guider la GRC.

Il faut donc prévoir un élément qui trouverait peut-être davantage sa place dans la Loi sur la GRC. Entre autres choses, on pourrait avoir besoin de périmètres de sécurité pour une conférence à laquelle aucun délégué étranger ne participe; sous son libellé actuel, ce projet de loi ne prévoit donc pas tout.

• 1000

Il faut que cette loi soit bien pensée et que son libellé soit très précis de peur de laisser la place à de gros risques, car dans une démocratie constitutionnelle, il n'y pas de relation plus importante et plus fondamentale que la relation triple qui existe entre les citoyens, la police et le gouvernement. C'est dans ce contexte que la démocratie constitutionnelle, les droits constitutionnels et la place du citoyen dans une société libre et démocratique prennent tout leur sens.

C'est donc très important. Il faut le préciser mais, malheureusement, cette disposition ne le permet pas.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je peux comprendre qu'avec seulement quelques amendements à ces textes-là, on risquerait de laisser de côté des questions importantes. Vous avez dit que ça devait être

[Traduction]

«bien pensée»,

[Français]

probablement à l'intérieur de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. C'est ce que vous pensez. Je ne suis pas juriste et les questions de sécurité ne me sont pas familières. Préparer des amendements à cela est très problématique.

Enfin, je serais très à l'aise si on disait que cette question doit être discutée et consignée dans la loi, mais pas dans la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales, où il y aura 120 pages. Ce sont trois petits articles isolés qui transformeront les rapports entre les citoyens, la police et le gouvernement.

Monsieur le président, je suis très heureuse de cette intervention. Si le gouvernement continuait avec cela, ce que je souhaite vivement qu'il ne fasse pas...

Le président: Ça fait pratiquement 10 minutes que vous parlez. Si vous avez une question assez brève, vous pouvez la poser, mais si c'est trop long, vous feriez peut-être mieux d'attendre qu'on revienne.

Mme Francine Lalonde: Oui, elle sera courte. Si c'était adopté, quels seraient les recours des citoyens?

[Traduction]

M. Wesley Pue: Tout d'abord, permettez-moi de dire que je conviens parfaitement avec M. Fairley qu'il vaudrait mieux retirer cette disposition et laisser place à la common law plutôt que d'envisager de légers changements.

Il reste qu'il n'est pas très facile d'interpréter la common law en ce qui concerne les questions de maintien de l'ordre. Un des problèmes que pose la common law, c'est que la police ne peut y avoir pratiquement accès pour son travail quotidien. Il est terriblement difficile pour un agent de police d'avoir à envisager tous les cas les plus difficiles du constitutionnalisme canadien et de tenter, à l'aide d'un bâton, d'empêcher une agression, une intimidation, du harcèlement, etc. C'est très difficile pour les agents de police qui ont besoin de précision, or cela ne leur apporte aucune précision.

Quels sont les droits des Canadiens à l'heure actuelle et quel droit sera préservé si cette disposition est incluse? Les Canadiens qui pensent avoir souffert des conséquences d'une zone de sécurité créée par la police ont le droit de saisir les tribunaux de la question ou de contester de diverses façons.

Le problème, c'est que ces processus sont très longs et peuvent être très coûteux. Il faut avoir beaucoup de temps et d'argent pour entamer des poursuites; par ailleurs, l'accès aux éléments de preuve n'est pas le même pour tous. La police est parfaitement au courant de ce qu'elle fait. Parfois, l'organisation policière est si vaste et semble si chaotique—je ne le dis pas par manque de respect—que lorsqu'elle tente de gérer la situation lors de ces événements, il arrive que rien n'indique clairement ce qui s'est passé. Lorsqu'un particulier demande réparation, la preuve est d'une importance capitale.

Qui plus est, il est pratiquement impossible de demander réparation à l'avance au sujet d'une intervention policière illégale ou déplacée, et donc de la faire cesser. L'affaire Tremblay, à Québec, est sans doute celle qui, au Canada, se rapproche le plus du genre. M. Tremblay s'est trouvé dans une situation très difficile, car lorsqu'il a présenté une demande de laissez-passer à l'avance, il ne savait pas exactement où allait se trouver le périmètre de sécurité. Au moment où l'affaire allait être entendue au tribunal, une injonction interlocutoire a été demandée. C'est un processus très étrange, puisque l'audition des faits n'est pas prévue. En pareil cas, lorsqu'une conférence importante doit avoir lieu, les particuliers n'ont pas le temps de présenter des arguments de preuve, dans la mesure où bien sûr ils peuvent se permettre de le faire, afin de demander clairement au tribunal de faire respecter leurs droits.

• 1005

Cela ne touche pas juste un citoyen à Québec à une seule occasion, mais beaucoup de Canadiens et ce, pour de nombreuses années à venir, à l'occasion de la tenue de ces conférences et de la création de périmètres de sécurité.

Le président: Merci.

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci.

Merci beaucoup pour vos exposés, messieurs Pue et Fairley.

J'aimerais faire une observation. Mon collègue qui a parlé du ministre des Affaires étrangères et du fait qu'il n'avait pas recours à tous les moyens dont il disposait à l'époque a, je crois, un peu simplifié les choses. S'il parle de certains des cas qu'il a soulevés devant les fonctionnaires de ce ministère, lorsqu'ils ont comparu devant nous, je dois dire que ceux-ci ont clairement indiqué que dans un cas, effectivement, le particulier en question jouissait une immunité pour l'exercice de ses fonctions, et non d'une immunité complète, mais que puisqu'il était apparenté avec une personne qui elle, jouissait de l'immunité diplomatique, il bénéficiait également de cette immunité plus vaste. Je pense donc que c'est un peu simplifier les choses.

Je passe maintenant à l'article 5 qui modifie l'article 10 de la loi et sur lequel je veux m'arrêter, parce c'est ce dont vous avez essentiellement parlé tous les deux. Lorsque nous avons entendu des représentants de la GRC, il m'a été vraiment difficile, en fait, pratiquement impossible, d'obtenir une réponse claire et nette de leur part au sujet de la façon dont les choses fonctionnent actuellement. Ce n'est pas la première fois que cela m'arrive.

Monsieur Pue, vous dites qu'il semble que jusqu'à présent, les responsabilités ont censément été prises de manière satisfaisante. Puis vous dites «Oh, désolé, monsieur Fairley». À mon avis, c'est peut-être une supposition de taille.

À l'heure actuelle pourtant, vous dites tous les deux que cette modification ne devrait pas être acceptée, que si elle l'est, il faudrait la retravailler en profondeur et qu'il vaudrait mieux, sans doute à cause du manque de temps, de simplement la supprimer et de laisser la loi actuelle continuer d'agir telle quelle afin d'englober toutes ces questions.

Je vous demande alors quel serait le meilleur scénario? Il y aura contestation judiciaire. Après l'APEC et le Sommet de Québec, vous savez que ce sera notre tour. Nous devenons en fait l'endroit où les événements internationaux vont se replier après le 11 septembre. Les soi-disant groupes de la société civile ont beaucoup d'argent—certains d'entre eux—ce qui leur permet de préparer d'importantes contestations judiciaires. Je suis persuadée qu'il va y avoir contestation judiciaire à un moment donné à propos de la police—qu'il s'agisse de la GRC ou de la GRC conjointement avec une force de police provinciale et une ou plusieurs forces de police municipale—qui fait preuve d'abus de pouvoir ou qui viole la Charte des droits et libertés, lorsqu'elle installe un périmètre ou limite l'accès à l'intérieur du périmètre, etc. Il y aura contestation judiciaire, j'en suis convaincue.

Reste à savoir alors si le gouvernement et la GRC seront mieux placés, en vertu de la common law, sous son libellé actuel, ou en vertu de cette mesure législative, sans aucune modification à l'article 10, pour justifier les décisions qui sont prises afin d'assurer le déroulement sans heurt de l'événement international.

• 1010

M. Scott Fairley: C'est une excellente remarque, madame Jennings.

Rapidement, je dirais que le gouvernement et la GRC seraient mieux placés en cas de contestation judiciaire en vertu de la common law—le statu quo—qu'en vertu de cette mesure législative, car, à mon sens, elle est trop indéfinie et constitue une cible pour les tribunaux; en l'absence d'une telle cible, la conduite de la police et la prise de décision du gouvernement doivent répondre à certains critères de caractère raisonnable, des preuves doivent être présentées et il faut avoir compétence en la matière. Je ne pense pas que ce soit une solution à long terme, parce que la société civile—ou des organismes sous le couvert de la société civile—a pris à partie le monde de la diplomatie et ne semble pas vouloir faire marche arrière. La question va donc se poser de nouveau.

À mon avis, l'intention de l'article 10.1 proposé apparaît comme il le faut à l'article 5 du projet de loi. Il faut prévoir quelque chose, mais en fait, il faut quelque chose qui va beaucoup plus loin. M. Pue a soulevé un point fort intéressant, je crois, lorsqu'il a indiqué que peut-être ce n'est pas là que ce genre de mesure législative devrait se trouver. Nous voyons plus loin, je pense, et nous recherchons probablement un cadre réglementaire visant à informer la police chargée du maintien de l'ordre dans le cadre d'événements qui, comme celui-ci, tombent dans la catégorie d'événements intergouvernementaux, ou dans d'autres. En effet, une rencontre des premiers ministres pourrait provoquer la participation pleine et entière de la société civile. Par conséquent, le genre de cadre législatif et réglementaire qui s'impose serait mieux placé dans la Loi sur la GRC, plutôt que dans celle-ci.

Mme Marlene Jennings: Merci beaucoup.

Monsieur Pue, voulez-vous ajouter quelque chose à ce sujet?

M. Wesley Pue: La question que vous posez est difficile, parce que...

Mme Marlene Jennings: Je suis avocate.

M. Wesley Pue: ...je ne voudrais pas avoir à défendre la création d'un grand périmètre de sécurité en vertu de cette disposition ou en vertu de la common law.

Je pense que M. Fairley a tout à fait raison. Cette disposition semble exagérément générale et elle est mal définie. Il me semble que si elle passe, cela ouvrira la porte à des contestations d'ordre constitutionnel. J'imagine que les rédacteurs pensaient à l'aspect pratique de la création d'un périmètre de sécurité, plutôt qu'aux subtilités constitutionnelles relatives à cette loi, apparemment simple.

En vertu de la common law, je serais très surpris que le recours de plus en plus fréquent à des périmètres de sécurité qui isolent des zones de plus en plus vastes ne fasse pas l'objet de contestations, qui seraient jugées recevables. Je n'aimerais pas défendre l'un ou l'autre, franchement.

Mme Marlene Jennings: Cela m'amène à la question suivante. Je suppose qu'il me reste encore du temps. Étant donné que ce n'est pas...

Le président: Si elle est assez courte...

Mme Marlene Jennings: C'est le cas. Elle est aussi courte que la deuxième question posée par Mme Lalonde et par M. Pallister.

Étant donné que vous convenez tous les deux que cela ne cadre pas avec l'objet du projet de loi, qu'il vaudrait mieux, à court terme à tout le moins, laisser tout cela dans le domaine de la common law et commencer à travailler assidûment à un cadre réglementaire ou juridique qui traiterait de toutes ces questions— non seulement les événements internationaux, comme vous l'avez si bien fait remarquer, monsieur Pue, mais n'importe quel événement qui pourrait susciter d'importantes protestations ou manifestations, etc.—comment la police peut-elle parvenir à un équilibre entre, d'une part, l'événement qui doit se dérouler sans heurt et de façon raisonnable et, d'autre part, la Charte des droits et libertés que peuvent invoquer les manifestants, les civils, n'importe qui; cela pose un problème, car, comme vous le savez, certains événements relèvent essentiellement ou uniquement de la responsabilité de la GRC, si bien qu'un changement à la Loi sur la GRC permettrait de régler la question, tandis que d'autres relèvent de la responsabilité de la police provinciale de l'Ontario, ou du Québec, ou d'une force policière municipale. Il s'agit alors de législation provinciale et nous savons tous combien il est difficile d'arriver à un consensus entre les deux paliers de gouvernement, dans quelque domaine que ce soit.

• 1015

Je reviens sur ce point: compte tenu de cette réalité, et je lance cette idée, en raison du libellé actuel et comme nous n'avons pratiquement pas le temps de le préciser, de le clarifier, de fournir les détails nécessaires, etc., vaut-il mieux limiter, cibler davantage, etc., ou s'en tenir à la common law, comme c'est le cas actuellement?

M. Wesley Pue: À mon avis, une révision des pouvoirs policiers doit se faire sous forme juridique, à un moment donné ou à un autre, d'ici peu.

Mme Aileen Carroll: Une division?

Mme Marlene Jennings: Une révision.

M. Wesley Pue: Une révision...

Mme Aileen Carroll: Une révision. Merci.

M. Wesley Pue: ...des pouvoirs policiers doit se faire à un moment donné ou à un autre.

Il semble qu'en faisant passer cette disposition, on consacre le pouvoir provincial sans avoir réglé les questions sous-jacentes. Je n'en suis pas sûr, mais il se peut que le gouvernement fédéral ait le pouvoir constitutionnel d'agir dans le cadre de conférences internationales indépendamment du lieu où elles se déroulent au Canada. Pour défendre ce point de vue toutefois, j'imagine que l'exercice de ces pouvoirs doit être défini de façon claire et nette.

Mme Marlene Jennings: Dans la Loi sur la GRC.

M. Wesley Pue: Cette disposition est encore beaucoup trop générale, n'accorde pas assez de protection et ne définit pas suffisamment les choses, à mon avis.

M. Scott Fairley: Nous sommes d'accord une fois de plus.

Je crois que nous devrions nous rappeler que sauf en ce qui concerne les événements récents, les forces policières canadiennes collaborent bien entre elles. Je ne dispose pas de documents pour appuyer ce point de vue, mais je sais que les forces policières communiquent entre elles.

Sous son libellé actuel, le projet de loi pourrait freiner cette collaboration, dans la mesure où les gouvernements provinciaux et leurs forces policières considèrent que le projet de loi les exclut ou foule au pied leur autorité, alors qu'auparavant, les appels téléphoniques se multipliaient: nous avons une réunion à Toronto, nous devons nous réunir pour organiser les mesures de sécurité; vous ferez ceci ou cela. S'il n'est pas plus détaillé, le projet de loi risque de nuire à ce processus de collaboration plus qu'il ne pourrait l'améliorer.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Pallister.

M. Brian Pallister: Merci.

Je voudrais simplement expliquer pourquoi Mme Jennings s'en est prise à moi tout à l'heure. J'ai posé une question l'autre jour aux fonctionnaires à propos d'un employé de l'ambassade d'Ukraine qui avait essayé de faire monter dans une voiture une jeune fille de 14 ans et une autre de 12 ans en leur mettant un chiffon imprégné d'anesthésiques sous le nez. Apparemment, il avait volé la voiture, tout le bataclan. J'ai demandé pourquoi l'immunité diplomatique devait s'appliquer dans ce cas et des membres chevronnés du comité, mieux informés et plus expérimentés, m'ont appris que l'immunité s'appliquait bel et bien dans le cas de cette personne, parce qu'elle faisait partie du même ménage qu'une autre bénéficiant d'une immunité diplomatique complète. La personne concernée profitait donc elle aussi de cette immunité complète.

Je ne crois pas que le fait de poser une question sur un tel exemple témoigne d'une volonté exagérée de généraliser, mais plutôt d'une volonté d'aller dans le détail. En fait, si l'on examine un peu la question, on se rend compte qu'il a fallu beaucoup de discussion et de débat avant de conclure la Convention de Vienne, en 1961. On a, par exemple, beaucoup discuté de la définition de ménage. Certaines personnes craignaient que l'immunité diplomatique complète ne soit trop généralisée.

L'ironie de la chose, lorsqu'on s'est demandé s'il fallait étendre... Certains ont affirmé que l'on devait accorder l'immunité diplomatique complète à tout le monde, sans exception. En fait, il semble que ce soit la position du gouvernement en ce moment. Si l'on se fie à ceux qui ont parlé aux médias après l'incident Catherine MacLean, c'était bien la position qu'ils défendaient.

• 1020

Pamela MacDougall, qui était alors sous-ministre, a écrit:

    Tous les membres des services étrangers devraient avoir droit au statut diplomatique du moment qu'on estime que le fait de ne pas jouir d'un tel statut pourrait compromettre leur sécurité personnelle [...]

Voilà l'interprétation qu'on semble faire.

Ce qui est ironique, c'est que dans la Convention de Vienne, la disposition portant sur les catégories qui limitent l'immunité diplomatique complète dans le cas de certaines personnes à l'exercice de leurs fonctions seulement a été proposée par la délégation canadienne; «le compromis canadien», comme on l'appelle. Par conséquent, le Canada a joué un rôle essentiel dans l'élaboration de cette disposition.

D'un autre côté, le ministère a recensé dans les cinq dernières années—on nous en a fourni les preuves—environ 70 exemples de crimes, ou du moins d'inconduite criminelle, étant donné que, comme vous le savez, si on invoque l'immunité diplomatique, on ne peut pas vraiment parler de crime, puisqu'il n'y a pas eu d'enquête et donc pas de preuve du crime. Alors nous allons parler «d'inconduite criminelle», ce qui peut aller de la conduite en état d'ébriété—et ces cas sont très nombreux—à l'agression sexuelle, aux attouchements sexuels et à la prostitution en passant par la tentative de meurtre. Je constate que dans cette liste, on cherche la plupart du temps à lever l'immunité diplomatique, ce qui, à mon avis, est excellent; c'est, je pense, ce que les Canadiens souhaitent et pourtant, je constate que dans une vaste majorité de cas, on ne la révoque pas.

Ma question porte naturellement davantage sur la prévention de tels actes que sur la réaction à ces actes. Je sais que d'autres pays ont pris certaines mesures pour respecter plus rigoureusement l'intention première de la Convention de Vienne.

C'est ce que j'essaie de savoir, monsieur Fairley, lorsque je vous questionne. J'essaie de savoir pourquoi nous n'essayons pas d'empêcher ce genre d'incidents, parce qu'il y a des victimes dans chaque cas et que ces victimes sont des Canadiens. Ce qui est ironique, c'est que dans le projet de loi qui suit celui dont il est question ici, on leur demande de renoncer à beaucoup de ces libertés civiles pour jouir d'une meilleure sécurité au Canada, alors que nous semblons ici vouloir étendre les droits à un groupe plus vaste, qui comprend les visiteurs et les délégations qui viennent participer à des rencontres. Vous pouvez donc voir la juxtaposition qui m'inquiète.

Vous dites que—je parle du paragraphe proposé 5(6) du projet de loi qui stipule: «...l'article 5 de la même loi est modifié par adjonction...» et que le décret l'emporte sur la Loi sur l'immigration. Dans votre exposé, monsieur, vous dites:

    [...] le projet de loi C-35 n'entrave en rien l'exercice de cette discrétion sauf qu'il le centralise dans un ministère qui, à mon avis, est le mieux placé pour cela.

Vous affirmez donc qu'il vaut mieux que le pouvoir discrétionnaire repose entre les mains du ministère des Affaires étrangères plutôt qu'entre celles du ministère de l'Immigration. Puis-je vous demander de m'en expliquer les raisons?

M. Scott Fairley: Monsieur Pallister, ce qu'il faut comprendre, c'est que le gouvernement du Canada est en position de recevoir—ou de ne pas recevoir—une mission diplomatique ou consulaire en provenance de l'étranger. En pareil cas, il arrive que certaines personnes qui font partie de ces missions tombent dans une catégorie correspondant à la liste noire de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

Alors, plutôt que de faire chevaucher la responsabilité de ce pouvoir discrétionnaire entre deux ministères, où d'un côté, le ministère des Affaires étrangères a le pouvoir d'autoriser ou de refuser l'entrée au Canada, et où de l'autre, un conflit peut survenir en raison d'une catégorie générale prévue par la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration...

La ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration n'a pas cherché pas à identifier M. ou Mme X, Y ou Z qui pourrait faire partie de la mission. Elle a simplement créé une catégorie qui oblige le ministre des Affaires étrangères à déterminer le caractère acceptable de la mission selon les personnes qui la composent.

Il est plus logique que ce soit le ministre des Affaires étrangères qui prenne cette décision sans pour autant consulter la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration pour obtenir une dispense particulière. Ainsi, la responsabilité repose sur une seule personne.

Prenons le cas d'une personne qui tombe dans la mauvaise catégorie; c'est le ministre des Affaires étrangères qui autorise ou refuse l'entrée au pays. Ainsi, la responsabilité ministérielle repose sur un seul ministère et il n'y a pas de conflit entre les ministères du même palier gouvernemental.

• 1025

M. Brian Pallister: J'ai une question rapide, dans ce cas... merci, monsieur le président.

Pouvez-vous expliquer les éléments de sécurité de la vérification et nous dire qui en est responsable en ce moment? Dans quelle mesure le gouvernement vérifie-t-il l'identité des personnes qui entrent au pays dans le cadre d'une mission? Qui s'en occupe à l'heure actuelle? Y aurait-t-il des changements à cet égard? Pouvez-vous nous en parler?

M. Scott Fairley: La loi ne règle pas cette question. Je suis à peu près sûr que la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration ne s'en charge pas. Je suppose qu'il existe des processus...

M. Brian Pallister: Monsieur Fairley, soyons francs, vous ne le savez pas.

M. Scott Fairley: Je ne le sais pas.

M. Brian Pallister: Par conséquent, recommander qu'un autre...

M. Scott Fairley: Que les choses soient claires, la loi ne règle pas la question, d'une façon ou d'une autre.

M. Brian Pallister: C'est exact.

Le président: C'est la réponse.

M. Brian Pallister: Toutefois, vous ne tenez compte d'aucun facteur de sécurité relatif au contrôle des personnes qui permet de déterminer le ministère le mieux placé pour accorder les permissions. Vous vous en tenez seulement à l'efficacité du processus d'approbation. Est-ce que je me trompe?

M. Scott Fairley: Non, c'est bien cela.

M. Brian Pallister: Merci.

Le président: Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur le président.

Premièrement, je vous remercie tous les deux d'être venus nous faire part de votre témoignage—«témoignage» semble être un terme tellement judiciaire—merci donc de nous informer de vos points de vue et de nous transmettre cette information.

En ce qui concerne l'article 10 et les discussions qui en ont découlé, à savoir s'il fallait préciser les pouvoirs de la police ou les laisser tels qu'ils sont prévus par la common law, il existe actuellement, et je suis certaine que vous le savez bien tous les deux, une Loi sur les infractions en matière de sécurité qui porte sur les personnes jouissant d'une protection internationale, alors que le projet de loi dont il est question ici vise les conférences internationales ou les organisations internationales non signataires de traités. Cependant, la Loi sur les infractions en matière de sécurité prévoit bel et bien que c'est à la GRC que revient la responsabilité principale et qu'elle doit donc collaborer avec d'autres paliers.

Jusqu'à maintenant, à ma connaissance—et j'ai hâte d'entendre votre réponse—cela fonctionne. La Loi ne précise pas les paliers avec lesquels la GRC devra collaborer, quand et dans quelle situation et si c'est pertinent ou non. Peut-être puis-je demander aux témoins de répondre dans l'espoir qu'il me restera assez de temps pour passer à d'autres questions?

Le président: Je n'y vois aucune objection.

Mme Aileen Carroll: Merci.

M. Scott Fairley: Je n'ai pas de commentaire à formuler à propos de la Loi sur les infractions en matière de sécurité. Je ne sais pas comment elle fonctionne.

Mme Aileen Carroll: Monsieur Fairley, elle prévoit la même chose que le projet de loi, à savoir que c'est la GRC qui aura la responsabilité principale; et elle ne précise rien de plus.

Elle ne prévoit pas, par exemple, ce que vous laissez entendre, monsieur Pue, selon M. Borovoy, à savoir que cette partie de la loi omet de rappeler aux agents de police leur responsabilité en ce qui concerne la protection des droits dont nous avons discuté. La loi ne leur donne aucune orientation à cet égard.

Je ne vois pas comment chaque mesure législative adoptée par le gouvernement fédéral portant sur la police pourrait ou devrait inlassablement définir les libertés publiques et les droits des Canadiens; je doute que cela s'impose. Je ne comprends pas vraiment pourquoi il faudrait préciser ce lien dans chaque cas, et si j'ai choisi cette loi à titre d'exemple, c'est seulement parce qu'elle ne semble pas poser le dilemme que vous prévoyez.

M. Wesley Pue: Peut-être puis-je répondre à cette question.

Mme Aileen Carroll: Oui.

M. Wesley Pue: Merci beaucoup.

L'expression «personnes jouissant d'une protection internationale» est intéressante et importante. On la retrouve à la fois dans le Code criminel et dans la Loi sur les infractions en matière de sécurité. Apparemment, tout ce que cela signifie, c'est qu'il faut protéger les personnes qui sont de passage au Canada. Il ne s'agit pas d'une grande innovation en termes de droit international ou de droit canadien, et protéger quelqu'un d'une agression n'est pas non plus une nouvelle fonction policière puisque c'est le travail de la police.

• 1030

À l'échelle internationale, nous avons dans ce domaine l'obligation particulière de protéger les visiteurs qui viennent assister à des conférences gouvernementales ou autres. Ce serait de toute façon une des responsabilités de la police et il est inutile de promulguer de loi sur les personnes jouissant d'une protection internationale à cet égard. M. Okafor, de la Osgoode Hall Law School, a fait une analyse poussée de la question, dans laquelle il présente essentiellement les mêmes arguments.

Dans la pratique, l'interprétation de cette expression a donné lieu à un certain problème. Il suffit d'écouter les propos que s'échangent les agents de la GRC qui sont appelés à agir dans le cadre d'un événement donné—et nombre de ces échanges sont devenus publics par l'entremise de divers processus—pour s'apercevoir qu'ils se sont appropriés l'expression «personne jouissant d'une protection internationale» et l'ont interprétée à leur manière, c'est-à-dire en dehors du cadre de leurs fonctions relatives au maintien de l'ordre. Ils ne se voient pas eux-mêmes comme agents d'une «police au service des citoyens» lorsqu'ils assurent le maintien de l'ordre. On ne leur a pas toujours rappelé qu'ils doivent respecter la Constitution canadienne et la faire respecter. Je ne porte pas ce jugement sur des particuliers. C'est seulement que le libellé a parfois induit certains agents de police en erreur...

Mme Aileen Carroll: Le libellé de la Loi sur les infractions en matière de sécurité?

M. Wesley Pue: Oui, mais surtout ce qui concerne le travail quotidien des policiers. Cela ne doit pas émaner nécessairement de la loi.

La disposition proposée prévoit un élargissement beaucoup plus vaste des pouvoirs de la police—qui déroge en quelque sorte à la common law, telle que nous la comprenons, et qui semble s'écarter de la notion de police au service des citoyens. Ce qui m'inquiète, entre autres, ce sont les conséquences que cela pourrait entraîner dans la pratique lorsque les agents de police doivent prendre des décisions au sujet d'événements réels. Il serait utile de les guider et de leur rappeler qu'ils sont, d'abord et avant tout, des agents de police qui ont prêté serment pour faire respecter la loi.

Ce qui me semble aussi très intéressant, ce sont les lignes directrices élaborées par la police elle-même. Je ne les ai pas vues, même si en fait, j'ai essayé à quelques reprises de les obtenir auprès du commissaire. Ce n'est pas qu'on m'ait empêché d'y avoir accès, mais après plusieurs courriers électroniques dans un sens comme dans l'autre, j'ai laissé tomber et je me suis occupé d'autres choses. Ces lignes directrices existent bel et bien et j'imagine qu'elles sont du domaine public, mais ce n'est pas si évident.

À propos des relations essentielles entre les citoyens, le gouvernement et la police, je ne crois pas que l'on puisse s'en servir pour définir les droits des citoyens dans les lignes directrices de la police et dans la législation subordonnée.

Mme Aileen Carroll: Merci, monsieur Pue.

Le président: Monsieur Fairley, avez-vous un commentaire?

M. Scott Fairley: Maintenant que je comprends, je pense que la différence qui existe entre la notion de personnes jouissant d'une protection internationale dans le cadre de la Loi sur les infractions en matière de sécurité et ce dont nous discutons ici est une différence d'échelle.

Mme Aileen Carroll: Une différence d'échelle?

M. Scott Fairley: Tout à fait. La différence d'échelle est telle que le contexte dans lequel la police doit travailler est lui aussi différent.

En ce qui concerne les personnes jouissant d'une protection internationale, on sait que la GRC doit veiller à la sécurité des diplomates ou des chefs politiques étrangers qui viennent ici en visite. La police s'occupe de la logistique. Elle connaît bien ce type d'activités—les mesures de sécurité. Le ministre étranger arrive à tel ou tel aéroport, il participe à une réunion ici, donne une allocution là-bas. Il retourne à l'aéroport puis chez lui, il descend à tel hôtel, et ainsi de suite. La police connaît bien ce type de mission qui ne prête pas vraiment à controverse compte tenu du mandat général prévu par la loi.

Lorsque la société civile manifeste violemment à l'occasion de conférences intergouvernementales, on ne parle pas de la sécurité des particuliers, mais bien plus de celle relative à l'événement en cas d'affrontements, ce qui est arrivé à Québec. L'ennemi était aux portes et la police avait érigé un périmètre de sécurité ceinturant le lieu de la rencontre.

Le contexte est donc complètement différent, même si les fonctions réelles de la police, en ce qui concerne les personnes qu'elle est censée protéger, restent les mêmes. La police protège les dignitaires officiels qui sont ici pour accomplir leur travail. Toutefois, c'est l'ampleur et le caractère spectaculaire de l'événement et des affrontements, renchéris par les médias, qui changent totalement la donne et qui soulèvent une myriade de nouveaux problèmes auxquels la police doit faire face.

• 1035

Je crois que tout le monde sait bien que cette modification a été présentée dans la foulée de deux événements particuliers survenus au Canada, en plus d'une série d'événements internationaux, où les affrontements se sont répétés. C'est un phénomène qui est apparu clairement à Seattle pour se répéter à Gênes, à Québec et à Vancouver. Voilà ce dont il est question ici.

Mme Aileen Carroll: Je vous écoute très attentivement, parce que je crois que c'est un équilibre très difficile que nous cherchons tous à atteindre.

J'ai bien aimé les commentaires formulés par Mme Lalonde au sujet de la common law et pour lesquels nous l'avons taquinée tout à l'heure, en raison peut-être du contraste avec le Code civil. En même temps cependant, je crois que le problème, c'est de savoir ce qui doit rester général et ce qu'il faut préciser. Ce n'est pas une première pour nous, et je n'ai pas besoin de le dire à deux avocats. Par ailleurs, même si vous souhaitez ajouter des détails et des prescriptions—on a même dit qu'il faudrait peut-être l'inclure dans des règlements—, je ne suis pas certaine que la loi—n'importe quel type de loi portant sur les pouvoirs de la police—puisse prévoir toutes les circonstances et toutes les éventualités ainsi que ce qui peut être raisonnable dans chaque cas. Il ne faut donc pas nous demander l'impossible. Je crois en effet que cette loi tente d'apporter une réponse aux observations de M. Fairley et de prendre des dispositions pour l'avenir.

Par conséquent, professeur Pue, bien que j'apprécie à leur juste valeur vos observations, je ne suis pas exactement convaincu de la mesure dans laquelle la mesure législative pourrait jamais jouer le rôle que vous souhaitez.

Si vous le permettez, je vais vous parler d'une expérience personnelle. Pendant la Conférence de Gènes j'étais à Bonn comme que membre de la délégation canadienne pour les négociations du protocole de Kyoto. La situation là-bas était l'opposé de ce qui s'est passé à Gènes. Je pourrais dire que c'était en partie attribuable aux préparatifs de même qu'à la clarté de la communication entre les forces policières—les mesures qu'elles ont prises autour du lieu où nous négocions—et les protestataires relativement à ce qui était acceptable et ce qui ne l'était pas. Nous nous sentions à l'aise tant ceux d'entre nous qui devions franchir le périmètre tous les jours que les nombreux groupes environnementaux qui étaient là pour nous faire part de leurs préoccupations. Et tout s'est bien passé. Toutefois un périmètre de sécurité avait été délimité et il y avait un secteur auquel ils n'avaient pas accès.

Je ne connais pas la loi allemande, mais je dis simplement que c'était une situation de fait. Nous étions dans un hôtel près d'une rivière. C'est une série de circonstances particulières. Un bateau de Greenpeace a descendu la rivière; tout était prévu d'avance et convenu. Toutefois cette rivière coulait très près de cet édifice.

Comment parviendrez-vous à ce que chaque circonstance soit prescrite dans la loi?

Le président: Monsieur Pue, pourriez-vous répondre assez brièvement à cette question également?

M. Wesley Pue: Je ne verrais personnellement aucun inconvénient à ce qu'une loi précise qu'il devrait y avoir des périmètres de sécurité. Cela semble raisonnable. Mais dans une échelle entre une microgestion qui précise le moindre détail et une loi, ce qui ne serait pas une bonne chose, et un libellé aussi large et englobant qui est très dangereux, je crois que nous sommes absolument du mauvais côté de l'échelle dans ce cas-ci.

Mme Aileen Carroll: Monsieur Fairley.

Le président: Vous n'avez rien à ajouter à cette observation? D'accord. Nous allons passer à Mme Lalonde pour recommencer ensuite. J'ai moi-même quelques questions à poser et peut-être que nous terminerons là.

[Français]

Mme Francine Lalonde: C'est fort intéressant. D'après vous, pourquoi ces précisions, puisqu'on dit que ce sont des précisions, n'ont-elles pas été ajoutées à la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada? Pourquoi les a-t-on mises dans ce projet de loi? Quelle différence cela fait-il?

[Traduction]

M. Wesley Pue: Je ne peux vous dire pourquoi elles ont été ajoutées à ce projet de loi. La Loi sur la GRC a besoin d'être révisée, surtout en ce qui a trait à ce genre de questions. Elle se prêterait très bien à un examen sérieux. Je crois qu'en ce qui a trait au libellé, il faut entrer plus dans le détail. On ne peut d'une façon réaliste s'attendre à des détails précis de manière à prévoir toute éventualité. Mais le Parlement du Canada et les rédacteurs parlementaires savent assez bien rédiger de bonnes lois lorsqu'ils se concentrent et respectent un juste milieu entre la sécurité et les exigences constitutionnelles.

• 1040

Je vais simplement vous donner un exemple. Si on invoquait la Loi sur les mesures d'urgence, en fait, elle permettrait aux forces de l'ordre de faire des choses en vertu d'un certain mandat constitutionnel dans le cadre de conférences internationales.

Par contre, il se peut que le gouvernement du Canada ne veuille pas déclarer chaque conférence internationale comme étant une situation d'urgence. Cependant, voilà un genre de loi qui essaie de façon assez raisonnable de se débattre avec un grand nombre de problèmes qui se posent avec des événements de ce genre et avec le compromis entre les droits et libertés et la sécurité.

Je ne crois donc pas inconcevable qu'une loi appropriée puisse être rédigée.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur Fairley.

[Traduction]

M. Scott Fairley: Je crois que la Loi sur la GRC pourrait mieux convenir pour l'objet de notre préoccupation du simple fait qu'on pourrait en étendre l'application à toutes les circonstances et pas simplement au contexte des conférences intergouvernementales auxquelles participent des dignitaires étrangers. Je pense que le problème est plus vaste que cela, même si les procédures policières visant à le régler seraient essentiellement les mêmes.

L'exemple que j'utiliserais est celui que j'ai mentionné plus tôt—une conférence de premiers ministres qui a été particulièrement controversée par opposition à une réunion de l'OACI ou de l'OMC, par exemple.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'ai déjà posé la question à Mme Carroll et je veux savoir si vous êtes d'accord avec elle. Je lui demandais si, pour le gouvernement, l'amendement à l'article 5 était essentiel pour assurer la sécurité lors de la réunion du G-8 qui va se tenir au Canada, et elle m'a répondu non. Êtes-vous d'accord qu'en excluant ce projet de loi, il y a tout ce qu'il faut pour assurer la sécurité pendant la tenue de la réunion du G-8?

[Traduction]

M. Scott Fairley: Je ne...

[Français]

Mme Francine Lalonde: Vous ne comprenez pas ma question?

[Traduction]

M. Scott Fairley: Non, je ne suis pas sûr.

[Français]

Mme Francine Lalonde: S'il n'y avait pas ce projet de loi, la GRC et les autres corps policiers canadiens auraient-ils les pouvoirs qu'il faut pour assurer la sécurité lors de la réunion du G-8 qui se tiendra au Canada l'année prochaine?

[Traduction]

M. Scott Fairley: Sans ces dispositions, les forces policières auraient, de diverses sources à mon avis, le pouvoir d'assurer la sécurité. Cela soulève la question de savoir si oui ou non le pouvoir est suffisamment justifié dans la loi ou s'il serait jugé constitutionnel. Mais je crois qu'ils l'ont.

Malgré le nouveau contexte, les forces policières agiraient selon leurs propres méthodes et avec la direction gouvernementale appropriée à ce moment-là. La coopération existe et je crois que ce que vise vraiment cette mesure législative mais à un niveau très général, et c'est cela qui nous inquiète en partie, c'est de rendre cela plus clair et plus défendable. Mais nous estimons que ce n'est pas ce qu'il fait. La mesure législative rend cela probablement moins défendable en raison de son ampleur, de son imprécision et ainsi de suite.

Mme Francine Lalonde: Monsieur Pue.

M. Wesley Pue: Je suis tout à fait d'accord avec cela.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Merci, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: J'ai une ou deux questions. Je vais les partager en deux domaines: l'immunité diplomatique et la question des pouvoirs conférés à la police.

En ce qui concerne l'immunité diplomatique, si je comprends bien ce qu'ont dit M. Pallister et M. Fairley, pour reprendre l'analogie, peut-être utile, de la boîte à outils plus garnie, de nouveaux outils ont été ajoutés dans cette mesure législative. Ainsi, on aurait peut-être pu mieux régler certains des incidents auxquels M. Pallister a fait allusion, parce que le gouvernement avait les mains liées dans une certaine mesure quant à ce qu'il pourrait faire avec les gens en cause. Est-ce exact?

M. Scott Fairley: C'est exact.

Le président: Je suppose que M. Pallister, sans lui mettre des mots dans la bouche—craint que cette mesure législative manque de précision quant aux façons de faire, et il fait allusion à ce qui se fait dans d'autres pays. Mais pouvez-vous nous aider à déterminer si dans ces autres circonstances tous ces outils auxquels il est fait allusion sont précisés dans la mesure législative ou s'agit-il de pratiques que le gouvernement devrait adopter pour régler ce problème? Ma propre réaction, d'après mes années d'enseignement de la Convention de Vienne et du droit des traités, était que cela semblait être davantage une pratique gouvernementale.

• 1045

La mesure législative établit un large cadre d'application, mais le gouvernement prend ensuite toutes sortes de mesures. Il faut alors poser un jugement politique alors un jugement politique, à savoir si la mesure est assez énergique dans les circonstances. C'est-à-dire une occasion de débat politique plutôt qu'une mesure législative trop précise.

Une fois de plus, j'essaie simplement de comprendre où le débat nous mène en ce qui a trait à ce projet de loi. Mais c'est ainsi que je comprends la chose. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?

M. Scott Fairley: Mon point de vue est impressionniste et cela remonte aux années où j'ai enseigné le droit international. Cela semble être pragmatique. Je n'ai pas examiné de façon approfondie les pratiques des divers états, mais lorsque des confrontations ont cours entre les gouvernements hôtes et les missions diplomatiques ou les missions consulaires, elles sont invariablement à caractère politique et, dans la plupart des cas, non prévues.

Je pense que la préoccupation de M. Pallister ne peut être apaisée qu'au moyen d'un cadre réglementaire qui dicte essentiellement au ministre la conduite qu'il doit adopter dans certaines circonstances. Je ne crois pas que cela a sa place dans une mesure législative comme le projet de loi C-35. Il faudrait donc absolument un cadre réglementaire—un autre niveau de droit, si vous voulez, sous-jacent au projet de loi C-35, le genre de cadre réglementaire qui lierait les mains du ministre.

Le président: La réciprocité étant la clé de tout cela, je comprends alors que plus nous enrichissons la boîte à outils pour nous occuper des diplomates étrangers, plus les autres pays disposeront d'outils pour s'occuper de nos diplomates, au cas où ils auraient un problème dans un pays donné, un pays comme vous l'avez dit où la règle du droit pourrait être moins claire.

Le comité s'est rendu récemment au Tadjikistan, en Ouzbékistan et au Kazakhstan—les autres membres du comité font un signe de la tête—et nous ne serions peut-être pas très à l'aise avec l'idée de savoir qu'un de nos diplomates se trouve dans un pays où les autorités disposent d'une vaste gamme de pouvoirs, des pouvoirs qu'on juge peut-être déjà excessifs. Est-ce exact?

M. Scott Fairley: Les pays qui nous préoccuperaient dans ce contexte ne se donneraient même pas la peine de se doter de pouvoirs reconnus par la loi. Ils feraient tout simplement ce qu'ils ont à faire.

Nous sommes en train de franchir un obstacle que de nombreux pays membres des Nations Unies se contenteraient tout simplement d'éviter. Vous savez, quand on dit que c'est ce qu'autorise la loi dans les circonstances et que la police est à la porte, on se tait.

Nous sommes en train d'entreprendre un processus qui serait perçu, dans la plupart des régions du monde, comme étant inutile. Toutefois, nous vivons dans une démocratie libérale et nous avons une charte des droits qui rend un tel processus nécessaire.

Le président: D'accord. Pour revenir aux pouvoirs de la police, il a beaucoup été question ce matin de la responsabilité première de la GRC dans certaines circonstances. Si j'ai bien compris les explications des représentants du Solliciteur général, l'article 5 du projet de loi, qui modifie l'article 10, traite de deux questions bien particulières. D'abord, la responsabilité première de la GRC dans certaines circonstances, et ensuite la mesure dans laquelle les pouvoirs de la police sont élargis ou restreints «selon les circonstances» ou quelle que soit l'expression qu'on utilise dans l'article.

Brièvement, je présume que vous jugez, tous les deux, qu'il n'est pas nécessaire de définir ce qu'on entend par responsabilité première de la GRC. Quand nous avons entendu les explications—même s'il a fallu attendre un bon moment avant de les avoir, comme l'a mentionné Mme Jennings—j'ai cru comprendre que l'objectif du projet de loi serait atteint si la GRC avait le dernier mot pour ce qui est des mesures prises à l'intérieur du périmètre, mais non pas à l'extérieur de celui-ci. C'est ce que j'ai cru comprendre.

• 1050

Or, vous semblez croire, M. Fairley, que cela va créer beaucoup de conflits avec les autorités provinciales et les forces policières. Sur quoi vous fondez-vous pour tirer une telle conclusion, ou est-ce simplement une impression?

M. Scott Fairley: Ce n'est pas une impression. Je me fie à ce que dit le projet de loi. Dans le passé, les corps policiers concernés s'entendaient volontairement sur les mesures à prendre. Le projet de loi, lui, accorde tous les pouvoirs à la GRC.

Le président: C'est la GRC qui décide.

M. Scott Fairley: C'est exact. Cette formule peut être appliquée dans les domaines où il y a chevauchement de compétences et où tout le monde s'entend, mais ce projet de loi laisse entendre qu'aucune entente n'est nécessaire. C'est la GRC qui décide, ce qui ouvre la voie à toute une autre série de questions.

Le président: On a dit ce matin que la loi régissant les personnes jouissant d'une protection internationale leur donnerait également ce pouvoir.

Prenons l'exemple du Sommet de Québec. Il y avait là 34 dirigeants qui jouissaient d'une protection internationale. La GRC aura sûrement dit, en ce qui a trait à ses 34 personnes, qu'elle a un mandat très vaste et qu'elle peut prendre les mesures qui s'imposent à Québec. Ne s'agit-il pas là d'une interprétation juste de la loi?

M. Scott Fairley: Monsieur le président, votre exemple est tout à fait pertinent.

Toutefois, je ne crois pas que la Loi sur les infractions en matière de sécurité traite de questions comme l'établissement du périmètre, les instructions à donner à la Sûreté du Québec concernant les voies d'accès à la ville de Québec, ou les mesures que pourrait prendre la police municipale du Québec dans certaines circonstances.

Tout ce que je dis, c'est que le projet de loi précise, sans entrer dans les détails, que la GRC a ce pouvoir. Il ne traite tout simplement pas de l'impact qu'aurait un tel pouvoir sur les relations de coopération. Le projet de loi est très sommaire. Il n'y aura peut-être pas de problèmes sur le plan pratique. Toutefois, quand on adopte une nouvelle loi, il faut essayer de prévoir toutes les éventualités.

Le président: Monsieur Pue.

M. Wesley Pue: Le témoignage d'un des représentants de la GRC m'a beaucoup étonné. D'après ce que dit cet article, on ne sait pas si la responsabilité première de la GRC s'applique uniquement à l'intérieur du périmètre de sécurité. En fait, on ne sait pas ce qui se produit quand la police locale n'est pas d'accord avec l'étendue du périmètre de sécurité.

Le président: Je suis d'accord avec vous. Je ne sais pas si les autres membres du comité sont du même avis, mais c'est ce que j'ai cru comprendre. C'est l'interprétation qu'ils nous ont donnée. Toutefois, il est vrai que le projet de loi ne traite pas de cette question.

Pour revenir aux mesures qui s'imposent dans les circonstances, j'ai un peu de difficulté à faire la part des choses. J'essaie de voir si cet article élargit ou limite les pouvoirs de la police.

Monsieur Fairley, vous avez dit à Mme Jennings que cette disposition limite les pouvoirs de la police. Les défenseurs des libertés civiles devraient donc être en faveur de son adoption, si j'ai bien compris ce que vous avez dit.

Monsieur Pue, vous avez déclaré que les pouvoirs de la police sont mieux définis en vertu de la common law. Si tel est le cas, alors cette disposition est plus restrictive que la common law. J'ai du mal à comprendre.

M. Scott Fairley: Non, monsieur le président, je voulais plutôt dire le contraire, à savoir que le projet de loi semble ajouter un élément nouveau. Il précise que la GRC peut prendre les mesures «qui s'imposent», et je ne sais pas ce que cela veut dire, ce qui, jusqu'ici, n'était pas tellement clair. Le projet de loi lui confère un mandat plus large. Or, j'ai dit que cela pouvait faire l'objet d'une contestation et d'un contrôle judiciaires, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Il n'est pas question ici de pouvoirs restreints, mais de pouvoirs élargis que le projet de loi ne définit pas. Il parle uniquement de «mesures qui s'imposent». C'est dans le contexte d'un événement particulier qu'on pourra vraiment mesurer la portée de cette disposition.

• 1055

Le président: Le tribunal utilise toujours des expressions comme «raisonnables dans les circonstances», «appropriés», même en vertu de la common law. Est-ce exact?

M. Scott Fairley: Monsieur le président, le tribunal va être obligé, au besoin, d'interpréter la loi. Il va être obligé de le faire à la lumière des faits qui lui sont rapportés. Donc, l'action ou l'inaction de la police dans certaines circonstances, selon le pouvoir que lui confère...

Le président: Mais il devra, dans son interprétation, tenir compte de la Charte, de la jurisprudence de common law, ainsi de suite. Il devra en tenir compte.

M. Scott Fairley: On pourrait dire que la police a outrepassé les pouvoirs qu'elle possède en vertu de la common law et la Constitution. On pourrait dire non seulement cela, dans la foulée du paragraphe 10.1(1), mais également que cette disposition est inconstitutionnelle ou qu'elle doit être atténuée. Cette disposition aurait essentiellement pour effet de placer les tribunaux dans une situation où ils ne veulent pas se retrouver, et qui consiste à combler les lacunes laissées par le Parlement.

Le président: C'est ce que vous voulez dire par énoncer plus clairement. Merci.

Madame Jennings.

Mme Marlene Jennings: Merci.

Le président: Bienvenue, pour la deuxième fois.

Mme Marlene Jennings: Monsieur Pue, vous avez dit que vous avez essayé d'obtenir des exemplaires du manuel de la GRC par téléphone et par courriel, et que vous avez fini par abandonner. Vous avez dit que les forces policières ne disposent pas nécessairement de ressources judiciaires adéquates pour pouvoir interpréter la loi sur le terrain. Je connais bien le domaine juridique et j'ai constaté qu'au cours, disons, des 10 dernières années, on a grandement amélioré la formation donnée aux agents de police, aux simples agents de police, grâce aux programmes offerts dans les CÉGEPS, les collèges et les écoles de police. Ces programmes mettent l'accent sur la primauté des droits garantis par la Charte, la conduite policière et le respect, par la police, des droits et libertés accordés par la Charte.

On en a eu un bon exemple avec les squatters à Montréal. Je ne sais pas si vous avez suivi le dossier au cours de l'été, un dossier qui a grandement retenu l'attention des médias. Les squatters ont négocié avec le maire de l'époque. Ils occupaient un logement privé. Le maire de Montréal, M. Bourque, a conclu une entente avec eux. Il leur a permis de s'installer dans un logement vacant appartenant à la municipalité.

Lorsqu'il s'est rendu compte que cette question pouvait s'avérer embarrassante pour lui sur le plan politique, il a demandé à la police d'expulser les squatters. Or, le chef de police a déclaré, en public, qu'il ne permettrait pas à ses agents d'expulser les squatters parce qu'il avait un rôle à jouer et que la police devait protéger les droits garantis par la Charte. Il a dit qu'il n'existait aucun motif raisonnable de croire que ces personnes avaient violé une loi quelconque, ce qui aurait permis à la police de les expulser, étant donné qu'elles avaient conclu, avec le maire de Montréal, une entente qui leur permettait d'occuper le logement.

Donc, je n'ai pas tellement d'inquiétudes pour ce qui est de la façon dont la police interpréterait les droits garantis par la Charte et ses pouvoirs d'intervention. Ce qui m'inquiète, comme je l'ai mentionné dans mes questions, c'est de savoir si l'article 5, qui modifie l'article 10 de la loi initiale, crée beaucoup d'ambiguïté, s'il risque de faire l'objet de contestations judiciaires, de servir de cadre réglementaire quand des événements de ce genre ont lieu, peu importe ce que disent la Loi sur la GRC et les lois provinciales régissant les corps policiers. Celles-ci pourraient même être tout à fait adéquates.

Je vous remercie des renseignements et des précisions que vous nous avez tous les deux fournis.

• 1100

Je n'ai pas de question à poser. Je voulais tout simplement faire ce commentaire.

Les manuels d'information destinés à la police, auxquels j'ai eu accès dans une autre vie, sont très détaillés en ce sens qu'ils fournissent des conseils sur la façon dont les policiers doivent se comporter et interpréter leurs pouvoirs, les limites qui s'appliquent à ces pouvoirs dans différentes circonstances, ainsi de suite. Ils sont fort bien conçus. Les policiers accusés de mauvaise conduite n'ont tout simplement pas suivi les conseils qui y sont donnés.

Merci.

M. Wesley Pue: Merci de ce commentaire.

Tout ce que je peux dire, si je me fie à ce que m'ont dit les policiers, c'est qu'il y une différence entre l'arrestation d'un conducteur avec facultés affaiblies et un événement international qui ressemble à une situation d'urgence, et qu'il faudrait que la formation donnée dans ces cas soit très poussée.

Mme Marlene Jennings: Oui. Il faudrait manifestement donner une formation plus poussée aux policiers directement concernés, que ce soit sur l'autorité centrale, la définition de «périmètre», le genre d'outils à utiliser, comme, par exemple, un canon d'arrosage, ainsi de suite. Vous avez tout à fait raison.

Peu importe ce que nous décidons, que ce soit de nous en tenir à la common law à court et à moyen terme ou d'adopter un cadre réglementaire, je suis certaine que la police sera en mesure de fournir une formation adéquate à ses agents et de faire appel à des experts comme vous pour l'aider à interpréter les pouvoirs qu'elle possède.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Nous aimerions remercier les témoins.

Chers collègues, avant que Mme Lalonde ne quitte la salle, j'aimerais vous signaler deux choses. Nous allons entreprendre, le 20 novembre, notre étude sur l'intégration de l'Amérique du Nord, compte tenu des nouveaux défis que pose la sécurité. Nous aurons droit à des séances d'information le matin et l'après-midi. Nous allons donc entreprendre cette étude.

J'ai appris que nous serions peut-être saisis d'un projet de loi peu volumineux. Je pense que nous pourrons le renvoyer au Sous-comité sur le commerce.

Je tiens à vous rappeler que le ministre rencontrera le comité de 15 h 30 à 16 h 15 pour discuter du projet de loi, et ensuite de 16 h 15 à 17 h 30 pour parler de la sécurité en général, de son voyage au Moyen-Orient, ainsi de suite.

Comme nous n'avons que 45 minutes pour examiner le projet de loi—je présume qu'il va nous présenter un exposé de 5 ou 10 minutes sur le projet de loi, parce que nous en avons beaucoup parlé—vous aurez droit à 5 minutes chacun, parce que si je vous accorde 10 minutes, trois personnes seulement pourront intervenir. Nous aurons donc des tours de table de 5 minutes. Ensuite, vous aurez tous l'occasion de poser d'autres questions sur la situation générale.

[Français]

Mme Francine Lalonde: J'ai une question. Pourquoi n'est-ce pas l'inverse? Pourquoi n'étudions-nous pas la situation générale d'abord et ensuite le projet de loi C-36?

[Traduction]

Le président: Cela ne me pose aucun problème. Si vous préférez qu'on procède de cette façon, ou monsieur Pallister, si vous avez des commentaires à faire au sujet de la suggestion qui vient d'être fait, à savoir qu'on étudie d'abord la situation générale en ce qui a trait à la sécurité et ensuite le projet de loi...

Nous pourrions, de cette façon, nous concentrer là-dessus. Si nous commençons à débattre du projet de loi, nous n'aurons peut-être pas le temps de discuter de questions plus importantes. Êtes-vous de cet avis? Cela ne me pose aucun problème.

Le ministère lui-même en a fait la demande, c'est-à-dire qu'on examine d'abord le projet de loi pour qu'il puisse...

M. Brian Pallister: Je préférerais cette solution.

Le président: D'accord, si vous préférez cette solution, c'est ce que nous allons faire.

Merci beaucoup. Nous nous réunirons cet après-midi, à 15 h 30.

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