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AANR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ABORIGINAL AFFAIRS, NORTHERN DEVELOPMENT AND NATURAL RESOURCES

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES AUTOCHTONES, DU DÉVELOPPEMENT DU GRAND NORD ET DES RESSOURCES NATURELLES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 27 mars 2001

• 1108

[Traduction]

La présidente (Mme Nancy Karetak-Lindell (Nunavut, Lib.)): La séance est ouverte.

Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous nous réunissons aujourd'hui, mardi 27 mars 2001, pour mener une enquête sur la crise du logement autochtone. Nous avions décidé l'an dernier que le comité se pencherait sur la situation dans la collectivité de Chisasibi, avant de faire enquête sur la crise du logement qui sévit, à l'échelle nationale, au sein de la communauté autochtone du Canada.

Les témoins que nous accueillons aujourd'hui sont la chef Violet Pachanos, le Dr Robert Harris, qui est directeur de la santé publique du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James, et M. Normand Hawkins, qui représente le Groupe technique et que nous avons invité à participer à notre discussion sur la construction domiciliaire, comme nous en avons convenu à la dernière réunion.

Monsieur St-Julien.

[Français]

M. Guy St-Julien (Abitibi—Baie-James—Nunavik, Lib.): Madame la présidente, j'aimerais vous signaler que Mme Pachanos sera en retard et que le grand chef Ted Moses sera son porte-parole. Nous nous en excusons, mais j'aimerais avoir l'assentiment unanime des députés pour que le grand chef des Cris de la Baie James, Ted Moses, remplace Mme Pachanos au début de la séance. Nous nous excusons de ces changements, mais pouvons-nous obtenir l'accord de tous les députés pour cette modification?

• 1110

[Traduction]

La présidente: Est-ce que tout le monde est d'accord?

Des voix: D'accord.

La présidente: Très bien. Nous allons procéder comme d'habitude, c'est-à-dire que les témoins auront, au total, 10 minutes pour s'exprimer. Je vois qu'il y a quatre personnes, il va donc falloir que les exposés soient aussi concis que possible, pour donner aux membres du comité la possibilité de poser directement des questions précises aux témoins et pour que nous ayons ainsi plus de temps à consacrer à la discussion. Je vous demande donc instamment de faire des exposés aussi brefs que possible, pour que nous puissions répartir équitablement le temps dont nous disposons entre tous ceux qui veulent s'exprimer devant le comité aujourd'hui.

Grand chef Ted Moses.

Le grand chef Ted Moses (Grand Conseil des Cris, Eeyou Istchee): Je vous remercie, madame la présidente, ainsi que les membres du comité de nous avoir invités à nous exprimer ce matin. J'aimerais remercier tout particulièrement M. Guy St-Julien, député de l'Abitibi, de la Baie James et du Nunavut, qui a alerté le comité et qui a rendu cette audience possible. Je vais essayer de faire aussi court que je le peux.

Nous attendons la chef de Chisasibi, mais au cas où elle ne viendrait pas, nous avons sa déclaration liminaire et nous pourrons la lire.

J'aimerais signaler aux membres du comité que tous les chefs, sauf un, sont présents à cette audience. La question est très importante; nous lui accordons la plus haute priorité car elle touche toutes les communautés de Eeyou Istchee.

J'aimerais en outre informer les membres du comité de la présence parmi nous d'une éminente personnalité, Mme Erica Daez, qui s'occupe des affaires autochtones à Genève, aux Nations Unies. Elle préside le Groupe de travail des populations autochtones. Elle est également membre de la Sous-commission sur les droits de l'homme et, à titre de diplomate, elle représente le gouvernement grec. Nous sommes donc très honorés de l'avoir parmi nous. Merci.

Le Grand Conseil des Cris, c'est-à-dire l'Administration régionale crie, est l'organisme élu librement pour représenter les Eeyouch de la Baie James, au Québec, la patrie traditionnelle que nous appelons Eeyou Istchee, ce qui veut dire la terre du peuple. En 1975, nous avons signé la Convention de la Baie James et du Nord québécois, à titre de règlement hors cour de la poursuite que nous avions engagée à propos de nos droits et du complexe hydroélectrique de La Grande. La constitution du Canada protège, en tant que droits issus de traités, les droits stipulés dans la Convention. Celle-ci n'a pas été négociée selon la politique fédérale de 1986 relative aux revendications territoriales, et le ministère ne devrait pas tenter d'en réduire l'envergure en invoquant cette politique.

La Convention était un échange. En effet, les Cris ont donné leur accord au projet de La Grande et ils ont accepté un processus selon lequel l'exploitation future du territoire serait réglementée en échange de leur participation ouvrière à l'exploitation des ressources, de la protection de leur mode de vie, même dans le contexte de l'exploitation des ressources, et de garanties à l'effet que les communautés pourraient se développer selon leurs besoins. Le développement communautaire devait être basé sur nos besoins et être financé selon des arrangements avec les gouvernements du Canada et du Québec, conformément à la loi.

Les programmes et les initiatives spéciales visant le développement des communautés cries devaient être conçus avec notre participation afin de satisfaire les besoins changeants des communautés en question. À cet égard, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien n'a pas appliqué l'article 28.8 de la Convention concernant le Comité conjoint du développement économique et communautaire, qui était le moteur de la politique permettant

    [...] d'étudier l'établissement, l'expansion, l'application et l'efficacité des programmes gouvernementaux en matière de développement économique et communautaire et d'autres programmes ayant trait au développement économique et social des Cris.

La Convention de la Baie James et du Nord québécois prévoyait deux approches. Premièrement, la Convention, tout comme la lettre de 1974 du ministre des Affaires indiennes de l'époque, Judd Buchanan, le mentionne, garantissait aux Cris qu'ils ne subiraient pas de préjudices en raison des droits issus de la Convention à l'égard des programmes mis à la disposition de l'ensemble des populations autochtones du Canada. Deuxièmement, il était entendu que les programmes et les services du gouvernement du Canada offerts aux communautés cries seraient basés sur leurs besoins.

• 1115

Comme c'est le cas dans les domaines de l'éducation et de la santé, auxquels les prescriptions fédérales ne s'appliquent plus désormais—ce qui est également mentionné dans la lettre de 1974 du ministre—la Convention ne visait pas à restreindre les programmes au niveau prévu pour les programmes nationaux, mais plutôt à garantir que l'admissibilité à ces programmes ne cesserait pas en raison des obligations gouvernementales de plus grande ampleur qui découlaient de la Convention. Comme le ministre l'a écrit: «... sans discrimination... en raison de droits, d'avantages ou de privilèges découlant de la Convention finale...»

Malgré la décision du ministère des Affaires indiennes de supprimer prématurément, en 1978, le Comité conjoint de développement économique et communautaire, l'année suivante, nous avons conclu une entente concernant un plan d'infrastructure domiciliaire pour les communautés cries du Québec. Ce plan quinquennal n'était pas dressé en application de l'article 28 du traité. Il s'agissait plutôt d'un plan basé sur une évaluation du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, que le Conseil du Trésor avait approuvée, et qui définissait les besoins des communautés en matière de logement et d'infrastructure pour les cinq années suivantes. La mise en oeuvre de ce plan a ensuite posé des problèmes, car le ministère n'avait pas, en fait, obtenu les garanties de financement nécessaires pour respecter, pendant les premières années, ses obligations découlant de l'entente sur le logement.

En 1980, une épidémie de gastro-entérite a frappé les communautés, et nous avons vu mourir plusieurs anciens et plusieurs enfants parce qu'il nous manquait de l'eau potable et les aménagements sanitaires appropriés qui étaient prévus en vertu du traité. Une évaluation fédérale de la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois recommandait que les travaux d'infrastructure sanitaire soient effectués dans les communautés et demandait que le ministère de l'Expansion industrielle régionale prennent l'initiative ou que le ministère et d'autres ministères appropriés fassent des efforts spéciaux en ce sens. De telles initiatives n'ont jamais été entreprises.

J'ai fait ce bref historique avant de vous signaler quelle est la position adoptée par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien: selon le ministère, les communautés cries sont limitées à ce qui est offert aux autres collectivités, et le logement ne fait pas partie des obligations découlant de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. En vérité, la Convention exige que le gouvernement s'occupe de la question du développement des communautés cries et des besoins connexes, en collaboration avec l'Administration régionale crie. Dans le passé, le gouvernement a lancé et recommandé des programmes spécifiques pour répondre à ces besoins. Mais lorsque l'entente sur le logement, qui a permis la construction de 500 unités et de systèmes d'égout et d'approvisionnement en eau, a pris fin en 1984, le Canada a refusé de négocier son renouvellement.

Notre parc de logements est constitué de 2 450 unités pour une population de 13 000 habitants, répartis en neuf collectivités, soit une moyenne de 5,2 personnes par logement. Le ministère des Affaires indiennes utilise une moyenne de quatre personnes par logement comme repère du surpeuplement communautaire. Nous avons décidé de faire enquête dans chaque logement pour avoir une meilleure idée de la situation. Les résultats sont scandaleux. Soixante pour cent de nos unités de logement sont surpeuplées par rapport à la norme canadienne, fixée à une personne par pièce. Nos deux plus grandes communautés sont le plus durement touchées: le taux de surpeuplement est de 79 p. 100 à Mistissini et de 62 p. 100 à Chisasibi. Les autres ne s'en tirent guère mieux. Dans les autres communautés indiennes du Québec, on compte, en moyenne, quatre personnes par unité de logement. Chez les Inuits du Nunavik, la moyenne est de 4,1 personnes par unité, tandis que pour les Québécois, en général, la moyenne est de 2,5.

Je ne dis pas que l'on doit ignorer les besoins des autres communautés autochtones en matière de logement. Les statistiques qui les concernent ne sont pas bonnes, les nôtres sont pires, mais on devrait répondre à tous les besoins en temps opportun. À l'heure actuelle, dans les communautés cries, il faut construire 1 400 unités de logement pour régler le problème du surpeuplement. Nous avons également besoin de 250 autres logements pour remplacer ceux qui sont très vieux ou non conformes aux normes. De plus, il nous faudra 600 unités supplémentaires d'ici cinq ans pour loger les nouvelles familles qui vont être fondées. Nous avons donc besoin de construire 2 250 logements au cours des cinq prochaines années. Vu le niveau actuel de l'aide que nous accordent le MAINC et la SCHL, nous n'allons probablement être capables de satisfaire que 20 p. 100 de la demande.

Et si cette demande est satisfaite, cela signifie que la taille de nos collectivités va pratiquement doubler. Nous avons donc besoin de donner une grande expansion à l'infrastructure qui existe, les routes, ainsi que les systèmes d'égout et d'approvisionnement en eau. Enfin, les unités de logement qui existent actuellement ont besoin d'être rénovées, car elles sont subi les épreuves du temps, du surpeuplement et du climat rigoureux, sans oublier que depuis des années, nous n'avons pas eu suffisamment d'argent pour entreprendre des travaux de rénovation.

• 1120

La situation actuelle exige des programmes de construction domiciliaire adéquats, qui mettent l'accent sur la propriété privée, maximisent les avantages communautaires et répondent aux besoins des économiquement faibles. La création d'emplois pour les Cris doit faire partie de la solution.

Dans la région 10, la région administrative du Québec qui couvre le Nord québécois à partir de la limite, au sud, des territoires de chasse cris, les Cris représentent environ 30 p. 100 de la main-d'oeuvre potentielle. On s'attend à ce qu'ils constituent un plus large segment de la population régionale au fur et à mesure que les jeunes atteindront l'âge de travailler et que la population résidentielle non autochtone baissera.

L'industrie forestière sur le territoire fournit 3 350 emplois. Les Cris en occupent environ 5 p. 100, soit 180 emplois à temps complet ou équivalents temps plein. Le secteur minier emploie sur le territoire 1 400 personnes, dont 79—c'est-à-dire 5 p. 100—sont des Cris, qui travaillent tous dans la même mine. Dans le secteur de l'hydroélectricité, les Cris représentent environ 1 p. 100 de la main-d'oeuvre, soit 7 employés à temps complet.

Les Cris font face à plusieurs obstacles en ce qui a trait à l'emploi, y compris la barrière de la langue, la difficulté d'obtenir une accréditation syndicale et un certificat de compétence, le manque de possibilités de formation et la discrimination raciale.

Nous travaillons depuis quelque temps avec Développement des ressources humaines Canada à l'élaboration d'un plan pour améliorer l'accès des Cris au développement territorial. Le plan fait appel à une formation reliée à l'emploi et à des coordonnateurs attachés à des industries spécifiques, afin de créer des possibilités d'emploi pour les Cris. L'objectif à long terme est une participation équitable des Cris à l'ensemble des secteurs, conformément aux engagements stipulés dans le traité de 1975.

Nous voulons contribuer à la mise en place des moyens qui permettront aux Cris de constituer une part importante de la main-d'oeuvre régionale. Mais cela prendra du temps. À court terme, nous devons construire plus de logements, car le surpeuplement dans les communautés cries atteint des niveaux supérieurs à ceux qui sont enregistrés au sein de bien d'autres communautés autochtones. La mise sur pied d'un programme qui atténuerait des problèmes humains de plus en plus nombreux permettrait aux gens d'espérer trouver du travail et mener une vie décente.

J'aimerais également vous signaler que, depuis 1998, la Commission crie-naskapie a mis l'accent sur ce problème de plus en plus important au sein de la communauté crie. Elle a déclaré, et je cite:

    Les faits présentés lors des Audiences spéciales de 1988 ont clairement démontré que les communautés cries et naskapies n'ont pas les ressources suffisantes pour développer les infrastructures communautaires, l'habitation et les projets de capitalisation. La difficulté première réside dans l'insuffisance du financement fédéral.

En 1996, la Commission déclarait également:

    Des logements trop peu nombreux, voilà un constat qui ne cesse de troubler la vie des communautés cries et naskapies. Le rapport précédent de la Commission dresse un tableau inquiétant de la question du logement. On assiste à une chute constante du nombre de maisons offertes sur le marché et on ne peut vraiment pas répondre à la demande.

En 2000, dans son dernier rapport, la Commission ajoutait:

    La nécessité de construire de nouvelles maisons, de remplacer ou de rénover les maisons existantes continue d'être une question pressante, car le manque de logements se fait de plus en plus sentir au sein des communautés cries.

La Loi sur le règlement des revendications des Autochtones de la Baie James et du Nord québécois soutient la Convention. Selon cette loi, le Parlement et le gouvernement du Canada reconnaissent et affirment avoir une responsabilité spéciale envers les Cris et les Inuits.

Cela vous donne, à vous qui constituez le Parlement, une responsabilité spéciale qui s'ajoute à celle du gouvernement. Et c'est une disposition unique dans la législation canadienne. Nous avons lutté pour défendre notre droit de choisir de demeurer au sein du Canada. Cependant, le Canada que nous avons choisi doit être un Canada qui nous réserve une place, comme on nous l'a promis en 1975.

À cet égard, en 1997, le ministre des Affaires indiennes, Ron Irwin, a mis sur pied un processus de négociation avec l'ancien grand chef, Matthew Coon Come, pour mettre en oeuvre la Convention de la Baie James et du Nord québécois et pour établir de nouvelles relations reconnaissant la nature permanente du traité. Le ministre Irwin était d'accord pour inclure la négociation de la question du logement dans ce processus. La ministre Stewart l'a lancée, et l'actuel ministre, M. Nault, a décidé de poursuivre cette initiative. Ce processus spécial est conçu pour satisfaire les besoins des Cris de façon unique, dans le contexte de l'évolution de la région de la Baie James.

La Convention de 1975 était une initiative spéciale bilatérale Canada-Québec, qui concernait le développement de la région. Elle n'était pas censée prendre en compte les restrictions qui s'appliquent ailleurs, mais elle était conçue pour être un instrument unique permettant de rompre avec l'histoire tragique des peuples autochtones au Canada.

• 1125

Pour conclure, madame la présidente, messieurs, je prie le comité de bien vouloir appuyer deux initiatives et de faire des recommandations en ce sens à la Chambre. Il s'agit, premièrement, de prendre des mesures immédiates pour résoudre les problèmes humains qui se posent dans les communautés cries aux prises avec une pénurie de logements et où ceux qui existent sont insalubres et dangereux. Deuxièmement, nous demandons que Développement des ressources humaines Canada prenne des mesures immédiates pour mettre sur pied des programmes ouvrant la voie à une participation équitable des Cris au marché du travail créé par l'exploitation du territoire de la Baie James.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'exprimer devant vous aujourd'hui.

La présidente: Merci beaucoup, grand chef Moses.

Il va falloir que je demande aux membres du comité de quelle façon ils souhaitent procéder, car le premier exposé a pris 14 minutes, et il y a encore trois personnes qui souhaitent s'adresser à nous. Par ailleurs, l'autre question à propos de laquelle j'ai besoin de votre accord concerne les documents que l'on nous a transmis à l'appui de ces exposés et qui sont uniquement en anglais, si bien que nous avons essayé d'en empêcher la distribution. Je crois comprendre qu'on est en train de les traduire, mais étant donné qu'il y en a beaucoup, la traduction n'a pas pu être faite à temps pour que nous puissions également distribuer une version française.

Je demande donc l'avis du comité sur deux points. Premièrement, comment souhaitez-vous procéder en ce qui concerne le temps qui devrait être imparti aux exposés et aux questions des membres du comité et deuxièmement, quel est votre avis sur la distribution des documents.

Monsieur St. Julien.

[Français]

M. Guy St-Julien: Madame la présidente, j'accepte que l'on distribue les documents qui ne sont pas traduits. Nous avons actuellement deux documents traduits en français. Le premier est celui qui porte sur les conditions de logement et la santé et le second est la proposition du Grand Conseil des Cris. Si tous sont d'accord, nous pouvons accepter les autres documents.

[Traduction]

La présidente: Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Madame la présidente, je pense que les gens qui sont devant nous, aujourd'hui, méritent que nous les écoutions. J'accepte donc de leur accorder plus de temps, quitte à ce que nous ayons plus de temps à notre disposition pour interroger tout le monde, parce qu'ils ont fait un long voyage.

D'autre part, je suis prêt à donner mon consentement à la distribution des documents, mais je veux que nous reparlions de cela plus tard. Il s'agit de la première réunion à laquelle je participe qui a pour objet, non pas les ressources naturelles, mais le développement des peuples autochtones. Je crois que cela constituerait une insulte de refuser les documents de nos interlocuteurs d'aujourd'hui parce qu'ils n'ont pas été traduits.

Cela étant dit, je veux que nous revenions sur le sujet, parce que je ne donnerai pas mon consentement à chaque fois. Il y a un problème quelque part et je voudrais y revenir. Je veux qu'il soit clair qu'il s'agit d'une exception par respect pour nos distingués invités et témoins, mais cela ne peut pas se produire à chaque fois.

Une voix: D'accord.

[Traduction]

La présidente: Merci.

[Français]

M. Benoît Serré (Timiskaming—Cochrane, Lib.): J'aimerais appuyer la position de mon collègue. Je pense qu'il a parfaitement raison. J'allais dire la même chose; je suis donc complètement d'accord avec lui. Il ne faudrait pas que cela devienne une habitude. Nous avons adopté une résolution sur notre mode de fonctionnement, et il faudra revenir sur le sujet. Mais, vu les circonstances, je vais aussi donner mon accord.

[Traduction]

La présidente: Merci beaucoup.

Le problème est dû en partie au fait que nous avons reçu beaucoup de documents et que c'est seulement jeudi que nous avons pris une décision sur la participation des témoins. Je vous remercie de votre compréhension.

Monsieur Vellacott, s'il vous plaît.

M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, AC): Ma question a trait au temps de parole que nous allons allouer à chacun des témoins qu'il nous reste à entendre. Avez-vous une idée? Il faudrait que je parte vers midi, et je voulais poser quelques questions.

La présidente: C'est pour cela que j'ai insisté et que j'ai dit aux témoins que nous n'avions pas beaucoup de temps. Deux personnes m'ont déjà dit qu'elles devaient partir à midi, et j'aimerais donc que l'on ne consacre pas trop de temps aux exposés des témoins. Je voudrais qu'ils ne dépassent pas trois minutes chacun, quitte à aborder les sujets qui resteraient à discuter pendant la période des questions.

J'aimerais aussi souhaiter la bienvenue à la chef Violet Pachanos. Je crois que c'est à son tour de faire une déclaration. Je voudrais vous demander de ne pas dépasser trois minutes pour que tout le monde ait la possibilité de s'exprimer devant le comité...

• 1130

Chef.

La chef Violet Pachanos (Nation crie de Chisasibi): Bonjour à tous et merci. Je m'excuse d'être en retard. Pour votre information, deux personnes seulement souhaitent s'exprimer, le Dr Harris et moi-même.

Je remercie la présidente, les membres du comité, notamment le député, Guy St-Julien, de nous accueillir et nous laisser exposer notre cas.

Plus précisément, nous sommes ici pour vous parler des effets que les conditions de logement ont sur la santé des habitants de la communauté crie de Chisasibi, au nord du Québec.

L'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme stipule:

    Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement et les soins médicaux.

Chisasibi est la plus grande des neuf communautés cries établies dans la région est de la Baie James. Entre 1979 et 1980, tout le village de Chisasibi qui, à l'époque, était situé sur l'île Fort George, a été relocalisé là où il est actuellement, sur le continent, à l'embouchure de la rivière La Grande. Nous sommes partis à cause de l'aménagement hydroélectrique de la rivière La Grande. Étant donné que le flux des eaux de la rivière La Grande avait doublé, on craignait que l'érosion fasse courir des risques à la population de l'île Fort George.

Au cours du déménagement, 210 unités de logement ont subi des dommages structurels. On a construit 90 maisons neuves sur le nouveau site, mais selon une évaluation récente, elles ne sont pas conformes aux normes. Voici ce que dit un habitant de Chisasibi:

    Après le déménagement, il faisait très froid dans la maison, et il y avait beaucoup de moisi. On pouvait le sentir, et il y avait des souris. Le système d'évacuation des eaux usées se bloquait. Il y avait une odeur, et l'état de la maison se détériorait. Nous avons commencé à être malades.

Lorsque nous avons déménagé, ce sont des fosses septiques et non des tuyaux qui ont été installées pour évacuer les eaux usées, et cela a contribué aux problèmes que nous connaissons aujourd'hui. Dès la moitié de l'année 1993, les médecins ont commencé à constater que, de plus en plus, les gens se plaignaient de problèmes de santé qui étaient aggravés par le fait qu'ils vivaient dans les anciennes maisons, celles qui avaient été déménagées, ou dans celles qui avaient été construites au moment du déménagement. Les médecins ont envoyé de nombreuses lettres au bureau du logement de la Nation crie de Chisasibi pour recommander que l'on améliore les conditions d'habitation.

En 1998, la Nation crie de Chisasibi a découvert qu'aucun fonds n'était disponible pour effectuer des travaux de rénovation qui dès lors, étaient devenus urgents. Nous avons demandé au Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James de faire un rapport sur le logement et la santé à Chisasibi. Une étude qualitative portant sur le logement et la santé a donc été effectuée, et elle est devenue un des éléments clés de la requête transmise en décembre 1998 au gouvernement fédéral. Nous demandions le remboursement de l'argent que nous avions dépensé; M. Harris vous en dira un peu plus sur l'étude dont je parle.

J'ai ici un résumé des recherches qualitatives qui ont été faites en 1998 sur le logement et la santé à Chisasibi. Vu qu'il s'agissait d'une étude qualitative, elle incluait l'examen des dossiers médicaux. Quatorze personnes, qui pouvaient fournir les informations les plus utiles, ont été interrogées dans le cadre d'entrevues menées en langue crie ou en anglais, et les notes qui ont été prises à ce moment-là ont été analysées à l'aide du programme informatique NUD*IST. Une firme d'ingénierie indépendante a fait un rapport sur l'état des maisons.

L'objectif était de déterminer si les conditions de logement étaient mauvaises à Chisasibi, si les habitants étaient en mauvaise santé et s'il y avait un lien entre les mauvaises conditions de logement et la mauvaise santé des habitants.

• 1135

Les gens qui habitaient dans les maisons que nous qualifions de «malades» ont décrit des problèmes liés au logement et à la santé qui étaient identiques à ceux dont il est fait état dans la documentation sur ce sujet qui est produite à travers le monde—et voici quelques citations tirées de ce rapport, à commencer par les mauvaises odeurs:

    Nous avons commencé à avoir des problèmes à cause de la fosse septique. Ça sentait très mauvaise et parfois, nous ne pouvions pas rester dormir dans la maison à cause de l'odeur. Nous allions chez notre fille, dans son appartement [...] Parfois, il nous était impossible de manger à cause de cette mauvaise odeur. L'odeur de la moisissure devient plus forte lorsque l'eau suinte à travers les murs.

Au sujet de la formation de moisissure et de champignons:

    Dans la salle de bain, on a beau réparer le système de ventilation, il ne fonctionne pas. Toute l'humidité reste dans la pièce; c'est tout noir autour de la baignoire, et il y a des champignons partout. Ça ne s'arrange pas du tout. Quand quelqu'un prend une douche, toute l'eau coule dans le sous-sol à travers le trou qu'il y a dans le plancher, entre la baignoire et les toilettes. Le plancher de la salle de bain est tout moisi, et il pourrait bien un jour dégringoler au sous-sol.

Au sujet du refoulement des eaux usées:

    Quelquefois, les eaux usées refoulaient et ça sentait très mauvais. Une fois, le sous-sol a été inondé. Il n'y avait pas seulement de l'eau, il y avait du papier de toilette et de la merde.

—je m'excuse, mais il n'y a pas d'autre mot pour le dire.

Des voix: Oh, oh!

La chef Violet Pachanos: Au sujet de l'asthme, un homme a déclaré: «Ma femme a commencé à avoir de l'asthme après le déménagement dans la vieille maison.»

Au sujet des problèmes respiratoires:

    J'avais des maux de tête, de très mauvais rhumes, j'avais tout le temps de la difficulté à respirer [...] c'est l'état du sous-sol, je pense, qui provoquait mes rhumes et mes problèmes respiratoires.

Au sujet des nausées:

    Ma femme n'était pas malade, mais elle n'aimait pas l'odeur. Elle avait toujours envie de vomir. On ne se sentait pas bien, et cela a duré pendant je ne sais combien d'années.

Les autres problèmes qui ont été cités sont notamment la sécheresse de l'air, une mauvaise ventilation, la poussière et de lourdes factures d'électricité.

Les gens ont également indiqué que leur santé s'améliorait lorsqu'ils quittaient ces maisons «malades»:

    Cela fait une différence quand on va au camp, dans la nature, pendant deux semaines. On n'a pas de problème; tout semble redevenir normal. Pas de rhume, pas d'asthme, personne ne saigne du nez, on n'éternue plus. C'est peut-être parce que là-bas, ma maison est plus grande, beaucoup plus grande.

Et:

    Nous sommes restés à Montréal pendant trois ans. L'air (dans la maison) est plus frais. De retour dans l'ancienne maison, les problèmes ont recommencé. Quand nous allons vivre dans la nature pendant 15 jours, mon bébé se porte très bien, ma femme aussi; les enfants et moi, nous nous portons bien. Mais dès que nous rentrons dans la maison, les problèmes recommencent.

Il y a une crise du logement à Chisasibi. Il n'y a pas assez de logements, il y a trop de monde dans ceux qui existent, et il y a un grand nombre de maisons «malades». Le surpeuplement des logements a de nombreux effets néfastes, qui sont bien documentés dans les publications spécialisées. C'est également ce qu'a démontré l'étude sur le logement et la santé qui a été menée à Chisasibi et qui a permis de prouver qu'entre autres effets néfastes, la violence familiale et l'abus d'alcool sont plus fréquents au sein des familles qui vivent dans un logement trop petit.

Le Dr John O'Neil, qui est professeur et directeur de l'Unité de recherche sur la santé dans le Nord, à la Faculté de médecine de l'Université du Manitoba, a analysé les données sur le logement et la santé recueillies dans le cadre de l'enquête menée à Chisasibi. Il a conclu:

    Cette étude a démontré que les effets néfastes sur la santé des mauvaises conditions de logement à Chisasibi exigent une intervention d'urgence.

À l'heure actuelle, nous avons besoin d'environ 586 nouvelles unités de logement. C'est ce qu'il nous faut pour régler les problèmes de surpeuplement les plus urgents et pour remplacer ces maisons «malades». Diverses méthodes sont à l'étude, allant de l'achat à la construction de logements spéciaux pour les aînés, en passant par les maisons unifamiliales, les locations à l'intention des familles à bas revenu et les logements sociaux.

Enfin, j'aimerais attirer l'attention du comité sur les rapports de la Commission crie-naskapie qui ont été déposés au Parlement depuis 1986. Dans ces rapports, la crise du logement dans les communautés cries est fréquemment mentionnée. Toutefois, les recommandations de la Commission n'ont entraîné aucune action de la part du gouvernement ni du comité. La Commission crie-naskapie a été créée par le gouvernement pour surveiller la situation dans les communautés cries.

Cela dit, Chisasibi, comme les autres communautés cries, fait face à une crise du logement. Nous sommes ici aujourd'hui pour demander que le gouvernement tienne ses promesses et nous permette ainsi de contribuer à la société de façon juste et équitable. Nous souhaitons que les générations futures n'aient pas à faire face aux mêmes problèmes et puissent envisager l'avenir en espérant une vie meilleure. Nous sommes prêts à discuter avec les responsables et à collaborer pour trouver des solutions et mettre en oeuvre les recommandations.

• 1140

Je vous remercie d'avoir pris le temps de m'écouter.

La présidente: Merci, chef Pachanos.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]... continuer?

La présidente: Oui, mais très brièvement, parce que je sais que certains députés doivent nous quitter, et ils voudraient poser des questions.

[Français]

Dr Robert Harris-Giraldo (directeur de la santé publique, Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James): Monsieur le président et monsieur St-Julien, je vous remercie de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui.

[Traduction]

Je vais vous montrer quelques clichés de moisissures à l'intérieur des maisons. Cela n'a l'air de rien, mais ces moisissures dégagent des gaz.

J'ai aussi des clichés de dégâts provoqués par l'eau à Chisasibi. Ils ne sont pas très clairs, mais on peut voir les taches noires en haut. Sous le plancher, au sous-sol, tout ce qui est noir, c'est de la moisissure, pas de la crasse.

Quand on a construit ces maisons à Chisasibi, elles n'ont été isolées qu'à moitié. Les conditions n'étaient pas bonnes au moment de la construction, et vous pouvez voir d'autres dégâts causés par l'eau. Quand on éventre les murs, tout ce qu'on découvre derrière est noir, et une très forte odeur s'en dégage.

Encore une fois, on a du mal à voir, mais j'ai un autre cliché où l'on voit du noir en haut et autour des toilettes. Tous les endroits humides sont pleins de moisissure.

À l'entrée des maisons, il y des moisissures noires. Le plafond...

Essentiellement, ce que je suis venu vous dire, c'est qu'à Chisasibi la situation sanitaire est mauvaise. Les problèmes respiratoires y sont pires que dans le reste du Canada, comme en fait foi le nombre et la durée des hospitalisations et les taux de mortalité. On recense environ dix fois plus d'années de vie de perdues. Les jeunes enfants sont victimes d'une plus forte incidence d'affections respiratoires réactionnelles, un type d'asthme. Dans des études norvégienne et australienne, ce type d'affections a été lié aux moisissures dans les logements.

Pour revenir sur notre rapport technique d'il y a deux ans, on a constaté la présence de moisissure. Il n'a pas été très difficile de l'analyser; il suffisait de la prélever en grattant. Le penicillium et l'aspergillus sont des types de moisissure qui prospèrent dans notre communauté, et elles sont aussi associées à des problèmes dans d'autres régions.

Il y a dans les maisons une odeur de moisi, des dégâts causés par l'eau, un taux élevé d'humidité intérieure, une ventilation insuffisante et très peu de ventilateurs d'extraction. Les taux d'allergènes acariens sont élevés—les acariens sont ces petites bêtes qui vivent un peu partout dans les maisons et provoquent des allergies. L'humidité relative des logements se situe entre 50 p. 100 et 80 p. 100, alors que le taux normal est d'environ 30 p. 100. Et il y a le problème du surpeuplement, puisque l'on recense 7,2 personnes par maison, le taux le plus élevé de la province de Québec.

Les moisissures font actuellement les grands titres de l'actualité. L'aspergillus est considéré comme un grave problème à Montréal. La salle d'opération de l'Hôpital Royal Victoria a été fermée il y a une quinzaine de jours suite à la découverte de moisissures similaires à celles qui se sont développées à Chisasibi. Les patients sont inquiets. Or, il y a chez nous des gens qui ont subi des greffes du foie ou du rein et qui sont sous immunosuppresseurs. Ils vivent dans ces maisons, et ce champignon risque de créer des problèmes.

Voici une photo du directeur de la santé publique de Montréal devant les médias. Je crains de me retrouver, moi aussi, bientôt devant les médias dans la même situation s'il y a un problème. En fait, il y a déjà des problèmes, mais c'est...

Si l'on examine la documentation disponible, on se rend compte qu'il existe une nette relation entre la présence de moisissures, les mauvaises conditions de logement et la mauvaise santé. Quand l'intérieur des maisons est humide, on trouve des moisissures. Pourquoi les champignons sont-ils dangereux? Parce qu'ils produisent des composés volatils, tels que les alcools, les aldéhydes et les cétones. Si on les inhale, ils causent des problèmes respiratoires comme l'asthme, la rhinite—une forme d'irritation nasale—l'alvéolite, qui provoque une respiration sifflante, et d'autres allergies. Mais ce qui est plus important, c'est que l'on constate une baisse des défenses immunitaires, ce qui fait que les enfants ont, en plus, du mal à combattre les infections. On a des maux de tête, une irritation des yeux et de la gorge, ainsi qu'une sensation de fatigue. Tout cela est parfaitement documenté. Vous trouverez les données bibliographiques dans les documents qui vous ont été remis.

En novembre, j'ai reçu un appel d'une femme qui m'a autorisé à montrer sa photo. Elle m'a demandé d'aller chez elle. On se préparait à y réparer le plafond. Il n'est pas possible de voir sur le cliché les dommages causés par l'eau, mais il y en avait. Quand les ouvriers ont ouvert le plafond, ils ont tout arrêté et appelé leurs superviseurs.

Je suis allé chez elle ce soir-là à 21 heures. Elle m'a raconté que lorsqu'elle va prendre son bain, elle y va avec son shampoing, sa savonnette et deux aérosols, car elle commence à avoir des difficultés à respirer au bout de cinq minutes et elle est obligée de les utiliser. Quand elle est dans la nature, au camp, elle n'a jamais ce problème. Là-bas, elle a un poêle, elle peut contrôler les conditions à l'intérieur de sa maison, elle chauffe et il n'y a pas la moindre moisissure.

J'ai examiné un peu plus attentivement sa maison et je me suis rendu compte qu'il y avait une forte odeur qui se dégageait et qu'elle était pleine de moisissures. Il y avait un taux d'humidité très élevé qui causait les moisissures. Il s'agit des mêmes types de moisissures que celles qui ont créé les problèmes à l'Hôpital Victoria et ailleurs au Canada.

Une pauvre petite fille—j'ai aussi obtenu la permission de montrer sa photo—tente depuis trois ans de partir de la maison où elle habite. J'ai déjà écrit trois lettres à des amis, au ministère du Logement, mais ils n'ont rien de disponible.

• 1145

Cette petite fille risque de subir une baisse de ses capacités immunitaires. Chaque fois qu'elle est victime d'allergies, elle a une petite irruption cutanée. Comme son système immunitaire est affaibli, cette irruption se répand sur tout son corps. Les champignons ne sont pas le seul facteur, il ne faudrait pas l'oublier, mais ils accroissent les risques de 50 p. 100, selon notre étude et d'autres recherches. Est-ce si grave que cela d'avoir

[Français]

des élèves intoxiqués par l'air de leur école.

[Traduction]

C'est à La Roncière. Ils portent des masques, à cause de l'irritation

[Français]

des yeux, des sinusites, des maux de tête, des bronchites et de l'asthme.

[Traduction]

En fait, ils portent ces masques car ils prennent la situation au sérieux. L'école est maintenant fermée. En tant que directeur de la santé publique, j'aimerais pouvoir faire condamner ces maisons, mais j'ignore où ces gens-là pourraient aller vivre.

Quand on parcourt la documentation disponible, on constate encore une fois le fort lien de cause à effet. Les acariens provoquent des allergies et aggravent l'asthme. Les champignons dégagent des mycotoxines. Ce sont des types de poisons. Par exemple, quand des ouvriers sont venus rénover les bâtiments, ils ont souffert d'insuffisance rénale, d'encéphalopathie, une forme de lésion cérébrale. Des études récentes montrent que les mycotoxines pourraient être des agents cancérogènes pour les humains.

On peut donc dire que les moisissures représentent une véritable menace, et on en trouve un peu partout. Au Royal Victoria, il portait aussi un masque quand il a... c'était en première page de la Gazette. C'était quand ils étaient en train de désinfecter la salle d'opération. Il y a eu un autre titre qui a fait la une—deux fois de suite: «Fungus Linked to Renovation» et «Montreal Mould Found in Damp Buildings». On y parlait d'écoles fermées dans la région de Montréal. Ce n'est pas le produit de mon imagination.

J'aimerais présenter au comité quelqu'un que nous appelons «Julie» par souci de confidentialité. Elle m'a dit qu'elle souhaitait toutefois pouvoir s'exprimer et que cela ne la dérangeait pas. Mme Marion Sam-Cox est présente parmi nous, et si vous souhaitez lui poser des questions tout à l'heure, n'hésitez pas. Elle a fait ce long voyage parce qu'elle veut raconter son histoire.

Elle est dans la soixantaine. Je l'ai rencontrée parce que je suis aussi médecin de famille à Chisasibi. Elle avait l'habitude de venir à la clinique, mais par la suite, elle a emménagé dans une nouvelle maison et n'est plus jamais revenue. J'ai pensé qu'elle était partie, mais quand elle est retournée dans son ancienne maison, elle a recommencé à fréquenter la clinique.

J'ai examiné sa fiche médicale, et j'en ai fait l'analyse dans le cadre de notre étude. En gros, entre février 1993 et février 1994, quand elle habitait dans une vieille maison, elle est venue à l'urgence environ dix-huit fois par an en état de crise. Pendant qu'elle vivait dans sa nouvelle maison, elle est seulement venue quatre fois au cours de l'année, car on peut toujours attraper des rhumes ou être malade. Après être retournée dans son ancienne maison, elle est venue huit fois par an. Vous allez demander pourquoi huit et pas à nouveau dix-huit. Elle nous a dit qu'elle était tout aussi malade qu'avant d'avoir emménagé dans sa nouvelle maison, mais qu'elle ne se donnait plus la peine de se rendre à la clinique aussi souvent, car elle savait que cela ne ferait pas de différence. On ne pouvait rien faire à la clinique car le vrai problème, c'était la maison.

Cela a-t-il affecté Mme Sam-Cox? Voici ce qu'elle nous a raconté:

    Très souvent je ne pouvais pas aller travailler parce que j'avais un rhume, mal à la tête ou de l'asthme. Une fois, j'ai traîné un rhume pendant un an.

    J'avais l'habitude d'avoir des maux de tête, de très mauvais rhumes et une respiration sifflante en permanence. On aurait dit que j'étais toujours en mauvaise santé pendant toutes ces années que j'ai passées dans la vieille maison. On avait aussi beaucoup de problèmes avec la poussière et les moisissures.

    [...] dans ma nouvelle maison, j'ai moins de rhumes et moins de maux de tête. Je n'utilise mon aérosol que lorsque j'ai de mauvais rhumes et je trouve que mon asthme ne se manifeste que lorsque je suis enrhumée.

La Nation crie de Chisasibi nous a demandé de visiter chaque maison pour faire enquête sur les conditions qu'on y trouvait. C'est ce que nous avons fait; nous avons mis sur pied une expérience communautaire et participative. Nous avons impliqué les jeunes, et nous avons aussi élaboré un questionnaire avec les gens sur place. Nous avons inspecté 80 p. 100 des foyers, ce qui est plutôt bon pour une étude. Le Dr John O'Neil, qui est directeur de l'Unité de recherche sur la santé dans le Nord à l'Université du Manitoba, a collaboré à l'analyse des données et a produit un rapport que vous trouverez dans la documentation. Il y avait en tout sept pages de données, ce qui signifie que l'enquête a été très approfondie.

En gros, nous avons inspecté 435 maisons, habitées par 2 689 personnes. Cela fait encore une moyenne élevée de 6,25 occupants par maison.

Une des choses auxquelles on ne prête pas trop attention, ce sont les salles de bain, mais pensez à ce qui se passe quand vous avez des invités et que deux personnes de plus utilisent votre salle de bains. C'est un choc pour le système. Ici, on parle de six personnes qui partagent la même salle de bains. C'est beaucoup plus que la moyenne au Canada.

Environ 50 personnes, soit 2 p. 100 des gens, n'avaient pas de chambre. Ces gens-là dormaient où ils pouvaient, dans le séjour, par exemple. Si l'on s'en tient aux normes d'occupation du Québec, 41 p. 100 des logements étaient surpeuplés.

Cette situation va-t-elle s'améliorer? Environ 48 p. 100 des gens ont moins de 20 ans. Imaginez où l'on en sera dans une dizaine d'années, quand ils auront besoin de logements. C'est une population jeune, composée à 70 p. 100 de gens de moins de 30 ans.

Je ne voudrais pas vous ennuyer avec ce problème mais, en gros, 68 p. 100 des gens ont parlé de problèmes structurels, et 43 p. 100 ont dit qu'il y avait des moisissures chez eux. Des études montrent que lorsque les gens rapportent la présence de moisissures et qu'on va ensuite les analyser, il y a une bonne corrélation; donc, c'est valable comme donnée.

En ce qui a trait à la ventilation, nous avons remarqué que 36 p. 100 des fenêtres ne peuvent pas être ouvertes. Elles sont recouvertes par des planches. Dans 42 p. 100 des cas, il y des moisissures, et 53 p. 100 n'ont pas d'échangeur d'air, ce qui est la meilleure façon d'avoir des problèmes. Sans échangeur d'air, il y a des moisissures—62 p. 100 n'ont pas d'échangeur d'air. Seuls 23 p. 100 n'ont pas de problème de moisissures.

• 1150

N'oublions pas les idées préconçues—est-ce que les gens s'en fichent? Quatre-vingt-un pour cent se disent insatisfaits—il faut bien que je le dise. Cinquante-trois pour cent des gens n'ont pas l'impression de vivre les uns sur les autres, mais entre 25 et 45 p. 100 se sentent à l'étroit, soit exactement les mêmes pourcentages; il existe donc une véritable corrélation.

Vingt-trois pour cent des ménages ont mentionné des problèmes de toxicomanie et d'alcoolisme, 50 p. 100 ont parlé de problèmes sociaux, 9 p. 100 de violences. Cette situation est directement liée au surpeuplement des logements. Bon, essayons de préciser. Parmi les gens qui se considèrent très à l'étroit, dans 48 p. 100 des cas, ils connaissent au moins l'un de ces problèmes sociaux. Parmi ceux qui ne se sentent pas trop entassés, seulement 20 p. 100 ont un de ces problèmes. On peut donc dire qu'il existe un lien évident entre le surpeuplement et ces problèmes sociaux. J'ai ici une autre étude qui en arrive à la même conclusion: 38 p. 100 dans les logements surpeuplés contre 22 p. 100 chez les autres.

Selon le rapport des cotes, on risque beaucoup plus d'attraper quelque chose—je m'explique. Examinons les données. S'il y a des moisissures dans votre maison, vous risquez 1,6 fois plus de souffrir de problèmes de santé aigus. Si vous habitez une maison où l'on trouve des moisissures, vous risquez 1,4 fois plus d'attraper des rhumes, 1,9 fois plus d'avoir des maux de tête, 2 fois plus de souffrir de maux de gorge, 1,9 fois plus de souffrir de rhinorrée, 1,9 fois plus de saignements de nez, et 2 fois plus d'avoir des problèmes d'oreille. Ces pourcentages ne paraissent pas très élevés mais statistiquement, ils sont très révélateurs. Le seuil de signification se situe bien en deçà de 0,05, et l'on peut donc parler d'une très forte association. Dans la plupart des autres études, on se satisfait de statistiques beaucoup moins marquées. L'effet est réel.

En ce qui concerne les problèmes chroniques de santé, comme vous pouvez le remarquer, l'asthme n'a pas de signification statistique réelle; c'est un diagnostic, soit vous avez de l'asthme, soit vous n'en avez pas. Mais si vous habitez une maison où l'on trouve des moisissures, vous risquez 1,7 plus d'avoir des troubles respiratoires, et c'est bien là le problème, et deux fois plus de connaître des problèmes de santé chronique. Un exemple patent est fourni par les grosses toux... 3,4 fois plus de risques de rhinorrée. On constate un grand nombre de problèmes de sinus à la clinique, des risques trois plus élevés. Il y a 2,2 fois plus de catarrheux. Cela est également attesté dans les documents étrangers, comme ici, où il est relevé que les risques sont 1,9 fois plus élevés de souffrir de dépression si vous habitez une maison où il y a des moisissures.

La chef Pachanos m'a raconté qu'après avoir envoyé des demandes pendant un an et demi, elle avait reçu une lettre du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. J'ai lu ces quatre pages et je me suis dit que je ne devais pas être aussi intelligent que je le pensais, car je n'ai rien compris de ce qu'ils disaient. Quand je l'ai fait voir à l'un de mes amis qui travaille au gouvernement fédéral, il m'a dit de ne pas m'en faire, qu'il s'agissait d'une stratégie classique de temporisation. En gros, après un an et demi d'examen du dossier, ils veulent en retracer toute l'histoire, documents à l'appui. Je vous le dis carrément; remonter aux origines est vain, c'est la situation actuelle décrite ici même, dans l'étude, qui compte.

Nous sommes en train d'établir une bonne relation avec M. St-Julien. Il est allé à Chisasibi avant l'élection, il a vu les maisons, fait des visites, et c'est la raison pour laquelle il a pris l'engagement de nous aider. Car une fois que vous avez visité les lieux—et ce serait bien si vous pouviez venir vous-mêmes—vous savez ce qu'il en est vraiment. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Juste avant le 1er avril.

À nouveau, je vous renvoie à la Déclaration universelle des droits de l'homme—et je me félicite que Mme Daez soit ici—qui stipule que toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, et cela comprend, entre autres, le logement. Tout le monde a droit à des conditions satisfaisantes.

Mes conclusions révèlent qu'à cause des mauvaises conditions d'habitation et du mauvais état de santé de la population, la situation à Chisasibi pose un problème de santé publique très urgent—mais cela fait deux ans que je le répète. Les logements insalubres entraînent des conditions sanitaires inacceptables. Jusqu'à ce que ces logements soient conformes aux normes canadiennes, toutes les interventions médicales qui sont effectuées pour améliorer la santé sont des exercices futiles. Les gens ne font que tourner en rond comme un hamster sur sa roue.

En 1998, les Nations Unies ont déclaré que le Canada était le pays qui jouissait du niveau de vie le plus élevé du monde, mais nous ne sommes pas les premiers sur le plan de l'équité; nous nous classons dixièmes. Nous affichons une importante disparité en matière d'équité, et cet énorme écart entre les riches et les pauvres est des plus évidents dans les mauvaises conditions de logement de toute la population autochtone du Canada et, en l'occurrence, de la Nation crie de Chisasibi.

Je crois qu'à l'origine le problème était d'ordre social; il est devenu le problème médical que je vous décris, mais il va au-delà, il s'agit d'un problème d'ordre moral. Je pense que c'est une question d'équité, de justice et de droits humains fondamentaux.

• 1155

Je vous remercie.

La présidente: Merci, docteur Harris-Giraldo.

Il nous reste à entendre M. Normand Hawkins. Je le répète, cela ne laisse pas beaucoup de temps aux membres du comité pour poser des questions. Alors, je le dis une fois de plus, nous aimerions que...

M. Normand Hawkins (représentant, Groupe Technique Inc.): Madame la présidente, je n'ai pas de communication à faire. Je suis simplement ici à titre de spécialiste, au cas où le comité aurait des questions techniques.

La présidente: Je vous remercie.

Dans ce cas, on pourrait passer aux questions. Monsieur Vellacott, vous disposez de sept minutes.

M. Maurice Vellacott: Après avoir pris connaissance de la documentation générale et entendu nos témoins, je pense que nous nous en rendons tous compte, la situation est épouvantable.

Il y a une chose qui m'intrigue et m'intéresse quand j'essaie d'envisager les choses dans leur totalité, c'est le fait qu'il ne semble jamais y avoir assez d'argent; et il en va toujours ainsi, semble-t-il, avec les programmes gouvernementaux. Récemment, quand j'étais sur ma réserve, un petit entrepreneur a reçu une offre d'un investisseur privé, ce qui aurait permis de combler une partie du déficit. J'ai trouvé qu'il s'agissait d'une formule raisonnable. En fait, il siège au Conseil de l'endroit. Mais pour une raison ou une autre, à cause de la Loi sur les Indiens, il y a eu des difficultés, et l'initiative n'a pas abouti. Cet argent supplémentaire aurait pu atténuer certains des problèmes. D'un autre côté, il faudrait qu'il y ait en place des mécanismes de contrôle adaptés, pour éviter que les gens du métier à qui on fait appel ne bâclent le travail avant de disparaître en laissant les problèmes aux autres.

En page 4 de sa communication, Ted mentionne:

    La situation actuelle exige des programmes de construction domiciliaire adéquats, qui mettent l'accent sur la propriété privée, maximisent les avantages communautaires et répondent aux besoins des économiquement faibles. La création d'emplois pour les Cris doit faire partie de la solution.

Je trouve cela très intéressant, car si l'on dit que seuls 20 p. 100 des besoins seront couverts par les crédits fédéraux, qu'envisagez-vous en ce qui concerne la composante qu'est la propriété privée des logements? Pourquoi pensez-vous que cela fait partie de la solution?

Le grand chef Ted Moses: Je pense qu'à part l'intérêt exprimé par certains à l'égard de la propriété privée, il existe un besoin de logements sociaux. Il y a des gens là-bas qui ont des revenus très bas et qui ont besoin de logements sociaux.

Au cours des 25 dernières années, nous avons quelque peu progressé. Des emplois ont vu le jour, il y a des gens qui peuvent compter sur un revenu. Toutefois, les perspectives d'emploi sont bouchées. Les nouveaux projets de construction domiciliaire créent des emplois dans toutes les localités cries. Cela règle, d'une certaine façon, le problème des arriérés de loyer et offre, en plus, aux gens la possibilité d'envisager l'acquisition de leur propre maison, ce qui peut être source de fierté et d'autonomie personnelle. Ce n'est pas nouveau. Dans certaines localités, il y a des logements qui sont réservés à ceux qui peuvent les acheter ou qui sont loués avec option d'achat, ce qui intéresse particulièrement les gens qui ont un revenu stable et qui peuvent à coup sûr bénéficier du programme. Nous considérons que ce serait un moyen de régler la crise du logement dans nos communautés cries.

M. Maurice Vellacott: Comme me l'a expliqué ce monsieur que je connais—c'est dans la ligne de ce que vous dites, monsieur Moses—cela allégerait la pression sur le parc immobilier et il pourrait y avoir des maisons disponibles pour ceux qui ont des bas revenus si ceux qui ont un emploi pouvaient alors... Y a-t-il des obstacles? C'est ce qu'il m'a laissé entendre. Y a-t-il des choses qui empêchent la propriété privée de se développer du fait de la situation dans les réserves?

Le grand chef Ted Moses: Le principal problème est que nous ne possédons pas l'infrastructure indispensable pour construire des maisons. Il n'est pas sensé, dans le Nord, de construire un maison sans eau courante et sans le tout-à-l'égout. Penser que l'on pourrait y remédier par la suite n'est tout simplement pas la bonne manière de procéder.

• 1200

Il faut que nous ayons l'infrastructure nécessaire. Le gouvernement doit fournir les crédits pour la mise en place de cette infrastructure.

En ce qui a trait à l'autre partie de votre question, le logement social dépend de la viabilité du programme actuel de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et il faut qu'il y ait aussi des gens qui disposent d'un revenu stable et qui sont en mesure de payer. Autrement, ce n'est pas économiquement viable.

M. Maurice Vellacott: Dans votre documentation, il y a un feuillet où il est question de ce que les gens préfèrent—location ou propriété privée. Beaucoup préfèrent être propriétaires quand ils ont un emploi rémunéré et ainsi de suite.

La réponse se trouve sans doute en partie dans votre commentaire à propos des infrastructures et autres. On ne peut tout simplement pas construire quand il faut aussi absorber le coût de la construction, plus celui du terrain et de la maison en plus. Je pense vraiment qu'il faudrait effectivement faire quelque chose car, manifestement, si 20 p. 100 de tout ce que les crédits fédéraux vont couvrir... Même si l'on augmente un peu les crédits et que l'on en double le montant, on sera tout de même encore à court de fonds. Il faut que nous trouvions un autre moyen de créer un parc de logements adéquats et d'alléger aussi une partie de la pression pour ceux qui ont des bas revenus.

Le grand chef Ted Moses: L'autre obstacle, c'est qu'il faut des garanties ministérielles pour les prêts accordés dans le cadre du programme de la SCHL, et ces garanties sont souvent longues à obtenir. Il est difficile d'obtenir une hypothèque dans les localités cries, à moins qu'elle ait été négociée avec la SCHL. Par conséquent, pour un particulier qui souhaite construire sa propre maison et qui doit passer par une banque ou un établissement financier, cela représente un obstacle. C'est une chose pratiquement impossible. Selon moi cela est dû en grande partie à la disposition de la Loi sur les Indiens qui stipule que la propriété d'un Indien ne peut pas être saisie. Ce doit être la raison pour laquelle les institutions financières trouvent difficile d'accorder des prêts aux...

M. Maurice Vellacott: On pourrait apporter des modifications à la Loi sur les Indiens pour l'assouplir.

Le grand chef Ted Moses: Faire ça, ou encore parvenir à un arrangement quelconque entre les Premières nations et les établissements financiers. Une fois encore, les garanties ministérielles ont leur rôle à jouer.

La présidente: Merci, monsieur Vellacott. Monsieur Godfrey.

[Français]

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Je veux tout d'abord remercier notre collègue, M. St-Julien, de vous avoir invités tous. Je crois que votre présence sera très utile pour bien entreprendre notre étude sur le logement.

[Traduction]

Merci à tous d'avoir parcouru une aussi longue distance pour être ici. J'ai trouvé votre exposé extrêmement utile.

Docteur Harris-Giraldo, nous vous croyons sur parole. Vous pouvez être sûr de nous avoir démontré sans conteste l'importance d'être logé dans un endroit sain.

C'est donc à M. Hawkins et au grand chef Moses, que je vais plutôt m'adresser. J'essaie de penser à des solutions. M. Vellacott a commencé à aborder le sujet. Je me demande entre autres, parce que je n'y connais pas grand chose, si ces maisons étaient bien conçues, au départ. Évidemment, à cause de la rigueur du climat et ainsi de suite, il y a des exigences très importantes à respecter. Étaient-elles bien conçues? Y a-t-il d'autres formules que celles que nous avons utilisées jusqu'ici pour assurer aux gens un logement convenable? C'est une des questions qui se posent. Y avait-il quelque chose qui n'allait pas au départ, et les choses sont-elles allées de mal en pis? Y a-t-il des moyens de s'en sortir?

Ma deuxième question porte sur une remarque du grand chef Moses; il a dit qu'il y avait en fait trois types de logements: premièrement, il y a ceux dont les gens sont propriétaires, ce qui indique qu'ils ont les revenus nécessaires, et c'est une façon de financer la construction domiciliaire, etc.; deuxièmement, il y a la location; et troisièmement, il y a les logements sociaux. À part des injections massives de fonds, de quoi avez-vous besoin pour faire les choses comme il faut? Faudrait-il différents programmes correspondant à chacune de ces catégories? Est-ce que les programmes qui existent à l'heure actuelle, qui répondent à 20 p. 100 des besoins, sont la bonne formule—il vous faudrait juste cinq fois plus d'argent—ou est-ce qu'en fait, ce n'est pas une solution aussi bonne que cela?

• 1205

Voilà donc deux questions. L'une porte sur les logements eux-mêmes, et je me demande s'ils pourraient être mieux conçus de façon à éviter ce genre de problèmes à l'avenir ou à réduire les frais qu'ils entraînent, et la deuxième concerne la façon dont nous opérons à l'heure actuelle par l'entremise du MAINC et de la SCHL, et je me demande si l'on doit chercher une meilleure formule.

M. Normand Hawkins: Je ne suis pas ingénieur; je suis comptable agréé, mais il y a ici un ingénieur qui connaît bien la situation. M. Handa est professeur d'ingénierie à l'Université de Waterloo.

M. John Godfrey: Parfait, venez vous joindre à nous, monsieur.

M. Vir Handa (professeur d'ingénierie, Université de Waterloo): Les maisons sont construites selon de vieux plans conçus par le ministère des Affaires indiennes et du Nord, qui les utilise d'ailleurs, je crois, encore aujourd'hui dans tout le pays. Nous les avons modifiés pour répondre à nos propres exigences.

Ce n'est pas la conception des maisons qui pose problème; c'est le fait que trop de monde y loge. La quantité d'humidité que cela génère est totalement disproportionnée par rapport à la capacité d'absorption des maisons. Je vais vous donner un exemple très simple. La maison dans laquelle nous habitons va probablement durer 50 ans parce qu'elle est habitée par trois ou quatre personnes. Multipliez trois par 50, cela donne 150. Prenez ce chiffre, 150, et divisez-le par 10 et cela ne donne que 15; c'est là où est le problème fondamental. La pénurie de logements, c'est cela le vrai problème. Quant au problème que pose l'humidité, il ne va pas s'arranger, au contraire, les choses vont empirer.

M. John Godfrey: Mais ces maisons que vous décrivez avec ces...

La présidente: Excusez-moi, pourriez-vous juste nous donner votre nom, s'il vous plaît, pour que cela soit enregistré au compte-rendu?

M. Vir Handa: Je m'appelle Vir Handa. J'ai été engagé par les Cris à titre d'expert-conseil. Je suis ingénieur de formation.

La présidente: Merci.

Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: Je veux être sûr de bien comprendre. Vous dites que la façon dont les maisons sont conçues—à partir des plans du ministère des Affaires indiennes et du Nord, qui ont été modifiés, ici et là à travers le pays, et qui restent les plans de base que vous utilisez—n'est pas mauvaise, à condition qu'il n'y ait pas plus qu'un certain nombre de personnes qui vivent dans ces maisons, parce que, par exemple, le déshumidificateur ou plutôt l'échangeur d'air...

M. Vir Handa: C'est insuffisant. Non seulement cela, mais ces maisons n'ont qu'une salle de bain, alors que dix personnes y vivent. Les conditions sont totalement différentes. Si nous voulions installer plus de salles de bain, cela augmenterait le coût des maisons, et nous n'avons pas assez d'argent pour faire cela également.

Par ailleurs, nous ne savons pas à quelle famille la maison que nous construisons va être attribuée, parce que ce sont les communautés elles-mêmes qui décident.

La présidente: Monsieur Godfrey.

M. John Godfrey: C'est un point intéressant dont il faudra que nous nous rappelions quand nous étudierons cela en détail plus tard. Je me demande, chef Moses, si vous pouvez nous aider un peu et nous dire si ce qu'il faut, c'est tout simplement faire plus que ce que nous faisons à l'heure actuelle—parce que combler 20 p. 100 des besoins ne règle que 20 p. 100 du problème—ou bien si nous devons procéder autrement?

M. Vir Handa: Puis-je intervenir brièvement pour vous répondre?

L'autre question concerne les logements privés.

M. John Godfrey: Oui.

M. Vir Handa: Il n'y a pas seulement le coût de la maison. Il faut aussi mettre en place l'infrastructure, et un particulier qui fait construire sa propre maison devra également s'occuper lui-même de l'infrastructure. Par conséquent, il faut non seulement payer la maison, qui coûte déjà une fois et demie plus cher qu'une maison construite ici, mais il faut aussi prévoir l'achat d'une parcelle de terrain...

M. John Godfrey: Viabilisée.

M. Vir Handa: ... où il y a une arrivée d'eau et un égout. Quand j'en ai discuté avec les responsables du ministère des Affaires indiennes, la façon dont il voyait les choses était celle-ci: nous, nous posons les tuyaux et après, vous vous débrouillez. On ne peut pas s'en tenir là. Il faut construire des routes. Il faut mettre en place tout ce qui va avec cette parcelle de terrain—et nous n'avons pas assez d'argent pour le faire. Pour un particulier, cela veut dire qu'avant de pouvoir construire sa maison, il devra construire une partie de la route et toute l'infrastructure.

La présidente: Monsieur Godfrey, il vous reste une minute.

Monsieur Moses.

Le grand chef Ted Moses: Oui, merci.

Selon moi, il faut également prendre en considération le fait que, là où nous vivons, c'est le Grand Nord, et que les conditions climatiques sont beaucoup plus rigoureuses qu'ailleurs au Canada, ce qui pourrait également contribuer à l'humidité qui règne dans nos maisons et à la moisissure qui s'y forme.

Je pense qu'il faut prendre en compte l'endroit où l'on construit et essayer de concevoir une maison dans cette perspective. Il est inutile d'essayer de construire une maison... Lorsque j'étais plus jeune, j'ai vu des maisons qui avaient été construites par le ministère des Affaires indiennes dans d'autres communautés cries, et c'était des maisons qui, normalement, auraient été construites dans des régions comme la Floride. Il y faisait froid, je peux vous le dire. Le revêtement isolant était tombé par terre. C'est un exemple qui est peut-être un peu poussé, mais il reste que pour concevoir une maison, il faut prendre en considération la région dans laquelle elle va être située et les conditions climatiques qui règnent dans le Nord, ainsi que le nombre de personnes qui vont l'occuper.

• 1210

La présidente: Merci.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci, madame la présidente.

D'abord, je voudrais vous remercier d'être venu aujourd'hui faire cette présentation. Je ne suis pas ingénieur, je ne suis pas un spécialiste, mais je pense qu'on n'a pas besoin d'avoir un doctorat en ingénierie pour faire une relation directe entre les conditions d'habitation et la santé des gens qui vivent dans ces conditions. Les photos que vous avez présentées, en particulier celle de la jeune fille, ne peuvent que révolter la plupart des gens qui regardent le résultat de ces constructions.

En revanche, j'aurais quelques questions à poser puisqu'on a parlé de régler le problème, mais qu'on n'a pas déterminé de coût. Pour l'ensemble de la nation crie, j'aimerais savoir de combien d'argent on parle en ce qui concerne les 2 250 nouvelles unités dont le chef Moses a parlé. De combien d'argent parle-t-on pour ces unités et pour les infrastructures qui, apparemment, seraient également nécessaires pour avoir des conditions d'habitation raisonnables pour une population comme la population du Canada?

[Traduction]

La présidente: Chef Moses.

Le grand chef Ted Moses: Je vais demander à Norm Hawkins de répondre à cette question.

La présidente: Monsieur Hawkins.

M. Normand Hawkins: Il y a un peu plus d'un an, nous avons fait une évaluation des coûts, avec l'aide, notamment, de M. Handa. Pour les neuf collectivités cries de la région, les coûts sont les suivants: environ 281 millions de dollars pour construire de nouveaux logements et rattraper le retard qui a été pris en la matière; environ 83 millions de dollars pour l'infrastructure; 31,5 millions de dollars supplémentaires pour remplacer les maisons «malades»—dont vous venez de voir les photographies, parce qu'il y en a aussi dans certaines autres collectivités, pas uniquement à Chisasibi—plus 31 millions de dollars pour rénover certaines des maisons plus anciennes. Au total, cela fait des coûts d'immobilisations de 427 millions de dollars. Il ne s'agirait pas nécessairement d'une somme à débourser dans sa totalité. Habituellement, la construction domiciliaire bénéficie—pour à peu près la moitié du coût—de prêts consentis par la SCHL. Donc, en ce qui concerne les 281 millions de dollars, à peu près la moitié de cette somme serait couverte par des prêts de la SCHL.

Malheureusement, le programme de la SCHL a un plafond. À l'heure actuelle, la somme que les Cris peuvent obtenir de la SCHL tous les ans, comme l'a dit le chef Ted Moses, ne nous permet en fait de couvrir qu'environ 20 p. 100 des besoins.

Il faut que le programme de la SCHL soit complété par d'autres ressources. La construction domiciliaire privée ferait quelque peu baisser les coûts, mais à l'heure actuelle, il n'y a pas beaucoup de Cris qui ont les moyens de se payer leur propre maison.

Il faut d'abord que les conditions économiques s'améliorent. Actuellement, peut-être que 15 p. 100 des besoins peuvent être couverts par la construction domiciliaire privée; c'est juste une approximation. Avec un peu de chance, ce pourcentage augmenterait si les conditions économiques s'amélioraient. Dans l'état actuel des choses, la plupart des gens comptent sur les logements sociaux.

La présidente: Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: On nous a montré des statistiques assez impressionnantes sur les jeunes de la nation crie, et le chef Moses parlait de 2 250 nouvelles unités pour les cinq prochaines années. Ce montant de 427 millions de dollars est-il pour les cinq prochaines années, ou pour encore plus d'années, monsieur Hawkins?

[Traduction]

La présidente: Monsieur Hawkins.

M. Normand Hawkins: Je vous répondrais en vous disant que cette somme nous permettrait de rattraper le retard que nous avons pris et de répondre aux besoins des nouvelles familles qui, selon nos estimations, devraient être fondées au cours des cinq prochaines années. C'est la somme qu'il faudrait pour résoudre le problème sur une période de cinq ans.

• 1215

Mais évidemment, cela ne résoudra pas le problème une fois pour toutes. De nouvelles familles vont être fondées probablement au même rythme pendant les cinq ans qui vont suivre et les cinq autres après cela. C'est une chose qu'il est facile de démontrer à partir des données démographiques sur la Nation crie. Le Dr Harris-Giraldo a mentionné qu'au sein de la population crie, il y avait énormément de jeunes, des gens de moins de 30 ou 20 ans, et des plus jeunes.

[Français]

M. Richard Marceau: Parmi celles qu'on a vues, y a-t-il des maisons qui devront être complètement détruites parce qu'il n'est pas possible de les rénover, et si c'est le cas, comment va-t-on s'y prendre? Je n'y suis jamais allé et j'espère un jour y aller. Est-ce qu'il faudrait, à certains endroits, raser plusieurs maisons pour en construire de nouvelles pour bénéficier de l'infrastructure déjà existante? Même l'infrastructure est déficiente. Faudrait-il simplement raser et construire ailleurs? Comment ça fonctionne?

[Traduction]

M. Normand Hawkins: Vous venez de mettre le doigt sur un dilemme auquel sont confrontés la chef et le conseil de Chisasibi, car fondamentalement, il serait recommandé de condamner ces maisons—et il y en a environ 179—, mais il n'y a aucun endroit où l'on pourrait loger les gens qui y habitent. On ne peut pas les faire vivre sous une tente lorsqu'il fait moins 40 degrés Celsius. Et à l'heure actuelle, il n'y a pas d'argent pour construire 180 unités de logement.

Les Cris ont eu recours à tout un tas de solutions pour parer au plus pressé, et ils font de leur mieux avec le peu d'argent qu'ils ont, mais cela ne résout pas le problème. Les ingénieurs me disent que lorsque des maisons sont ainsi infestées par la moisissure, il n'y a qu'une solution, démolir et tout brûler.

Donc, quand je parle de rénover, il ne s'agit pas de ces maisons-là. Le nombre que je vous ai cité est celui des maisons à remplacer.

La présidente: Je pense que la chef Violet Pachanos veut ajouter quelque chose.

La chef Violet Pachanos: Oui, c'est une des recommandations qui ont été faites, démolir complètement ces maisons et les reconstruire. Nous avons déjà fait cela. Nous avons reconstruit environ 50 maisons, ce qui nous a coûté à peu près 13 millions de dollars; c'était de l'argent qui venait d'Hydro-Québec, pas du gouvernement. Il reste encore beaucoup de maisons à reconstruire.

La présidente: Très bien. Merci.

Je donne maintenant la parole à M. Martin.

M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, madame la présidente, et merci à vous tous de nous avoir fait un exposé fort intéressant sur ce qui est évidemment un problème très urgent.

De par mon métier, je connais bien le bâtiment. Je suis compagnon charpentier. Je comprends certains des détails techniques que vous nous avez donnés.

Toutefois, toujours du point de vue technique, il y a une chose qui me laisse perplexe: comment se fait-il que la quantité d'humidité ait un effet aussi néfaste. Il doit y avoir autre chose, un défaut des pare-vapeurs ou des éléments structurels mis en place pour pouvoir les utiliser.

La présidente: Monsieur Handa.

M. Vir Handa: Foncièrement, ce sont des maisons répondant aux normes R-2000. D'une certaine façon, elles sont trop isolées, ce qui empêche l'élimination de l'humidité. Par conséquent, l'humidité reste à l'intérieur. Nous installons des équipements pour l'éliminer, les échangeurs d'air, mais ils ne sont efficaces que jusqu'à un certain point, car ils n'ont pas une capacité suffisante pour éliminer la quantité d'humidité qui s'accumule.

Deuxièmement—c'est dans l'ordre des choses—, dans des logements où il y a déjà trop de monde, lorsque le système de ventilation commence à faire du bruit, on a tendance à l'éteindre. Donc, le surpeuplement est la source de tous ces autres problèmes. Si l'on pouvait trouver une solution à cela, je pense qu'un certain nombre de problèmes commenceraient à disparaître.

Pour répondre à l'autre question, il n'y a pas ailleurs, de toute façon, l'infrastructure requise pour construire. Donc, toutes les nouvelles maisons que nous construisons après avoir démoli celles qui existent, ce que nous faisons pratiquement dans toutes les communautés, sont bâties sur la même infrastructure.

• 1220

M. Pat Martin: Revenons au coeur du problème, la construction de nouvelles unités: à franchement parler, je trouve que la somme requise pour répondre aux besoins de votre communauté n'a rien d'astronomique, vu les excédents que dégage actuellement le gouvernement.

Je manque rarement de faire remarquer aux gens qui se présentent devant nous pour signaler de réels besoins au sein de la société que le régime d'A-C, pour ne citer que lui, dégage un excédent de 750 millions de dollars par mois—pas par an, par mois. Donc, la construction de 2 250 unités de logement, qui répondent à un besoin, à un coût total de 427 millions de dollars ne prend que la moitié de l'excédent dégagé par ce seul programme. Par conséquent, si on le voulait vraiment, il y aurait certainement les ressources nécessaires pour mener à bien ce projet.

J'ajouterais cependant ceci: si on établissait un programme quinquennal pour construire deux ou trois mille unités de logement, sur quelles compétences pourrait-on compter au sein même de la communauté pour construire ces logements? Envisagez-vous un programme qui permettrait de créer des emplois sur place plutôt que d'aller embaucher des entrepreneurs qui, naturellement, ne connaissent pas bien le climat, ni les besoins de la communauté? Avez-vous lancé un quelconque projet pour que les membres de votre communauté acquièrent une formation dans les métiers spécialisés de la construction?

La présidente: Chef Moses.

Le grand chef Ted Moses: Merci, monsieur Martin. Je vais réagir à la première partie de votre intervention et ensuite, essayer de répondre au deuxième point que vous avez soulevé.

J'aimerais rappeler que c'est un problème qui s'est fait jour parce que le même niveau de financement n'a pas été maintenu. Nous avions l'habitude de construire environ 120 maisons par an lorsque notre population comptait entre 4 et 5 000 personnes de moins de qu'aujourd'hui. Elle a doublé; il y a 25 ans, nous étions 6 500. Nous nous attendons à ce que notre population double dans les dix années à venir, car il y a beaucoup de jeunes.

Le problème dont nous parlons aujourd'hui est le résultat d'un financement insuffisant. Si les mesures de financement qui nous permettaient de construire 120 unités avait été maintenues, je pense que nous parlerions aujourd'hui d'un problème qui n'aurait pas du tout la même envergure.

En ce qui concerne les ressources humaines, elles existent. Nous avons des tas de gens compétents qui ont déjà construit des maisons. Les quelque 2 000 unités qui ont été construites dans nos communautés l'ont toutes été par des Cris. Nous avons des charpentiers, des spécialistes du matériel lourd et de nombreux manoeuvres qui cherchent actuellement du travail. Nous avons des gens formés dans les métiers spécialisés, des plombiers, des électriciens et des spécialistes de la ventilation, ainsi que des gens qui ont acquis une certaine expérience en gestion de projet.

Ces 15 dernières années, dans toutes les communautés, on a construit des maisons avec l'argent qui était disponible.

Il y a donc chez nous des gens qui ont beaucoup d'expérience, qu'il s'agisse de s'occuper des documents administratifs ou d'émettre le certificat de fin de travaux, enfin de faire tout ce que cela implique. Quand vous construisez des maisons... si 2 250 unités étaient construites au cours des cinq prochaines années, pensez aux emplois qui seraient créés et à l'amélioration des conditions économiques dont pourrait jouir la communauté crie.

Par ailleurs, une chose importante est à noter: les gens pensent en général que les Cris reçoivent beaucoup d'argent du gouvernement fédéral, et que cet argent reste dans la communauté crie, mais ce n'est pas le cas. Notre député le sait, mais je dirais qu'environ 75 p. 100 de ce que les Cris reçoivent bénéficient à la région, car nous sommes des consommateurs et nous achetons des services dans la région de l'Abitibi. Des villes comme Val-d'Or, même Montréal, en bénéficient. Ce n'est donc pas un type d'aide ou d'avantage réservé exclusivement aux Cris et aux Autochtones; il y a des retombées dans d'autres municipalités, notamment celles de la région.

Mais c'est aussi une aide qui sert à créer des emplois dans le bâtiment. Elle génère certains débouchés, contribue à améliorer la situation économique des familles et, par ricochet, a d'autres résultats positifs, puisque cela permet aux gens de payer leur loyer, ou les arriérés, ce genre de chose.

La présidente: Merci, monsieur Martin.

Monsieur St-Julien.

• 1225

[Français]

M. Guy St-Julien: Merci, madame la présidente.

Il s'agit, pour moi, d'une question d'honneur et de justice. Il faut trouver des solutions aux problèmes de ceux qui sont nos amis et nos voisins. Ils se sont déplacés pour venir nous parler. Il ne s'agit pas d'une hallucination, vous avez bien devant vous des chefs de toutes les communautés cries du Québec et du Canada. Ils viennent de Chisasibi, de Waswanipi, Nemaska, Waskaganish, Eastmain, Wemindji, Whapmagoostui, Mistissini et Oujé-Bougoumou. Je veux faire un commentaire et poser une question. Toutes les belles paroles, les belles promesses et les beaux principes énoncés depuis 1990 doivent prendre, de toute urgence, la forme de mesures concrètes adoptées par le gouvernement du Canada. Encore aujourd'hui, je crois que certaines personnes qui travaillent dans les ministères sont comme des ermites: elles ne savent pas ce qui se passe dans certaines communautés cries au Canada et au Québec.

Celles-ci connaissent encore aujourd'hui de très grands problèmes sociaux et je trouve cela affligeant. Nous possédons des études. La Commission Crie-Naskapie a déterminé que la situation à Chisasibi était urgente. La chef Mme Violet Pachanos est d'ailleurs ici aujourd'hui. Et on vit des situations semblables dans toutes les autres communautés, on vit les mêmes problèmes sociaux. Si le gouvernement du Canada est capable de donner des millions de dollars à des musées canadiens et d'accorder des millions de dollars pour l'habitation dans les forces armées canadiennes, je trouve étrange que des fonctionnaires, qui ont écrit au mois de juillet 2000 à la chef Violet Pachanos pour essayer de trouver des solutions, ne trouvent pas de solution aujourd'hui; je dirais même qu'ils retardent la solution des problèmes.

Ma question s'adresse à Mme Pachanos et à tous les autres chefs cris, dont M. Ted Moses. Croyez-vous que les représentants de tous les ministères concernés, les ministères de la Santé, des Travaux publics et des Affaires indiennes, devraient rendre visite à toutes les communautés cries de la Baie James pour prendre conscience immédiatement de ce qui se passe, ce mois-ci ou le mois prochain, afin de trouver des solutions cette année? Cela est urgent. Croyez-vous qu'il s'agit d'une crise qui non seulement vous touche, mais touche aussi toutes les autres communautés cries de la Baie James?

[Traduction]

La présidente: Chef Pachanos.

La chef Violet Pachanos: Je vous répondrais oui, ces gens-là devraient venir et se rendre compte eux-mêmes des conditions dans lesquelles nous vivons, comme vous l'avez fait vous-même. La plupart des gens ne viennent pas, ils entendent bien parler de ces problèmes, mais ils ne croient pas que c'est vrai. On croit ce qu'on voit. Alors, les gens devraient effectivement venir et se rendre compte eux-mêmes.

La présidente: Chef Moses.

Le grand chef Ted Moses: Merci.

En réponse au député, je dirais oui, tout à fait. Nous invitons les fonctionnaires des divers ministères concernés, nous invitons les ministres dont M. St-Julien a parlé. Nous invitons certainement le ministre des Affaires indiennes à venir rendre visite aux communautés cries, notamment à Chisasibi.

Cela fait de nombreuses années que nous essayons de résoudre le problème du logement, mais nous avons seulement abouti à ce que l'on nous réponde que... Je peux le dire, car j'étais présent à la réunion que le ministre Irwin avait organisée, avec Jane Stewart, maintenant remplacée par M. Nault, et également en d'autres occasions auparavant, lorsque nous avons essayé de régler tous nos problèmes de logement. On nous a répondu: Nous n'avons pas le mandat nécessaire pour le faire. J'ai dit: Eh bien, mesdames et messieurs les fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes, obtenez-le, ce mandat.

M. Richard Marceau: Qui détient ce mandat?

Le grand chef Ted Moses: Un représentant du ministère des Affaires indiennes qui faisait partie de l'équipe de négociation nous a dit qu'il n'avait pas le mandat nécessaire pour traiter cette affaire. Bref, il a fini par avoir ce mandat. Ensuite, il nous a dit: Non, nous n'avons pas l'obligation de fournir des logements aux Cris; montrez-nous où cela est stipulé dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois, documentez votre demande si vous voulez que nous intervenions.

Ensuite, c'est la SCHL qui nous a dit: Ah, mais il ya un plafond à l'aide que nous vous accordons, nous avons une politique, nous ne pouvons pas vous donner plus que ce que vous recevez dans le cadre du programme actuel—ce qui est déjà insatisfaisant et insuffisant. Alors, comment pouvons-nous essayer de prendre nos responsabilités pour régler le problème, alors que de l'autre côté, du côté du gouvernement, on nous dit: Non, nous n'avons pas le mandat voulu ou nous n'avons pas cette obligation, même si elle est clairement stipulée dans la Convention? J'en ai parlé au début de la séance. La loi impose une responsabilité spéciale au gouvernement du Canada vis-à-vis les Cris. Il n'existe aucun texte législatif du même genre au Canada.

• 1230

Deuxièmement, dans la Convention de la Baie James et du Nord québécois, à l'article 28, on trouve des dispositions portant sur l'infrastructure, le développement communautaire. Toute la Convention repose sur l'idée d'offrir des débouchés aux Cris—soit dans le cadre de leur mode de vie traditionnel, soit dans le contexte de l'économie moderne basée sur les salaires—et de permettre aux communautés de se développer aux conditions où nous voulons que ce développement ait lieu.

C'est ce que nous avait promis le ministre des Affaires indiennes de l'époque, Judd Buchanan, dans les lettres d'engagement du gouvernement fédéral qui datent de 1974 et 1975. En 1985, nous avons conclu un accord sur le logement avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord et la SCHL; c'est un contrat de cinq ans, renouvelable avant qu'il arrive à terme.

À l'époque, le gouvernement du Canada avait inclus dans ses obligations le règlement du problème du logement; ensuite, il est revenu sur sa promesse et s'est dégagé en disant que cela ne faisait pas partie de ses obligations ni de son mandat. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, pour parler d'un problème qui a pris les proportions d'une crise. Je dis que c'est une bombe à retardement, et c'est vrai. Je ne sais pas où cela va nous mener si on ne trouve pas une solution immédiatement.

La présidente: Monsieur St-Julien, vous avez une minute et demie.

[Français]

M. Guy St-Julien: Monsieur le grand chef Ted Moses, l'année dernière, vous aviez rendu visite à Pita Aatami et aux Inuits, au Nunavik, et vous les aviez félicités d'avoir obtenu 50 millions de dollars de chacun des gouvernements du Canada et du Québec, ce qui fait un total de 100 millions de dollars, pour la construction de maisons dans le Nunavik. Vous étiez content et heureux, et vous m'aviez dit, au retour, que ce serait maintenant votre tour d'obtenir des maisons pour vos familles, pour les jeunes, etc. Vous attendez toujours.

Je suis fâché contre mon gouvernement qui ne se réveille pas, qui est prêt à envoyer de l'argent dans d'autres pays pour aider à résoudre des problèmes. Il faudrait commencer chez nous. Vous étiez heureux que les Inuits reçoivent de l'argent. Que vous disent les ministres aujourd'hui? Que disent-ils de ce plan d'urgence que vous leur proposez depuis des années? Qu'attendez-vous d'eux? Des actions immédiates?

[Traduction]

Le grand chef Ted Moses: Tout à fait, monsieur St-Julien, je suis allé au Nunavik et j'ai félicité mon homologue dans cette région d'avoir signé un accord, une entente bilatérale Canada-Québec, qui couvrait la construction de logements dans les 16 communautés inuites. La raison qui m'a été donnée lorsque j'ai soulevé la question avec certains ministres a été la suivante: Nous avons une obligation envers les Inuits en vertu de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. J'ai répondu que nous avions signé la même Convention. Nous avons signé, avec le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, la même Convention que celle qu'ont signée les Inuits du Nord du Québec. J'ai fait remarquer à mes interlocuteurs que si le gouvernement estimait avoir l'obligation de fournir des logements aux Inuits, son obligation à cet égard envers les Cris était la même.

Nous attendons toujours. Nous n'avons eu aucune réponse officielle, sauf une information documentaire qui a été envoyée il y a juste quelques semaines, le 6 mars 2001. En réponse à la lettre de la chef de Chisasibi, datée le 21 novembre 2000, on nous dit:

    Malheureusement, comme nous l'avons mentionné à la réunion, il n'existe pas de programme gouvernemental fédéral s'appliquant directement à la contamination due à la moisissure [...] [...] votre requête au ministère des Affaires indiennes et du Nord (MAINC) en demandant que vos revendications soient reconsidérées dans le contexte de la santé.

C'est donc le genre de... Cette lettre est signée par un gestionnaire régional, et c'est la réponse la plus récente que nous avons eue, tout cela pour nous dire qu'il n'existe pas de programme pour régler le problème de la moisissure. Peut-être n'est-ce pas un problème national, mais s'il touche uniquement notre communauté, il affecte la santé de tout notre peuple.

• 1235

[Français]

M. Guy St-Julien: J'ai un rappel au Règlement.

[Traduction]

La présidente: Le temps qui était imparti de ce côté a été largement dépassé, je vais donc donner à l'Alliance canadienne la possibilité de s'exprimer au cours des trois prochaines minutes.

M. David Chatters (Athabasca, AC): Non merci.

La présidente: Bon.

Je donne la parole à M. Serré, pour les trois prochaines minutes.

M. Benoît Serré: Madame la présidente, j'aimerais que nous ayons copie de cette lettre, si le comité est d'accord.

Je tiens à vous remercier d'avoir accepté de comparaître devant nous pratiquement au pied levé. J'ai appuyé sans réserve M. St-Julien lorsqu'il a demandé que nous invitions tout d'abord des représentants de la Nation crie. Nous allons rencontrer le conseil national...

[Note de la rédaction: Difficultés techniques]

J'espère que cela n'a pas raccourci mon temps de parole, madame la présidente.

Il faudrait être aveugle pour ne pas convenir que nous faisons face à une crise du logement d'envergure nationale, car elle touche non seulement la Nation crie, mais tout le pays. J'ai rendu visite à de nombreuses Premières nations dans tout le Canada. En fait, je suis allé chasser le caribou sur votre territoire deux années de suite, et j'apprécie vraiment ces vastes étendues et le climat, qui ne m'est pas inconnu puisque je viens du nord de l'Ontario. Il y a de nombreuses Premières nations dans le nord de l'Ontario, et elles font face à de gros problèmes de logement.

C'est une question de principe. Je pense que notre gouvernement devrait définitivement faire davantage en ce qui concerne le logement des Autochtones. Si nous pouvons dépenser 500 millions pour réaménager le secteur riverain de Toronto, je pense que nous pouvons dépenser 500 millions pour loger les Autochtones, et les obligations, les traités ou les conventions n'ont rien à voir à l'affaire. À mon avis, que nous ayons ou non une telle obligation en vertu de la Convention de la Baie James n'a aucune importance. Selon moi, le gouvernement de ce pays est dans l'obligation de veiller au bien-être de la population partout au pays.

Cela dit, je m'en voudrais d'injecter 500 millions dans des projets domiciliaires si le problème doit se répéter dans 20 ans. De plus, ce qui me préoccupe un peu, c'est la qualité de ces logements—et cela ne concerne pas particulièrement les communautés des Premières nations; le problème existe dans tout le pays. À mon avis, il y a un lien direct entre le fait de ne pas être propriétaire et la maintenance, l'entretien et la durabilité des logements en question. On peut le constater dans tout le pays. Quand les gens ne sont pas propriétaires, ils ont tendance à moins se soucier de leur logement. Et j'ai vu des projets domiciliaires, dans des communautés des Premières nations et ailleurs, se détériorer en 10 ans de temps. On investit de grosses sommes d'argent, on bâtit de très bons logements et dix ans plus tard, ils sont en très mauvais état. Alors qu'à deux pas, dans une communauté autochtone où les gens sont propriétaires de leur logement, tout est en parfait état.

Je ne sais pas comment on pourrait régler cette question, mais je crois que l'on devrait mettre au point un mécanisme pour accorder un avantage quelconque aux gens qui entretiennent leur habitation. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Le grand chef Ted Moses: Merci, monsieur Serré.

Je pense que nous devons nous montrer novateurs pour régler certains de ces problèmes. Souvent, des programmes sont créés par des gens qui ne savent pas quelle est la véritable situation sur le terrain, dans les communautés cries.

• 1240

Je crois que, dans une certaine mesure, votre analyse de la situation est bonne. Toutefois, à mon avis, que vous ayez un bon salaire ou que vous touchiez des prestations d'A-C ou d'assistance sociale, vous avez besoin d'un logement, particulièrement là où nous vivons, où les températures peuvent chuter à moins 50 et où on ne peut pas laisser des gens sans abri, dans la rue. Ce serait absolument inacceptable; ce serait inhumain.

Rien n'empêche le gouvernement ni la SCHL d'établir un programme de location avec option d'achat; je pense en fait que c'est peut-être la pièce du puzzle qui manque. À l'heure actuelle, il y a des logements sociaux, pour tenter de répondre aux besoins des économiquement faibles, et il y a le petit groupe de ceux qui souhaitent construire leur propre maison. S'ils n'ont pas le capital nécessaire, mais qu'ils acceptent l'idée de payer un loyer régulièrement pour pouvoir éventuellement devenir propriétaires, pourquoi pas? Je pense que ce serait une des solutions qui permettraient de résoudre certaines des questions que vous venez de soulever.

La présidente: Merci.

J'ai le nom de quatre députés qui ont trois minutes chacun pour s'exprimer, et je vais essayer de leur donner à tous la parole. Il y a M. Marceau, M. Binet, M. Chatters et M. Bagnell.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci, madame la présidente. Monsieur Moses, j'ai une question qui se rapporte à votre présentation.

Vous avez semblé affirmer, au cours de votre présentation, que le problème de l'habitation est un problème pressant, mais qui ne constitue qu'une partie d'un problème beaucoup plus large, à savoir la participation équitable des Cris à l'ensemble des activités économiques de la région 10 du Québec. Vous avez mentionné certains problèmes, entre autres la barrière linguistique. Je sais que vous n'avez que deux minutes pour répondre, mais pouvez-vous faire certaines propositions ou voyez-vous certaines pistes que l'on pourrait explorer pour en arriver à une participation équitable? Les Cris représentent 30 p. 100 de la population; ils devraient donc occuper 30 p. 100 des emplois. Cela me semble normal. Vous avez dit être en train de négocier avec Développement des ressources humaines du Canada. Pourriez-vous nous donner des exemples de pistes de solutions que vous voulez explorer? Si vous n'avez pas assez de temps en une minute et demie, pourriez-vous le faire dans un autre contexte?

[Traduction]

Le grand chef Ted Moses: Merci.

Nous étions sur le point de signer un accord avec Développement des ressources humaines Canada. Malheureusement, je pense que le ministère des Affaires indiennes est intervenu, et nous n'avons donc pas pu signer, mais nous étions sur le point de le faire. Cet accord est si détaillé que nous étions prêts à le signer. Comme vous pouvez le voir, nous nous sommes donc intéressés aux débouchés qui peuvent s'ouvrir dans le Nord. Ces débouchés ne peuvent pas être pleinement exploités par les Cris, à moins qu'on leur donne la formation nécessaire.

Par ailleurs, nous essayons également de faire de la construction domiciliaire le moteur du développement économique. Plutôt que d'envisager de tels projets sous l'angle des unités à construire et des dollars à dépenser, pensez à ce que cela pourrait représenter sur le plan de la contribution à l'économie. On pourrait mettre sur pied tout un programme pour pouvoir fabriquer, sur notre territoire, les divers éléments qui entrent dans la construction des maisons, au lieu de les acheter à la pièce. Et parallèlement, cela permettrait de faire travailler beaucoup plus de gens.

Il y a aussi la question du partage des ressources. Des projets de développement sont en cours dans le Nord du Québec, mais pour nous, c'est un marché de dupes. Le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada en tirent tous les avantages, par le biais de la TPS et des autres taxes, alors que ces projets sont lancés sur notre territoire. Pendant ce temps-là, pendant que les gouvernements en profitent à plein, les Cris souffrent, les Cris s'appauvrissent.

• 1245

Nous n'acceptons pas que les gouvernements puissent bénéficier de tous ces avantages, alors que nous ne sommes pas en mesure de combler nos besoins en matière de logement.

La présidente: Merci beaucoup.

Monsieur Binet.

[Français]

M. Gérard Binet (Frontenac—Mégantic, Lib.): Merci, madame la présidente. Je vous souhaite tous la bienvenue. Je remercie et félicite Guy d'avoir réussi à régler aussi vite un problème.

Je viens d'une famille de plusieurs enfants, dont plus de cinq ont habité et habitent encore la région de l'Abitibi. Ma soeur a inauguré le premier bureau de service social en Abitibi. Cela fait donc longtemps qu'on parle d'autochtones et d'amérindiens dans ma famille. Je possède aussi un centre de rénovation. Je connais donc bien les différents problèmes d'habitation, de climatisation et d'humidité.

La semaine passée, j'ai parlé à un de mes locataires qui travaille dans le domaine de l'habitation dans le Grand Nord depuis 25 ans. Il travaille à de gros projets avec les amérindiens et il m'a confirmé que le problème du logement y est très criant. Beaucoup d'habitations ont été mal construites et on a dû les refaire, repartir à zéro. Je possède une quincaillerie et, comme monsieur l'ingénieur l'expliquait, il est très difficile de contrôler le niveau d'humidité quand une habitation est surpeuplée. Si on utilise un système de ventilation, la plupart du temps quelqu'un le ferme à cause du bruit. Selon moi, il va falloir utiliser des systèmes de climatisation non mécaniques; il en existe. Il faut régler ce problème car l'humidité cause des problèmes de santé. Nous vivons la même situation dans notre région depuis que nous isolons de façon plus efficace. Nous économisons de l'énergie, mais notre santé s'en ressent.

Je tiens à vous dire que je suis sensibilisé à vos problèmes et que je vais travailler à les régler. Le gouvernement fédéral doit s'occuper bien sûr de plusieurs autres problèmes, mais il s'agit d'un problème criant et je vais tout mettre en oeuvre pour vous aider.

[Traduction]

La présidente: Bien. Merci. C'est plutôt un commentaire que vous venez de faire, et vous n'attendez pas de réponse.

[Français]

M. Gérard Binet: Ai-je encore du temps? Non, je n'ai pas de questions.

[Traduction]

La présidente: Bien. Merci.

Monsieur Chatters.

M. David Chatters: Merci, madame la présidente. Et merci à vous tous d'être venus discuter avec nous.

C'est clair, vous êtes confrontés à une situation de crise. Je ne pense pas que l'on puisse mettre cela en doute. Il faut régler le problème. Je vais faire quelques remarques dans la foulée de ce qu'a dit M. Serré. Comme M. Martin, j'ai quelques compétences dans le domaine de la construction, et en plus, j'ai été élevé dans une petite maison où, en plus de mes parents, vivaient neuf enfants. J'ai connu certains des problèmes que vous évoquez.

Dès le départ, je me suis demandé s'il n'y avait pas un problème d'une autre envergure à régler, s'il ne s'agissait pas d'autre chose que de tout simplement démolir de vieilles maisons et en construire de nouvelles. Il me semble inconcevable, étant donné que vous avez parmi vous des gens spécialisés dans les métiers de la construction, la plomberie, l'électricité et la ventilation, que ces problèmes de ventilation et de moisissure n'aient pas été traités il y a des années. C'est clair, il serait de loin préférable de dépenser 4 ou 5 000 $ pour remettre à neuf un échangeur d'air dans une maison, plutôt que de laisser cette maison se détériorer, comme cela a été évidemment le cas, au point que la seule chose à faire, c'est de la brûler et d'en construire une neuve. Il me semble qu'il faut chercher des solutions à ces autres problèmes, celui de la maintenance, par exemple. Il faut mettre en place un programme dès le départ, sinon, vous ne rattraperez jamais votre retard en construisant des maisons neuves.

• 1250

L'autre question que je voulais vous poser est la suivante: lorsque vous avez pensé à la façon de résoudre cette crise du logement—le coût et les options à envisager—avez-vous pris en considération la possibilité de construire des maisons plurifamiliales, du genre condominiums ou immeubles à appartements, où pourraient se loger beaucoup de gens. Avez-vous pris en considération les économies qui pourraient être ainsi réalisées, sur le plan de l'approvisionnement en eau, des égouts, du chauffage et, bien entendu, de la maintenance, qu'il pourrait être bien plus facile de contrôler dans ce genre d'habitation?

La présidente: Grand chef Moses.

Le grand chef Ted Moses: Oui. Je vais vous répondre en ce qui concerne le problème plus profond que vous avez évoqué et je demanderais à Norm de dire quelques mots sur la question des habitations plurifamiliales.

Oui, quand on examine les choses de plus près, on se rend compte qu'il existe un problème de plus grande envergure. J'en ai toujours été conscient, c'est un problème qui se pose aujourd'hui, mais qui existe depuis de nombreuses années et, à moins de faire quelque chose pour le régler, il va continuer à se poser et à provoquer des situations comme cette crise du logement, due à l'existence de maisons en très mauvais état dans les neuf collectivités cries. Il s'agit en fait d'un problème de marginalisation et d'exclusion.

Quand j'utilise ces mots, je veux dire que d'autres bénéficient des ressources que l'on peut tirer de nos territoires traditionnels. C'est vrai, des accords ont été conclus suite à nos revendications territoriales, et une indemnisation ponctuelle a été versée, mais cet argent disparaît malheureusement très très vite s'il n'est pas géré comme il faut. Pendant ce temps-là, ce sont les entrepreneurs et les gouvernements qui continuent de bénéficier de tous les avantages provenant de ces projets de développement.

Bref, pourriez-vous imaginer quelle serait la situation si les Cris pouvaient obtenir une part des ressources tirées de ces projets de développement, s'ils avaient leur part de ce qu'en tire le gouvernement du Canada, ou s'ils avaient leur part de ce que reçoit le gouvernement du Québec, des bénéfices de 1 milliard de dollars que génère chaque année Hydro-Québec? Alors, je pense que ce genre de problème n'existerait pas, parce que nous aurions les ressources nécessaires pour les régler et les moyens de répondre aux besoins de notre peuple.

Mais en attendant, puisque les choses ne fonctionnent pas de cette façon, nous continuons d'être confrontés à ces problèmes qui s'aggravent chaque année. Les gouvernements ne font que parer au plus pressé en ayant recours à des programmes standards qui, selon eux, devraient pouvoir s'appliquer de façon générale, dans tout le pays. Ce n'est pas la solution. Je pense que dans un contexte plus large, c'est là où se situe vraiment le problème.

Norm, puis-je vous demander de répondre à l'autre question?

M. Normand Hawkins: Oui. La première partie de la question portait sur la conception des bâtiments. Ils ont essentiellement été conçus pour des familles de taille moyenne, comptant quatre à cinq personnes. Le problème, c'est que l'on n'a jamais envisagé que 10, 12 ou 14 personnes vivent dans ces maisons. Le problème, c'est aussi que le financement des constructions neuves n'a pas suivi le rythme de la croissance démographique ni celui auquel de nouvelles familles ont été fondées.

Le résultat, c'est que les gens ont dû partager les logements qui existaient, et ainsi de suite. Par exemple, j'ai visité une maison à Chisasibi—en fait, une de ces maisons «malades»—et elle était occupée par quatre couples de jeunes mariés, chacun avec un bébé, qui vivaient tous ensemble dans une maison de deux chambres, parce qu'il n'y avait pas d'autre endroit où ils pouvaient habiter.

Quand nous avons envisagé un plan, nous avons exploré la possibilité de construire différentes unités de logement pour abriter des familles de tailles différentes, etc. Le problème, c'est que nous n'avons pas pu faire cela sur une base annuelle car, pour prévoir la façon dont vous allez loger la population, il faut que vous sachiez de combien de ressources vous allez pouvoir disposer, au total. Par exemple, ce n'est qu'en mai ou juin que nous savons quel va être le montant de l'aide accordée par la SCHL, et ce n'est qu'à partir de ce moment-là que l'on peut faire des plans et se mettre à construire, alors que la saison pendant laquelle on peut le faire est très courte. Nous avons essayé de faire rectifier cela depuis des années. Cela n'a aucun sens. Cela ne permet pas d'économiser de l'argent, en fait, on en gaspille de cette façon. Je pourrais continuer comme cela pendant longtemps. Je pourrais passer une semaine à vous parler de tous ces problèmes.

La présidente: Merci, monsieur Hawkins.

Monsieur Bagnell.

M. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Monsieur Harris, vous avez dit qu'il y a ici une dame qui voudrait nous parler de son cas personnel, et j'aimerais lui donner trois minutes pour témoigner.

• 1255

Mme Marion Sam-Cox (témoignage à titre personnel (interprétation)): Je salue tout le monde.

Commençons par le commencement. Quand nous sommes venus de l'île, en 1980, j'ai eu une maison neuve. Dès que j'ai emménagé dans ma nouvelle maison, je me suis mise à avoir de l'asthme et des difficultés à respirer. Cela ne m'était jamais arrivé avant que j'emménage dans cette maison. Je travaillais à l'époque, et bien des fois, je n'ai pas pu aller travailler parce que j'avais beaucoup de gros maux de tête et tout le temps des crises d'asthme. Je savais que c'était la maison qui me rendait malade, parce que je n'avais jamais eu ce genre de problème avant de déménager, et aussi parce que je n'avais pas l'habitude de vivre dans une maison où il y avait l'électricité.

Il fallait que j'aille à la clinique très souvent, et le docteur m'a finalement dit que c'était la maison qui me rendait malade, les matériaux qui avaient été utilisés pour la construire et la maison elle-même.

Mes enfants ont grandi et se sont mariés, mais ils sont tous restés vivre dans cette même maison. Mon état s'est aggravé, et une de mes filles m'a dit d'essayer d'avoir une autre maison. Ma fille pensait que peut-être c'était la maison qui me rendait malade, et elle m'a donc encouragée à demander une autre maison.

Il a fallu que j'attende 15 ans, de 1980 à 1995, avant de pouvoir déménager dans une autre maison.

• 1300

Les docteurs m'ont dit qu'il allait falloir que j'utilise des aérosols toute ma vie, ainsi que des médicaments. Mais lorsque j'ai déménagé dans la nouvelle maison, mon état s'est grandement amélioré, et j'ai cessé d'utiliser des aérosols et de prendre des médicaments. Après cela, c'est seulement lorsque j'avais un rhume qu'il fallait que j'utilise mes aérosols.

Cela faisait un an que j'étais dans ma nouvelle maison lorsqu'un de mes petits-enfants a eu une encéphalite. C'est une maladie infantile qui est fréquente parmi les Cris, notamment à Chisasibi. Je me suis rendu compte que rester dans l'ancienne maison aggravait l'état de mon petit-fils, et j'ai donc dit à mes enfants de venir habiter dans la nouvelle maison pour que mon petit-fils puisse vivre dans une maison propre.

La nuit même où je suis retournée dans mon ancienne maison, j'ai eu à nouveau une crise d'asthme, et j'ai vécu là pendant un an avant de finalement déménager encore. Pendant toute la période que j'ai passée dans cette vieille maison, j'ai été malade.

Mes enfants m'ont convaincue de revenir dans ma nouvelle maison, et mon état s'est amélioré immédiatement. Aujourd'hui, je n'ai plus de crise d'asthme. Je vis toujours dans cette nouvelle maison. Je pense que c'est parce que le système de ventilation est meilleur que je ne suis pas malade comme je l'étais auparavant.

J'aimerais vous dire quelque chose à propos de ces maisons. Il y fait très sec pendant l'hiver, et c'est un autre problème. J'ai dû acheter un humidificateur et après, je me suis sentie mieux, mais lorsque l'humidificateur est tombé en panne, j'ai recommencé à me sentir très mal.

Même s'il y a beaucoup de moisissure dans ces maisons, parce qu'elles sont chauffées à l'électricité, l'air est très sec, et les gens attrapent beaucoup de rhumes et de maux de gorge pendant l'hiver. Lorsque l'humidificateur est tombé en panne, j'ai recommencé à être malade. Je pense que l'humidificateur m'aidait à respirer plus facilement. C'était avant que j'emménage dans la nouvelle maison.

Les parents de mon petit-fils qui souffre d'une encéphalite sont retournés vivre dans la vieille maison, parce que leur enfant est maintenant à l'hôpital. Mais je ne suis pas trop contente que qui que ce soit habite cette vieille maison d'où j'ai déménagé. C'est tout ce que j'avais à dire. Je pourrais en dire beaucoup plus si je voulais, mais c'est tout.

• 1305

La présidente: Je remercie infiniment notre aînée, Marion Sam-Cox. J'aimerais également remercier Janir Pachanos d'avoir servi d'interprète.

Nous arrivons au terme de cette réunion. Je remercie tous les membres du comité d'y avoir participé.

Je tiens à vous rappeler que mardi prochain, nous accueillons des fonctionnaires, et je sais que vous allez pouvoir préparer beaucoup de questions après avoir entendu nos invités décrire leur situation.

Encore une fois, je les remercie d'avoir apporté leur témoignage personnel. Naturellement, nous sympathisons avec eux, vu les conditions dans lesquelles ils vivent, et nous allons, je crois, avoir des questions très pointues à poser aux témoins qui comparaîtront lors des deux prochaines réunions du comité. Une de ces réunions est prévue pour jeudi, c'est celle où nous accueillerons les représentants de l'APN et d'ITC, et mardi, ce sera le tour des fonctionnaires. Nous remercions tous les intervenants.

M. Benoît Serré: Madame la présidente, j'aimerais faire une brève observation. Cela va prendre 15 secondes.

La présidente: Monsieur Serré.

M. Benoît Serré: Je voulais juste dire que je comprends le problème qui se pose lorsqu'il y a trop de monde dans une maison. Mon père a eu 16 enfants. Nous n'étions pas trois dans la même chambre, mais trois dans le même lit. Pouvez-vous imaginer ce que c'est, neuf garçons dans la même chambre. Mais il y avait un bon côté à la chose, nous nous tenions chaud pendant la nuit, parce que chez nous aussi, il faisait très froid.

La présidente: J'aimerais donner très brièvement la parole au chef Moses.

Le grand chef Ted Moses: Je tenais à vous remercier, madame la présidente, de nous avoir entendus et de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer. Au nom du Grand Conseil des Cris, représentant les neuf communautés cries, au nom de la Nation de Chisasibi, dont la chef a comparu devant vous, je tiens à vous remercier, à remercier M. Guy St-Julien, notre député, ainsi que les membres du comité permanent, de nous avoir posé toutes ces questions.

Pour conclure, j'aimerais inviter les membres du comité permanent à venir à Chisasibi et dans les autres communautés cries, et à aller également au Nunavut pour se faire eux-mêmes une idée de la crise du logement, pour voir ce dont nous parlons. Il est peut-être impossible que tous les membres du comité permanent se déplacent, mais je pense qu'il serait utile d'envoyer une petite délégation en mission. S'il était possible d'arranger cela avec le bureau du ministre, le ministre des Affaires indiennes, ou le ministre responsable de la SCHL, nous pourrions nous en occuper. Un voyage de cette nature durerait deux ou trois jours. Quoi qu'il en soit, nous vous lançons cette invitation.

Meegwetch. Merci beaucoup.

La présidente: Merci beaucoup.

La documentation qui nous a été transmise par les témoins sera distribuée à tout le monde. Nous avons tout envoyé aux services de traduction pour avoir une version française. Merci beaucoup.

La séance est levée.

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