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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 23 novembre 1999

• 0938

[Traduction]

Le vice-président (M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.)): Bonjour à tous. Le président du comité, Bill Graham, est actuellement à bord d'un avion et devrait nous rejoindre dans une vingtaine de minutes.

L'honorable Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Je me demandais s'il se passait quelque chose.

Le vice-président (M. Deepak Obhrai): Mme Beaumier est absente également et c'est pourquoi j'ai l'honneur d'occuper la présidence aujourd'hui.

Nous avons devant nous une brochette fort intéressante de témoins, nous allons donc procéder comme d'habitude. Je vais les inviter à se présenter et à nous faire leur exposé, après quoi nous passerons aux questions.

Messieurs, veuillez vous présenter. D'après la liste que j'ai ici, c'est Paul qui doit commencer. Paul, est-ce vous qui allez faire l'exposé?

M. Paul Kovacs (vice-président-directeur, Élaboration des politiques, Bureau d'assurance du Canada): C'est M. Quenneville qui parlera au nom de notre groupe.

Le vice-président (M. Deepak Obhrai): Entendu.

[Français]

M. Jules R. Quenneville (président et chef de direction, Guarantee Company of North America, Bureau d'assurance du Canada): Je m'appelle Jules Quenneville et je suis de la Guarantee de Montréal.

• 0940

[Traduction]

Bonjour. Nous sommes heureux de l'occasion qui nous est donnée de présenter notre avis au comité aujourd'hui au nom des assureurs du Canada.

Je m'appelle Jules Quenneville et je suis président et chef de direction de La Garantie, Compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord. Nous sommes au service des Canadiens depuis 1872 et nous appartenons à l'Association internationale des assureurs-crédit. Je préside également le Comité d'assurance-crédit du Bureau d'assurance du Canada.

Je suis accompagné aujourd'hui de M. Bob Labelle, vice-président-directeur et mandataire principal de Euler assurance-crédit ACI, dont le siège est à Montréal. Le groupe Euler est le plus grand fournisseur d'assurance-crédit au monde et le plus important fournisseur d'assurance-crédit intérieur au Canada. Le groupe Euler fait également partie de l'AIAC.

Je suis également accompagné de M. Paul Kovacs, vice-président-directeur du Bureau d'assurance du Canada.

Le BAC est le porte-parole des assureurs privés canadiens. Les sociétés qui appartiennent à cette association professionnelle fournissent plus de 95 p. 100 des polices d'assurance vendues au pays.

J'ai une courte déclaration à lire, après quoi je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.

Les assureurs canadiens croient que le gouvernement fédéral devrait établir un nouveau partenariat en vertu duquel la Société pour l'expansion des exportations et les institutions financières privées commenceraient à travailler ensemble pour mieux répondre aux besoins des exportateurs canadiens. À ce chapitre, la politique générale du Canada est à la remorque des améliorations à apporter par les autres pays de l'OCDE. Nous devrions aligner nos politiques sur les pratiques exemplaires en vigueur à l'échelle internationale. Cela se traduira par un accroissement des exportations et de l'emploi, de même que par de meilleurs emplois et une plus grande prospérité pour les Canadiens.

La SEE a été mise sur pied en 1944 pour fournir une aide financière aux exportateurs canadiens. À cette époque, les banques et les sociétés d'assurance-crédit ne fournissaient guère les services névralgiques dont les exportateurs avaient besoin, de sorte que les organismes publics ont pris le relais. Avec le temps, des dizaines de banques et de sociétés d'assurances ont pénétré ces marchés des prêts et de l'assurance-crédit en offrant toute une gamme de produits attrayants, des prix moins élevés et d'autres améliorations utiles aux exportateurs.

Les organismes publics de tous les pays de l'OCDE, à l'exception du Canada, se sont transformés à plusieurs reprises pour étoffer les nouvelles compétences du secteur privé. Par exemple, tous les organismes, à l'exception de la SEE, se sont retirés du marché de l'assurance-crédit à l'exportation à court terme, sauf dans le cas de certaines opérations à risque élevé.

Puisque les assureurs de tous les autres pays de l'OCDE ont essentiellement assumé l'offre de l'assurance-crédit à l'exportation à court terme, les organismes gouvernementaux ont pu cibler de plus en plus d'autres domaines où ils sont mieux à même d'appuyer les exportateurs. Plus particulièrement, on a nettement privilégié les besoins financiers à moyen et à long terme en marge de nombreuses opérations d'exportation.

Je crois savoir que des représentants de la société Bombardier ont comparu devant le comité la semaine dernière et réclamé une plus grande assistance de cet ordre. Nous croyons nous aussi que la SEE devrait délaisser les projets à court terme en faveur d'opérations à long terme.

Le prêt et l'assurance sont des activités à forte utilisation de capitaux. La SEE et les autres organismes gouvernementaux à travers le monde détiennent chacun des centaines de millions de dollars pour le compte des contribuables. Les autres organismes réaffectent continuellement ces maigres fonds publics pour venir en aide aux exportateurs en ajoutant aux compétences du secteur privé. La SEE est toutefois la seule à consacrer la presque totalité de ses ressources à la fourniture de services que les banques et les assureurs offrent depuis des années dans d'autres pays.

Ces dernières années, la SEE s'est acquittée de son mandat de venir en aide aux exportateurs en adoptant une démarche différente de celle des autres organismes des pays de l'OCDE. Il en résulte que le Canada fait cavalier seul. Les institutions financières ont été en bonne partie évincées du marché des services de soutien pour les exportateurs canadiens; elles ne peuvent donc pas fournir les produits que les banques et les assureurs mettent à la disposition des exportateurs de tous les autres pays de l'OCDE. Il importe certes que la SEE continue de venir en aide aux exportateurs canadiens, mais l'expérience internationale montre que cette façon de procéder est particulièrement efficace lorsque les ressources du secteur public servent à étoffer les compétences du secteur privé.

Dans un rapport récent, le groupe d'experts chargés d'examiner les activités de la SEE, le groupe Gowlings, a offert des conseils sur une vaste gamme d'activités de l'organisme. Le groupe ne s'est pas prononcé directement sur le principal sujet de préoccupation des assureurs canadiens—à savoir que la SEE abandonne essentiellement l'assurance-crédit à l'exportation à court terme. Toutefois, la position du groupe sur d'autres questions nous a encouragés, si le but est de l'appliquer à l'assurance-crédit à l'exportation.

En particulier, dans sa première recommandation, le groupe Gowlings a recommandé d'étudier de nouveaux arrangements institutionnels qui aligneraient davantage la structure du Régime canadien d'aide au crédit à l'exportation sur les méthodes des autres pays de l'OCDE en envisageant une séparation plus claire entre les activités de la SEE relatives à l'accord du consensus et celles axées sur le marché. Des mesures concrètes prises dans ce domaine permettraient de répondre à la plupart des préoccupations relatives à la concurrence déloyale soulevées au Canada et à l'étranger.

• 0945

Ainsi, la SEE pourrait avoir une division qui fait la concurrence aux assureurs, paie des impôts, observe la réglementation sur les assurances, etc.; une autre qui fait concurrence aux banques, elle aussi exploitée comme une entreprise; et une troisième qui soutient les activités gouvernementales hors marché comme l'assurance-crédit à moyen et à long terme.

L'autre possibilité serait que la SEE n'offre de l'assurance-crédit que dans les marchés dont les assureurs privés sont absents. Le Canada est le seul pays à n'avoir toujours pas transformé le rôle de son organisme public en matière d'assurance-crédit à court terme. Nous sommes à la remorque de nos partenaires commerciaux comme les États-Unis, l'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et d'autres pays encore. La SEE devrait toutefois rester le principal fournisseur d'assurance-crédit à l'exportation lorsque celle-ci devient clairement l'instrument de l'intérêt public canadien. Cela vaut tout particulièrement lorsque la durée des accords financiers dépasse 12 mois.

Selon le ministre fédéral des Finances, M. Paul Martin, «s'il n'est pas nécessaire que le gouvernement fasse quelque chose, il ne devrait pas le faire. Et, à l'avenir, il ne le fera pas.» Cette règle devrait s'appliquer à la SEE.

À l'échelle mondiale, les gouvernements se sont en bonne partie retirés du marché de l'assurance-crédit à court terme car dans des conditions de concurrence loyale, les organismes gouvernementaux ne peuvent offrir des primes aussi basses et offrir un service de même qualité que les assureurs privés. Il est maintenant temps pour le gouvernement fédéral d'aligner sa politique d'assurance-crédit sur celle de ses principaux partenaires commerciaux, ce qui est la meilleure façon de favoriser les exportations.

C'est ici que se termine le texte que j'avais préparé. J'aimerais toutefois ajouter certains points.

Un des éléments les plus importants, c'est que les assureurs et les réassureurs veulent de plus en plus se lancer dans ce genre d'activité, surtout au sein de grands groupes mondiaux. Par exemple, la compagnie d'assurance de l'Amérique du Nord La Garantie a pour vocation première d'offrir des cautionnements. C'est ce qui fait son renom. Elle a fait oeuvre de pionnière en Amérique du Nord. Nous avons été la première à émettre des obligations en Amérique du Nord, avant même la création du Canada. Notre entreprise survit depuis tout ce temps.

Nous nous tirons assez bien d'affaire sur le marché et nous offrons des contrats de cautionnement. Nous n'offrons pas d'assurance-crédit à l'heure actuelle mais nous aimerions le faire. Nous nous sommes souvent penchés sur la question mais nous n'avons pas réussi à établir les alliances nécessaires.

Ces obstacles ont en bonne partie été levés. Beaucoup de réassureurs voudraient maintenant offrir ce produit à l'industrie canadienne. D'autres assureurs directs dans le monde occupent ce créneau et s'associent en grands groupes internationaux et collaborent ensemble dans une économie de marché mondial. Il reste encore des imperfections à corriger puisque tous les pays ne sont pas desservis, mais les divers organismes de crédit à l'exportation du monde ne les desservent pas non plus.

Le fait est que le secteur privé souhaite de plus en plus assumer ces risques. Ce n'était pas le cas en 1944 ou 1945, mais ça l'est aujourd'hui. Le Canada change et l'économie aussi. Nous sommes de plus en plus en mesure d'offrir ces services à cause du nombre croissant d'entreprises désireuses de soutenir les exportateurs canadiens.

Deuxièmement, dans bien des pays, le gouvernement a cherché à réduire son domaine d'intervention en affectant une moindre portion du trésor public à la couverture de risques qui devraient être assumés par d'autres mécanismes. Il ne s'agit pas seulement d'entreprises ou d'organisations, mais bien de mécanismes.

Lorsqu'une compagnie d'assurances souscrit un risque, elle a enfin ce que l'on appelle l'intermédiation. Elle accepte le risque, l'analyse et demande un prix. Elle divise ensuite ce risque en fonction des ententes qu'elle a conclues avec d'autres assureurs et réassureurs, de sorte que celui-ci est dilué sur un très large marché. C'est ce que l'on appelle l'intermédiation.

En revanche, un organisme public prend son actif en garantie sans intermédiation. Cela revient à mettre en garantie l'actif de l'État canadien contre des éventualités parfois difficiles à quantifier. Une crise qui survient à l'étranger peut donc avoir un effet choc sur le bilan de l'organisme de crédit à l'exportation, qui s'est essentiellement servi de la cote de crédit du Canada pour garantir ses opérations.

• 0950

Nous avons à mon avis le devoir d'éviter les risques inutiles. Lorsque l'actif public est pris en garantie, il est dans notre devoir de ne pas l'exposer à des risques inutiles.

C'est ici que se termine mon allocution.

Le vice-président (M. Deepak Obhrai): Merci, monsieur Quenneville.

Nous demandons normalement à tous les témoins de faire leurs exposés avant de passer aux questions. J'inviterai donc maintenant SNC-Lavalin à prendre la parole. Jacques.

[Français]

M. Jacques Lamarre (président et chef de la direction, Groupe SNC-Lavalin Inc.): Je suis heureux de représenter ici aujourd'hui la société SNC-Lavalin. Je voudrais remercier le comité du temps qu'il nous accorde pour exprimer notre point de vue sur un sujet aussi important que la loi reliée aux opérations de la Société pour l'expansion des exportations au Canada.

Je voudrais d'abord dire quelques mots sur SNC-Lavalin et entrer ensuite dans le vif du sujet.

La société SNC-Lavalin est une des plus importantes sociétés au monde dans le domaine de l'ingénierie. Nous avons des services dans le domaine industriel, dans le domaine du transport, dans les domaines de l'énergie, des infrastructures et des bâtiments. Notre chiffre d'affaires de l'an passé a été de 1,5 milliard de dollars. Soixante pour cent de nos ventes sont faites à l'extérieur du Canada.

Non seulement avons-nous un nombre assez considérable d'employés, mais en plus, et c'est un aspect très important de SNC-Lavalin, nous avons acheté pour environ 3 milliards de dollars de produits canadiens, que nous avons exportés sur le marché international, au cours des trois dernières années. Du seul fait de cette activité d'achat chez des fournisseurs canadiens, on peut dire que nous avons, d'une façon directe ou un peu indirecte, maintenu 30 000 emplois au Canada.

Pour nous, le financement est un élément clé des opérations internationales. Sur le marché américain, cette composante est peut-être un peu moins importante, mais sur le reste du marché international, elle est presque aussi importante que l'aspect technique.

Cet élément fait partie du processus de compétition. On ne peut pas l'isoler ou le distinguer nettement pour être en mesure de dire si c'est le financement qui est une valeur sûre ou si c'est l'aspect technique, mais ces deux éléments réunis forment une composante essentielle.

Il faut donc faire extrêmement attention à la façon dont on va traiter la SEE parce que c'est un geste qui pourrait aider ou nuire de façon très importante au volume des exportations, surtout celles qu'on fait vers les pays autres que les États-Unis.

Un autre aspect essentiel que je voudrais faire ressortir dans mes commentaires initiaux, c'est qu'il faudrait maintenir un équilibre dans les prêts consentis par la SEE entre pays en émergence et pays développés.

Il est certain qu'il est parfois plus facile pour la SEE de faire un pas aux États-Unis que de le faire dans un pays en voie de développement, même si les besoins en produits et en infrastructures dans les pays en voie de développement sont énormes. Pour la SEE, comme pour tout le monde, il est beaucoup plus facile d'assumer un risque sur le marché américain que d'assumer un risque dans un autre territoire étranger.

Il faudrait donc s'assurer de maintenir un équilibre dans les opérations effectuées par le truchement de la SEE. C'est essentiel pour l'économie du Canada, parce que cela va diminuer notre dépendance vis-à-vis du marché américain. Il s'agit donc d'une composante que vous devriez garder en tête lorsque vous rédigerez vos conclusions. Il faut absolument, si on souhaite diminuer la dépendance du Canada envers le marché américain, que la SEE ait des règles à suivre qui l'obligent à maintenir un certain pourcentage de ses prêts dans les pays en développement ou dans d'autres pays que les États-Unis.

• 0955

[Traduction]

Même si j'appuie le sens de beaucoup des recommandations du rapport Gowlings, je ne pense pas que le recentrage de certaines de ces activités doive se faire au moyen d'un changement de la loi. J'estime qu'il y a suffisamment de garanties en place, comme le conseil de direction de la SEE, où sont représentés plusieurs ministères. Les règlements, le fait de relever du ministre du Commerce international ainsi que l'examen du vérificateur général devraient garantir aux décideurs et aux contribuables canadiens que la SEE suit l'esprit et l'objet de la Loi sur la SEE.

Changer la loi et conserver toutes ces règles relatives à la production de rapports serait un dédoublement et un investissement improductif.

[Français]

J'aimerais maintenant faire porter mes commentaires plus spécifiquement sur différents aspects du rapport Gowlings, ceux qui nous posent le plus de difficultés.

[Traduction]

La recommandation 14 recommande la création d'un programme spécial par l'intermédiaire des comptes du Canada pour offrir des garanties aux banques dans le cas des prêts consentis en vertu du consensus. Le personnel de la SEE a déjà entrepris d'analyser le risque des opérations et le risque par pays.

Il serait périlleux de créer un programme distinct où serait dédoublée la fonction d'analyse et de gestion du risque. Nous sommes convaincus que le guichet unique sert le mieux les intérêts des exportateurs canadiens.

Nous recommandons que la SEE soit encouragée à améliorer les caractéristiques de son programme de garanties actuelles à l'intérieur de son propre compte d'entreprises et soit tenue d'affecter un pourcentage donné de son volume annuel de prêts à des garanties, à des modalités concurrentielles par rapport à d'autres organismes de crédit à l'exportation.

Il y a un autre sujet dont j'aimerais parler—et je sais que c'est un sujet délicat. Il s'agit de l'environnement et du développement durable. Il faut être prudent ici. Nous vivons dans un monde compétitif. Quand on demande un prêt à la Banque mondiale, celle-ci n'est pas en situation compétitive. Mais quand quatre, cinq, six ou sept personnes se font concurrence pour obtenir un travail, et si les règles sont très strictes, les gens vont se perdre dans le système. On va se perdre dans la bureaucratie; ce sera la catastrophe.

Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas des partisans convaincus de l'environnement. Aucun ingénieur de SNC-Lavalin ne fera un travail qui ne respectera pas les critères de l'ISO en matière d'environnement. Si en plus de cela il y a des règlements et toutes sortes d'évaluations publiques, toutes sortes de choses, cela va nous enlever notre compétitivité et la possibilité d'enlever un marché. C'est pourquoi il faut être très prudent. Ce n'est pas parce que nous ne sommes pas de fervents défenseurs de l'environnement. Nous le sommes, mais nous faisons face à un processus qui va tuer l'intention et les possibilités d'enlever un marché.

Pour moi, si je demandais à un ingénieur de SNC-Lavalin de concevoir un projet qui ne respectait pas tous les critères environnementaux, personne ne le ferait. Par contre, si nous avons un processus qui va tuer nos chances d'enlever un marché, nous resterons tous chez nous à ne rien faire. Pour moi, c'est quelque chose qu'il faut comprendre. L'environnement fait partie de notre vie; nous ne faisons rien qui ne respecte pas intégralement l'environnement.

Il faut être très prudent face au processus que nous allons imposer à la SEE. Elle a déjà son cadre, qui offre déjà une certaine flexibilité. Pour moi, c'est quelque chose qui devance déjà bien d'autres pays dans le monde. Pour le moment, on ne devrait pas demander autre chose.

Encore une fois, je sais que les droits de l'homme sont quelque chose de très délicat, et encore une fois il faudra demander à tous les gens d'affaires du Canada s'ils ont un code de conduite. Normalement, si on n'aime pas un restaurant, on n'y retourne pas. Si nous demandons à toutes les entreprises si elles ont un code de conduite, de notre point de vue, le processus va tout tuer dans l'oeuf. Ce n'est pas le but. Pour nous, au moment où nous passons un marché, nous exportons nos valeurs. Nous croyons à nos valeurs, mais en même temps le processus pourrait contrecarrer le but.

Est-ce que cela sonne parce que je parle trop longtemps?

[Français]

Non?

Une voix: Non, c'est l'annonce du début des délibérations de la Chambre.

M. Jacques Lamarre: Très bien. Ce n'est pas à cause de moi.

Me reste-t-il encore 10 minutes?

[Traduction]

Le vice-président (M. Deepak Obhrai): Non, tout va bien.

M. Jacques Lamarre: Entendu.

• 1000

La dernière chose dont j'aimerais parler porte sur l'exportateur de petite taille ou de taille moyenne. Dans le rapport Gowlings, ils disent que parce que quelqu'un est de petite taille ou de taille moyenne—je ne sais pas à quelle catégorie nous appartenons—il faut être très prudent. Ils disent que nous n'avons pas besoin d'un avis juridique. Les gens n'auront pas besoin d'être responsables de recouvrer leur agent. La SEE se chargera de recouvrer l'argent. Les banques auront à fournir du financement commercial pour aider les PME et les banques canadiennes devront avoir les compétences nécessaires et devront être formées par la SEE. Ils n'ont déjà pas suffisamment de gens pour offrir tous les services qu'ils devraient offrir.

À mon avis, il faut être très prudent. Déjà des gens comme nous conservent beaucoup de PME et peut-être que c'est un très bon mécanisme. Nous nous occupons de tous les aspects du financement international. Mais il est très dangereux d'ouvrir cette porte. Si vous n'avez pas d'avis juridique, si les gens ne sont pas responsables de percevoir leur argent...

C'est une chose à laquelle la SEE devrait faire très attention, parce que soudainement vous avez le même comité qui demandera pourquoi un si grand nombre de comptes ne sont pas perçus, parce qu'il est extrêmement difficile de percevoir de l'argent sur les marchés internationaux. L'aspect technique est amusant; percevoir l'argent, c'est un sacré travail. Si nous n'avons pas des gens comme nous qui vont chez nos clients pour obtenir l'argent... autrement il serait nettement plus amusant de livrer la marchandise sans s'inquiéter du paiement. Et c'est un aspect auquel nous devons faire très attention dans ces recommandations afin que la SEE ne prenne pas sur ses épaules une responsabilité qu'il lui serait impossible d'assumer.

En conclusion, il y a trois éléments: minimiser les changements à la loi; ne pas ajouter de restrictions qui créeront des obstacles au commerce et qui détourneront la SEE de sa proposition préliminaire consistant à appuyer directement ou indirectement les exportations canadiennes. La SEE devrait avoir un portefeuille de prêts plus équilibré. Nous considérons qu'elle ne prête pas suffisamment dans les marchés émergents. Le troisième élément, c'est que nous aimerions que la SEE soit en mesure d'offrir un programme concurrentiel de garantie de prêts comme levier de financement commercial lorsque cela est nécessaire.

Je vous remercie.

Le vice-président (M. Deepak Obhrai): Je vous remercie, monsieur.

Nous accueillons maintenant M. Clive Aston de Canadian Financial Insurance Brokers.

M. Clive Aston (président, Canadian Financial Insurance Brokers Ltd.): Je vous remercie, monsieur le président.

J'aimerais commencer par m'excuser. J'ai fait une pneumonie et on vient tout juste de recevoir ma présentation écrite, donc le greffier m'a indiqué qu'elle sera disponible par la suite.

Je suis un courtier spécialisé en assurance-crédit depuis une vingtaine d'années, plus longtemps que quiconque ici au Canada. Je possède un doctorat en économie de la London School of Economics. Vous avez sans doute deviné d'après mon accent bizarre que je travaillais à la Lloyd's de Londres. J'ai été vice-président exécutif d'un courtier de la Lloyd's pendant une dizaine d'années, où je me suis spécialisé en assurance-crédit. J'ai été directeur adjoint du commerce de la Chambre internationale de commerce à Paris—et je n'arrive toujours pas à parler français—et aujourd'hui je suis à la tête de ce qui est probablement la plus importante entreprise indépendante de courtage spécialisé en assurance-crédit, ici au Canada.

J'ai un chiffre d'affaires d'environ 5 millions par année. Ma clientèle est variée, depuis de petites entreprises—en fait plus petite que la mienne, ce qui est un peu embarrassant—qui payent peut-être une prime peu élevée de quatre chiffres jusqu'à certaines entreprises assez importantes bien connues et des institutions financières canadiennes.

Je tiens à préciser immédiatement que toutes les observations que je ferai aujourd'hui sont uniquement les miennes. Il s'agit d'observations personnelles qui ne traduisent pas forcément les opinions de mes clients. Je gagne ma vie uniquement en m'occupant d'assurance-crédit. C'est donc un secteur que je connais bien.

Ici au Canada, je peux m'adresser à cinq marchés possibles: la SEE que vous connaissez tous bien entendu; la ACI, l'American Credit Indemnity; Gerling Global d'Allemagne, qui est un nouveau venu sur le marché de l'assurance-crédit ici au Canada; l'American International Group, qui est l'une des plus importantes, sinon la plus importante, compagnie générale d'assurance en Amérique du Nord; et le Continental Group des États-Unis, connu au Canada sous le nom de CNA.

Nous avons aussi la Lloyd's de Londres, qui offre un service international de crédit commercial. Je dois avouer à mon grand embarras qu'il est extrêmement difficile de vendre de l'assurance de la Lloyd's de Londres ici au Canada. Elle a connu des problèmes qui ont fait l'objet d'une certaine publicité il y a quelques années, et j'ai beaucoup de difficulté à vendre de l'assurance de cette compagnie.

Deuxièmement, il y a un délai de cinq heures entre le marché ici et les clients là-bas, et de fait, elle n'a pas l'infrastructure lui permettant d'assurer aux clients canadiens le service dont ils ont besoin et qu'ils méritent, à mon avis.

• 1005

Nous avons aussi ce que j'ai appelé des compagnies non agréées qui fonctionnent ici au Canada. Il s'agit de compagnies d'assurances qui ne sont pas autorisées à travailler ici directement mais qui le font en tant que souscriptrices de polices d'assurance nord-américaine. Vous pouvez avoir un client américain qui a une filiale canadienne ou un siège social européen qui a une filiale canadienne et la police est souscrite par ce biais. En tant que courtier, traiter avec une compagnie de ce genre me pose certains problèmes. Comme je préfère ne pas traiter avec elles, c'est donc un marché auquel je n'ai pas accès.

Je peux également traiter avec des organismes assez importants, comme l'Agence multilatérale de garantie des investissements de la Banque mondiale, selon le risque et les besoins du client.

Je m'occupe de trois types distincts de produits: le crédit intérieur; le crédit à l'exportation et le risque politique, que je considère plutôt comme un seul produit; et l'assurance contre les enlèvements ou les rançons, dont je préfère que nous ne parlions pas aujourd'hui.

Il y a d'autres compagnies qui offrent un service d'affacturage. La plupart des grandes institutions financières auront des couvertures pour les comptes clients qui représentent un type semblable d'entité.

Parmi les marchés du secteur privé auxquels je peux m'adresser, la compagnie dominante ici au Canada est American Credit Indemnity ou ACI. J'ignore quel serait le pourcentage exact, mais c'est sûrement la plus importante compagnie privée que j'ai ici. Elle bénéficie d'un quasi-monopole pour ce qui est de souscrire le crédit intérieur à court terme ici au Canada.

Le American International Group ou AIG est un nouveau venu au Canada puisqu'il est ici depuis environ six ans. Il a deux assureurs, mais la plupart du travail concernant les réclamations est fait aux États-Unis, de même que l'administration.

Gerling Global est aussi un nouveau venu. Cette compagnie est ici depuis deux ans. Elle a subi d'importantes pertes au cours de sa première année, mais a réagi de façon remarquable et fonctionne toujours comme assureur. Ici encore, c'est une petite compagnie qui n'a que deux assureurs en plus du personnel de soutien.

Puis il y a le CNA, le Continental group qui travaille au Canada uniquement par le biais d'un très petit organisme. Tout le travail de souscription se fait à partir des États-Unis. Il n'y a aucune participation canadienne directe.

Lorsqu'un client envisage d'obtenir de l'assurance-crédit, il est motivé par un certain nombre de raisons différentes, mais je n'ai pas l'intention de les énumérer aujourd'hui. Il y a deux aspects en particulier qui ont tendance à être à mon avis les plus importants. Aux fins de la discussion d'aujourd'hui, je partirai du principe que la solvabilité de chaque compagnie est la même. Selon ma perspective, c'est le cas. Je n'ai aucune inquiétude en matière de sécurité concernant les entreprises avec lesquelles je traite. Les deux principaux éléments sont de fait le coût et le service qui s'y rattache, surtout l'administration des réclamations.

Mon marché, le marché de l'assurance-crédit, comme la plupart des marchés financiers, possède ce que nous pouvons qualifier par euphémisme de taux du marché. Le marché du risque politique, par exemple, est assez bien codifié. Il est possible de fait d'obtenir des copies des taux du marché dans certaines revues spécialisées comme International Trade Finance publié à Londres en Angleterre. Vous constaterez qu'en général, les assureurs de risque politique demandent une certaine échelle de taux en fonction du risque d'un pays en particulier. C'est assez bien défini.

Nous avons la même chose, de façon générale. Il s'agit d'un taux d'assurance-crédit intérieur et de crédit à l'exportation, dicté par le marché. Il n'est pas aussi codifié et il n'est certainement pas fermement établi, mais il s'agit plus ou moins d'un taux du marché. Vous constaterez que dans l'ensemble, tous mes assureurs fonctionneront à l'intérieur de ce taux du marché.

On a laissé entendre que la SEE profite d'avantages particuliers par rapport au marché privé parce qu'elle est financée à même la Banque du Canada, à même le gouvernement; elle n'a pas à acheter des traités de réassurance; et elle profite d'un certain nombre d'autres conditions qui lui donnent un avantage déloyal par rapport au marché privé. Je n'ai jamais entendu dire par quoi se traduit cet avantage déloyal mais nous supposons que cela se traduit par de meilleurs prix pour les clients. Je crains que cela soit tout à fait faux d'après mon expérience en tant que courtier. La SEE fonctionne toujours dans les paramètres du marché—si je peux utiliser cette expression—même s'il faut avouer que ses taux sont plutôt élevés. C'est l'un des marchés les plus coûteux auxquels je peux m'adresser.

Au cours des derniers mois, je dirais que le marché qui demande des taux nettement inférieurs aux taux du marché, c'est l'ACI. J'ai pu en constater des exemples récemment dans le secteur alimentaire, par exemple. En ce qui concerne l'alimentation au Canada, le taux se situe habituellement entre 12 et 15 points de base. J'ai eu connaissance d'un cas récemment où la SEE a offert à un client un taux de 15 points de base. L'ACI a offert au même client un taux de 2,5 points de base. C'est une différence considérable.

• 1010

On demande habituellement aux entreprises informatiques canadiennes environ 30 points de base. La SEE a offert à mon client une police à 33 PB, ACI est arrivé à 15. Je crois donc que les allégations voulant que la SEE jouisse d'un avantage indu ne se traduisent pas dans les offres de souscription officielle, dans les soumissions—du moins, pas à ma connaissance.

Les clients doivent également se soucier du service. On dit souvent que la qualité se paie, et c'est encore plus vrai dans mon secteur. Selon moi, les grands écarts dans les taux ont tendance à être davantage symptomatique d'une mauvaise souscription que de quelque autre aspect professionnel.

Le service est la chose la plus importante dont un client a besoin. Si vous présentez une demande de limite de crédit, vous devez pouvoir compter sur un temps de traitement rapide, surtout dans des secteurs comme l'informatique, où, pendant les deux périodes de pointe de l'année, vous pourriez avoir virtuellement un client au téléphone qui veut acheter immédiatement un de vos produits.

La plupart des entreprises sont maintenant assez automatisées, comme vous pouvez vous l'imaginer. Je constate que les délais d'exécution sont assez uniformes, mais si celui de la SEE est de loin supérieur. Si le système informatisé ne peut pas approuver automatiquement une limite de crédit, la demande est transmise à un souscripteur en chair et en os, qui va l'examiner séparément avant de rendre une décision éclairée. Selon moi, ACI ne semble pas le faire. Vous recevez un imprimé informatique d'un commentaire que je trouve difficile à comprendre—et je travaille dans ce domaine depuis 19 ans. Très souvent, je ne comprends pas la logique sous-jacente.

L'autre question importante, c'est le traitement des réclamations. Voyons les choses en face, si vous achetez un produit d'assurance, c'est pour être protégé et être indemnisé en cas de sinistre, en supposant que vous avez respecté les conditions de votre police.

Le service de traitement des réclamations d'ACI laisse à désirer dernièrement, selon moi. Le service assuré par la filiale canadienne d'ACI est impeccable. Celui fourni par ACI à Baltimore est déplorable. Il est loin d'être satisfaisant. Je crois que le traitement des réclamations leur coûte des parts de marché. Certains de mes clients se sont adressés à d'autres souscripteurs simplement à cause des problèmes qu'ils ont eu avec ACI en ce qui concerne le traitement des réclamations. Et j'ai eu des clients qui se sont auto-assurés, ce qui est encore pire pour moi, bien sûr, en tant que courtier.

Le traitement des réclamations à la SEE est sans pareil. La SEE a rejeté une réclamation majeure que j'avais présentée. En toute franchise, cependant, cela était justifié étant donné que mon client n'avait pas respecté les conditions de la police au moment de la réclamation.

C'est peut-être le moment opportun de conclure, mais j'aimerais présenter une demande au comité. Un des problèmes que j'éprouve en tant que courtier est que souvent les compétences dont j'ai besoin pour un dossier de crédit en particulier n'existent pas dans le marché privé.

En tant que force dominante du marché au Canada, c'est à ACI que la plupart des clients s'adressent pour obtenir les limites dont ils ont besoin. Il est actuellement très difficile, voire impossible d'obtenir des souscriptions pour certains clients dans le secteur de l'électronique grand public, par exemple. À juste raison, je l'admets. Je ne prétends pas que nous devrions délaisser les critères de souscription usuels pour commencer à agir de façon irresponsable. Très souvent, la SEE pourrait nous aider. Mais à cause de la nature restrictive de sa loi, je ne peux pas m'adresser à la SEE pour un placement d'assurance uniquement intérieur. Je ne peux amener un client à la SEE que s'il répond aux critères établis en matière d'exportation.

Lorsque mon client ne peut obtenir la souscription nécessaire, pourquoi ne puis-je m'adresser à la SEE en tant que marché de dernier recours, sous réserve de l'appétit de la SEE pour ce risque en particulier? Le marché privé aurait la première chance. S'il voulait prendre le risque, il le pourrait. S'il ne le voulait pas, pour quelque raison que ce soit, donnez-moi la possibilité d'assurer mon client ou de lui fournir la protection dont il a besoin pour prendre de l'expansion, en lui donnant accès à ce qui constitue actuellement le meilleur marché.

Merci.

Le vice-président (M. Deepak Obhrai): Merci.

Nous accueillons maintenant Marc Perna, le président de l'Association canadienne d'affacturage.

M. Michael Teeter (directeur, Groupe des relations industrie-gouvernement; Association canadienne d'affacturage): Nous allons vous remettre des copies de notre exposé.

Le vice-président (M. Deepak Obhrai): Très bien, merci.

M. Mark Perna (président, Accord Business Credit; président, Association canadienne d'affacturage): Je m'appelle Mark Perna. En plus d'être le président de l'Association canadienne d'affacturage, je suis également le président de Accord Business Credit, Société d'affacturage appartenant à des intérêts canadiens, la plus ancienne et la plus importante dans cette catégorie au Canada. Je signale pour votre gouverne que presque toutes les sociétés d'affermage de créances au Canada appartiennent à des propriétaires-exploitants canadiens.

• 1015

Sachant ce qu'une société spécialisée en assurance-crédit fait, certains d'entre vous se demandent sans doute ce que fait une société d'affermage des créances. Au Canada, un grand nombre de sociétés d'affermage des créances, petites et moyennes, achètent, contre espèces, des comptes clients. Les plus importantes sociétés d'affacturage au Canada se spécialisent en offrant à leurs entreprises clients la garantie que les créances qui leur sont dues seront réglées. En deux mots, ces sociétés garantissent le règlement des comptes clients tout comme le font essentiellement la SEE et les assureurs-crédit privés. La principale différence tient au fait que la société d'affacturage s'occupe d'ordinaire des écritures en plus de percevoir les sommes dues.

C'est en 1993 que pour la première fois le gouvernement a autorisé la SEE à offrir une assurance-crédit aux exportateurs dans certaines conditions. À l'époque, le gouvernement n'a pas cru bon de consulter les sociétés d'affacturage sur cette question. Toutefois, les assureurs ont eu leur mot à dire et ils se sont opposés vigoureusement à cette incursion gouvernementale dans leur secteur.

Il est important de se rappeler, quelle que soit l'évolution de la discussion, que nous ne nous en prenons pas à la SEE elle-même mais au fait qu'elle peut désormais vendre des produits d'assurance-crédit aux exportateurs, concurrençant ainsi les sociétés d'affacturage et les assureurs-crédit du secteur privé. J'ai pu constater personnellement que la direction et les employés de la SEE sont des professionnels expérimentés dont l'efficacité n'a cessé de croître au fil des ans. Comme la SEE jouit du statut de société d'État, elle peut compter sur des avantages uniques qui font d'elle un concurrent sérieux et lui confèrent une position dominante sur le marché.

Je ne vais pas faire une critique approfondie du chapitre 5 du rapport Gowlings, intitulé «Assurance-crédit intérieure». Bien que notre association ne souscrive pas aux conclusions de Gowlings en ce qui a trait à l'assurance-crédit intérieure, nous reconnaissons que dans l'ensemble ses conclusions font la part des choses. Toutefois, je voudrais signaler ce que nous estimons être les quelques déficiences majeures.

Tout d'abord, il faut bien dire que les entités qui selon le rapport préconisent une participation de la SEE à l'assurance-crédit intérieure sont en flagrant conflit d'intérêts. Les exportateurs ne se soucient guère que la SEE puisse jouir d'un avantage indu par rapport au secteur privé. Ils souhaitent tout simplement avant tout les meilleures conditions possibles pour leurs entreprises. Si cela se fait aux dépens du secteur privé, peu leur en chaut. Il en va de même pour le spécialiste, courtier en assurance-crédit qui louange le produit d'assurance-crédit intérieur offert par la SEE. Si ce produit tant louangé est le résultat d'un avantage indu, que lui importe-il? C'est la SEE qui indemnise directement le courtier.

Là où l'on peut douter de la crédibilité du rapport, c'est quand les auteurs laissent entendre que l'entrée de la SEE sur le marché du crédit intérieur pourrait avoir aidé l'industrie de l'assurance-crédit à prendre de l'expansion, car selon le rapport, cela aurait contribué à sensibiliser les Canadiens aux avantages de l'assurance-crédit.

Quiconque participe activement à ce secteur vous dira qu'une telle affirmation frise l'absurdité. La raison essentielle pour laquelle l'assurance-crédit a pris de l'expansion au Canada depuis cinq ans tient au fait que le secteur de l'assurance a tendance à se mondialiser. Des conglomérats d'assureurs à l'échelle mondiale dominent désormais l'assurance-crédit, si bien qu'il leur est relativement facile d'offrir des services d'assurance dans les pays développés comme le Canada.

Deuxièmement, un grand nombre de ces compagnies mondiales offrent l'assurance-crédit en même temps que d'autres produits d'assurance. Soit dit en passant, c'est une raison qui explique que d'ordinaire on ne trouve pas sur le marché des sociétés spécialisées en assurance-crédit basées au Canada. La taille des compagnies est importante et la tendance dominante actuellement est aux compagnies mondiales et aux alliances. Comme on l'a signalé auparavant, le secteur de l'affermage de créances est essentiellement basé au Canada et contrairement à la situation générale dans le domaine de l'assurance, depuis 1994, moment où la SEE a commencé à offrir de l'assurance-crédit intérieure, il n'y a pas eu de nouveaux arrivants dans le domaine de l'affacturage.

Nous sommes notamment d'accord avec les auteurs du rapport Gowlings quand ils concluent que les très petits exportateurs sont mal servis pour ce qui est de l'obtention de services d'assurance et d'affacturage sur le marché intérieur à cause des frais minimaux qui sont exigés. Les petits exportateurs seraient selon nous les entreprises dont le total des ventes sur le marché intérieur et sur le marché extérieur ne dépasse pas un million de dollars par an.

• 1020

En 1993, on aurait pu notamment tenter de résoudre le problème par des mesures destinées à inciter les assureurs et les affactureurs du secteur privé à servir les petits exportateurs comme cela se fait dans le cadre des prêts que les gouvernements accordent aux petites entreprises par l'entremise des banques. Le gouvernement a préféré s'embarquer dans un plan d'action peu orthodoxe et confier à la SEE le rôle d'assureur sur le marché intérieur, habilité à concurrencer les fournisseurs d'assurance-crédit du secteur privé.

Quand on s'éloigne des méthodes orthodoxes, on se heurte parfois à des problèmes parce qu'on ne sait pas quels pourraient en être les inconvénients. Certes, l'entrée de la SEE sur le marché de l'assurance intérieure à permis de venir en aide aux très petits exportateurs, mais le fait d'offrir aussi ce service aux exportateurs de taille moyenne ou de grande taille, a donné un sacré coup aux assureurs et affactureurs du marché intérieur.

Pour étayer mon argument, je vous dirai que notre association, et mon entreprise en particulier, ont perdu une part importante de notre chiffre d'affaires au profit de la SEE depuis qu'elle s'est lancée dans l'assurance-crédit intérieure, mais il y a un cas qui s'est produit il y a exactement un an et qui était pire que tout ce que nous aurions pu imaginer. Un de nos dix clients les plus importants, Parasuco Jeans de Montréal, traitait avec nous uniquement pour ses comptes clients intérieurs. La moitié de son activité était consacrée aux exportations, mais pour cela, l'entreprise avait recours à une société d'affacturage américaine.

Notre client cherchait de nouvelles solutions pour ses comptes clients extérieurs et a donc étudié ce que la SEE avait à offrir; il s'est alors rendu compte qu'il pourrait aussi assurer ses comptes clients intérieurs avec la SEE. Le client a donc mis fin à la relation d'affaires que nous avions depuis sept ans, alors même que nous ne nous occupions que de ses comptes intérieurs et que nous n'avions rien à voir avec la dimension exportation de son activité.

Les clients de cette entreprise avec lesquels nous traitions étaient des détaillants de vêtements dans des endroits comme la rue Robson, à Vancouver, la rue Ste-Catherine, à Montréal, la rue Yonge, à Toronto, et la rue Bank, à Ottawa. Comment la SEE facilite-t-elle les ventes à l'exportation en assurant ces détaillants? Je me suis posé la question à maintes reprises quand j'ai vu notre client nous tourner le dos et que j'ai dû dire adieu aux 96 000 $ de frais annuels qu'il nous versait.

Je peux vous dire, en tant que chef de la direction de mon entreprise, que la perte de ce client a été pénible. Toute l'affaire était gênante aussi bien pour Accord Business Credit que pour la SEE. Je sais que la SEE ne voulait pas être perçue comme celle qui nous avait pris une part importante et purement intérieure de notre activité, mais c'est bien ce qui s'est produit. Malheureusement, ce n'est pas là la fin de l'histoire, puisqu'il y a aussi quelqu'un d'autre qui a perdu beaucoup par cette transaction.

En partant du principe que ce revenu que nous avons perdu aurait continué à être inscrit à notre bilan chaque année, c'est un montant d'environ 36 000 $ d'impôt que notre entreprise aurait payé chaque année sur ce revenu qui a passé la porte avec notre client. Contrairement aux affactureurs et aux assureurs, la SEE ne paie pas d'impôt sur le revenu. Y a-t-il quelque chose à comprendre dans tout cela? Ou comme le dit souvent le comique Jackie Mason, quelqu'un voudrait-il bien m'expliquer la logique de tout cela? Comme je l'ai déjà dit, on ne sait pas quels seront les inconvénients des solutions peu orthodoxes qui empiètent sur le champ d'activité du secteur privé.

Permettez-mois de changer un peu d'optique. Il existe un organisme appelé Factors Chain International, qui regroupe 150 sociétés d'affacturage et qui a son siège à Amsterdam. Grâce à des réseaux de transmission de pointe et à un contrat normalisé, cet organisme nous permet, en notre qualité de membre canadien, d'offrir des services d'affacturage dans le monde entier, parfois en concurrence avec la SEE et d'autres assureurs.

Je siège au comité de direction de Factors Chain International qui comprend neuf représentants élus. Ces personnes sont parmi les plus talentueuses du monde pour ce qui est de la gestion et de l'analyse du risque de crédit. Je peux vous dire sans le moindre doute que mes collègues qui siègent à ce comité sont abasourdis du fait que le Canada—qui est, soit dit en passant, un pays du G-7—a une société de crédit à l'exportation qui ait le moindre rôle à jouer dans le domaine de l'assurance-crédit intérieure.

Le Canada se fait donc remarquer sur la scène internationale, mais pas pour les bonnes raisons. La situation nous met quelque peu dans l'embarras face à nos homologues à l'échelle internationale. Elle a aussi un effet dissuasif important à la mise sur pied de nouvelles sociétés d'affacturage au Canada, et aucune société de ce genre n'a été créée depuis l'entrée en vigueur de cette politique.

La réduction de la concurrence et du choix sert-elle l'intérêt des clients de notre secteur qui sont principalement des PME canadiennes? Je ne le crois pas. À priori, il ne semble pas tellement difficile de régler le problème. De tous les problèmes soulevés dans le cadre de l'examen de la Loi sur l'expansion des exportations, c'est peut-être celui où il serait le plus facile de trancher et, comme le dit le rapport Gowlings, le plus controversé.

• 1025

Tout cela me rappelle une publicité qui passe ces jours-ci à la radio, où l'on entend dire: «Ce qu'il nous faut ici, c'est une bonne cuillerée de gros bon sens». Vous êtes en mesure de mettre fin à l'expérience du crédit intérieur lancée en 1993. Faisons en sorte que les fournisseurs de services du secteur privé puissent reprendre ce domaine où ils sont passés maîtres sans s'exposer à des sanctions ou à une ingérence excessive de la part du gouvernement. Nous n'avons certainement pas besoin que l'expérience du crédit intérieur se poursuive pendant cinq ou 10 années encore. En quel sens le fait d'assurer la Compagnie de la Baie d'Hudson, Sears Canada ou Canadian Tire contribue-t-il à favoriser les exportations, j'aimerais bien qu'on me le dise?

Notre association vous invite respectueusement à passer à l'action dès maintenant. Merci.

Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.)): Merci beaucoup, monsieur Perna.

Voilà donc qui met fin aux exposés des témoins, si je ne m'abuse. Nous passons maintenant à la période de questions.

Monsieur l'ex-président.

M. Deepak Obhrai: Merci. En fait, je suis content d'être revenu à ma place pour pouvoir vous interroger. Je ne savais pas si je pourrais le faire à partir de mon fauteuil de président, alors là je n'ai plus à m'inquiéter.

Merci pour vos exposés très intéressants. Je suis à même de comprendre les préoccupations dont vous nous avez fait part relativement à la SEE, mais je vous inviterais tous à répondre à la question suivante: est-il nécessaire que la SEE soit une société d'État?

Pour la plupart de vos entreprises, si la SEE n'était pas une société d'État et qu'elle n'occupait pas certains des créneaux où la SEE excelle, d'après ce que vous dites... Je veux bien croire qu'elle excelle dans certains de ces domaines, et personne ne demande à ce que la SEE se départisse de tout ce qu'elle a acquis au fil des ans, de son expérience ou de ses créneaux. Beaucoup d'entre vous en ont parlé longuement. D'après vos exposés, il me semble toutefois que vous voulez que nous retirions ceci à la SEE ou que nous l'obligions à faire cela. Le Canada ne serait-il pas mieux servi si la SEE n'était pas une société d'État?

M. Jacques Lamarre: J'aimerais être le premier à répondre à la question.

Ce serait une catastrophe. C'est la deuxième fois que nous témoignons devant un comité comme celui-ci. La dernière fois, j'ai dit qu'il faudrait permettre aux banques de fusionner, parce que nous n'avons personne qui nous accompagne dans nos démarches sur le marché mondial. Personne n'est là pour nous soutenir; nous sommes fin seuls et devons survivre par nos propres moyens. Les seuls qui nous soutiennent sont les responsables de la SEE, du fait que le gouvernement canadien leur accorde en quelque sorte un chèque en blanc; ils ont donc les moyens de nous accompagner dans nos démarches.

Comme ils s'occupent avec nous de toutes sortes d'activités, ils lorgnent bien sûr du côté du marché intérieur, car ils brassent de grosses affaires sur le plan international et ils se disent qu'ils pourraient peut-être prendre une petite part des petites affaires pour les aider à survivre. Il n'y a toutefois pas de banques sur le marché international, il n'y a personne d'autre, et nous sommes là en train de négocier une foule de contrats—quand je parle du marché international, je veux exclure le marché américain—et c'est un gros problème pour des exportateurs comme nous. Nous sommes fin seuls pour évaluer les risques. Si nous voulons souscrire une assurance en Libye, si nous voulons profiter d'un service quelconque où que ce soit dans le monde, à part les États-Unis, nous sommes seuls.

Ce serait une catastrophe. Il nous faudrait tout changer. Créons donc une grosse banque. Permettons aux banques de fusionner pour que nous ayons une grande institution financière qui ait beaucoup de capitaux à sa disposition, sinon, ce sera la catastrophe. Si nous voulons accéder à ces marchés, parce que l'opération est risquée, il faut pouvoir compter sur des fonds qui nous permettent de prendre des risques de ce genre.

Je comprends le problème des assureurs du marché canadien, mais par ailleurs, si nous voulons pénétrer le marché mondial, il nous faut une institution comme la SEE, dotée d'états financiers solides... ceux du gouvernement canadien.

• 1030

Le président: Monsieur Kovacs voulait ajouter quelque chose.

M. Paul Kovacs: La SEE a actuellement de nombreuses activités différentes. Nous trouvons utile d'essayer d'identifier les domaines qui relèvent souvent des affaires publiques, les transactions qui portent plutôt sur le long terme: beaucoup de grands projets de génie civil dans le monde et d'autres projets dont la réalisation prend beaucoup de temps.

Il est vrai, à notre avis, que dans le marché d'aujourd'hui, beaucoup de banques et beaucoup de compagnies d'assurances ont des difficultés à traiter ce genre d'affaire portant sur plusieurs années. Il peut être très utile de faire jouer ce rôle par un organisme public.

Nous avons toutefois l'impression qu'aujourd'hui, la majorité des ressources de la SEE sont consacrées à des dossiers dont le secteur privé peut s'occuper très bien, probablement même mieux que la SEE, si celle-ci ne bénéficiait pas d'avantages fiscaux et de divers autres facteurs. Par conséquent, si l'aide apportée par la SEE aux exportateurs... Nous faisons souvent la distinction entre les contrats qui sont conclus en un an et les contrats qui portent sur une plus longue période—pour la communauté des exportateurs, c'est une simple transaction et tout cela se fait très rapidement. Si la SEE fait actuellement concurrence à des compagnies privées dans ce domaine, elle ne devrait pas le faire sur la base des avantages qui lui sont actuellement conférés par le public. Au lieu de cela, il faudrait en modifier la structure, comme d'autres pays l'ont fait, pour qu'elle puisse faire une concurrence équitable pour les produits à court terme.

C'est seulement dans les domaines spécialisés, les projets à long terme, s'étendant sur plusieurs années, que des compagnies qui s'efforcent, en se servant du Canada comme tremplin, de réussir sur le marché mondial ont besoin d'une compagnie fonctionnant comme la SEE. Et d'autres pays ont choisi de faire la même chose dans les marchés de prêts et d'assurance à long terme.

M. Clive Aston: Pourrais-je faire une observation là-dessus? Je voudrais aborder deux questions.

Premièrement, je fais une mise en garde. Il ne faut pas être obnubilé par ce que les autres pays ont fait. Ce qui convient à un pays donné n'est pas nécessairement transférable dans un autre. Ce n'est pas parce que l'Angleterre ou la France ont fait quelque chose que nous devrions nécessairement les imiter et ou même qu'il serait possible de faire la même chose ici au Canada. Je vous mets donc en garde contre cette tentation.

Deuxièmement, pour ce qui est des modalités qui pourraient être offertes pour des contrats possibles, je peux placer des polices allant jusqu'à vingt ans en m'adressant à l'Agence multilatérale de garantie des investissements. Je peux obtenir cinq ans très facilement à la Lloyds de Londres. Je pourrais obtenir de huit ans et demi à dix ans pour certaines compagnies d'assurances américaines avec lesquelles je fais affaire pour l'assurance de risque politique. La SEE offre également des modalités semblables. À l'occasion, la SEE collabore avec le secteur privé pour la réassurance à moyen et à long terme.

Par ailleurs, je suis actuellement saisi d'un dossier dans lequel nous cherchons à réassurer de concert avec le secteur privé un risque de crédit à court terme. Le secteur privé ne possède pas toute la capacité voulue, loin de là, et nous envisageons donc de faire ce que nous avions coutume, dans l'univers de Lloyd's où je travaillais, d'appeler une police multicouche—c'est-à-dire que la SEE fera la première couche et le secteur privé viendra ajouter une autre couche. C'est une excellente collaboration, c'est exactement ce qu'une compagnie privée voudrait faire ici au Canada. Et c'est actuellement disponible.

Le président: Je comprends ce que vous dites et ce que dit aussi le Bureau d'assurance. Le problème est que si l'on commence à lui enlever des champs d'activité, la SEE deviendra probablement moins efficace en tant qu'entité. Mais cela ne répond pas à ma question. J'ai accompagné votre président à l'occasion de voyages en Afrique, et je l'ai dit entendu dire cela. Et je félicite votre compagnie qui fait du bon travail. Mais cela ne répond pas à ma question.

Si la SEE n'était pas une entité publique relevant du gouvernement, et si l'on pouvait transférer à d'autres ministères certaines de ces responsabilités publiques... Je veux dire, il n'est pas question de fermer la boîte, comme vous voulez le dire, mais si l'on se débarrasse de la SEE comme entité publique, cela n'ouvrirait-il pas la porte aux marchés, au secteur privé et à tout le monde, leur donnant la possibilité de croître et d'aider les exportateurs canadiens en répondant à tous leurs besoins? Est-ce que l'existence même de la SEE freine l'expansion du secteur privé au moment où la mondialisation ouvre de nombreuses portes? Serait-il utile pour le Canada que la SEE continue d'exister, mais non plus sous la forme d'une entité publique?

• 1035

M. Jacques Lamarre: La seule réponse que je peux donner à votre question, c'est une autre question: pourquoi n'arrivons-nous pas à intéresser les banques à faire affaire avec nous? Pourquoi personne n'est-il intéressé actuellement? Pourquoi? Si vous pouviez répondre à cette question, cela répondrait à l'autre en même temps.

Mais actuellement, le secteur privé n'est pas intéressé à ce genre d'affaires. Ce qui les intéresse, c'est le marché intérieur, et aussi l'obtention de garantie quelconque de concert avec d'autres institutions financières internationales. Mais il ne s'intéresse pas à ce type de risque. Il s'intéresse seulement au marché intérieur.

Je pourrais vous expliquer en long et en large pourquoi le gouvernement doit être présent, mais la meilleure réponse à cela, c'est de dire qu'aucune institution financière privée ne s'intéresse à ce marché actuellement. Je ne peux pas vous donner d'autre réponse. Nous pourrions passer 10 semaines à analyser pourquoi les banques n'aiment pas prendre ce genre de risque. Si vous vous adressez à une banque canadienne, elle n'acceptera jamais de prendre ce risque. Pourquoi? Je n'en sais rien. En fait, je pourrais vous en parler longuement, mais les banques ne veulent pas prendre ce genre de risque.

Pour nous, après cela, si nous voulons nous en tenir aux États-Unis, peut-être que la SEE pourrait devenir une entreprise privée. Mais quand on veut diversifier quelque peu ses exportations, la SEE est la seule option, parce qu'actuellement, personne d'autre n'est intéressé.

M. Robert J. Labelle (premier vice-président, agent principal, Euler American Credit Indemnity Canada; Bureau d'assurance du Canada): Je pense que ce qui s'est passé dans les pays du G-7, à l'exclusion des États-Unis, c'est qu'ils ont plus ou moins privatisé leur équivalent de la SEE.

Mais il reste une composante qui s'occupe des situations dont M. Lamarre nous a parlé, le financement des projets à long terme, et ainsi de suite. En fait, c'est deux entités distinctes.

Il y a l'assurance-crédit, dont le secteur privé devrait s'occuper. Cela favorisera un regain d'activité, car alors tous les intervenants du marché entreront en jeu, qu'il s'agisse des courtiers, des organismes ou de différentes composantes.

Il y a par ailleurs le financement. Quand les exportateurs ont besoin d'un soutien additionnel ou d'une aide spéciale pour des contrats à long terme ou pour la vente de matériel particulier, c'est la même société qui s'en occupe, mais en répondant aux besoins des exportateurs, et avec l'appui du gouvernement local.

Par conséquent, les entreprises privées font le travail qui est celui de l'entreprise privée, et à partir du moment où ça n'est plus dans l'intérêt du secteur privé ou bien dès qu'il y a des risques qui ne sont pas normalement assurés de cette manière, il y a un autre volet qui prend le relais. Donc, l'entité fait les deux en même temps, en fait.

M. Clive Aston: Comme je suis courtier, j'ai l'habitude de parler.

Vous semblez laisser entendre par votre question que la SEE fait obstacle à d'autres compagnies d'assurances qui voudraient se lancer dans ce domaine particulier. Laissez-moi vous dire que ce n'est pas du tout le cas. Ce qui fait obstacle à l'entrée dans le secteur de l'assurance-crédit intérieure ou à l'exportation, c'est la base d'information, la base de données. C'est le coût administratif de se doter des outils voulus au départ. Il y a une quantité limitée d'expertise disponible ici au Canada, mais supposons que nous pouvons débaucher d'autres employés de la SEE et les privatiser, au lieu de privatiser l'entité elle-même.

Il est important de pouvoir donner aux clients les données dont ils ont besoin pour savoir qu'une limite a été arrêtée, et qu'ils ont en Turquie—gardons l'exemple de la Turquie pour l'instant—un acheteur qui sera solvable jusqu'à la fin de ce contrat. Pour un client, c'est l'élément le plus important d'une politique d'assurance du crédit, que ce soit à l'exportation ou pour le marché intérieur. À cause de la structure de cette politique, le client devra toujours assumer une partie du risque. D'ordinaire, il y a une franchise, et de toute façon, il y a un système de coassurance.

Ainsi, dans le cas d'un très gros contrat, le client pourrait assumer 10 p. 100 de la coassurance, ce qui pourrait s'élever à 1 million de dollars et plus, et en plus de cela, une franchise s'applique. En possession d'une approbation de crédit, c'est-à-dire d'une assurance suffisante que l'acheteur est solvable, l'exportateur expédie. Si l'information sur laquelle il se base est erronée, si elle n'a pas été acquise selon les règles professionnelles, comme elle aurait dû l'être, si les vérifications ont été faites de façon superficielle, ce client subit une perte alors qu'il faisait exactement ce que la politique de l'assurance-crédit lui permettait de faire.

En matière de privatisation, ce qui m'inquiète le plus quand j'entends des suggestions, en plus du danger qu'il y a à extrapoler d'un pays à un autre dont j'ai parlé tout à l'heure, c'est que je me demande si une entité privatisée serait aussi efficace que l'organisme actuel. Je réponds à cette question sans le moindre doute: non.

• 1040

À mon sens, un des gros avantages de la SEE pour le marché, c'est qu'étant une société d'État, elle peut traiter les demandes beaucoup plus rapidement et d'une façon beaucoup plus professionnelle que ne le pourraient les organismes comparables du marché privé. J'ai vu des cas où les responsables prenaient un avion au vol pour se rendre quelque part et essayer de démêler une situation avant qu'elle ne donne lieu à une demande officielle. Se faisant, ils ont économisé au client sa part de la coassurance et sa franchise. Ils peuvent travailler en collaboration avec l'attaché commercial des différents pays. Ils peuvent faire appel au fonds de l'ACDI et à d'autres programmes gouvernementaux pour encourager un pays à s'assurer que la transaction est payée et que cela ne se solde pas par une demande de remboursement. Sur le marché privé, ce genre de chose n'est pas possible. Je pense que si vous enlevez cette fonction à la SEE les clients vont en souffrir les conséquences.

Le président: Cet exposé a beaucoup dépassé le temps imparti, mais je suis sûr que nous reviendrons sur cela dans les questions.

Je vais donner la parole à M. Marceau.

[Français]

Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Merci, monsieur le président. Monsieur Quenneville, dans le sommaire du document que vous nous avez transmis, vous citez en l'approuvant une déclaration de Paul Martin:

    «S'il n'est pas nécessaire que le gouvernement fasse quelque chose, il ne devrait pas le faire. Et à l'avenir il ne le fera pas.» Il devrait en être de même de la SEE.

J'aimerais vous entendre commenter cette citation plus en détail, surtout après les commentaires de M. Lamarre, selon qui une des raisons pour lesquelles la SEE est importante et devrait continuer d'exister sans qu'aucun changement majeur ne soit apporté à la loi, est le fait que le secteur privé ne voudrait jamais s'engager dans plusieurs domaines ou dans plusieurs pays.

N'est-ce pas aller à l'encontre de ce que dit M. Martin, confirmant les propos de M. Obhrai, à savoir qu'il est nécessaire de conserver la SEE telle quelle, parce que, même si on y apportait des changements, le secteur privé ne s'engagerait pas dans certains pays ou dans certains secteurs?

M. Jules Quenneville: Je vais répondre en anglais parce que cela m'est plus facile. Il y a plusieurs termes techniques.

[Traduction]

Voilà une situation où la Société pour l'expansion des exportations a connaissance de certaines informations recueillies au cours des années, simplement parce qu'elle existe au Canada depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Les compagnies canadiennes privées ne se sont pas occupées de ce type de produit. Tout ce qui concernait ce type de produit était surtout concentré dans des compagnies privées en Europe et dans les organismes d'exportation des pays européens qui sont en train de disparaître progressivement.

Je peux vous dire quelle a été ma propre expérience. Je suis devenu président de la Guarantee Company of North America à l'automne de 1994. Une des choses que j'ai découvertes, c'est que nous sommes membres de cette Association internationale des assureurs-crédit. Comme je n'avais jamais assisté à une réunion, je me suis dit que j'irais voir de quoi il s'agissait. Je me suis ensuite aperçu qu'en réalité nous faisons partie d'une association qui se divise en deux parties: une partie garantie, qui a trait à notre fonction même, le cautionnement, et à côté de cela, cette assurance-crédit dont je ne savais pas vraiment grand-chose. Avec le temps, j'ai appris de plus en plus.

Aujourd'hui, je suis membre du comité de gestion de cet organisme et j'assiste à leurs discussions sur l'assurance-crédit. Je peux vous dire que 90 p. 100 de l'assurance-crédit dans le monde est placée en Europe. Mais avec la mondialisation et l'élargissement des débouchés, nous, les Canadiens, nous restons à la traîne, car nous n'avons pas la même expérience que l'entreprise privée, l'expérience nécessaire pour obtenir ce genre de contrat.

À chaque évaluation, vous allez être en concurrence avec le gouvernement. Comment allez-vous faire? C'est plus facile pour mon collègue d'ACI, ou pour Trade Indemnity, la société qui l'a précédée, car son entreprise au Canada n'est que le complément d'une organisation internationale déjà considérable. Il a déjà une organisation à Baltimore ou ailleurs dans le monde, donc son entreprise au Canada n'en est que le prolongement. Si j'essayais de faire ce qu'il fait, il faudrait que je parte à zéro au Canada.

• 1045

Ce que j'essaie de vous dire, c'est que nous sommes prêts à faire cela. Il y a cinq ans, nous n'aurions probablement pas pu trouver un appui suffisant dans le monde pour nous lancer dans ce genre de lignes de produits, mais aujourd'hui nous le pouvons. Il y a des possibilités de réassurance, il y a des gens qui sont prêts à permettre à des entreprises canadiennes de se lancer dans cette gamme de produits.

Dans le passé, l'Association internationale des assurances- crédit a créé un institut international pour essayer de promulguer un enseignement pour les assureurs dans le monde, quelque chose qui n'existait pas auparavant. Si vous vouliez apprendre à faire de l'assurance-crédit, il fallait aller travailler pour une compagnie européenne, apprendre à rédiger les formulaires, apprendre toutes les ficelles du métier. Ensuite, si vous aviez de la chance, j'imagine que vous pouviez entrer en rapport avec la Société d'expansion pour les exportations en tant que courtier, mais vous appreniez comment fonctionne la Société d'expansion pour les exportations. Ou encore, vous aviez une expérience ailleurs dans le monde et vous pouviez intervenir sur ce marché dans le cadre d'autres entreprises qui avaient des activités marginales ici. Il n'y a que quelques courtiers qui font ce genre de travail au Canada actuellement.

Il existe actuellement des courtiers à l'échelle mondiale qui veulent transférer ces connaissances au Canada, qui veulent y apporter ces produits, et qui vont chercher des organismes pour pouvoir diffuser ce produit. Si nous devons nous demander si nous pouvons assurer ou non un produit face à la concurrence d'un organisme gouvernemental, je n'ai pas besoin de vous dire que le calcul sera vite fait et que nous saurons très bien, pour toutes les raisons que j'expose dans notre précédent document, que les règles de la concurrence ne sont pas les mêmes pour tous.

Je pense donc qu'il nous appartient de voir comment on peut uniformiser les règles du jeu de manière temporaire pour nous permettre d'élaborer un partenariat avec notre organisme de crédit à l'exportation afin que cet organisme de crédit se retire progressivement du marché pour laisser la place au secteur privé.

[Français]

M. Richard Marceau: Oui, monsieur Aston.

[Traduction]

M. Clive Aston: Il y a une ou deux questions à ce sujet. Il serait peut-être bon de rappeler au comité que la majorité des assureurs qui se spécialisent dans ce secteur au Canada sont des anciens de la SEE. Il n'y a certainement rien de critiquable à faire venir un assureur d'Europe, comme Trade Indemnity l'a fait dans le passé. La question principale, c'est la connaissance de la situation locale. On ne transpose pas directement un produit à 4 000 milles de distance sans avoir une bonne connaissance de la situation locale, et c'est là le principal obstacle.

Il sera peut-être bon aussi de nous rappeler que notre produit à un taux de pénétration de l'ordre de 40 p. 100 sur le marché européen alors qu'il n'est que de 7 à peut-être 10 p. 100 ici au Canada. Et il nous suffit largement de six assureurs pour cela, donc nous n'avons pas besoin d'en avoir 20 au Canada.

[Français]

M. Richard Marceau: Merci.

Monsieur Lamarre, vous êtes le seul à avoir mentionné les droits de l'homme dans votre présentation. J'aimerais savoir comment, à votre idée, la SEE peut prendre en considération les droits de la personne. Je vous donne un exemple très concret.

Il a été porté à mon attention que la SEE a financé, pour un montant de 18 millions de dollars, je crois, un projet de 400 millions de dollars pour la construction d'un barrage en Colombie. Ce barrage ferait perdre complètement à certaines nations autochtones le territoire qu'elles occupent depuis des centaines d'années. Cette nation autochtone m'a contacté et m'a posé la question suivante: comment une entreprise de la Couronne, une entreprise publique et gouvernementale peut-elle prêter de l'argent à une entreprise privée qui nous fait perdre nos terres ancestrales sans que le gouvernement du Canada ou la SEE n'ait fait une évaluation très concrète de ce problème?

Vous êtes souvent associé à des projets de développement de grande envergure. Selon vous, que devrait faire la SEE pour s'assurer qu'une telle situation ne se produise pas?

M. Jacques Lamarre: Comme je vous le disais tout à l'heure, sur l'aspect fondamental, je suis complètement d'accord sur les droits de l'homme et le respect de l'individu.

Ce qui me rend nerveux, c'est toujours le processus. Il faut faire attention. Lorsqu'on exporte des produits, on exporte en même temps nos valeurs. Puis on rencontre ces gens-là, parce qu'il faut les rencontrer, et on doit parler avec eux. On passe de longues soirées et de longues journées avec eux. Ils en viennent à nous connaître et commencent à comprendre nos valeurs.

• 1050

Dans nos discussions avec eux, nous leur disons qu'il ne sera pas possible de déplacer des gens sans les réorganiser. Pour le bien de la société dans son ensemble, il faut construire un barrage et s'emparer d'un peu de territoire, mais il faut quand même que ces gens-là soient mieux organisés qu'ils ne l'étaient auparavant.

Au cours de ces tractations, on vient comme on est. Je dirais que cette exportation de nos valeurs est extrêmement importante et que cela ne peut se faire que par les échanges commerciaux. C'est la meilleure façon de le faire. Si nous nous donnions un processus qui nous empêche d'être flexibles et compétitifs, nous ne pourrions même plus exporter nos valeurs et ce serait encore pire.

Pourquoi forcer les gens qui veulent commercer à prendre en compte des considérations de ce genre-là? Le seul fait de commercer entraîne l'exportation des valeurs. C'est peut-être là le phénomène le plus important. Quand quelqu'un veut acheter une Mercedes, est-ce qu'on va lui dire qu'il devrait plutôt s'acheter une Volkswagen? Il y a tout un jugement de valeur là-dedans qui est très, très délicat.

Si vous voulez vous mettre à décider ce que devraient acheter les gens qui achètent et de quelle façon, il va falloir que vous deveniez les bosses du monde. Il faudra tout gérer et tout organiser. Quelqu'un dit qu'il veut acheter tel genre de voiture. Allons-nous lui dire qu'il a plutôt besoin de tel autre genre de voiture? Il faut faire extrêmement attention. Supposons qu'une partie de la population de là-bas puisse ne pas aimer tel projet et préférer qu'il soit fait plutôt de telle façon...

Il y a toujours des conflits dans les sociétés et, à un moment donné, certains compromis se font. En fin de compte, quand ces gens-là traitent avec nous, ils voient comment ces conflits-là ont pu être réglés ici, au pays, parce qu'ici nous avons le même genre de conflits qui se règlent au moyen de processus de même type.

Si vous créez une obligation ou quelque chose d'autre, c'est comme si vous deveniez un peu les patrons du monde. Selon moi, ce n'est pas un bon mécanisme. Il faudrait choisir d'autres mécanismes pour faire ce genre d'action. Dans le monde des affaires, le seul fait de commercer est la meilleure façon d'exporter nos valeurs.

M. Richard Marceau: Je suis d'accord, de façon générale. S'il s'agissait d'un pays où il existe une démocratie, il serait possible d'en arriver à des compromis. Vous connaissez sûrement mieux que moi les pays en développement, qui ne sont pas toujours très démocratiques. Parfois certains gouvernements peuvent imposer la réalisation de projets malgré une opposition assez forte de certaines populations.

J'en reviens à ma question. Je suis d'accord qu'avec le commerce, on exporte aussi certaines valeurs. Mais comment faire lorsqu'une de nos valeurs n'est pas respectée? Si c'est le cas, peu importe ce que la population locale pense ou croit ou quels sont ses besoins, allons-nous exporter quand même, quitte à n'y accorder aucune importance et à les entasser?

En somme, est-ce que la SEE devrait demander si on a au moins consulté telles personnes et quels ont été leurs commentaires par rapport à un projet de développement local, afin de s'assurer qu'un minimum de démocratie a été exercé?

M. Jacques Lamarre: Actuellement, toutes ces précautions sont prises. Personne ne veut s'associer à de mauvais projets. Ce sont toutes des choses qui se font parce qu'une société comme la nôtre travaille avec des ingénieurs ou des professionnels qui veulent être sûrs qu'en bout de ligne le projet va respecter les valeurs qui leur sont propres.

Mais plus tard, quand on revient et qu'on veut jouer à l'arbitre, quand quelqu'un exprime sa frustration par rapport à un projet, il est très difficile pour la SEE de lui dire qu'il aurait dû agir autrement. Elle n'aurait plus alors le respect du client. Selon moi, c'est une ligne à ne pas franchir. On devrait se dire qu'on a des valeurs et que, lorsqu'on discute avec ces gens-là, on exporte ces valeurs à un moment donné.

Pour moi, si nous leur donnons des instructions dans un autre sens, nous ne leur vendrons pas notre produit et nous allons rester à la maison. Personne ne voudra acheter notre produit parce que les gens vont se dire que nous ne les respectons pas en tant que société, que nous ne les pensons pas capables de s'occuper d'eux-mêmes. À ce moment-là, nous allons demeurer chez nous au coin du feu.

Selon moi, c'est un point extrêmement délicat. Quand je vais dans tous ces pays-là, entre autres dans les pays musulmans, j'explique aux gens qui je suis et quelles sont nos valeurs sans aucune honte. D'ailleurs, ils boivent nos paroles. Ils ont besoin de cet air frais, parce que s'ils n'ont pas d'air frais qui leur arrive une fois de temps à autre, ils meurent.

• 1055

Quand nous les rencontrons, ils nous posent des questions sur la façon dont les choses se passent au Canada. Nous leur disons comment cela se passe. À certains moments, les gens sont tellement avides de nous entendre que c'en est extraordinaire.

Mais si nous arrivons avec des contraintes artificielles, nous établissons une frontière et, à ce moment-là, c'est la catastrophe. Vous devriez voir, quand nous rencontrons ces gens-là, comment nous leur parlons et leur disons que nous sommes en désaccord sur certains points. Ils l'acceptent et acceptent nos points de vue parce que nous ne sommes pas là pour leur en imposer. Nous sommes là simplement pour leur dire ce que nous pensons. Pour moi, il est extrêmement important d'en rester à ce niveau-là.

Sur le plan fondamental, je suis complètement d'accord. Pour ce qui est des procédés, je veux rester extrêmement prudent.

Le président: Avant de terminer, j'aimerais ajouter, pour poursuivre votre idée, que les procédés, si je vous ai bien compris, monsieur Lamarre,... C'est le problème qui nous préoccupe beaucoup.

Il y a des situations claires. À l'ère de l'apartheid, on ne permettait pas la vente de mitrailleuses à la police sud-africaine. Si la SEE avait voulu financer de telles ventes, on ne le lui aurait pas permis. C'était une politique canadienne. Mais entre ça et un cas un peu plus compliqué, comme la construction d'un barrage dont on nous a parlé l'autre jour et au sujet duquel il existe diverses opinions dans le pays concerné, alors que certaines banques disent oui, etc...

Vous parlez de processus. Selon vous, la SEE devrait-elle avoir un processus clair et transparent d'examen de ces questions? Êtes-vous dans le camp de ceux et celles qui croient qu'il faut laisser au gouvernement canadien le soin d'établir la politique et qu'en autant que cela n'impose pas de blocage, la SEE peut financer n'importe quoi? C'est au gouvernement de créer la politique.

M. Jacques Lamarre: J'ai certainement foi dans le libre-échange. Je crois que si on échange, c'est la meilleure manière d'aider ces populations. C'est aussi la meilleure manière de leur permettre d'entrer en contact avec nous. C'est extrêmement important de leur apporter cette bouffée d'air frais. Si le processus nous impose trop de contraintes, nous ne pourrons conclure de ventes. Il faut rester flexibles et compétitifs. En même temps, nous leur apportons une bouffée d'air frais.

Je visite ces pays-là depuis 30 ans et je crois que nous avons influencé le processus de façon incroyable en leur disant comment nous vivons et comment sont traités nos gens.

Un des plus beaux exemples est ce dont parlait Mme Lalonde, à savoir la recherche d'une forme de souveraineté pour le Québec. De cela, nous parlions ouvertement. J'en ai parlé en Turquie. C'est extrêmement important pour ces gens-là. Et même quand nous n'échangeons pas sur les valeurs, je n'aime pas arriver et leur imposer des contraintes. Nous-mêmes n'aimerions pas nous faire imposer des contraintes. Ce sont des choses très délicates. J'aimerais mieux faire confiance à nos exportateurs et à la SEE. Je suis certain que les gens de la SEE sont des gens très responsables.

Le président: Merci.

Monsieur Patry.

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Je vais m'adresser à M. Quenneville du Bureau d'assurance du Canada, parce que je veux poursuivre cette discussion. Dans votre exposé, vous avez émis plusieurs énoncés sur lesquels j'aimerais avoir des éclaircissements.

D'abord, je comprends très bien l'essentiel de la position du BAC concernant la concurrence déloyale de la part de la SEE. Je comprends cela et il n'y a pas de problème à cet égard.

Par contre, à la page 1 de votre sommaire, vous nous dites que les autres pays de l'OCDE se sont retirés de l'assurance-crédit à l'exportation à court terme mais non à moyen et à long terme.

À la page 2, au premier paragraphe, vous nous dites que la SEE «n'a pas les compétences nécessaires pour répondre aux besoins du marché canadien de l'assurance-crédit et que ces services n'ont pas été utiles aux exportateurs.»

Si je comprends bien votre position, vous nous dites que la SEE devrait se retirer complètement de l'assurance-crédit sur le marché canadien, mais seulement de l'assurance-crédit à l'exportation à court terme et non pas à moyen et à long terme.

Pourquoi le BAC et les autres compagnies d'assurance ne sont-elles pas présentes sur le marché pour le moyen et le long terme?

Je vais vous poser mes trois questions car ensuite je devrai me rendre à la Chambre. Voici la deuxième. Si la SEE est incompétente sur le marché canadien de l'assurance-crédit, comment expliquer sa fulgurante montée et la très grande satisfaction de ses clients, qui sont même prêts à payer une prime supplémentaire pour faire affaire avec elle?

• 1100

Ma troisième question n'entre peut-être pas dans le cadre du mandat du BAC. Dans le rapport Gowlings, on dit que le vérificateur général du Canada devrait laisser sa place à un vérificateur privé. Je voudrais savoir si vous avez une opinion là-dessus.

M. Robert Labelle: Pour ce qui est du moyen et du long terme, en règle générale, l'entreprise privée a beaucoup de difficulté à évaluer et à accepter les risques à moyen ou à long terme. Comme le disait M. Lamarre, c'est souvent dans ces domaines qu'il y a un besoin de financement qui se rattache beaucoup plus à l'assurance-crédit. C'est là que réside la différence entre le court terme, c'est-à-dire les transactions venant à échéance en moins de 12 mois, et le plus long terme, c'est-à-dire tout ce qui vient à échéance au bout de 3, 5, 10, 15 ou 20 ans. C'est un domaine qui est surtout rattaché à de grands projets. Nous vous disons de laisser faire l'entreprise privée. Euler produit pour au-delà d'un milliard de dollars de primes à l'assurance-crédit sur une base mondiale. On a des sociétés dans presque tous les pays, surtout en Europe et en Amérique. On a des bureaux au Mexique et en Asie. L'entreprise privée, par l'entremise des groupes, peut s'occuper de ce marché du court terme, mais c'est beaucoup plus difficile à moyen et long terme à cause des phénomènes conjoints.

[Traduction]

M. Jules Quenneville: J'aimerais ajouter quelque chose. Les transactions liées aux investissements, dont nous n'avons pas discuté, concernent une assurance-crédit à moyen ou long terme, et il s'agit de situations où l'organisme de crédit à l'exportation investit dans le projet où s'exécute un contrat de type construire-posséder-transférer, ce que M. Lamarre fait probablement assez souvent. Mais c'est un rôle qui n'a pas été facile à faire accepter par le marché privé ailleurs dans le monde. Je crois qu'au Canada nous avons du rattrapage à faire. Je ne pense pas que nous voulons transplanter ici ce qui existe ailleurs.

Ce que nous voulons faire, c'est comprendre pourquoi nous en sommes là. Si nous en sommes là, c'est que nous avons permis qu'il y ait un monopole pendant très longtemps et par conséquent, nous devons rattraper le temps perdu. Nous devons dire très bien, nous sommes d'avis qu'à court terme, qu'il s'agisse du marché national ou international... Je pense que cette distinction est en train de disparaître graduellement. Je ne pense pas qu'on évalue aujourd'hui l'assurance-crédit de la même façon qu'on le faisait il y a dix ans. Aujourd'hui, on a plutôt tendance à faire une distinction entre les affaires à court terme et les affaires à moyen terme et à long terme plutôt qu'entre les affaires nationales et internationales. Même si vous dites à la SEE qu'elle ne devrait plus s'occuper d'assurance internationale et que c'est plutôt le secteur privé qui doit le faire, de toute façon il n'y a pas tellement d'activités au niveau de l'assurance nationale.

Les activités qu'il faudrait cultiver avec le temps sont plutôt des activités à court terme. Il devrait y avoir un moyen de déterminer dans le cas des activités qui ne répondent pas à des critères acceptables, appelons-les des activités par consensus, c'est cette expression que j'utilise dans le document... En d'autres termes, il y a des activités qu'il faut justifier, car elles sont dans l'intérêt de nos politiques commerciales ou dans l'intérêt du pays. Il devrait y avoir une façon de faire ces affaires. On peut laisser cela à l'organisme de crédit à l'exportation.

L'organisme de crédit à l'exportation n'est pas obligé de disparaître. Il s'agit d'un rapport qui doit croître au niveau de l'assurance et de la réassurance, de qui s'occupe du client et qui prend le risque. Il faut donc en arriver à un partenariat. C'est ainsi que nous voyons les choses.

La troisième question... je ne sais pas si nous avons répondu à la deuxième question.

Le président: C'est la deuxième question. La troisième question concernait le vérificateur général.

• 1105

[Français]

M. Robert Labelle: Elle portait sur la satisfaction des clients. Il ne fait aucun doute que les clients de la SEE sont satisfaits. Tout comme dans le secteur privé, les clients sont, en règle générale, satisfaits, sinon on ne progresserait pas. On n'est certainement pas ici pour dire que la SEE est une société qui ne fonctionne pas bien, car ce n'est absolument pas le cas.

M. Bernard Patry: Vous avez dit qu'elle était incompétente.

M. Robert Labelle: Eh bien, elle est incompétente dans certains domaines, notamment dans le domaine de l'assurance à court terme.

M. Bernard Patry: Avez-vous une opinion sur le rapport Gowlings relativement au vérificateur général?

[Traduction]

M. Jules Quenneville: Je n'ai pas étudié cet aspect.

M. Bernard Patry: Je voulais seulement avoir votre avis.

[Français]

M. Robert Labelle: Eh bien, je vous donne mon opinion là-dessus. Si la SEE était vérifiée par un vérificateur indépendant au même titre que nous le sommes, cela permettrait des comparaisons. On saurait si la SEE fonctionne bien et si ses résultats sont comparables à ceux de l'entreprise privée. C'est ce que cela permettrait, si on veut clarifier un peu les chiffres et les opérations de la SEE. C'est mon opinion.

M. Bernard Patry: Merci.

[Traduction]

Le président: Madame Marleau.

Mme Diane Marleau: Tout d'abord, je dirai que je suis d'accord avec Paul Martin lorsqu'il a dit que les gouvernements ne devraient pas faire quelque chose que le secteur privé peut faire et fait très bien. Je suis d'accord avec cela.

Le problème, c'est que souvent le secteur privé ne le fait pas si cela comporte un risque et qu'il n'y a pas de profits à réaliser. Lorsqu'on parle de petites entreprises, de façon générale, le secteur privé n'est pas intéressé. J'ai eu de nombreuses expériences avec la Banque de développement du Canada. À un moment donné, nous croyons que la Banque de développement du Canada devrait assurer le risque avec les banques de façon à ce que ces dernières consentent des prêts plus risqués. Je n'aime pas vous dire cela, mais cela n'a pas très bien fonctionné. Cela ne les intéressait pas.

Donc, comment est-ce que le gouvernement peut...? Nous sommes des hommes et des femmes politiques. Nous répondons aux gens qui nous appellent et qui nous disent: «Nous voulons faire des affaires, mais nous n'avons pas l'aide voulue et nous ne pouvons pas l'obtenir. Le secteur privé ne veut pas nous aider». Par conséquent, le gouvernement intervient, naturellement, car nous voulons que l'entreprise prospère.

Vous nous avez parlé d'un cas malheureux, mais dites-moi, comment pouvons-nous promouvoir ce que vous faites tout en servant les entreprises qui ont vraiment besoin d'aide pour vendre leurs produits à l'étranger et en même temps se développer? Inévitablement, vous recevrez des appels de gens qui vous disent: «Nous n'avons pas de débouchés».

Donc, je vous dis que nous devons établir un partenariat. Si le marché est si bon, la Société pour l'expansion des exportations sera heureuse de le laisser au secteur privé. C'est parce qu'on me dit—je me trompe peut-être—qu'elle s'occupe de la couche supérieure du marché, tout comme le fait la Banque de développement du Canada.

Donc, même s'il y a déjà une certaine concurrence, si c'est un domaine lucratif, pourquoi est-ce que le secteur privé n'est pas déjà là à offrir un taux un peu moins élevé?

M. Mark Perna: Puis-je répondre à la question? Je pense qu'il faut apporter un éclaircissement sur certains points d'information.

Environ la moitié des fonctions exercées par la SEE concerne le financement. L'autre moitié concerne l'assurance. Je pense que la plupart des gens qui sont ici aujourd'hui examinent surtout l'aspect assurance de la question.

Je pense que nous devrions admettre que du côté financier, se posent des problèmes. Il y a des problèmes; et en fait, lorsque la question a été soulevée tout à l'heure au sujet de la privatisation de la SEE... Cela causerait des problèmes considérables, particulièrement du côté financier. Je pense que la SEE joue un rôle vraiment valable pour le Canada à cet égard.

Du côté de l'assurance, nous voyons les choses quelque peu différemment. Tout simplement pour mettre les choses en perspective, j'aimerais que tout le monde y songe, car lorsque nous disons que la SEE a peut-être un avantage déloyal et que c'est une société puissante, c'est ce que nous voulons dire.

La SEE compte un peu plus de 700 employés. Disons que la moitié d'entre eux s'occupe d'assurance et que l'autre moitié s'occupe des prêts, ou du financement. Cela veut dire qu'il y a environ 350 employés qui s'occupent d'assurance-crédit, que ce soit à court, à moyen ou à long terme. Il n'y a pas 350 employés au Canada dans toutes les entreprises d'assurance-crédit et toutes les entreprises d'affacturage mises ensemble, et lorsque nous vous demandons d'être très prudents avant d'accorder des pouvoirs supplémentaires à la SEE, c'est parce qu'il s'agit là d'une très grande société qui peut avoir un impact énorme sur nous.

• 1110

Je dirai également que notre association a collaboré avec la SEE en matière d'exportation afin de combiner les services d'affacturage et les talents de la Société pour l'expansion des exportations lorsque cette dernière accorde de l'assurance.

Je pense que tout le monde doit garder à l'esprit la taille relative de cette société. Nous devons faire concurrence à cette très grande société. Est-ce que des choses comme l'assurance-crédit national et l'assurance à court terme ont des conséquences pour nous? Vous pouvez en être sûrs. Cela a certainement des conséquences importantes pour le marché.

Monsieur Michael Teeter: Si vous me le permettez, monsieur le président...? Je pense que le dilemme du gouvernement consiste à trouver un moyen d'encourager la collaboration plutôt que la concurrence. Ce qu'il faut faire, c'est utiliser les ressources du secteur privé pour maximiser la valeur de l'investissement plutôt que de la diminuer.

Ce qu'on vous dit aujourd'hui, je pense, c'est que ces gens ont l'impression de faire concurrence au gouvernement plutôt que de coopérer avec ce dernier. Il y a toutes sortes de façons pratiques de voir la collaboration, et c'est ce qu'ils font aujourd'hui. Il y a des programmes conjoints avec la SEE, et nous en avons un. À une certaine époque, la Banque de développement du Canada avait adopté la formule des trois rejets ou plus; en d'autres termes, si on s'était adressé au secteur privé et que la demande avait été rejetée trois fois, on pouvait alors s'adresser à la Banque de développement du Canada pour obtenir un prêt.

Je ne dis pas que ce soit là la solution, mais je ne pense pas que l'on ait fait preuve de suffisamment de créativité pour essayer de travailler ensemble et tenter d'obtenir des ressources du secteur privé, ce qui est vraiment essentiel. Pourquoi les banques ne sont-elles pas ici? J'espère que vous vous posez la question, car il s'agit d'une question de politique fondamentale pour vous. Où sont les banques?

Mme Diane Marleau: C'est pourquoi nous faisons cet examen et que nous vous demandons comment nous pourrions mieux faire les choses.

M. Michael Teeter: Je sais, mais nous nous plaignons, n'est-ce pas?

La question devrait être... Nous voulons que les banques soient ici. Nous voulons coopérer. Nous ne voulons pas leur faire concurrence, et à l'heure actuelle c'est ce que nous faisons, plutôt que de coopérer. Voilà le dilemme.

Mme Diane Marleau: C'est un très gros dilemme. Je ne pense pas qu'il y ait de réponse facile. Comme je vous l'ai dit, ayant été à différents niveaux et ayant vu ce qui arrive... D'une part, on se plaint que vous vous faites concurrence, mais d'autre part, pour les entreprises, il y a des besoins auxquels on ne répond pas à moins qu'il y ait une agence comme celle-ci pour le faire. Nous allons continuer à chercher des solutions.

M. Clive Aston: Pour répondre à votre question sur l'absence des banques, je dirai que j'ai déjà été directeur général adjoint des assurances à la CIBC et qu'on m'avait confié la tâche de concevoir la stratégie d'ensemble des banques en matière d'assurance; je vous présente donc mes excuses.

Pour répondre à votre question, l'une des recommandations que j'ai faites à M. Fullerton et au Cabinet était de permettre à la CIBC de garantir le crédit intérieur à court terme—j'ai un compte à régler. Les banques ont répondu que ce n'était pas assez payant pour elles. C'était une simple décision commerciale. Le capital nécessaire n'avait pas un rendement suffisant par rapport au rendement des assurances-vie sur les hypothèques, des assurances sur la vie des créanciers, etc. Voilà votre réponse. C'est très simple.

M. Michael Teeter: À mon avis, le dilemme auquel le gouvernement fait face, c'est de faire en sorte que le rendement soit suffisant pour que les banques veuillent se lancer. C'est là l'enjeu du gouvernement.

M. Jules Quenneville: J'aimerais établir un parallèle. Si vous établissiez aujourd'hui un organisme de crédit à l'exportation, votre objectif serait-il d'aider les petites entreprises?

Mme Diane Marleau: Ce serait les deux.

M. Jules Quenneville: Les deux?

Mme Diane Marleau: Il faut tenir compte de ces deux objectifs. Il faut aider les grandes entreprises qui ont besoin de notre aide pour réussir à l'échelle internationale...

M. Jules Quenneville: D'accord. Permettez-moi maintenant de vous poser une autre question.

Mme Diane Marleau: ...ce dont notre pays a besoin. Mais nous devons aussi aider les petites entreprises à croître et à avoir un meilleur accès aux marchés.

M. Jules Quenneville: Vous ne voudriez pas accorder du crédit aux entreprises qui représentent un risque, même si vous êtes un OCE.

Mme Diane Marleau: Le secteur privé veut faire de l'argent à tout prix, et plus ça rapporte, mieux c'est. Souvent, une petite entreprise hésite beaucoup devant un risque qui lui apparaît un peu trop grand. Cela dit, elle pourrait néanmoins être rentable si quelqu'un l'aidait au départ.

C'est ce que vous voyez à l'échelle du pays. C'est ça, un défi.

• 1115

Ce que notre gouvernement doit faire, c'est donc de combler ce vide, d'aider les petites entreprises à croître, à connaître du succès sur la scène internationale et d'aider les grandes entreprises afin que leur succès se poursuive car, ne l'oublions pas, ces entreprises ont aussi été de petites entreprises qui ont su grandir.

M. Jules Quenneville: C'est ce qui se passe, par exemple, en matière de garanties, lorsque nous émettons une caution. Il y a une multitude de petits entrepreneurs auxquels nous accordons des cautions. Il nous incombe tout de même—dans nos relations avec les travaux publics, par exemple—de présélectionner ces entrepreneurs afin de nous assurer que nous ne faisons pas affaire avec des entreprises si petites qu'elles nous submergeront de réclamations.

Mais nous devons aussi offrir un marché aux grandes sociétés; nous avons donc...

Mme Diane Marleau: D'après mon expérience, il est toujours plus coûteux de faire affaire avec le gouvernement qu'avec le secteur privé. Si tel est le cas, pourquoi le secteur privé ne se sentirait-il pas mieux dans ce domaine où vous dites être en concurrence avec la Société pour l'expansion des exportations?

M. Jules Quenneville: À mon avis, c'est parce que le gouvernement a une avance de 30 ans sur nous. Essentiellement, chaque fois que nous voulons faire une évaluation et que nous demandons si on pourra faire concurrence à la Société pour l'expansion des exportations, on nous répond: «Je ne vois pas comment.»

Le président: Est-ce cette avance qui est le facteur décisif ou le coût du capital?

M. Jules Quenneville: Non, c'est...

Le président: À mon avis, deux facteurs relevant du coût du capital sont pertinents. Premièrement, la SEE ne paie pas d'impôts. Ses bénéfices réinvestis sont donc supérieurs. Vous ne pouvez garder que 64 p. 100 de vos bénéfices non distribués. La SEE, elle, peut les garder en entier.

De plus, la société dispose du capital du gouvernement à un taux inférieur à celui que vous devez payer pour votre capital; cela aussi doit influer, mais je ne suis pas encore certain, après vous avoir écouté... je n'ai pas encore compris si vous dites que la SEE est avantagée parce qu'elle existe depuis plus longtemps, qu'elle a davantage d'employés et de meilleures connaissances, ou parce qu'elle a accès à des capitaux moins coûteux.

Une voix: Les deux.

M. Jules Quenneville: Les deux. On a dit tout à l'heure, par exemple, que pour faire ce genre de travail, une base de données est très importante. Il y a 20 ans, cette base de données était tout aussi importante. Il y a 20 ans, si vous n'aviez pas de base de données, vous ne pouviez en créer une; rien ne vous permettait d'en créer une. Ce n'est plus le cas. Nous vivons dans un monde informatisé. Il existe des organismes qui peuvent fournir des données. Il existe toutes sortes de façons de se doter d'une base de données. Cet obstacle n'existe plus.

En Amérique du Nord, le marché de l'assurance-crédit était pratiquement non existant. On considérait cela comme un produit européen pour le marché européen. À l'heure actuelle, 90 p. 100 de l'assurance-crédit vendue dans le monde est vendue en Europe. Mais les choses changent et, à mesure que les choses changent, des occasions s'offrent à nous. Si nous voulons profiter de ces possibilités, il faut égaliser les chances de sorte que les petites entreprises puissent saisir ces occasions tout comme peut le faire un organisme de crédit à l'exportation.

Nous ne préconisons pas l'élimination des organismes de crédit à l'exportation. Nous estimons qu'il faudrait toutefois redéfinir leur rôle afin qu'ils assument des responsabilités dans chacun des trois domaines que nous avons décrits afin que leur capital—qui est notre capital—soit utilisé de façon optimale. Cela signifie qu'ils devraient se retirer pas seulement du crédit intérieur à court terme, mais de toutes les transactions à court terme. C'est ainsi que nous voyons les choses.

Mme Diane Marleau: Nous croyions...

Le président: Un instant. Votre temps est écoulé.

Mme Diane Marleau: ...que les petites entreprises ne se plaindraient pas, mais je n'en suis plus aussi sûre.

Le président: M. Obhrai attend patiemment son tour; je lui cède donc la parole.

M. Deepak Obhrai: Poursuivons le débat. Je ne suis toujours pas satisfait. Je comprends vos réponses. Vous êtes tous des joueurs sur le marché de l'exportation. Avec la mondialisation, les marchés se déplacent. La SEE, essentiellement—si je jette un coup d'oeil au rapport—se concentre à 73 p. 100 en Ontario et au Québec et oublie l'existence même du reste du pays. Comme vous le savez, dans le reste du pays aussi, ça bouge sur les marchés de l'exportation et ailleurs.

Alors, à mon avis, la SEE n'est qu'un petit joueur dans ce domaine avec la mondialisation qui s'accentue.

• 1120

Vous avez fait valoir qu'un tel organisme était nécessaire puisqu'il n'y avait pas d'autre joueur sur le marché, que la SEE a 30 ans d'expérience, mais que le temps est propice au changement; ne serait-il pas avantageux pour le Canada de revoir tout ce secteur, comme l'a fait remarquer Mme Marleau? Comment mettre à contribution le secteur privé? J'irais jusqu'à dire que, avec le temps, la SEE ne prendra pas beaucoup d'envergure. Comment faire en sorte qu'elle devienne un joueur d'importance?

Je me demande s'il ne serait pas bon de donner carte blanche à la SEE tout en ouvrant ce secteur, compte tenu de l'évolution très rapide qui s'y produit. Le secteur privé comblera le créneau. Comment faire face à la mondialisation rapide des marchés d'exportation, qui se développent un peu partout dans le monde?

M. Paul Kovacs: De par son mode de fonctionnement, la SEE a empêché les banques et les compagnies d'assurances d'appuyer les exportateurs. C'est la seule entreprise au Canada qui tente de desservir les exportateurs, mais elle ne paie pas d'impôts et elle n'est pas tenue non plus de faire rapport aux organismes de réglementation pour expliquer ce qu'elle fait, comme le font toutes les autres sociétés.

M. Deepak Obhrai: Cela fait donc obstacle à l'ouverture du marché à d'autres choses, n'est-ce pas?

M. Paul Kovacs: Il ne fait aucun doute que de nombreuses entreprises ont déclaré qu'elles s'étaient lancées dans ce secteur d'activité et qu'elles voulaient le faire, mais pas au Canada—du moins, pas à l'échelle qui leur plairait—en raison des règles qui régissent la SEE. Si les règles prévoyaient que la SEE paye des impôts, présente un rapport aux organismes de réglementation et respecte les mêmes règles que les autres, bien des entreprises apparaîtraient sur ce marché. Elles rivaliseraient pour mieux servir le marché. Elles rivaliseraient pour aider les exportateurs. C'est précisément ce que font d'autres pays, et ni les petites entreprise ni les exportateurs n'en ont souffert, au contraire.

M. Deepak Obhrai: Si la SEE était privatisée, elle devrait respecter la même réglementation que le secteur privé. Ainsi, les chances seraient égales pour tous et on donnerait à d'autres entreprises la possibilité d'accéder à un marché élargi.

Je sais ce que souhaite M. Lamarre, mais il y a des domaines—et je suis d'accord avec M. Lamarre—où le secteur privé ne pourrait suffire à la tâche. Ce sont les domaines qui préoccupent M. Lamarre, et je me demande si nous avons véritablement besoin d'un organisme tel que la SEE pour de si petits créneaux, ou si on ne pourrait pas confier cette tâche à d'autres organismes gouvernementaux.

M. Jacques Lamarre: Votre question est très pertinente, mais il n'est pas facile d'y répondre. J'ai bien aimé la distinction qu'a faite M. Perna. En fait, il y a le financement, il y a l'assurance et il y a la SEE. Je dirais que les gens comme nous achètent autant d'assurance privée que d'assurance de la SEE, et habituellement, les prix sont très concurrentiels. Nos relations sont bonnes.

Il manque encore des produits à moyen et à long terme et pour certains pays. Nous avons voulu acheter une assurance pour l'Algérie, et comme le marché de l'assurance n'avait rien à nous offrir, nous nous sommes tournés vers la SEE.

Pour l'instant, en matière d'assurance, je suis très satisfait du travail des assureurs. Leur travail est supérieur à celui des banques et ils offrent au marché des produits précieux. Ils font de l'excellent travail que nous apprécions beaucoup, mais il serait prématuré, à mon avis, de demander à la SEE de se retirer de ce marché. Les assureurs n'offrent pas encore tout ce qu'il nous faut pour le moyen terme et le long terme ainsi que pour certains pays. Il serait très dangereux de prendre une telle décision.

En matière de financement, le Canada est petit. Notre plus grande banque se trouve probablement au 50e, 60e ou 100e rang dans le monde. Notre marché est si petit que, si la SEE n'existait pas pour le financement, nous serions totalement dépourvus. En fait, pour le marché mondial, nous sommes dépourvus. Nous ne sommes qu'un petit joueur. Avec le temps, nos échanges commerciaux s'accroîtront, mais c'est tout.

• 1125

M. Deepak Obhrai: La SEE est-elle si importante qu'elle puisse avoir une influence considérable?

M. Jacques Lamarre: Oui, car elle dispose du bilan du gouvernement canadien. Elle seule peut prendre de grands risques.

J'ai demandé aux représentants de la Banque royale pourquoi ils n'étaient pas prêts à assumer ce genre de risques. D'autres grandes banques dans le monde sont prêtes à assumer ces risques car ce n'était qu'une partie d'un portefeuille plus vaste. Mais ni la Banque royale, ni la Banque de Montréal, ni les autres membres du groupe des six grandes banques canadiennes ne sont prêtes à prendre ce risque. D'autres banquiers ont accepté d'assumer les risques qui ne pouvaient être financés par la SEE en raison de leur contenu local. Cela prouve bien que nos banques sont trop petites. Beaucoup trop petites. Si la SEE disparaissait, ce serait une catastrophe dans le domaine du financement.

En matière d'assurance, il est vrai que nous pouvons obtenir du secteur privé ce qu'offre la SEE. Les assureurs font du meilleur travail. Le secteur privé dessert bon nombre de nos programmes, et nous sommes très satisfaits de leurs services. Mais, je le répète, il est encore trop tôt pour penser à faire disparaître la SEE. Les assureurs ne seraient peut-être pas d'accord avec moi, mais c'est ce que j'en pense. Du moins, je suis fier du travail des assureurs. Ils font de l'excellent travail et ils démontrent un intérêt certain. Ils se lancent sur d'autres marchés et font toutes sortes de choses. Ils offrent toutes sortes de produits. Ils sont de plus en plus efficaces et rentables et nous sommes très satisfaits de leurs services.

[Français]

Le président: Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Enfin!

Le président: Excusez-moi.

Mme Francine Lalonde: Je suis la patience même. Je vais essayer d'aller dans un domaine un peu différent. Pour ma part, je suis convaincue que la SEE doit demeurer.

Ce que j'ai trouvé particulièrement intéressant de votre intervention, monsieur Lamarre, c'est quand vous avez souligné l'importance de diminuer la dépendance du Canada à l'endroit du marché américain. Dans le rapport Gowlings, on reprend certaines critiques qui ont été faites à l'endroit de la SEE, qui serait un peu frileuse face à certains marchés.

Que nous recommanderiez-vous, à nous qui allons formuler des recommandations à l'intention de la SEE, d'envisager pour faciliter cette aide aux exportations dans les pays autres?

J'ai entendu vos propos au sujet de la recommandation que contient le rapport, recommandation disant que, pour se préparer aux négociations de l'OMC en particulier, il valait se défaire du guichet unique. J'ai cru comprendre que vous préféreriez qu'on revienne à ce guichet unique.

Vous n'êtes pas d'accord non plus sur une partie des recommandations relatives aux petites et moyennes entreprises.

M. Jacques Lamarre: Quant à la première partie, il faudrait faire bien attention: je suis très favorable au marché américain.

Mme Francine Lalonde: Oui, je comprends.

M. Jacques Lamarre: Cependant, on recommande de favoriser le développement dans d'autres pays. Lors d'une présentation de la SEE, ses fonctionnaires m'ont montré un certain tableau où tout était noir partout dans le monde, sauf aux États-Unis. Lorsque j'ai regardé la carte, j'ai bien vu qu'il y avait un problème. Je reconnais que la crise asiatique sévissait à l'époque. À un moment donné, même eux sont devenus frileux. Je leur ai dit qu'il fallait songer à la situation future et que certains autres pays étaient sûrement prometteurs.

Nous voulions entreprendre un projet en Algérie, un pays riche en ressources qui a toujours respecté ses engagements. Nous avons travaillé très fort afin de les convaincre que nous devions demeurer en Algérie, et nous avons réussi à faire en sorte que la SEE s'engage à y faire de modestes investissements.

Les fonctionnaires de la SEE préfère aller à Washington plutôt qu'en Algérie. Même si la distance peut sembler un obstacle, des investissements dans un tel pays peuvent s'avérer extrêmement importants. Si on veut diversifier nos investissements, il faut consentir à faire ces efforts supplémentaires.

Je crois que la SEE a actuellement un peu tendance à perdre de vue sa mission originale et son souci d'avoir un portefeuille équilibré.

• 1130

J'aurais du mal à vous donner le pourcentage qui devrait être investi dans les pays développés et celui qui devrait l'être dans les pays en voie de développement, où la compétence de la SEE serait extrêmement importante. Ce serait un élément extrêmement important à inclure dans vos recommandations. J'aimerais penser à un pourcentage et à une formule et essayer de vous envoyer une note là-dessus. Ce serait un aspect très important. C'est une très bonne question que vous avez posée là, mais je n'ai pas la réponse précise. Quant au principe, il faudrait absolument que le comité fasse des recommandations.

Le président: Envoyez cela au comité, s'il vous plaît.

M. Jacques Lamarre: Parfait. Excusez-moi.

Mme Francine Lalonde: C'est ce que j'avais compris.

Le président: Je me fie parfaitement à Mme Lalonde. Je suis certain qu'elle veut que tout le monde partage toute cette information.

M. Jacques Lamarre: Je m'excuse.

Le président: Et ne nous recommandez pas seulement des pays où vous faites des affaires.

M. Jacques Lamarre: Non, non.

Le président: Vous devez être tout à fait neutre.

M. Jacques Lamarre: À l'heure actuelle, nous travaillons dans 100 pays.

Le président: Donc, on ne risque rien.

M. Jacques Lamarre: Non.

Au sujet de la recommandation 14, on a dit que les ressources pour analyser les risques étaient très restreintes. Je ne voudrais pas que les banques aillent voir un autre ministère du gouvernement pour lui demander de développer le même genre d'expertise. Il faut absolument que cette expertise demeure à la SEE et ait un guichet unique. Dans la recommandation 14, on disait que les banques pourraient avoir une organisation parallèle à la SEE. Déjà les ressources sont très rares. On demande parfois à la SEE de venir avec nous dans tel pays, mais elle n'a pas les ressources compétentes. Si on faisait une duplication, pour moi, ce serait une erreur.

Autant je suis d'accord que la SEE prenne une partie de son portefeuille pour donner des garanties aux banques afin de les amener à s'intéresser au marché international, comme les assurances l'ont fait, et de faire en sorte qu'elles aient moins peur de ces pays-là, autant je serais contre la création d'un autre groupe d'expertise, parce que les ressources sont très difficiles à trouver et à former. Je préférerais qu'il y ait un guichet unique, mais que la SEE soit amenée à donner des garanties aux banques afin qu'elles aillent sur le marché international à des conditions compétitives.

En troisième lieu, on parlait des petites et moyennes entreprises. Il faut faire attention de ne pas jouer de tours aux petites et moyennes entreprises. Je vois parfois des petites entreprises qui arrivent sur le marché international et je leur demande ce qu'elles font là. Il faut commencer d'une certaine façon. Quand la petite entreprise arrive sur ce marché, les pauvres gars flambent un paquet d'argent. Il faut éviter de trop pousser ces petites entreprises vers le marché international, parce que c'est un monde spécial. Il faut être un peu prudent et ne pas penser que le marché international est facile, sauf aux États-Unis et dans certains pays limitrophes.

Il nous faut parfois huit ans pour négocier un contrat. Quand les petites entreprises arrivent, elles ont signé les premiers protocoles et elles commencent à dépenser de plus en plus d'argent. Je leur dis de faire bien attention. Je leur donne des conseils pour ne pas qu'elles se fassent prendre. Je ne voudrais pas qu'on donne trop d'illusions à la petite entreprise. Si on fait des programmes de garanties, par exemple, la petite entreprise va en profiter, et la SEE sera mal prise. Elle ne sera jamais capable de recouvrer ces comptes. Donc, il faut faire preuve d'un certain degré de prudence.

Certaines sociétés comme la nôtre ne produisent rien, mais chaque fois qu'on vend, on amène un paquet de petites entreprises avec nous et on les développe tranquillement. Elles commencent à se sentir plus fortes et à grossir dans ce genre de cadre. Donc, il faut être prudent et ne pas penser que sur le marché international, c'est le succès automatique. C'est un monde très compétitif et il faut être très prudent.

Mme Francine Lalonde: Parlez-vous d'une sorte de maillage entre les grandes entreprises et les PME?

M. Jacques Lamarre: C'est quelque chose qu'on fait naturellement et qu'on devrait faire de plus en plus. Actuellement, on le fait beaucoup. Pour tous nos projets, on amène énormément de fournisseurs.

• 1135

À un moment donné, j'étais en Algérie avec Canam Manac, qui est pourtant une grosse firme. Le gars m'a dit: «Je n'irai plus jamais seul en Algérie. Je vais y aller avec vous, en tant que sous-traitant.» Depuis ce temps-là, on les amène avec nous, et ça va très bien. Quand le gars arrive seul dans ce monde-là, il trouve que c'est un monde un peu spécial.

J'ai ici une note sur le nombre de fournisseurs. Pour nous, c'est une excellente façon de faire. Encourageons des entreprises comme la nôtre à faire de plus en plus d'affaires, et les petites entreprises suivront.

Mme Francine Lalonde: Je pense qu'on fait cela chez nous.

M. Jacques Lamarre: Et nous devons continuer de le faire, mais il faudrait faire attention. On disait que la SEE allait fournir des lignes de crédit aux petites entreprises. Je vous dis d'être très prudents parce que cela va vous coûter très cher.

Mme Francine Lalonde: Je trouve vos propos surprenants d'une certaine manière. Quand on travaille dans nos circonscriptions, on entend des invitations répétées et nombreuses aux PME à se lancer dans l'exportation. L'exportation, c'est l'avenir, c'est la croissance, c'est la prospérité assurée. J'entends bien ce que vous dites, mais cela me surprend. Je ne dois pas être la seule.

M. Jacques Lamarre: Vous m'inviterez à leur parler, parce qu'il faut vraiment qu'ils choisissent leurs pays avec soin.

Mme Francine Lalonde: Il faut faire attention.

M. Jacques Lamarre: Très attention. Je connais plus de compagnies qui ont fait faillite à l'international que sur le marché intérieur.

M. Robert Labelle: Des sociétés comme Lavalin ou Bombardier acquièrent une expertise incroyable au niveau de l'exportation, mais pour une PME, il est difficile d'engager les fonds et les ressources humaines nécessaires. Souvent elles n'ont pas énormément de ressources humaines et tout cela. Souvent, ce n'est pas un service qu'on leur rend. Le risque est peut-être acceptable à l'autre bout, mais est-ce qu'elles sont en mesure de vraiment supporter cela sans aboutir à une situation où il y a toutes sortes de disputes et ainsi de suite? Finalement, l'assurance-crédit ne règle rien. Si la marchandise n'est pas livrée en conformité des normes qui existent là-bas, les gens refusent de payer et il y a des disputes. Il y a toutes sortes de phénomènes qui peuvent jouer, et la PME est un peu coincée. Que ce soit l'entreprise privée ou la SEE, le même phénomène existe. C'est un peu le danger qui guette la PME qui veut devenir une super PME parce que c'est «in» d'exporter. Les PME doivent maîtriser les marchés nord-américains avant de mettre à risque la compagnie au complet.

Le président: Oui, mais pour elles, le risque est différent en Chine et en Italie, par exemple.

M. Robert Labelle: Bien sûr. C'est évident.

Le président: Chaque marché doit être analysé. Vous parlez sans doute des pays en voie de développement, monsieur Lamarre, parce que vous avez beaucoup d'expérience là-bas.

M. Robert Labelle: Pas nécessairement. Même dans des pays comme l'Italie, il faut que les gens soient conscients des règlements et des lois. Mais il est évident que le risque n'est pas le même.

M. Jacques Lamarre: Il faut faire attention, car il y a des risques du côté du taux de change. Par exemple, quelqu'un va vendre au Brésil. Il n'a pas pris son contrat d'échange, et la monnaie tombe de 40 p. 100. Le pauvre gars se retrouve... Pour prendre un contrat d'échange, il faut avoir une certaine compétence. C'est toute une structure. Je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire, mais il faut être prudent.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Jacques Lamarre: Oui, bien sûr.

[Traduction]

Le président: Nous pourrions peut-être terminer avec deux ou trois questions du président.

Monsieur Aston, vous semblez préconiser une plus grande marge de manoeuvre pour la SEE. C'est ce que vous dites dans votre rapport.

M. Clive Aston: C'est exact.

Le président: Proposez-vous que l'on confère à la SEE davantage de pouvoirs?

M. Clive Aston: Non, mais qu'on assouplisse la restriction à laquelle je suis soumis dans mes rapports avec la SEE.

Le président: Laquelle?

M. Clive Aston: Surtout celle concernant les exportations. Comme je l'ai dit, on pourrait permettre à la SEE de fonctionner plus facilement sur le marché privé en lui permettant de faire ce qui était courant à la Lloyd's et qu'on appelait une souscription. Cela permettait au secteur privé d'assumer la participation et les risques qu'il souhaitait.

Lorsque la capacité du secteur privé sera pleinement utilisée, je pourrai toujours m'adresser à la SEE pour voir si cela l'intéresse et si elle est en mesure de répondre à mes besoins.

Le président: D'accord, mais ce n'est certainement pas ce que nous dit M. Perna, qui nous dit qu'on a pratiquement éliminé le marché intérieur. Les frontières s'estompent déjà.

Je ne comprends pas quelle suggestion concrète vous faites.

• 1140

M. Clive Aston: J'ai un exemple de ce qui se passe fréquemment. Un exportateur canadien veut une limite de crédit de 17 millions de dollars pour un acheteur particulier du Mexique. La SEE ne veut pas assumer un risque si élevé pour un seul acheteur. Je ne crois pas non plus que les transporteurs du marché privé le feraient.

Nous avons un arrangement courant de réassurance appelé la réassurance «facultative» qui permet à des assureurs de collaborer pour assumer un risque particulier. C'est un bon exemple de ce qu'on pourrait faire. La SEE pourrait assumer le risque qu'elle souhaite, et je pourrais m'adresser aux assureurs privés pour le reste.

Le président: Qu'est-ce qui vous empêche de le faire actuellement?

M. Clive Aston: La SEE exige que nous assurions le portefeuille dans son ensemble. Il y a aussi la question de l'exportation par opposition au marché intérieur. En l'occurrence, il n'y a qu'un seul acheteur.

Le président: Ce n'est pas un obstacle qui est prévu par la loi, cela relève de la politique de la SEE.

M. Clive Aston: Oui, c'est une règle interne.

Le président: Bon, je vois ce que vous voulez dire. Nous pouvons certainement signaler cela à l'attention de la SEE. Vous ne proposez pas de modifications législatives. Comme quelqu'un l'a dit, comment pouvons-nous favoriser la collaboration plutôt que la concurrence? Manifestement, c'est ce que nous voudrions faire.

J'aimerais revenir à une remarque très pertinente que vous avez faite, monsieur Quenneville, et qui est liée à ce qu'a dit M. Lamarre. Il a dit que le secteur privé ne s'en occupait pas. Si tel est le cas, c'est qu'il y a des obstacles à son entrée sur le marché. Il ne peut entrer. C'est un cercle vicieux, un peu comme l'oeuf et la poule.

Si notre comité formulait des recommandations en vue de faciliter votre entrée, nous ne pourrions le faire au détriment des exportateurs canadiens qui ont constaté que vous n'étiez pas en mesure de les aider. C'était trop compliqué, trop coûteux, trop loin, etc.

Un des témoins a dit qu'une bonne partie des activités avaient lieu en Europe. Je connais personnellement des exportateurs canadiens qui vont, par exemple, s'adresser aux autorités financières du gouvernement fédéral allemand... et trouve là cette aide parce qu'ils ne peuvent même pas l'obtenir de la SEE. Nous avons donc entendu cela aussi. Beaucoup de gens se tournent vers des institutions non canadiennes pour obtenir une assurance à l'exportation ou une aide financière.

Quel est ce merveilleux moyen par lequel vous allez créer un monde où vous arrivez, où on vous déroule le tapis rouge et où l'exportateur canadien n'a plus besoin de tendre la main?

M. Jules Quenneville: Je pense que ce que l'on a dit, c'est qu'il fallait échelonner le risque. Je veux dire qu'une partie du risque reste dans notre société et que nous avons des possibilités de réassurance. Ces mécanismes de réassurance comportent aussi des conseils d'experts et des liens avec d'autres endroits dans le monde.

Le président: Et il y a des mécanismes de réassurance à court terme, si je vous comprends bien...

M. Jules Quenneville: En effet.

Le président: ...mais pas à moyen ou à long terme. Bon.

M. Jules Quenneville: Ce sont des rapports qui se négocient et qui sont disponibles là où les gens ont des engagements...

Le président: Le court terme, ce serait quoi, cinq ans?

M. Jules Quenneville: Non, le crédit à court terme dans ce cas porte sur moins d'un an de risque. Évidemment, ce n'est pas la même chose que pour les problèmes de M. Lamarre qui sont généralement à plus long terme. Il s'occupe d'entreprises à moyen et long terme. Ce que nous disons, c'est qu'il faudrait essayer de distinguer ce que fait notre organisme de crédit à l'exportation en activités à court terme d'une part et à moyen et long terme d'autre part. Nous devrions alors améliorer notre situation à l'OCDE et auprès de l'OMC en déterminant la quantité de subventions gouvernementales ou autres que nous ferons intervenir dans les négociations commerciales finales.

Le président: Bien. Je vous comprends.

M. Jules Quenneville: Vous savez, le point de rentabilité quand on évalue des entreprises à moyen et long terme, c'est beaucoup plus loin que si vous vous dites simplement: bon, de toute façon, il y a un organisme de crédit à l'exportation qui s'occupe de ce domaine. Il n'est pas nécessaire que ce soit rentable même sur 12 mois; cela peut être beaucoup plus longtemps.

À ce moment-là, vous aurez utilisé votre capital, le capital qui est actuellement à la SEE, comme vous devez l'utiliser je crois, vous aurez permis au marché privé d'intervenir et de faire ce qu'il peut faire avec ses propres capitaux. Pour faciliter cela, on peut prendre des dispositions de réassurance avec la Société pour l'expansion des exportations telle qu'elle existe actuellement en attendant une transition ultérieure.

Mme Diane Marleau: Avez-vous fait ce genre d'offre à la Société pour l'expansion des exportations?

M. Jules Quenneville: Non, car nous estimons que tant que la loi permettra à la SEE de nous concurrencer, nous ne nous tournerons vers elle que dans les cas vraiment extrêmement difficiles.

• 1145

Il y a des raisons à cela. Encore une fois, il s'agit de savoir si l'on veut ou non concurrencer le gouvernement. Nous considérons la Société pour l'expansion des exportations comme un organisme du gouvernement. Nous avons eu des transactions avec elle, mais nous ne dirions pas que nos objectifs stratégiques...

Nous n'essayons pas d'empiéter sur le terrain de la SEE, mais nous pourrions le faire. Si nous avions des clients qui voulaient travailler avec la SEE, nous le ferions certainement. Ce n'est pas un problème.

Mais je pense qu'il y a des mécanismes d'assurance qui permettent d'échelonner ces risques. Si vous faites payer une prime de risque, que vous conservez 10 p. 100 du risque dans la compagnie canadienne, et que vous placez le reste du risque ailleurs dans le monde, vous avez ce processus d'étalement. Si la SEE participe à ce processus, il n'y a rien de mal à cela.

Le président: Intéressant.

Voici une question technique. Si vous aviez de plus en plus ce genre d'activité, estimeriez-vous que c'est une exportation de service? J'essaye de cerner ce qui est une exportation de service et ce qui ne l'est pas. C'est une discussion tout à fait à part de la question de l'OMC et du reste, mais je ne comprends jamais cela. Avec les statistiques, on sait en quoi consistent nos exportations et nos importations de denrées, mais pour les services, c'est infernal. Je veux dire, on peut soutenir, par exemple, qu'un hôtel est une forme d'exportation de service s'il accepte des devises étrangères, etc.

Si vous assurez un contrat à l'étranger, est-ce que c'est une exportation de service?

M. Paul Kovacs: Si le client du produit est un exportateur canadien qui vend à l'étranger, en ce qui me concerne, j'estime que ce n'est pas une exportation de service. Si vous fournissez des conseils et des services de consultation en génie pour la construction d'une route ou d'une usine dans un autre pays, là il s'agit bien d'exportation de service. Mais exporter de l'assurance-crédit, cela voudrait dire que le client est une entreprise étrangère qui vend à une autre entreprise étrangère et qui a besoin d'assurance pour cela.

Actuellement, nous cherchons simplement à aider les exportateurs canadiens, pas nécessairement les autres.

Le président: C'est utile.

M. Robert Labelle: Mais on peut couvrir les services à l'exportation des entreprises canadiennes qui veulent rendre des services à des entreprises internationales ailleurs.

Le président: Oui. Je suis allé en Chine récemment, et nous parlions d'ouvrir le marché chinois à l'assurance et aux autres exportations de services dans le cadre de l'OMC. Il y a donc un problème de définition en fonction des circonstances.

Ceci est très utile. Je pense que votre définition est excellente.

Chers collègues, nous avons deux petites questions de cuisine interne. M. Robinson nous a demandé si nous étions prêts à subventionner le déplacement de quelqu'un du CTC, le Congrès du travail du Canada. Mais j'aimerais proposer une solution intermédiaire.

Premièrement, si M. Robinson veut que nous nous prononcions sur cette proposition, il a besoin d'une motion et nous n'avons pas le quorum pour adopter une motion. Nous avons donc un problème. Toutefois, voici ce que j'aimerais recommander.

Normalement, le témoin moyen nous coûte 1 200 $. Or, le CTC demande 2 500

Si les membres du comité sont d'accord, je vais donc faire cette proposition.

M. Jacques Lamarre: Eh bien, 1 200 $, cela nous allait très bien.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Ne dites pas cela à M. Lamarre. Je suis sûr que s'il entend parler de ces énormes...

Il ne s'agit pas de l'indemnité qu'on verse au témoin; c'est le coût du déplacement. Je suis sûr que vous brûleriez d'impatience de venir ici tous les jours et de laisser tomber vos affaires.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Voilà donc pour ce qui est de ma première recommandation.

La deuxième est la suivante: Vous vous souvenez que plusieurs partis de l'opposition ont demandé que nous convoquions M. Marchi.

Une voix: Et comment.

Le président: Le problème, c'est que M. Marchi, toute suite après les discussions de l'OMC, qui ont... vous savez, nous pourrions peut-être le faire venir. C'est très difficile parce que c'est précisément ce qui se passe.

Avec votre permission, je proposerais donc de reporter cela à février.

• 1150

Je précise que cette proposition soit faite à condition qu'il comprenne, comme le gouvernement y a consenti, qu'il comparaîtra ici en vertu des articles 110 et 111 du règlement. Il se présentera en tant que témoin en vertu de l'article 111, qui autorise le comité à examiner si le titulaire est qualifié pour le poste, ou quelque chose comme cela.

Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Je ne pense pas que le comité avait l'intention d'attendre au mois de février pour faire témoigner M. Marchi. Comme nous n'avons pas le quorum, je préférerais que nous reprenions cette question à la prochaine réunion régulière.

Le président: On pourra en discuter la prochaine fois. En tout cas, voici la solution que je propose. Si on accepte qu'il y ait un délai, il est quand même certain que M. Marchi viendra en vertu de la règle. On ne va pas perdre l'occasion de le recevoir comme témoin, n'est-ce pas?

[Traduction]

Merci beaucoup. Vos interventions ont été très utiles, et nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage.

La séance est levée.