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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 18 novembre 1999

• 0935

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)): Je crois que beaucoup d'entre vous ont déjà témoigné devant un comité, et vous savez donc comment nous procédons. Je suppose que vous avez tous un exposé, alors nous commencerons par la Chambre de commerce du Canada, représentée par M. Keyes.

M. Robert J. Keyes (premier vice-président, Conseil canadien pour le commerce international, Chambre de commerce du Canada): Merci, madame la présidente, et bonjour. Je suis heureux d'être ici ce matin pour vous parler au nom de la Chambre de commerce du Canada du rôle et du mandat de la SEE et pour examiner certaines des questions qui ont été soulevées dans le rapport Gowling, Strathy et Henderson.

Les questions sur lesquelles se penche votre comité à la suite de cette étude sont nombreuses, bien sûr, et je n'ai pas l'intention de les aborder toutes, d'autant moins que le temps ne nous le permet pas. Je voudrais m'attarder sur trois points en particulier. Je voudrais toutefois vous offrir d'abord quelques réflexions sur le contexte dans lequel la SEE exerce son activité.

J'aimerais pouvoir dire que la plupart des Canadiens sont conscients du fait que le Canada est fortement tributaire de ses exportations, que c'est le pays du G-7 qui est le plus dépendant de ses exportations et que 40 p. 100 de notre PIB est attribuable à nos exportations. J'ai lu toutefois certaines des observations qui ont été faites en prévision de la réunion de l'OMC, et je ne suis pas sûr que cet état de faits soit reconnu aussi largement qu'il devrait l'être.

Il y a aussi un autre aspect de nos échanges internationaux qui n'est pas reconnu ou apprécié aussi largement qu'il devrait l'être, à savoir l'investissement. Les chiffres récents montrent que l'investissement canadien à l'étranger dépasse maintenant l'investissement étranger au Canada, mais cette présence des investisseurs canadiens à l'étranger et les bienfaits qu'elle apporte pour notre pays ne sont pas non plus largement reconnus.

C'est donc dire que le commerce et l'investissement sont des composantes essentielles de l'économie canadienne. Il n'y a pas à sortir de là. Pour que les Canadiens puissent effectivement réussir à l'étranger, le commerce et l'investissement dans une économie mondiale internationalisée sont essentiels. Ils ont besoin de financement, d'assurance, de souscription et de sûreté. Les agences de crédit à l'exportation comme la SEE jouent un rôle de relais vital en assurant aux entreprises canadiennes le soutien dont elles ont besoin pour pénétrer les marchés étrangers et à risque élevé, sans renoncer pour autant à leur viabilité. La SEE joue un rôle vital à cet égard pour beaucoup d'entreprises canadiennes.

Voilà le contexte dans lequel l'étude en cours doit se faire. Voilà le contexte dans lequel la SEE exerce son activité, et il ne faut pas oublier que nous sommes en train d'examiner des institutions et des fonctions qui sont loin d'être étrangères à la réussite des entreprises canadiennes à l'étranger.

Je voudrais maintenant aborder avec vous trois points. Le premier, c'est le rôle de la SEE en ce qui concerne l'environnement. Dans le rapport, on recommande notamment que la SEE se dote d'un cadre environnemental clair et transparent qui puisse être soumis à l'étude et à l'approbation du public.

Comme le savent très bien les membres du comité, il existe un lien entre le commerce et l'investissement et des questions comme la protection de l'environnement, les droits de la personne et la main-d'oeuvre. Le défi, c'est de trouver le juste milieu. La Chambre de commerce soutient qu'il existe dans le domaine du commerce des accords et des tribunes spécialisés à l'intérieur desquels ces questions peuvent et doivent être réglées. Ce n'est pas à un accord commercial ou à un accord sur l'investissement qu'il faut s'en remettre en priorité pour assurer des mesures de sauvegarde à cet égard.

De même, le rapport signale que la SEE s'est dotée d'un cadre d'examen environnemental interne qu'elle a mis en place après consultation du public. Le rapport semble toutefois laisser entendre qu'il faudrait en outre que le cadre soit soumis à un droit de regard du public. Il me semble que la question clé sur laquelle nous devons nous concentrer est de savoir ce qui serait acceptable étant donné la grande diversité de vues des entreprises et des organisations non gouvernementales à ce sujet. Si l'on s'attend à ce que la SEE devienne essentiellement un organisme de réglementation à part entière, il me semble qu'il sera difficile de répondre à cette attente et que ce n'est pas un rôle qui lui convient.

Je ne veux nullement laisser entendre que la SEE ne devrait pas tenir compte des questions environnementales dans ses évaluations. Il convient de faire remarquer à son honneur que la SEE joue maintenant un rôle beaucoup plus actif à cet égard et qu'elle est beaucoup plus consciente des répercussions de ces questions. Elle y est sensible, mais il y a des limites à ce qu'elle peut faire et à ce que l'on devrait s'attendre à ce qu'elle fasse. Elle a beau chercher à fixer des critères objectifs, elle sera invariablement appelée à porter des jugements subjectifs dans ses décisions. Fonder ses décisions de financement sur des critères semblables, ce serait s'aventurer sur une pente savonneuse et s'éloigner de sa fonction commerciale fondamentale et s'embarquer dans des analyses complexes qu'elle ne serait peut-être pas en mesure de faire et pour lesquelles il n'existerait peut-être pas de données fiables.

Il y a aussi la question du rôle de la SEE par rapport à celui des organismes de réglementation dans les pays où elle financerait des projets. Quelles normes et quelles règles devrait-elle appliquer? Certains facteurs comme l'opportunité du moment et le contrôle du projet doivent être pris en compte. Ce qu'il faut retenir ici, c'est qu'il s'agit là de questions complexes. Il est très simpliste de s'imaginer que la solution serait de faire en sorte que la SEE soit à la fois juge et partie. Ce qu'il faut, c'est trouver le juste milieu, sans nuire à l'efficience avec laquelle la SEE exerce son activité.

• 0940

Permettez-moi maintenant de passer au deuxième point, la confidentialité et l'obligation d'informer le public. Le rapport recommande que la SEE soit tenue d'afficher, à intervalles réguliers, certains renseignements sur les transactions auxquelles elle apporte son soutien. En sa qualité d'organisme fédéral, la SEE doit s'attendre à faire preuve d'un certain degré de transparence. De même, ses clients doivent s'attendre à un certain droit de regard et à ce que certains renseignements soient rendus publics. La SEE évolue toutefois dans le milieu des affaires, et les entreprises, tout comme les particuliers, n'aiment guère négocier leurs transactions privées en public. Dans certains cas, l'application aux activités commerciales du principe de l'information complète pourrait rendre les entreprises vulnérables et leur faire perdre leur avantage compétitif.

Comme dans le cas de la protection de l'environnement, je crois que ce qui s'impose ici c'est de trouver un juste milieu. On pourrait accepter, et il pourrait être nécessaire, que certains renseignements de base soient affichés—je ne sais toutefois pas où ni comment cela se ferait. Il faudrait toutefois tenir compte des intérêts commerciaux du client ainsi que du principe de la responsabilité financière et de l'évaluation du rendement.

L'information du public devrait aussi suivre les pratiques commerciales habituelles. Évidemment, il ne serait pas acceptable d'obliger une entreprise à dévoiler publiquement ses projets avant que la SEE ne se soit prononcée sur sa demande de financement. L'entreprise se trouverait ainsi désavantagée par rapport à ses concurrents. Cette éventualité pourrait dissuader certaines entreprises de se lancer dans des projets internationaux viables.

À l'heure actuelle, la SEE publie des renseignements qui ne compromettent pas la confidentialité commerciale de ses clients ou de ses partenaires. Il devrait continuer à en être ainsi. Il pourrait être acceptable de rendre automatiquement public certains renseignements sur les différentes transactions, mais il s'agit de savoir quels seraient ces renseignements, quel serait leur niveau de détail et à quel moment ils seraient rendus publics. L'information du public ne doit pas compromettre la position de l'entreprise sur le marché et ne doit pas nuire à ses intérêts commerciaux. Chaque entreprise étant différente, ce n'est qu'avec la plus grande prudence que l'on pourrait envisager d'établir des règles ou des exigences uniformes à cet égard.

Certains proposent que l'on retienne le modèle de la Ex-Im Bank, mais il existe des différences fondamentales entre la SEE et la Ex-Im Bank. La SEE est une institution à laquelle les entreprises peuvent choisir de faire appel, tandis que la Ex-Im Bank est plutôt une institution de dernier recours à laquelle on fait appel quand il n'existe pas d'autres sources de financement. La SEE a de ce fait un certain pouvoir sur ses clients, si bien que le modèle de la Ex-Im Bank ne semble pas convenir.

Enfin, je tiens à insister sur la nécessité de maintenir la SEE comme institution commerciale. La société a une solide réputation dans son milieu, comme fournisseur de renseignements financiers de grande qualité sur le risque et comme facilitateur pour l'obtention de crédit et d'assurance dans le domaine des exportations. C'est une entreprise commerciale viable et financièrement autonome qui assure aux Canadiens qui exportent et qui investissent à l'étranger des renseignements et un soutien essentiels. Par ses services, elle contribue au développement de la capacité canadienne sur le plan du commerce et de l'investissement, et elle facilite la conclusion des partenariats dont les entreprises canadiennes ont besoin. La SEE est un leader mondial parmi les agences de crédit à l'exportation. La société est innovatrice, rentable et efficace.

Est-il possible d'améliorer ce qu'elle fait? Oui, bien entendu, et chacun devrait constamment rechercher l'amélioration. Si nous voulons toutefois qu'elle puisse continuer à développer notre capacité canadienne, il ne faudrait pas que la SEE soit tenue de se réorienter vers des questions non commerciales qu'elle ne saurait résoudre. La SEE est un complément au dynamisme du secteur canadien des exportations, qui se compose principalement de PME.

Madame la présidente, dans le cadre de l'étude que vous et vos collègues êtes en train de faire et des recommandations que vous allez formuler pour l'avenir, je vous prie de ne pas perdre de vue le fait que la SEE est un partenaire important pour les intérêts commerciaux canadiens à l'étranger, et que ces intérêts sont d'une importance capitale pour la santé économique du Canada. La SEE permet à nos exportateurs et à nos investisseurs d'être souples et compétitifs.

Merci.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Myers.

M. Jayson Myers (premier vice-président et économiste en chef, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Je vous remercie, madame la présidente. J'inviterais le président du conseil de l'Alliance, Al Curleigh, à débuter notre témoignage.

M. Alan Curleigh (vice-président exécutif, Klöckner Stadler Hurter Limited; président du conseil, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada): Merci, madame la présidente. Au nom de l'Alliance, je tiens à vous dire que nous sommes très heureux de pouvoir venir vous parler aujourd'hui de l'étude la Loi sur l'expansion des exportations, qui nous tient énormément à coeur.

Je pourrais peut-être prendre un moment pour vous expliquer qui nous sommes. Nous sommes l'Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada. Nous représentons plus de 3 500 entreprises canadiennes. Nous nous intéressons, bien entendu, au commerce et à l'industrie. Nous avons des bureaux dans toutes les provinces canadiennes à partir desquels nous pouvons servir nos membres.

Pour vous donner une idée du contexte dans lequel nous nous situons et de ce que nous représentons, je vous ferai remarquer que nos membres comptent pour plus de 75 p. 100 de la production industrielle au Canada. Comme nous le savons tous, les exportations canadiennes représentent 45 p. 100 de notre PIB, 65 p. 100 des biens fabriqués au Canada sont exportés et un emploi sur trois au Canada est directement ou indirectement lié aux exportations. Vous trouverez beaucoup de ces informations dans le mémoire que nous vous avons présenté aujourd'hui.

• 0945

Je voudrais vous donner un aperçu des activités de l'Alliance et, pour ce faire, le mieux serait de vous présenter mes collègues. M. Myers est premier vice-président de l'Alliance, ici à Ottawa, et il est notre économiste en chef. Bill Neil travaille comme directeur des relations gouvernementales chez Nortel Networks. M. David Hylton est directeur de projets spéciaux, chez Kvaerner Chemetics, société de technologie de la Colombie-Britannique. M. Buzz Grant est vice-président aux finances chez MDS AeroSupport, et il représente à la fois le groupe technologie aussi bien que ce que nous appelons les PME, c'est-à-dire les petites et moyennes entreprises.

L'Alliance est constituée aussi bien de grandes sociétés que de petites entreprises. Les PME y occupent une place prépondérante.

Nous prenons certainement très au sérieux les questions et les préoccupations de nos membres. Ces questions sont portées à notre attention par nos membres au moyen de discussions à nos divers comités. Nous avons des comités chargés de questions en particulier, comme le Comité du financement des exportations et celui des assurances, que préside actuellement M. Neil. La question qui est au premier plan des préoccupations de ce comité est bien entendu la SEE et l'examen de la Loi sur l'expansion des exportations.

Je pourrais peut-être vous présenter la situation du point de vue de mon autre fonction. Je suis vice-président exécutif d'une entreprise de Montréal appelée KSH. Nous sommes des entrepreneurs en ingénierie qui assurons la conception et l'aménagement d'usines industrielles clés en main dans le monde entier. Nous faisons des affaires dans tous les pays du monde. Que ce soit en Iran, dans l'Asie du Sud-Est, en Amérique du Sud ou au Pakistan, nous sommes là.

Je le dis haut et clair ici aujourd'hui, le marché de nos jours évolue rapidement. Pour que les exportateurs puissent soutenir la concurrence sur ce marché, il faut qu'ils soient dynamiques et compétitifs. Les exigences sont plus importantes. Les engagements contractuels que nous devons assumer sont plus exhaustifs qu'ils ne l'ont jamais été. Nous avons à assumer des risques supplémentaires pour pouvoir obtenir des contrats et soutenir la concurrence avec des entreprises du monde entier.

Évidemment, pour que nous puissions soutenir la concurrence et marquer des points pour le Canada sur le marché international, nous avons absolument besoin pour nos exportations de financement et d'assurance-crédit. Voilà ce que nous offre la Société pour l'expansion des exportations. À vrai dire, les services qu'elle nous offre font partie intégrante de notre processus de vente à l'échelle internationale.

Nous sommes en concurrence avec des entreprises de tous les autres pays de l'OCDE. Ils ont tous leur agence de crédit à l'exportation. Nous avons la nôtre. Soyons clairs: à notre avis, la SEE nous apparaît comme une solution taillée sur mesure pour nous. Notre situation n'est pas la même que celle des entreprises européennes, pas plus qu'elle n'est la même que celle des entreprises américaines. On ne retrouve pas sur notre marché les mêmes éléments ni les mêmes priorités. Ainsi, nous n'avons pas ce gigantesque système d'échange central qu'ils ont en Europe pour appuyer les PME. Nous devons appuyer nos PME du mieux que nous le pouvons.

Ce que nous attendons de la SEE, c'est qu'elle nous appuie énergiquement et qu'elle fasse preuve de flexibilité et d'innovation afin de nous aider à comprendre les signaux du marché et à trouver une solution pour nous permettre de répondre aux exigences du marché. C'est pourquoi l'étude en cours nous paraît importante.

Les entreprises membres de notre alliance font le point tous les cinq ans ou même à intervalles plus courts. Qui sommes-nous? Que faisons-nous? Sur quel marché devrions-nous être présents? Avons-nous les outils dont nous avons besoin pour répondre à tel ou tel marché? Nous sommes donc heureux que l'on ait entrepris d'examiner la Loi sur l'expansion des exportations et que la SEE ait entrepris de repenser son mandat pour se demander si elle a les outils voulus pour aider les exportateurs à faire ce qu'ils font.

• 0950

Avant que je ne cède la parole à M. Myers, je tiens à vous expliquer bien clairement que, en comparaison avec les ONG ou la Banque mondiale, par exemple, la SEE constitue pour nous un soutien à nos activités d'exportation. C'est nous qui allons trouver les projets. Le financement fait partie intégrante de ces projets, tandis que, dans le cas de la Banque mondiale par exemple, c'est la Banque mondiale qui détermine qu'un projet devrait être entrepris et qui invite ensuite des entreprises comme la nôtre ou d'autres entreprises à soumissionner. La Banque a déjà choisi le projet. Dans notre cas, par contre, c'est nous qui choisissons le projet à entreprendre. On ne peut donc pas comparer la Banque mondiale ou les ONG à la SEE. Leurs fonctions et leurs responsabilités respectives sont très différentes.

Mes collègues sont ici avec moi et nous sommes impatients de pouvoir répondre à vos questions, car si j'ai bien compris, nous aurons une période de questions une fois que les témoins auront présenté leurs exposés. Je voudrais maintenant céder la parole à M. Myers. Merci.

M. Jayson Myers: Merci, Alan.

Permettez-moi de vous présenter très rapidement les faits saillants de notre mémoire. Nous y abordons toutes les recommandations faites par le groupe d'examen Gowling, qui a tenu une série de consultations exhaustives et qui a formulé des recommandations très intéressantes. Je ne vais pas les passer en revue une à une, mais je vous dirai simplement qu'Al a bien résumé notre évaluation générale.

Le risque est trop élevé à l'heure actuelle. Les cinq dernières années nous ont montré à quel point il est difficile d'exercer son activité sur les marchés internationaux, à quel point la difficulté est grande pour certains secteurs, notamment pour les petites entreprises et les grands projets d'immobilisation et d'infrastructure, dont le Canada peut s'enorgueillir à juste titre, et à quel point il est difficile d'obtenir du financement sur les marchés internationaux à l'heure actuelle.

Pour nous, la SEE est non seulement une institution cruciale pour nos activités au Canada, mais un acteur crucial sur le plan international, qui se heurte d'ailleurs à une concurrence féroce de la part d'autres organisations de financement internationales ou d'autres organisations de crédit à l'exportation. En sa qualité d'organisme public, la SEE joue un rôle clé du fait qu'elle assume un degré de risque plus élevé que celui que peuvent assumer les institutions financières privées. Ce rôle est extrêmement important. C'est là l'avantage que la SEE procure, non pas seulement aux entreprises canadiennes, mais à l'ensemble des Canadiens.

Vous avez sous les yeux les réponses que nous formulons aux recommandations qui ont été faites. Ces réponses se trouvent dans notre mémoire. Nous nous sommes penchés sur trois ou quatre questions.

Premièrement, que faut-il pour que la SEE puisse continuer à s'acquitter de son mandat? C'est précisément ce que vise un certain nombre des recommandations. Celle visant à abaisser la limite maximale de la dette est certainement une recommandation très importante à notre avis.

Nous avons évalué les recommandations dans l'optique d'un deuxième critère: quelles sont celles qui accroîtraient le goût du risque? Nous en rappelons un certain nombre, et nous appuyons les recommandations qui, à notre avis, feraient en sorte d'accroître le goût du risque de la SEE.

Il y a aussi une deuxième dimension à cette question. Al a parlé du rôle essentiel que joue la SEE en mettant au point, de façon très flexible, des solutions financières novatrices à l'intention des exportateurs et des investisseurs canadiens qui exercent leurs activités à l'étranger. Il faut s'assurer de maintenir cette flexibilité.

Le groupe d'examen recommande un certain nombre d'améliorations—la suppression de la mention relative au soutien direct et indirect, par exemple, la restriction du pouvoir de la SEE d'investir dans le capital-actions d'une entreprise ou de se livrer à des activités de crédit-bail—qui, à notre avis, limiteraient la liberté d'action dont jouit actuellement la SEE.

La Loi sur l'expansion des exportations, telle qu'elle est libellée à l'heure actuelle, fonctionne très bien: c'est un cadre qui assure à la SEE une certaine liberté d'action. Nous ne voudrions pas que de nouvelles limites soient imposées à cette liberté d'action. Nous encourageons certainement la SEE à exercer son activité de manière à se servir de son influence pour aller chercher d'autres ressources financières, sans que ce soit obligatoire—il faudrait que les forces du marché aient libre cours—, mais nous encourageons certainement la SEE à continuer à agir de cette façon.

Enfin, je voudrais vous parler de l'environnement, des droits de la personne et de la question de la transparence, après quoi je redonnerai la parole à Al.

Il est important de faire remarquer que la SEE a un cadre environnemental. Ce cadre fonctionne bien. Dans ce sens-là, les entreprises canadiennes sont responsables. Il convient aussi de faire remarquer que la SEE est un organisme qui doit rendre des comptes au gouvernement. La SEE compte d'ailleurs un certain nombre de représentants gouvernementaux à son conseil d'administration. La SEE exerce son activité en tenant compte des efforts au chapitre des droits de la personne et des risques environnementaux dans le monde, et c'est là quelque chose d'important. Cela fait partie d'une bonne gestion des risques, et c'est quelque chose que fait déjà la SEE.

• 0955

La question de la transparence suscite beaucoup de préoccupations pour nous, tout comme pour la Chambre de commerce. Je ne pense pas qu'il serait juste pour nos membres qu'on puisse rendre public des informations qui leur enlèverait de leur avantage compétitif ou encore qui pourraient avoir un effet sur le marché ou qui seraient confidentiels au regard d'autres considérations commerciales.

Sur ce—et je me rends compte que l'heure tourne et que nous avons déjà pris trop de temps—, permettez-moi de conclure en vous disant que nous répondrons volontiers à vos questions.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je vous remercie.

M. Neil voulait-il prendre la parole?

Un témoin: Non.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci. M. Sloan, de Bombardier.

M. Richard Sloan (vice-président-directeur général, Finances structurées, Bombardier): Bonjour, madame la présidente.

C'est la première fois que je témoigne devant votre comité, de sorte que je ne connais pas votre façon de procéder. Je suis heureux de pouvoir vous adresser la parole ce matin.

Avant de vous présenter mon mémoire, je tiens à vous dire que mon collègue, Réjean Bourque, et moi savons ce que c'est que d'être sur la ligne de front en train d'essayer de faire des affaires en concurrence avec nos compétiteurs étrangers et que nous avons constaté à quel point il était rassurant de pouvoir compter sur la SEE dans ces moments-là. Vous verrez d'après mon exposé que nous sommes très heureux de la façon dont la SEE répond à nos besoins, et vous constaterez aussi que nous demandons à ce qu'elle ait une souplesse et une capacité accrues pour pouvoir continuer à s'acquitter de son mandat.

Encore une fois, bonjour et merci de donner à Bombardier l'occasion de vous présenter son témoignage. Je veux insister sur l'importance des exportations pour Bombardier et pour que nous puissions continuer à offrir de plus en plus d'emplois ici au Canada.

Bombardier tire 90 p. 100 de ses revenus de ses ventes à l'extérieur du Canada. Ces derniers temps, la presque totalité de nos ventes dans le domaine de l'aérospatiale sont constituées d'exportations faites par nos usines de Montréal-Dorval et de Toronto-Downsview. Nous avons 17 000 emplois dans le domaine aérospatial ici au Canada. De même, 97 p. 100 de nos wagons sont produits par des usines canadiennes situées à Thunder Bay, à Kingston et à La Pocatière. La production de ces wagons représente 2 600 emplois au Canada. Au total, nous comptons donc près de 20 000 emplois dans ces deux grands secteurs d'activité.

Vous devez vous rendre compte qu'il y a des milliers d'autres travailleurs qui sont à l'emploi des entreprises qui nous approvisionnent d'un océan à l'autre. La SEE a joué un rôle important dans la réussite de Bombardier dans ces secteurs d'activité. Tout comme Bombardier, le Canada est fortement tributaire de ses exportations pour sa croissance économique. Les exportations comptent maintenant pour 43 p. 100 de notre PIB, et ce pourcentage va croissant. Nous comptons sur un leadership énergique de la part de la SEE pour que le Canada et Bombardier puissent continuer à croître.

Son leadership, la SEE l'exerce en faisant la promotion des exportations. Nous sommes d'avis que la SEE doit élargir son mandat afin d'améliorer ses services financiers existants et d'offrir de nouveaux services financiers, comme le demandent les exportateurs. Le rôle unique que joue la SEE au Canada, comparativement à celui d'autres organismes de crédit à l'exportation, est le gage de son expansion future.

J'ai deux ou trois observations à faire sur les recommandations contenues dans le rapport Gowling.

En réponse à la première recommandation, nous appuyons l'idée que la SEE joue un rôle actif pour ce qui est de modifier les règles internationales régissant le crédit à l'exportation et l'assurance-crédit, qui ont été négociées à l'OCDE et à l'OMC. Nous croyons au «modèle du marché» de la SEE. Le modèle du marché est important. Nous encourageons la SEE à en faire la promotion auprès de ces organisations internationales.

En outre, nous appuyons l'idée d'envisager une distinction plus claire entre les activités de consensus et les activités axées sur le marché, comme c'est le cas pour Hermes et KfW en Allemagne. Cette séparation des deux types d'activités conduirait à une perception des transactions qui serait vraiment axée sur le marché ainsi qu'à une plus grande acceptation du rôle de la SEE sur les marchés internationaux, comme c'est le cas pour KfW.

La quatrième recommandation concerne le mandat de la SEE relativement à sa participation au capital des entreprises. Nous appuyons la recommandation voulant que la limite de 10 millions de dollars fixée pour les investissements directs soit révisée.

La plupart de nos projets de financement dans le domaine des transports exige une participation au capital. Il s'agit de projets dont la valeur va généralement de 150 millions de dollars canadiens à 600 millions de dollars ou plus. Limiter la participation de la SEE à 10 millions de dollars n'est guère utile à l'exportateur dans des circonstances comme celles-là. Nous aimerions que la SEE puisse avoir une plus grande participation pour qu'elle puisse jouer un rôle de chef de file dans la conclusion du marché et auprès des autres actionnaires.

• 1000

La participation de la SEE peut être utile aux exportateurs canadiens si elle est le fait d'un leadership, non pas passif, mais actif. Ce n'est qu'en ayant une participation plus grande que la SEE peut jouer ce rôle de leadership. Par ailleurs, nous croyons que la stratégie de retrait de la SEE devrait être d'une durée plus longue que le délai actuel de quatre ans.

En réponse à la cinquième recommandation, nous appuyons la proposition du ministre des Finances visant à modifier la réglementation de l'impôt sur le revenu afin d'autoriser l'utilisation de fonds canadiens pour les divers prêts consentis par la SEE et par certaines autres institutions financières internationales, sans qu'elles aient à considérer ces éléments d'actifs comme étant de propriété étrangère et donc soumis à la limite de 20 p. 100. Il faudrait encourager la SEE à profiter de cette disposition et à vendre des intérêts dans son portefeuille de prêts.

Les exportateurs auraient ainsi accès à plus de fonds pour leurs projets, et le secteur du financement des projets d'aérospatiale aurait aussi accès à des fonds qui ne sont généralement pas investis dans des prêts de ce genre faute d'avoir le temps et l'argent voulus pour embaucher et payer des employés. La SEE aurait en outre accès à une capacité de financement considérable et qui répondrait à un besoin réel, et elle pourrait assurer à nos clients des prêts à des conditions assez uniformes, puisque les critères de souscription, la documentation exigée et le reste seraient les mêmes. En outre, les fonds de retraite qui profiteraient de cette activité pourraient assurer aux exportateurs une capacité supplémentaire sans passer par la SEE.

Je veux maintenant vous parler d'autres points dont il n'est pas expressément question dans les recommandations. La loi de 1993 qui a élargi le mandat de la SEE lui a donné de nouvelles possibilités—investissements sous forme de participation au capital, produits de crédit-bail et compagnies à vocation particulière—qui offrent aux exportateurs canadiens un puissant outil compétitif. Ce modèle axé sur le marché donne de bons résultats pour les exportateurs canadiens, et les résultats seraient encore meilleurs si le mandat était élargi encore davantage.

La SEE doit avoir la souplesse voulue pour répondre aux mesures de crédit à l'exportation d'autres pays, lorsque ces pays établissent de nouveaux outils qui donnent à nos concurrents un avantage concurrentiel. La SEE est reconnue sur les marchés mondiaux pour les solutions novatrices proposées par son personnel talentueux. Élargir le mandat de son personnel permettra de nous assurer une place concurrentielle.

Ce qui fait la force de la SEE, c'est sa mission qui consiste à appuyer et développer, de façon directe et indirecte, le commerce à l'exportation. La SEE prend le temps nécessaire pour comprendre les besoins et les produits des exportateurs. C'est un aspect important.

Je vais vous relire cette phrase: La SEE prend le temps nécessaire pour comprendre, en raison de son mandat très particulier, nos besoins et nos produits. En ce qui concerne Bombardier, elle a une connaissance sans égale de nos produits, ce qui lui permet d'aider nos clients grâce à un financement concurrentiel tout en maintenant le rapport risque-avantages qui convient.

Permettez-moi de répéter encore une fois: La société est à même d'aider nos clients grâce à du financement concurrentiel tout en maintenant le rapport risque-avantages qui convient. Cette connaissance, combinée aux compétences de la SEE pour comprendre et gérer le risque-pays, la différencie nettement des banquiers, qui ne prennent pas toujours le temps de s'occuper de petites transactions dans les pays étrangers. C'est véritablement la valeur ajoutée de la SEE.

Pour conclure, permettez-moi de remercier à nouveau les membres du comité d'avoir permis à Bombardier de donner son avis sur le rapport. De façon générale, nous estimons qu'il est bien fait. Faute de temps, nous avons décidé de limiter nos observations aux sujets qui nous semblent être les plus pertinents pour Bombardier et d'autres exportateurs comme nous.

Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci, monsieur Sloan.

Nous allons maintenant donner la parole à M. Timothy Page, qui représente l'Association des ingénieurs-conseils du Canada.

[Français]

M. Timothy Page (président, Association des ingénieurs-conseils du Canada): Merci, madame la présidente, et bonjour à tous les membres du comité.

L'AICC est l'association nationale qui représente les intérêts de l'industrie du génie-conseil au Canada. Elle compte au-delà de 600 membres qui emploient 41 000 personnes dans l'ensemble du pays et génèrent au-delà de 5 milliards de dollars de revenus par année.

[Traduction]

Le Canada est connu dans le monde entier pour son excellence en génie lié aux systèmes de transport et de communication, aux centrales thermiques et aux sources d'énergie, aux services d'adduction d'eau et d'évacuation des déchets dans les municipalités, ainsi qu'à nos services écologiques et agricoles.

• 1005

[Français]

Le Canada se trouve au quatrième rang de tous les pays du monde au plan des revenus gagnés dans le domaine du génie-conseil. C'est une industrie qui a vraiment une grande valeur.

[Traduction]

Notre message d'aujourd'hui est simple. La SEE a été créée pour aider les exportateurs à être prospères sur le marché international. La société a été créée pour combler un vide sur le marché des assurances et du financement de projets internationaux, et pour contribuer à créer de meilleurs instruments de soutien financier des exportations canadiennes.

[Français]

Nos membres estiment qu'elle fait très bien ce pour quoi elle a été créée.

[Traduction]

C'est pour cette raison que notre association appuie fermement l'existence de la Société pour l'expansion des exportations, la félicite de ses interventions très pertinentes sur le marché, applaudit à la qualité et à l'étendue de ses services et encourage le gouvernement fédéral, grâce à ce processus d'examen, à lui maintenir la souplesse dont elle a besoin pour continuer à desservir les exportateurs canadiens à l'avenir. Nous ne voyons aucune raison de limiter ses pouvoirs ou de les assortir d'exigences à ce point contraires aux principes ou usages commerciaux courants. La SEE doit conserver sa souplesse si elle veut aider les entreprises à maintenir leur avantage concurrentiel sur les marchés d'exportation déjà établis et en développement.

Étant donné, comme l'ont dit mes collègues, les limites de temps et le son qui raisonne dans mes oreilles, j'aimerais me concentrer sur deux... Je suppose que tout le monde entend le même bruit.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Vous vous y habituerez au bout d'un certain temps. Il est facile de ne plus l'entendre.

M. Timothy Page: On dirait des adolescents.

J'aimerais aborder deux questions précises. Tout d'abord, nous estimons que les services d'assurance offerts par la SEE sont bons. Ces services sont offerts, à des tarifs concurrentiels, par un personnel compétent et bien informé, ce qui a permis à des entreprises d'obtenir des crédits supplémentaires de la part des banques. Nous encourageons la SEE à poursuivre ses efforts pour établir un service de guichet unique, et à coordonner ses activités avec celles des banques canadiennes, tout en veillant à ce que les conditions, les prix et le goût du risque ne deviennent pas moins favorables aux exportateurs en cours de route.

En matière de financement, l'industrie du génie-conseil a moins participé aux activités de financement de la SEE qu'aux activités d'assurance. Cela s'explique par deux raisons. Comme l'a dit Al Curleigh, le marché actuel est en pleine évolution, et évolue rapidement. D'importants projets d'infrastructure sont mis en oeuvre, grâce à la collaboration des secteurs public et privé et selon des mécanismes et des calendriers de construction, d'exploitation et de transfert qui rapportent des bénéfices à long terme. Dans une telle conjoncture, le client-propriétaire est à la recherche de solutions clé en main, qui représentent souvent des investissements de plusieurs milliards de dollars. De plus en plus, même pour des projets de moindre envergure, le système clé en main est utilisé.

Pour réussir sur ce marché, les ingénieurs-conseils canadiens doivent être à même de se présenter à la table de négociation avec d'autres atouts en main que les simples compétences techniques et de gestion qui font leur réputation dans le monde entier. Ils doivent également avoir accès à du financement. Cette difficulté exige donc une attention soutenue de la part du gouvernement fédéral. Nous sommes heureux de voir que le rapport Gowling recommande une hausse de la limite à la participation de capitaux propres, de façon à favoriser une plus grande participation de l'industrie.

Nous voulions également dire quelques mots au sujet du préfinancement. À notre avis, le rapport Gowling, dans la brève partie qu'il consacre à la SEE et au secteur des services, brosse un tableau exact de la situation du financement dans les entreprises de génie-conseil. On peut dire, de façon générale, que les atouts les plus précieux de l'industrie sont ses ressources humaines, sa réputation et les travaux en cours. En raison de sa nature axée sur les services, toutefois, la SEE a eu de la difficulté à trouver les outils financiers appropriés pour nous appuyer. De plus petites entreprises, actives dans des créneaux pointus, à l'instar des grandes compagnies, sont extrêmement concurrentielles et compétentes sur les plans technique et de la gestion. Toutefois, bon nombre d'entreprises de génie-conseil ne sont pas en mesure de tirer tout à fait parti de leur marché parce que les instruments financiers traditionnels ne conviennent plus à notre secteur d'activité.

Par exemple, en général, les entreprises de génie-conseil sont payées à la fin d'une étape prédéterminée d'un projet, ou à la fin d'un contrat, une fois que l'acheteur a conclu le marché. Le produit en cours de fabrication n'a toutefois pas été financé, parce que les bailleurs de fonds estimaient qu'il y avait un risque trop élevé de non-acceptation de la part de l'acheteur. En cas de retard de paiement, l'entreprise n'a que deux choix: continuer à attendre ou faire appel à ses assurances. À notre avis, aucune de ces options n'est satisfaisante.

C'est pourquoi nous appuyons la recommandation 22 du rapport Gowling, où l'on demande à la SEE d'intensifier son soutien financier des contrats de service en cours et de reconnaître plus volontiers la réputation et le rendement antérieur d'une entreprise comme équivalents de la valeur financière du travail effectué.

• 1010

Si vous le permettez, madame la présidente, j'aimerais traiter de deux dernières questions. Premièrement, le goût du risque. Notre association encourage la SEE à s'aventurer davantage sur les marchés et les transactions plus risqués. Nous comprenons les principes commerciaux régissant le fonctionnement de la SEE et son exigence qu'on lui donne des preuves de viabilité. Cependant, c'est justement dans ces marchés plus risqués—dont bon nombre se trouvent dans le monde en développement—que notre industrie est la plus active. C'est peut-être là aussi qu'à terme, le Canada récoltera des bénéfices importants. Autrement, les marchés risqués d'aujourd'hui peuvent fort bien être les plus rentables de demain.

Enfin, nous aimerions dire quelques mots au sujet de la participation avant le démarrage de la part de la SEE. Il faut consacrer beaucoup de temps et de ressources au lancement d'un projet, depuis l'identification initiale jusqu'à l'étape de la proposition, en passant par celle de la conception. Dans la conjoncture actuelle des projets clé en main, de tels coûts sont parfois prohibitifs pour des entreprises canadiennes.

Nous invitons la SEE à venir en aide aux entreprises dès avant l'étape de la proposition, en soutenant les activités d'identification et d'évaluation des projets internationaux que les Canadiens ont de bonnes chances d'emporter. C'est pourquoi nous sommes favorables à la présence directe de la SEE sur les marchés étrangers qui auront été jugés prioritaires par Équipe Canada.

Pour conclure, madame la présidente, je dirais que l'essentiel de nos remarques visent à vous dire que la SEE fait du bon travail, mène les activités qui conviennent et doit pouvoir conserver une certaine latitude pour continuer de s'adapter à l'évolution du marché et à la façon dont nos membres réagissent eux-mêmes à cette évolution.

Merci de votre temps.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

La sonnerie commence à devenir un peu plus gênante. Nous pensions tous au départ que c'était un rappel aux fins de quorum. Toutefois...

Une voix: La Chambre n'est pas encore ouverte.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Le whip a demandé à tous les députés ministériels de se présenter à la Chambre. Je m'en remets à vous. Je vous présente nos sincères excuses.

M. Lee Morrison (Cypress Hills—Grasslands, Réf.): Ce n'est pas normal de nous rendre là-bas simplement pour qu'il y ait quorum.

Une voix: Tenez, la cloche ne sonne plus.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Nous allons poursuivre. Je regrette cette interruption. Je n'ai jamais entendu la sonnerie retentir deux fois de suite pour un appel au quorum. Nous allons faire comme si de rien n'était.

Monsieur Morrison, vous avez la parole.

M. Lee Morrison: Merci, madame la présidente.

J'ai une brève remarque et une question à poser à M. Page. Vous avez parlé de faire appel aux assurances pour des projets en cours de réalisation. Vous êtes certainement au courant de l'incident récent où un entrepreneur canadien travaillait sur une installation de distribution électrique en Afrique. L'entrepreneur n'a pas respecté son contrat, ce qui a suscité tout un tollé. Il était rendu à mi-chemin dans la réalisation du projet, ou du moins aurait dû l'être, et ne recevait aucun paiement parce qu'il n'avait pas respecté le contrat. À votre avis, les contribuables canadiens devraient-ils être mis à contribution pour ce genre d'incident? Ce que je veux dire, c'est que toutes les entreprises canadiennes ne sont pas aussi sérieuses que la vôtre.

M. Timothy Page: Merci de votre question.

En tant que représentant de l'industrie des services, nous n'avons pas énormément de garanties à fournir aux banques auxquelles nous demandons une aide financière. Notre force, c'est notre matière grise. L'industrie investit considérablement lors des étapes préliminaires des projets, et il y a donc un investissement direct, tant en temps qu'en argent, fait par nos membres. Il faut donc bloquer ses liquidités et ses actifs nets à court terme, et si on ne reçoit aucune aide du gouvernement ou d'une institution financière à cette étape d'un projet, nous craignons que les avantages futurs découlant de nos travaux préliminaires soient restreints.

• 1015

M. Lee Morrison: Je suis moi-même ingénieur-conseil, ou du moins je l'étais, et je comprends votre position. J'ai tout de même du mal à accepter qu'on mette le contribuable à contribution, plutôt qu'un organisme privé. Je ne veux pas insister lourdement sur ce point, mais c'est une chose qu'il faut prendre en ligne de compte.

J'aimerais aborder une question avec M. Sloan. La nature des activités de Bombardier est telle que votre entreprise participe rarement à des projets très risqués, du point de vue du paiement des services. Je veux dire que vous ne faites pas affaire avec des clients dont la cote de solvabilité est douteuse, étant donné l'importance de votre entreprise. En outre, Bombardier est une entreprise très musclée.

Je vous poserai la même question qu'à M. Page: Pourquoi les contribuables canadiens devraient-ils être responsables du financement que Bombardier, avec ses relations et sa force, pourrait obtenir auprès d'institutions bancaires ou de compagnies d'assurance privées? Pourquoi même faire appel à la SEE? Pourquoi nous faut-il relever ce plafond de 10 millions de dollars? Je ne comprends pas pourquoi Bombardier participe même à ce processus, pour être honnête avec vous.

M. Richard Sloan: Nous y participons parce qu'on nous y a invités, ce dont nous vous remercions.

Je vais répondre à la première question concernant la qualité de nos crédits. Nous traitons avec de nouvelles compagnies aériennes, entre autres choses, qui ont à leurs débuts ni bilan ni cote de solvabilité. Elles ont des licences, des compétences et la capacité de créer des entreprises. Les avions sont de toute évidence les sources de recettes; c'est ce qui les fait réagir.

Le secteur des avions régionaux est très concurrentiel. Nous prenons le temps de trouver des gens qui veulent élargir leurs activités commerciales et ont des modèles d'entreprise auxquels nous croyons, que nous examinons et analysons. Souvent, c'est le billet d'entrée à un nouveau débouché avec un nouveau client, qui a de bonnes chances plus tard d'acheter un certain nombre d'avions.

Nous avons tous deux participé à des transactions avec des clients dont la solvabilité laissait quelque peu à désirer, pour ne pas dire qu'elle était douteuse. Nous avons conclu des ententes avec la SEE. Nous avons fourni comme garantie principale les éléments d'actifs et, dans deux ou trois cas, nous avons changé de compagnies aériennes, pour passer d'exploitants de deux ou trois avions à des sociétés exploitant une vingtaine d'avions. Cela a augmenté nos volumes de vente de façon sans précédent. C'est un élément important.

Nous ne pouvons pas à tout instant nous mettre à la recherche de financement, simplement parce que nous sommes une grosse entreprise. Nous devons nous adresser à une instance, comme la SEE, qui a les compétences et les connaissances voulues au sujet de nos avions, qui comprend le secteur des avions régionaux et peut évaluer les projets en fonction de la valeur des éléments d'actifs—en tenant compte de la façon dont ils seront payés—et en arriver à la même conclusion que nous lorsque nous avons décidé de vendre un avion à cette personne.

Nous avons vendu plus de 350 de ces avions et avons énormément de commandes en cours. Je peux vous donner l'assurance qu'au départ, c'était des contrats d'achat d'un ou deux avions qui ont fini par devenir des marchés très intéressants pour notre entreprise et pour le pays.

Du côté de la participation financière, pour ce qui est de notre secteur des transports publics, quelqu'un a parlé des partenariats publics-privés qui se créent actuellement. Dans le monde entier, et surtout en Asie du Sud-Est et en Europe, notamment au Royaume-Uni, les gouvernements ont entrepris de privatiser leurs réseaux de transports en commun. Ils essaient de privatiser même les systèmes complètement nouveaux—c'est-à-dire ceux qui doivent être construits de bout en bout. Ces réseaux exigent généralement une participation financière de la part des promoteurs, de leurs fournisseurs et du consortium proprement dit.

• 1020

Dans ce genre de situation, la SEE, avec ses connaissances, sa réputation et sa compétence, peut à notre avis apporter des capitaux à l'entreprise et s'assurer que notre offre et celles de nos concitoyens exportateurs seront prises au sérieux par ces clients. Ce n'est pas parce que Bombardier est une énorme entreprise qui a un bon chiffre d'affaires que nous sommes concurrentiels. Nous n'avons tout simplement pas les moyens de financer tous nos projets; notre secteur d'activité n'est pas le financement.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Très bien, il faut surveiller l'heure. Nous faisons des tours de cinq minutes. J'aurais dû vous expliquer comment les choses se passent.

Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Madame la présidente, pensez-vous que nous aurons le temps de revoir nos témoins après le vote ou si nous allons nous en tenir là?

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Le vote a lieu à 10 h 40 et nous avons le...

Une voix: Nous avons le temps.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Oui, en effet.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Je ne prendrai pas de risque. Je voulais poser cette question en deuxième lieu, mais il en ira différemment. Ma question va s'adresser aux représentants de la société Bombardier.

Vous savez que le compte Canada, et non pas Bombardier comme tel, a fait l'objet de remarques dans le rapport Gowling, sur lequel je ne veux pas porter de jugement, mais auquel je m'attendais que vous fassiez allusion. Si ce n'est pas frappé du sceau de la confidentialité, parce qu'on est en pleine confidentialité quand on parle avec les représentants de la SEE, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la problématique qui entoure le compte Canada, Bombardier et Embraer.

M. Réjean Bourque (directeur du financement et trésorier, Bombardier): Je répondrai à M. Rocheleau que les transactions qui ont trait aux centres aéronautiques de Bombardier et auxquelles on a explicitement fait allusion étaient absolument conformes aux règles édictées par l'OCDE et soumises aux règles du consensus. Elles respectaient donc exactement les règles selon lesquelles la SEE doit fonctionner.

Elles étaient traitées dans le cadre du compte Canada pour des raisons de risques associés aux pays. Une de ces transactions était effectuée dans un pays africain en transition, un pays qui est maintenant traité autrement. Donc, il s'agissait essentiellement de transactions qui satisfaisaient aux règles du consensus.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

M. Yves Rocheleau: Élargissons le débat. Certains témoins ont parlé de la confidentialité en relation avec la transparence du fonctionnement de la SEE. Plus j'entends de choses, plus je suis agacé par le manque de transparence de la SEE, d'abord parce qu'il s'agit là de fonds publics, ce qui exige une forme de transparence, et ensuite parce que parmi les principaux partenaires de la SEE se trouve Nortel, par exemple. Je suis surpris et fier en même temps de voir que le gouvernement canadien est en rapport aussi étroit avec Nortel, qui est une société quand même assez musclée. Je me demande pourquoi les deniers publics sont employés au soutien de Nortel. Si on le fait, qu'on adresse au moins des félicitations aux contribuables canadiens.

Ce qui est moins gai, c'est d'apprendre que Placer Dome, qui est aussi un gros intervenant canadien, investit aux Philippines, avec la collaboration de la SEE, où il pollue littéralement tout le canton où il s'est établi. Les pêcheurs ne peuvent plus fonctionner comme auparavant parce que l'écosystème y a été complètement détruit, cela en toute cachotterie.

Jusqu'où peut-on se permettre de s'engager quand il s'agit de deniers publics? Il y a bien assez des banques qui, sous le couvert de capitaux privés, disent qu'elles font des affaires en privé. Quand on utilise des deniers publics, il y a un prix à payer. Je déplore cela et j'aimerais qu'on m'explique ce qui justifie un tel caractère de confidentialité quand on se permet des choses semblables et qu'on utilise les fonds publics.

• 1025

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Curleigh.

M. Alan Curleigh: J'aimerais répondre et donner ensuite la parole à M. Hylton.

La transparence est l'une des questions abordées dans le cadre de cet examen, mais sous l'angle des exportateurs, il faut bien comprendre qu'un mode de financement qui marche de pair avec le produit que j'essaie d'exporter me facilite la tâche. Si je fais une offre concurrentielle pour construire une usine dans un pays donné, une partie de l'offre consistera à un montage de financement. Ces deux choses ne sont pas indépendantes; elles font partie intégrante du même projet.

Je tiens absolument à ce que mon offre reste confidentielle. C'est mon entreprise et je ne voudrais pas que mes concurrents sachent ce que je fais; je ne voudrais pas que notre client le raconte à n'importe qui.

[Français]

M. Yves Rocheleau: J'ai à l'esprit un détail que je ne veux pas donner. À ce qu'on nous dit, les Américains sont beaucoup plus avancés et beaucoup plus ouverts sur ce plan, de même que la Banque mondiale. Quand elle prête à des investisseurs privés, elle ouvre les livres, semble-t-il, alors qu'au Canada, on les ferme.

[Traduction]

M. Alan Curleigh: M. Hylton pourra peut-être répondre.

M. David Hylton (directeur, projets spéciaux, Kvaerner Chemetics; Alliance des fabricants et des exportateurs du Canada): Merci, Al.

On peut lire dans le rapport Gowling que, à condition que les renseignements au sujet d'une transaction donnée soient fournis après la signature du contrat, un exportateur canadien n'a rien à craindre car il a obtenu le contrat.

Notre entreprise fait des offres en même temps que nos concurrents internationaux. Lorsqu'il y a un appel d'offres, tout le monde connaît la taille de l'usine, la capacité de l'installation et les besoins particuliers du client. Malheureusement, si le prix auquel nous avons obtenu le contrat devient public, nos concurrents peuvent facilement deviner quelle offre nous ferons pour une installation de plus grande envergure, à telle ou telle capacité. L'alliance a donc de grandes réserves lorsqu'il est question de dévoiler publiquement des renseignements confidentiels sur le plan commercial. L'alliance reconnaît que, puisqu'il s'agit de deniers publics, il faut dans une certaine mesure tenir compte des souhaits de ceux qui veulent en savoir plus au sujet des activités de la SEE.

Nous avons discuté avec nos membres d'une certaine façon de faire. Par exemple, tous les six mois, on pourrait publier un rapport sur les sommes allouées, et les pays et les exportateurs peuvent l'appuyer. Cela pourrait se faire par secteur d'activité ou dans le rapport annuel—où l'on pourrait donner plus de détails. Nous sommes toutefois très inquiets à l'idée de rendre publique une information confidentielle du point de vue commercial au Canada, alors que ça ne se fait pas dans d'autres pays. Comme l'a dit M. Curleigh, nous sommes tout le temps en concurrence contre d'autres entreprises. Si l'on gagne un contrat, ça ne veut pas dire que l'on gagnera nécessairement le prochain.

J'espère que vous comprendrez notre position.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Madame Bulte.

Mme Sarmine Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci beaucoup, messieurs, de votre présence aujourd'hui.

J'aimerais obtenir l'avis de tous nos témoins sur certaines déclarations parues dans un article de Patricia Adams, publié dans le National Post de ce matin. Elle cite Jeffrey Garten, doyen de la faculté de gestion de Yale, dans la revue Economist. Ce dernier soutient que le gouvernement ne devrait plus du tout s'occuper de crédit et que la présence du gouvernement a eu pour effet de corrompre le marché. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

La journaliste parle également du fait que la SEE, société d'État, intervient injustement dans le secteur privé. Vous pourriez peut-être nous citer des exemples, en nous disant en quoi vos activités auraient été différentes sans l'aide de la SEE.

Enfin, et surtout, monsieur Page, je regrette que vous n'ayez pas lu la partie de votre mémoire concernant les petites et moyennes entreprises. Vous pourriez peut-être y revenir, car l'une des plaintes que j'ai entendues de la part des PME, c'est que le système n'est pas adapté à leurs besoins.

Merci, madame la présidente.

M. Alan Curleigh: J'aimerais demander à M. Grant de répondre à cette question puisqu'il s'agit des petites et moyennes entreprises.

• 1030

M. Buzz Grant (vice-président, Finances, MDS AeroSupport Corporation, Alliance des fabricants et exportateurs du Canada): En général, les PME sont assez satisfaites du service et de l'aide fournis par la SEE. On peut comparer les PME, soit les petites et moyennes entreprises, à des jeunes enfants qui ont besoin d'appui, de soins et de toute l'aide possible pour pouvoir grandir. Les PME sont donc toujours à la recherche de cette aide, de ces soins et d'une plus grande attention.

Parallèlement, elles sont très satisfaites de l'aide de la SEE et de la façon dont les choses ont évolué ces dernières années, avec la conclusion d'alliances stratégiques avec des organismes comme North Star Trade Finance, qui s'occupe précisément des petites et moyennes entreprises.

C'est donc un peu comme une épée à double tranchant. Les PME ont de gros besoins mais sont satisfaites des services qu'elles reçoivent de la part de la SEE.

M. Alan Curleigh: Je voudrais ajouter brièvement quelque chose. Vous avez demandé un exemple précis. Prenons l'Asie du Sud-Est et l'effondrement du marché il y a trois ans. Les choses reprennent peu à peu. Au sein de notre entreprise, nous avons mené des projets importants en Indonésie, par exemple, où nous avons une liste de banques commerciales et d'organismes de crédit à l'exportation qui travaillent de concert. Au début de la crise, les banques commerciales ont été les premières à faire machine arrière. Elles ont pris une décision de crédit du jour au lendemain, sans tenir compte des conséquences.

Heureusement pour nous que nous avions nos collègues des OCE d'Allemagne, de Finlande, de Suède et du Canada, qui ont une optique à plus long terme. Ils voient la lumière au bout du tunnel. Les OCE étant devenus les principaux organismes de prêt, il leur a été possible d'imposer leur point de vue et de convaincre tous les prêteurs de maintenir leur aide. Je peux maintenant vous dire que ce projet est terminé à 90 p. 100 et qu'il sera source de recettes permanentes. Si nous avions dû compter uniquement sur les banques commerciales, je crains qu'il n'ait fallu renoncer à ce projet. Ce n'est pas une critique vraiment, mais c'est ainsi que fonctionnent les banques.

Si nous apprécions les organismes de crédit à l'exportation—et on peut le dire dans toutes les publications—c'est parce qu'ils sont là pour évaluer les risques économiques et politiques d'une situation, et ils sont là pour nous soutenir en tant qu'exportateurs. C'est très important. Le cas que je viens de citer est un excellent exemple.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): J'ai remarqué que, dans votre exposé, vous avez dit que vous étiez contre la publication de renseignements se rapportant directement au marché. Toutefois, nous avons tous tendance à oublier que le principal actionnaire de la SEE est le contribuable canadien. En tant que contribuable, je ne veux pas avoir l'impression—et je cite un exemple extrême—que la SEE va garantir des fonds pour l'achat ou l'exportation d'armes légères.

Où faut-il fixer la limite? Comment prendre une décision? Tout peut se rapporter directement au marché. Voilà ce que je voulais dire.

M. Alan Curleigh: Monsieur Neil, voulez-vous répondre à cette question?

M. William Neil (directeur, Relations gouvernementales-internationales, Nortel Networks, Alliance des fabricants et exportateurs du Canada): Il s'agit en fait de savoir combien de renseignements peuvent être divulgués dans les limites d'une entreprise concurrentielle à l'échelle internationale, et en quoi le rôle de la SEE diffère-t-il de celui d'un autre organisme de crédit à l'exportation?

J'en reviens au fait que la SEE est un organisme unique en son genre prévu dans la politique gouvernementale d'autres pays, et elle se doit donc de jouer un rôle différent.

La divulgation de renseignements d'ordre concurrentiel, par définition, ne peut se faire qu'après coup. Tant que le marché n'est pas conclu, il n'y a pas vraiment de marché. On continue d'être en négociation jusqu'à la signature du contrat. D'une certaine façon, les renseignements seront donc rendus publics après coup.

Auparavant, il faut établir des directives relativement à l'environnement et aux droits de la personne. La SEE, par l'entremise de son conseil d'administration et du ministre dont elle relève, soit le ministre du Commerce international, ainsi que les divers comités interministériels, doit mettre en place ces mécanismes de filtre et évaluer les contrats au fur et à mesure. Le conseil d'administration de la SEE n'approuvera pas un contrat s'il lui semble aller à l'encontre des souhaits du Parlement.

• 1035

Pour ajouter à ce qui a déjà été dit plus tôt, il est vrai que Nortel est une très grande entreprise qui compte de nombreux fournisseurs au Canada. Nous avons plus de 7 500 fournisseurs, dont la majorité sont des petites et moyennes entreprises. Nous sommes leur principal client, pour la majorité d'entre elles. Notre réussite sur la scène internationale leur permet de prendre de l'expansion, même si elles ne s'occupent pas directement de l'exportation des produits qu'elles nous fournissent. L'appui des grandes entreprises qui sont prospères—et Bombardier a aussi de nombreux fournisseurs... Ce sont les petites entreprises qui dépendent de notre réussite à l'étranger.

Pour revenir sur une autre chose que vous avez dite plus tôt, si vous voulez savoir ce que la SEE a à offrir, là encore je vous demanderais de vous reporter cinq ans en arrière. La SEE a pris beaucoup d'expansion depuis lors et il y a eu une énorme croissance des exportations, qu'elle a facilitée. Si vous voulez avoir une idée de ce que deviendrait la SEE si elle ne s'occupait plus de tout cela, il vous suffit de voir où nous en étions il y a cinq ou dix ans et de voir où étaient vos collègues il y a cinq ans. Cela vous donnera une assez bonne idée de ce que deviendrait la SEE. Demandez-vous alors si c'est le rôle qu'on voudrait voir jouer, dans le cadre de la politique gouvernementale, un organisme de financement des exportations.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

M. Timothy Page: J'aimerais simplement ajouter que votre question est pertinente. Où fixer la limite? Si on la fixe trop loin, les personnes que la SEE est censée aider ne feront plus appel à elle. Dans ce cas, le commerce extérieur sera à la baisse et vous serez par votre faute confrontés à un problème, tant dans notre pays que pour les entreprises concurrentielles à l'échelle internationale. Est-ce ce que vous voulez faire? D'après les personnes présentes autour de cette table, la réponse est manifestement non.

Personne n'a encore répondu à votre question au sujet de Patricia Adams. La SEE a été créée pour combler un vide sur le marché. C'est le rôle qu'elle joue, et je suis surpris que cette personne ne le comprenne pas.

Des voix: Oh, oh!

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Keyes.

M. Robert Keyes: Pour répondre à votre question, à savoir où fixer la limite, je voulais dire qu'il faut essayer de faire la part des choses. Il n'est pas facile de tracer cette limite dans le sable, et c'est un problème pour nous tous. Aucun des témoins ne vous a dit qu'il fallait dresser un rideau de fer, mais il faut trouver une façon de tenir compte du caractère confidentiel de certains renseignements d'ordre commercial, car c'est la raison d'être d'une entreprise, et que tout le monde doit livrer concurrence sur un marché mondial énorme et féroce, et nous ne voulons pas leur couper l'herbe sous le pied.

Pour ce qui est de la question de Mme Bulte au sujet des PME, il y a environ deux ans, la réunion de l'APEC sur les PME s'est tenue ici à Ottawa. Le financement est une question qui a retenu une bonne partie de l'attention. Ce matin, j'ai sorti certaines des recommandations que les PME avaient présentées à tous les membres de l'APEC relativement à leur organisme de crédit à l'exportation et ses activités. C'est avec plaisir que je vous en laisserai un exemplaire. Il était question d'innovation, de financement, d'emballage et d'aide à l'information, et la SEE a entendu certains de ces messages et y a réagi. Regardez ce que la SEE tente de faire pour aider ces exportateurs. Elle est à l'écoute et elle réagit.

Je suis heureux de vous laisser ce document. Merci.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Rocheleau.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Quand on parle de tirer la ligne, jusqu'où doit-on aller? Par exemple, si on apprenait qu'une entreprise canadienne établie en Asie ou en Afrique utilise une main-d'oeuvre enfantine, chose condamnée sur le plan international, avec l'aide de la SEE, cela vous semblerait-il condamnable? Est-ce qu'on serait en droit d'obtenir ce genre d'information? Jusqu'où va la confidentialité quand il s'agit notamment de deniers publics?

[Traduction]

M. Alan Curleigh: Je peux peut-être répondre à cette question.

Les exportateurs sont tout à fait conscients de ce problème, et je le suis moi-même en tant qu'exportateur de projets d'immobilisations. Par exemple, je serais ravi de voir sur l'Internet ce que font mes concurrents japonais. Naturellement, ce n'est pas possible. Les renseignements concernant la façon dont ils financent leurs projets sont entièrement confidentiels. Les renseignements concernant ceux qui me font concurrence en Europe sont confidentiels.

Nous sommes tous extrêmement préoccupés par les questions comme celles de la main-d'oeuvre enfantine et des droits de la personne. Naturellement, ça dépend du gouvernement dans le pays en question, et peut-être du secteur en question.

• 1040

Pour ce qui est des cas spécifiques, nous ne pouvons répondre à cette question. À notre connaissance, aucune entreprise ne dirait en toute connaissance de cause qu'elle appuie la main-d'oeuvre enfantine. À mon avis, ce n'est pas le cas.

M. William Neil: Je pense que c'est une très bonne question, et comme vous faites partie d'un groupe de gens qui doivent répondre constamment aux électeurs qui posent des questions à ce sujet, cela vous met dans une situation difficile.

Je pense qu'il convient que vous imposiez des directives à la SEE disant que si un projet comporte ce genre d'activités, il ne sera pas appuyé par les contribuables canadiens. On s'attend à ce que le conseil d'administration et les fonctions administratives de la SEE ne soient pas engagés dans ce genre d'activités, et si nous nous apercevons que vous l'êtes, vous cesserez immédiatement de l'être. En même temps, vous pourriez imposer aux entreprises canadiennes la responsabilité de s'assurer qu'elles ne s'engagent pas dans ce genre d'activités et si elles savent que c'est le cas, elles doivent le révéler dans le cadre des conditions de financement.

Cette façon de tracer en quelque sorte des lignes dans le sable qui correspondent tout à fait à la façon dont les Canadiens voient le monde ne m'apparaît pas comme étant contraire aux directives à formuler à l'intention de la SEE.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Patry.

[Français]

M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci, madame la présidente.

[Traduction]

Ma première question s'adresse à l'alliance, et j'aurai ensuite une question et une observation

[Français]

pour l'Association des ingénieurs-conseils du Canada.

[Traduction]

Ma question qui s'adresse à l'alliance—je vais poser toutes mes questions d'affilée—concerne la résolution, la recommandation 36. Je ne comprends pas que vous approuviez le rapport Gowling, qui demande que le vérificateur général soit remplacé par un vérificateur de la SEE, car cela me semble être en conflit avec vos obligations commerciales internationales. Nous sommes des contribuables; cela revient aux contribuables. Je ne sais pas pourquoi vous souhaiteriez changer cela.

Passons maintenant à l'Association des ingénieurs. Vous dites que vous n'appuyez pas la deuxième partie de la recommandation 11, où l'on propose une échelle déterminant la proportion des recettes d'exportation exigées pour qu'une entreprise soit considérée comme un exportateur.

Voici ce que je voudrais dire à M. Page. À la dernière page de votre mémoire, vous parlez de la société civile. Je suis tout à fait en désaccord lorsque vous dites: «l'Association n'ignore pas quelles sont les pressions exercées sur la SEE en matière de respect de l'environnement, des droits de la personne et de la communication des renseignements.» Nous en avons beaucoup parlé à notre comité. Vous dites que le fait que l'on «dispense les autres sociétés de prêt commercial ou d'autres organismes étrangers de crédit, peut diminuer sa compétitivité et partant son utilité aux exportateurs». Il semble que vous ne vous souciez guère de l'environnement, des droits de la personne et de la communication de l'information, si je l'y comprends bien. Pour moi, cela est à tout fait inacceptable.

Je voudrais tout simplement vous laisser savoir que du côté américain, tous les projets, avant d'obtenir un investissement, doivent faire l'objet d'une évaluation environnementale. Sachez qu'hier le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international a comparu devant le comité et qu'il a déclaré qu'il y aurait des directives à l'intention des exportateurs canadiens à ce sujet. Je l'approuve entièrement. Mais je n'approuve pas ce que vous dites.

M. Timothy Page: Madame la présidente, je pourrais peut-être répondre à cette dernière observation. Les maisons d'ingénieurs-conseils sont administrées par des ingénieurs professionnels. Les ingénieurs professionnels ont une responsabilité publique et doivent protéger la santé et la sécurité du public. C'est leur principale responsabilité à titre d'ingénieurs professionnels agréés. Ils ont un code de déontologie librement consenti, un code d'étique librement consenti.

Nos membres sont très actifs à l'échelle internationale. Ils travaillent beaucoup dans des collectivités locales à l'échelle internationale afin d'y améliorer l'environnement. Notre secteur est très sensible à ce qu'il peut faire pour contribuer à l'amélioration de l'environnement et ainsi améliorer le bien-être des gens, particulièrement dans les pays en voie de développement.

Ce que j'ai dit dans ce mémoire, c'est que la SEE, comme institution commerciale, ne devrait pas se voir imposer des exigences plus strictes ou plus lourdes que celles qui sont imposées aux autres sociétés de crédit commercial. Je ne dis pas qu'ils n'ont aucune responsabilité à appliquer à cet égard, et je ne dis pas non plus que notre industrie n'a aucune responsabilité. Comme vous le savez bien, la SEE a créé un cadre de travail environnemental qui est entré en vigueur en avril dernier. Je pense que nous devrions laisser à ce cadre de travail la chance de faire son chemin, et voir comment il fonctionne.

M. Bernard Patry: Que répondez-vous à la question au sujet de la recommandation 11?

• 1045

M. Timothy Page: Comme je ne suis pas spécialiste de ces questions, je demande votre indulgence si je passe complètement à côté.

Le rapport Gowling crée une échelle selon laquelle les entreprises, selon leur taille, seraient ou non admissibles à recevoir l'assurance-crédit intérieure. Nous sommes d'avis que d'après cette échelle, nos membres et certaines entreprises canadiennes, certains de nos membres qui étaient jusqu'à présent admissibles à l'assurance-crédit, ne le seraient plus. Nous voyons un certain manque de logique dans cette recommandation.

M. Bernard Patry: Je suis d'accord avec vous.

Et que répondez-vous à la première question au sujet du vérificateur général?

M. Jayson Myers: Pour ce qui est du vérificateur général, l'équipe d'examen a recommandé que l'on remplace le vérificateur général par un vérificateur privé. Nous sommes d'avis qu'il appartient au conseil d'administration de la SEE de décider s'il veut remplacer le vérificateur général. Je pense qu'à titre de société d'État, la SEE a été bien servie par le vérificateur général. Notre position est que si cela doit changer, ce devrait être l'initiative du conseil d'administration de la SEE. Cependant, si nous sommes bien servis par le vérificateur général, je ne vois pas l'avantage que comporterait un changement à cet égard.

M. Bernard Patry: Très bien. Je vous remercie.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Madame Marleau.

L'hon. Diane Marleau (Sudbury, Lib.): Malheureusement, notre collègue du Parti réformiste est parti, car en général ce que la plupart des gens ont tendance à oublier lorsqu'ils entendent votre exposé, c'est que tout cet argent crée des emplois ici au Canada. Cela a ajouté à la richesse des Canadiens. Nous ne devons pas l'oublier; il y a beaucoup d'autres choses qui se passent.

Le représentant de Bombardier a dit—et je ne sais pas s'il a raison ou tort—que l'on devrait permettre à la SEE d'avoir une plus grande participation financière dans les projets et de disposer d'un délai plus long pour s'en retirer progressivement. Bien que je comprenne votre point de vue à ce sujet, puisque cela pourrait faciliter certaines choses pour les grandes sociétés qui font des affaires à l'étranger, je me demande si cela ne risque pas de prendre une trop grande partie des fonds de roulement de la SEE et d'en laisser très peu pour les petits projets, des petites entreprises. Je ne suis pas certaine que ce soit le rôle qui convienne à un organisme financé par l'État.

Cela étant dit, vous pouvez peut-être me donner quelques exemples de ce que font d'autres sociétés comme la nôtre, ou des sociétés semblables, et qui investissent dans des projets pour lesquels vous faites concurrence. Cela m'aiderait peut-être à comprendre pourquoi il serait important d'agir ainsi.

M. Richard Sloan: Je vous remercie pour votre question. L'ampleur de la concurrence ne dépend pas uniquement du montant de capitaux propres que l'on investit dans une transaction. Dans le domaine du transport, nous faisons concurrence à des prêts de faveur consentis par des gouvernements étrangers, des prêts échelonnés sur 40 ans pour lesquels pratiquement aucun remboursement n'est prévu.

Nous n'avons pas la possibilité ici au Canada d'appuyer ce genre d'investissements que font nos concurrents européens. Si l'on regarde la valeur nette réelle, qui est la position dans une transaction qui sera un jour rémunératrice, on ne voudrait pas conclure de transaction à moins de penser qu'il est possible de réaliser un rendement sur le capital investi, à moins d'avoir une stratégie de sortie, et de penser qu'un jour cette position de propriété pourra être commercialisée.

Nous parlons donc ici de transactions qui ont une viabilité commerciale, qui ont un rendement raisonnable—des critères devant être établis—dont la SEE pourrait profiter. Fait encore plus important, lorsqu'une entreprise comme la SEE apporte ce genre de capitaux, elle apporte avec elle d'autres gens, car ils voient l'engagement de la SEE et comprennent son goût du risque et son parti pris analytique. Franchement, son investissement dans la transaction équivaut à dire non pas que la transaction est bénie, mais plutôt qu'on l'a passée au peigne fin. On l'a examinée de très près et elle semble donc être un bon investissement.

L'hon. Diane Marleau: J'ajouterai tout simplement, cependant, qu'en fin de compte cela signifie que le Canada ne peut faire concurrence à bon nombre d'investissements. Nous n'avons tout simplement pas ce genre d'argent; nous ne sommes pas assez importants. Où est-ce que tout cela s'arrête? Je comprends votre logique, mais d'un autre côté, il n'y a tout simplement pas suffisamment d'argent ici si les autres pays veulent investir et obtenir la transaction. Cela ne vous aidera donc pas davantage.

• 1050

M. Richard Sloan: Il est pénible de perdre une transaction, et nous pouvons...

L'hon. Diane Marleau: J'ai tout simplement l'impression que c'est la technique de l'avantage qui prévaut. J'ai vu bien des choses à l'échelle internationale et franchement, souvent, si on commence à jouer ce jeu, cela n'a plus de fin. Tout l'argent va là-dedans, et tout le monde monte la barre. J'hésite donc à m'engager sur cette voie, bien que je comprenne votre point de vue.

M. Richard Sloan: Je pense que les Canadiens occupent une position unique dans le monde. Nous sommes un très petit pays qui a une main-d'oeuvre très talentueuse et la seule façon d'envoyer cette main-d'oeuvre dans le monde—je ne veux pas dire littéralement «dans le monde», je parle des exportations—, c'est d'avoir un organisme comme la SEE pour promouvoir cette main-d'oeuvre.

Comme je l'ai dit, Réjean et moi-même avons négocié bon nombre de transactions où la simple présence de la SEE était un avantage rassurant. Je comprends. Nous faisons concurrence...

Vous devez partir.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Oui, je suis désolée. Nous savons ce que signifie cette double sonnerie.

L'hon. Diane Marleau: Nous devons partir, ou bien il y aura des élections.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Oui.

L'hon. Diane Marleau: Et nous ne voulons pas vraiment qu'il y ait des élections, alors nous y irons.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Nous allons suspendre la séance.

Je demanderais aux membres du comité de revenir à 11 h 30, car nous entendrons alors un exposé de la Banque mondiale. Nous reprendrons donc à 11 h 30.

• 1052




• 1139

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Mesdames, messieurs, nous reprenons nos travaux.

Nous sommes ravis de vous accueillir aujourd'hui, monsieur Karlsson. Nous tenons à vous féliciter pour votre nomination récente. Je crois comprendre qu'il s'agit de votre première visite au Canada à ce titre. Bienvenue.

Je vais vous demander de faire tout d'abord votre déclaration, ensuite nous pourrons passer aux questions.

M. Mats Karlsson (vice-président, Affaires étrangères, Relations avec les Nations Unies, Banque mondiale): Merci beaucoup. Venir au Parlement est une chose qui me tient beaucoup à coeur. J'ai travaillé pendant trois ans pour le Parlement de mon pays, pour le Comité des affaires étrangères, de sorte que je sais combien il est important de s'adresser aux parlementaires.

Je ne veux pas faire de longue introduction. Je crois comprendre que vous suivez ces questions de très près et j'aimerais m'engager dans un dialogue avec vous. Permettez-moi tout simplement de vous dire que nous vivons une époque des plus intéressantes.

• 1140

Peut-être que tout le monde a l'impression que l'on est à la veille d'un changement historique, je ne sais pas. La façon dont travaillent ensemble les gouvernements et les institutions internationales et, en fait, de plus en plus à notre époque, la société civile, afin de mobiliser des coalitions en vue d'apporter des changements, ce qui était le thème de l'allocution de Jim Wolfensohn lors de l'assemblée annuelle il y a deux mois, est extrêmement importante.

Je pense que tellement de choses ont changé dans le monde politique—dans les relations Est-Ouest, naturellement, avec la fin de la guerre froide, mais également de plus en plus dans les relations Nord-Sud, où même s'il existe toujours des groupements au sein des organisations internationales, on a une bien meilleure vision commune de ce qui doit être fait. Aujourd'hui, on a davantage une identité de vue pour que les institutions internationales ou des coalitions entières puissent avoir un impact.

Je pense que le rôle de la Banque mondiale au fil des ans a toujours été important. Cette institution qui pendant longtemps a mis l'accent sur l'investissement dans les infrastructures et les aménagements structurels tente maintenant d'être un partenaire ayant davantage la confiance des pays débiteurs, une institution qui s'est donné comme objectif l'éradication de la pauvreté. Nous savons aujourd'hui davantage ce qu'il faut pour éliminer la pauvreté.

Nous sommes en train de préparer le rapport de l'an prochain sur le développement dans le monde, et si je le mentionne, c'est qu'il s'agit pour nous de l'une des meilleures façons de tenter de changer les attitudes et de faire comprendre la nature de notre activité et de la situation dans le monde. Tous les dix ans, la Banque met l'accent sur cet objectif principal de l'éradication de la pauvreté. Ce n'est pas tout simplement un rapport qui est publié à un moment donné dans le temps, mais nous tentons plutôt de le préparer d'une façon moderne, participative.

L'une des activités qui a mené à la préparation de ce rapport consistait à demander aux gens ce que signifiait réellement la pauvreté. Comme la Banque l'a toujours fait par le passé, nous avons travaillé avec les ONG et demandé à 60 000 personnes dans 60 pays ce que signifiait réellement la pauvreté. Les réponses que nous avons obtenues sont assez saisissantes; elles vont bien au-delà du simple point de vue selon lequel la pauvreté consiste à être privé de quelque chose sur le plan de l'éducation, de la santé ou du revenu.

Le message qui est transmis concerne toute la situation de la sécurité: non seulement la sécurité par rapport au conflit, mais la sécurité par rapport à la violence familiale, la violence au sein de la collectivité; les régimes de sécurité sociale, le risque de tout perdre à cause d'une crise économique, à cause d'une maladie; la sécurité humaine immédiate, cette sécurité humaine dont le Canada se fait le champion dans les débats internationaux—elle existe, c'est clair—les débouchés, la création de systèmes de libre marché appuyés pas des institutions publiques, qui assurent le bon fonctionnement du marché; la lutte contre la corruption, ce qui veut dire la responsabilisation et aussi permettre aux gens de contrôler leur propre destinée, de comprendre et de reconnaître leur potentiel et d'en tirer profit et de l'exprimer.

Je pense que la façon moderne de voir la pauvreté comportera les trois concepts suivants: la sécurité, les possibilités et le contrôle de sa destinée—comme principes de base fondamentaux, non pas simplement la vision traditionnelle des choses, c'est-à-dire l'infrastructure, l'éducation, la santé, etc. Nous finirons par faire les mêmes choses, tout en les faisant mieux, j'espère, mais nous voulons réformer notre travail en adoptant une nouvelle vision de la façon dont les sociétés changent et dont les pauvres peuvent se prendre en main. Cela est fondamental.

À ce moment-ci, nous espérons changer la façon dont la Banque fonctionne et est en mesure d'arriver à des résultats à cet égard. Nous sommes fermement convaincus que nous devons travailler avec d'autres institutions internationales, et en particulier avec l'Organisation des Nations Unies, qui connaît une réforme constante, et naturellement avec tous nos partenaires bilatéraux, afin de former des coalitions pour le changement. Aucun d'entre nous ne peut réussir seul de son côté, de sorte que nous dépendons énormément de l'appui de nos associés, du débat dans ces pays au sujet de notre orientation.

• 1145

Nous sommes donc très sensibles aux débats qui se déroulent dans nos pays associés, et je suppose que mon rôle au sein de la Banque mondiale consiste à servir d'intermédiaire dans ces débats—dans mon cas en particulier, avec les pays industrialisés, et par conséquent je suis heureux de venir visiter le Canada si tôt au cours de mon mandat. En fait, c'est mon premier voyage à l'extérieur de la Banque depuis ma nomination, et je le fais avec beaucoup d'intérêt puisque le Canada a toujours été à l'avant-plan, a toujours fortement appuyé le multilatéralisme, s'est fait le champion d'une réforme internationale et a toujours examiné le fonctionnement de nos institutions pour nous éveiller à certains faits.

Je vais peut-être m'arrêter ici pour que nous puissions dialoguer. Merci beaucoup.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Karlsson.

Monsieur Martin.

[Français]

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci beaucoup, madame la présidente.

[Traduction]

Monsieur Karlsson, je vous remercie vous et votre équipe d'être venus nous rencontrer pour nous parler de la Banque. C'est une question très importante pour nous, étant donné l'argent que nous y investissons. Nous avons de nombreuses questions à vous poser.

Ce qui m'intéresse surtout en fait, c'est la prévention des conflits, et je sais que la Banque a beaucoup mis l'accent sur la reconstruction postérieure aux conflits. Étant donné que depuis 1980—et corrigez-moi si je me trompe—, votre budget pour la reconstruction postérieure aux conflits a augmenté de 800 p. 100, il s'agit d'un montant énorme, et j'ai plusieurs questions à vous poser à cet égard.

Tout d'abord, je me demandais si la Banque estime qu'elle a un rôle de levier économique à jouer pour la prévention des conflits.

Deuxièmement, je me demande comment la Banque tente en fait de concilier cela—vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire que votre principal objectif était d'éliminer la pauvreté—dans le contexte du débat politique dans lequel vous fonctionnez. Même si votre charte vous interdit d'examiner la situation politique des pays où vous faites affaire, on ne peut pas ne pas en tenir compte. Je veux parler, naturellement, de la question du Tibet, et j'aimerais bien que vous nous fassiez le point sur la situation là-bas également.

J'aimerais également savoir si vous pouvez nous parler de ce qui est fait pour intégrer les activités du FMI, de la Banque mondiale et des Nations Unies, nous donner les derniers renseignements là-dessus. Nous sommes un pays donateur, et je suis certain que tous vos pays donateurs vous posent cette question—comment pouvons-nous accroître l'obligation redditionnelle de la Banque face aux pays donateurs? Nous nous posons beaucoup de questions pour savoir où l'argent va et si cet argent est dépensé judicieusement. L'Ouganda et le Cambodge sont deux exemples où les activités et les investissements de la Banque dans leurs activités et leurs programmes d'adaptation structurelle ont empiré les choses pour ces pays.

J'aimerais donc que vous répondiez à ces questions.

M. Mats Karlsson: Vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que la Banque intervient beaucoup plus dans des situations de conflit, la raison étant, naturellement, qu'il y a davantage de conflits dont il faut s'occuper. La fin de la guerre froide n'a pas mis fin aux conflits, malheureusement, et la plupart des conflits qui existent aujourd'hui sont des conflits internes. D'une certaine façon, la Banque a été obligée de faire face à cette situation, et nous avons tenté de mettre sur pied... car, si on se tourne vers le passé, on voit qu'il n'est pas venu naturellement à la Banque d'essayer de rester en dehors des conflits politiques. À titre de partenaire de ces pays, nous ne pouvons pas ne pas tenir compte de ce qui s'y passe, et la communauté internationale nous a demandé d'intervenir dans des endroits critiques, comme dans les Balkans, ou en Afrique centrale ou encore en Sierra Leone ou plus récemment au Timor-Oriental.

• 1150

Nous avons tenté de faire beaucoup d'analyses internes. Je ne prétendrai pas que nous ayons fait plus que la première génération de l'analyse de ce en quoi devrait consister le rôle d'une banque, car, comme vous le savez, la Banque ne peut prêter qu'à des institutions souveraines, et les ressources disponibles pour des activités financées par des fonds d'aide gratuite sont très limitées pour la Banque.

Nous avons cependant une certaine capacité analytique, et nous savons qu'en fin de compte on nous demandera de travailler lorsqu'il existe une solution politique, de sorte que nous tentons d'intervenir le plus tôt possible.

Sur le plan analytique, nous travaillons avec le HCR et le PNUD pour combler ce que nous appelons l'écart entre l'aide humanitaire et les sociétés du développement à long terme. Nous y travaillons déjà depuis un an, et nous pensons que nous commençons à comprendre quel est le besoin.

Nous ne pouvons cependant agir seuls. Nous avons besoin des États membres, des partenaires bilatéraux, afin d'accroître leur capacité d'avoir non seulement une aide humanitaire, ou non seulement les mécanismes à long terme qui existent, mais aussi un plus grand nombre d'instruments en place pour faire face à cette situation très compliquée qui existe après les conflits.

Donc, vous avez raison, nous consacrons beaucoup d'énergie à cette question. Nous verrons si nous pouvons mettre en place des structures qui soient plus appropriées.

Au cours des deux derniers mois, à la Banque mondiale nous avons eu deux visites de Kofi Annan. Pour la première fois, il s'est adressé aux membres du personnel de la Banque mondiale à l'intérieur de la banque. Il nous a donné un conseil qui ne s'adressait pas uniquement à la Banque mondiale mais qui s'adressait aussi à la communauté mondiale en général. Il a dit que nous devrions faire un bien meilleur travail d'évaluation des conflits. Par exemple, si nous avons un projet d'éducation ou un projet d'infrastructure, nous devrions tenir compte de l'impact du conflit au moins de façon à ne pas nuire. Ce qui est encore plus important, naturellement, c'est que nous devrions tenter d'utiliser tous les moyens dont nous disposons pour réduire les conflits internes.

Selon les études effectuées par les Nations Unies et ailleurs, les iniquités internes au sein des pays, ou les iniquités horizontales entre différents groupes ethniques et catégories de revenu constituent un facteur clé dans ces conflits. Lorsqu'on s'engage sur le plan économique, on devrait pourvoir aider à réduire ces iniquités.

Alors, le message est très simple: il faut faire une analyse de conflit au tout début du processus. Je ne pense pas que ce soit quelque chose que l'on fasse couramment, et c'est quelque chose que nous tentons de faire.

Le Tibet est un exemple d'un impact sur précisément ce type de relation. On aurait pu éviter cette situation si nous avions fait une meilleure analyse. Nous avons maintenant le comité d'inspection. La Banque a un comité indépendant... Le conseil d'administration de la Banque peut s'adresser à un comité spécial d'inspection. Ce dernier a visité les régions et est revenu. Il a fait son analyse et publiera un rapport, avant la fin de l'année, je l'espère.

M. Keith Martin: Sont-ils toujours obligés de maintenir les prêts? Les prêts qui sont en souffrance à l'heure actuelle...?

M. Mats Karlsson: Ils sont retenus. Rien ne se fait avant l'inspection.

M. Keith Martin: Mais ils ne peuvent les bloquer, selon ce que le rapport dit.

M. Mats Karlsson: Oui.

M. Keith Martin: Merci.

M. Mats Karlsson: Vous m'avez posé une question au sujet du rapport entre la Banque et le système des Nations Unies. Je pense que nous faisons beaucoup de progrès à cet égard. Naturellement, cela va dépendre du succès qu'auront les Nations Unies avec leur propre réforme.

Mark Malloch Brown, mon prédécesseur qui dirige maintenant le PNUD, a entrepris une réforme majeure. Ce sera décisif, car le PNUD et le groupe de développement des Nations Unies sont nos plus importants partenaires, je dirais, dans la plupart des pays.

• 1155

Heureusement, dans les pays comme tels, le système de la Banque et le système des Nations Unies... Le système des Nations Unies a déjà en place ce que l'on appelle le Plan cadre des Nations Unies pour l'aide au développement et un programme commun. À certains endroits, il existe même une maison des Nations Unies commune. Les Nations Unies sont devenues un partenaire beaucoup plus valable dans la préparation de la stratégie du pays.

Donc, dans la pratique, la Banque travaille en étroite collaboration avec le système des Nations Unies dans de nombreux pays. De bas en haut, nous faisons des progrès, mais nous devons nous consulter beaucoup plus étroitement au niveau supérieur. Nous préparons avec le PNUD une consultation au sujet de la gouvernance et des mesures de lutte contre la corruption. Les institutions publiques ont un rôle clé à jouer. Nous avons donc entrepris des consultations au niveau supérieur pour mieux comprendre nos rôles respectifs dans ce domaine stratégique.

Il y a beaucoup d'exemples semblables. Jamais les Nations Unies et la Banque n'ont-elles tant cherché à régler les différents et trouver des moyens constructifs de collaborer.

Je répète que Kofi Annan est venu deux fois à la Banque et est encore venu travailler récemment avec certains d'entre nous au système de l'ONU. La Banque ouvre un nouveau bureau à Genève pour travailler avec l'Organisation mondiale du commerce et avec la Commission de défense des droits de l'homme après les conflits du HCR en reconnaissance de l'importance de la situation de Genève à l'ONU. Je crois que nous avançons donc dans de nombreuses directions afin de collaborer davantage avec les Nations Unies.

Je n'ai pas tout à fait compris ce que vous avez dit sur la façon dont la Banque a exacerbé la situation en Ouganda et au Cambodge.

M. Keith Martin: D'autres voudront probablement vous poser des questions. Je leur manquerais de respect en ne leur cédant pas la parole.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Martin.

[Français]

Monsieur Rocheleau.

M. Yves Rocheleau: Bonjour, monsieur Karlsson. Vous avez dit dans votre exposé que l'objectif fondamental de la Banque mondiale était l'élimination de la pauvreté.

Par ailleurs, j'aimerais savoir si vous êtes d'accord sur la lecture que, personnellement, je fais des événements. Nous sommes dans un contexte tout à fait contraire à cela. À mon avis, la pauvreté sur cette planète ne fait que s'accroître. On commence à vivre une diminution systématique de l'importance de la classe moyenne et de sa taille. L'écart entre les riches et les pauvres ne fait que s'accroître. On assiste à une diminution et à un appauvrissement des programmes sociaux partout où ils existaient, notamment dans le domaine de la santé. On assiste à une vague de privatisation, comme par hasard, qui pourrait laisser croire qu'elle se produit indépendamment d'un pays à l'autre. Par contre, quand on observe de loin l'ensemble de la planète, on s'aperçoit bien que c'est systématique.

Je dis tout cela pour en venir au fait qu'on vit dans une époque caractérisée, à mon avis, par le néo-libéralisme, où la richesse est concentrée, où les entreprises sont concentrées et où les centres de décision se concentrent de plus en plus sur la planète. Ces centres de décision sont de caractère privé et, toujours à mon avis, menacent l'autorité des pays souverains.

J'aimerais que vous me disiez d'abord si vous êtes d'accord avec moi. Les conséquences de cette situation globale sont les suivantes, même dans les pays développés: par exemple, en Europe, on sait qu'il y a à peu près 40 millions de chômeurs; aux États-Unis, le fief du capitalisme, le fief de la richesse mondiale, il y a quand même 40 millions de pauvres et de sans-abri; ici même, au Canada, dans un des beaux pays du monde, nous avons eu hier une manifestation assez violente des sans-abri. Il y a donc un malaise profond dans la société. J'aimerais savoir si vous êtes d'accord sur cette façon de lire les événements.

Ensuite, pour pallier cette situation, au lieu de se servir des deniers publics par l'entremise des États souverains qui consacrent des fonds à des organismes internationaux, est-ce qu'on ne devrait pas plutôt s'adresser carrément à ceux qui détiennent la richesse, par le biais d'une quelconque taxe Tobin, par exemple? Par une telle taxe, on irait chercher la richesse chez ceux qui la détiennent au lieu de s'adresser aux populations contribuables. On sait, entre autres, que ceux qui détiennent la richesse ne paient pas d'impôts; ils mettent leur argent à l'abri dans des paradis fiscaux.

Il y a donc là un engrenage qu'il faut, à mon avis, briser. Un moyen de le faire, le seul dont j'aie entendu parler—et sur lequel j'aimerais connaître votre opinion à vous qui êtes un intervenant sur le plan international—, et qui me semble le mieux structuré et pas utopique du tout s'il y a une volonté politique bien arrêtée de l'utiliser, serait la taxe Tobin ou son équivalent. D'après ce qu'en dit Le monde diplomatique, que je lis régulièrement, cette taxe rapporterait près de 350 milliards de dollars américains par année, je crois, milliards qui pourraient être gérés par les Nations Unies, la Banque mondiale ou tout autre organisme qui serait mandaté pour éradiquer la pauvreté sur cette planète et ce, de façon systématique, grâce à la contribution de ceux qui détiennent la richesse.

• 1200

M. Mats Karlsson: Excusez-moi si je réponds en anglais. Je me sens beaucoup plus à l'aise et je m'exprime de façon plus précise en anglais.

[Traduction]

La Banque a appris beaucoup de choses ces dix dernières années. Il n'est plus question maintenant pour elle de dire comme il y a dix ans: «Faites un, deux, trois, quatre et cinq et la pauvreté va diminuer». Elle sait très bien que ce n'est pas simplement la libéralisation des marchés et la privatisation qui vont réduire la pauvreté. Il faut avoir une approche plus holistique et considérer les investissements sociaux et les réformes structurelles, s'occuper de la population ou des institutions mixtes publiques-privées. Dans nos sociétés du Nord, nous savons tous que c'est nécessaire si l'on veut maintenir un marché stable qui fonctionne bien.

Nous savons aussi que dans notre société—et quand je dis «notre» je parle également de la mienne en Europe—, les choses ne se font pas facilement. Nous avons aussi des inégalités et on ne peut régler les problèmes uniquement par des mesures économiques.

On comprends donc que même la croissance ne suffit pas, qu'il y a la qualité de la croissance et le profil de pauvreté.

L'ambition de la Banque est maintenant de passer de l'analyse à la pratique. Le président Jim Wolfensohn a ainsi présenté en janvier dernier quelque chose qui correspondait à ce que demandait de nombreux pays—dont, si je ne m'abuse, le Canada—afin d'améliorer la situation.

La Banque a décidé de travailler avec un cadre de développement global (CDG). Nous le pilotons maintenant dans 13 pays sur des périodes de 18 mois. Toutefois, nous constatons que la réalité va encore plus vite que nos pilotes, si bien que dans de nombreux autres pays, on met au point ces autres mécanismes.

L'idée est de considérer les besoins macro-économiques, les besoins du marché, les besoins sociaux et les besoins structurels. D'autre part, il faut considérer tous les partenaires—les banques, l'ONU, les organismes bilatéraux, les ONG et le secteur privé—afin de voir comment toutes les activités des partenaires de l'extérieur dans un pays peuvent correspondre aux ambitions de ce pays et au processus politique interne et donner de meilleurs résultats dans la lutte contre la pauvreté.

Nous avons certainement fixé les cibles en fonction desquelles nous voulons être jugés. Notre influence sur la condition des pauvres, sur la mortalité infantile et maternelle, sur les études primaires, bref sur les sept fameux objectifs de développement international, est ce qui importe.

Nous équipons nos systèmes statistiques à la Banque de façon à ce qu'ils puissent nous aider à changer les choses sur le terrain. Nous espérons ainsi avoir une influence beaucoup plus importante et être en mesure de mobiliser les ressources du secteur privé tant dans les pays en développement que dans le Nord pour favoriser ce processus. L'essentiel, ici, c'est de parvenir à un partenariat de meilleure qualité avec le pays et de mettre l'accent sur les pauvres.

• 1205

J'espère avoir en partie répondu à votre question.

[Français]

M. Yves Rocheleau: Avez-vous une opinion sur la taxe Tobin?

[Traduction]

M. Mats Karlsson: Oui, je crois qu'il y a un gros problème. La taxe Tobin soulève deux types de questions. Tout d'abord, la nécessité de mobiliser de l'argent pour le système international, deuxièmement, cette taxe a été imaginée dans le contexte des inquiétudes que soulevaient des mouvements de capitaux très volatiles. Ce sont là deux choses différentes.

Je les aborderai donc séparément, en commençant par la volatilité des mouvements de capitaux. Après la crise en Asie du Sud-Est, tout le monde sait que c'est un gros problème, qui n'a rien d'imaginaire. Je dirais aussi que la pensée économique aujourd'hui donne beaucoup de légitimité à l'action politique des pays visant, par exemple, à imposer l'entrée de capitaux à court terme afin de freiner le mouvement au sein du pays. C'est l'expérience du Chili et d'autres, même de la Malaisie. C'est le point de vue qui me semble prévaloir parce qu'il ne semble pas qu'il y ait consensus sur l'effet de frein que pourrait avoir la taxe Tobin sur la volatilité des capitaux. De toute façon, ce n'est pas à la Banque d'instituer cela. Ce serait beaucoup plus la responsabilité des autorités monétaires internationales comme le FMI.

L'autre question, à savoir si l'on peut en quelque sorte développer la mobilisation automatique de ressources pour le système international, n'est pas nouvelle. Je crois que c'était même déjà dans le rapport de la commission Pearson. Tout ne s'est pas matérialisé, loin de là, mais cela reste à l'ordre du jour. Et comme nous savons que le système de coopération entre les institutions internationales et une politique internationale beaucoup plus ferme doivent être financés, la question n'est pas près de disparaître.

Du point de vue de la banque, nous devons nous occuper de l'immédiat—de mobiliser le financement nécessaire pour faire quelque chose pour les pays pauvres très endettés, pour l'allégement de la dette, ce qui a été convenu aux assemblées annuelles. C'est déjà une tâche importante. C'est passé de justesse à Washington mais nous n'avons pas encore vu venir tout l'argent qui avait été promis. Nous avons aussi vu que toutes les promesses à l'ADI 12 ont été longuement débattues par le Congrès américain et sont à peu près passées, mais pas complètement.

Nous constatons donc que le système international, le système de l'ONU, souffre beaucoup de ne pas réussir à mobiliser suffisamment de coopération au développement. J'ai été très heureux d'entendre dire que votre premier ministre, lors de sa visite en Afrique, a annoncé une augmentation pour la coopération au développement. Je dirais que le système international, ce qu'il est devenu à force de se réformer, est maintenant beaucoup mieux placé pour assurer une coopération efficace au développement et qu'il nous faut renverser la tendance dramatique à la baisse en matière de coopération pour le développement, qui est passée de 0,33 p. 100 des niveaux de l'OCDE à 0,21 p. 100 aujourd'hui. Sachant que la majorité des économies du Nord vont relativement bien, nous devrions considérer nos intérêts à long terme et mobiliser un soutien accru.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci, monsieur Karlsson.

Madame Marleau.

• 1210

L'hon. Diane Marleau: La question des États-Unis est très complexe parce que, de plus en plus, les mesures à prendre doivent être prises au niveau international et que de moins en moins nous pouvons compter sur la coopération des États-Unis. C'est un problème très grave pour les pays développés qui travaillent avec le monde en développement.

J'aimerais vous parler de deux choses, dont une qui me tient beaucoup à coeur et qui, je le sais, est très important aussi pour M. Wolfensohn. Il s'agit de l'écart entre la phase d'assistance humanitaire et la phase de développement réel. A-t-on fait davantage à ce sujet. Je sais que l'on a fait quelque chose, mais je ne sais pas jusqu'à quel point.

Il y a aussi la question de l'environnement. Nous examinons actuellement le mandant de notre Société pour l'expansion des exportations et on nous a plusieurs fois cité l'exemple de la Banque mondiale qui impose une certaine norme concernant l'environnement. Peut-être pourriez-vous nous dire ce que vous faites à ce sujet et quels résultats vous obtenez. C'est très joli d'avoir des normes, mais réussissez-vous à les faire appliquer dans les projets que vous financez?

M. Mats Karlsson: Sur votre premier point, sur l'écart ou le lien, la cohérence, entre l'aide humanitaire et la coopération au développement à long terme, j'ai eu une réunion il y a trois semaines avec Sadako Ogata et Mark Malloch Brown pour examiner justement la façon dont nous pouvions faire avancer ce processus.

En principe, on a beaucoup débattu depuis plus d'un an de ce que l'on peut faire après l'assistance humanitaire, de la nécessité de l'allier au règlement des conflits, à la culture de paix, à la culture de prévention. On s'est tellement occupé de conflits au Conseil de sécurité qu'il reste difficile pour les ministères des Affaires étrangères et les organisations d'aide d'aborder la question de la prévention culturelle dans le contexte de notre action. C'est la même chose pour la banque. La banque n'a pas toujours été très à l'aise dans les situations de conflits politiques. Nous devons apprendre à travailler dans ce contexte et cela exige donc aussi pour la banque une évolution culturelle.

La conclusion de mon entretien avec Sadako Ogata et Mark Malloch Brown, M. Ogata étant, comme vous le savez, le haut commissaire pour les réfugiés, a été qu'il nous fallait passer le stade de la discussion générale des questions et considérer plusieurs situations afin de voir si nous pouvons—et nous le faisons déjà dans beaucoup de pays—considérer le problème d'un point de vue systémique: quelles sont les leçons systémiques à tirer ou à tenter d'appliquer dans telle ou telle situation? Demain, à mon retour à Washington, ma première réunion est avec notre section spécialisée dans l'après-conflit afin de décider de l'étape suivante.

L'hon. Diane Marleau: Vous comprenez évidemment ce que je veux dire. Il arrive que l'aspect humanitaire soit très bon mais qu'il ne touche qu'un segment de la population et que les autres segments ne reçoivent absolument rien. Cela crée un conflit en soi. Toutefois, le haut commissariat ne peut pas en fait intervenir. La Banque mondiale ne le peut non plus. Même nos programmes bilatéraux ont des difficultés à intervenir. C'est là le défi.

Nous travaillions à quelque chose au Burundi et je crois que cela se poursuit. Comment parvenir à mettre sur pied une société civile avec laquelle travailler et encourager le gouvernement à continuer à faire des progrès? C'est un très gros défi. Dans bien des cas, l'aspect humanitaire est abandonné et la population plonge dans une pauvreté absolue parce qu'il n'y a rien entre les deux. Peut-être faudrait-il un autre organisme. Quelqu'un qui puisse faire quelque chose. Je ne sais pas qui. Ce n'est pas facile; le défi est énorme.

M. Mats Karlsson: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Plutôt que d'avoir de nouvelles institutions, je dirais qu'il nous faut de meilleures coalitions. Les organismes bilatéraux jouent un rôle extraordinaire parce qu'ils ont souvent plus de latitude politique et plus d'instruments à leur disposition. Nous devrions développer nos propres instruments pour être en mesure d'agir. Certes, les ONG sont extrêmement importantes. Il faut donc parvenir à développer la confiance entre les institutions si l'on veut... Mais il y a là un problème, et il n'a pas été réglé, je suis bien d'accord avec vous.

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Pour ce qui est de l'environnement et de la façon dont nous traitons la question, une des premières réunions que j'ai eue lorsque je suis arrivé à la banque fut avec Ian Johnson, qui est le vice-président de la banque pour les affaires environnementales, et nous avons longuement discuté de la façon de considérer les investissements problématiques, les investissements qui sont perçus ou attaqués comme étant néfastes pour l'environnement.

Je ne convaincrais peut-être pas grand monde en prétendant que les méthodes internes de la banque sont très développées. Lorsque vous examinez pendant des heures des projets spécifiques et que vous voyez 20 ou 30 personnes répondre aux questions de Jim Wolfensohn ou de quelqu'un d'autre: «Avez-vous pensé à cela? Avez-vous pensé à ceci? Voilà ce que disent les ONG», c'est assez impressionnant. En fait, sur le plan interne et administratif, c'est un processus très coûteux. Ces vérifications ne suffisent peut-être pas mais nous avons des systèmes en place.

Ce que j'aimerais, et c'est ce dont j'ai parlé avec Ian Johnson dès le début, c'est que notre système préventif soit beaucoup plus ferme de sorte que nous ne nous retrouvions pas dans des situations où nous avons déjà beaucoup avancé dans la préparation d'un projet, où nous n'avons pas peut-être été suffisamment ouverts et où nous nous faisons critiquer alors que nous avons déjà beaucoup investi et que le coût politique d'un retrait serait très élevé. C'est donc du côté de la prévention que j'aimerais que nous ayons un meilleur système.

Il y a des freins et des contrepoids en ce qui concerne nos normes environnementales mais, dans le monde d'aujourd'hui, nous devrions faire la même chose pour les conflits et effets sociaux: en quoi cela joue-t-il, de façon générale, sur le développement des institutions d'un pays? Dans l'ensemble, tout ceci revient à exiger de nous de faire preuve de plus de jugement dès le début de la préparation d'un projet.

Je voudrais aussi faire intervenir ce que l'on appelle les affaires extérieures, ce qui signifie en fait dans beaucoup de cas encourager le vrai débat au sein de la banque, afin que nous ayons un bien meilleur dialogue dans ces pays, ce qui aiderait les vice-présidents régionaux de la banque à obtenir un bien meilleur dialogue. Ils y croient. Je pense que c'est le genre de services qui deviennent de plus en plus nécessaires dans leur travail courant. C'est une direction que nous devrions prendre.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci. Si vous me le permettez, monsieur Karlsson, je voudrais vous poser une question rapide avant que nous ne levions la séance.

Comme vous le savez, nous sommes à la veille des nouvelles négociations de l'OMC à Seattle. Je me demandais si vous pourriez nous dire ce que la Banque mondiale fait pour aider les pays moins développés dans ces négociations de l'OMC et comment vous pensez qu'ils seront considérés au cours des négociations.

M. Mats Karlsson: Merci. C'est une question très importante.

Mme Wilson a un document intitulé l'Agriculture et les négociations 2000 de l'OMC: Analyse économique des enjeux et options pour les pays en développement. Nous vous le remettrons à la fin de la réunion. C'est exactement le genre d'analyse qui fait une des forces de la banque. Nous avons un rôle à jouer en révélant quels sont les intérêts des pays pauvres dans ces prochaines négociations qui, nous l'espérons, seront considérées comme de véritables négociations de développement.

Lorsque la banque avait ses réunions biannuelles du Comité de développement, juste avant les réunions annuelles de septembre, nous comptions sur la participation de Mike Moore et de Juan Somav«a, le nouveau directeur de l'OIT. Cela prouvait combien les organisations internationales voulaient faire cela de façon cohérente, aider le processus à progresser afin de réduire la pauvreté.

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Actuellement, nous essayons d'utiliser les instruments à notre disposition, en particulier notre capacité analytique, pour cerner les problèmes et ainsi permettre aux États membres de mieux voir ce qui est en jeu afin que le résultat ultime puisse être une action cohérente visant la réduction de la pauvreté.

La présidente suppléante (Mme Sarmite Bulte): Merci beaucoup, monsieur Karlsson.

Cela termine la séance, mesdames et messieurs.

Monsieur Karlsson, nous sommes ravis que vous ayez choisi le Canada pour votre première visite dans votre nouveau mandat. Merci beaucoup d'être venu. Merci, chers collègues.

La séance est levée.