Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Bienvenue à la 152 e réunion du Comité permanent des finances.
La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride. Tous les témoins ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
J'aimerais rappeler aux participants les points suivants.
Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Mesdames et messieurs les députés, veuillez lever la main si vous souhaitez prendre la parole, que vous participiez en personne ou par Zoom. Le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour gérer l'ordre des interventions.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité, le Comité reprend son étude sur les modifications aux gains en capital et mesures connexes annoncées dans le budget de 2024.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins.
Nous accueillons aujourd'hui, de l'École de santé publique de l'Université de Montréal, M. Olivier Jacques, qui se joint à nous par vidéoconférence.
Également par vidéoconférence, nous recevons un professeur adjoint au Département de fiscalité de l'Université de Sherbrooke, Antoine Genest-Grégoire.
Une philanthrope se joint aussi à nous. Il s'agit de Claire Trottier.
Nous accueillons également la directrice générale et fondatrice de GRIT Engineering, Montana Wilson.
Heidi Yetman, présidente de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, est également parmi nous à titre de témoin.
Nous allons maintenant entendre nos témoins. Ils disposent de cinq minutes pour faire une déclaration préliminaire. Nous passerons ensuite aux questions des députés.
J'invite M. Jacques à faire sa déclaration préliminaire. Je crois comprendre qu'il partagera son temps de parole.
Je m'appelle Olivier Jacques et je suis professeur adjoint à l'École de santé publique de l'Université de Montréal. Je suis accompagné de mon collègue Antoine Genest‑Grégoire, qui est professeur adjoint au Département de fiscalité de l'Université de Sherbrooke.
Aujourd'hui, nous aimerions vous faire part de nos réflexions sur la proposition gouvernementale de réforme de l'imposition du gain en capital au Canada. Notre expertise porte sur l'élaboration des politiques publiques, notamment celles qui portent sur les finances publiques. Nos observations se concentreront sur les objectifs de la politique fiscale en lien avec les inégalités de revenus.
Nous avons tous les deux pris la parole pour recommander une imposition accrue du gain en capital, d'abord lors d'une activité de l'Observatoire québécois des inégalités, puis dans une lettre ouverte publiée dans La Presse au printemps dernier. Les propositions en lien avec l'imposition de ce type de revenu présentées dans le budget fédéral de 2024 diffèrent de nos suggestions, mais elles en partagent l'esprit. Nous croyons qu'une imposition accrue du gain en capital est une des avenues les plus porteuses pour augmenter la progressivité de la fiscalité canadienne et ainsi lutter contre les inégalités de revenus et de patrimoine au Canada.
Par comparaison avec les autres pays riches, le niveau de pauvreté et d'inégalités au Canada est relativement élevé. Les gouvernements des provinces font face à des déficits structurels liés à leurs obligations en matière de services de santé. Le gouvernement fédéral fait lui aussi face à des déficits récurrents liés à ses nouveaux investissements dans la protection sociale. La participation du Canada aux efforts de lutte contre les changements climatiques n'est pas à la hauteur de ses moyens et de sa responsabilité historique. Devant ces défis, il n'est pas réaliste d'espérer un retour à la soutenabilité budgétaire à Ottawa et dans les provinces sans hausser les impôts, à moins de tolérer plus de coupes dans les services publics. Il existe plusieurs options pour ainsi lever des revenus, mais l'imposition accrue du gain en capital est celle qui contribue vraisemblablement le plus à l'objectif de réduction des inégalités.
Rappelons que les revenus de gain en capital sont fortement concentrés chez les personnes à très haut revenu au Canada. En effet, 82 % des gains en capital sont générés par les 10 % les plus riches, alors que 57 % sont générés par la tranche de 1 % des plus riches. Or, en excluant la moitié des gains en capital, on limite les sommes que peuvent espérer récolter les gouvernements en augmentant les impôts dans le haut de la grille d'imposition et on diminue la progressivité générale de l'imposition. Une hausse du taux d'inclusion cible mieux les personnes à haut revenu que l'ajout d'un palier d'imposition ou la hausse du taux du palier supérieur actuel.
Je cède maintenant la parole à mon collègue M. Genest‑Grégoire.
L'imposition accrue du gain en capital permet également de réduire les inégalités de patrimoine, qui sont encore plus concentrées que les revenus, alors que les 20 % les plus riches possèdent plus des deux tiers de la richesse au Canada. Toutefois, nous ne pensons pas qu'un impôt direct sur le patrimoine soit la solution à adopter, et ce, en raison de défis administratifs importants. Les gouvernements disposent de peu de données sur la valeur des actifs des Canadiens et des Canadiennes, et ce problème est encore plus prononcé lorsqu'il est question d'actifs peu liquides et infréquemment vendus. L'imposition du gain en capital réduit ces besoins en information en limitant l'évaluation de la valeur des actifs aux seuls moments de leur achat et de leur vente. L'imposition annuelle des actifs pose aussi des problèmes de liquidité, alors que certains actifs ne peuvent pas être vendus en fraction. L'imposition du gain en capital réduit aussi ce problème, en faisant survenir l'obligation fiscale au moment où les liquidités sont disponibles. En s'appuyant sur un impôt déjà existant, on minimise grandement les coûts de la mise en place d'une nouvelle mesure.
La même logique s'applique en ce qui concerne les successions. Le Canada ne perçoit pas d'impôts au décès. Toutefois, la disposition présumée des biens au décès, qui déclenche l'imposition des gains en capital, remplit une fonction semblable. Les impôts sur les successions sont parmi les impôts les plus utiles pour la réduction des écarts de revenu et de patrimoine, alors qu'ils sont fondamentalement des impôts sur les héritiers. Les sommes que reçoivent les héritiers ne découlent d'aucun choix ou d'aucune action de leur part. De leur point de vue, ils sont identiques à des gains à la loterie. L'imposition de ces dons n'a donc pratiquement pas d'effet sur les choix d'investissement ou de travail, tout en limitant la transmission intergénérationnelle de la richesse, une forme d'inégalité qui nuit à la mobilité sociale.
Du point de vue de la justice fiscale, il nous semble injuste que l'on taxe deux fois moins un revenu de capital qu'un revenu de travail. Certes, certains actifs s'apprécient grâce au travail de leur détenteur, mais bien d'autres s'apprécient par les forces du marché, sans que le détenteur en soit responsable.
Le taux d'inclusion actuel a également été reconnu par plusieurs économistes comme étant une possibilité d'optimisation fiscale pure. Le fait que les revenus tirés du gain en capital soient moins imposés que les dividendes crée une incitation à structurer ses affaires pour convertir du revenu en gain en capital. Cette situation engendre des pertes de ressources pour la société. Une fiscalité efficiente devrait favoriser une organisation des affaires en fonction des bénéfices économiques réels, et non en fonction des taux d'imposition.
Le gain en capital est fortement concentré chez les individus à haut revenu, mais il faut admettre qu'une part considérable de ces gains est touchée par des individus à revenu moyen. La proposition gouvernementale d'exonérer du nouveau taux d'inclusion la première tranche de 250 000 $ de gains en capital réalisés par les Canadiens, en plus d'offrir un incitatif pour les entrepreneurs canadiens, nous semble répondre amplement à cette situation. La réforme proposée nous semble cibler précisément la très petite minorité d'individus touchant d'importants gains sur une base récurrente. Dans sa forme actuelle, il est difficile de croire que la réforme proposée touchera des particuliers qui n'appartiennent pas aux strates les plus élevées de la distribution du revenu. Pour rappel, en 2021, le revenu déclaré médian était de 41 000 $ au Canada, et il fallait toucher 139 000 $ pour faire partie des 5 % les plus riches.
Je m'appelle Claire Trottier et je suis philanthrope, investisseuse et défenseure de la justice fiscale. Merci beaucoup de m'avoir invitée à prendre la parole devant le Comité.
Je suis ici aujourd'hui en tant que Canadienne bien nantie très habituée à réaliser des gains en capital, et je suis très fortement en faveur de la modification du taux d'inclusion que le Comité étudie actuellement. Je fais partie du 1 % parce que j'ai gagné à la loterie de la vie en naissant dans ma famille. Mon père, Lorne Trottier, est le cofondateur et maintenant l'unique propriétaire d'une entreprise technologique du nom de Matrox, basée à Montréal, qui fêtera bientôt son 50e anniversaire.
Je crois en une économie canadienne forte dans laquelle chaque Canadien peut vivre dans la dignité. Malheureusement, il y a des inégalités sur le plan de la richesse au Canada, qui ne cessent de s'accentuer. De plus en plus de gens ont de la difficulté à trouver un logement adéquat et à faire face à l'explosion du prix du panier d'épicerie. L'augmentation du taux d'inclusion des gains en capital est un pas dans la bonne direction pour commencer à s'attaquer à un système inégal et à générer des revenus pour fournir des services nécessaires.
Je suis scientifique de formation. J'ai obtenu mon doctorat en microbiologie et immunologie, et j'ai été professeure à l'Université McGill pendant un certain nombre d'années avant de prendre la décision de quitter mon poste pour me concentrer sur la philanthropie et la gestion des investissements familiaux.
Quand j'étais professeure, je gagnais un salaire de 90 000 $ par année, et 100 % de ce salaire était imposable parce que le taux d'inclusion des salaires est de 100 %. Cependant, lorsque je réalise des gains en capital de 90 000 $, seulement 50 % de cette somme est imposable; 45 000 $ sont libres d'impôt. Cela signifie que le revenu que je gagnais en tant que salariée à McGill était imposé à un niveau plus élevé que le revenu que je gagne avec des gains en capital équivalents. Je trouve cette situation profondément injuste. Et vous?
Si vous déclarez des gains en capital, cela signifie que vous avez du capital au départ. Qu'il s'agisse d'une résidence secondaire, d'une entreprise ou d'investissements à la Bourse, vous vous portez mieux financièrement que le Canadien moyen, même si vous n'êtes pas aussi riche que moi.
Il est un peu étrange qu'une personne qui possède suffisamment de capital pour réaliser des gains en capital soit récompensée pour sa réussite financière grâce à notre politique fiscale. « Félicitations. Vous êtes riche. Maintenant, vous n'avez pas à payer autant d'impôt que tout le monde. » C'est extrêmement injuste. Les gens qui gagnent un salaire sont assujettis à un taux d'inclusion de 100 % sur leur salaire, mais une personne qui a suffisamment d'argent pour réaliser des gains en capital obtient en prime de ne pas avoir à payer d'impôt sur la totalité de ce revenu.
À l'heure actuelle — sans la modification au taux d'inclusion présentement à l'étude —, 50 % des gains en capital sont libres d'impôt. La modification fait en sorte que la moitié des premiers 250 000 $ de gains en capital est encore libre d'impôt. Pour tout revenu au‑delà des premiers 250 000 $, le tiers demeure libre d'impôt. Par conséquent, même avec cette modification, je paierai encore moins d'impôt sur mon revenu provenant des gains en capital que ce que les gens paient sur leur salaire. Moi et d'autres personnes riches continuons de bénéficier de ce traitement de faveur qui fait en sorte qu'une partie de notre revenu est libre d'impôt; nous allons simplement payer un peu plus d'impôt qu'auparavant.
J'ai entendu des gens dire que cette modification tuera le secteur de la technologie et de l'innovation au Canada. Dans le cadre de mon travail sur la justice fiscale, j'ai entendu de nombreux jeunes PDG canadiens qui dirigent de toutes nouvelles entreprises technologiques affirmer que le taux d'inclusion des gains en capital ne figure tout simplement pas en tête de liste de leurs préoccupations.
L'entreprise de ma famille est une société technologique très prospère, qui continue d'investir dans l'entreprise, dans la R‑D et dans l'innovation. Elle investit des dizaines de millions de dollars chaque année à Montréal. Lorsqu'on décide d'investir ou non dans la mise au point d'un nouveau produit, le taux d'inclusion des gains en capital ne fait tout simplement pas partie de la discussion. La préoccupation commune la plus importante pour les entreprises technologiques émergentes et bien établies est le recrutement et le maintien en poste d'employés qualifiés. Comme des témoins précédents l'ont dit au Comité, la période durant laquelle le Canada a enregistré les dépenses les plus élevées en R‑D était celle où le taux d'inclusion se situait entre 66,7 % et 75 %.
Le fait est que notre système actuel a créé d'énormes inégalités dans notre société, et cette modification au taux d'inclusion des gains en capital est une mesure importante pour contribuer à rendre le système plus équitable. Il ne s'agit pas de punir les propriétaires d'entreprise ou de faire en sorte que les riches se sentent coupables. Nous devons reconnaître collectivement que si nous possédons des actifs et que leur valeur augmente, nous sommes très chanceux. Nous payons moins d'impôt sur les gains en capital que les gens n'en paient sur leur salaire. Cette modification vise simplement à rendre cette politique un peu plus équitable.
Je serais fière de payer davantage que je ne le fais aujourd'hui pour rendre notre système fiscal et notre société plus équitables. Je suis heureuse de collaborer avec le groupe Patriotic Millionaires, qui réunit des personnes fortunées de partout dans le monde — y compris de nombreux Canadiens —, pour plaider en faveur de l'imposition des riches. Des sondages montrent que la majorité des Canadiens appuient l'idée d'imposer les riches, et je suis heureuse que cette modification au taux d'inclusion des gains en capital permette de financer des programmes dont tous les Canadiens ont grandement besoin.
Merci, monsieur le président, et merci aux membres du Comité de m'avoir invitée à parler des répercussions des changements apportés à l'impôt sur les gains en capital.
J'aimerais prendre un moment pour me présenter et vous expliquer un peu qui je suis et pourquoi je m'adresse à vous aujourd'hui.
Je suis d'abord et avant tout propriétaire d'une petite entreprise. Je suis la fondatrice et la directrice générale de GRIT Engineering, un petit cabinet de génie-conseil situé à Stratford, en Ontario. Je siège également au conseil d'administration de l'Association of Consulting Engineering Companies of Ontario, où je préside le réseau des petites entreprises. Je suis membre de l'Association des firmes d'ingénieurs-conseils du Canada et présidente de la section locale Perth-Huron de la Home Builders Association.
Je m'adresse à vous aujourd'hui en tant que propriétaire d'une petite entreprise, qui sera touchée par les changements qui ont été apportés cette année à l'impôt sur les gains en capital.
Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, les firmes d'ingénieurs-conseils sont responsables de la conception et de la construction de la majeure partie de nos infrastructures publiques et privées, allant des projets résidentiels et communautaires aux projets d'infrastructure dans les domaines des transports, de l'environnement et des ressources naturelles les plus importants au Canada. Nous offrons également une vaste gamme de services professionnels qui permettent aux clients du secteur privé de prendre de l'expansion, d'innover et de relever les défis économiques, sociaux et environnementaux.
Les petites entreprises appartenant aux employés, comme la mienne, ne réalisent pas seulement des projets d'infrastructure de grande envergure. Ce sont elles qui soutiennent les membres de la collectivité en menant à bien des projets à petite échelle, mais essentiels, comme la construction, par exemple, de rampes d'accès pour fauteuils roulants ou de logements secondaires pour que les familles puissent vivre ensemble. Ce sont elles qui embauchent de jeunes employés et qui les aident à gravir les échelons pour devenir copropriétaires de l'entreprise. Ce sont elles qui font des dons à des organismes de bienfaisance locaux et qui contribuent aux équipes sportives communautaires.
En raison des changements apportés à l'impôt sur les gains en capital, les entreprises comme la mienne seront confrontées à de nouveaux défis et subiront des pressions dans une économie qui n'encourage déjà pas beaucoup les gens à posséder et à exploiter une petite entreprise.
De nombreux propriétaires d'entreprise comme moi prennent des risques personnels importants lorsqu'ils démarrent leur entreprise et lorsqu'ils se consacrent à son expansion, et je crains que ces changements aient une incidence importante sur l'avenir des petites entreprises locales. Il est déjà difficile d'encourager la prochaine génération à devenir propriétaire de nos entreprises. Pour la nouvelle génération de leaders au sein de notre industrie, les avantages financiers liés à l'acquisition d'actions d'une société doivent l'emporter sur les risques. Si l'actionnariat des employés devient moins rentable sur le plan financier, de plus en plus de petites entreprises seront forcées de se tourner vers des fusions ou des acquisitions. Dans bien des cas, ces transactions impliquent des entreprises cotées en bourse et parfois des sociétés étrangères, ce qui entraîne une consolidation accrue de notre industrie et une réduction de la concurrence et du nombre de petites entreprises appartenant aux employés. Il se peut même que certaines entreprises ferment leurs portes au moment du départ à la retraite de leur propriétaire.
Nous devons rendre l'actionnariat des employés plus attrayant, et non le contraire. Il devrait exister des mesures incitatives pour encourager les employés à acquérir des parts dans les entreprises canadiennes, plutôt que des mesures dissuasives à cet égard, afin que le Canada puisse continuer de compter sur des grandes et des petites entreprises pour répondre aux divers besoins des collectivités canadiennes. Nous devons récompenser les Canadiens qui sont prêts à prendre des risques financiers personnels pour innover et faire croître notre économie afin de garantir un marché dynamique qui comprend un bon nombre de solides petites entreprises.
Je tiens à souligner que la création de l'exemption fiscale pour les fiducies collectives des employés et de l'incitatif aux entrepreneurs canadiens permettra d'atténuer les difficultés de certaines entreprises. Cependant, de nombreuses entreprises comme la mienne ne seront pas admissibles à ces incitatifs, en raison de la structure de l'entreprise et d'autres facteurs.
En terminant, j'aimerais exhorter les membres du Comité à recommander que le projet de loi sur l'impôt sur les gains en capital soit retiré et que tous les changements visant l'impôt sur les gains en capital présentés dans le budget fédéral de 2024 soient reportés en attendant qu'on procède à d'autres consultations auprès des petites entreprises afin de s'assurer que tout changement futur n'aura pas d'incidence négative sur les petites entreprises du Canada.
Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Bonjour, monsieur le président, et merci au Comité de m'accueillir.
Je m'appelle Heidi Yetman. Je suis enseignante et présidente de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. Je représente plus de 365 000 travailleurs de l'éducation de la maternelle à la 12e année et leurs familles. On compte des membres dans chaque province et territoire. Je suis ici aujourd'hui pour parler en faveur de l'augmentation du taux d'inclusion des gains en capital.
Comme je l'ai mentionné, je représente plus de 365 000 travailleurs de l'éducation. Ces gens travaillent tous dans des milieux scolaires composés d'enseignants, d'assistants en éducation, d'employés de bureau et d'employés de soutien. Tous les membres du personnel des écoles du pays sont des travailleurs canadiens et ils paient tous de l'impôt sur 100 % de l'argent qu'ils gagnent dans le cadre de leur rôle qui contribue à soutenir le système d'éducation public canadien. Chaque dollar de leur salaire est assujetti à l'impôt.
Par contre, les personnes les plus riches au Canada, celles qui seront touchées par cette modification au taux d'exemption, gagnent d'énormes sommes d'argent, dont seulement une partie est imposée. Aux yeux des dirigeants et des membres de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants dans l'ensemble du pays, cela n'est tout simplement pas juste ni très logique.
Le taux d'inclusion des gains en capital va augmenter pour ceux qui réalisent des gains en capital de plus de 250 000 $ par année. Pour la plupart des Canadiens, 250 000 $, c'est beaucoup d'argent. En fait, c'est environ quatre fois le salaire moyen d'un enseignant au Canada, et chaque dollar du salaire d'un enseignant est assujetti à l'impôt. Aujourd'hui, nous parlons des gens qui ont la chance d'avoir pu gagner plus d'un quart de million de dollars en un an. Je pense que la plupart des Canadiens seraient d'accord pour dire que si une personne a réalisé des profits de 250 000 $ en vendant sa résidence secondaire ou en vendant des actions, elle est en assez bonne posture.
Cependant, permettez-moi d'aborder la raison pour laquelle cette modification fiscale est si importante. Plus tôt cette année, le gouvernement fédéral a présenté son budget et a annoncé des mesures transformatrices. Le budget de 2024 comprenait des investissements destinés à soutenir le logement, à faire avancer le dossier de l'assurance-médicaments et à aller de l'avant avec le régime des soins dentaires. Ce sont tous des investissements qui, selon la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, amélioreront la vie des Canadiens.
De plus, il y a trois annonces que j'aimerais souligner: premièrement, le gouvernement a annoncé une exonération du remboursement des prêts d'études pour des milliers d'enseignants qui travaillent dans des collectivités éloignées; deuxièmement, le gouvernement a annoncé dans le budget de 2024 un financement pour établir un fonds pour la santé mentale des jeunes; et troisièmement — c'est celle qui m'enthousiasme le plus —, le gouvernement a également annoncé la création d'un programme national de nutrition dans les écoles.
La profession enseignante connaît actuellement une crise de maintien en poste et de recrutement. Ces trois investissements auront une incidence sur l'éducation au pays. En investissant dans les enseignants et leurs familles et dans le bien-être des élèves, le gouvernement se trouve à investir dans l'avenir de notre pays. C'est parce que l'éducation est le fondement d'une société saine et prospère. Ces investissements feront une différence importante dans la vie des travailleurs canadiens et de leurs familles.
À une époque où l'accès à la propriété n'est qu'une chimère pour de nombreuses jeunes familles, où les prix à l'épicerie n'ont jamais été aussi élevés et où les enseignants se trouvent un deuxième emploi pour payer les factures, nous sommes en train de débattre de la question de savoir s'il est juste d'imposer la moitié ou les deux tiers des gains en capital de plus de 250 000 $. Je suis ici pour vous dire que les deux tiers, c'est un début.
Il est question du bien commun et de ce que nous voulons au Canada. Je félicite le gouvernement fédéral d'avoir présenté cette politique et je l'implore de chercher à apporter d'autres changements au régime fiscal afin de rendre la vie au Canada plus équitable. Nous devons mieux partager la richesse produite au pays avec les travailleurs. Réformer notre régime fiscal est un excellent point de départ.
Même si je doute que bon nombre de nos membres soient touchés par l'augmentation visant les gains en capital, la presque totalité d'entre eux et leurs familles, ainsi que des millions de familles partout au pays, en verront les avantages.
Merci, madame Yetman, de votre déclaration préliminaire, et merci à tous nos témoins.
Nous allons maintenant passer aux questions des députés. Au cours du premier tour, chaque parti disposera de six minutes pour poser des questions à nos témoins.
Nous allons commencer par M. Chambers pour les six premières minutes.
Je vous souhaite à tous un bon retour après la pause estivale.
Madame Wilson, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je vous félicite pour votre réussite en tant que propriétaire d'entreprise. De toute évidence, vous jouez un rôle de chef de file au sein de l'industrie.
Je suis curieux. Après l'entrée en vigueur de la modification, si quelqu'un dans votre situation ou l'un de vos pairs dans l'industrie songeait à prendre de l'expansion, à fusionner avec une autre société d'experts-conseils ou à acheter une autre société d'experts-conseils, ou bien à prendre un risque supplémentaire, serait‑il plus ou moins susceptible de le faire?
Je peux dire avec une confiance absolue qu'ils seraient moins susceptibles de le faire. Nous tirons parti de notre propre maison. Nous ne nous payons pas. Le démarrage d'une nouvelle entreprise comporte beaucoup de risques. Il y a déjà assez d'éléments dissuasifs. Nous n'avons pas besoin de leur en donner plus.
Vous avez mentionné le risque. Lorsque vous comparez quelqu'un qui a un revenu d'emploi ordinaire sur les feuillets T4 — un chèque de paye ordinaire, par exemple — avec quelqu'un qui fait un gain en capital, il n'est pas automatiquement garanti que la personne qui cherche à réaliser un gain en capital va en réaliser un. Il est possible qu'elle n'obtienne rien, n'est‑ce pas?
Certaines années, lorsqu'on achète un actif, un immeuble ou une autre entreprise, il est possible que cela ne fonctionne pas vraiment. L'actif ne vaut plus ce qu'on a payé pour l'obtenir. En fait, il ne vaut rien. C'est toujours un risque, n'est‑ce pas?
C'est exact, ou le risque est de ne pas gagner le prochain contrat et d'avoir une année tranquille alors qu'on emploie encore des gens et qu'on a le même nombre de dépenses, mais un profit moins élevé.
Par conséquent, à votre avis, il est sensé qu'on préfère un peu récompenser le risque dans le système fiscal. C'est parce que, comme vous le dites, si on n'obtient pas de contrats l'année suivante, l'entreprise pourrait ne rien valoir.
Vous avez parlé d'essayer d'encourager de nouvelles personnes à se lancer en affaires ou des jeunes à démarrer des entreprises. Après ce changement, pensez-vous que nous aurons plus ou moins de personnes qui démarrent de petites entreprises?
Nous avons déjà de la difficulté à ce que les gens aient assez de capital pour investir en tant que propriétaires dans l'entreprise où ils travaillent. Cette mesure ne fait que leur enlever cette possibilité.
Pensez-vous que votre expérience dans votre industrie est semblable à celle des personnes dans d'autres industries avec qui vous êtes entrée en contact, comme pour les entreprises de construction et d'autres corps de métier? Pensez-vous que votre expérience est probablement semblable à celle des gens dans ces secteurs?
En tant que présidente de notre association locale de constructeurs d'habitations, qui compte 110 membres, j'ai rencontré de nombreux gens de métier, propriétaires de firmes d'ingénierie, des concepteurs et des entrepreneurs. Ils sont tous dans le même bateau. Compte tenu du niveau de risque auquel ils s'exposent, il doit y avoir une récompense au bout du compte lorsqu'on possède sa propre petite entreprise et qu'on réinvestit dans sa collectivité.
Comme nous n'avons pas de régime de pension, au bout du compte, l'argent que je pourrais faire en vendant l'entreprise — je vais employer les mots « pourrais faire », car j'assume le risque —, c'est mon régime de pension.
Madame Yetman, vous avez dit que vous représentez 365 000 enseignants. C'est beaucoup de monde. Estimeriez-vous que ces 365 000 personnes font partie du 0,13 % ou du 0,1 %? Sont-elles vraiment riches?
Eh bien, les femmes représentent 75 % des enseignants. La plupart d'entre elles ont un partenaire, et il est donc possible qu'elles fassent partie de ce petit groupe, oui, mais il y en a très peu.
Seriez-vous surprise d'apprendre que chaque année, des personnes qui gagnent moins de 120 000 $ ont un gain en capital de plus de 250 000 $, ce qui se produit une fois au cours de leur vie?
Comme la plupart de vos membres ne font probablement pas partie du groupe de 0,13 % que le gouvernement cible, seriez-vous d'accord pour que les personnes qui gagnent moins de 120 000 $ ou 100 000 $ n'aient pas à payer la hausse de l'imposition sur le gain en capital?
Vous pensez que vos membres qui héritent d'une propriété familiale ou autre, une fois dans leur vie, devrait payer plus cher juste une fois, même si ce ne sont pas les plus riches parmi les riches.
J'ai aimé votre déclaration liminaire. Je pense que le budget est porteur de changement, et je vous remercie donc de l'avoir souligné. Je crois que les programmes — vous avez mentionné le logement, les soins dentaires et les sociétés pharmaceutiques — sont absolument essentiels pour de nombreux Canadiens. Je suis très fière que nous puissions faire ce travail.
Vous avez également fait allusion à trois autres programmes de la plateforme qui étaient également très importants. L'exonération du remboursement des prêts d'études a vraiment une incidence sur les enseignants, et je suis d'accord pour dire qu'il s'agit de femmes de manière disproportionnée. Je pense donc que c'est un très bon départ et un très bon soutien pour de nombreux jeunes professionnels.
Je pense que nous avons parlé du soutien en santé mentale la dernière fois que vous étiez ici et, évidemment, du programme national d'alimentation en milieu scolaire.
Ce que j'aimerais que vous expliquiez au Comité, c'est pourquoi la question d'égalité par rapport aux gains en capital est si importante. J'aimerais que vous parliez du fait que demander un petit montant aux personnes mieux nanties pour pouvoir nourrir des enfants en dit long sur les valeurs qui, en tant que Canadiens, nous permettent de travailler ensemble pour faire en sorte que personne n'est laissé pour compte.
Eh bien, vous l'avez dit: personne ne doit être laissé pour compte et c'est pour le bien commun. Cela ne me dérange pas de payer des impôts, car je sais que je soutiens des gens qui ont besoin d'aide.
J'ai aussi mentionné qu'il y a un problème de maintien en poste et de recrutement partout au pays, et à mon avis, c'est une crise. Dans une étude effectuée au conseil scolaire du district de Toronto, on s'est penché sur un programme d'alimentation. Ce qu'on a appris, c'est que, de manière générale, ces programmes améliorent effectivement l'apprentissage et la réussite, mais ils réduisent aussi les comportements négatifs. Je pense que c'est très important ici, car le maintien en poste et le recrutement sont également liés aux conditions de travail. Nous entendons dire qu'il y a plus de violence dans les écoles. Il y a plus d'enfants qui ont des besoins. À eux seuls, les investissements dans les programmes d'alimentation en milieu scolaire, par exemple, sont bénéfiques pour tout le monde. Tout le monde en profite. Ils permettent également aux familles d'épargner de 129 à 189 $ d'épicerie par enfant chaque mois.
Nous devons tous contribuer, et l'argent doit venir de quelque part. Comme je l'ai dit plus tôt, j'aimerais que les très riches payent plus d'impôt, pour vous dire la vérité, car nous avons besoin de prendre soin des gens sur le terrain. Il est question de prendre soin des gens et de veiller à ce que les Canadiens ne soient pas laissés pour compte.
Sur une note personnelle, je marche sur la rue Rideau tous les jours. Je ne sais pas si d'autres personnes dans la pièce ont cette chance, mais ce qui saute aux yeux, c'est que nous devons aider les gens sur le terrain. C'est avec les impôts que nous pouvons aider ces personnes, et à l'aide de programmes gouvernementaux.
Je vais tenir compte de ces commentaires et passer à Mme Trottier.
Merci pour votre déclaration liminaire et pour le travail que vous faites.
Pendant un certain nombre d'années, j'ai travaillé dans le domaine des services d'aide sur le terrain pour soutenir les personnes les plus marginalisées, et le travail que nous faisions reposait sur la philanthropie. Merci de ce que vous faites. Je peux parler très précisément des répercussions sur la vie de gens.
Cela dit, je veux revenir à certains commentaires de votre déclaration liminaire. Vous avez dit que l'entièreté du salaire et du revenu des travailleurs est imposée alors que nous voyons beaucoup de cadres supérieurs qui ont l'option d'acheter des actions, ce qui leur donne un taux marginal moins élevé que celui de leurs employés.
Si vous voulez bien, pouvez-vous parler de cette inégalité de manière plus détaillée et dire pourquoi exactement ces options d'achat d'actions et ces gains en capital présentent un tel avantage fiscal?
Je pense que les personnes riches continuent d'accumuler encore plus de richesse de nombreuses façons différentes. Nous le voyons avec les salaires très élevés des cadres supérieurs, des salaires qui continuent d'augmenter. Même dans des situations où les entreprises font des mises à pied, les PDG reçoivent d'énormes primes pendant ces années‑là. Il existe différents types de mécanismes pour rémunérer les cadres supérieurs. Certains d'entre eux permettent d'alléger leur fardeau fiscal puisque les différentes catégories de revenus sont imposées différemment.
Je crois comprendre qu'une très grande proportion des personnes dans le groupe des 1,5 % ont des gains en capital qui dépassent 250 000 $ par année. Je pense que certaines personnes supposent que c'est en partie à cause d'un changement qui s'opère, de la préférence pour les gains en capital plutôt qu'un salaire, par exemple, car les gains en capital sont moins imposés. À mon avis, nous pouvons nous attaquer à cela, du moins dans une certaine mesure, en rendant le taux d'inclusion plus juste.
Je suis personnellement d'accord avec Mme Yetman lorsqu'elle dit que nous pouvons aller plus loin, à vrai dire.
Mes questions vont s'adresser à MM. Genest‑Grégoire et Jacques.
Je veux d'abord remercier chaque témoin d'être ici aujourd'hui. C'est un projet de loi très important. Évidemment, il y a le principe d'avoir une répartition plus juste du fardeau fiscal, mais il s'agit aussi de voir comment ce sera mis en place. Par exemple, pour ce qui est des répercussions sur les PME, il faudra voir ce qui se retrouvera dans le texte définitif en ce qui concerne l'incitatif pour les entrepreneurs canadiens. Il y a aussi la hausse du plafond de déduction à vie et son indexation. J'ai bien hâte de voir le texte définitif et d'évaluer s'il répondra à toutes les craintes et à tous les éléments qui auront été soulevés ici.
Je veux saluer en particulier la présentation de Mme Trottier. C'est toujours très impressionnant de voir des gens venir nous livrer un discours pour le bien commun même si, personnellement, cela leur demande un effort fiscal supplémentaire. C'est un témoignage très percutant en ce sens.
Je reviens à M. Jacques, qui n'avait pas terminé sa présentation. Je voudrais lui offrir le temps nécessaire pour la terminer. En même temps, il pourra répondre à une première question de ma part.
Selon vous, monsieur Jacques, quelles seraient les répercussions de la hausse de l'impôt sur les gains en capital pour le Québec et pour les provinces?
Vous pouvez prendre le temps de terminer votre présentation avant de répondre à cette question.
Pour terminer ma présentation, je mentionnerais simplement qu'il faut générer des revenus et qu'il faut réduire les inégalités. Il est rarement possible de réduire les inégalités tout en favorisant à la fois l'investissement et l'emploi. Or, il est difficile de trouver une mesure qui réduise autant les inégalités tout en générant un coût aussi faible, en matière de pertes d'emplois et d'investissements, que l'imposition des gains en capital des plus riches.
J'en profite pour revenir sur des commentaires faits par d'autres témoins. Je crois qu'il est important de prendre en compte l'effet positif sur l'économie engendré par les dépenses publiques pouvant être faites grâce à ces revenus supplémentaires.
Je suis d'accord avec Mme Yetman: des enfants mieux nourris, c'est bon pour le capital humain et pour l'économie à long terme. Si on investit cet argent dans des infrastructures vertes, c'est aussi bon pour l'économie à long terme.
Pour ce qui est des provinces, M. Genest‑Grégoire et moi pensons qu'il est bien que ce soit Ottawa qui fasse ce type de réforme, parce que le capital est mobile entre les provinces. Donc, nous pensons qu'il est important que ce soit Ottawa qui fasse cette imposition des gains en capital. Par ailleurs, cela permettra d'augmenter les revenus pour les provinces. Comme on l'a vu, le Québec a augmenté sa propre imposition des gains en capital. Conséquemment, des revenus importants pourront être investis dans la santé et dans l'éducation au Québec. C'est la même chose pour les autres provinces.
Au début de votre présentation, vous avez dit que votre propre proposition n'était pas celle du gouvernement. Pouvez-vous nous dire à quoi ressemblerait votre propre proposition de hausse de l'imposition des gains en capital?
Avant de répondre à votre question, j'aimerais donner quelques précisions sur ce qui a été dit tantôt.
Quand une personne reçoit un héritage, elle ne touche pas de gains en capital. Avoir soudainement 250 000 $ de gains en capital, ce n'est possible que si on vend ses propres biens. Le gain en capital est traité après le décès. La personne décédée paie de l'impôt sur ses gains en capital, mais ses héritiers n'en paient pas, à moins que les biens qu'ils ont reçus en héritage s'apprécient encore avant qu'ils ne les vendent.
Pour ce qui est de notre propre proposition, nous pensons qu'un taux d'inclusion plus élevé que 66 % aurait absolument été possible. D'autres témoins ont également mentionné cette idée. Dans notre esprit, il faudrait plutôt fusionner la déduction pour la vente d'actions de petites entreprises ou d'entreprises dans le domaine des pêches ou de l'agriculture et offrir une exemption complète pour le gain en capital, mais qui serait limitée par personne et à vie. Cela évite d'avoir à se demander si on a le bon seuil annuel à 250 000 $. En ayant un seuil à vie, on permet aux gens de réaliser un certain nombre de gains en capital qui ne seront pas imposés, mais l'entièreté des gains en capital pourraient être imposés par la suite. À ce moment, on a une réforme qui est purement axée sur la redistribution.
Cela nous permettrait aussi d'y inclure la question des résidences principales. On n'en parle pas beaucoup, puisqu'on ne paie pas d'impôt lors de la vente d'une résidence principale, mais c'est un avantage fiscal qui est illimité. En fait, la majorité de la valeur de cet avantage est obtenue par des gens qui ont des propriétés qui valent très cher, qui les revendent beaucoup plus cher et qui font cela plusieurs fois dans leur vie. Ce n'est pas le cas de la plupart des Canadiens. Normalement, ceux-ci vont vendre une ou deux propriétés dans leur vie. Ils s'en sortiraient donc très bien s'il y avait ce montant de 250 000 $, dont nous parlons aujourd'hui, ou même un plafond individuel à vie. En revanche, on irait chercher quelque chose auprès des gens qui vendent des propriétés de luxe plusieurs fois et, vraisemblablement, à des fins spéculatives.
Si je comprends bien, vous auriez préféré que les individus aient accès à la même chose que les PME, soit 1,25 million de dollars à vie, plutôt que 250 000 $ par année. Vous souhaiteriez donc que cela s'applique à tout. J'ai bien noté vos commentaires.
Un tel plafond individuel à vie permettrait-il de mieux protéger les gens qui vont avoir des gains en capital de façon ponctuelle, par exemple une seule fois dans leur vie? Le modèle que vous proposez serait-il préférable à celui de 250 000 $ par année?
Cela dépend de la nature des gains et de la taille des gains ponctuels en question. Si le gain était beaucoup plus important que ce plafond de 1,25 million de dollars, et que le taux d'inclusion était plus élevé que le taux de 66 % dont il est question, alors là, le plafond que nous proposons irait chercher plus d'argent chez les gens qui ont d'importants gains. En revanche, ce serait différent pour les gens qui auraient un seul gain, qui n'est pas fractionnable. Il faut dire que beaucoup de gains en capital sont fractionnables. Les gens fractionnent déjà leurs gains en capital d'une année à l'autre. C'est avantageux de le faire, en raison des paliers d'imposition.
Dans le cadre de la réforme proposée, on peut s'attendre à avoir plus de fractionnement des gains en capital, donc plus de ventes sur plusieurs années. Il y a effectivement un certain nombre de gens qui auront une seule chose à vendre dans leur vie et qui seront touchés par la réforme actuelle, alors qu'ils ne le seraient pas si la réforme proposait plutôt un montant d'exonération par individu et à vie.
J'aimerais rappeler que notre proposition comprenait aussi un taux d'inclusion plus élevé que 66 %.
Il n'en demeure pas moins que, si on fixe le seuil à 250 000 $ et le taux d'inclusion à 50 %, il n'y a pas beaucoup de gens qui vont payer plus d'impôt sur les gains en capital, et ceux pour qui ce sera le cas ne paieront pas tellement plus d'impôt qu'en ce moment, surtout si on considère la valeur élevée des gains qui sont générés. On parle d'un gain de 250 000 $. Peu de personnes font souvent un tel gain au cours de leur vie.
J'aimerais remercier tous les témoins de leur comparution.
Monsieur Jacques, pouvez-vous confirmer approximativement quelle proportion des Canadiens déclareraient un gain en capital de plus de 250 000 $ pour une année donnée au cours de leur vie?
À l'heure actuelle, les Canadiens qui font des gains en capital supérieurs à 250 000 $ sur une base annuelle représentent moins de 1 % de la population canadienne. Ce pourcentage a été relativement constant au cours des dernières années.
Il est extrêmement difficile de répondre à cette question, parce que je ne connais pas la vie complète des gens ou la mesure des données fiscales. Si on considère la vie entière des gens, cela représente un petit peu plus de gens, mais cela ne dépasse pas quelques points de pourcentage.
Vous connaissez peut-être l'étude publiée l'année dernière par Jonathan Rhys Kesselman, qui est professeur d'économie à l'Université Simon Fraser. Selon cette étude, 80 % des Canadiens n'ont déclaré aucun gain en capital imposable entre 2009 et 2018. En moyenne, le total des gains des personnes qui en ont déclaré un juste une fois pendant ces années se chiffrait à 26 800 $, comparativement aux gains totaux moyens de 328 000 $ des gens qui en ont déclaré un chaque année. Connaissez-vous cette étude?
Oui, je connais bien cette étude. D'ailleurs, c'est tristement le dernier projet de recherche sur lequel a travaillé le professeur Kesselman, qui est décédé par la suite. Je crois que la réforme proposée aujourd'hui est très proche de l'esprit de ce qui, essentiellement, constitue le legs de ce chercheur, qui était vraiment une éminence dans le domaine de la politique fiscale au Canada et dans le monde.
Pour terminer, il me semble que, d'après votre témoignage, selon les chiffres, les études et votre expérience, la vaste majorité des Canadiens ne vont jamais déclarer un gain en capital de plus de 250 000 $ au cours de leur vie et le très petit pourcentage de Canadiens qui le font régulièrement regroupe ceux qui seront principalement touchés par les changements annoncés au taux d'inclusion.
Oui, et cette réforme est l'une des meilleures façons de réduire l'inégalité et de prendre l'argent où il est pour le réinvestir dans les services publics.
Nous sommes favorables à cette réforme, et nous irions même plus loin.
Madame Trottier, c'est un des témoignages les plus impressionnants que j'ai entendus. Il est rafraîchissant de voir une personne qui s'appuie aussi solidement sur des principes comparaître devant le Comité et parler aussi clairement et vigoureusement du bien commun, même si cela va à l'encontre de ses propres intérêts.
Dans un article de mai 2024 publié dans Options politiques, j'ai remarqué que vous avez écrit ce qui suit:
Depuis les modestes mesures annoncées dans le budget, j'ai entendu beaucoup d'arguments absurdes de la part de personnes qui ont profité de cet avantage fiscal injustifiable et qui tentent maintenant de rallier les masses en faveur du maintien d'un taux d’imposition inférieur à celui des travailleurs.
L'un des arguments avancés est que ce changement nuira aux travailleurs et à la classe moyenne.
Auriez-vous l'obligeance de décrire pourquoi vous n'êtes pas d'avis qu'un taux d'inclusion des gains en capital plus élevé nuira aux travailleurs et à la classe moyenne?
Il y a de nombreuses raisons, mais pour revenir à la question que vous avez posée aux autres témoins, Jim Stanford avait un rapport du Centre for Future Work qui est paru dernièrement et qui montre qu'au Canada, il y a 40 000 personnes qui déclarent plus de 250 000 $ de gains en capital chaque année. Nous parlons de 40 000 Canadiens. Ce sont les personnes les plus directement touchées par ce changement. Nous parlons des Canadiens les plus riches qui sont touchés. Donc, lorsqu'on dit que cette mesure touchera directement des Canadiens de la classe moyenne, comme les enseignants, cela n'a rien à voir avec la réalité. Nous parlons de personnes qui ont déjà accès à du capital, et ce capital rapporte des gains de plus de 250 000 $. Nous parlons de gens riches.
De toute évidence, il y a des situations dans lesquelles des gens font un gain une seule fois, ce qui signifie que ce ne sont pas toutes les personnes qui seront touchées qui seront aussi riches que moi, et je le comprends, mais il me semble que cette politique vise des personnes qui s'en sortent déjà beaucoup mieux que les Canadiens ordinaires.
N'oublions pas le contexte dans lequel nous vivons, alors que de nombreuses personnes ont vraiment de la difficulté à se loger et à payer leur épicerie. Ce n'est pas uniquement un écart entre les personnes extrêmement riches et celles qui sont extrêmement pauvres; beaucoup de personnes qui gagnent leur vie et ont un bon emploi sont également touchées par le prix du logement, le prix des aliments et toutes sortes de coûts qui augmentent.
Je suis convaincue que ce sont surtout les très riches qui sont touchés.
Je vais poser une question à M. Genest-Grégoire, à M. Jacques et à vous, madame Trottier.
Après un certain silence à la suite du dépôt du budget, Pierre Poilievre et les conservateurs ont voté contre l'augmentation du taux d'inclusion des gains en capital, en affirmant que les réformes vont « faire fuir de notre pays des milliards de dollars d'investissements en machineries et en technologies», et qu'elles élimineront « également des entreprises et des chèques de paie », tout en donnant aux milliardaires l'occasion de « vendre leurs investissements et transférer leur argent à l'étranger afin de payer des impôts moins élevés ».
Êtes-vous au courant de données qui pourraient appuyer cette affirmation?
C'est sûr que l'imposition accrue du gain en capital rend certains projets d'entreprise légèrement moins rentables. Il ne faut pas prétendre que cette mesure n'a pas de coûts économiques. Par contre, il n'y a à peu près aucune autre mesure ciblant les riches qui a moins de répercussions sur ce genre de chose.
Ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais les publications canadiennes à ce sujet indiquent que ce qui touche le plus l'investissement, c'est particulièrement la fiscalité entourant les investissements des entreprises. Par exemple, la passation en charges des investissements en machinerie ou en technologie des entreprises fait partie des choses qui comptent dans les décisions liées à la croissance et à l'investissement des entreprises. Le gain en capital est extrêmement secondaire pour ce genre de décision. Donc, les coûts économiques et la fuite de capitaux massifs sont très peu probables.
C'est la fin de notre premier tour. Chers collègues et chers témoins, nous allons commencer notre deuxième série de questions. Le temps que les députés auront pour poser des questions diffère un peu.
Nous commençons par M. Morantz. Je crois qu'il partagera son temps avec M. Stewart.
Bienvenue au comité des finances, monsieur Stewart. Félicitations pour votre élection.
Plus tôt dans votre témoignage, vous avez dit que vous avez l'impression qu'une hausse du taux d'inclusion des gains en capital inciterait les gens à prendre moins de risques. Les gens seraient moins susceptibles de prendre des risques pour la réalisation d'un projet si le taux d'inclusion des gains en capital augmente.
Je travaille surtout avec des promoteurs privés qui réinvestissent dans notre marché immobilier. S'ils ont moins de capital à réinvestir dans ce marché, cela signifie qu'il y a aura moins de logements.
Quelles sont toutefois les personnes sur le terrain, sur le site du projet?
Certaines d'entre elles sont peut-être mariées à des enseignants. Certaines de ces personnes sont peut-être juste des gars de la construction ou des gens de métier qui gagnent leur vie ainsi. Est‑il juste de dire qu'il y aura moins d'emplois en construction d'un bout à l'autre du pays si le taux d'inclusion des gains en capital augmente? Pensez-vous que votre entreprise fera moins d'affaires à cause de cette mesure?
Je crois que si le taux d'inclusion des gains en capital augmente, il y aura moins d'argent réinvesti dans les projets qui soutiennent vos collectivités, ce qui veut dire qu'il y aura moins d'emplois pour les gens qui y vivent.
J'aimerais préciser quelque chose, car il a beaucoup été question du seuil de 250 000 $. En réalité, en vertu de la loi, si l'on est constitué en société — et j'imagine que la plupart de vos clients sont constitués en société — on ne peut se prévaloir du taux d'inclusion de 50 % pour les gains en deçà de 250 000 $.
Autour de cette table, on parle beaucoup des gens qui bénéficient de cette manne unique, de ce taux d'inclusion de 50 %, mais cela n'inclut pas le propriétaire de petite entreprise ou le propriétaire de restaurant qui est constitué en société, qui possède son entreprise par le biais d'un restaurant et qui essaie simplement de gagner sa vie dans le secteur de la restauration. Cela n'inclut pas non plus les petits entrepreneurs qui sont constitués en société. Il y en a des millions au pays. Beaucoup d'entre eux sont vos clients, je suppose.
Par conséquent, il n'est pas exact de dire que toute personne qui réalise un gain en capital de 250 000 $ ou moins est imposée à un taux d'inclusion de seulement 50 %.
Si vous me le permettez, j'aimerais préciser quelque chose. Nos petites entreprises réinvestissent beaucoup d'argent dans les collectivités. Je suis bien sûr d'accord avec ce qui a été dit au sujet de la philanthropie, mais je veux aussi défendre les petites entreprises. Nous commanditons des équipes de soccer et de baseball. Nous faisons don d'ordinateurs pour les cours de robotique aux écoles locales. L'argent que nous gagnons est réinvesti dans la communauté.
J'ai de l'expérience dans le domaine de la finance. Je suis analyste financier agréé. Je suis également ingénieur, donc je réfléchis aux mécanismes.
Je sors d'une élection au cours de laquelle j'ai eu l'occasion de parler aux gens, chez eux, et non dans le cadre d'une réunion de comité. De nombreuses personnes — pas 40 000; elles ne vivent pas toutes à St. Paul's — m'ont parlé de leur capital-risque. Elles vont transférer leurs investissements à l'étranger où ils seront moins imposés et où ils n'auront pas à procéder à la dilution de leur capital. Ici, ces gens doivent compenser le taux d'imposition plus élevé.
Notre système est moins rentable. Les gens doivent recourir davantage à la dilution. Ils vont se tourner vers les États-Unis.
Ma question est la suivante: dans un pays où nous avons déjà un taux d'imposition progressif, qui peut être important et lourd, ne sacrifions-nous pas notre économie, notre économie future, notre PIB et nos emplois en faisant passer le taux d'inclusion à 66 %?
Je pense que nous nuisons à notre économie et diminuons les sommes que les petites entreprises y réinjectent. Cela nuit à de nombreuses personnes que je connais dans les petites collectivités. Les gens auront plus de difficultés à rénover un appartement pour y accueillir leurs grands-parents.
Nous avons besoin des petites entreprises. Nous devons faire en sorte que la situation soit attrayante pour elles.
Je remercie tous les témoins de leur présence aujourd'hui. Vous avez livré des témoignages très pertinents, intéressants et réfléchis, et je vous remercie des efforts que vous avez accomplis pour vous préparer à cette réunion avec nous aujourd'hui.
Mafame Yetman, je suis heureux de vous revoir et je vous remercie de votre participation. Mes questions s'adressent à vous.
Certaines personnes m'ont dit que si le gouvernement voulait augmenter les recettes et voulait que les riches paient davantage, il n'avait qu'à augmenter le taux d'imposition des plus riches, car notre gouvernement l'a déjà fait par le passé.
Je vais vous donner mon point de vue personnel. Je ne suis pas fiscaliste; je suis enseignante. J'ai enseigné les sciences et les arts à l'école.
Cela dit, j'ai fait quelques lectures sur le sujet et je crois que nous devrions taxer les plus fortunés. Je le crois vraiment. Il y a des inégalités dans ce pays. Je l'ai déjà dit. En nous promenant sur la rue Rideau, nous voyons des gens qui souffrent. Personne ne devrait souffrir dans ce pays. Le Canada est un pays riche. Taxer les ultra-riches nous permettrait d'investir dans le bien commun.
Je ne suis pas fiscaliste, j'en conviens, mais je sais que mes membres travaillent très fort pour gagner leur argent. Lorsqu'un enseignant doit travailler l'été pour arrondir ses fins de mois, cela en dit long sur le système d'éducation dans ce pays, malheureusement.
Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit — et je ne sais pas si vous l'avez dit de cette façon — que le gouvernement doit investir et soutenir les Canadiens dans différents domaines. Vous avez parlé du programme alimentaire dans les écoles et, si je me souviens bien, vous avez parlé des garderies et du logement, entre autres.
Pourriez-vous nous dire pourquoi les investissements dans ces domaines sont si importants? Vous avez déjà parlé du programme alimentaire, alors vous n'avez pas à répéter cette partie.
Je peux parler des garderies, car j'ai vécu au Québec et j'ai eu deux enfants. Il s'agit d'un très bon exemple d'investissement dans la population, car chaque dollar investi dans les services de garde, par exemple...
Je sais que le gouvernement fédéral a investi dans les services de garde et je m'en réjouis. Le Québec a un programme de garderies depuis 1997. Lorsque mes enfants allaient à la garderie, je déboursais 7 $ par jour. Ce que l'on a constaté au Québec — et de nombreuses recherches le démontrent —, c'est qu'il s'agissait d'un investissement. Chaque dollar investi rapportait près de 1,20 $ au gouvernement. Je me suis toujours demandé pourquoi ce programme n'existait pas partout, car il est formidable. Il permet à plus de femmes d'intégrer le marché du travail, ce qui rend le Canada plus prospère. Les gens n'ont plus à dépendre du gouvernement, par exemple pour l'aide sociale.
Plus nous investissons dans les gens, plus leur sort s'améliore. Tout le monde en retire des avantages. C'est un très bon exemple. J'ai été très heureuse que le gouvernement investisse dans les services de garde, ce que le Québec fait depuis 1997.
La plupart de nos concitoyens sont aux prises avec l'augmentation du coût du logement. Nous en parlons beaucoup à ce comité et à la Chambre des communes. Je suis certain que cette situation touche aussi vos membres et leurs familles.
Je pense que le gouvernement a déployé beaucoup d'efforts dans le cadre de la planification de son budget pour trouver des ressources à investir dans la construction d'un plus grand nombre de logements.
Pourriez-vous nous parler de l'importance de ces investissements, et nous dire ce avec quoi vous êtes d'accord, ce avec quoi vous n'êtes pas d'accord, et ce que nous devrions faire à l'avenir?
Il faut absolument se pencher sur la question du logement.
En mars de l'année dernière, j'ai rencontré des enseignants en Colombie-Britannique. J'ai participé à une réunion où des résolutions concernant le logement ont été adoptées. Des enseignants ne sont pas en mesure d'acheter une maison, ou doivent habiter très loin de leur lieu de travail. Même les enseignants ont de la difficulté à trouver un logement.
Le logement devrait être un droit de la personne. L'important n'est pas de réaliser des profits; l'important, c'est de veiller à ce que tout le monde ait un endroit où se loger. Malheureusement, la réalisation de profits est souvent ce qui finit par l'emporter, et c'est un problème.
Je crois sincèrement que le logement est un droit de la personne. Des enseignants, surtout dans de grandes villes comme Toronto et Vancouver, peinent à trouver un logement. La question du logement est importante et il faut investir dans ce domaine, absolument.
J'aurais une question assez technique pour vous, monsieur Genest‑Grégoire.
En fait, je vois que vous avez levé la main. Est-ce parce que vous vouliez réagir sur un sujet soulevé? Si c'est le cas, je vous écoute. Mon temps de parole est de deux minutes et demie et vous pouvez l'utiliser.
Je voulais juste parler rapidement du fait que les entreprises ne bénéficient pas du seuil d'exemption à 250 000 $. Dans leur cas, c'est encore l'ancien taux qui s'applique. Cela ne constitue pas vraiment une injustice, puisqu'il n'existe pas de justice entre les individus et les entreprises. La justice et les inégalités se mesurent entre les personnes.
Quand on parle de petites entreprises, on ne connaît rien de la richesse de leurs propriétaires. Il y a des gens vraiment très riches qui possèdent de petites entreprises, tout comme des gens qui ne sont pas très riches peuvent aussi en posséder. Il n'y a aucune raison d'avoir une exemption pour les entreprises, parce que ce sont les propriétaires, ultimement, qu'on veut épargner par ce plancher.
Cette chose existe toujours. Par exemple, les gens qui sont propriétaires d'un restaurant, que ce soit un petit restaurant ou une chaîne de restaurants, seront traités de la même façon, c'est-à-dire que, s'ils vendent leurs parts, leur petite entreprise ou leur grande entreprise, la première tranche de 250 000 $ de gains, en sus des autres possibilités qui existent, sera traitée de la même façon.
Le fait que ce plafond ne s'applique pas aux entreprises qui réalisent des gains en capital ne pose absolument pas de problème d'équité. Il faut bien distinguer l'entreprise de la personne. On veut de la justice pour les personnes, et pas pour les entreprises.
Je vais poursuivre en vous posant une brève question au sujet de la neutralité fiscale.
Avez-vous examiné les avantages fiscaux que présenterait le changement fiscal proposé, que nous étudions ici, lorsqu'il s'agit de choisir entre avoir une entreprise constituée en société et avoir une entreprise individuelle?
Je ne suis pas certain pour ces deux formes d'entreprises en particulier, mais, généralement, on parle d'une mesure qui améliore la neutralité fiscale.
Essentiellement, le principal problème observé à l'heure actuelle pour un propriétaire d'entreprise, c'est la différence entre se rémunérer au moyen de gains en capital et se rémunérer en dividendes. On a beaucoup parlé de salaire. Pour le propriétaire d'entreprise, c'est aussi une option, mais elle est rarement considérée. En ce moment, c'est beaucoup plus avantageux de se rémunérer en gains en capital qu'en dividendes. C'est un problème en soi, parce que cela influe sur la forme de l'entreprise. Or, on voudrait que la forme ou le genre de l'entreprise corresponde à son marché et à ses besoins, et non qu'on épouse la forme d'entreprise qui est la plus avantageuse pour la rémunération de son propriétaire.
Madame Wilson, en vertu des mesures présentées dans l'énoncé économique de l'automne 2023, les 10 premiers millions de dollars de gains en capital réalisés sur la vente d'entreprises admissibles à une fiducie collective d'employés seront exonérés d'impôt pour les prochaines années d'imposition, et il est à espérer que cette mesure deviendra permanente.
En vertu des réformes proposées dans le budget de 2024, l'exonération cumulative des gains en capital sur la vente d'une petite entreprise ou d'une exploitation halieutique ou agricole augmentera de 25 %, passant de 1 million de dollars à 1,25 million de dollars. Cette mesure sera indexée sur l'inflation après 2025.
De plus, l'incitatif aux entrepreneurs canadiens réduira le taux d'inclusion à 33,3 % — donc une baisse — pour un maximum à vie de 2 millions de dollars de gains en capital admissibles.
Lorsque cet incitatif sera entièrement déployé — et combiné à l'exonération cumulative bonifiée des gains en capital —, les entrepreneurs bénéficieront d'une exonération combinée d'au moins 3,25 millions de dollars lorsqu'ils vendront la totalité ou une partie de leur entreprise. Selon le gouvernement, les entrepreneurs dont les gains en capital admissibles peuvent atteindre 6,25 millions de dollars seront en meilleure posture grâce à ces changements.
Il s'agit des règles que le gouvernement a annoncées dans le dernier budget.
Madame Trottier, je me tourne rapidement vers vous. Vous avez dit que ceux qui s'opposent à la hausse du taux d'inclusion des gains en capital refusent de reconnaître une simple vérité: le traitement inégal des gains en capital et des revenus gagnés a alimenté les inégalités au Canada.
Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, s'il vous plaît?
Lorsque vous disposez déjà d'un important capital et que vous réalisez des gains en capital, vous augmentez votre richesse. Il existe de nombreux mécanismes qui permettent aux plus riches d'accroître leur richesse de plus en plus. Le traitement préférentiel accordé aux gains en capital y a certainement contribué.
Au Canada, le 1 % le plus riche possède environ 25 % de la richesse, ce qui équivaut à la richesse que possèdent 80 % des Canadiens les moins nantis. La concentration de la richesse dans ce pays est frappante.
Comme d'autres témoins, je pense que nous devrions aller beaucoup plus loin que les changements proposés.
Je vais poser mes questions à Mme Wilson. Par la suite, j'aimerais présenter une motion.
Madame Wilson, je vous remercie non seulement d'avoir défendu les petites entreprises, mais aussi d'avoir expliqué que grâce à leurs réussites, leur travail acharné et les risques qu'elles prennent pour ce pays, elles réinvestissent dans leurs collectivités et, dans la plupart des cas, dans les personnes les plus vulnérables.
Vous avez dit que les entrepreneurs n'avaient pas autant de projets ou ne voulaient pas investir dans d'autres projets. Cela peut également signifier que les entreprises ne souhaitent pas élargir leurs activités à cause de cette hausse de la taxe sur les gains en capital qui nuit à l'emploi. Si je vais plus loin, cela veut aussi dire que vous avez moins de projets sur lesquels travailler. Est‑ce exact?
Le taux de chômage chez les jeunes n'a jamais été aussi élevé. Êtes-vous d'accord pour dire que cette mesure pourrait également avoir une incidence sur le taux de chômage ou dissuader des gens à se lancer dans les métiers?
Je peux vous faire part de mon expérience personnelle.
Cet été, 20 % de nos employés étaient des étudiants inscrits à un programme d'alternance travail-études. C'est très rare dans le secteur.
Nous réinvestissons nos gains dans nos jeunes, car c'est la seule façon de combler la pénurie de main-d'œuvre et ce maillon intermédiaire dans le marché du travail. Si nous n'investissons pas dans les jeunes et ne les aidons pas à acquérir de l'expérience, ils ne feront pas partie de notre main-d'œuvre. Il est important que nous puissions réinjecter ces capitaux dans l'entreprise. Plus nous aurons de capital à réinvestir, mieux nos jeunes s'en porteront.
Cette hausse de la taxe sur les gains en capital dissuaderait des entreprises d'investir davantage; pas seulement dans leur propre entreprise, mais aussi au Canada.
Monsieur le président, j'aimerais maintenant présenter ma motion. Je vais commencer par un petit préambule.
Nous savons tous que M. Taxe‑sur‑le‑carbone‑conflit‑d'intérêts Carney a officiellement rejoint les rangs de ce gouvernement libéral-néo-démocrate corrompu. De plus, notre premier ministre Justin Trudeau qui n'est pas véritablement féministe a fait ce qu'il fait de mieux: il a une fois de plus écarté une ministre pour la remplacer par un homme élitiste, comme lui.
D'après ce que nous voyons, M. Taxe‑sur‑le‑carbone Carney est maintenant le ministre des Finances de facto. Nous pouvons aussi l'appeler M. Conflit‑d'intérêts Carney, et ce, depuis tout récemment. Depuis qu'il est devenu le ministre des Finances de facto, le gouvernement a versé des fonds aux régimes de pension de Brookfield et à Telesat. Est‑ce une coïncidence? Je pense que quelque chose se trame.
Ensuite, M. Taxe‑sur‑le‑carbone Carney profitera des avantages de tous les pouvoirs et de tout l'argent qui lui sont donnés sans devoir rendre des comptes dans le cadre des fonctions que le premier ministre lui a conférées. Il peut travailler aux côtés du premier ministre et concevoir des politiques économiques déterminantes pour le pays tout en étant protégé par les lois sur les conflits d'intérêts, car il a été embauché par le Parti libéral et n'a pas été assermenté à titre de titulaire de charge publique.
Nous sommes saisis d'une motion que j'ai déposée plus tôt. Je ne crois pas qu'elle fera l'objet d'un long débat. La conclusion s'impose d'elle-même: le conseiller économique du premier ministre qui a occupé à deux reprises le poste de gouverneur de la banque centrale doit comparaître devant notre comité des Finances. Nous devrions tous l'exiger, à mon avis.
Mardi, le NPD a voté en faveur d'une motion exigeant que M. Taxe-sur‑le‑carbone-conflit-d'intérêts Carney témoigne devant le comité de l'éthique.
J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'accepte mal que l'on manque de respect envers le nom d'un Canadien. On devrait parler des gens en disant « monsieur » ou « madame », sans utiliser d'adjectifs irrespectueux.
D'ailleurs, au printemps dernier, le député du Bloc, M. Ste-Marie, a voté en faveur de convoquer M. Mark Carney « taxe sur le carbone » à comparaître devant le Comité. J'écoutais la période des questions aujourd'hui, et M. Davies a également posé une question sur Mark « taxe sur le carbone » Carney. Je pense donc que cette motion devrait être adoptée sans problème.
Je propose:
Que le comité invite le conseiller spécial du premier ministre, Mark Carney, à comparaître seul pendant 3 heures, au plus tard le 4 octobre 2024, pour parler de son rôle au sein du Parti libéral du Canada, de la politique économique, budgétaire et monétaire.
J'ai une liste d'intervenants. Nous avons des témoins qui nous donnent d'excellents témoignages sur les changements que nous avons apportés aux gains en capital, et nous aimerions y revenir.
J'ai sur ma liste M. Ste-Marie, la secrétaire parlementaire Bendayan et M. Davies.
La même motion a été proposée devant le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique. Mon collègue René Villemure, de ma formation politique, a voté contre cette motion, et je voterai contre celle-ci, pour la même raison. M. Carney n'est pas un fonctionnaire, un employé ou un représentant du ministère des Finances, mais bien un conseiller politique du Parti libéral. Ce n'est pas notre devoir, au Comité, de faire témoigner un conseiller politique d'un parti. Il n'occupait pas cette fonction lorsque nous avons voté sur une autre motion au printemps dernier.
Même si je comprends la motion que mon collègue a présentée, nous sommes au beau milieu d'une étude des conservateurs. Il y a plusieurs témoins qui n'ont pas encore pris la parole et, par conséquent, monsieur le président, je propose d'ajourner le débat.
Madame Wilson, je veux revenir sur certains de nos échanges. J'ai ici un article intitulé « Capital gains changes disproportionately impact engineering firms ». Il a été publié dans le « Canadian Consulting Engineer ». Vous connaissez cet article, car on y mentionne votre nom. Je suppose que vous êtes au courant, n'est‑ce pas?
Selon cet article, l'Association des firmes d'ingénieurs-conseils a communiqué avec le gouvernement fédéral pour demander une rencontre avec la ministre des Finances Freeland et la ministre du Revenue Bibeau. Finalement, vous avez obtenu un entretien avec la ministre du Revenu, Mme Bibeau, n'est‑ce pas?
Dans l'ensemble, la politique fiscale est conçue au sein du ministère des Finances et non pas à celui du Revenu national. C'est la raison pour laquelle je m'interroge à ce sujet. Le rôle de la ministre du Revenu national consiste essentiellement à superviser les activités de l'ARC, mais pas à élaborer des politiques fiscales. La personne que vous avez rencontrée n'a probablement pas participé à l'élaboration de cette politique, ce qui est dommage.
Il aurait été préférable que la ministre des Finances vous montre un peu de respect, se présente et vous parle directement des raisons pour lesquelles elle augmentait essentiellement les impôts de votre industrie et de vos clients.
Vous avez rencontré la ministre Bibeau. Pouvez-vous me parler de cette rencontre? Que lui avez-vous dit?
Nous avons parlé des répercussions de la modification sur les petites entreprises, un peu comme je l'ai fait aujourd'hui. Elle a expliqué plus en détail la raison pour laquelle le gouvernement soutient cette mesure. Nous lui avons fait part des défis à relever. Nous n'appartenons pas à la tranche de 1 % qui est touchée. Nous n'en faisons pas partie.
Lui avez-vous demandé si le gouvernement avait des données sur le nombre de personnes qui allaient être touchées, et si cela allait entraîner...?
En fait, ma question est la suivante: le gouvernement avait‑il des données sur l'effet qu'aurait cette hausse d'impôt sur notre PIB? Ce sujet a‑t‑il été abordé?
Je tiens à remercier tous les témoins de leurs témoignages excellents et fort importants d'aujourd'hui.
Je vais commencer par m'adresser un instant à vous, madame Wilson.
Je trouve toujours très réconfortant d'accueillir des représentants de petites entreprises au Comité. Nous avons une économie de la petite entreprise au Canada. Nous nous soucions de nos petites entreprises. Il est important pour nous d'entendre leur témoignage, et je vous remercie d'être ici.
Je vous dirai cependant qu'à notre dernière réunion, nous avons posé une question au sujet du premier ministre Mulroney, qui, lorsqu'il était au pouvoir, a en fait augmenté le taux d'inclusion des gains en capital à 75 %. Cette hausse ratissait plus large et n'incluait pas notre seuil de 250 000 $. Nous avons demandé à des économistes ayant fait des études si, après l'augmentation à 75 % — qui était beaucoup plus élevée que les 66 % que nous avons proposés —, il y avait eu un effet sur la productivité et l'innovation et si la mesure avait entraîné des pertes d'emplois massives pour les Canadiens. On nous a confirmé que ce n'était pas le cas.
Je tiens à vous dire que c'est certainement une source de préoccupation. Nous y songeons, et c'est une chose qui nous préoccupe, mais c'est ce qui nous a été confirmé lors des témoignages d'autres économistes.
Je trouve également très intéressant que, dans votre témoignage, vous dites vouloir vraiment garder le plus d'argent possible dans l'entreprise pour que la prochaine génération puisse également faire croître une entreprise ou reprendre ces activités. Si nous avons ajusté ce taux d'inclusion, c'est en partie parce que les jeunes de la génération Z et Y nous disaient se sentir touchés de façon disproportionnée par l'impôt sur le revenu. Nous voulions mettre en place plus de programmes, notamment en matière de logement, pour leur donner une meilleure chance d'avoir différentes options. C'est une des principales raisons. Je voulais simplement vous faire savoir que c'était un élément déterminant de notre raisonnement.
Je tiens à remercier M. Davies. Je lui dis souvent qu'il vole toutes mes notes, parce qu'il dit littéralement ce que je m'apprête à mentionner. J'allais également énumérer un certain nombre de mesures que nous avons mises en place pour les petites entreprises. En fait, j'aimerais beaucoup que vous me disiez si elles vous sont vraiment utiles — et non pas en tant que membre du Comité. Lorsque nous mettons en place des mécanismes pour aider les petites entreprises, nous voulons qu'ils portent leurs fruits.
L'autre chose que je vous dirais, c'est qu'il y a quelques années, nous avons réduit nos taux d'imposition des sociétés à 9 % parce que nous voulions qu'ils restent parmi les plus bas de nos concurrents.
Quoi qu'il en soit, je tenais simplement à vous le mentionner et à dire, en réponse à ce témoignage très convaincant, que nous nous soucions de la situation et que nous continuerons de suivre les données probantes entourant toutes ces décisions.
Pourriez-vous prendre deux secondes pour nous dire ce que vous en pensez? J'aurai ensuite une question pour MM. Genest-Grégoire et Olivier Jacques. Vous n'avez pas à commenter si vous ne le voulez pas.
Non, je tiens simplement à vous remercier de m'avoir écoutée et de m'avoir donné cette occasion. Je viens d'une ville de 30 000 habitants. Ce n'est pas tous les jours que j'ai cette chance, c'est certain, et je vous en suis reconnaissante.
Ce que je veux dire, c'est que je pense que l'environnement économique est différent maintenant. Nous constatons que nos jeunes employés ont beaucoup de difficulté à obtenir des capitaux pour acheter l'entreprise ou participer à ces discussions. J'ai acheté ma première maison pour moins de 300 000 $, et maintenant, le prix moyen d'une maison est d'un million de dollars dans le même secteur. Il y a des enjeux liés au capital. Je n'ai pas entendu les chiffres historiques que vous venez de présenter, mais nous devons les examiner globalement pour voir si nous nous trouvons dans le même scénario qu'aujourd'hui.
Je vais m'adresser à M. Genest-Grégoire ou à M. Jacques, et l'un ou l'autre peut répondre. Je veux simplement savoir si la réduction du taux d'inclusion des gains en capital par le passé a entraîné une augmentation des investissements des entreprises.
La deuxième partie de la question est de savoir si la baisse a finalement profité au travailleur canadien moyen au cours des 40 à 50 dernières années. Je ne sais pas qui veut répondre en premier.
Je pense qu'il n'y a aucune preuve voulant que le fait d'augmenter un peu l'impôt sur les gains en capital aurait un effet négatif sur l'économie, car il n'y a pas vraiment de preuves que la diminution de l'impôt sur les gains en capital a eu un effet positif sur l'économie.
Ce que nous savons, toutefois, c'est que la réduction de l'impôt sur les gains en capital a entraîné une plus grande inégalité. Il existe des preuves de quasi-causalité à cet égard. Cependant, si nous regardons l'histoire, nos périodes de croissance les plus fortes ont été celles où les gains en capital étaient plus élevés. Si vous comparez les pays, ce n'est pas parce que l'impôt sur les gains en capital est plus élevé que la croissance est plus faible. Il est très difficile d'établir ces preuves. Je ne pense pas qu'il y ait de preuves solides à cet égard.
J'aimerais ajouter quelque chose brièvement, si vous me le permettez.
Ce qu'indiquent les résultats des recherches, c'est que les changements apportés à l'imposition des gains en capital auront surtout des effets quant au moment où les gens agiront. À part en cas de décès, c'est une imposition dont on contrôle le moment, c'est-à-dire qu'on choisit le moment où on procède à la vente. Lorsqu'on change de taux, on voit des effets liés au moment où les gens agissent. Par exemple, on se doute que, cette année, il y aura plus de gains en capital qu'il n'y en avait l'an passé, parce que des gens ont devancé des ventes pour qu'elles se fassent avant le changement du taux. Il est probable que, l'année prochaine, il y en aura anormalement moins.
Ultimement, on voit surtout des changements d'ordre temporel. Essentiellement, des gens vont vendre leurs actifs un petit peu plus tard pour compenser l'impôt qui sera légèrement plus élevé. Donc, si l'actif est rentable, on peut le conserver un peu plus longtemps, car la rentabilité va compenser l'impôt supplémentaire. On sera possiblement capable de tirer les mêmes fonds de la vente du même bien simplement en le vendant deux ou trois ans plus tard.
Nous entamons notre troisième série. Je vais essayer d'avoir une série complète, mais nous devrons être très rigoureux. Monsieur Stewart, vous avez la parole pendant les cinq premières minutes.
Madame Yetman, j'ai une question pour vous. J'ai de nombreux enseignants dans ma famille, alors je vous remercie beaucoup de votre contribution à l'éducation des jeunes Canadiens.
Connaissez-vous la valeur de votre pension en dollars courants?
Oui, en effet. Elle vaut plusieurs millions de dollars. Si vous deviez encaisser le montant de votre pension, seriez-vous heureuse de verser de l'impôt sur ce montant à un taux plus élevé? Votre pension est un actif en soi, n'est‑ce pas?
C'est ce qu'on demande. On demande que leur pension soit imposée à un taux plus élevé que lorsqu'ils ont pris leurs décisions d'investissement. Je veux que ce soit clair pour tout le monde dans la salle. C'est ce qu'on demande.
Oui, et j'ai eu une petite conversation avec Mme Montana Wilson juste avant la réunion. Je suis très chanceuse; j'ai un régime de pension. Je pense qu'il en va de même pour tout le monde autour de la table, sauf peut-être pour vous.
Je vais simplement finir de répondre à la question.
J'estime que tous les Canadiens méritent d'avoir une bonne pension. Il ne s'agit pas de me comparer à qui que ce soit. Il s'agit de se demander pourquoi tous les Canadiens n'ont pas une bonne pension et pourquoi on ne s'occupe pas d'eux lorsqu'ils prennent leur retraite.
C'est une bonne transition, car les entreprises ont plus de chance de réussir lorsqu'elles peuvent affecter leurs capitaux de la façon la plus efficiente possible, et affecter des capitaux dans un régime au taux d'imposition plus élevé signifie qu'elles vont automatiquement se tourner vers des endroits où les impôts sont moins élevés, ce qui veut dire ailleurs, soit aux États-Unis, soit dans d'autres pays où le capital est imposé à un taux moins élevé. Nous en avons déjà parlé d'ailleurs lors de mes questions précédentes sur le capital de risque.
Encore une fois, je viens de remporter une circonscription avec quelques points d'avance sur les libéraux qui la détenaient avec une vingtaine de points d'avance. L'impôt sur le capital est l'un des problèmes dont les électeurs m'ont parlé. Cela a influé sur le fait que j'ai été élu, alors ce que mes électeurs disaient au sujet du capital de risque et de la croissance des petites entreprises me tient vraiment à cœur. Le capital de risque ne concerne pas seulement les entreprises du secteur de la technologie, mais aussi celles du secteur de la construction, de la fabrication, etc., qui vont investir à l'étranger.
Cela m'amène à poser une question à Mme Wilson au sujet de notre compétitivité à l'échelle mondiale. Selon vous, comment se compare le succès de votre entreprise et les rendements que vous pouvez obtenir sur votre capital par rapport à ceux de vos concurrents aux États-Unis?
Je peux parler du niveau de consolidation dans notre industrie. Nous voyons des entreprises non canadiennes acheter des entreprises canadiennes et transférer cette richesse à l'extérieur du pays en raison des taux d'imposition.
Constatez-vous que les capitaux ne sont pas réinvestis dans l'entreprise et ne créent pas plus d'emplois, mais qu'ils sont plutôt simplement mis de côté. Que font les gens de leurs capitaux?
Je ne fais pas partie d'une grande entreprise, alors je ne me sens pas très à l'aise de répondre à cette question, si ce n'est pour dire que je ne crois pas...
Tout d'abord, je remercie les témoins qui sont en présentiel aujourd'hui et ceux qui sont en ligne. Les témoignages sont, bien entendu, très importants et très pertinents à tous les égards.
Je veux d'abord parler des petites entreprises en général au Canada. Elles sont l'épine dorsale de nos collectivités et de notre économie.
La ville que je représente, Vaughan, est la plus grande économie de la région de York qui compte 1,4 million d'habitants. Nous avons environ 20 000 petites et moyennes entreprises, et plus de 230 000 personnes travaillent dans ces entreprises. Je connais le dynamisme des entreprises canadiennes. J'adore cela. Cela crée de la richesse et des emplois.
L'une des premières mesures que nous avons prises en 2015 a été de réduire le taux d'imposition des petites entreprises de 11 % à 9 %. Une autre mesure se trouvait dans le budget de 2022, et je voulais m'assurer aujourd'hui que cela figure au compte rendu. L'accès à ce taux d'imposition diminuait progressivement et était éliminé complètement lorsque le capital imposable atteignait 15 millions de dollars. Nous avons augmenté ce montant à 50 millions de dollars. C'est une mesure qui est, bien sûr, déjà en cours. De 2023 à 2026‑2027, selon les prévisions, les PME au Canada réaliseront ainsi des économies d'impôt de près de 700 millions de dollars.
Dans quelques semaines, nous célébrerons et soulignerons l'entrée en vigueur de la baisse des frais de carte de crédit pour les petites entreprises partout au Canada et le travail qu'a fait la vice-première ministre et ministre des Finances auprès des émetteurs, alors je suis heureux de voir cela se concrétiser.
En ce qui concerne les gains en capital, comme je l'ai dit il y a deux jours lors de notre réunion de mardi, j'ai examiné cette question et je l'ai étudiée avec rigueur en tant que détenteur d'un titre d'analyste financier agréé et en tant que personne qui a passé 22 ans à Bay Street et à Wall Street. Je suis en faveur du passage à un taux d'inclusion de 66 %. Le taux d'imposition réel sur les gains en capital était de 25 % avant cette mesure. Il se situe maintenant autour de 30 %, selon la province où vous vous trouvez et votre taux d'imposition sur le revenu des particuliers. Pourquoi? Cela élimine des pratiques non efficientes dans notre régime fiscal, et M. Stewart sait ce qu'est le dépouillement des surplus et comment les entreprises l'utilisent.
Il n'y a pas de lien de cause à effet entre le taux d'inclusion, ou son niveau, et la croissance économique, pour de nombreuses raisons. La croissance économique est une question complexe. Nous faisons du bon travail pour ce qui est de faire croître notre économie, mais la croissance économique repose sur de nombreux facteurs.
Madame Wilson, je comprends les petites entreprises. Vous n'avez pas de régime de retraite à prestations déterminées. D'autres en ont, et j'en suis très conscient. Votre fonds de pension, pour de nombreux propriétaires de petites entreprises, est votre entreprise, et c'est pourquoi, dans nos mesures, il y a une augmentation de l'exonération cumulative des gains en capital. Il y a l'incitatif à l'entrepreneuriat canadien. Nous avons mis en place un certain nombre de nouvelles mesures qui sont bonnes pour les petites entreprises.
Cependant, au bout du compte, nous devons vraiment éviter une concentration extrême de la richesse au pays. Nous devons éviter cela. Le fait d'avoir un faible taux d'imposition sur les gains en capital et un faible taux d'imposition réel par rapport aux dividendes et aux intérêts entraîne une concentration extrême de la richesse, et nous devons éviter cela. C'est la raison pour laquelle je suis en faveur de cette mesure.
Je m'excuse auprès des témoins du Québec. Vous avez parlé de ce qui stimule la croissance économique et réduit les inégalités. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Comme vous venez de le mentionner vous-même, la croissance économique est causée par de nombreux facteurs. Le taux d'imposition est un facteur parmi d'autres. La décision d'une entreprise de venir au Canada ou la décision d'un Canadien de créer une entreprise est influencée par énormément de facteurs. Ces derniers incluent aussi le stock de capital humain, le stock de capital physique et bien plus l'impôt des entreprises que le taux effectif sur les gains en capital. D'ailleurs, je suis en train de regarder les données de l'OCDE en ce moment même, et ce n'est pas tout à fait clair que le taux effectif d'imposition sur le capital est plus élevé au Canada en ce moment qu'il ne l'est aux États‑Unis.
J'ai deux questions qui s'adressent à M. Genest‑Grégoire, et je vais les poser l'une à la suite de l'autre.
Ma première question est la suivante.
En tant que fiscaliste, êtes-vous inquiet de savoir que la date d'entrée en vigueur du changement était à la fin du mois de juin dernier, que nous n'avons pas le texte officiel de cette mesure et que le gouvernement pourrait être défait à tout moment? Cela laisserait un flou en matière de fiscalité, ce qui serait probablement très inquiétant pour vous.
Ma deuxième question est la suivante.
Avez-vous regardé la proposition de CPA Canada, soit Comptables professionnels agréés du Canada, qui consiste à offrir aux contribuables la possibilité de réaliser un gain en capital avant le 25 juin dernier et de procéder à un report prospectif du seuil de 250 000 $?
Je veux juste préciser que, bien que j'enseigne au Département de fiscalité, je suis économiste. Je ne voudrais pas me substituer à mes collègues fiscalistes.
Par contre, c'est quand même très bien reconnu chez les économistes aussi que la prévisibilité est extrêmement importante pour la planification des investissements, entre autres. Le fait d'annoncer une mesure sans être capable de fournir le texte législatif correspondant n'est pas une façon idéale de procéder. Je ne vole pas leurs paroles, mais beaucoup de mes collègues fiscalistes et de professeurs de fiscalité ont été un peu choqués par cette façon de procéder. Ce n'est certainement pas l'idéal pour permettre aux gens de planifier leurs affaires adéquatement.
En ce qui concerne la possibilité de déclarer ce gain de façon prospective, il me semble que cette avenue aurait aussi facilité la vie de tous les gens qui, sans dire nécessairement qu'ils étaient mal pris, auraient voulu réorganiser leurs affaires pour répondre à une situation de neutralité accrue. S'ils avaient eu la possibilité de réaliser le gain avant la date d'entrée en vigueur de cette mesure, cela leur aurait probablement simplifié la vie.
Madame Trottier, même après ces changements, les Canadiens auront toujours 50 % de leurs gains en capital de moins de 250 000 $ non imposables, comme c'est le cas actuellement, et ils auront toujours un tiers de leurs gains en capital de plus de 250 000 $ non imposables. Les gens seront dans la position enviable de toujours pouvoir mettre à l'abri au moins un tiers de leurs gains en capital et de ne pas payer un sou d'impôt sur ces gains, alors que, comme l'a dit notre témoin de la Fédération des enseignantes et des enseignants, les enseignants, les infirmières, les plombiers, les travailleurs d'entrepôt et les chauffeurs de taxi doivent payer de l'impôt sur 100 % de chaque sou qu'ils gagnent.
Pensez-vous que ce changement modeste va avoir une incidence sur les décisions d'investissement ou de création d'emplois des plus riches au Canada?
Je pense que cela n'aura aucune incidence, pour être honnête avec vous. Cela n'aura aucune incidence sur ma vie. Je pense que cela n'aura aucun effet notable sur les Canadiens les plus riches.
Cependant, comme l'un des témoins l'a dit, je pense que les recettes qui seront perçues grâce à ce changement auront une incidence spectaculaire sur la vie de presque tous les Canadiens. Les programmes financés par cette mesure vont avoir des retombées énormes. À mon avis, c'est une excellente politique.
Pour revenir à ce que vous avez dit, le fait que les gens riches bénéficieront encore de cet allégement fiscal intégré demeure, à mon avis, profondément injuste. Je pense vraiment qu'il s'agit d'une mesure très positive et solide, et j'y suis favorable. J'encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures en ce sens, y compris à envisager un impôt sur la fortune des ultra-riches, notamment les milliardaires.
Madame Yetman, cela va générer 19 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. Que feriez-vous de ces 19 milliards de dollars si vous étiez première ministre?
Si j'étais première ministre et que j'avais 19 millions de dollars, je l'investirais certainement dans l'éducation. Je sais que l'éducation ne relève pas du gouvernement fédéral, malheureusement, mais le sous-financement systémique a créé une crise dans le domaine de l'éducation partout au Canada.
Monsieur Jacques ou monsieur Genest‑Grégoire, qu'est‑il arrivé aux inégalités sur le plan de la richesse entre, disons, les années 2019 et aujourd'hui?
Je ne suis pas certain. Je n'ai pas consulté les données récemment, mais il est clair que l'inégalité de la richesse a augmenté au cours des 40 dernières années. Je ne sais pas exactement ce qu'il en est des quatre dernières années.
Quelqu'un a parlé de l'aggravation des inégalités sur le plan de la richesse. Le gouverneur de la Banque du Canada dit que l'inflation ruine les ménages à faible revenu et accroît les inégalités sur le plan de la richesse. Êtes-vous d'accord avec lui?
Au cours des dernières années, nous avons assisté à une inflation énorme du prix des actifs, alimentée par l'impression d'argent et une dette bon marché, ce qui a augmenté la valeur des actifs et a creusé, en fait, les inégalités sur le plan de la richesse. Le gouvernement devrait sans doute se préoccuper de ce qui a fait croître l'inflation. Il pourrait envisager de se pencher sur cette question.
Madame Yetman, j'ai remarqué que dans la liste de programmes que vous étiez très heureuse de voir le gouvernement mettre en place, vous n'avez pas mentionné l'assurance-médicaments. Je suis simplement curieux de savoir si vos membres appuient l'assurance-médicaments, puisque vous parlez au nom de vos membres. Soutiennent-ils le programme d'assurance-médicaments à payeur unique, ou voudraient-ils conserver leur régime?
M. Adam Chambers: Appuyez-vous l'élimination des régimes de soins de santé actuels de vos membres en faveur d'un modèle d'assurance-médicaments universel à payeur unique? J'essaie simplement de comprendre votre position, en tant qu'organisme, sur l'assurance-médicaments.
Eh bien, si vous voulez que je parle pour moi, je peux le faire. Croyez‑le ou non, mon régime d'assurance-médicaments m'appartient, parce que je suis membre d'un syndicat, et c'est ce qu'il fait. Il s'occupe des soins de santé pour moi, alors...
Si le régime était de moins bonne qualité que celui que vous avez aujourd'hui, voudriez-vous vous débarrasser du régime que vous avez actuellement pour le remplacer par un autre?
Je tiens à remercier tous les témoins de comparaître dans le cadre de l'étude des conservateurs sur les gains en capital.
Je vais commencer mes questions par Mme Trottier.
Madame Trottier, pendant votre témoignage, je n'ai pas pu m'empêcher de remarquer que des gens autour de la table étaient stupéfaits. Parmi votre réseau et vos amis philanthropes, êtes-vous la seule à penser, comme c'est le cas, que cette politique sur les gains en capital est une bonne idée?
Je suis loin d'être la seule. Je suis très heureuse de collaborer avec un groupe de millionnaires de partout au Canada qui croit fermement que ce changement est un pas dans la bonne direction, et nous avons des collègues partout dans le monde qui disent aussi que c'est une très, très bonne idée.
Je trouve cela intéressant, car je n'ai pas vu grand-chose dans les médias sur ce point de vue. Je note, bien sûr, votre publication dans Options politiques du 27 mai 2024. Est‑ce la seule publication dont vous êtes l'autrice?
C'est la seule que j'ai rédigée au sujet de ce changement particulier.
Je trouve aussi cela intéressant qu'il n'y ait pas eu beaucoup de voix dans les médias en faveur de ce changement. Beaucoup de gens dans les journaux et à la télévision, en particulier au début, ont fait des déclarations grandiloquentes sur les dangers de ce changement. À mon avis, du moins, on n'a pas laissé beaucoup de place à ceux qui sont en faveur de ce changement.
Je trouve très encourageant d'être ici aujourd'hui avec des témoins qui ont beaucoup d'expertise et qui sont d'accord pour dire que c'est un pas dans la bonne direction. J'espère que ces voix seront entendues, car les sondages montrent que la grande majorité des Canadiens sont en faveur de l'imposition des riches, alors je crois que les Canadiens sont en faveur de ce changement.
Vous avez dit plus tôt que ce changement n'aurait pas d'incidence sur vos décisions d'investissement dans l'entreprise que vous avez mentionnée dans votre déclaration préliminaire. Est‑ce exact?
Oui. Ce n'est absolument pas un élément qui est pris en considération lorsque l'entreprise familiale parle d'investir dans elle-même, et lorsque nous, en tant que famille, prenons des décisions au sujet d'autres investissements — parce que nous investissons dans d'autres entreprises au Canada —, ce changement n'aura aucune incidence sur nos décisions de continuer à investir au Canada.
J'aimerais maintenant poser une question à M. Genest‑Grégoire.
Avec mon collègue, vous parliez des répercussions économiques qu'engendrera ou non l'augmentation du taux d'inclusion des gains en capital. Ai-je bien compris que, selon vous, il n'existe pas de meilleur moyen que cette politique pour se concentrer sur les gains en capital réalisés par les plus riches tout en limitant les effets collatéraux?
Je vous donne l'occasion d'approfondir cette réflexion.
C'est une phrase d'économiste universitaire, mais, essentiellement, quand on conçoit la politique fiscale, on essaie à la fois de réduire les inégalités et de minimiser son effet sur l'incitation à travailler ou à investir. On peut rarement faire les deux, alors on essaie d'atteindre le meilleur ratio. Dans ce cas-ci, le ratio entre la réduction des inégalités et les coûts en matière d'emplois et d'investissement est extrêmement bon. Il n'y a probablement pas grand-chose dans le coffre à outils du gouvernement fédéral qui offre un meilleur rendement à cet égard.
Oui, cette opinion est partagée par plusieurs autres professeurs, qui ne viennent pas tous du Québec, soit dit en passant. Je pense à Kevin Milligan, de l'Université de la Colombie‑Britannique, qui a formulé des commentaires extrêmement similaires, et à Michael Smart, de l'Université de Toronto, qui a dit essentiellement la même chose.
Parmi les outils disponibles, c'est ce qui permet de réduire les inégalités au plus faible coût en matière d'emplois et d'investissement.
Merci, madame Bendayan, et merci à nos excellents témoins de leur témoignage dans le cadre de cette étude sur les gains en capital. Nous vous souhaitons une belle fin d'après-midi et une belle soirée. Merci beaucoup d'avoir comparu devant le comité des finances.